THE SPECTATOR → the judgement
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Soo veel als’er tot noch toe de naam van Konstkenders en beminnaars met waarheyd gedragen hebben, zijn doorgaans van oordeel geweest, dat de Oude overblijffselen der goede statu-Beelden en Half ronden en ’t geen in de bloey-tijd der Schilder en Bootseer-kunde gemaakt is voor de Schoonste in de Konst, en voor de Leerlingen de beste en volmaaktste Voor-beelden te houden sijn. Welke waarheyd van de neerstigen Heer Jan de Bisschop, aangemerkt zijnde, hem ook opentlijk in de Opdragt van sijn vijftig eerst uytgegeven statu-Beelden, heeft doen belijden; dat hy door lange ervarentheyd, in dat gevoelen meer en meer bevestigt was. Want het zy, segt hy, dat we onse meeninge bouwen op d’agting en hoogen prijs, welke voor dusdanige Konstbeelden, al van ouden tijden is betaald geworden, (waar van Cicero, Plinius en andere mannen van kennis; Beneffens de daaglijxse ervarentheyd getuygen konnen zijn:) of dat wy Raphael d’Urbijn, of Michel Angelo en sulke Meesters, ’t selve niet alleen met woorden, maar ook met der daat sien bevestigen; wy sullen bevinden datse hun geheele oeffening dar na gerigt hebben. En voor soo ver, veel eer Roovers dan Navolgers geworden zijn. Waarlijk seyd hy vorder, daar is geen andere reden, dat Vrankrijk, nu in der daat de Kroon spannende, het nu soo ver gebracht heeft, als dat het te Roomen met goede opmerking, de Oude Pronkbeelden wel doorsien, en der selver navolger Poussijn met veel Eer ontfangen, en seer hoog geagt heeft.
[suggested translation, Marije Osnabrugge:] As many as have rightfully carried the name of Connoisseur or lover, they were commonly of the opinion that the Ancient remains of good Statues and Reliefs and all that has been made in the golden age of the art of Painting and Sculpture are the most Beautiful in the Art, and would be the best and most perfect Examples for the Pupils. This truth, recognized by the diligent Mister Jan de Bisschop, who confessed it publicly in the Dedication of his first fifty published Statues; that he had been confirmed in this feeling by his long experience. Since, he says, we either build our opinion on the esteem and high price, which has always been paid for these artful Sculptures, (of which Cicero, Pliny and other men of knowledge – besides the everyday experience – can bear witness of:) or we can see Raphael of Urbino or Michelangelo show it not only with words but with deeds; we will find that they have focused their whole practice on it. And as such, have rather become Robbers than Imitators. Truly, he continued, there is no other reason, that France, which truly beats the lot nowadays, has come this far, than because it has insightfully received the Romans – understanding the Old Statues well – and their imitator Poussin, with much honor, holding them in high esteem.
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ALCIPE. […] Quelle est à votre avis la premiere partie de la composition ? N’est-ce pas de vous rendre avec vérité, le sujet que l’on vous annonce ? Si l’on veut vous representer, par exemple, la mort de Jules Cesar, n’étes-vous pas à la portée de juger, si le Peintre a rendu l’image de cette scene ? n’en jugeriez-vous pas au théâtre ? ne verriez-vous pas bien si Cesar & Brutus sont les principaux objets qui frappent votre vûë ? si les autres personnages sont dans l’action, dans laquelle ils doivent être ? enfin si le mouvement de cette scene vous inspire la terreur qui doit vous inspirer ? Si ces principales parties ne s’y trouvent point, dites en sûreté que la composition de ce tableau ne vous plaît pas ; & vous aurez raison : mais ne vous pressez pas de dire que ce tableau ne vaut rien ; car il pourroit se trouver d’excellentes choses dans le détail.
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[...] Et requérant aussi des négocians un peu intéressez, qu’ils fassent leur trafic avec plus de droiture, tant pour leur bien que pour banir ce mot de manie, qu’on donne souvent à tort à plusieurs Curieux et connoissants desdits ouvrages à leur occasion : Car c’est a tort qu’on répute à folie et foiblesse d’être amateur & connaisseur de ce qui est beau & bon ; Mais c’en est bien une tres-grande, de juger de l’intention & pensée d’autruy, autant que d’en estre bien informé.
Mais pour revenir à mon dessein, je dis qu’une personne qui ignore la pratique de la Pourtraiture & Peinture, & ce qui est des particularitez cy-devant deduites en gros, quand il entend dire qu’un Peintre ou autre tel Connoissant qui n’aura jamais veu qu’un ou deux Tableaux d’un autre Peintre, supposé qu’il n’eust point changé de manière, discernera ceux qu’il sera en suitte pour en estre, quoy que differents ; Et de plus s’il y a des Coppies faites sur iceux, sans avoir veu lesdits Originaux, il les reconnoistra tels, & aussi fera la distinction s’ils sont bien ou mal coppiez, ou s’ils sont retouchez par endroits de celui qui a fait l’original ; A grand subjet de s’estonner, & de se persuader qu’il est comme impossible de connoistre ces choses, & encore plus qu’une personne comme luy qui n’est pas dans la pratique de cét Art, puisse parvenir à quelque point de cette mesme Connoissance
Selon Marianne Le Blanc (2004, p. 153), si la double question des manières et de la distinction de l’original et de la copie n’est pas entièrement neuve, Bosse l’utilise d’une manière inédite, forgeant un discours sur l’art qui répond aux attentes des amateurs, mais aussi – et peut-être surtout –, à ses ambitions concernant les peintres et la peinture. Bosse vise en effet, par ce texte, à faire entrer la peinture dans le champ de la connaissance.
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Quand il [ndr : Poussin] envoya à M. de Chantelou ce Tableau de la Vierge dont je viens de parler, il voulut luy-mesme prévenir le jugement que l’on en feroit, & témoigner qu’il sçavoit bien qu’on n’y trouveroit pas tous les charmes du coloris & du pinceau. C’est pourquoy il écrivit à M. de Chantelou, de luy en mander librement son avis. Mais qu’il le prioit de considerer que tous les talens de la peinture ne sont pas donnez à un seul homme : qu’ainsi il ne faut point chercher dans son ouvrage ceux qu’il n’a pas receüs. Qu’il sçait bien que toutes les personnes qui le verront ne seront pas d’un mesme sentiment, parce que les goust des amateurs de la peinture ne sont pas moins differents que ceux des Peintres ; & cette difference de gousts est la cause de la diversité qui se trouve dans les travaux des uns & dans les jugemens des autres.
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A l'égard de l'Allegorie, on dit, qu'il falloit considerer la difference qu'il y a entre des figures des divinités fabuleuses & des figures allegoriques, qu'à la verité, la fable est incompatible avec la verité : mais que ce seroit faire une injustice à un Peintre doüé d'un excellent genie de l'empêcher de joindre l'Allegorie à l'histoire pour en exprimer les mysteres, lors qu'on le peut faire sans nuire à l'intelligence du sujet, qu'il seroit à souhaiter au contraire, que les Peintre en ne negligeant rien de ce qui est essentiel à leur profession, appliquassent leur esprit à bien connoître le sens mystique des histoires aussi bien que le litteral, leurs ouvrages en seroient beaucoup plus considerables & satisferoient d'avantage la curiosité des Amateurs sçavans ; [...]
Une partie de ce passage de Testelin est repris par Florent Le Comte dans son Cabinet des singularitez (...), plus précisément aux pages 42-43 de son édition de 1699-1700 (Paris, Etienne Picart & Nicolas Le Clerc, tome I, vol. I).
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Les desseins des grands maîtres étant tout esprit, forment une curiosité des plus piquantes ; ils sont la meilleure instruction pour un amateur, c’est une source féconde, où il peut puiser toutes les lumières qui lui sont nécessaires ; il conversera, pour ainsi dire, il s’instruira avec ces grands hommes, en visitant un recueil de leurs desseins, il se familiarisera avec eux, leurs différentes manieres se dévoileront à ses regards. Si même ces desseins (a) sont rangés chronologiquement & par écoles, ils lui rappelleront de suite l’histoire & la vie de ces fameux artistes.
(a) L’auteur a fait une collection des desseins des grands maîtres de tous les pays, qui peut passer pour une des meilleurs de l’Europe, elle est rangée chronologiquement par écoles & composée d’environ neuf mille desseins originaux & choisis, mêlés de morceaux finis, d’études, de pensées, & d’academies.
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Il est presqu’impossible de distinguer le bon & le mauvais d’un ouvrage, & de justifier le jugement qu’on en aura porté, à moins qu’on n’ait acquis la connoissance des principes de la peinture. Par d’heureuses comparaisons, par une pénétration d’esprit, par une forte inclination, on se forme un grand goût, & une juste idée du vrai beau. L’habile peintre jugera mieux que l’amateur de ce qui est bon dans un ouvrage ; rempli des règles de son art qu’il pratique continuellement, il doit mieux les sentir dans un dessein. Si cet amateur (b) cependant, joint à l’amour qu’il a pour la peinture, quelque pratique en cet art, s’il a fait l’étude & les reflexions necessaires pour discerner ce vrai beau, il pourra s’y connoître aussi bien que l’artiste. Toute la difference qu’il y a entr’eux, c’est que le premier connoît le beau & le sçait faire, au lieu que le second ne sçait que le connoître.
(b) Ut vero imperitiores frequenter admirations quadam artis afficiantur, soli tamen artifices possunt cama cri exploratoquè judicio percensere. Artifices hîc intellige non eos tantum qui ex quotidiano harum artium usu questum faciumt, verum etiam qui ad delicatissimarum artium examen afferunt judicion longâ preparatione subactum. Junius de pictura veterum. Lib. I. cap. 5. p. 34.
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Le second point consiste à distinguer le nom & l’école de chaque maître, l’amateur en ceci vaut mieux que l’homme du métier ; ces deux connoissances tiennent plus de l’histoire de la peinture que de la pratique de la main ; elles sont le fruit d’une grande application pour distinguer les differentes écoles & la varieté des manieres ; à force d’examiner & de confronter quantité de desseins de la même main on se fait une habitude, une idée nette & distincte du caractere & de la pratique de chaque peintre, on se la rend familiere ; si elle ressemble en quelque partie à celle d’un autre maître, elle est toujours differente en quelque chose, & cela suffit, les estampes gravées d’après les peintres en font encore connoître le goût. Une heureuse mémoire, un esprit net pour retenir toutes ces pratiques differentes, sans les confondre, y est absolument necessaire.
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Ce fut assez qu’une chose eust esté faite ou dite par ces grands hommes pour estre incomparable, & c’est mesme encore aujourd’huy une espece de Religion parmy quelques Sçavans de preferer la moindre production des anciens aux plus beaux Ouvrages de tous les modernes. J’avouë que j’ay esté blessé d’une telle injustice, il m’a paru tant d’aveuglement dans cette prevention & tant d’ingratitude à ne pas vouloir ouvrir les yeux sur la beauté de nostre Siecle à qui le Ciel a departi mille lumieres qu’il a refusées à toute l’Antiquité, que je n’ay pû m’empescher d’en estre émû d’une veritable indignation […].
Il est vray qu’un celebre Commentateur m’a foudroyé dans la Preface de ses Notes, où ne me jugeant pas digne d’estre seul l’objet de son indignation, il s’adresse à tous les profanes qui se contentent comme moy de reverer les Anciens sans les adorer, & là du haut de sa science il nous traite tous de gens sans goust & sans autorité.
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[…] Qu’en un mot je suis tres convaincu que si les Anciens sont excellens, comme on ne peut pas en disconvenir, les Modernes ne leur cedent en rien, & les surpassent mesme en bien des choses. Voila distinctement ce que je pense & ce que je pretends prouver dans mes Dialogues.
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L'ABBE. Cela est tres-vray, & il y aura toûjours de la peine à comparer un tableau ancien avec un moderne, parce qu'on ne sçait ce que sera le Temps & quelles beautez il doit ajoûter au tableau nouveau fait. Ainsi, je soûtiens toûjours que la Peinture en elle-mesme est aujourd'hui plus accomplie que dans le siecle mesme de Raphaël, parce que du costé du clair obscur, de la degradation des lumières & des diverses bienseances de la composition, on est plus instruit & plus delicat qu'on ne l'a jamais esté.
LE PRESIDENT. Cependant, ce n'est pas là le sentiment commun ; & si l'on en croit les Connoisseurs, les moindres tableaux des Anciens vont devant les plus beaux des Modernes.
L'ABBE. Vous croyez sans doute que cela vient du peu d'habileté de nos Peintres & de la grande capacité de ceux qui en jugent, je vous declare que c'est tout le contraire.
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[…] Si je suis blâmable en quelque chose, c’est de m’estre engagé dans une entreprise au dessus de mes forces ; car il s’agit d’examiner en détail tous les beaux Arts & toutes les Sciences, de voir à quel degré de perfection ils sont parvenus dans les plus beaux jours de l’antiquité, & de remarquer en même temps ce que le raisonnement & l’experience y ont depuis ajoûté, & particulièrement dans le Siècle où nous sommes.
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C’estoit une histoire Angloise, dont il avoit habillé les figures à la Grecque & à la Romaine, ouvrage au reste, qui ne meritoit que le feu ou la bouë ; & lorsque je voulus lui demander raison de cent choses qui choquoient la raison, l’histoire, l’Art, la Nature & le bon sens, il me fist des réponses si remplies d’ignorance & de superbe, que je le laissay là avec ces sots admirateurs.
[…] A peine pûs-je échapper des mains de ces importuns, & lorsque je pensois estre hors de danger de telles rencontres, je me trouvay au milieu d’une troupe de Damoiseaux, qui après avoir apris deux ou trois mois à mal dessigner sous un Maistre ignorant, venoient là faire les Critiques & les Arbitres de la Peinture. Ce fut une scene assés facésieuse, de les entendre vanter leur affection pour cet Art si merveilleux.
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De sorte, dist Pymandre, que je puis sur cela vous faire une question, & vous demander ce que l’on doit le plus estimer dans un tableau ou le genie du Peintre, ou la force de l’Art.
Comme l’esprit du Peintre paroist dans tout ce qu’il fait, repartis-je, vous pourriez plustost demander lequel est le plus digne d’estime, ou celuy qui sçait tromper par la force de son Art, ou celuy qui montre beaucoup d’invention & de feu dans de grands ouvrages, mais qui ne trompent point comme les autres.
[…] Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir exécuté ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles se voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.
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Je m'étois en quelque sorte attendu à ce dernier reproche de la part du Public, & il ne m'a point surpris. Mais je vous avouerai l’avoir beaucoup été à la lecture du Paradoxe que l’on s’est efforcé d’établir, Qu’il est absolument nécessaire de proffesser un Art pour en parler avec justesse, & oser en remarquer les défauts.
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J'aymerois encore mieux n'y point aller [ndr : à Rome], repartit Leonidas, que d'en rapporter un goust artificiel comme font la pluspart de ceux qui en reviennent, & qui apres avoir oüi fort estimer les fresques de ce païs-là, sans distinction de ce qui y est estimable d'avec ce qui ne l'est pas, taschent de se dépoüiller de leur goust naturel pour les estimer aussi. Ils les voyent souvent, & à force de faire violence à leur bon sens, ils accoustument leurs yeux aux manières grises & sèches, lesquelles leur servent ensuite de règle pour juger de la Peinture. Ils content cette habitude comme un mystère qui leur avoit esté caché jusques alors, & croyent qu'il faut laisser aux âmes vulgaires l'admiration des tableaux.
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Il est quelques Artisans beaucoup plus capables que le commun des hommes, de porter un bon jugement sur les ouvrages de leur art. Ce sont les Artisans nez avec le génie de cet art, toujours accompagné d'un sentiment bien plus exquis, que n'est celui du commun des hommes. Mais un petit nombre d'Artisans est né avec du génie, & par conséquent avec cette sensibilité ou cette délicatesse d'organe superieure à celle que peuvent avoir les autres, & je soutiens que les Artisans sans génie jugent moins sainement que le commun des hommes , & si l'on veut, que les ignorans. Voici mes raisons. La sensibilité vient à s'user dans un Artisan sans genie, & ce qu'il apprend dans la pratique de son art, se sert le plus souvent qu'à dépraver son goût naturel. […]
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Les Peintres & les Poëtes, sans enthousiasme, ne sentent pas celui des autres, & portant leur suffrage par voïe de discussion, ils loüent ou ils blâment un ouvrage en géneral ; ils le définissent bon ou mauvais suivant qu'ils le trouvent régulier dans l'analyse qu'ils en font. Peuvent-ils être bons juges du tout, quand ils sont mauvais juges de la partie de l'invention, qui fait le principal mérite des ouvrages, & qui distingue le grand Homme du simple artisan.
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Avant que de pouvoir juger sur un certain ouvrage de l'état où l'Art étoit lorsque cet ouvrage a été fait, il faudroit sçavoir positivement en quelle estime l'ouvrage a été dans ce tems-là, & s'il y a passé pour un ouvrage excellent en son genre. Quelle injustice, par exemple, ne feroit-on pas à notre siecle, si l'on jugeoit un jour de l'état où la Poësie dramatique auroit été de notre tems sur les Tragedies de Pradon, ou sur les Comedies de Hauteroche ? Dans les tems les plus féconds en Artisans excellens, il se rencontre encore un plus grand nombre d'Artisans médiocres. Il s'y fait encore plus de mauvais ouvrages que de bons. Or nous courerions le risque de prononcer sur la foi d'un de ces ouvrages médiocres, si, par exemple, nous voulions juger de l'état où la peinture étoit à Rome sous Auguste, par les figures qui sont dans la pyramide de Cestius ; quoiqu'il soit très-probable que ces figures peintes à fresque aïent été faites dans le tems même que le Mausolée fut élevé, & par conséquent sous le regne de cet Empereur. Nous ignorons quel rang pouvoit tenir entre les Peintres de son tems, l'Artisan qui les fit, & ce qui se passe aujourd'hui dans tous les pays, nous apprend suffisamment que la cabale fait distribuer souvent les ouvrages les plus considerables à des Artisans très-inférieurs à ceux qu'elle fait négliger.
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But to treat Methodically of this, or as we have already enlarged in the History and Progresse of Chalcography, and the surviving labours of the most renowned Masters, would require no lesse time and pains : It were indeed a noble, curious, and useful work, but almost impossible to accomplish ; because the Original Drawings of the great Masters, being dispersed amongst the hands of the greatest Princes, and men of Science only, are preserved with jealousie, and esteem’d, as so many Jewels of greater value, then those of Pearles and Diamonds : For some of them being the very last workes, though but imperfect draughts of so Excellent Artists ; they have for the most part been in greater esteem, then even those of larger bulke and more finished ; as Pliny instances in the Iris of Aristides, the Medea of Timomachus, and some others ; because (as he there speaks) such touches did even expresse the very thoughts and prime conception of the Workman, as well as the Lineaments which he presents us ; and that there is a certain compassion in our Natures, which indears them to us, so as we cannot but love, and desire the hands which perished in the midst of such famous pieces […]
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Ce n'est donc que dans la bouche de ces hommes fermes & équitables qui composent le Public, & qui ne tiennent aux Auteurs, ni par le sang, ni par l'amitié, ni par la profession, que l'on peut trouver le langage de la vérité. L'opinion que je combats est d'autant plus singulièrement étonnante, que ceux qui en sont les inventeurs la condamnent eux mêmes, en exposant toutes les années leurs Ouvrages aux jugemens du Public ; exposition qui ne seroit plus qu'un vain spectacle pour amuser sa curiosité & braver sa critique uniquement reservée aux gens de l’Art, & à leurs infaillibles Confreres. Je ne m'arrêterai pas davantage à réfuter sérieusement une opinion aussi nouvelle que dangereuse, & je penserai toujours que rien ne sçauroit être plus utile & plus important aux Arts comme aux Lettres, que les décisions du Public, lorsqu'elles pourront arriver jusqu'aux Auteurs, sans passer par l'organe perfide des adulateurs, ou par celui des admirateurs ignorans.
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Mais la commune opinion n’admet aucune définition du Beau. Le Beau, dit-on, n’est rien de réel, chacun en juge selon son goût, en un mot, que le Beau n’est autre chose que ce qui plaît.
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Le plus grand avantage qu’on en tire vient de ce qu’elle nous apprend en quoy consiste la derniere beauté de tout ce qu’elle represente, & sur tout celle du corps humain.
Car il ne faut point douter que les Peintres ne jugent ordinairement mieux que le reste des hommes de la beauté humaine, tant à cause des regles qu’ils ont à l’esgard de la proportion des membres & des couleurs qui leur conviennent, que pource qu’ils exerçent incessamment leur imagination à former des Idées les plus accomplies qui se puissent concevoir.
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Ce n'est pas par prévention, dit Pamphile, qu'il faut se faire le Goust aux Ouvrages antiques mais par raison. Peut-estre aussi le prenez-vous trop à la lettre. Ne croyez-pas, mon cher Damon, que je veuille vous conseiller de iuger des figures peintes par la ressemblance qu'elles auront à des figures de Marbre, non plus qu'à beaucoup d'autres choses que l’on voit dans l'antique. L'idée que ie fouhaitte que vous vous en fassiez, n'est pas pour juger directement des beautez peintes ; mais des beautez naturelles : C'est à dire en deux mots, que les personnes qui auront le plus de ce bon air des Figures antiques, seront d'un meilleur choix, & les plus propres à estre peintes, & à faire l'ornement d'un beau Tableau.
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Are. [...] Je dis donc que le jugement nait generalement dans l’homme de l’experience, & de la pratique ; & comme il n’y a rien de plus familier à l’homme, que l’homme ; il s’ensuit que tout homme est en etat de juger ce qu’il voit tous les jours, comme de la beauté, de la laideur de qui que ce soit ; parceque la beauté ne provient que d’une proportion convenable, qui se trouve ordinairement dans le corps humain, & principalement à chaque membre en particulier ; & le contraire derive de la disproportion : ce jugement dependant des yeux, qui est donc celui qui ne distingue le beau d’avec le laid ? persone assurement, s’il n’est privé de vûe & de jugement ; si bien que l’homme aiant connoissance, comme il à, de la veritable forme que doit avoir notre individu, qui est l’homme vivant ; pour quoi ne l’auroit-il pas de celle qui est feinte & morte, qui est la peinture ?
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Il est vrai, que lorsqu'il s'agit du mérite des tableaux, le public n'est pas un juge aussi compétent, que lorsqu'il s'agit des mérites des poëmes. La perfection d'une partie des beautés d'un tableau, par exemple, la perfection du dessein n'est bien sensible qu'aux Peintres ou aux Connoisseurs qui ont étudié la Peinture autant que les Artisans mêmes. Mais nous discutons ailleurs [section 27] quelles sont les beautés d'un tableau dont le public est un juge non recusable, & quelles sont les beautés qui ne sçauroient être appréciées à leur juste valeur, que par ceux qui sçavent les regles de la Peinture.
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Peu d'Auteurs arriveront à une réputation du premier ordre, sans le secours des conseils & de la critique non seulement de leurs Confrères, dont la plupart ne jugent des beautés & des défauts de leur Art que relativement à la froideur & à la sécheresse des règles, ou par une routine de comparaison à leur propre manière, souvent uniforme & répétée, mais par la critique d'un spectateur désinteressé & éclairé, qui sans manier le pinceau, juge par un goût naturel & sans une attention servile aux règles.
On notera l'apparition du terme "réputation" associé à la notion de "public" défini ici comme "un spectateur désintéressé.
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[…] Aux curieux de l’Art de l’Architecture et de La Peinture et de la Sculpture. Messieurs J’ay creû ne pouvoir dédier ce petit Ouvrage qu’à vous puisque ne prenant d’autre interest dans ces questions que vous instruire & de profiter dans les connoissances que vous avez ; Il sera facile de vous détromper des erreurs vulgaires, & de vous perfectionner dans les veritables Regles, sur lesquelles la pratique doit estre fondée ; Et quoy qu’il se trouve beaucoup de personnes d’un avis contraire, si l’on considere que c’est par un interest particulier, ou quelque autre passion injuste, qu’ils s’opposent à une vérité connuë, sensible & démontrée ; Je ne doute point que toutes les indiferentes & curieuses comme vous, MESSIEURS, de la seule vérité, & de la perfection des beaux Arts, ne reçoivent favorablement ce petit Ouvrage [...].
"beaux Arts" ne comporte pas de trait d'union.
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[…] Si je suis blâmable en quelque chose, c’est de m’estre engagé dans une entreprise au dessus de mes forces ; car il s’agit d’examiner en détail tous les beaux Arts & toutes les Sciences, de voir à quel degré de perfection ils sont parvenus dans les plus beaux jours de l’antiquité, & de remarquer en même temps ce que le raisonnement & l’experience y ont depuis ajoûté, & particulièrement dans le Siècle où nous sommes.
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Daer is oock noch een ander middel, waer door den Schilder hem selven een Vermaerde Naem kan maecken: Namentlijck dat hy somtijts, tijt en vlijt daer toe aenwent, om eenige van sijn beste ordinantien en teyckeningen in print uyt te geven: {Datmen sich door Printen uyt te geven kan in naem brengen.} Want vermits die de geheele Werelt door-wandelen, en in alle Liefhebbers handen komen, en dat de Schilderyen meest altijt maer in eene plaets blijven, soo is licht af te nemen dat men door eenige Print-Konst in de Wereldt te brengen, meerder bekent kan worden.
[suggested translation, Marije Osnabrugge:] There is also another way, by which the Painter can make a Famous Name for himself: Namely that he sometimes, uses time and effort to publish some of his best composition and drawings in print: {That one can make a name for himself by publishing Prints.} Because these spread all over the world, and come into the hands of all Amateurs, and paintings usually always stay in one place, it is easy to conclude that one can become more famous by bringing some Prints into the World.
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So is het dan blijckelick dat onder 't ghetal van soo veele ende verscheyden Konsten door de welcke eenen grooten naem ende een ontsterffelicke beroemtheydt verworven wordt, dese Konste gheen van de geringhste en is, dewelcke daer af-beeldet alles watmen onder 't wijde uyt-spansel des Hemels bedeckt siet.
[Suggested translation, Marije Osnabrugge:] It is then clear that amongst the number of so many and diverse Arts in which a great name and immortal fame is obtained, this Art, which depicts all that one sees covered under the wide firmament of Heaven, is not one of the least.
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Mahler Eigenschaften, p. 149
Ein Mahler/ der ein unbehöriges Urtheil mit Bescheidenheit/ oder mit Gedult und Stillschweigen beantworten kann/ wird zuweilen einen grossen Unheil/ haß und Feindschafft entgehen; und gleich wie er von seiner Arbeit nicht gerne einen nachtheiligen Außspruch höret/ also soll er auch nicht hastig von andrer Kunststücken sich zu einem Straffrichter aufwerffen/ oder gewärtig seyn/ daß man ihm mit Maß misset/ mit welcherer andern gemessen hat.
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Der dritte Discours von der Mahlerey. Das II. Capitel, p. 65-66
Daß man hievon leichtlich judiciren lerne/ ist nichts bessers als fleißig in der Natur selbst darauf zu sehen/ wie die Schatten von der Sonnen fallen. Insgemein aber gilt diese Regul/ daß wer von Gemählden will judiciren lernen/ sich gewöhnen muß/ alles was er ansiehet/ fleißig und eigentlich durch und durch zu betrachten/und sich also die Natur in das Gedächtniß zu drücken.
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There are two Mistakes very common ; One is because a great many good Pictures are very Rough painted People fancy that is a Good Picture that is so. There is Bold Painting, but there is also Impudent Painting. Others on the contrary judge of a Picture not by their Eyes, but by their Fingers ends, they Feel if it be good. Those appear to know little of the true Beauties of the Art, that thus fix upon the least considerable Circumstance of it as if it were All, or the Principal thing to be consider’d.
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Il faut faire distinction de ce que plusieurs Praticiens & Curieux nomment ordinairement bonnes Stampes. Ils estiment, à l’exclusion des autres, celles dont le trait ou dessein est bon, ou qu’il est estimé tel, sans considerer ny faire cas de la beauté de la graveure ; de sorte qu’ils feront bien plus d’estime d’une Stampe mal gravée mesme à l’eau forte ou en bois, que d’un du plus beau burin qui se voye.
Il y en a d’autres qui ayment & trouvent leur satisfaction en la beauté de la seule graveure sans s’arrester au dessein
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On a besoin d’avoir l’esprit formé & le jugement meur, pour faire l’application de ses regles sur de bons Tableaux, & pour n’en prendre que le bon : Car il y en a qui s’imaginent que tout ce qui se trouve dans un tableau d’un Maistre qui a de la reputation, doit estre bon. Ces gens-là ne manquent jamais en copiant de s’attacher aux mauvaises choses comme aux bonnes, & les remarquent d’autant plus quelles leurs paroissent extraordinaires, & ensuite de s’en faire une loy & un precepte. Il ne faut pas aussi en prendre le bon d’une maniere creuë & grossiere, en sorte que l’on reconnoisse dans vos Ouvrages, que ce qui est de plus beau vient d’aprés un tel Maistre ; mais imitez en cecy les Abeilles qui vont dans les campagnes cueiller de chaque fleur ce qu’elles trouvent de plus propre pour en faire le miel : Ainsi il faut que le jeune Peintre ramasse de plusieurs Tableaux ce qu’il en trouvera de meilleur, & que de tout cela il se fasse une maniere qui luy soit propre.
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[...] De sorte que voulant representer dans un Tableau l’une d’icelles [ndr : l’une des Nations et époques de l’histoire] en particulier, ou plusieurs ensemble, chacune fust traittée en sa vérité, tant comme j’ay dit en l’air des figures humaines, qu’en leur geste & autres actions dependantes d’icelles, & en leurs vestemens ou draperies, puis en quelque sorte en la forme des terres & lieux, où est leur habitation, & aussi des ustensiles de leur usage ; Car par ce moyen chaque chose representeroit ainsi le vray : Mais d’autant que tout cecy ne suffit pas encore entierement à former un Tableau qui soit ce que les tres-sçavans tiennent pour excellent, qui se nomme à present parmy eux la bonne maniere, autrement le bon ou grand Goust ; à cause que de tous ces corps visibles de la nature, il y en a en divers païs dont la proportion & air, est plus agreable à l’œil de quelques personnes qu’à celuy d’autres, tant des figures humaines que des bestiaux, & partie de la terre, & en suitte des Ouvrages faits par l’industrie des hommes, comme les bastimens, & divers autres, à cette occasion il est à propos de sçavoir faire cette distinction, afin de se servir au besoin de ce qu’on peut nommer beau.
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Le bon goût est un amour habituel de l’ordre. Il s’étend, comme nous venons de le dire, sur les mœurs aussi bien que sur les ouvrages d’esprit. La symmétrie des parties entr’elles & avec le tout, est aussi nécessaire dans la conduite d’une action morale que dans un tableau. Cet amour est une vertu de l’ame qui se porte à tous les objets, qui ont rapport à nous, & qui prend le nom de goût dans les choses d’agrément, et retient celui de vertu lorsqu’il s’agit des mœurs. Quand cette partie est négligée dans l’âge le plus tendre, on sent assez quelles en doivent être les suites.
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Mais pour moy je conclus par ce qui a esté cy-devant dit, que la plus belle connoissance est, d’estimer les Tableaux, Desseins, & Tailles-Douces, par la bonté qui est en eux, & non par la reputation de leur Autheur, en sçachant ou reconnoissant en gros s’ils sont bien faits par regle, ou à veue d’œil ; Et en destail, pourquoy telle chose est belle ou laide ; Car de reïterer souvent quand on considere ces choses, qu’elles sont tres-belles & admirables, & de plus y adjoustant de ces divers mots de l’Art, cela n’est rien dire d’assuré
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Il faut faire distinction de ce que plusieurs Praticiens & Curieux nomment ordinairement bonnes Stampes. Ils estiment, à l’exclusion des autres, celles dont le trait ou dessein est bon, ou qu’il est estimé tel, sans considerer ny faire cas de la beauté de la graveure ; de sorte qu’ils feront bien plus d’estime d’une Stampe mal gravée mesme à l’eau forte ou en bois, que d’un du plus beau burin qui se voye.
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[…] J’entendis là de jeunes écervelés vanter leurs ouvrages, & se donner de l’encens avec une arrogance que j’eus peine à suporter. L’un couroit çà & là, montrant avec ostentation un ouvrage digne de risée, l’autre méprisoit son voisin, & se vantoit d’avoir seul la veritable science de la Peinture : Je vis même avec douleur des laquais & des faquins s’ériger en Censeurs, prendre la qualité de Maistres-Peintres, & mépriser avec une insolence enragée, les Raphaëls, les Poussins & leurs semblables, & proposer pour deffi leurs effroyables barboüilleries, entre lesquelles un de ces Cacopeintres tardif & fantasque au possible s’écria tout d’un coup : Laissez, Messieurs, ces ignorans, & si vous voulez voir des Tableaux dignes de votre estime, considerez ceux-cy tous de mon invention, dans lesquels vous trouverez je m’asseure, autant de sujets d’admiration que de figures ; je ne doute pas que plusieurs de mes competiteurs n’y portent envie, mais je sçay bien que tres-peu les pourroient imiter.
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But to treat Methodically of this, or as we have already enlarged in the History and Progresse of Chalcography, and the surviving labours of the most renowned Masters, would require no lesse time and pains : It were indeed a noble, curious, and useful work, but almost impossible to accomplish ; because the Original Drawings of the great Masters, being dispersed amongst the hands of the greatest Princes, and men of Science only, are preserved with jealousie, and esteem’d, as so many Jewels of greater value, then those of Pearles and Diamonds : For some of them being the very last workes, though but imperfect draughts of so Excellent Artists ; they have for the most part been in greater esteem, then even those of larger bulke and more finished ; as Pliny instances in the Iris of Aristides, the Medea of Timomachus, and some others ; because (as he there speaks) such touches did even expresse the very thoughts and prime conception of the Workman, as well as the Lineaments which he presents us ; and that there is a certain compassion in our Natures, which indears them to us, so as we cannot but love, and desire the hands which perished in the midst of such famous pieces […]
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LE CHEVALIER. Je vous avoue que le tableau de la famille Darius m'a toûjours semblé le chef-d’œuvre de Monsieur le Brun ; & peut-estre que l'honneur qu'il a eu de le peindre sous les yeux du Roy, est cause qu'il s'y est surpassé luy-mesme ; car il le fit à Fontainebleau, où Sa Majesté prenoit une extreme plaisir tous les jours à le voir travailler.
LE PRESIDENT. Quoy donc le saint Michel & la sainte famille que nous venons de voir, ne seront pas comparables aux tableaux de Monsieur le Brun.
L’ABBE. Je serois bien faschée d'avoir avancé une telle proposition, ce sont deux chef-d'œuvres incomparables, & qui surpassent comme je l'ay déja dit, tout ce que l'Italie a de plus beau. Il y a quelque chose de si grand & de si noble dans l'attitude & dans l'air de teste du saint Michel ; la correction du dessein y est si juste, & le mélange des couleurs si parfait, que ce qui peut y estre desiré comme un peu moins de force dans l'extremité des parties ombrées, n’empesche pas qu'il ne soit le premier tableau du monde, à moins qu'on ne luy fasse disputer ce rang par le tableau de la sainte Famille.
LE PRESIDENT. Vous passez donc condamnation pour ces deux tableaux ; & voila le siecle de Raphaël au dessus du nôtre.
L' ABBE. Cela ne conclut pas.
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L’industrie humaine ayant ensuite inventé les beaux Arts sur le modèle de la Nature, & ces Arts ayant eu pour objet l’agrément & le plaisir, qui sont, dans la vie, un second ordre de besoins ; la ressemblance des Arts avec la Nature, la conformité de leur but, sembloient exiger que le Goût naturel fût aussi le Juge des Arts : c’est ce qui arriva. Il fut reconnu, sans nulle contradiction : les Arts devinrent pour lui de nouveaux Sujets, si j’ose parler ainsi, qui se rangerent paisiblement sous sa Juridiction, sans l’obliger de faire pour eux le moindre changement à ses loix. Le Goût resta le même constamment : & il ne promit aux Arts son approbation, que quand ils lui feroient éprouver la même impression que la Nature elle-même ; & les chefs-d’œuvres des Arts ne l’obtinrent jamais qu’à ce prix.
Mais cette perfection n’a rien changé dans son essence. Il est toujours tel qu’il etoit auparavant : indépendant du caprice. Son objet est toujours essentiellement le bon. Que ce soît l’Art qui le lui présente, ou la Nature, il ne lui importe, pourvu qu’il jouisse. C’est sa fonction.
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Apres luy [n.d.r. Simon Frisius] nous avons Matthieu Merian Suisse, lequel a selon mon sens fait des ouvrages à l’eau forte aussi nets & egalement travaillez que lon puisse faire ; & lon pourroit dire qu’il eust fait en sorte que la partie de ses hacheures qui approche le plus de l’illuminé ou du jour eus esté plus déliée & perduë, il eus testé difficile de faire mieux & plus net ; mais ce que lon trouve à desirer en son ouvrage est que les sorties de ses hacheures finissent fort à coup, qui fait connoistre aux clairs-voyants que c’est à l’eau forte.
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Du jugement qu’on doit faire sur les ouvrages d’un peintre
Premierement, vous devez considerez si les figures monstrent un relief conforme au lieu & à la lumiere où elles sont, & que les ombres ne soient pas les mesmes aux extremitez de l’histoire que dans le milieu parce que c'est une autre chose d'estre tout environné de l'ombre, ou de ne l'avoir que d'un costé : ces figures-là sont environnées de l'ombre qui se trouvent dans le milieu de l'histoire, d'autant qu'elles sont ombrées par les figures qui se rencontrent entr'elles & la lumière : & celles-là ne sont ombrées que d'un seul costé qui sont placées entre la lumière et l'histoire, parce que là où la lumière ne passe point, le corps de l'histoire s'y rencontre, et l'obscurité des figures s'y fait remarquer, & où le corps de l'histoire ne se trouve point, là se void l'éclat du jour & y représente sa clarté.
Secondement, que dans l’ordonnance ou disposition des figures, il paroisse qu’elles sont accomodées au sujet, & à la representation de l’histoire que vous traittez.
En troisième lieu, que les figures soient bien attentives & fassent une expression convenable à leur attitude particulière.
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Voici quel est l’usage que je fais de ma Balance.
Je divise mon poids en vingt degrés, le vingtiéme est le plus haut, & je l’attribue à la souveraine perfection que nous ne connaissons pas dans toute son étendue. Le dix-neuviéme est pour le plus haut degré de perfection que nous connoissons, auquel personne néanmoins n’est encore arrivé. Et le dix-huitiéme est pour ceux qui à notre jugement ont le plus approché de la perfection, comme les plus bas chiffres sont pour ceux qui en paroissent les plus éloignés.
Je n’ai porté mon jugement que sur les Peintres les plus connus, & j’ai divisé la Peinture en quatre colonnes, comme en ses parties les plus essentielles, sçavoir, la Composition, le Dessein, le Coloris, & l’Expression. Ce que j’entens par le mot d’Expression, n’est pas le caractere de chaque objet, mais la pensée du cœur humain. On verra par l’ordre de cette division à quel degré je mets chaque Peintre dont le nom répond au chiffre de chaque colonne.
[…]
Or comme les parties essentielles de la Peinture sont composées de plusieurs autres parties que les mêmes Peintres n’ont pas également possedées, il est raisonnable de compenser l’une par l’autre pour en faire un jugement équitable. Par exemple, la Composition résulte de deux parties ; sçavoir, de l’Invention & de la Disposition. […] Dans le Dessein il y a le Gout & la Correction, l’un peut se trouver dans un Tableau sans être accompagné de l’autre, ou bien ils peuvent se trouver joints ensemble en differens degrés & par la compensation qu’on doit faire, on peut juger de ce que vaut le tout.
[…] j’avertis que pour critiquer judicieusement il faut avoir une parfaite connoissance de toutes les parties qui composent l’ouvrage & des raisons qui en font un bon tout. Car plusieurs jugent d’un Tableau par la partie seulement qu’ils aiment, & ne comptent pour rien celles qu’ils ne connoissent ou qu’ils n’aiment pas.
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Mais son principal usage [ndr : la peinture] n’est pas seulement en de semblables observations, ny, comme dit Aristote {L. 8. Polit. c. 3.}, à donner une si parfaite connoissance des tableaus qu’on n’y puisse jamais estre trompé, soit pour la main ou la maniere des grands maistres, soit pour le fin discernement des copies d’avec les originaux, soit pour le prix qui depend presque tousjours de la fantaisie. Le plus grand avantage qu’on en tire vient de ce qu’elle nous apprend en quoy consiste la derniere beauté de tout ce qu’elle represente, & sur tout celle du corps humain.
Car il ne faut point douter que les Peintres ne jugent ordinairement mieux que le reste des hommes de la beauté humaine, tant à cause des regles qu’ils ont à l’esgard de la proportion des membres & des couleurs qui leur conviennent, que pource qu’ils exerçent incessamment leur imagination à former des Idées les plus accomplies qui se puissent concevoir.
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Mais pour moy je conclus par ce qui a esté cy-devant dit, que la plus belle connoissance est, d’estimer les Tableaux, Desseins, & Tailles-Douces, par la bonté qui est en eux, & non par la reputation de leur Autheur, en sçachant ou reconnoissant en gros s’ils sont bien faits par regle, ou à veue d’œil ; Et en destail, pourquoy telle chose est belle ou laide ; Car de reïterer souvent quand on considere ces choses, qu’elles sont tres-belles & admirables, & de plus y adjoustant de ces divers mots de l’Art, cela n’est rien dire d’assuré
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Remarquez plûtost, luy repartis-je, combien il importe à un excellent homme d’avoir pour Juge de son travail des personnes connoissantes, qui sçachent en quoy consiste la perfection de l’Art, & qui ne s’arrestent pas à la superficie des choses.
Il y a peu de gens, reprit Pymandre, capables de cette haute connoissance, & cependant il faut qu’un Peintre fasse des Tableaux qui soient agreables à tout le monde.
Je sçay bien, luy dis-je, que tous ceux qui regardent un Ouvrage n’en connoissent pas le merite. Mais ne m’avoüerez-vous pas qu’il vaut mieux faire quelque chose dont les sçavants soient satisfaits, que de plaire à une multitude d’ignorans ? Vous sçavez bien que le Poëte Anthimachus ayant assemblé un jour quantité de personnes pour lire en leur présence une piece qu’il avait composée, & voyant que ses Auditeurs l’avoient tous quitté, à la reserve de Platon : « Je ne laisseray pas, dit-il, de continuer ma lecture, parce que Platon vaut tout seul des milliers d’Auditeurs. » En effet un Poëme & un Tableau sont des productions dont tous les hommes ne sçavent pas le prix qui dépend de l’approbation d’un petit nombre de personnes sçavantes.
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61. [Veu que les plus belles choses ne se peuvent souvent exprimer faute de termes.] J’ay [ndr : Roger de Piles] appris de la bouche de Monsieur du Fresnoy, qu’il avoit plusieurs fois oüi dire au Guide, Qu’on ne pouvoit donner de Preceptes des plus belles choses, & que les connoissances en estoient si cachées, qu’il n’y avoit point de maniere de parler qui les pût découvrir. Cela revient assez à ce que dit Quint. {Declam. 19.} Les choses incroyables n'ont point de paroles pour estre exprimées, il y en a quelques-unes qui sont trop grandes & trop relevées, pour pouvoir estre comprises dans les discours des hommes. D'où vient que les Connoisseurs, quand ils admirent un beau Tableau, semblent y estre collez ; & quand ils en reviennent, vous diriez qu'ils auroient perdu l'usage de la parole. {Liv. 2. Sat. 7.} Pausiaca torpes insane Tabella. Dit Horace. {L. 10. Ep. 22} Et Symmachus dit, Que la grandeur de l'étonnement ne permet pas que l'on donne des loüanges & des applaudissemens. Les Italiens disent Opera da stupire, pour dire qu'une chose est fort belle.
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Pour ce caractère d'esprit, & ce Génie du Peintre, répliqua Damon, je vous avoue que je n'y ay pas encore bien pénétré , & que toute ma connoissance n'est fondé que sur des marques fort sensibles que j'ay observées le mieux que j'ay pu , comme sont les touches du Pinceau , les couleurs fortes ou foibles , certains airs de testes que quelques Peintres ont affectez , certaines répétitions de draperies , de coiffures, d'ajustemens, &de figures toutes entières , enfin un je ne say quoy d'extérieur qui frappe tellement la veuë, qu'il est impossible de ne s'en pas souvenir ; mais je sens fort bien que toutes ces marques extérieures viennent plustost de la main du Peintre que de sa teste, & qu'ainsi elles ne répondent tout au plus qu'au dessus de lettre. C'est toujours quelque chose, dit Pamphile ; mais il faut que vous passiez plus avant, & que vous connoissiez aussi les manieres par le caractère de l'esprit du Peintre. Je n'en desespere pas, reprit Damon, si vous voulez, bien que nous en parlions quelquefois mais la chose dont ie desespere c'est d'acquérir cette connoissance que vous appeliez la véritable, & de savoir juger sainement d'un ouvrage de Peinture. Quoy cette connoissance fine, répliqua Pamphile, qui sait trouver
le bien & le mal d'un Tableau, & qui rend raison des beautez & des défauts qu'elle y découvre? Celle-là mesme, continua Damon; trouvez-vous que ce soit une témérité que d'y prétendre.
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Pour connaître si un Dessein est d’un tel Maître, il faut en avoir vû beaucoup d’autres de la même main avec attention, & avoir dans l’Esprit une Idée juste du Caractere de son Génie, & du Caractere de sa Pratique. La connaissance du Caractere du Génie demande une grande étendue, & une grande netteté d’Esprit pour retenir les Idées sans les confondre ; & la connaissance du Caractére de la Pratique dépend plus d’une grande habitude, que d’une grande capacité : c’est pour cela que les plus habiles Peintres ne sont pas toujours ceux qui décident avec plus de justesse en cette matiére.
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Une des choses les plus essentielles dans la connaissance des Tableaux, c'est le Génie, il en faut dans le bon Connaisseur ainsi que dans le bon Peintre ; mais comme le Génie ne peut s'acquérir, il faut toujours le supposer, ou du moins au défaut du Génie un gand amour pour la Peinture.
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Il y a trois sortes de Connaissances sur le fait des Tableaux. La première consiste à découvrir ce qui est bon & ce qui est mauvais dans un même Tableau. La seconde regarde le nom de l'Auteur. Et la troisième va à savoir, si un Tableau est Original ou Copie.
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Quoique l'expérience nous enseigne que l'art de deviner l'auteur d'un tableau en reconnoissant la main du maître, soit le plus fautif de tous les arts après la médecine, il prévient trop néanmoins le public en faveur des décisions de ceux qui l'exercent, même quand elles sont faites sur d'autres points. Les hommes qui admirent plus volontiers qu'ils n'approuvent, écoutent avec soumission, & ils répetent avec confiance tous les jugemens d'une personne qui montre une connoissance distincte de plusieurs choses où ils n'entendent rien. On verra d'ailleurs par ce que je vais dire concernant l'infaillibilité de l'art de discerner la main des grands maîtres, quelles bornes on doit donner à la prévention qui nous est naturelle en faveur de tous les jugemens rendus par ceux qui font profession de cet art, & qui décident avec autant de confiance qu'un jeune Médecin ordonne des remedes.
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L’originalité est le troisième point essentiel à la connoissance des desseins. Cette originalité n’est pas souvent bien aisée à constater. Pour juger si un dessein est original ou copie, il faut du discernement, de la pénétration, de la finesse d’esprit, une grande pratique, & une notion des principes de l’art moins (c) grande cependant que pour les tableaux.
(c) Quoiqu’un tableau terminé dise tout & ne laisse ordinairement rien a y ajoûter, qu’au contraire un dessein esquissé oblige d’y deviner plusieurs choses, il faut convenir qu’un tableau renfermant plus de parties de la peinture, demande aussi plus de connoissances.
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On peut conclure de toutes ces observations, qu’il faut quelque connoissance de l’art & un peu de pratique, pour décider sur l’originalité d’un dessein : il seroit à souhaiter qu’un amateur sçût un peu (a) peindre ou du moins dessiner. Cette pratique de l’art, quelque petite qu’elle fût, le mettroit en état de juger mieux qu’un autre. On ne sçauroit croire combien l’opération de la main forme le goût, & donne l’intelligence à l’esprit : elle vous montre la route qu’ont suivi tant d’habiles gens ; peut-être même que si vous vous y livriez entierement comme eux, vous pourriez les suivre de près.
(a) Ut enim de pictore, sculptore & fictore, nisi artifex judicare non potest. Plin. jun. lib. I. epist. 10. p. 29. Lug. Bat. 1669.
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Ce que l’on vient de dire au sujet des desseins des grands maîtres, se peut aisément appliquer à la connoissance des tableaux. Il s’agit toujours de juger de la bonté d’un ouvrage, du goût naturel des écoles, du nom du maître & de l’originalité. Il suffit de substituer au mot de dessein, celui de tableau, & au lieu des différens crayons & des hachures de la plume, entendre le maniment du pinceau & le goût de la couleur.
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[…] La connoissance est une lumiere répandue dans notre ame : le sentiment est un mouvement qui l’agite. L’une éclaire : l’autre échauffe. L’une nous fait voir l’objet : l’autre nous y porte, ou nous en détourne.
Le Goût est donc un sentiment. Et comme, dans la matière dont il s’agit ici, ce sentiment a pour objet les Ouvrages de l’Art ; & que les Arts, comme nous l’avons prouvé, ne sont que des imitations de la belle Nature ; le Goût doit être un sentiment qui nous avertit si la belle Nature est bien ou mal imitée. […]
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[…] Le Goût qui s’exerce sur les Arts n’est point un Gout factice. C’est une partie de nous-même qui est née avec nous, & dont l’office est de nous porter à ce qui est bon. La connoissance le précede : c’est le flambeau. Mais que nous serviroit-il de connoître, s’il nous étoit indifférent de jouir ? La Nature étoit trop sage pour séparer ces deux parties : & nous en donnant la faculté de connoître, elle ne pouvoit nous refuser celle de sentir le rapport de l’objet connu avec notre utilité, & d’y être attiré par ce sentiment. C’est ce sentiment qu’on appelle le Goût naturel, parce que c’est la Nature qui nous l’a donné. Mais pourquoi nous l’a-t’elle donné ? Etoit-ce pour juger des Arts qu’elle n’a point faits ? Non : c’étoit pour juger des choses naturelles par rapport à nos plaisirs ou à nos besoins.
L’industrie humaine ayant ensuite inventé les beaux Arts sur le modèle de la Nature, & ces Arts ayant eu pour objet l’agrément & le plaisir, qui sont, dans la vie, un second ordre de besoins ; la ressemblance des Arts avec la Nature, la conformité de leur but, sembloient exiger que le Goût naturel fût aussi le Juge des Arts : c’est ce qui arriva. Il fut reconnu, sans nulle contradiction : les Arts devinrent pour lui de nouveaux Sujets, si j’ose parler ainsi, qui se rangerent paisiblement sous sa Juridiction, sans l’obliger de faire pour eux le moindre changement à ses loix. Le Goût resta le même constamment : & il ne promit aux Arts son approbation, que quand ils lui feroient éprouver la même impression que la Nature elle-même ; & les chefs-d’œuvres des Arts ne l’obtinrent jamais qu’à ce prix.
Mais cette perfection n’a rien changé dans son essence. Il est toujours tel qu’il etoit auparavant : indépendant du caprice. Son objet est toujours essentiellement le bon. Que ce soît l’Art qui le lui présente, ou la Nature, il ne lui importe, pourvu qu’il jouisse. C’est sa fonction.
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le goût est une connoissance des regles par le sentiment. Cette maniere de les connoître est beaucoup plus fine & plus sure que celle de l’esprit : & même sans elle, toutes les lumieres de l’esprit sont presque inutiles à quiconque veut composer.
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[...] Et requérant aussi des négocians un peu intéressez, qu’ils fassent leur trafic avec plus de droiture, tant pour leur bien que pour banir ce mot de manie, qu’on donne souvent à tort à plusieurs Curieux et connoissants desdits ouvrages à leur occasion : Car c’est a tort qu’on répute à folie et foiblesse d’être amateur & connaisseur de ce qui est beau & bon ; Mais c’en est bien une tres-grande, de juger de l’intention & pensée d’autruy, autant que d’en estre bien informé.
Mais pour revenir à mon dessein, je dis qu’une personne qui ignore la pratique de la Pourtraiture & Peinture, & ce qui est des particularitez cy-devant deduites en gros, quand il entend dire qu’un Peintre ou autre tel Connoissant qui n’aura jamais veu qu’un ou deux Tableaux d’un autre Peintre, supposé qu’il n’eust point changé de manière, discernera ceux qu’il sera en suitte pour en estre, quoy que differents ; Et de plus s’il y a des Coppies faites sur iceux, sans avoir veu lesdits Originaux, il les reconnoistra tels, & aussi fera la distinction s’ils sont bien ou mal coppiez, ou s’ils sont retouchez par endroits de celui qui a fait l’original ; A grand subjet de s’estonner, & de se persuader qu’il est comme impossible de connoistre ces choses, & encore plus qu’une personne comme luy qui n’est pas dans la pratique de cét Art, puisse parvenir à quelque point de cette mesme Connoissance
Selon Marianne Le Blanc (2004, p. 153), si la double question des manières et de la distinction de l’original et de la copie n’est pas entièrement neuve, Bosse l’utilise d’une manière inédite, forgeant un discours sur l’art qui répond aux attentes des amateurs, mais aussi – et peut-être surtout –, à ses ambitions concernant les peintres et la peinture. Bosse vise en effet, par ce texte, à faire entrer la peinture dans le champ de la connaissance.
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Ainsi lon peut juger, que tous les bons Praticiens qui se sont appliquez ou adonnez à esplucher toutes ces particularitez [ndr : à propos de la façon de distinguer les copies des originaux], peuvent estre les plus entendus à discerner toutes ces diverses manieres, & distinctions d’Originaux & Copies, & de plus les bonnes d’avec les mauvaises ; & aussi qu’il est facile de juger que c’est par le moyen de tels connoissans, que les Curieux non Praticiens, peuvent avoir esté & estre instruits à faire la distinction de toutes ces diverses choses.
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Il faut faire distinction de ce que plusieurs Praticiens & Curieux nomment ordinairement bonnes Stampes. Ils estiment, à l’exclusion des autres, celles dont le trait ou dessein est bon, ou qu’il est estimé tel, sans considerer ny faire cas de la beauté de la graveure ; de sorte qu’ils feront bien plus d’estime d’une Stampe mal gravée mesme à l’eau forte ou en bois, que d’un du plus beau burin qui se voye.
Il y en a d’autres qui ayment & trouvent leur satisfaction en la beauté de la seule graveure sans s’arrester au dessein ; Mais pour les vrais Curieux & connaissans, ils seroient bien contens que l’un et l’autre fust ensemble ; Et d’autant qu’une bonne partie de bons Graveurs ne se sont pas trouvez aux lieux, à l’occasion, & dans le temps de plusieurs grands Peintres & Desseignateurs, ils ont gravé sur les œuvres de divers autres beaucoup moins excellents ; Or cela n’empesche pas que plusieurs dedites Stampes ne soient tres-necessaires ou profitables à quantité de personnes, principalement à ceux qui pratiquent la Graveure ; afin de s’instruire sur icelles.
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Bref, je croy estre obligé de dire, que s’il [ndr : Albrecht Dürer] eust esté touché pour le dessein & Peinture de ce bon goust cy-devant dit, on l’eust peu dire le nom pareil, veu l’universalité de son esprit. [...] Je me contenteray d’en nommer [ndr : graveurs cités p. 75-78 : Dürer, Lucas de Leyde, Aldegrever, Marcantonio Raimondi, Augustin Venetiano, Parmesan, Augustin Carrache, Cornelis Cort, les Sadeler, etc.] parmy plusieurs quelques uns que les vrays connoissans tiennent pour tres-excellens, tant de ceux qui ont gravé d’apres de belles choses, que des autres.
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[...] Et requérant aussi des négocians un peu intéressez, qu’ils fassent leur trafic avec plus de droiture, tant pour leur bien que pour banir ce mot de manie, qu’on donne souvent à tort à plusieurs Curieux et connoissants desdits ouvrages à leur occasion : Car c’est a tort qu’on répute à folie et foiblesse d’être amateur & connaisseur de ce qui est beau & bon ; Mais c’en est bien une tres-grande, de juger de l’intention & pensée d’autruy, autant que d’en estre bien informé.
Mais pour revenir à mon dessein, je dis qu’une personne qui ignore la pratique de la Pourtraiture & Peinture, & ce qui est des particularitez cy-devant deduites en gros, quand il entend dire qu’un Peintre ou autre tel Connoissant qui n’aura jamais veu qu’un ou deux Tableaux d’un autre Peintre, supposé qu’il n’eust point changé de manière, discernera ceux qu’il sera en suitte pour en estre, quoy que differents ; Et de plus s’il y a des Coppies faites sur iceux, sans avoir veu lesdits Originaux, il les reconnoistra tels, & aussi fera la distinction s’ils sont bien ou mal coppiez, ou s’ils sont retouchez par endroits de celui qui a fait l’original ; A grand subjet de s’estonner, & de se persuader qu’il est comme impossible de connoistre ces choses, & encore plus qu’une personne comme luy qui n’est pas dans la pratique de cét Art, puisse parvenir à quelque point de cette mesme Connoissance
Selon Marianne Le Blanc (2004, p. 153), si la double question des manières et de la distinction de l’original et de la copie n’est pas entièrement neuve, Bosse l’utilise d’une manière inédite, forgeant un discours sur l’art qui répond aux attentes des amateurs, mais aussi – et peut-être surtout –, à ses ambitions concernant les peintres et la peinture. Bosse vise en effet, par ce texte, à faire entrer la peinture dans le champ de la connaissance.
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61. [Veu que les plus belles choses ne se peuvent souvent exprimer faute de termes.] J’ay [ndr : Roger de Piles] appris de la bouche de Monsieur du Fresnoy, qu’il avoit plusieurs fois oüi dire au Guide, Qu’on ne pouvoit donner de Preceptes des plus belles choses, & que les connoissances en estoient si cachées, qu’il n’y avoit point de maniere de parler qui les pût découvrir. Cela revient assez à ce que dit Quint. {Declam. 19.} Les choses incroyables n'ont point de paroles pour estre exprimées, il y en a quelques-unes qui sont trop grandes & trop relevées, pour pouvoir estre comprises dans les discours des hommes. D'où vient que les Connoisseurs, quand ils admirent un beau Tableau, semblent y estre collez ; & quand ils en reviennent, vous diriez qu'ils auroient perdu l'usage de la parole. {Liv. 2. Sat. 7.} Pausiaca torpes insane Tabella. Dit Horace. {L. 10. Ep. 22} Et Symmachus dit, Que la grandeur de l'étonnement ne permet pas que l'on donne des loüanges & des applaudissemens. Les Italiens disent Opera da stupire, pour dire qu'une chose est fort belle.
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[…] Quant aux faux Connoisseurs, que j’ay aussi bien voulu épargner, qu’ils sçachent aussi, que c’est la marque d’une arrogance intolérable, ou d’une stupidité presque brutale, de se mesler de parler & juger d’une chose que l’on ne connoist pas […]
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ALCIPE. […] Ne croïez pas même qu’ils [ndr : les prétendus connoisseurs] aillent chercher les preuves de l’originalité dans les grandes parties ; non, c’est souvent un petit coin de tableau, la touche d’une plante, d’un nuage, ou le derriere de la toile qui les determinent. D’ailleurs ces gens là n’ignorent aucuns termes de l’art, sçavent exactement la vie des peintres, l’histoire de chaque tableau ; mais ils ne se servent de ces choses, que pour jetter plus d’obscurité dans leur raisonnemens, & donnent aux autres une idée si bizarre de la Peinture, que s’ils ne la regarde pas comme un art purement dépendant du caprice, du moins, ils n’osent plus s’en rapporter à leurs yeux ; ils n’osent enfin loüer la lumiere d’un tableau, parce qu’ils ne scavent pas le mot de clair-obscur ; la beauté des couleurs, parce que le grand terme d’harmonie des couleurs ne leur est pas familier. S’ils voïent par exemple, une belle tête de vieillard, dans laquelle d’heureuses épaisseurs de couleur leur representent des rides, ils n’ignorent pas qu’il y a pour les loüer un terme, dont ils ne peuvent se souvenir ; & faute de se rappeler le beau mot de patroüillis, ils croient devoir se taire.
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Il est vrai, que lorsqu'il s'agit du mérite des tableaux, le public n'est pas un juge aussi compétent, que lorsqu'il s'agit des mérites des poëmes. La perfection d'une partie des beautés d'un tableau, par exemple, la perfection du dessein n'est bien sensible qu'aux Peintres ou aux Connoisseurs qui ont étudié la Peinture autant que les Artisans mêmes. Mais nous discutons ailleurs [section 27] quelles sont les beautés d'un tableau dont le public est un juge non recusable, & quelles sont les beautés qui ne sçauroient être appréciées à leur juste valeur, que par ceux qui sçavent les regles de la Peinture.
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En second lieu, comme le public n'est pas également éclairé dans tous les païs, il est des lieux où les gens du métier peuvent le tenir plus long-temps dans l'erreur qu'ils ne le peuvent tenir en d'autres contrées. Par exemple, les tableaux exposez dans Rome seront plutôt apprétiez à leur juste valeur, que s'ils étoient exposez dans Londres ou dans Paris. Les Romains naissent presque tous avec beaucoup de sensibilité pour la peinture, & leur goût naturel a encore des occasions fréquentes de se nourrir & de se perfectionner par les ouvrages excellens qu'on rencontre dans les églises, dans les palais, & presque dans toutes les maisons où l'on peut entrer. Les mœurs & les usages du païs y laissent encore un grand vuide dans les journées de tout le monde, même dans celles de ces Artisans condamnez ailleurs à un travail qui n'a gueres plus de relâche que le travail des Danaïdes. Cette inaction, l'occasion continuelle de voir de beaux tableaux, & peut-être aussi la sensibilité des organes plus grande dans ces contrées-là que dans des païs froids & humides, rendent le goût pour la peinture si géneral à Rome, qu'il est ordinaire d'y voir des tableaux de prix jusques dans des boutiques de Barbiers, & ces Messieurs en expliquent avec emphase les beautez à tous venans, pour satisfaire à la nécessité d'entretenir le monde, que leur profession leur imposoit dès le temps d'Horace. Enfin dans une nation industrieuse & capable de prendre toute sorte de peine pour gagner sa vie, sans être assujettie à un travail reglé, il s'est formé un peuple entier de gens qui cherchent à faire quelque profit par le moïen du commerce des tableaux. Ainsi le public de Rome est presque composé en entier de connoisseurs en peinture. Ils sont, si l'on veut, la plûpart des Connoisseurs médiocres, mais du moins ils ont un goût de comparaison qui empêche les gens du métier de leur en imposer aussi facilement qu'ils peuvent en imposer ailleurs. Si le public de Rome n'en sçait point assez pour réfuter méthodiquement leurs faux raisonnemens, il en sçait assez du moins pour en sentir l'erreur, & il s'informe après l'avoir sentie de ce qu'il faut dire pour la refuter. D'un autre côté les gens du métier deviennent plus circonspects lorsqu'ils sentent qu'ils ont affaire avec des hommes éclairez. Ce n'est point parmi les Théologiens que les Novateurs entreprennent de faire des Prosélites de bonne foi.
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On juge souvent d’un ouvrage par rapport à la partie de la peinture qui nous flatte le plus & celle que nous connoissons le mieux, supposé celle du coloris, c’est cependant mal en juger, il faut qu’un bon connoisseur ait l’esprit d’une grande étenduë pour embrasser toutes les parties de la peinture & les aimer toutes à la fois ; les esprits bornés dans cette matiere ne peuvent être des juges équitables, ceux qui sont prévenus en sont aussi peu capables.
Dans un pareil jugement, il faut presque autant de lumieres pour sentir le beau que pour le produire, on doit considerer la composition, la disposition, & l’invention comprises sous le terme général d’ordonnance. Le dessein est encore une des principales parties, il a pour baze la proportion, l’anatomie & la correction.
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C'est avec les égards les plus scrupuleux, & l'intention très réelle de ne désobliger personne, que l'on rapporte les jugemens des connoisseurs judicieux, éclairés par des principes, & encor plus par cette lumière naturelle que l'on appelle sentiment, parce qu'elle fait sentir au premier coup d'œil la dissonance ou l'harmonie d'un ouvrage, & c'est ce sentiment qui est la base du goût, j'entens de ce goût ferme & invariable du vrai beau qui ne s'acquiert presque jamais, dès qu'il n'est pas le don d'une heureuse naissance.
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Lorsque l’on termine les chairs au Burin, il est difficile de se servir avec succès de points longs, à moins qu’on ne les fasse extrêmement cours, autrement ils feroient une chair qui sembleroit couverte de poils. On ne se serts gueres que de points ronds en préparant l’eau Forte, si ce n’est dans les ombres des chairs qu’on peut graver par une taille ou deux de points longs. On peut aussi hazarder quelque-fois des troisiémes tailles dans des choses qui doivent être brouillées comme nuages, terreins & autres endroits que l’on tient très-sourds pour servir de fonds à d’autres, mais il faut les graver avec une pointe extrêmement fine, afin qu’ils mordent moins que les autres.
[...] Enfin on doit faire ensorte que la planche soit entierement faite à l’eau forte, s’il est possible, afin de conserver tout l’esprit du dessein : car plus on mettra d’ouvrage dès l’eau Forte, & plus on sera sûr de réussir, pourvû que cela soit fait à propos & avec goût, & qu’on ne le laisse point trop mordre. C’est le moyen de plaire aux habiles gens & aux vrais connoisseurs dont les suffrages sont seuls flatteurs & à désirer pour ceux qui veulent se perfectionner & acquérir une réputation solide.
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There are certain Arguments, which a Connoisseur is utterly to reject, as not being such by which he is to form his Judgement, of what Use soever they may be to those who are incapable of judging otherwise, or who will not take the Pains to know better. Some of these have really no Weight at all in them, the Best are very Precarious, and only serve to perswade us the Thing is good in general, not in what Respect it is so. That a Picture, or Drawing has been, or is much esteem’d by those who are believ’d to be good Judges ; Or is, or was Part of a famous Collection, cost so much, has a rich Frame, or the like. Whoever makes Use of such Arguments as these, besides that they are very fallacious, takes the Thing upon Trust, which a good Connoisseur should never condescend to do. That ‘tis Old, Italian, Rough, Smooth, &c. These are Circumstances hardly worth mentioning, and which belongs to Good, and Bad. A Picture, or Drawing may be too old to be good ; but in the Golden Age of Painting, which was that of Rafaelle, about Two Hundred Years ago, there were wretched Painters, as well as Before, and Since, and in Italy, as well as Elsewhere. Nor is a Picture the Better, or the Worse, for being Rough, or Smooth, simply consider’d. One of the commonest, and most deluding Arguments, that is used on this Occasion is, that ‘tis of the Hand of such a One. Tho’ this has no great Weight in it, even admitting it to be Really of that Hand, which very often ‘tis not : The best Masters have had their Beginnings, and Decays, and great Inequalities throughout their whole Lives, as shall be more fully noted hereafter. That ‘tis done by one who has had great Helps, and Opportunities of improving himself ; Or One that Says, he is a great Master, is what People are very ready to be cheated by, and not one Jot the less, for having found that they have been so cheated again, and again before, nay, tho’ they justly laugh at, and despise the Man at the same Time. To infer a Thing Is, because it Ought to be, is unreasonable, because Experience shou’d teach us better ; but often we think there are Opportunities, and Advantages where there are none, or not in the Degree we imagine ; and to take a Man’s own Word, where his Interest, or Vanity shou’d make us suspect him is sufficiently unaccountable. Whoever builds upon a Supposition of the good Sense, and Integrity of Mankind has a very Sandy Foundation, and yet ‘tis what we find many a Popular Argument rests upon, in Other Cases, as well as in This. But, (as I said) whether These kind of Arguments above-mention’d have any thing in them, or not, a Connoisseur has nothing to do with them ; his Business is to judge from the Intrinsic Qualities of the thing itself ;
Quotation
Thus it is evident that to be Good Connoisseurs in Judging of Hands we must extend our Thoughts to all the Parts of the Lives, and to all the Circumstances of the Masters ; to the Various Kinds, and Degrees of Goodness of their Works, and not confine our selves to One Manner only, and a Certain Excellency found only in Some things they have done, upon which Some have form’d their Ideas of those Extraordinary Men, but very Narrow, and Imperfect Ones.
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He that would be a Good Connoisseur in Hands must know how to Distinguish Clearly, and Readily, not only betwixt One thing, and Another, but when two Different things nearly Resemble, for This he will very Often have occasion to do, as ‘tis easy to observe by what has been said already.
Expression Connoisseur in Hands Connoisseur en italique
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A Man may be a very good Painter, and not a good Connoisseur in This particular [ndr : c’est-à-dire dans la manière d’identifier un artiste d’après une œuvre]. To know, and distinguish Hands, and to be able to make a good Picture are very different Qualifications, and require a very different Turn of Thought, and both a particular Application.
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There are Few that pretend to be Connoisseurs, and of those Few the number of Such as Deserve to be so call’d is very Small : ‘tis not enough to be an Ingenious Man in General, nor to have seen all the Finest things in Europe, nor even to be able to Make a good Picture, Much less the having the Names and something of the History of the Masters : All This will not make a Man a good Connoisseur, To be able to judge of the Goodness of a Picture, most of those Qualifications are necessary, which the Painter himself ought to be possessed of, That is, all that are not Practical ; He must be Master of the Subject, and if it be Improveable he must know it is so, and Wherein ; He must not only see, and Judge of the Thought of the Painter in what he Has done, but must know moreover what he Ought to have done, He must be acquainted with the Passions, their Nature, and how they appear on all Occasions. He must have a Delicacy of Eye to judge of Harmony, and Proportion, of Beauty of Colours, and Accuracy of Hand ; and Lastly he must be conversant with the Better Sort of People, and with the Antique, or he will not be a good Judge of Grace, and Greatness. To be a good Connoisseur (I observ’d heretofore) a Man must be as free from all kinds of Prejudice as possible ; He must moreover have a Clear, and Exact way of Thinking, and Reasoning ; he must know how to take in, and manage just Ideas ; and Throughout he must have not only a Solid, but an Unbiass’d Judgment. These are the Qualifications of a Connoisseur ; And are not These, and the Exercise of Them, will becoming a Gentleman ?
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Neatness, and high Finishing ; a Light, Bold Pencil ; Gay, and Vivid Colours, Warm, and Sombrous ; Force, and Tenderness, All these are Excellencies when judiciously employ’d, and in Subserviency to the Principal End of the Art ; But they are Beauties of an Inferior Kind even when So employ’d ; they are the Mechanick Parts of Painting, and require no more Genius, or Capacity, than is necessary to, and frequently seen in Ordinary Workmen ; […] ; These properties are in Painting, as Language, Rhime, and Numbers are in Poetry ; and as he that stops at These as at what Constitutes the Goodness of a Poem is a Bad Critick, He is an Ill Connoisseur who has the same Consideration for these Inferious Excellencies in a Picture.
Contrairement aux autres passages de l'Essay on the Theory of Painting, la préface n'est pas traduite dans l'édition française de 1728.
Quotation
Gentlemen may do as they please, the following Method [ndr : pour juger un tableau] seems to Me to be the most Natural, Convenient, and Proper.
Before you come so near the Picture to be Consider’d as to look into Particulars, or even to be able to know what the Subject of it is, at least before you take notice of That, Observe the Tout-ensemble of the Masses, and what Kind of one the Whole makes together. It will be proper at the same Distance to consider the General Colouring ; whether That be Grateful, Chearing, and Delightful to the Eye, or Disagreeable ; Then let the Composition be Examin’d Near, and see the Contrasts, and other Particularities relating to it, and so finish your Observations on That Head. The same Then may be done with respect to the Colouring ; then the Handling, and afterwards the Drawing ; These being dispatch’d the Mind is at liberty carefully consider the Invention ; then to see how well the Expression is perform’d, And Lastly, What Grace and Greatness is spread throughout, and how suitable to each Character.
Association intéressante entre Natural, Convenient et Proper
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Mais son principal usage [ndr : la peinture] n’est pas seulement en de semblables observations, ny, comme dit Aristote {L. 8. Polit. c. 3.}, à donner une si parfaite connoissance des tableaus qu’on n’y puisse jamais estre trompé, soit pour la main ou la maniere des grands maistres, soit pour le fin discernement des copies d’avec les originaux, soit pour le prix qui depend presque tousjours de la fantaisie.
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Il y a trois sortes de Connaissances sur le fait des Tableaux. La première consiste à découvrir ce qui est bon & ce qui est mauvais dans un même Tableau. La seconde regarde le nom de l'Auteur. Et la troisième va à savoir, si un Tableau est Original ou Copie.
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Mon intention n’est pas de parler ici des Copies médiocres, qui sont d’abord connues de tous les Curieux, encore moins des mauvaises qui passent pour telles aux yeux de tout le monde. Je suppose une Copie faite par un bon Peintre, laquelle merite une serieuse reflexion, & mettre en suspend, au moins durant quelques tems, la décision des connoisseurs les plus habiles. Et de ces Copies, j’en trouve de trois sortes.
La première est faite fidèlement, mais servilement. La seconde est legere, facile, & non fidelle. Et la troisième est fidelle, & facile.
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Car il ne faut point douter que les Peintres ne jugent ordinairement mieux que le reste des hommes de la beauté humaine, tant à cause des regles qu’ils ont à l’esgard de la proportion des membres & des couleurs qui leur conviennent, que pource qu’ils exerçent incessamment leur imagination à former des Idées les plus accomplies qui se puissent concevoir.
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Ils [ndr. les peintres Anciens] se rendoient mesme assez dociles pour soûmettre leurs Ouvrages à la Critique, non seulement des Philosophes & des Sçavans, mais encore du commun peuple, & des artisans de tous mestiers, qui leur faisoient quelque fois d’assez judicieuses corrections.
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(maximes générales et essentielles)
I. Que dans la Composition d’une Histoire, la Vérité soit premierement fort exacte et pure.
II. Qu’on ait une grande considération du Lieu oû elle sera représentée.
III. Qu’on prenne bien garde à ne pas descouvrir jamais les parties qui ne se peuvent monstrer honnestement. Cette maxime a toûjours esté parmi eux une telle recommendation, que mesme ils souffroient plutost que l’Histoire demeurast defectueuse en quelque chose, que de passer au delà des bornes de la modestie.
IIII. Et enfin, pour le quatriesme degré de perfection, Qu’on trouve moyen de représenter les choses noblement, ingenieusement, et d’une manière grande et magnifique.
Voilà les quatre Parties principales, qui sont le concert, et pour ainsi dire l’harmonie de la Peinture, par la juste relation qu’elles ont entre elles ; Ce que nos Critiques rechercheront rigoureusement dans l'Ouvrage qu'on leur présente ; où j'ai bien peur qu'ils ne trouvent pas assez leur conte pour le sucés de la pretention de nostre Moderne.
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[…] pour venir à cette tres-delicate Critique avec la circonspection requise, suivant toûjours la Boussole de nos Principes il faudra se souvenir, avant toutes choses, de quelle importance nous y avons establi l’Observation du Costûme, dans lequel consiste le Principal Magistère de la Peinture, et qui en est, pour ainsi dire, l’esprit Raisonnable ; comme le reste du mechanique, le Coloris, et la Delineation des figures, en fait simplement le Corps avec ses Organes. De sorte que sans l’intelligence de cette première Partie, rien ne sçauroit estre bon aux yeux des Sçavants, qui sont toûjours plus choquez des fautes de jugement, et de l’obmission des Circonstances essentielles et nécessaires à l’Histoire qu’on représente, que de ce qui pourroit estre deffectueux dans la Partie mechanique.
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[…] pour venir à cette tres-delicate Critique avec la circonspection requise, suivant toûjours la Boussole de nos Principes il faudra se souvenir, avant toutes choses, de quelle importance nous y avons establi l’Observation du Costûme, dans lequel consiste le Principal Magistère de la Peinture, et qui en est, pour ainsi dire, l’esprit Raisonnable ; comme le reste du mechanique, le Coloris, et la Delineation des figures, en fait simplement le Corps avec ses Organes. De sorte que sans l’intelligence de cette première Partie, rien ne sçauroit estre bon aux yeux des Sçavants, qui sont toûjours plus choquez des fautes de jugement, et de l’obmission des Circonstances essentielles et nécessaires à l’Histoire qu’on représente, que de ce qui pourroit estre deffectueux dans la Partie mechanique.
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C’estoit une histoire Angloise, dont il avoit habillé les figures à la Grecque & à la Romaine, ouvrage au reste, qui ne meritoit que le feu ou la bouë ; & lorsque je voulus lui demander raison de cent choses qui choquoient la raison, l’histoire, l’Art, la Nature & le bon sens, il me fist des réponses si remplies d’ignorance & de superbe, que je le laissay là avec ces sots admirateurs.
[…] A peine pûs-je échapper des mains de ces importuns, & lorsque je pensois estre hors de danger de telles rencontres, je me trouvay au milieu d’une troupe de Damoiseaux, qui après avoir apris deux ou trois mois à mal dessigner sous un Maistre ignorant, venoient là faire les Critiques & les Arbitres de la Peinture. Ce fut une scene assés facésieuse, de les entendre vanter leur affection pour cet Art si merveilleux.
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Ne nous rendons à une critique importante, qu’autant qu’elle sera suivie de raisons claires & solides. Un CELA NE ME PLAIT PAS, ne me doit pas nous suffire ; si celui qui nous le dit n’est pas à portée de nous répondre, quand nous lui demandons pourquoy. Mais faisons-nous un devoir indispensable de nous soumettre aux avis d’un homme consommé dans l’art, quand même nous ne serions pas absolument convaincus de la necessité du changement qu’il souhaite dans notre ouvrage : nous devons cette déference à la réputation qu’il s’est acquise, sa longue expérience doit nous faire croire qu’il nous en manque trop encore pour bien sentir la valeur des raisons qu’il nous donne : soïons presque assurez que nous ne tarderons pas à les découvrir quand nous aurons fait ce qu’il exige de nous [...]. [...] J’ai dit ailleurs, que c’étoit dans l’idée de critiquer nos propres ouvrages, qu’il falloit consulter ceux des grands maîtres qui nous ont précedez.
Coypel anticipe sur la problématique soulevée par l’extension de la critique à l’espace public, incarnée par Diderot et La Font de Saint Yenne.
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Je le redis donc encore avec plus de confiance : apprenons à critiquer nos propres ouvrages à la vûë des beautez que nous découvrons dans ceux des autres ; ne rougissons point de chercher à les étudier ; ne craignons point qu’on nous accuse d’être de serviles imitateurs, quand nous aurons l’adresse de nous approprier les parties qui nous manquent, & de les joindre à celles que nous possedons. Le goût de dessein de celui-ci est plus noble & plus délicat que le vôtre, mais votre coloris l’emporte sur le sien ; ne pouvez-vous, sans perdre ce que vous avez acquis dans la couleur, faire votre profit de son heureuse maniere de dessiner ? Raphaël n’a t-il pas ajouté une nouvelle grandeur à la sienne à la vûë des ouvrages de Michel-Ange, sans se dépoüiller de sa sage simplicité & des graces nobles qui le caracterisent. Louis Carrache a-t-il passé pour un plagiaire, pour avoir étudié les tournures naïves & piquantes du Correge ? J’ai entre mes mains des études d’Annibal d’après Raphaël d’une beauté à faire comprendre qu’il étoit déjà digne de sa grande reputation lorsqu’il les a faites. Le Roy possede un Tableau de Vandeik d’après Le Titien, qui n’est point l’ouvrage d’un écolier.
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Je pense qu’il y encore une conduite à tenir, soit que nous cherchions à nous critiquer nous-même, soit que nous demandions des conseils […]. [...] Engager les gens à venir voir un ouvrage que nous donnons pas terminé, n’est-ce-pas, pour ainsi dire, les prier de venir l’approuver. N’est-ce pas leur annoncer que nous croïons n’avoir plus besoin que d’une legere révision ?
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Il m’a paru que je devois commencer par lui démontrer que la Peinture n’aïant pour objet que la parfaite imitation de la nature, tout homme de bon sens & d’esprit, sans avoir étudié les misteres de cet art, est à portée de sentir les grandes beautez d’un tableau, & de faire souvent même d’excellentes critiques. Peut-être cette idée m’a-t-elle entrainée trop loin ; je n’ai pû m’empêcher de parler du danger que l’on court en écoutant, & en s’en rapportant à quantité de prétendus connoisseurs : mais après tout pouvois-je m’en dispenser ? D’ailleurs les savants amateurs, tels que nous en connoissons plusieurs, ne m’en sçauront pas mauvais gré, & l’amour propre scaura bien empêcher les autres de se reconnoître dans les portraits generaux : car je declare hautement, que mon dessein n’a point été de peindre personne en particulier. Autant qu'il me paroît necessaire d’attaquer les ridicules, autant qu’il me paroit odieux de designer les personnes qui ont le malheur d’en être chargez ; elles ne sont déjà que trop dignes de pitié.
Quotation
Non seulement le public juge d'un ouvrage sans interêt, mais il en juge encore ainsi qu'il en faut décider en general, c'est-à-dire par la voïe du sentiment, & suivant l'impression que le poëme ou le tableau font sur lui. Puisque le premier but de la Poësie & de la Peinture est de nous toucher, les poëmes & les tableaux ne sont de bons ouvrages qu'à proportion qu'ils nous émeuvent & qu'ils nous attachent. Un ouvrage qui touche beaucoup doit être excellent à tout prendre. Par la même raison l'ouvrage qui ne touche point & qui n'attache pas ne vaut rien, & si la critique n'y trouve point à reprendre des fautes contre les regles, c'est qu'un ouvrage peut être mauvais sans qu'il y ait des fautes contre les regles, comme un ouvrage plein de fautes contre les regles peut être un ouvrage excellent.
Or le sentiment enseigne bien mieux si l'ouvrage touche, & s'il fait sur nous l'impression que doit faire un ouvrage, que toutes les dissertations composées par les Critiques, pour en expliquer le mérite, & pour en calculer les perfections & les défauts. La voie de discussion & d'analyse, dont se servent ces Messieurs, est bonne à la verité, lorsqu'il s'agit de trouver les causes qui font qu'un ouvrage plaît ou qu'il ne plaît pas ; mais cette voie ne vaut pas celle du sentiment lorsqu'il s'agit de décider cette question. L'ouvrage plaît-il ou ne plaît-il pas ? L'ouvrage est-il bon ou mauvais en géneral ? C'est la même chose. Le raisonnement ne doit donc intervenir dans le jugement que nous portons sur un poëme ou sur un tableau, que pour rendre raison de la décision du sentiment & pour expliquer quelles fautes l'empêchent de plaire, & quels sont les agrémens qui le rendent capable d'attacher. Qu'on me permette ce trait.
La raison ne veut point qu'on raisonne sur une pareille question, à moins qu'on ne raisonne pour justifier le jugement que le sentiment a porté. La décision de la question n'est point du ressort du raisonnement. Il doit se soumettre au jugement que le sentiment prononce. C'est le juge compétent de la question.
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Peu d'Auteurs arriveront à une réputation du premier ordre, sans le secours des conseils & de la critique non seulement de leurs Confrères, dont la plupart ne jugent des beautés & des défauts de leur Art que relativement à la froideur & à la sécheresse des règles, ou par une routine de comparaison à leur propre manière, souvent uniforme & répétée, mais par la critique d'un spectateur désinteressé & éclairé, qui sans manier le pinceau, juge par un goût naturel & sans une attention servile aux règles.
On notera l'apparition du terme "réputation" associé à la notion de "public" défini ici comme "un spectateur désintéressé.
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[…] j’examinerai les médiocres [ndr : tableaux] ; & je le ferai avec tous les égards & le ménagement possibles. Nous devons toujours une sorte d’attention à leurs Auteurs, malgré la subordination de leurs talens. Il seroit trop injuste de la leur refuser, surtout dans le tems où elle leur est le plus nécessaire. Il y a un commencement & une fin à tout. Ceux qui atteignent l’une ont nécessairement passé par l’autre. Il ne faut que du tems & des conseils pour y parvenir. Nous ne devons point les leur épargner ; c’est à nous d’abreger la carriere des Arts, d’en applanir les difficultés autant qu’il est possible ; & d’encourager par nos applaudissemens ceux qui y courent, &c. Je ne dirai rien des Tableaux qui seront absolument mauvais, parce que ce qui est indigne d’attention n’est pas digne de la critique.
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Le Sallon a offert cette année cent dix-sept Tableaux […]. Comme toute description doit être extrêmement bornée, pour ne point ennuyer, je ne vous entretiendrai que des morceaux de choix & qui m’ont frappé avec tout le Public ; de cette façon, vous le voyez, je ne décide rien & c’est le mieux. Je me servirai de la critique, parce qu’elle honore les talens ausquels elle s’attache, & par la méme raison j’en ferai grace à d’autres ouvrages, qui ne la méritent pas.
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[...] Et requérant aussi des négocians un peu intéressez, qu’ils fassent leur trafic avec plus de droiture, tant pour leur bien que pour banir ce mot de manie, qu’on donne souvent à tort à plusieurs Curieux et connoissants desdits ouvrages à leur occasion : Car c’est a tort qu’on répute à folie et foiblesse d’être amateur & connaisseur de ce qui est beau & bon ; Mais c’en est bien une tres-grande, de juger de l’intention & pensée d’autruy, autant que d’en estre bien informé.
Mais pour revenir à mon dessein, je dis qu’une personne qui ignore la pratique de la Pourtraiture & Peinture, & ce qui est des particularitez cy-devant deduites en gros, quand il entend dire qu’un Peintre ou autre tel Connoissant qui n’aura jamais veu qu’un ou deux Tableaux d’un autre Peintre, supposé qu’il n’eust point changé de manière, discernera ceux qu’il sera en suitte pour en estre, quoy que differents ; Et de plus s’il y a des Coppies faites sur iceux, sans avoir veu lesdits Originaux, il les reconnoistra tels, & aussi fera la distinction s’ils sont bien ou mal coppiez, ou s’ils sont retouchez par endroits de celui qui a fait l’original ; A grand subjet de s’estonner, & de se persuader qu’il est comme impossible de connoistre ces choses, & encore plus qu’une personne comme luy qui n’est pas dans la pratique de cét Art, puisse parvenir à quelque point de cette mesme Connoissance
Selon Marianne Le Blanc (2004, p. 153), si la double question des manières et de la distinction de l’original et de la copie n’est pas entièrement neuve, Bosse l’utilise d’une manière inédite, forgeant un discours sur l’art qui répond aux attentes des amateurs, mais aussi – et peut-être surtout –, à ses ambitions concernant les peintres et la peinture. Bosse vise en effet, par ce texte, à faire entrer la peinture dans le champ de la connaissance.
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Ainsi lon peut juger, que tous les bons Praticiens qui se sont appliquez ou adonnez à esplucher toutes ces particularitez [ndr : à propos de la façon de distinguer les copies des originaux], peuvent estre les plus entendus à discerner toutes ces diverses manieres, & distinctions d’Originaux & Copies, & de plus les bonnes d’avec les mauvaises ; & aussi qu’il est facile de juger que c’est par le moyen de tels connoissans, que les Curieux non Praticiens, peuvent avoir esté & estre instruits à faire la distinction de toutes ces diverses choses.
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Il faut faire distinction de ce que plusieurs Praticiens & Curieux nomment ordinairement bonnes Stampes. Ils estiment, à l’exclusion des autres, celles dont le trait ou dessein est bon, ou qu’il est estimé tel, sans considerer ny faire cas de la beauté de la graveure ; de sorte qu’ils feront bien plus d’estime d’une Stampe mal gravée mesme à l’eau forte ou en bois, que d’un du plus beau burin qui se voye.
Il y en a d’autres qui ayment & trouvent leur satisfaction en la beauté de la seule graveure sans s’arrester au dessein ; Mais pour les vrais Curieux & connaissans, ils seroient bien contens que l’un et l’autre fust ensemble ; Et d’autant qu’une bonne partie de bons Graveurs ne se sont pas trouvez aux lieux, à l’occasion, & dans le temps de plusieurs grands Peintres & Desseignateurs, ils ont gravé sur les œuvres de divers autres beaucoup moins excellents ; Or cela n’empesche pas que plusieurs dedites Stampes ne soient tres-necessaires ou profitables à quantité de personnes, principalement à ceux qui pratiquent la Graveure ; afin de s’instruire sur icelles.
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[...] que pourra-[t]-on dire de l'aveuglement des Peintres de nostre temps qui luy prefererent [ndr : Le Dominiquin] des Josepins, des Lanfrancs, et d'autres semblables manieristes, dont les Ouvrages n'ayant que le faux esclat d'une je ne sçay quelle nouveauté que ceux d'aujourd'hui appellent une furie du Dessein et une franchise du Pinceau, que l'ignorance des veritables beautez et des principes de l'Art leur fait admirer, n'ont eu aussi de reputation qu'autant qu'a duré cette faveur passagere de la Fortune ; si bien qu'ils ne trouvent plus maintenant de place dans les cabinets des Curieux, qui s'en sont lasséz tout aussi-tost et detrompez.
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Il est vray, me dit-il [ndr : Pymandre], que j’ay remarqué souvent des curieux qui ne considerent les Tableaux que quand ils sçavent le nom de ceux qui les ont faits, et ne les estiment que par la reputation de leurs Auteurs, sans regarder ce qu’il y a de bon ou de mauvais.
Ce que vous dites, repris-je alors, est le defaut de ceux qui ne se connoissent point ou que fort peu en Peinture : car les bons Peintres & les personnes intelligentes dans cet Art, ne s’informent pas toûjours si exactement du nom de celuy qui a fait un Ouvrage qu’on leur monstre ; ils l’estiment par son propre merite & selon les beautez qu’ils y remarquent. Vous avez veu je m’asseure cet Ecce Homo d’André Salario, qui est dans le cabinet de M. le Duc de Liancourt ; Quoy qu’il ne soit que du disciple de Leonard, neanmoins on en fait beaucoup plus de cas que de plusieurs autres Tableaux qui sont de la main de Leonard. Mais cet abus qui se trouve parmy la pluspart des curieux ne se reformera pas si-tost ; il semble mesme qu’il y a quelque sorte de raison de laisser dans l’esprit des moins connoissans l’estime qu’ils ont pour le nom de ces grands hommes, quand ils n’ont pas assez de lumiere pour juger plus particulierement de l’excellence des Ouvrages.
Il existe une autre version de l’Ecce homo de Solario, conservée au Philadelphia Museum of Art de Philadelphie. Celle issue de la collection de Roger du Plessis de Liancourt évoquée ici par Félibien correspond à l’œuvre de Leipzig – elle est ensuite passée dans la collection de François de la Rochefoucauld, qui épouse la fille du duc de Liancourt et hérite ainsi de sa collection. Voir FAGNART Laure, Léonard de Vinci en France : collections et collectionneurs. XVe-XVIIe siècles, Rome, L’Erma, 2009, p. 211-212, 280-281 et 323. Ce même tableau est aussi mentionné par Evelyn en 1644 – EVELYN John, Diary, 1644 (éd. par W. BRAY, The diary of John Evelyn, 2 vol., Londres, 1907-1914 et précisément BRAY, I, 1907, p. 57).
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On voit des Curieux qui se font une idée d'un Maître sur trois ou quatre Tableaux qu'ils en auront vûs, & qui croient après cela avoir un titre suffisant pour décider sur sa maniére, sans faire réflexion aux soins plus ou moins grands que le Peintre aura pris à les faire, ni à l'âge auquel il les aura faits. Ce n'est pas sur les Tableaux particuliers du Peintre : mais sur le général de ses Ouvrages qu'il faut juger de son mérite. Car il n'y a point de Peintre qui n'ait fait quelques bons & quelques mauvais Tableaux […]. Il n'y en a point aussi qui n'ai eu son commencement, son progrès & sa fin ; c'est-à-dire, trois maniéres : la première, qui tient à celle de son Maître; la seconde, qui s'est formée selon son Goût, & dans laquelle réside la mesure de ses talens, & de son Génie; & la troisième, qui dégénère ordinairement en ce qu'on appelle maniére : parce qu'un Peintre, après avoir étudié long-tems d'après la Nature, veut jouir, sans la consulter davantage, de l'habitude qu'il s'en est faite.
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Mon intention n’est pas de parler ici des Copies médiocres, qui sont d’abord connues de tous les Curieux, encore moins des mauvaises qui passent pour telles aux yeux de tout le monde. Je suppose une Copie faite par un bon Peintre, laquelle merite une serieuse reflexion, & mettre en suspend, au moins durant quelques tems, la décision des connoisseurs les plus habiles. Et de ces Copies, j’en trouve de trois sortes.
La première est faite fidèlement, mais servilement. La seconde est legere, facile, & non fidelle. Et la troisième est fidelle, & facile.
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A l'égard de l'Allegorie, on dit, qu'il falloit considerer la difference qu'il y a entre des figures des divinités fabuleuses & des figures allegoriques, qu'à la verité, la fable est incompatible avec la verité : mais que ce seroit faire une injustice à un Peintre doüé d'un excellent genie de l'empêcher de joindre l'Allegorie à l'histoire pour en exprimer les mysteres, lors qu'on le peut faire sans nuire à l'intelligence du sujet, qu'il seroit à souhaiter au contraire, que les Peintre en ne negligeant rien de ce qui est essentiel à leur profession, appliquassent leur esprit à bien connoître le sens mystique des histoires aussi bien que le litteral, leurs ouvrages en seroient beaucoup plus considerables & satisferoient d'avantage la curiosité des Amateurs sçavans
Une partie de ce passage de Testelin est repris par Florent Le Comte dans son Cabinet des singularitez (...), plus précisément aux pages 42-43 de son édition de 1699-1700 (Paris, Etienne Picart & Nicolas Le Clerc, tome I, vol. I).
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LE PRESIDENT. C'est un usage si receu de mettre dans des tableaux de pieté ceux qui les font faire, & d’y mettre aussi toute leur famille, que cet assemblage de personnes de differens temps & de differens lieux, ne devroit pas vous étonner.
L'ABBE. Je connois cet usage & je ne le blâme point, quoyque les Peintres n’ayent pas sujet d'en estre fort contens. On voit tous les jours dans des Nativitez, ceux qui ont fait le tableau, mais à genoux & dans l'adoration comme les Bergers. On en voit aussi dans des tableaux de Crucifix, mais prosternez & les yeux levez vers le Sauveur, en sorte que leur action particuliere est liée à l’action principale, & concourt à la mesme fin. Icy les personnages ne semblent pas se voir les uns les autres, & il n'y a que la seule volonté du Peintre qui les ayt fait trouver dans le mesme lieu.
LE PRESIDENT. Tous ces pretendus défauts ne regardent point le Peintre comme Peintre, mais feulement comme Historien.
L’ABBE. Cela est vray, si vous renfermez la qualité de Peintre à représenter naïvement quelque objet, sans se mettre en peine s'il y a de la vray-semblance, de la bien-seance & du bon sens dans la composition ; mais je ne croy pas que les Peintres vueillent renoncer à l'obligation d'observer des conditions justes & si necessaires dans tout un ouvrage.
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[…] la mesme science [ndr : la peinture] qui nous apprent ce que c’est que la Verité, nous fait de plus des leçons du mensonge : Outre que la peinture nous porte à bien juger de la perfection de tout ce qu’elle represente, son art nous fournit des maximes pour en discerner les vices, & pour en censurer ce qu’y rencontre de defectueus. Ainsi l’on trouva mesme à redire au Jupiter de Phidias […].
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IL est vray, répliqua Pamphile, qu'il y a eu des Peintres qui n'ont estime que le Dessein sans se mettre en peine de tout le reste, Il y en a mesme encore beaucoup, qui ne jugent de la Peinture que par là ; & la pluspart des gens sont si accoustumez à n'entendre loüer les Tableaux que par cette partie, qu'ils ne s'attachent eux mesmes qu'à cela pour juger des Ouvrages. […] & sans chercher ces rafinemens où ils n'entendent rien (car la correction du Dessein n'est connue que des plus habiles Peintres), ils estimeroient les Tableaux qui représentent naïvement les beautez qu’ils ont accoustumé de voir dans la Nature, & mepriseroient au contraire d'autant plus les autres qu’ils s'estoigneroient de cette belle naïveté. Le Spectateur n'est point obligé de sçavoir ce que sçait un Peintre, il n'a qu'à s'abandonner à son sens commun pour juger de ce qu'il voit.
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On repartit à cela, que la qualité de Peintre n’est pas seulement l’usage de la couleur, mais la faculté de representer à la vuë tous les objets visibles de la nature & ceux mêmes dont l’on peut concevoir quelque idée avec leurs formes, leur proportion & couleur ; que celui qui sçaura bien mettre en usage les couleurs, sans les accompagner des autres parties, pourra être tout au plus nommé bon coloriste, mais non pas un sçavant Peintre, & qu’on ne doit pas estimer un ouvrage de Peinture, par l’éclat de la couleur, qui ne charme ordinairement que les esprits du vulgaire, & que la veritable beauté de la couleur consiste, en un ménagement harmonieux conduit par l’oeconomie du dessein : ce qui fut appuyé par un discours qui contenoit en substance que le veritable merite de quelque chose consistoit en ce qui se soûtient de soi-même sans emprunter rien d’autrui, que suivant ce principe pour connoître la difference du merite entre le dessein & la couleur, il falloit connoître laquelle de ces choses étoit la plus independante : que l’on representa, que le dessein qui se nomme pratique est produit de l’intellect & de l’imagination qu’il s’exprime par la parole & par la main, & que c’est de cette derniere maniere ; qu’avec un crayon on imite toutes les chose visibles, & donne non seulement la forme & la proportion, mais exprime jusqu’aux mouvemens de l’ame sans avoir besoin de la couleur, si ce n’est pour representer la rougeur ou la paleur, n’étant en elle-même qu’un accident dependant des divers effets de lumiere, puisqu’elle change selon qu’elle est éclairée, de telle sorte que la nuit à la lueur d’un flambeau, le verd paroît bleu, & le jaune paroît être blanc. L’on fit considerer, que la couleur qui entre dans la composition d’un Tableau, ne peut produire ni coloris ni teinte que par sa matiere même, elle étoit par consequent moins noble que le Dessein qui ne releve que de l’esprit. L’on ajoûta que la couleur depend tellement du Dessein, qu’il lui est impossible de representer quoi que ce soit sans son Ordonnance & sa conduite. Qu’ainsi il est trés constant que le merite de la Peinture consiste plûtôt dans le Dessein que dans la Couleur, puisque ce qui réleve le merite des choses, est de dépendre moins d’une cause étrangere, qu’il falloit donc tomber d’accord que celui du Dessin étoit infiniment au dessus de celui de la Couleur.
Comme de nombreuses autres parties de texte, ce passage de Testelin est repris par Florent Le Comte dans son Cabinet des singularitez (...), plus précisément à la page 67 de son édition de 1699-1700 (Paris, Etienne Picart & Nicolas Le Clerc). Le Comte reprend également la Table des Préceptes sur la Couleur aux pages 50-53.
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Voici quel est l’usage que je fais de ma Balance.
Je divise mon poids en vingt degrés, le vingtiéme est le plus haut, & je l’attribue à la souveraine perfection que nous ne connaissons pas dans toute son étendue. Le dix-neuviéme est pour le plus haut degré de perfection que nous connoissons, auquel personne néanmoins n’est encore arrivé. Et le dix-huitiéme est pour ceux qui à notre jugement ont le plus approché de la perfection, comme les plus bas chiffres sont pour ceux qui en paroissent les plus éloignés.
Je n’ai porté mon jugement que sur les Peintres les plus connus, & j’ai divisé la Peinture en quatre colonnes, comme en ses parties les plus essentielles, sçavoir, la Composition, le Dessein, le Coloris, & l’Expression. Ce que j’entens par le mot d’Expression, n’est pas le caractere de chaque objet, mais la pensée du cœur humain. On verra par l’ordre de cette division à quel degré je mets chaque Peintre dont le nom répond au chiffre de chaque colonne.
[…]
Or comme les parties essentielles de la Peinture sont composées de plusieurs autres parties que les mêmes Peintres n’ont pas également possedées, il est raisonnable de compenser l’une par l’autre pour en faire un jugement équitable. Par exemple, la Composition résulte de deux parties ; sçavoir, de l’Invention & de la Disposition. […] Dans le Dessein il y a le Gout & la Correction, l’un peut se trouver dans un Tableau sans être accompagné de l’autre, ou bien ils peuvent se trouver joints ensemble en differens degrés & par la compensation qu’on doit faire, on peut juger de ce que vaut le tout.
[…] j’avertis que pour critiquer judicieusement il faut avoir une parfaite connoissance de toutes les parties qui composent l’ouvrage & des raisons qui en font un bon tout. Car plusieurs jugent d’un Tableau par la partie seulement qu’ils aiment, & ne comptent pour rien celles qu’ils ne connoissent ou qu’ils n’aiment pas.
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Les desseins des grands maîtres étant tout esprit, forment une curiosité des plus piquantes ; ils sont la meilleure instruction pour un amateur, c’est une source féconde, où il peut puiser toutes les lumières qui lui sont nécessaires ; il conversera, pour ainsi dire, il s’instruira avec ces grands hommes, en visitant un recueil de leurs desseins, il se familiarisera avec eux, leurs différentes manieres se dévoileront à ses regards. Si même ces desseins (a) sont rangés chronologiquement & par écoles, ils lui rappelleront de suite l’histoire & la vie de ces fameux artistes.
(a) L’auteur a fait une collection des desseins des grands maîtres de tous les pays, qui peut passer pour une des meilleurs de l’Europe, elle est rangée chronologiquement par écoles & composée d’environ neuf mille desseins originaux & choisis, mêlés de morceaux finis, d’études, de pensées, & d’academies.
En général les desseins sont moins difficiles à connoître que les tableaux ; le coloris, la perspective, le clair-obscur s’y trouvent rarement. Une intelligence des règles du dessein, une pratique de distinguer la touche de chaque maître, suffit à un homme qui aime la peinture ; le goût naturel, l’inclination jointe à quelque expérience, feront le reste.
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Après celui-cy, vint un certain grand discoureur, & malade du même mal d’écrire, {Il a écrit l’essay des merveilles de nature.} qui cherchoit un habile Maistre, avec lequel il pûst s’entretenir de la Peinture, afin d’apprendre la maniere de parler justement de ce bel Art, pour après faire part au Public de ce qu’il en auroit appris, comme il avoit déjà fait de plusieurs autres arts, métiers & exercices.
Il s’adressa donc à un, qui ravi d’avoir rencontré cette occasion de faire paroistre les beautés de ses Ouvrages, lui fist voir quelques Tableaux de sa façon, dans lesquels il lui fist admirer les beaux gestes, mines & contenances des Images, les robes bien damassées, les belles pinceures, les rentrétemens & les feintes agreables : Aussitost l’autre prît des tablettes, & se mît à écrire tous ces beaux termes, & ces riches expressions avec soin, écoutant attentivement cet ignorant, qui continuoit à débiter les merveilles de ces Ouvrages.
Voyez, disoit-il, Monsieur, reculer ce Paysage peint en petit volume, voyez ces arbres remuer au gré du vent, écoutez cette eau gazoüiller, ces oyseaux fendre le vent ; ce coloris est vif, ces cheveux fins, ce drap est bien plissé, que cette verdure est gaye ! Voyez ces mains de neige, ce teint delicat, cette charneure mignonne, on pourroit conter les côtes de ce corps, tant il est naturel, la besongne est parfaitement
Restout évoque ici la manière de parler de la peinture pour la présenter au public et critique l’utilisation d’un vocabulaire extravagant faisant allusion aux sens
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Du jugement qu’on doit faire sur les ouvrages d’un peintre
Premierement, vous devez considerez si les figures monstrent un relief conforme au lieu & à la lumiere où elles sont, & que les ombres ne soient pas les mesmes aux extremitez de l’histoire que dans le milieu parce que c'est une autre chose d'estre tout environné de l'ombre, ou de ne l'avoir que d'un costé : ces figures-là sont environnées de l'ombre qui se trouvent dans le milieu de l'histoire, d'autant qu'elles sont ombrées par les figures qui se rencontrent entr'elles & la lumière : & celles-là ne sont ombrées que d'un seul costé qui sont placées entre la lumière et l'histoire, parce que là où la lumière ne passe point, le corps de l'histoire s'y rencontre, et l'obscurité des figures s'y fait remarquer, & où le corps de l'histoire ne se trouve point, là se void l'éclat du jour & y représente sa clarté.
Secondement, que dans l’ordonnance ou disposition des figures, il paroisse qu’elles sont accomodées au sujet, & à la representation de l’histoire que vous traittez.
En troisième lieu, que les figures soient bien attentives & fassent une expression convenable à leur attitude particulière.
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Cependant, interrompit Pymandre, si un grand ouvrage est traité avec le mesme art qu’un plus petit, le plus grand ne doit-il pas estre plus estimé ?
Il est vray, répondis-je ; mais c’est en quoy ils trouvoient de la difficulté, demeurant quasi tous d’accord qu’on ne peut faire paroistre tant de force dans une grande disposition d’ouvrage que dans un tableau qui est composé de peu de figures ; & la raison qu’ils en apportoient, est que la Peinture a ses bornes & ses limites […].
Cependant, dit Pymandre, il me semble qu’il faut bien plus de science pour traitter un grand ouvrage, pour le bien disposer, pour le remplir d’une infinité de differentes figures, d’habits, d’accomodemens, & pour y faire paroistre toutes ces parties dont vous m’avez parlé, que pour peindre seulement trois ou quatre figures ensemble.
Je vous avouë, repartis-je, que pour bien representer un grand sujet, il faut beaucoup plus de science, plus de travail, & que c’est-là qu’un Peintre a toute l’estendüe necessaire pour donner des marques de son sçavoir. Mais il y en a qui vous diront que ce n’est pas dans ces rencontres que l’art peut faire paroistre davantage sa puissance & la force de ses charmes.
[...] De sorte, dist Pymandre, que je puis sur cela vous faire une question, & vous demander ce que l’on doit le plus estimer dans un tableau ou le genie du Peintre, ou la force de l’Art.
Comme l’esprit du Peintre paroist dans tout ce qu’il fait, repartis-je, vous pourriez plustost demander lequel est le plus digne d’estime, ou celuy qui sçait tromper par la force de son Art, ou celuy qui montre beaucoup d’invention & de feu dans de grands ouvrages, mais qui ne trompent point comme les autres.
[…] Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir exécuté ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles se voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.
Pour moy, respondit Pymandre, je ne voudrois pas donner mon jugement là dessus ; mais j'ay leu que Zeuxis ayant peint une Centaure, se fascha voyant que l’on en estimoit plustost la nouvelle invention, que l’art qu’il avoit employé à la bien representer, estimant davantage cette derniere partie que la premiere. Et j’ay encore remarqué que les Anciens ont fait beaucoup de cas de plusieurs tableaux qui n’estoient que de peu de figures.
C’est pourquoy, repris-je, ceux qui ont une inclination particuliere pour les Ouvrages du Titien, & des autres Peintres de Lombardie, disent que si les Anciens ont receu beaucoup de loüanges pour des sujets de peu de figures, l’on ne doit pas trouver à redire si le Titien pour les imiter a plustost tasché d’acquerir la partie de bien peindre, que celle qui regarde les grandes dispositions, & la connoissance particuliere de l’Histoire & des Coustumes.
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C'est avec les égards les plus scrupuleux, & l'intention très réelle de ne désobliger personne, que l'on rapporte les jugemens des connoisseurs judicieux, éclairés par des principes, & encor plus par cette lumière naturelle que l'on appelle sentiment, parce qu'elle fait sentir au premier coup d'œil la dissonance ou l'harmonie d'un ouvrage, & c'est ce sentiment qui est la base du goût, j'entens de ce goût ferme & invariable du vrai beau qui ne s'acquiert presque jamais, dès qu'il n'est pas le don d'une heureuse naissance.
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{LX. La diversité & la facilité plaisent.}
*Les Corps de diverse nature aggrouppez ensemble sont agreables & plaisans à la veuë, *aussi bien que les choses qui paroissent estre faites avec Facilité ; parce qu’elles sont pleines d’esprit & d’un certain Feu celeste qui les anime : Mais vous ne ferez pas les choses avec cette Facilité, qu’apres les avoir long-temps roulées dans vostre Esprit : Et c’est ainsi que vous cacherez sous une agreable tromperie la peine que vous aura donné vostre Art & vostre Ouvrage ; mais le plus grand de tous les Artifices est de faire paroistre qu’il n’y en a point.
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Comme il a esté dit que plusieurs personnes ont le don de reconnoistre & discerner l’air des figures humaines de divers païs, & de plusieurs autres choses de leur usage, les unes des autres
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Nu soo staet inde twede tijt te letten op de middelen diemen moet aenwenden, om eenen heerlijcken ende grooten naem te bekomen: {2. Tijt om een grooten naem te bekomen.} Door de Eere (seght Iunius) wert de Schilder-Konst als door ’t rechte Lock-aes aengeset. Soo is oock de hope van een onsterffelijcken naem te bekomen, het eenigh oogh-merck der oude Vermaerde Konstenaers geweest; wetende dat indien sy dien konden bereycken, het haer aen geen winste ontbreecken soude. Men kan geen wegh, die daer op uytloopt nader practiseeren, dan te arbeyden om sich Universeel in de Konst te maecken, en gelijckmen seyt over al t’huys te zijn; {Datmen moet soeken algemeen in de Konst te zijn.} invoegen men alle ende een yegelijck kome te voldoen. Hoe menighmael sietmen door gebreck van dese algemeenheyt dat fraye Meesters hare Tafereelen bederven met yets daer by te maecken, op welcke sy haer niet en verstaen; als by Exempel een Beeldt-Schilder dat hy Lantschappen by sijn Historyen maeckt die niet en Deugen, of Gebouwen en anders tegen de order-maten ende perspectijf regeles daer by ordineert, ende dierghelijcke, als de verstandige genogh sal vatten: In alle welcke misslagen een Schilder niet en sal vervallen, by aldien hy sich op de alghemeene wetenschappen verstaet.
Men soude hier tegen konnen inbrengen, datter Remedien zijn om in desen geholpen te werden, {Tegenwerpingh van sommige.} ende datmen, gelijck het veel geschiet, sijne stucken door andere kan laten op maecken, als by voorbeelt, dat een Beelde-Schilder sijne verschieten van een Landtschap-Schilder laet maecken, of de Gebouwen van een die in de Architecture ende perspectijf verstaet, ende soo voort: Waerom een Landtschap-Schilder sijn stucken door een Beeldenaer kan laten stoffeeren, gelijckmen dat soo noemt: Invoegen datter dickwils twee, dry, à vier Meesters aen een Tafereel geschildert hebben. Hier omtrent heeft de Ervarentheyt geleert, dat de Beelden in soodanige stucken dickwils worden ingelapt even offer uyt de Lucht ingevallen waren, of immers daer in niet en hoorden. {Haer misslagh ontdeckt.} Want menighmael en wert van de Stoffeerders het voornemen vanden Meester noch de verkiesinghe van het Dagh-licht, noch de behoorlijcke wijckinge der gronden, de Perspectijf, Ja den ganschen aert van ’t Landschap niet verstaen; veel min dan datse het in het toe-passen harer Beelden in acht souden nemen: invoegen dat sy gantsch onge-aerde Beelden van eenen schoonen dag in een sommer Landtschap komen te maecken, en diergelijcke misslagen meer, die tegen de waerheyt der nature, en regelen van de Konst strijden. ‘k Hebbbe veelmael geobserveert, dat de Beeleen [sic, ndr.] ende Beesten, die vanden Lantschap-Schilder selfs daer in gemaeckt waren, die (hoe slecht sy oock mogten geteykent wesen) nochtans beter uyt eenen aert na het Landtschap geplaetst, en Geschildert waren, dan andere die al van een goet Meester daer waren by-geflanst. {Door ervarentheyt van veel voorvallen wederleyt.}
[suggested translation, Marije Osnabrugge:] In the second period it is important to pay attention to the means that one should apply to obtain a glorious and great name: {2. Period to obtain a great name.} The Art of Painting (says Junius) is stimulated by honor as if by a real bate. As such the hope of obtaining an immortal name, has been the only objective of the old Famous Artists; knowing that if they could reach it, they would not be lacking any profit. There is no road to follow more closely to arriver there, than to make oneself Universal in the Art, and to say to be at home anywhere; {That one should try to be general in the Art.} as such one will learn to do everything. How often one sees that through the lack of this generality good Masters spoil their Paintings by adding something to it, which they do not master; As if, for example, a Painter of Figures makes Landscapes for his Histories that are not good, or composes Buildings and such against the proportional sizes and rules of perspective to it, and such, which the wise will readily understand: A Painter would not fall into these mistakes, if he understands the general sciences of all this. One could contradict this [by saying] that there are remedies to assist in this, {The counterargument of some.} and that one, as happens often, can have his pieces be drawn up by others, like for example, that a Painter of Figures has his perspectives drawn up by a Landscape Painter, or the Buildings by someone who understands Architecture and Perspective, et cetera: This is why a Landscape Painter can have his pieces be filled in by a Figure painter, as one calls it: As such there are often two, three or four Masters who have worked on a Painting. In this regard the experience has taught us, that the Figures in such works are often thrown in as if they had fallen in from the sky, or did not belong there. {Their mistake discovered.} Because oftentimes the idea of the Master nor the selection of the Day-light nor the appropriate deviation of the ground, the Perspective, yes the whole nature of the Landscape is not understood by those who fill in the picture; even less so that they would take it into consideration in their Figures: as such they arrive at making rather inappropriate Figures of a beautiful day for a gloomy Landscape and more of such mistakes, which strive against the truth of nature and the rules of the Art. I have often seen that Figures and Animals that had been made by the Landscape Painter himself, (however bad they may have been drawn) had been placed and painted much better in character with the Landscape than others that had been thrown in it by a good Master. {Contradicted by the experience of many cases.}
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Het stond ook die verstandige Menschkundigers ligt te denken, dat terwijl de slegte Meestertjes en Knoyers de onberoerlijkheyd en gebreklijkheyd harer beelden onder d’optoysels der kleedingen, en rijckgeployde drapperyen quamen te verbergen, en ’t oog des gemeenen volx beguichelden, sy met haar wel verstane Beelden, die sonder eenige bewimpeling als aan de naakte waarheyd konden getoest werden, de grootste eer by de Konstkenders en Menschkundige beschouwers souden inleggen: en datse by gevolg alle de andere werken van die en de volgende tijden, soo doende best verduuren konden.
[suggested translation, Marije Osnabrugge:] It was also easy for those wise experts of Anatomy to think that, while the bad little masters and botchers tended to hide the lack of movement and flaws of their figures under the adornment of clothing and richly pleated drapery, and mislead the eye of the common people, they would receive the greatest honour from the Connoisseurs and spectators of the human body, with their well conceived Figures, who could be tested to the naked truth without any disguise: and that they would therefore be able to survive the other works from that and later times.
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Daer plaght ghemeynlick op ’t gheniet van d’eere een vrymoedige stoutvaerdigheyd der Konste te volghen. ’t Is ongelooflick, seght Plinius {Lib. xxxiv. Cap.7}, hoe dapper de Konst, eerst door een gheluckighe uytkomste, en daer nae door een seeckere stoutmoedigheyd heeft toeghenomen. Alwaer wy door de gheluckighe uytkomste anders niet en moghen verstaen, dan d’aensienlicke eerbiedigheyd die dese Konsten hadden soo langhe als Koningen en Republijcken veele wercks van de selvighe maeckten. Daer nae, seght Plinius noch voorder wierd de Konst dapper ghevoordert door een seekere stoutmoedigheyd, ons met dese woorden te verstaen ghevende dat de voornoemde gheluckighe uytkomste de Konstenaers door ’t gevoelen van de soete eer-ketelingh soo verde braght dat sy sich niet en schroomden de hand aen eenighe nieuwe en onghehoorde wercken te slaen, de gheweldighe Colossen van d’oude Meesters gheven hier van ghetuyghenis; en Plinius, in de voorghemelde plaetse, naemt eenighe Colossisiche wercken der ouder Konstenaeren tot bewijs van haere voordvaerende stoutmoedigheyd. Zeuxis was meest van allen vermaerd over sijne stoutigheydt; hy is vaerdighlick door de deure die hem Apollodorus gheopent hadden inghestept, seght Plinius wederom in de selvighe plaetse, het penceel, ’t welck nu vry wat bestaen dorst, tot meerder eere ende aensienlickheyd brengende. Van de stoutigheyd deses uytnemenden Konstenaers siet Lucianus in sijn Boecksken ’t welck Zeuxis gheheeten wordt.
[Suggested translation, Marije Osnabrugge:] Usually, a candid audacity of the Art tends to follow the benefit of the honor. It is unbelievable, says Plinius {…} how quickly the Art has increased, first through a fortunate result, and after that by a certain audacity. Where, by the fortunate result, we should understand nothing else but the notable respectability that these Arts had as long as Kings and Republicans put a lot of effort in them. After that, says Plinius furthermore, the Art progressed quickly through a certain audacity, explaining to us with these words that the aforementioned fortunate result brought the Artists so much further by feeling a sweet tingling of honor that they did not hesitate to try their hand at some new and unprecedented works, the marvelous Colossi of the old Masters bear witness of this; and Plinius, in the aforementioned place, names some Colossal works of the old Artists as evidence of their bold audacity. Zeuxis was most of all famous for his audacity; he capably stepped through the door that Apollodorus had opened, says Plinius again in the same place, bringing the brush, which now deemed very important, to further honor and distinction. For the audacity of this remarkable Artist, see Lucianus in his little book called Zeuxis.
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Van welcke Menschen seer licht is af te nemen, hoe verre het uyt hunne ghedachten moet wesen, selfs een Konstighe vont ten nutte van haren naesten, uyt te vissen, en in ’t licht te brenghen. {Wat van de sodanige te denken staet.} Men kan de sulcke bequaemelijck stellen onder de Onkundighe, die den Rijckdom van een brave Konst te bezitten, noyt genoten hebben. ’t Moet desweghen niemandt vremt duncken datter veele wetenschappen het ongeluck hebben, datse vanden meesten hoop kleyn geacht, Ja veele uytnemende Konsten veracht en deftige Werck-Meesters met kleyne eerbiedigheyt aengesien werden. Het schijnt (seght Sidonius Apollinaris seer wel) als door een natuerlijck ghebreck in de herten der Menschen ingeprent te zijn, dat die gene welcke de Konsten niet en verstaen, oock vande Konstenaers weynigh wercks maecken. {De Konsten hebben geen grooter Vyanden als diese niet en verstaen.} Maer om een woordt uyt de Borst te spreken: wie sal als een verstandigh Man, eenighe Konst beminnen, die niet met de alder grootste eerbiedigheyt de Schilder-konst, als een opperste Voogdesse, Voordt-brengster ende Bestierster aller Konsten, en sal Eeren een Konst uyt aenleydingh der Natuer voor komende, en de volmaecktheyt der selve tot een Meesterse bezit.
[suggested translation, Marije Osnabrugge:] Of these People it is easy to understand, how estranged it must be from their minds to figure out and bring to light an Artful idea to help those close to them. {What should be thought about such people.} One can hardly place them under the Incapable, who have never enjoyed the Richness of a brave Art. Therefore, it would not be strange to anyone that many sciences have the misfortune, that they are undervalued by most, Yes many excellent Arts are despised and distinguished Artisans seen with little respect. It seems (says Sidonius Apollinaris very well) to be imprinted by a natural flaw in the hearts of Men, that those who do not understand the Arts, also pay little attention to the Artists. {The Arts have no greater enemy than those who do not understand them.} But to speak from the heart: which sensible Man would love any Art, who would not Honour the Art of Painting with the utmost respect – as the highest Guardian, Creator and Governor [ndr: in Dutch, these titles are feminine] of all Arts – an Art springing forth from Nature and the perfection of it until a Master possesses them.
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On entend par le mot de Raisonnement, ou la cause & la raison par laquelle l’Ouvrage fait un bon effet, ou l’action de l’entendement qui connoît une chose par une autre, & qui en tire des consequences.
Si par le mot de Raisonnement on entend la cause & la raison par laquelle l’Ouvrage fait un bon effet, il y a autant de Raisonnement dans la Peinture que dans la Poësie, parce qu’elles agissent l’une & l’autre en vertu de leurs principes.
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Dans l’yvresse qui nous agite, nous croïons souvent voir sur la toile ce qui est resté dans notre imagination. Nous pensons être intelligibles, parce que nous nous entendons à demi mot : nous supposons pour la necessité de l’effet de notre tableau, des plans, des accidens dont ne nous rendons aucun compte ; & nous ne songeons pas que ceux qui le verront auroient plus de travail à faire que nous, s’ils vouloient débroüiller ce que nous avons laissé en désordre. Enfin, à force de nous voir, nous ne nous voïons plus ; & nous pouvons nous comparer alors aux medecins les plus celebres, qui dans leur propres maladies sont obligez de recourir aux lumieres de leurs confreres : nous nous trouvons, ainsi qu’eux, dans la necesité d’emploïer de façon ou d’autre le secours d’autrui pour nous ranimer. Je pense qu’il y encore une conduite à tenir, soit que nous cherchions à nous critiquer nous-même, soit que nous demandions des conseils […].
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Il ne serait pas moins téméraire de décider la question sur ce que nos tableaux ne sont point ces effets prodigieux que les tableaux des anciens peintres ont fait quelquefois ; suivant les apparences, les récits des Ecrivains qui nous racontent ces effets sont exagérez, & nous ne savons pas même ce qu'il en faudrait rabattre pour les réduire à l'exacte vérité. Nous ignorons quelle part de la nouveauté de l'art de la Peinture peut avoir euë dans l'impression qu'on veut que certains tableaux aïent fait sur les Spectateurs. Les premiers tableaux, quoique grossiers, ont dû paroître des ouvrages divins. L'admiration pour un art naissant, fait tomber aisément dans l'exagération ceux qui parlent de ses productions ; & et la tradition en recueillant ces récits outrez, aime encore les rendre plus merveilleux qu'elle ne les a reçus. On trouve même dans les Ecrivains anciens des choses impossibles données pour vraies, & des choses ordinaires traitées de prodiges. […]
Enfin on ne sçaurait donner une idée un peu précise des tableaux à ceux qui ne les ont pas vus absolument, & qui ne connaissent pas la manière du Peintre qui les a faits, que par voies de comparaison. […]
Les Ecrivains modernes qui ont traité de la peinture antique, nous rendent plus sçavans, sans nous rendre plus capables de juger la question de la supériorité des Peintres de l'antiquité sur les Peintres modernes. Ces Ecrivains se sont contentez de ramasser les passages des Auteurs anciens qui parlent de la peinture & de les commenter en Philologues, sans les expliquer par l'examen de ce que nos Peintres font de nos jours, & même sans appliquer ces passages aux morceaux de la peinture antique qui subsistent encore. Je pense donc que pour se former une idée aussi distincte de la peinture antique qu'il soit possible de l'avoir, il faut considérer séparément ce que nous pouvons sçavoir de certain sur la composition, sur l'expression & sur le coloris des Peintres de l'antiquité.
[…] Quant à la composition Pittoresque, il faut avoüer que dans les monumens qui nous restent, les Peintres anciens ne paroissent pas superieurs, ni même égaux à Raphaël, à Rubens, à Paul Véronèse, ni à M. Le Brun. […]
Quant à la composition Poëtique, les anciens se piquoient beaucoup d'exceller dans ses inventions, & comme ils étoient grands dessinateurs, ils avoient toutes sortes de facilité pour y réussir. Pour donner une idée du progrès que les anciens avoient faits dans cette partie de la peinture qui comprend le grand art des expressions, nous rapporterons ce qu'en disent les Ecrivains de l'antiquité. De toute les parties de la peinture, la composition Poëtique est celle dont il est le plus facile de donner une idée avec des paroles. C'est celle qui se décrit le mieux.
[…]
Comme le temps a éteint les couleurs, & confondu les nuances dans les fragmens qui nous restent de la peinture antique faite au pinceau, nous ne sçaurions juger à quel point les Peintres de l'antiquité ont excellé dans le coloris, ni s'ils ont égalé ou surpassé les grands Maîtres de l'Ecole Lombarde dans cette aimable partie de la peinture.[…] On ne sçaurait décider notre question sur des récits. Il faut pour la juger, avoir des pièces de comparaison. Elles nous manquent.
On ne sçauroit former un préjugé contre le coloris des anciens, de ce qu'ils ignoroient l'invention de détremper les couleurs avec de l'huile […]
Quant au clair-obscur & à la distribution enchanteresse des lumières & des ombres, ce que Pline & les autres Ecrivains de l'antiquité en disent, est si positif, leurs récits sont si bien circonstanciez & si vrai-semblables, qu'on ne sçauroit disconvenir que les anciens n'égalassent du moins dans cette partie de l'Art, les plus grands peintres modernes. Les passages de ces Auteurs que nous ne comprenions pas bien, quand les Peintres modernes ignoroient encore quel prestige on peut faire avec le secours de cette magie, ne sont plus si embroüillez & si difficiles, depuis que Rubens, ses Eleves, Polidore de Caravage, & d'autres Peintres les ont expliquez bien mieux, les pinceaux à la main, que les commentateurs les plus érudits ne le pouvoient faire dans des livres.
[…] je dis, que les Peintres qui ont travaillé depuis la renaissance des Arts, que Raphaël & ses contemporains n'ont point eu aucun avantage sur nos Artisans. Ces derniers sçavent toutes les couleurs dont les premiers se sont servis.
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{Die Farben müßen jedem Bild seine Natur geben} Wann man aber den Alten/in einen Winkel/ mit einem gelben/ braunen/ oder von Sonne und Staub erschwärzten vernebelten Angesicht/vorstellet/ gegenüber einen jungen Verliebten/ mit seiner Dame, ganz schön/ licht/ feuring und brennend/ bald weiß/ bald roht/ conversiren/ auch die Kinder schön weiß und röhtlich machet: wird solche uneinige Misculanz, bald eine einige liebliche Concordanz auf dem Kunst-Blat gebähren/ und die niedere/ bleiche und dunkele/ der hellen/ feurigen und hochtrabenden Farbe erst ein Preis-volles ansehen und folgbar dem Künstler alle Ehre/ erwerben […].
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Je ne m’amuserai point à relever ici la naissance de cet Auteur, ni les facultés de ses parens comme a fait certain Ecrivain en pareille occasion, ce qui me paroît l’éloge du monde le plus maladroit & le plus grossier : je serois trop fâché de faire ce tort à M. Pierres ; & de chercher dans ses ouvrages un mérite aussi étranger. Louons-le plutôt de son amour pour les Arts, & de sa mâle activité au travail, qui lui en fait dévorer toutes les difficultés. On trouve dans cet Auteur une grande facilité de composition, beaucoup de vigueur de coloris ; & un dessein, pour l’ordinaire, savant & exact. Son pinceau est aisé, coulant, voluptueux. De six Tableaux qu’il [ndr : Pierres] a exposés cette années, je n’en vois gueres que deux qui ne méritent peut-être pas les même éloges (Une Pastorale & une Solitude.) L’un parce que des Moines & des rocailles intéressent peu ; l’autre parce qu’il me semble y manquer quelque chose de cette gentillesse & de cet agrément frivole que semblent exiger aujourd’hui des sujets galands. Je sais très bon gré à M. Pierres de ce défaut : il vaut beaucoup mieux avoir du génie que de l’esprit dans un siécle où le premier est si rare, & où l’autre est si prostitué & si bannal.
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Non seulement le public juge d'un ouvrage sans interêt, mais il en juge encore ainsi qu'il en faut décider en general, c'est-à-dire par la voïe du sentiment, & suivant l'impression que le poëme ou le tableau font sur lui. Puisque le premier but de la Poësie & de la Peinture est de nous toucher, les poëmes & les tableaux ne sont de bons ouvrages qu'à proportion qu'ils nous émeuvent & qu'ils nous attachent. Un ouvrage qui touche beaucoup doit être excellent à tout prendre. Par la même raison l'ouvrage qui ne touche point & qui n'attache pas ne vaut rien, & si la critique n'y trouve point à reprendre des fautes contre les regles, c'est qu'un ouvrage peut être mauvais sans qu'il y ait des fautes contre les regles, comme un ouvrage plein de fautes contre les regles peut être un ouvrage excellent.
Or le sentiment enseigne bien mieux si l'ouvrage touche, & s'il fait sur nous l'impression que doit faire un ouvrage, que toutes les dissertations composées par les Critiques, pour en expliquer le mérite, & pour en calculer les perfections & les défauts. La voie de discussion & d'analyse, dont se servent ces Messieurs, est bonne à la verité, lorsqu'il s'agit de trouver les causes qui font qu'un ouvrage plaît ou qu'il ne plaît pas ; mais cette voie ne vaut pas celle du sentiment lorsqu'il s'agit de décider cette question. L'ouvrage plaît-il ou ne plaît-il pas ? L'ouvrage est-il bon ou mauvais en géneral ? C'est la même chose. Le raisonnement ne doit donc intervenir dans le jugement que nous portons sur un poëme ou sur un tableau, que pour rendre raison de la décision du sentiment & pour expliquer quelles fautes l'empêchent de plaire, & quels sont les agrémens qui le rendent capable d'attacher. Qu'on me permette ce trait.
La raison ne veut point qu'on raisonne sur une pareille question, à moins qu'on ne raisonne pour justifier le jugement que le sentiment a porté. La décision de la question n'est point du ressort du raisonnement. Il doit se soumettre au jugement que le sentiment prononce. C'est le juge compétent de la question.
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D’ailleurs les Peintres & les Poètes s’occupent à des imitations comme d’un travail au lieu que les autres hommes ne les regardent que comme des objets intéressans. Ainsi le sujet de l'imitation, c'est-à-dire, les événements de la tragédie et les expressions du tableau, font une impression légère sur les peintres et sur les poètes sans génie, qui sont ceux dont je parle. Ils sont en habitude d'être émus si faiblement, qu'ils ne s'aperçoivent presque pas si l'ouvrage les touche ou s'il ne les touche point. Leur attention se porte toute entière sur l'exécution mécanique, et c'est par là qu'ils jugent de tout l'ouvrage. La poësie du tableau de Monsieur Coypel, qui représente le sacrifice de la fille de Jephté, ne les saisit point, & ils l'examinent avec autant d'indifférence que s'il représentoit une danse de païsans, ou quelque sujet incapable de nous émouvoir. […].
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Plusieurs tiennent, que l’origine ou commencement, ou crainte de s’abuser, la restauration de cét Art, n’est que vers l’année 1490. & sur ce sujet je commenceray à nommer les premiers qui l’ont mis ou remis en pratique ; Israël, Martin Schon ou le Tudesque, & quelques autres nommez par les Curieux, les Maistres au Chandelier, & pour leurs Stampes elles ont le nom de pieces de mauvais noir ou ancre [ndr : sic], dautant qu’ils n’avoient pas encore la bonne maniere de la faire, ce qui se remarque en elles par l’huile qui a jauny le papier, y estant entrée apres s’estre separée du noir faute d’avoir esté cuite ou bruslée.
La formulation de Bosse n'est pas claire quant aux artistes qu'il cite. Quand il mentionne Israël, est-ce Isarël Silvestre ou Israhel Van Meckenem ? Le Tudesque est-il un peintre tel que Nicolas di Lorenzo d'Allemagne (Lanzi, 1824, p. 187) ou est-ce un pseudonyme donné au peintre allemand Martin Schongaueur (Hermann, II, 1819, p. 354) ? L'appelation désigne-t-elle le peintre Isarël Meckenem (qui avait pour sorbiquet Le Tudesque selon Duchesne, 1826, p. 106) ? Les maîtres au chandelier désignent-ils Schongaeur, Israel et, le cas échéant, le Tudesque (comme le fait Le Comte en 1702, vol. 3, p. 236) ou Bosse fait-il référence aux Hopfer, désignés comme tels dans plusieurs ouvrages (Christ, 1754, p. 313 ; Brulliot, 1817, p. 90 ; Meersch, 846, p. 98)?
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Das 2. Capitel. Beschreibung der Mahlerey-Kunst und des Zeichnen Nutz.
Man muß urtheilen, ob dieses oder jenes vernünftig, witzig gezeichnet, und gestellet sey? Ob etwas zu verbessern oder zu ändern, auch wie forthane Verbesserung anzugreiffen, und zuwege zubringen sey; Aus diesen langen Discuriren, und Nachsinnen des Verstandes wird nach und nach die Erfahrenheit und Gewohnheit reiff und zeitig.
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73. [Qui soit plein de sel.] Aliquid salis, Quelque chose d’ingenieux, de fin, de piquant, d’extraordinaire, d’un goust relevé & qui soit propre à instruire & à éclaircir les esprits. Il faut que les Peintres fassent comme les Orateurs (dit Ciceron) qu’ils instruisent, qu’ils divertissent, & qu’ils touchent : & c’est proprement ce que veut dire ce mot de Sel.
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[...] De sorte, dist Pymandre, que je puis sur cela vous faire une question, & vous demander ce que l’on doit le plus estimer dans un tableau ou le genie du Peintre, ou la force de l’Art.
Comme l’esprit du Peintre paroist dans tout ce qu’il fait, repartis-je, vous pourriez plustost demander lequel est le plus digne d’estime, ou celuy qui sçait tromper par la force de son Art, ou celuy qui montre beaucoup d’invention & de feu dans de grands ouvrages, mais qui ne trompent point comme les autres.
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Faut-il, pour juger si ce portrait ressemble ou non, prendre les proportions du visage de notre ami, & les comparer aux proportions du portrait ? Les Peintres mêmes diront qu'il est en eux un sentiment subit qui devance tout examen, & que l'excellent tableau qu'ils n'ont jamais vu, fait sur eux une impression soudaine qui les met en état de pouvoir, avant aucune discussion, de juger de son mérite en général : cette premiere appréhension leur suffit même pour nommer le noble Artisan du tableau.
On a donc raison de dire communément qu'avec de l'esprit on se connoît à tout, car on entend alors par le mot d'esprit, la justesse & la délicatesse du sentiment. […]
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[...] Enfin on doit faire ensorte que la planche soit entierement faite à l’eau forte, s’il est possible, afin de conserver tout l’esprit du dessein : car plus on mettra d’ouvrage dès l’eau Forte, & plus on sera sûr de réussir, pourvû que cela soit fait à propos & avec goût, & qu’on ne le laisse point trop mordre. C’est le moyen de plaire aux habiles gens & aux vrais connoisseurs dont les suffrages sont seuls flatteurs & à désirer pour ceux qui veulent se perfectionner & acquérir une réputation solide.
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Il faut faire distinction de ce que plusieurs Praticiens & Curieux nomment ordinairement bonnes Stampes. Ils estiment, à l’exclusion des autres, celles dont le trait ou dessein est bon, ou qu’il est estimé tel, sans considerer ny faire cas de la beauté de la graveure ; de sorte qu’ils feront bien plus d’estime d’une Stampe mal gravée mesme à l’eau forte ou en bois, que d’un du plus beau burin qui se voye.
Il y en a d’autres qui ayment & trouvent leur satisfaction en la beauté de la seule graveure sans s’arrester au dessein ; Mais pour les vrais Curieux & connaissans, ils seroient bien contens que l’un et l’autre fust ensemble ; Et d’autant qu’une bonne partie de bons Graveurs ne se sont pas trouvez aux lieux, à l’occasion, & dans le temps de plusieurs grands Peintres & Desseignateurs, ils ont gravé sur les œuvres de divers autres beaucoup moins excellents ; Or cela n’empesche pas que plusieurs dedites Stampes ne soient tres-necessaires ou profitables à quantité de personnes, principalement à ceux qui pratiquent la Graveure ; afin de s’instruire sur icelles.
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Et je croy que pour coucher encore icy ce rapport de l’ancienne peinture à la moderne, l’artifice & la promptitude de Romanelli peuvent étre jointes aux precedentes, ayant commencé & finy en neuf mois au Palais de M. le Cardinal Mazarin, le travail de cette grande galerie, que ceux qui s’y connoissent ne peuvent contempler sans estonnement.
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61. [Veu que les plus belles choses ne se peuvent souvent exprimer faute de termes.] J’ay [ndr : Roger de Piles] appris de la bouche de Monsieur du Fresnoy, qu’il avoit plusieurs fois oüi dire au Guide, Qu’on ne pouvoit donner de Preceptes des plus belles choses, & que les connoissances en estoient si cachées, qu’il n’y avoit point de maniere de parler qui les pût découvrir. Cela revient assez à ce que dit Quint. {Declam. 19.} Les choses incroyables n'ont point de paroles pour estre exprimées, il y en a quelques-unes qui sont trop grandes & trop relevées, pour pouvoir estre comprises dans les discours des hommes. D'où vient que les Connoisseurs, quand ils admirent un beau Tableau, semblent y estre collez ; & quand ils en reviennent, vous diriez qu'ils auroient perdu l'usage de la parole. {Liv. 2. Sat. 7.} Pausiaca torpes insane Tabella. Dit Horace. {L. 10. Ep. 22} Et Symmachus dit, Que la grandeur de l'étonnement ne permet pas que l'on donne des loüanges & des applaudissemens. Les Italiens disent Opera da stupire, pour dire qu'une chose est fort belle.
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Resteert nu noch, om dit Capittel te besluyten, dat men wete hoemen sich in het oordeelen en beschouwen van andere Luyden Wercken moet dragen: {Hoemen hem in ’t besien van andere Luyden Konst sal dragen om wel te oordeelen.} en daer toe salmen kortelijck in ’t algemeen aenmercken, datmen de kleyne gebreecken en pickediljes niet al te naeuw examineeren, noch te seer berispen en moet; noch de groote misslagen niet te licht door de Vingeren sien: Want soo een Schilder hem hier in onvoorsichtigh komt te dragen, soo loopt hy gevaer om by alle andere veracht, en seer gehaet te werden.
[suggested translation, Marije Osnabrugge:] To finish this Chapter is left that one knows who one should behave in the judging and observing of the works of other men: {How one should behave in the observation of the Art of other men to judge them well.} and for this one will briefly point out in general, that one should not examine the small flaws and trifles all too closely, nor condemn them too much; nor too easily turn a blind eye to the big mistakes: Because if a Painter behaves himself careless in this matter, he runs the risk to become despised by all others and very hated.
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Nous avons vu que les beautez de l'exécution pouvoient seules rendre un tableau précieux. Or ces beautez se rendent bien sensibles aux hommes qui n'ont pas l'intelligence de la mécanique de la Peinture, mais ils ne sont pas capables pour cela de juger du mérite du Peintre. Pour être capable de juger de la loüange qui lui est dûë, il faut sçavoir à quel degré il a approché des Artisans qui sont les plus vantez pour avoir excellé dans les parties où il a réussi lui-même. […] Ainsi la réputation du Peintre, dont le talent est de réussir dans le clair-obscur ou dans la couleur locale, est bien plus dépendante du suffrage de ses pairs, que la réputation de celui dont le mérite consiste dans l'expression des passions & dans les inventions poëtiques, choses où le public se connoît mieux, qu'il compare par lui-même, & dont il juge par lui-même.[….].
On voit bien, qu'en suivant ce principe, je dois reconnoître les personnes du métier pour être les juges auxquels il faut s'en rapporter, quand on veut sçavoir, autant qu'il est possible, quel Peintre a fait le tableau ; mais elles ne sont point pour cela les juges uniques du mérite de ce tableau. Comme les plus grands ouvriers en ont fait quelquefois de médiocres, on ne connoît pas l'excellence d'un tableau, dès qu'on connaît son Auteur.
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Le plus grand effet des préjugez que les Peintres & les Poëtes sement dans le monde contre un nouvel ouvrage, vient de ce que les personnes qui parlent d'un poëme ou d'un tableau sur la foi d'autrui, aiment mieux en passer par l'avis des gens du métier, elles aiment mieux le repeter, que de redire le sentiment de gens qui n'ont pas mis l'enseigne de la profession à laquelle l'ouvrage ressortit. En ces sortes de choses où les hommes ne croïent point avoir un intérêt essentiel à choisir le bon parti, ils se laissent ébloüir par une raison qui peut beaucoup sur eux. C'est que les gens du métier doivent avoir plus d'expérience que les autres. Je dis ébloüir, car comme je l'ai exposé, la plûpart des Peintres & des Poëtes ne jugent point par voïe de sentiment, ni en déferant au goût naturel perfectionné par les comparaisons & par l'expérience, mais par voïe d'analyse.
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Du jugement qu’on doit faire sur les ouvrages d’un peintre
Premierement, vous devez considerez si les figures monstrent un relief conforme au lieu & à la lumiere où elles sont, & que les ombres ne soient pas les mesmes aux extremitez de l’histoire que dans le milieu parce que c'est une autre chose d'estre tout environné de l'ombre, ou de ne l'avoir que d'un costé : ces figures-là sont environnées de l'ombre qui se trouvent dans le milieu de l'histoire, d'autant qu'elles sont ombrées par les figures qui se rencontrent entr'elles & la lumière : & celles-là ne sont ombrées que d'un seul costé qui sont placées entre la lumière et l'histoire, parce que là où la lumière ne passe point, le corps de l'histoire s'y rencontre, et l'obscurité des figures s'y fait remarquer, & où le corps de l'histoire ne se trouve point, là se void l'éclat du jour & y représente sa clarté.
Secondement, que dans l’ordonnance ou disposition des figures, il paroisse qu’elles sont accomodées au sujet, & à la representation de l’histoire que vous traittez.
En troisième lieu, que les figures soient bien attentives & fassent une expression convenable à leur attitude particulière.
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Voici quel est l’usage que je fais de ma Balance.
Je divise mon poids en vingt degrés, le vingtiéme est le plus haut, & je l’attribue à la souveraine perfection que nous ne connaissons pas dans toute son étendue. Le dix-neuviéme est pour le plus haut degré de perfection que nous connoissons, auquel personne néanmoins n’est encore arrivé. Et le dix-huitiéme est pour ceux qui à notre jugement ont le plus approché de la perfection, comme les plus bas chiffres sont pour ceux qui en paroissent les plus éloignés.
Je n’ai porté mon jugement que sur les Peintres les plus connus, & j’ai divisé la Peinture en quatre colonnes, comme en ses parties les plus essentielles, sçavoir, la Composition, le Dessein, le Coloris, & l’Expression. Ce que j’entens par le mot d’Expression, n’est pas le caractere de chaque objet, mais la pensée du cœur humain. On verra par l’ordre de cette division à quel degré je mets chaque Peintre dont le nom répond au chiffre de chaque colonne.
[…]
Or comme les parties essentielles de la Peinture sont composées de plusieurs autres parties que les mêmes Peintres n’ont pas également possedées, il est raisonnable de compenser l’une par l’autre pour en faire un jugement équitable. Par exemple, la Composition résulte de deux parties ; sçavoir, de l’Invention & de la Disposition. […] Dans le Dessein il y a le Gout & la Correction, l’un peut se trouver dans un Tableau sans être accompagné de l’autre, ou bien ils peuvent se trouver joints ensemble en differens degrés & par la compensation qu’on doit faire, on peut juger de ce que vaut le tout.
[…] j’avertis que pour critiquer judicieusement il faut avoir une parfaite connoissance de toutes les parties qui composent l’ouvrage & des raisons qui en font un bon tout. Car plusieurs jugent d’un Tableau par la partie seulement qu’ils aiment, & ne comptent pour rien celles qu’ils ne connoissent ou qu’ils n’aiment pas.
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Les Expressions sont la pierre de touche de l’esprit du Peintre. Il montre par la justesse dont il les distribue, sa pénétration & son discernement : mais il faut le même esprit dans le Spectateur pour les bien apercevoir, que dans le Peintre pour les bien executer. On doit considérer un Tableau comme une Scene, où chaque Figure joue son rôle. Les Figures bien dessinées & bien coloriées sont admirables à la vérité, mais la plûpart des gens d’esprit, qui n’ont pas encore une Idée bien juste de la Peinture, ne sont sensibles à ces parties, qu’autant qu’elles sont accompagnées de la vivacité, de la justesse & de la délicatesse des Expressions. Elles sont un des plus rare talens de la Peinture, & celui qui est assez heureux pour les bien traiter, y intéresse non-seulement les Parties du visage, mais encore toutes celles du corps, & fait concourir à l’Expression générale du sujet, les objets même les plus inanimés, par la manière dont il les expose.
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L. Mummius toonde in desen wel te rechte sijn onnooselheyt, soo wanneer hy Corinten ingenomen hadde, ende meest alle de Schilderyen ende Pronck-beelden na Roomen liet brengen, belastende de Schippers ende Overste dat hy aldien sy eenige van die quamen te verliesen of te breecken, dat sy daer voor wederom nieuwe soude moeten maecken. {Groote hebben somtijts kleyne kennis van de Konsten.} {Exempelen daer van.} Gewisselijck heeft dese gemeent dat het maer met hermaecken genoegh was, ende dat alle Meesters elkanderen in Konst ghelijck waeren. Even soo wiert seecker aensienlijck Duytser (die te Roomen een deftige Schilderye van een oude Tronye sagh) gevraeght wat hy soodanigen Stuck wel soude Extimeeren? Waer op hy uyt goeder meeninge antwoorden, al was die Vent levendigh, soo wilde ick hem te geefts niet hebben. Sich inbeeldende dat een Oude gerimpelde Tronye, geen Konstige Schilderye konde wesen.
[suggested translation, Marije Osnabrugge:] Lucius Mummius showed his ignorance in this regard, as when he had conquered Corinth, and had almost all Paintings and Statues be brought to Rome, making the Captains and Commandor responsible that if they happened to lose any of them or break them, that they would have to make new ones for them. {The Great sometimes have little knowledge about the Arts.} {Examples of this.} Certainly he thought that it would suffice just to make them again, and that all Masters were equal to each other in the Art. Similarly a certain German (who saw a remarkable Painting of an old Face in Rome) was asked how he would Estimate such a Piece? To which he answered out of his good opinion, even if that guy were alive, I would not want to get him for free. Believing that an Old wrinkled Face, could not be an Artful Painting.
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Rules may be establish’d so clearly derived from Reason as to be Incontestable. If the Design of the Picture be (as in General it is) to Please, and Improve the Mind (as in Poetry) the Story must have all possible Advantages given to it, and the Actors must have the Utmost Grace, and Dignity their several Characters will admit of : If Historical, and Natural Truth only be intended That must be follow’d ; tho’ the Best Choice of These must be made ; In Both Cases Unity of Time, Place, and Action ought to be observ’d : The Composition must be such as to make the Thoughts appear at first Sight, and the Principal of them the most conspicuously ; And the Whole must be so contrived as to be a Grateful Object to the Eye, both as to the Colours, and the Masses of Light, and Shadow. These things are so evident as not to admit of any Dispute, or Contradiction ; As it also is that the Expression must be Strong, the Drawing Just, the Colouring Clean, and Beautiful, the Handling Easy, and Light, and all These Proper to the Subject. Nor will it be difficult to know Assuredly what is so, unless with relation to the Justness of the Drawing ; but to know in the Main whether any thing is Lame, Distorded, Mis-shapen, ill Proportioned, or Flat, or on the contrary Round, and Beautiful is what any Eye that is tolerably Curious can judge of.
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What is Beautiful, and Excellent is naturally adapted to Please ; but all Beauties, and Excellencies are not naturally Seen. Most Gentlemen see Pictures, and Drawings as the Generality of People see the Heavens in a Clear, Starry Night, they perceive a sort of Beauty there, but such a one as produces no great Pleasure in the Mind : But when one considers the Heavenly Bodies as other Worlds, and that there are an Infinite Number of these in the Empire of God, Immensity ; and Worlds which our Eyes assisted by the best Glasses can never reach, and so far removed from the most distant of what we see (which yet are so far removed from us that when we consider it our Minds are fill’d with Astonishment) that These Visible ones are as it were our Neighbours, as the Continent of France is to Great Britain ; When one considers farther, That as there Inhabitants on this Continent tho’ we see them not when we see That, ‘tis altogether unreasonable to Imagine that those Innumerable Words are Uninhabited, and Desart ; there must be Beings There, Some perhaps More, Others Less Noble, and Excellent than Men : When one Thus views this Vast Prospect, the Mind is Otherwise affected than Before, and feels a Delight which Common Notions never can administer. So those who at Present cannot comprehend there can be such Pleasure in a good Picture, or Drawing as Connoisseurs pretend to find, may Learn to see the same thing in Themselves, their Eyes being once open’d ‘tis like a New Sense, and New Pleasures flow in as often as the Objects of that Superinduc’d Sight present themselves, which (to People of Condition Especially) very frequently happens, or may be procur’d, whether Here at Home, or in their Travels Abroad. When a Gentleman has learn’d to see the Beauties and Excellencies that are really in good Pictures, and Drawings, and which may be learnt by conversing with Such, and applying himself to the consideration of them, he will look upon That with Joy which he Now passes over with very little Pleasure, if not with Indifference : Nay a Sketch, a Scrabble of the Hand of a Great Master will be capable of administering to him a Greater Degree of Pleasure than those who know it not by Experience will easily believe. Besides the Graceful, and Noble Attitudes, the Beauty of Colours, and forms, and the fine Effects of Light, and Shadow, which none sees as a Connoisseur does, Such a one enters farther than any other Can into the Beauties of the Invention, Expression, and other Parts of the Work he is considering : He sees Strokes of Art, Contrivances, Expedients, a Delicacy, and Spirit that others see not, or very Imperfectly.
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Blijckt dan uyt het voorgaende, hoe gantsch gheweightighen last die ghene op sich laeden, de welcke haere fame door het ene of het andere meesterstuck tot de naekomstighe gheslachten soecken uyt te strecken; ghemerckt de volmaecktheyd des wercks door de voorgemelde bevalligheydt weynigh gheholpen wordt, het en sy saecke dat daer met eenen oock in ’t gheheele werck eenige voorspoedige werckinghe van een stoute ende onversaegde voordvaerenheyd uytblijcken.
[Suggested translation, Marije Osnabrugge:] From the previous it becomes clear, what a heavy load those take on their shoulders, who attempt to spread their fame upon the next generations by means of some or other masterpiece; seen that the perfection of the work is barely helped by the aforementioned grace, unless some successful effect of a brave and fearless diligence is immediately apparent in the whole work.
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Indien yemandt waerlijck den naem van een groot Meester verdient, en dat sijne Wercken vol vande ware deught der Konste konnen ge-oordelt worden, en dat sy alle nootwendigheden, soo van goede Teyckeningh en proportie, behoorlijcke reddinge en houdinge in haer hebben, die over een komen met de Plaets van ’t licht, in welcke de voorwerpselen zijn; en dat de schaduwen en dagen geschickt zijn, na de occasie van welcke sy werden voort gebracht; en dat voorts alle de Beelden gedisponeert en gecoloreert zijn, na den inhout van de Historye diemen wil vertoonen; daer-en-boven datse aendachtigh ende werckelijck hun doeningen en hertstoghten voort-brengen, die met haer gansche standt overeen komen; soo machmen wel op sijn Konst vertrouwen, nochtans nedrigh van herten, en ghemeensaem van ommegangh wesen: {Wat d’hovaerdy dickwils te wege brenght.} Want de hovaerdy maeckt onse Vyanden listigh, om met Leugenen en quade parten, onsen goeden naem en faem te ondermijnen; die niet als door sich wel ende loffelijck ontrent mindere Meesters te dragen, en konnen overwonnen worden.
[suggested translation, Marije Osnabrugge:] If someone truly deserves the name of great Master, and that his Works are judged to be filled with the true virtue of Art, and that they have all the necessities such as good Design and proportion, acceptable distribution of colors and harmony in them, that coincide with the location of the light, in which the objects are placed; and that the shadows and lights are appropriate, after the occasion in which they originate; and that furthermore all the Figures are placed and colored after the content of the History that one wants to portray; moreover that they produce their actions and passions carefully and naturally, which coincide with their whole pose; as such one may trust his Art, yet be humble of heart and social in interaction: {What pride often generates.} Because pride makes our enemies deceitful, to undermine our good name and fame with Lies and evil guiles; which can only be defeated by behaving oneself honorable with regard to the lesser Masters.
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Add to all this, that the Works of the Face-Painter must be seen in all the Periods of Beginnings, and Progress, as well as when Finish’d, when they are Not, oftner than when they Are fit to be seen, and yet Judg’d of, and Criticis’d upon, as if the Artist had given his last Hand to ‘em, and by all sorts of People ; nor is he always at liberty to follow his Own Judgment.
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{LX. La diversité & la facilité plaisent.}
*Les Corps de diverse nature aggrouppez ensemble sont agreables & plaisans à la veuë, *aussi bien que les choses qui paroissent estre faites avec Facilité ; parce qu’elles sont pleines d’esprit & d’un certain Feu celeste qui les anime : Mais vous ne ferez pas les choses avec cette Facilité, qu’apres les avoir long-temps roulées dans vostre Esprit : Et c’est ainsi que vous cacherez sous une agreable tromperie la peine que vous aura donné vostre Art & vostre Ouvrage ; mais le plus grand de tous les Artifices est de faire paroistre qu’il n’y en a point.
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Qu’il faut corriger les fautes quand on les découvre
Je vous advertis que lors que par vostre propre jugement, ou par le moyen d'un autre, vous descouvrez quelque erreur en vos ouvrages, vous ayez soin de la corriger, de peur que les exposant en public, vous ne fassiez voir en mesme temps vostre ignorance : Et ne cherchez point d'excuse, vous persuadant qu'à la première occasion suivante, vous effacerez la honte que vous aurez encouruë de celle-là […] : Et si vous pensez vous excusez [ndr : de vos fautes] sur la pauvreté, qui ne peut pas vous permettre d’estudier, & de vous rendre un vray peintre, n’en jettez la faute que sur vous-mesme, parce que l’estude de la vertu sert de nourriture non seulement à l’esprit, mais encore au corps. […]
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Comment un peintre doit examiner & juger luy-mesme de son propre ouvrage
Il est certain qu’on remarque mieux les fautes d’autruy que les siennes propres ; c’est pourquoy le peintre doit commencer par se rendre bon perspectif , & puis s’acquerir une connaissance entière des mesures du corps humain : Il doit estre encore un bon Architecte, pour le moins en ce qui concerne la regularité exterieure d’un edifice & de toutes ses parties, & aux choses dont il n’a pas la pratique, il ne faut point qu’il neglige d’aller voir & desseigner sur le naturel, mais en travaillant il doit tenir devant lui un miroir plat, & considerer souvent son ouvrage dans ce miroir, qui le luy representera tout au rebours, & semblera de la main d’un autre maistre ; de sorte que par ce moyen il pourra mieux remarquer ses fautes : il sera utile encore de quitter souvent son travail, & de s’aller divertir un peu, parce qu’au retour on aura le jugement plus degagé & plus net, comme au contraire la trop grande attache & la contension trop assiduë hebete l’esprit, & le fait tomber en de lourdes fautes.
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Non seulement le public juge d'un ouvrage sans interêt, mais il en juge encore ainsi qu'il en faut décider en general, c'est-à-dire par la voïe du sentiment, & suivant l'impression que le poëme ou le tableau font sur lui. Puisque le premier but de la Poësie & de la Peinture est de nous toucher, les poëmes & les tableaux ne sont de bons ouvrages qu'à proportion qu'ils nous émeuvent & qu'ils nous attachent. Un ouvrage qui touche beaucoup doit être excellent à tout prendre. Par la même raison l'ouvrage qui ne touche point & qui n'attache pas ne vaut rien, & si la critique n'y trouve point à reprendre des fautes contre les regles, c'est qu'un ouvrage peut être mauvais sans qu'il y ait des fautes contre les regles, comme un ouvrage plein de fautes contre les regles peut être un ouvrage excellent.
Or le sentiment enseigne bien mieux si l'ouvrage touche, & s'il fait sur nous l'impression que doit faire un ouvrage, que toutes les dissertations composées par les Critiques, pour en expliquer le mérite, & pour en calculer les perfections & les défauts. La voie de discussion & d'analyse, dont se servent ces Messieurs, est bonne à la verité, lorsqu'il s'agit de trouver les causes qui font qu'un ouvrage plaît ou qu'il ne plaît pas ; mais cette voie ne vaut pas celle du sentiment lorsqu'il s'agit de décider cette question. L'ouvrage plaît-il ou ne plaît-il pas ? L'ouvrage est-il bon ou mauvais en géneral ? C'est la même chose. Le raisonnement ne doit donc intervenir dans le jugement que nous portons sur un poëme ou sur un tableau, que pour rendre raison de la décision du sentiment & pour expliquer quelles fautes l'empêchent de plaire, & quels sont les agrémens qui le rendent capable d'attacher. Qu'on me permette ce trait.
La raison ne veut point qu'on raisonne sur une pareille question, à moins qu'on ne raisonne pour justifier le jugement que le sentiment a porté. La décision de la question n'est point du ressort du raisonnement. Il doit se soumettre au jugement que le sentiment prononce. C'est le juge compétent de la question.
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Comme les parties d'un tableau sont toujours placées l'une à côté de l'autre, & qu'on en voit l'Ensemble du même coup d'œil, les défauts qui sont dans son ordonnance, nuisent beaucoup à l'effet de ses beautés. On aperçoit sans peine ses fautes relatives, quand on a sous les yeux en même tems les objets qui n'ont pas entr'eux le rapport qu'ils doivent avoir. […]
D'ailleurs les fautes réelles qui sont dans un tableau, comme une figure trop courte, un bras estropié, ou un personnage qui nous présente une grimace, au lieu de l'expression naturelle, sont toujours à côté de ses beautés. Nous ne voïons pas ce que le Peintre a fait de bon, séparément de ce qu'il a fait de mauvais.
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{Schizzi, gemeine Abriße.} Also sind des Zeichnens unterschiedliche Arten. Die jenige/ so die Figur nur geringlich mit der Feder/ Kohle oder Kreide in etwas entwerfen/ werden Schizzi oder Abriße benamet. Diese erste Erfindung/ bildet den Concept und die Idea des Verstandes/ und machet/ nur mit einem groben Entwurf/ die Form und Eintheilung des künftigen Gemäldes. {Die mus der Verständ beurtheilen.} Aus solchem schlechten Entwurf/ ersihet der Künstler die Fehler/ so er zu vermeiden hat/ ergrößert zum Theil die kleine Figuren/ und stümmelt die großen/ nach dem Ebenmaß der Vernunft/ damit alles in eine rechte proportion komme. Dann diese Correctur oder Verbässerung/ welche nachfolglich geschehen soll/ mus zuvor in dem Verstand/ durch Uberleg- und Erwägung der Fehler/ ausgekocht und erzogen werden. Er mus urtheilen/ ob dieses oder jenes vernünftig oder witzig gezeichnet und gestellet seye? ob etwas zu verbässern und zu ändern/ auch wie solche Verbässerung anzugreiffen und zuwegen zu bringen sey? Aus diesem langen discurriren und nachsinnen des Verstandes/ wird nach und nach die Erfahrenheit und Gewonheit reiff und zeitig.
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Wann der Kunstmahler einen Fehler in seinem Werk vermerket/ oder dessen von andern erinnert wird: soll er nicht thun/ wie die unvernünftige Mütter/ die auch die Torheiten an ihren Kindern lieben und loben. Dann ein Strich des Pensels stirbet nicht gleich in der Geburt/ wie die Stimme der Musik und Harmonie, da der Lebensschall mit dem Todes-Hall verbrüdert ist/ sondern er lebet und währet viel Jahre/ und zeiget die Fehler allezeit/ zu schmach der Hand/ die solche begangen. […]
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20. [ndr: Regel] Aus den kleinen Kunst-Sachen sind die Fehler nicht so gut/ als wie in den Großen/ zu erkennen. Die Ursach ist/ weil jene nicht können mit allen den nötigen Theiln erfüllet werden/ als wie in einem Menschen oder Thier von Lebens-Größe. Wann dann das Werk also nicht voll ausgemacht ist/ so kan man auch die Fehler so leicht nicht darinn verspüren. Bey Exempel/ wann du auf zwey- oder dreyhuntert Schritte weit einen Mann mit allem fleiß ansehen wirst/ so kanst du wegen der Distanz nicht urtheilen/ ob er schön oder häßlich/ ob er sonderbarer oder gemeiner Gestalt sey. Und wann du dieses Manns verkleinerung recht erkennen wilst/ so halte deinen Finger nur eine Spann weit von deinem Aug/ daß dessen Spitz unter des von weitem stehenden Manns Füßen austrifft: alsdann hebe den Finger auf und wider nieder an dasselbige Ort/ so wird deinem Aug eine unglaubliche Verkleinenerung erscheinen.
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[...] De sorte, dist Pymandre, que je puis sur cela vous faire une question, & vous demander ce que l’on doit le plus estimer dans un tableau ou le genie du Peintre, ou la force de l’Art.
Comme l’esprit du Peintre paroist dans tout ce qu’il fait, repartis-je, vous pourriez plustost demander lequel est le plus digne d’estime, ou celuy qui sçait tromper par la force de son Art, ou celuy qui montre beaucoup d’invention & de feu dans de grands ouvrages, mais qui ne trompent point comme les autres.
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(a) Nous prenons ici le Goût de même que dans le chapitre précédent, c’est-à-dire dans sa plus grande étendue ; comme un sentiment qui nous porte à ce qui nous paroît bon, ou nous détourne de ce qui nous paroît mauvais. En ce sens il peut s’appeler, Goût, dans ses commencemens ; Passion, dans ses progrès ; & Fureur ou Folie, sans ses excés.
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Maer gelijck het wel geraetsaem, ja oock seer noodigh is, datmen inden beginne van sijne Studien andere Brave Meesters navolgt, en tracht in dat gene, in welcke sy gedwaelt hebben, haer te overtreffen, soo moet geweten worden datmen daer ontrent niet alleen yver ende neerstigheyt moet aenwenden, maer oock voor al sich seer wijslijck dragen: {Watter in ’t volgen van andere Meesters moet waergenomen worden.} Want het geleerdelijck navolgen van een groot Meester vereyst vry wat anders, als het simpel Na-Copieeren, dat voor de Jongelingen wel een bequaem middel is, om voor eerst de Pinceel te leeren handelen, de Verwen ende Colorijten te leeren vinden, ende soo voorts: Maer in het Meesterlijck studeeren, ende navolgen daer moet alleen het oordeel sich ontrent de Deughden vande alderbeste dingen oeffenen: ende dat met een sorghvuldige Naerstigheyt, om alles uyt te vorssen, ’t geen daer vanden rechten aert der Konsten in is. Want inde beste Tafereelen, sitten de Deughden somtijts soo diepe verborgen, ende soo konstelijck door het geheele Werck ingewickelt, ende door-vlochten, dat den alderscherpsinnighsten Meester de selve niet als na een lange opmerckingh en bestaet te vatten. Soo dat van een onkundige dickwils de fauten die daer noch in gebleven zijn, best van alles worden opgevolght en ingezogen; {Onkundige volgen de fauten in ’t Copieeren best na.} daerom datmen met een verstandigh en rechtsinnigh oordeel soodanige dingen bestuderen sal, ende en etent niet al voor Suycker op wat van dese of gene groote Meesters voortkomt, invoegen men de gebreecken soo wel als de volmaecktheden tot een wet van navolgingh komt te stellen, even offe uyt respect van hare Meesterschap niet en hadden konnen dwalen: Maer dan kan het navolgen eerst prijswaerdigh en voordeeligh zijn, soo wanneer sy de volle kracht der Konst inde voornaemste dingen heeft getroffen.
[suggested translation, Marije Osnabrugge:] Yet as it is advisable, yes also very necessary, that one imitates other Good Masters in the beginning of his Studies, and attempts to surpass them where they have strayed, as such it should be known that one should not only apply ardor and diligence, but also behave themselves very wisely: {What should be observed in following other Masters.} Because it demands something different to intelligently imitate a great Master, than simply Copying After, which is an adequate means for young ones, to learn to treat the brush for the first time, to learn to find the colors and colorations et cetera: But in studying masterfully, and imitating, there only the judgement regarding the Virtues of the very best things should be practiced: and with a careful diligence, to find out everything, which is in it about the true nature of the Arts. Because the Virtues are often soo deeply hidden in the best Paintings, and are so artfully folded and braided into the whole work, that the most perceptive Master cannot assume to understand it but after a long observation. Such that the mistakes that remain in it are often followed the best and taken in by an incapable [artist]; {Incapable artists imitate the mistakes the best in Copying.} which is why with a wise and frank judgement one should study such things and not take at face value [ndr: literally: eat like sugar] everything that comes from this or another great Master, as such one may take the flaws as well as the perfections for a law to imitate, as if out of respect for their Mastery they could not stray: But the imitation will first become praiseworthy and useful, when she has captured the full power of Art in the principal things.
Quotation
Soo plegen verstandige Schilders haer in desen, van eenige behulp-middelen te versien, die haer in het oordeelen van hunne wercken eenighsins te bate mochten komen: {Behulpmiddelen om van sijn dingen wel te oordeelen.} Hier toe gebruyckten sommige den Spiegel, in welcke sy haere dingen als in een tegenstrijdige ende omgekeerden stand besagen; invoegen sy haer oordeel door het beschouwen van twee onderscheyde Vertooningen, op den Toetsteen brachten. ’t Is niet sonder reden datmen door dat middel de fauten zijner wercken kan naspeuren; want door dien omkeeringh van stant, veroorsaeckt dat de eyge Liefde omtrent onse Wercken niet in haer volle kracht en kan herschen, soo komen wy die aen te sien als het Werck van eenen anderen Werck-Meester, in welcke men (gelijck d’ondervindinge leert) altijdt veel gebreecken vinden kan: gelijck wy dat noch verder in ons tweede Boeck sullen aenraecken. Andere keeren hare stucken somtijts om, en sien die t’onderste boven, om alsoo uyt te vorssen of hunne dingen haer behoorlijcke Teyckeningh ende kracht hebben, ende behouwen: Gelijck dat mede door de Lijsten aende stucken te doen dickwils ontdeckt wort;
[suggested translation, Marije Osnabrugge:] As such wise Painters tend to supply her with some aids, which might somewhat be of benefit for judging their works: {Tools that aid to judge one’s own work well.} Some used a mirror for this, in which they observed their things in a contrasting and opposite position; as such they tested their judgement by observing two different displays. It is not without reason that one can detect the mistakes in his work by that means, because through the reversal of the position, it causes that one’s own Love for our works cannot reign in its full power, so we get to so it as if it were the work of another Artisan, in which one (like experience teaches us) can always find flaws: as we will touch upon this further in our second Book. Others sometimes turn their pieces around, to see it upside down, to investigate this way whether their things have a proper Design and power, and maintain it: As this is also often discovered because by placing the Frames on the works;
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(a) Nous prenons ici le Goût de même que dans le chapitre précédent, c’est-à-dire dans sa plus grande étendue ; comme un sentiment qui nous porte à ce qui nous paroît bon, ou nous détourne de ce qui nous paroît mauvais. En ce sens il peut s’appeler, Goût, dans ses commencemens ; Passion, dans ses progrès ; & Fureur ou Folie, sans ses excés.
Quotation
Maer gelijck het wel geraetsaem, ja oock seer noodigh is, datmen inden beginne van sijne Studien andere Brave Meesters navolgt, en tracht in dat gene, in welcke sy gedwaelt hebben, haer te overtreffen, soo moet geweten worden datmen daer ontrent niet alleen yver ende neerstigheyt moet aenwenden, maer oock voor al sich seer wijslijck dragen: {Watter in ’t volgen van andere Meesters moet waergenomen worden.} Want het geleerdelijck navolgen van een groot Meester vereyst vry wat anders, als het simpel Na-Copieeren, dat voor de Jongelingen wel een bequaem middel is, om voor eerst de Pinceel te leeren handelen, de Verwen ende Colorijten te leeren vinden, ende soo voorts: Maer in het Meesterlijck studeeren, ende navolgen daer moet alleen het oordeel sich ontrent de Deughden vande alderbeste dingen oeffenen: ende dat met een sorghvuldige Naerstigheyt, om alles uyt te vorssen, ’t geen daer vanden rechten aert der Konsten in is. Want inde beste Tafereelen, sitten de Deughden somtijts soo diepe verborgen, ende soo konstelijck door het geheele Werck ingewickelt, ende door-vlochten, dat den alderscherpsinnighsten Meester de selve niet als na een lange opmerckingh en bestaet te vatten. Soo dat van een onkundige dickwils de fauten die daer noch in gebleven zijn, best van alles worden opgevolght en ingezogen; {Onkundige volgen de fauten in ’t Copieeren best na.} daerom datmen met een verstandigh en rechtsinnigh oordeel soodanige dingen bestuderen sal, ende en etent niet al voor Suycker op wat van dese of gene groote Meesters voortkomt, invoegen men de gebreecken soo wel als de volmaecktheden tot een wet van navolgingh komt te stellen, even offe uyt respect van hare Meesterschap niet en hadden konnen dwalen: Maer dan kan het navolgen eerst prijswaerdigh en voordeeligh zijn, soo wanneer sy de volle kracht der Konst inde voornaemste dingen heeft getroffen.
[suggested translation, Marije Osnabrugge:] Yet as it is advisable, yes also very necessary, that one imitates other Good Masters in the beginning of his Studies, and attempts to surpass them where they have strayed, as such it should be known that one should not only apply ardor and diligence, but also behave themselves very wisely: {What should be observed in following other Masters.} Because it demands something different to intelligently imitate a great Master, than simply Copying After, which is an adequate means for young ones, to learn to treat the brush for the first time, to learn to find the colors and colorations et cetera: But in studying masterfully, and imitating, there only the judgement regarding the Virtues of the very best things should be practiced: and with a careful diligence, to find out everything, which is in it about the true nature of the Arts. Because the Virtues are often soo deeply hidden in the best Paintings, and are so artfully folded and braided into the whole work, that the most perceptive Master cannot assume to understand it but after a long observation. Such that the mistakes that remain in it are often followed the best and taken in by an incapable [artist]; {Incapable artists imitate the mistakes the best in Copying.} which is why with a wise and frank judgement one should study such things and not take at face value [ndr: literally: eat like sugar] everything that comes from this or another great Master, as such one may take the flaws as well as the perfections for a law to imitate, as if out of respect for their Mastery they could not stray: But the imitation will first become praiseworthy and useful, when she has captured the full power of Art in the principal things.
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Soo plegen verstandige Schilders haer in desen, van eenige behulp-middelen te versien, die haer in het oordeelen van hunne wercken eenighsins te bate mochten komen: {Behulpmiddelen om van sijn dingen wel te oordeelen.} Hier toe gebruyckten sommige den Spiegel, in welcke sy haere dingen als in een tegenstrijdige ende omgekeerden stand besagen; invoegen sy haer oordeel door het beschouwen van twee onderscheyde Vertooningen, op den Toetsteen brachten. ’t Is niet sonder reden datmen door dat middel de fauten zijner wercken kan naspeuren; want door dien omkeeringh van stant, veroorsaeckt dat de eyge Liefde omtrent onse Wercken niet in haer volle kracht en kan herschen, soo komen wy die aen te sien als het Werck van eenen anderen Werck-Meester, in welcke men (gelijck d’ondervindinge leert) altijdt veel gebreecken vinden kan: gelijck wy dat noch verder in ons tweede Boeck sullen aenraecken. Andere keeren hare stucken somtijts om, en sien die t’onderste boven, om alsoo uyt te vorssen of hunne dingen haer behoorlijcke Teyckeningh ende kracht hebben, ende behouwen: Gelijck dat mede door de Lijsten aende stucken te doen dickwils ontdeckt wort;
[suggested translation, Marije Osnabrugge:] As such wise Painters tend to supply her with some aids, which might somewhat be of benefit for judging their works: {Tools that aid to judge one’s own work well.} Some used a mirror for this, in which they observed their things in a contrasting and opposite position; as such they tested their judgement by observing two different displays. It is not without reason that one can detect the mistakes in his work by that means, because through the reversal of the position, it causes that one’s own Love for our works cannot reign in its full power, so we get to so it as if it were the work of another Artisan, in which one (like experience teaches us) can always find flaws: as we will touch upon this further in our second Book. Others sometimes turn their pieces around, to see it upside down, to investigate this way whether their things have a proper Design and power, and maintain it: As this is also often discovered because by placing the Frames on the works;
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Resteert nu noch, om dit Capittel te besluyten, dat men wete hoemen sich in het oordeelen en beschouwen van andere Luyden Wercken moet dragen: {Hoemen hem in ’t besien van andere Luyden Konst sal dragen om wel te oordeelen.} en daer toe salmen kortelijck in ’t algemeen aenmercken, datmen de kleyne gebreecken en pickediljes niet al te naeuw examineeren, noch te seer berispen en moet; noch de groote misslagen niet te licht door de Vingeren sien: Want soo een Schilder hem hier in onvoorsichtigh komt te dragen, soo loopt hy gevaer om by alle andere veracht, en seer gehaet te werden.
[suggested translation, Marije Osnabrugge:] To finish this Chapter is left that one knows who one should behave in the judging and observing of the works of other men: {How one should behave in the observation of the Art of other men to judge them well.} and for this one will briefly point out in general, that one should not examine the small flaws and trifles all too closely, nor condemn them too much; nor too easily turn a blind eye to the big mistakes: Because if a Painter behaves himself careless in this matter, he runs the risk to become despised by all others and very hated.
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Der dritte Discours von der Mahlerey. Das II. Capitel, p. 65-66
Daß man hievon leichtlich judiciren lerne/ ist nichts bessers als fleißig in der Natur selbst darauf zu sehen/ wie die Schatten von der Sonnen fallen. Insgemein aber gilt diese Regul/ daß wer von Gemählden will judiciren lernen/ sich gewöhnen muß/ alles was er ansiehet/ fleißig und eigentlich durch und durch zu betrachten/und sich also die Natur in das Gedächtniß zu drücken.
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Dus ghebeurt het dat ons ghemoedt door de kranckheydt des oordeels verdonckert sijnde, niet en kan onderscheyden wat daer met de autoriteyt en rechte reden der bevalligheydt over een komt.
[Suggested translation, Marije Osnabrugge:] And so it happens that our mind, darkened by the illness of judgement, cannot discern what coincides with the authority and true reason of gracefulness.
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Il est certain que le genie à qui nous devons la naissance des beaux Arts, ne sauroit les conduire à leur perfection sans le secours de la culture ; que cette culture est impratiquable sans la direction du jugement ; & que le jugement ne sauroit rien faire sans la possession des vrais principes.
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Une des choses les plus essentielles dans la connaissance des Tableaux, c'est le Génie, il en faut dans le bon Connaisseur ainsi que dans le bon Peintre ; mais comme le Génie ne peut s'acquérir, il faut toujours le supposer, ou du moins au défaut du Génie un gand amour pour la Peinture.
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Je comparerois volontiers ce superbe étalage de chef-d’œuvres anciens & modernes, qui rendent Rome la plus auguste ville de l'univers, à ces boutiques où l'on étale une grande quantité de pierreries. En quelque profusion que les pierreries y soient étalées, on n'en rapporte chez soi qu'à proportion de l'argent qu'on avoit porté pour faire son emplette. Ainsi l'on ne profite solidement de tous les chef-d’œuvres de Rome, qu'à proportion du génie avec lequel on les regarde. Le Sueur, qui n'avoit jamais été à Rome, & qui n'avoit vû que de loin, c'est-à-dire, dans des copies, les richesses de cette capitale des beaux arts, en avoit mieux profité, que beaucoup de Peintres qui se glorifioient d'un séjour de plusieurs années au pied du Capitole. De même un jeune Poëte ne profite de la lecture de Virgile & d'Horace qu'à proportion des lumieres de son génie, à la clarté desquelles il étudie les anciens, pour ainsi dire.
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Les hommes de génie qui sont jaloux de leur réputation, ne devroient du moins mettre au jour que de grands ouvrages, puisqu'il ne leur a pas été possible de dérober leur apprentissage aux yeux du public. Ils éviteroient par cette précaution de donner lieu à des comparaisons mortifiantes. Quand les Poëtes & les Peintres les mieux inspirés donnent, ou des Poëmes composés d'un petit nombre de vers, ou des tableaux qui ne contiennent qu'une figure sans expression, & posée dans une attitude commune, ces productions sont exposées à des parallelles odieux. Comme on peut sans génie faire quatre ou cinq vers heureux, ou peindre assez bien une Vierge avec l'Enfant sur ses genoux, sans être grand Peintre, la difference du simple Ouvrier & de l'Artisan divin, ne se fait pas sentir dans des ouvrages plus composés, & qui susceptibles d'un plus grand nombre de beautés. C'est dans ces derniers que cette différence paroit dans toute son étendüe. […]
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Il est quelques Artisans beaucoup plus capables que le commun des hommes, de porter un bon jugement sur les ouvrages de leur art. Ce sont les Artisans nez avec le génie de cet art, toujours accompagné d'un sentiment bien plus exquis, que n'est celui du commun des hommes. Mais un petit nombre d'Artisans est né avec du génie, & par conséquent avec cette sensibilité ou cette délicatesse d'organe superieure à celle que peuvent avoir les autres, & je soutiens que les Artisans sans génie jugent moins sainement que le commun des hommes , & si l'on veut, que les ignorans. Voici mes raisons. La sensibilité vient à s'user dans un Artisan sans genie, & ce qu'il apprend dans la pratique de son art, se sert le plus souvent qu'à dépraver son goût naturel. […]
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[…] cet ouvrage a des défauts : c’est un jugement qui est à la portée de la plupart. Mais, cet ouvrage n’a pas toutes les beautés dont il est susceptible : c’en est un autre, qui n’est réservé qu’aux esprits du premier ordre. On sent, après ce qu’on vient de dire, la raison de l’un & de l’autre. Pour porter le premier jugement, il suffit de comparer ce qui a été fait, avec les idées ordinaires qui sont toujours avec nous, quand nous voulons juger des arts, & qui nous offrent des plans, au moins ébauchés, où nous pouvons reconnoître les principales fautes de l’exécution. Au lieu que pour le second, il faut avoir compris toute l’étendue possible de l’art, dans le sujet choisi par l’auteur. Ce qui est à peine accordé aux plus grands génies.
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[…] il convient de parler des jugemens que les gens de métier en portent. La plûpart juge mal des ouvrages pris en général, par trois raisons. La sensibilité des gens du métier est usée. Ils jugent du tout par voie de discussion. Enfin ils sont prévenus en faveur de quelque partie de l'art, & ils la comptent dans les jugements généraux qu'ils portent pour plus qu'elle ne vaut. Sous le nom de gens de métier, je comprens ici, non -seulement les personnes qui composent ou qui peignent, mais encore un grand nombre de ceux qui écrivent sur les poëmes & sur les tableaux.Quoi, me dira-t-on, plus on est ignorant en Poësie & en Peinture, plus on est en état de juger sainement des poëmes & des tableaux ! Quel Paradoxe !
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Il faut bien que les gens du métier se trompent souvent, puisque leurs jugemens sont ordinairement cassez par ceux du public, dont la voix fit toujours la destinée des ouvrages. C'est toujours le sentiment du public qui l'emporte, lorsque les Maîtres de l'art & lui sont d'avis differens sur une production nouvelle.
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Enfin le tems arrive où le public apprétie un ouvrage, non plus sur le rapport des gens du métier, mais suivant l'impression que fait cet ouvrage. Les personnes qui en avoient jugé autrement que les gens de l'art, & en s'en rapportant au sentiment, s'entrecommuniquent leurs avis, & l'uniformité de leur opinion change en persuasion l'opinion de chaque particulier. Il se forme encore de nouveaux maîtres dans les arts, qui jugent sans intérêt & avec équité des ouvrages calomniez. Ces maîtres désabusent le monde méthodiquement des préventions que leurs prédecesseurs y avoient semées. Le monde remarque encore de lui-même, que ceux qui lui avoient promis quelque chose de meilleur que l'ouvrage dont le mérite a été contesté, ne lui ont pas tenu parole. Les contradicteurs obstinez meurent d'un autre côté. Ainsi l'ouvrage se trouve géneralement estimé à sa valeur véritable.
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Of the Goodness of a Picture, &c.
WHerefore callest thou me Good, there is none Good but One, that is God ? Said the Son of God to the young Man who prefac’d a Noble Question with that Complement. This is that Goodness that is Perfect, Simple, and Properly so call’d, ‘tis what is Peculiar to the Deity, and so to be found no where else. But there is another Improper, Imperfect, Comparative Goodness, and no other than this is to be had in the Works of Men, and this admits of various Degrees. This Distinction well consider’d, and apply’d to all the Occurrences of Life would contribute very much to the Improvement of our Happiness here ; it would teach us to Enjoy the Good before us, and not reject it upon account of the disagreeable Companion which is inseperable from it ; But the use I now would make of it is only to show that a Picture, Drawing, or Print may be Good tho’ it has several Faults ; To say otherwise is as absurd as to deny a thing is what ‘tis said to be, because it has properties which are Essential to it.
[…].
If in a Picture the Story be well chosen, and finely Told (at least) if not Improv’d, if it fill the Mind with Noble, and Instructive Ideas, I will not scruple to say ‘tis an excellent Picture, tho’ the Drawing be as Incorrect as that of Corregio, Titian, or Rubens ; the Colouring as Disagreeable as that of Polidore, Battista Franco, or Michael Angelo. Nay, tho’ there is no other Good but that of the Colouring, and the Pencil, I will dare to pronouce it a Good Picture ; that is, that ‘tis Good in those Respects. In the first Instance here is a fine Story artfully communicated to my Imagination, not by Speech, nor Writing, but in a manner preferable to either of them ; In the other there is a Beautiful, and Delightful Object, and a fine piece of Workmanship, to say no more of it.
There never was a Picture in the World without some Faults, And very rarely is there one to be found which is not notoriously Defective in some of the Parts of Painting. In judging of it’s Goodness as a Connoisseur, one should pronounce it such in proportion to the Number of the Good Qualities it has, and their Degrees of Goodness.
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Vous voyez bien, reprit Pamphile, que le mot de Goust dans les Arts est Métaphorique: Nous l'avons transporté de la langue pour le faire servir à l'esprit : & de la mesme façon que nous disons que l'esprit voit, nous disons encore qu'il gouste c'est son employ de juger des Ouvrages, comme c'est celuy de la langue de juger des saveurs , l'un & l'autre décident de la bonté de leur objet à proportion qu'il les flatte, & qu'il leur plaist. L'on dit qu'un homme a le Goust fin, quand il aime ce qui est bon, & qu'il hait ce qui est mauvais dans les beaux Arts, comme dans les viandes & non seulement on met le Goust dans la langue, & dans l'esprit; mais encore dans les choses que l'on gouste ; & nous disons qu'il y a des Ouvrages comme des hommes de bon Goust. II y a feulement à observer, que le mot de Goust se prend en bonne part quand il est tout seul, & que si vous disiez, par exemple, il y a du Goust dans ce Tableau, cet homme a du Goust, cela vaudroit autant comme de dire, ce Tableau est d'un bon Goust, cet homme a le Goust bon.
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Je vous diray seulement que le Goust dans l'esprit généralement parlant, n'est autre chose que la manière dont l'esprit est capable d'envisager les choses selon qu'il est bien ou mal tourné ; c'est à dire, qu'il en a conçeu une bonne ou mauvaise idée. Et que le bon Goust dans un bel Ouvrage est une conformité des parties avec leur tout, & du tout avec la perfection.
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Croyez-moy, guérissez vostre goust, repartit Caliste, vous l'avez plus malade que vous ne pensez, voyez souvent l'Antique & vous y attachez un peu, si vous voulez juger de la Peinture.
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J'aymerois encore mieux n'y point aller [ndr : à Rome], repartit Leonidas, que d'en rapporter un goust artificiel comme font la pluspart de ceux qui en reviennent, & qui apres avoir oüi fort estimer les fresques de ce païs-là, sans distinction de ce qui y est estimable d'avec ce qui ne l'est pas, taschent de se dépoüiller de leur goust naturel pour les estimer aussi. Ils les voyent souvent, & à force de faire violence à leur bon sens, ils accoustument leurs yeux aux manières grises & sèches, lesquelles leur servent ensuite de règle pour juger de la Peinture. Ils content cette habitude comme un mystère qui leur avoit esté caché jusques alors, & croyent qu'il faut laisser aux âmes vulgaires l'admiration des tableaux.
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Quand il [ndr : Poussin] envoya à M. de Chantelou ce Tableau de la Vierge dont je viens de parler, il voulut luy-mesme prévenir le jugement que l’on en feroit, & témoigner qu’il sçavoit bien qu’on n’y trouveroit pas tous les charmes du coloris & du pinceau. C’est pourquoy il écrivit à M. de Chantelou, de luy en mander librement son avis. Mais qu’il le prioit de considerer que tous les talens de la peinture ne sont pas donnez à un seul homme : qu’ainsi il ne faut point chercher dans son ouvrage ceux qu’il n’a pas receüs. Qu’il sçait bien que toutes les personnes qui le verront ne seront pas d’un mesme sentiment, parce que les goust des amateurs de la peinture ne sont pas moins differents que ceux des Peintres ; & cette difference de gousts est la cause de la diversité qui se trouve dans les travaux des uns & dans les jugemens des autres.
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Ce fut assez qu’une chose eust esté faite ou dite par ces grands hommes pour estre incomparable, & c’est mesme encore aujourd’huy une espece de Religion parmy quelques Sçavans de preferer la moindre production des anciens aux plus beaux Ouvrages de tous les modernes. J’avouë que j’ay esté blessé d’une telle injustice, il m’a paru tant d’aveuglement dans cette prevention & tant d’ingratitude à ne pas vouloir ouvrir les yeux sur la beauté de nostre Siecle à qui le Ciel a departi mille lumieres qu’il a refusées à toute l’Antiquité, que je n’ay pû m’empescher d’en estre émû d’une veritable indignation […].
Il est vray qu’un celebre Commentateur m’a foudroyé dans la Preface de ses Notes, où ne me jugeant pas digne d’estre seul l’objet de son indignation, il s’adresse à tous les profanes qui se contentent comme moy de reverer les Anciens sans les adorer, & là du haut de sa science il nous traite tous de gens sans goust & sans autorité.
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Et puis ne vous ay-je pas dit plusieurs fois que les maniéres de peindre sont differentes dans tous ceux qui travaillent, parce que les gousts ne sont point semblables, & que chacun croit voir les choses, & en juger mieux qu’un autre.
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Et puis ne vous ay-je pas dit plusieurs fois que les maniéres de peindre sont differentes dans tous ceux qui travaillent, parce que les gousts ne sont point semblables, & que chacun croit voir les choses, & en juger mieux qu’un autre.
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Mais la commune opinion n’admet aucune définition du Beau. Le Beau, dit-on, n’est rien de réel, chacun en juge selon son goût, en un mot, que le Beau n’est autre chose que ce qui plaît.
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En second lieu, comme le public n'est pas également éclairé dans tous les païs, il est des lieux où les gens du métier peuvent le tenir plus long-temps dans l'erreur qu'ils ne le peuvent tenir en d'autres contrées. Par exemple, les tableaux exposez dans Rome seront plutôt apprétiez à leur juste valeur, que s'ils étoient exposez dans Londres ou dans Paris. Les Romains naissent presque tous avec beaucoup de sensibilité pour la peinture, & leur goût naturel a encore des occasions fréquentes de se nourrir & de se perfectionner par les ouvrages excellens qu'on rencontre dans les églises, dans les palais, & presque dans toutes les maisons où l'on peut entrer. Les mœurs & les usages du païs y laissent encore un grand vuide dans les journées de tout le monde, même dans celles de ces Artisans condamnez ailleurs à un travail qui n'a gueres plus de relâche que le travail des Danaïdes. Cette inaction, l'occasion continuelle de voir de beaux tableaux, & peut-être aussi la sensibilité des organes plus grande dans ces contrées-là que dans des païs froids & humides, rendent le goût pour la peinture si géneral à Rome, qu'il est ordinaire d'y voir des tableaux de prix jusques dans des boutiques de Barbiers, & ces Messieurs en expliquent avec emphase les beautez à tous venans, pour satisfaire à la nécessité d'entretenir le monde, que leur profession leur imposoit dès le temps d'Horace. Enfin dans une nation industrieuse & capable de prendre toute sorte de peine pour gagner sa vie, sans être assujettie à un travail reglé, il s'est formé un peuple entier de gens qui cherchent à faire quelque profit par le moïen du commerce des tableaux. Ainsi le public de Rome est presque composé en entier de connoisseurs en peinture. Ils sont, si l'on veut, la plûpart des Connoisseurs médiocres, mais du moins ils ont un goût de comparaison qui empêche les gens du métier de leur en imposer aussi facilement qu'ils peuvent en imposer ailleurs. Si le public de Rome n'en sçait point assez pour réfuter méthodiquement leurs faux raisonnemens, il en sçait assez du moins pour en sentir l'erreur, & il s'informe après l'avoir sentie de ce qu'il faut dire pour la refuter. D'un autre côté les gens du métier deviennent plus circonspects lorsqu'ils sentent qu'ils ont affaire avec des hommes éclairez. Ce n'est point parmi les Théologiens que les Novateurs entreprennent de faire des Prosélites de bonne foi.
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Le public ne se connoît pas en peinture à Paris autant qu'à Rome. Les François en géneral n'ont pas le sentiment intérieur aussi vif que les Italiens. La difference qui est entr'eux est déja sensible dans les peuples qui habitent aux pieds des Alpes du côté des Gaules & du côté de l'Italie ; mais elle est encore bien plus grande entre les naturels de Paris & les naturels de Rome. Il s'en faut encore beaucoup que nous ne cultivions autant qu'eux la sensibilité pour la peinture, commune à tous les hommes. Géneralement parlant, on n'acquiert pas ici aussi-bien qu'à Rome le goût de comparaison. Ce goût se forme en nous-mêmes & sans que nous y pensions. A force de voir des tableaux durant la jeunesse, l'idée, l'image d'une douzaine d'excellens tableaux se grave & s'imprime profondément dans notre cerveau encore tendre. Or, ces tableaux qui nous sont toujours présens, et dont le rang est certain, dont le mérite est décidé, servent, s'il est permis de parler ainsi, de pieces de comparaison, qui donnent le moïen de juger sainement à quel point l'ouvrage nouveau qu'on expose sous nos yeux approche de la perfection où les autres peintres ont atteint, & dans quelle classe il est digne d'être placé. L'idée de ces douze tableaux qui nous est présente, produit une partie de l'effet que les tableaux mêmes produiroient, s'ils étoient à côté de celui dont nous voulons discerner le mérite & connoître le rang. La difference qui peut se trouver entre le mérite de deux tableaux exposez à côté l'un de l'autre, frappe tous ceux qui ne sont pas stupides.
Mais pour acquerir ce goût de comparaison qui fait juger du tableau présent par le tableau absent, il faut avoir été nourris dans le sein de la Peinture. Il faut, principalement durant la jeunesse, avoir eu des occasions fréquentes de voir dans une assiete d'esprit tranquille des tableaux. La liberté d'esprit n'est guéres moins necessaire pour sentir toute la beauté d'un ouvrage que pour le composer. Pour être bon spectateur il faut avoir cette tranquillité d'ame qui ne naît pas de l'épuisement, mais bien de la sérenité de l'imagination.
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Mais les hommes croïent naturellement que leur goût est le bon goût, & par consequent ils pensent que les personnes qui ne jugent pas comme eux, ont les organes imparfaits, ou qu'elles se laissent conduire à des prejugez qui les gouvernent, sans qu'elles-mêmes s'apperçoivent du pouvoir de la prévention.
Qu'on change les organes de ceux à qui l'on voudroit faire changer de sentiment sur les choses qui sont purement de goût, ou pour mieux dire, que chacun demeure dans son opinion, sans blâmer l'opinion de l'autre. Vouloir persuader à un homme qui préfère le coloris à l'expression, en suivant son propre sentiment, qu'il a tort, c'est lui vouloir persuader de prendre plus de plaisir à voir les tableaux du Poussin, que ceux du Titien.
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La prédilection qui nous fait donner la préférence à une partie de la peinture sur une autre partie, ne dépend donc point de notre raison, non plus que la prédilection qui nous fait aimer un genre de poësie preferablement aux autres. Cette prédilection dépend de notre goût, & notre goût dépend de notre organisation, de nos inclinations présentes, & de la situation de notre esprit. Quand notre goût change, ce n'est point parce qu'on nous aura persuadé d'en changer, mais c'est qu'il est arrivé en nous un changement physique. Il est vrai que souvent ce changement nous a été insensible, & que nous ne pouvons même nous en appercevoir qu'à l'aide de la réflexion, parce qu'il s'est fait peu à peu et imperceptiblement. L'âge & plusieurs autres causes, produisent en nous ces sortes de changemens. Une passion triste, nous fait aimer durant un temps des livres assortis à notre humeur présente. Nous changeons de goût aussi-tôt que nous sommes consolez.
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Premièrement, que le Génie, qui est le père des Arts, doit imiter la Nature. Secondement, qu’il ne doit l’imiter telle qu’elle est. Troisièmement, que le Goût pour qui les Arts sont faits & qui en est le Juge, doit être satisfait quand la Nature est bien choisie & bien imitée par les Arts. Ainsi, toutes nos preuves doivent tendre à établir l’imitation de la belle Nature. I° Par la nature & la conduite du Génie qui les produit. 2° Par celle du Goût qui en est l’arbitre. C’est la matière des deux premieres Parties.
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Le Génie & le Goût ont le même objet dans les Arts. L’un le crée, l’autre en juge. Ainsi, s’il est vrai que le Génie produit les ouvrages de l’Art par l’imitation de la belle Nature, comme on vient de le prouver ; le Goût qui juge des productions du Génie, ne doit être satisfait que quand la belle Nature est bien imitée.
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C’est donc au goût seul qu’il appartient de faire des chefs-d’œuvres, & de donner aux ouvrages de l’Art, cet air de liberté & d’aisance qui en fait toujours le plus grand mérite.
[…] Le Goût est dans les Arts ce que l’Intelligence est dans les Sciences. Leurs objets sont différens à la vérité ; mais leurs fonctions ont entre elles une si grande analogie, que l’une peut servir à expliquer l’autre.
Le vrai est l’objet des Sciences. Celui des Arts est le bon & le beau. Deux termes qui rentrent presque dans la même signification, quand on les examine de près.
L’intelligence considere ce que les objets sont en eux-mêmes, selon leur essence, sans aucun rapport avec nous. Le Goût au contraire ne s’occupe de ces mêmes objets que par rapport à nous. […] Une intelligence est donc parfaite, quand elle voit sans nuage, & qu’elle distingue sans erreur le vrai d’avec le faux, la probabilité d’avec l’évidence. De même le Goût est parfait aussi, quand, par une impression distincte, il sent le bon & le mauvais, l’excellent & le médiocre, sans jamais les confonde, ni les prendre l’un pour l’autre.
Je puis donc définir l’Intelligence : la facilité de connoître le vrai & le faux, & de les distinguer l’un de l’autre. Et le Goût : la facilité de sentir le bon, le mauvais, le médiocre, & de les distinguer avec certitude. […]
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[…] Le Goût qui s’exerce sur les Arts n’est point un Gout factice. C’est une partie de nous-même qui est née avec nous, & dont l’office est de nous porter à ce qui est bon. La connoissance le précede : c’est le flambeau. Mais que nous serviroit-il de connoître, s’il nous étoit indifférent de jouir ? La Nature étoit trop sage pour séparer ces deux parties : & nous en donnant la faculté de connoître, elle ne pouvoit nous refuser celle de sentir le rapport de l’objet connu avec notre utilité, & d’y être attiré par ce sentiment. C’est ce sentiment qu’on appelle le Goût naturel, parce que c’est la Nature qui nous l’a donné. Mais pourquoi nous l’a-t’elle donné ? Etoit-ce pour juger des Arts qu’elle n’a point faits ? Non : c’étoit pour juger des choses naturelles par rapport à nos plaisirs ou à nos besoins.
L’industrie humaine ayant ensuite inventé les beaux Arts sur le modèle de la Nature, & ces Arts ayant eu pour objet l’agrément & le plaisir, qui sont, dans la vie, un second ordre de besoins ; la ressemblance des Arts avec la Nature, la conformité de leur but, sembloient exiger que le Goût naturel fût aussi le Juge des Arts : c’est ce qui arriva. Il fut reconnu, sans nulle contradiction : les Arts devinrent pour lui de nouveaux Sujets, si j’ose parler ainsi, qui se rangerent paisiblement sous sa Juridiction, sans l’obliger de faire pour eux le moindre changement à ses loix. Le Goût resta le même constamment : & il ne promit aux Arts son approbation, que quand ils lui feroient éprouver la même impression que la Nature elle-même ; & les chefs-d’œuvres des Arts ne l’obtinrent jamais qu’à ce prix.
Mais cette perfection n’a rien changé dans son essence. Il est toujours tel qu’il etoit auparavant : indépendant du caprice. Son objet est toujours essentiellement le bon. Que ce soît l’Art qui le lui présente, ou la Nature, il ne lui importe, pourvu qu’il jouisse. C’est sa fonction.
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Le Goût est donc comme le Génie, une faculté naturelle qui ne peut avoir pour objet légitime que la Nature elle-même, ou ce qui lui ressemble. Transportons-le maintenant au milieu des Arts & voyons quelles sont les loix qu’il peut leur dicter.
I. Loi générale du Goût
Imiter la belle Nature
Le Goût est la voix de l’amour propre. Fait uniquement pour jouir, il est avide de tout ce qui peut lui procurer quelque sentiment agréable. Or, comme il n’y a rien qui nous flatte plus que ce qui nous approche de notre perfection, ou qui peut nous la faire espérer ; il s’ensuit, que notre Goût n’est jamais plus satisfait que quand on nous présente des objets, dans un dégré de perfection, qui ajoute à nos idées, & semble nous promettre des impressions d’un caractère ou d’un dégré nouveau, qui tirent notre cœur de cette espèce d’engourdissement où le laissent les objets auxquels il est accoutumé. […]
Quotation
le goût est une connoissance des regles par le sentiment. Cette maniere de les connoître est beaucoup plus fine & plus sure que celle de l’esprit : & même sans elle, toutes les lumieres de l’esprit sont presque inutiles à quiconque veut composer.
Quotation
Il y a une autre espèce de comparaison, qui n’est point de l’art avec la belle nature. C’est celle des différentes impressions que produisent en nous les différens ouvrages du même art, dans la même espèce. C’est une comparaison qui se fait par le goût seul : au lieu que l’autre se fait par l’esprit. & comme la décision du goût, aussi-bien que celle de l’esprit, dépend de l’imitation, & de la qualité des objets qu’on imite ; on a dans cette décision du goût, celle de l’esprit même.
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(a) Nous prenons ici le Goût de même que dans le chapitre précédent, c’est-à-dire dans sa plus grande étendue ; comme un sentiment qui nous porte à ce qui nous paroît bon, ou nous détourne de ce qui nous paroît mauvais. En ce sens il peut s’appeler, Goût, dans ses commencemens ; Passion, dans ses progrès ; & Fureur ou Folie, sans ses excés.
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Peu d'Auteurs arriveront à une réputation du premier ordre, sans le secours des conseils & de la critique non seulement de leurs Confrères, dont la plupart ne jugent des beautés & des défauts de leur Art que relativement à la froideur & à la sécheresse des règles, ou par une routine de comparaison à leur propre manière, souvent uniforme & répétée, mais par la critique d'un spectateur désinteressé & éclairé, qui sans manier le pinceau, juge par un goût naturel & sans une attention servile aux règles.
La Font oppose ici goût naturel et règles.
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Il paroît par le discours précédent que le sieur Bosse faisoit consister la plus grande difficulté & le principal mérite de la Gravûre à l’Eau Forte dans l’exacte imitation de celle au Burin : il a parfaitement réussi dans ce qu’il s’est proposé pour but, & ses ouvrages quoique très-avancés à l’Eau Forte ont néanmoins toute la netteté de ceux qui sont purement au Burin, & il est vrai-semblable que la fermeté du vernis dur dont il faisoit usage y a beaucoup contribué. Cependant on a abandonné non-seulement le vernis dur dont presque tous les Graveurs de son tems se servoient, maus même cette propreté dont il faisoit tant de cas, & que l’on évite en quelque façon présentement, parce qu’elle conduit à une roideur dans les tailles & une froideur de travail qui n’est plus du goût d’aujourd’hui.
Ce changement de goût (si toutefois l’on doit juger du sentiment des graveurs du tems de Bosse par le sien) est fondé sur l’expérience & sur l’admiration que l’on a conçû pour les belles choses qui ont paru depuis M. Bosse, & qu’il n’a pû voit parce qu’elles n’ont été faites que long-tems après qu’il eût publié cet Ouvrage.
Bosse évoque ici le changement du goût du spectateur entre le XVIIe et XVIIIe siècle.
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On peut donc dire que si le burin termine & perfectionne l’eau forte, il en reçoit aussi beaucoup de mérite & de goût ; elle lui donne une ame qu’il n’avoit point ou du moins qu’il n’auroit que très-difficilement sans elle : elle lui dessine ses contours avec sûreté & esprit, elle lui ébauche ses ombres avec un goût méplat & varié suivant les divers caracteres des sujets, comme terrains, pierres, paysages, ou étoffes de différente épaisseur, ce que le Burin ne fait qu’avec une égalité soit de ton, soit de couleur qui ne satisfait pas si bien :
Ce passage met en évidence le changement de goût dans la gravure en fonction des époques. Le « goût d’aujourd’hui » est différencié du goût de l’époque d’Abraham Bosse, et notamment en matière de gravure à l’eau-forte
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Pauvre & chetive Maniere, ou mauvais Goust,
Ne doit estre entendu que d’un Tableau mal fait, & contraire à ce bon Goust des Sçavans.
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[…] Le Goût qui s’exerce sur les Arts n’est point un Gout factice. C’est une partie de nous-même qui est née avec nous, & dont l’office est de nous porter à ce qui est bon. La connoissance le précede : c’est le flambeau. Mais que nous serviroit-il de connoître, s’il nous étoit indifférent de jouir ? La Nature étoit trop sage pour séparer ces deux parties : & nous en donnant la faculté de connoître, elle ne pouvoit nous refuser celle de sentir le rapport de l’objet connu avec notre utilité, & d’y être attiré par ce sentiment. C’est ce sentiment qu’on appelle le Goût naturel, parce que c’est la Nature qui nous l’a donné. Mais pourquoi nous l’a-t’elle donné ? Etoit-ce pour juger des Arts qu’elle n’a point faits ? Non : c’étoit pour juger des choses naturelles par rapport à nos plaisirs ou à nos besoins.
L’industrie humaine ayant ensuite inventé les beaux Arts sur le modèle de la Nature, & ces Arts ayant eu pour objet l’agrément & le plaisir, qui sont, dans la vie, un second ordre de besoins ; la ressemblance des Arts avec la Nature, la conformité de leur but, sembloient exiger que le Goût naturel fût aussi le Juge des Arts : c’est ce qui arriva. Il fut reconnu, sans nulle contradiction : les Arts devinrent pour lui de nouveaux Sujets, si j’ose parler ainsi, qui se rangerent paisiblement sous sa Juridiction, sans l’obliger de faire pour eux le moindre changement à ses loix. Le Goût resta le même constamment : & il ne promit aux Arts son approbation, que quand ils lui feroient éprouver la même impression que la Nature elle-même ; & les chefs-d’œuvres des Arts ne l’obtinrent jamais qu’à ce prix.
Mais cette perfection n’a rien changé dans son essence. Il est toujours tel qu’il etoit auparavant : indépendant du caprice. Son objet est toujours essentiellement le bon. Que ce soît l’Art qui le lui présente, ou la Nature, il ne lui importe, pourvu qu’il jouisse. C’est sa fonction.
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Cependant, dit Pymandre, il me semble que vous venez de dire que ce qui fait le fort & le foible, & ce que vous appelez l’affoiblissement des teintes, se doit comprendre par les diverses coupes qu’on se peut imaginer à mesure que les corps s’éloignent.
Il est vray, luy repliquay-je, & c’est dont nous avons tantost parlé sur le sujet de la perspective de l’air, Leon Baptiste Albert appelle cette coupe Il taglio. J’avouë que dans la speculation l’on peut comprendre de quelle sorte les objets doivent diminuer de couleur par ces differentes coupes. Mais quand on vient à la pratique, cette speculation, ou le raisonnement qui fait juger combien un corps doit perdre de sa couleur lors qu’on le veut faire paroistre enfoncé dans le tableau dix ou douze pieds plus qu’un autre, ne peut apprendre précisément comment il faut diminuer la teinte de cette couleur, & la proportionner à son éloignement. Avez-vous jamais remarqué un maistre de Musique qui accorde un luth ou une harpe, il vous fera bien connoistre quel ton la premiere corde doit avoir avec la seconde, & ainsi des autres : mais il ne peut vous enseigner à les accorder, en vous disant qu’il faut tourner les chevilles un certain nombre de tours. Il faut que ce soit l’oreille qui juge de l’harmonie lors qu’on les touche. De mesme dans les couleurs on peut dire qu’il en faut diminuer ou augmenter la teinte à mesure qu’elles s’éloignent ou s’approchent ; ou qu’elles reçoivent divers accidents d’ombres & de lumieres : mais c’est à l’œil à juger du plus ou du moins de force qu’on leur donne en les meslant.
Cependant, interrompit Pymandre, si un grand ouvrage est traité avec le mesme art qu’un plus petit, le plus grand ne doit-il pas estre plus estimé ?
Il est vray, répondis-je ; mais c’est en quoy ils trouvoient de la difficulté, demeurant quasi tous d’accord qu’on ne peut faire paroistre tant de force dans une grande disposition d’ouvrage que dans un tableau qui est composé de peu de figures ; & la raison qu’ils en apportoient, est que la Peinture a ses bornes & ses limites […].
Cependant, dit Pymandre, il me semble qu’il faut bien plus de science pour traitter un grand ouvrage, pour le bien disposer, pour le remplir d’une infinité de differentes figures, d’habits, d’accomodemens, & pour y faire paroistre toutes ces parties dont vous m’avez parlé, que pour peindre seulement trois ou quatre figures ensemble.
Je vous avouë, repartis-je, que pour bien representer un grand sujet, il faut beaucoup plus de science, plus de travail, & que c’est-là qu’un Peintre a toute l’estendüe necessaire pour donner des marques de son sçavoir. Mais il y en a qui vous diront que ce n’est pas dans ces rencontres que l’art peut faire paroistre davantage sa puissance & la force de ses charmes.
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Je sçay bien que plusieurs diront que chacun a son goust, & c’est ce que j’avouë, mais je croy aussi que celuy qui est le mieux receu & reconnu des Sçavants en cét Art, doit estre tenu pour le meilleur, principalement quand on ne peut pas dire que dans le Temps qu’on fait ce discernement, l’on soit privé d’excellens hommes ainsi qu’en celuy-cy, duquel le grand nombre a fait, que la connaissance & curiosité de ces choses, a augmenté au point que les plus excellens Ouvrages de Peinture, qui n’estoient tenus pour tels que de peu de personnes, le sont à présent de la plus grande partie, & que ce qui venoit que tres-rarement à la connaissance de peu de Praticiens assez avancez, commence à present de ce faire connoistre & gouster aux petits Disciples, qui est ce grand Goust cy-devant dit, pris ou tiré des beaux Antiques, & de Raphaël d’Urbin, Jules Romain & autres, sur les manieres desquels je m’estendray icy de suite le trouvant à propos, pour faire voir aux Curieux & autres, que la connoissance que les excellens Praticiens ont de ses choses à comparaison des autres Manieres, est fondée sur quelque sorte de raison, & ne doit pas estre appelée une manie ; Je sçay bien que cette Vérité ainsi ingenuëment dite, pourra déplaire à quelques uns desdits Interessez, mais l’approbation des Sçavants & des Curieux raisonnables me suffit.
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Il est presqu’impossible de distinguer le bon & le mauvais d’un ouvrage, & de justifier le jugement qu’on en aura porté, à moins qu’on n’ait acquis la connoissance des principes de la peinture. Par d’heureuses comparaisons, par une pénétration d’esprit, par une forte inclination, on se forme un grand goût, & une juste idée du vrai beau. L’habile peintre jugera mieux que l’amateur de ce qui est bon dans un ouvrage ; rempli des règles de son art qu’il pratique continuellement, il doit mieux les sentir dans un dessein. Si cet amateur (b) cependant, joint à l’amour qu’il a pour la peinture, quelque pratique en cet art, s’il a fait l’étude & les reflexions necessaires pour discerner ce vrai beau, il pourra s’y connoître aussi bien que l’artiste. Toute la difference qu’il y a entr’eux, c’est que le premier connoît le beau & le sçait faire, au lieu que le second ne sçait que le connoître.
(b) Ut vero imperitiores frequenter admirations quadam artis afficiantur, soli tamen artifices possunt cama cri exploratoquè judicio percensere. Artifices hîc intellige non eos tantum qui ex quotidiano harum artium usu questum faciumt, verum etiam qui ad delicatissimarum artium examen afferunt judicion longâ preparatione subactum. Junius de pictura veterum. Lib. I. cap. 5. p. 34.
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Il faut faire distinction de ce que plusieurs Praticiens & Curieux nomment ordinairement bonnes Stampes. Ils estiment, à l’exclusion des autres, celles dont le trait ou dessein est bon, ou qu’il est estimé tel, sans considerer ny faire cas de la beauté de la graveure ; de sorte qu’ils feront bien plus d’estime d’une Stampe mal gravée mesme à l’eau forte ou en bois, que d’un du plus beau burin qui se voye.
Il y en a d’autres qui ayment & trouvent leur satisfaction en la beauté de la seule graveure sans s’arrester au dessein ; Mais pour les vrais Curieux & connaissans, ils seroient bien contens que l’un et l’autre fust ensemble ; Et d’autant qu’une bonne partie de bons Graveurs ne se sont pas trouvez aux lieux, à l’occasion, & dans le temps de plusieurs grands Peintres & Desseignateurs, ils ont gravé sur les œuvres de divers autres beaucoup moins excellents ; Or cela n’empesche pas que plusieurs dedites Stampes ne soient tres-necessaires ou profitables à quantité de personnes, principalement à ceux qui pratiquent la Graveure ; afin de s’instruire sur icelles.
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Der Andere Anhang worinnen was einem galant-homme von dem Kupferstechen zu verstehen nützlich ja fast nöthig ist/ kurtz und deutlich abgehandelt wird. II. Was bey Kupfferstücken in Obacht zu nehmen/ um wohl darinnen zu wählen, p. 176
9. Wenn einer diese Eigenschafften auf Kupffern/ nebst einer guten Zeichnung findet/ dabey in Acht nimt/ daß an einem Stück alles mit gleichen Fleiß gearbeitet/ der Abdruck aber noch schwartz und frisch ist/ so kan er versichert seyn/ daß es ein gutes Stück sey.
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Are. Je ne dis rien au dela du vrai ; ecoutez moi patiemment. Laissons a part ce qui regarde l’histoire, en quoi Rafael imita tellement les ecrivains, que souvent le jugement des habiles gens se porte à croire que ce peintre a mieux representé les evenements dans ses tableaux, qu’ils ne les ont decrits dans leurs livres, ou au moins qu’il va du pair avec eux.
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C'est avec les égards les plus scrupuleux, & l'intention très réelle de ne désobliger personne, que l'on rapporte les jugemens des connoisseurs judicieux, éclairés par des principes, & encor plus par cette lumière naturelle que l'on appelle sentiment, parce qu'elle fait sentir au premier coup d'œil la dissonance ou l'harmonie d'un ouvrage, & c'est ce sentiment qui est la base du goût, j'entens de ce goût ferme & invariable du vrai beau qui ne s'acquiert presque jamais, dès qu'il n'est pas le don d'une heureuse naissance.
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[…] pour venir à cette tres-delicate Critique avec la circonspection requise, suivant toûjours la Boussole de nos Principes il faudra se souvenir, avant toutes choses, de quelle importance nous y avons establi l’Observation du Costûme, dans lequel consiste le Principal Magistère de la Peinture, et qui en est, pour ainsi dire, l’esprit Raisonnable ; comme le reste du mechanique, le Coloris, et la Delineation des figures, en fait simplement le Corps avec ses Organes. De sorte que sans l’intelligence de cette première Partie, rien ne sçauroit estre bon aux yeux des Sçavants, qui sont toûjours plus choquez des fautes de jugement, et de l’obmission des Circonstances essentielles et nécessaires à l’Histoire qu’on représente, que de ce qui pourroit estre deffectueux dans la Partie mechanique.
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Traveller.
The World here in our Northern Climates has a Notion of Painters little nobler than of Joyners and Carpenters, or any other Mechanick, thinking that their Art is nothing but the daubing a few Colours upon a Cloth, and believing that nothing more ought to be expected from them at best, but the making a like Picture of any Bodys Face.
Which the most Ingenious amongst them perceiving, stop there ; and though their Genius would lead further into the noble part of History Painting, they check it, as useless to their Fortune, since they should have no Judges of their Abilities, nor any proportionable Reward of their Undertakings. So that till the Gentry of this Nation are better Judges of the Art, ’tis impossible we should ever have an Historical Painter of our own, nor that any excellent Forreigner should stay amongst us.
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Traveller.
The World here in our Northern Climates has a Notion of Painters little nobler than of Joyners and Carpenters, or any other Mechanick, thinking that their Art is nothing but the daubing a few Colours upon a Cloth, and believing that nothing more ought to be expected from them at best, but the making a like Picture of any Bodys Face.
Which the most Ingenious amongst them perceiving, stop there ; and though their Genius would lead further into the noble part of History Painting, they check it, as useless to their Fortune, since they should have no Judges of their Abilities, nor any proportionable Reward of their Undertakings. So that till the Gentry of this Nation are better Judges of the Art, ’tis impossible we should ever have an Historical Painter of our own, nor that any excellent Forreigner should stay amongst us.
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Das I. Capitel. Von der Mahlerey und dero Hochachtung
Die edle Mahlerey-Kunst ist eine Tochter der Vernunft, und eine Ernährerin aller Künste und Wissenschaften. Sie war vor Zeiten bey den meisten Helden, und hochgelehrten Leuten in grosser Würde, derohalben auch in Sycion dem gemeinenen Mann solche Kunst zu lernen verbothen, und allein den Edelgebohrnen zugelassen. Und weil selbe so hoch geschätzet, so wurde sie auch mit sonderbarer hoher Hochachtung und Beschenckung beehret […]
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Mais il est des beautez dans ces sortes d'ouvrages, dira-t-on, dont les ignorans ne peuvent sentir le prix. Par exemple, un homme qui ne sçait pas que le même Pharnace qui s'étoit allié aux Romains contre son pere Mithridate, fut dépoüillé honteusement de ses Etats par Jules Cesar quelques années après, n'est point frappé de la beauté des vers prophétiques que Racine fait proferer à Mithridate expirant.
Tôt ou tard il faudra que Pharnace périsse, fiez-vous aux romains du soin de son supplice.
Les ignorans ne sçauroient donc juger d'un poëme en géneral, puisqu'ils ne conçoivent qu'une partie de ses beautez.
Je prie le lecteur de ne point oublier la premiere réponse que je vais faire à cette objection. C'est que je ne comprens point le bas peuple dans le public capable de prononcer sur les poëmes ou sur les tableaux, comme de décider à quel dégré ils sont excellens. Le mot de public ne renferme ici que les personnes qui ont acquis des lumieres, soit par la lecture, soit par le commerce du monde. Elles sont les seules qui puissent marquer le rang des poëmes & des tableaux, quoiqu'il se rencontre dans les ouvrages excellens des beautez capables de se faire sentir au peuple du plus bas étage & de l'obliger à se récrier. Mais comme il est sans connoissance des autres ouvrages, il n'est pas en état de discerner à quel point le poëme qui le fait pleurer est excellent, ni quel rang il doit tenir parmi les autres poëmes. Le public dont il s'agit ici est donc borné aux personnes qui lisent, qui connoissent les spectacles, qui voient et qui entendent parler de tableaux, ou qui ont acquis de quelque maniere que ce soit, ce discernement qu'on appelle goût de comparaison.
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Véritablement les personnes qui ne sçavent point l'art, ne sont pas capables de remonter jusques aux causes qui rendent un mauvais poëme ennuïeux. Elles ne sçauroient en indiquer les fautes en particulier. Aussi ne prétens-je pas que l'ignorant puisse dire précisement en quoi le Peintre ou le Poëte ont manqué, & moins encore leur donner des avis sur la correction de chaque faute, mais cela n'empêche pas que l'ignorant ne puisse juger par l'impression que fait sur lui un ouvrage composé pour lui plaire et pour l'intéresser, si l'Auteur a réussi dans son entreprise & jusqu'à quel point il y a réussi. L'ignorant peut donc dire que l'ouvrage est bon ou qu'il ne vaut rien, et même il est faux qu'il ne rende pas raison de son jugement. Le Poëte tragique, dira-t-il, ne l'a point fait pleurer, & le Poëte comique ne l'a point fait rire. Il allegue qu'il ne sent aucun plaisir en regardant le tableau qu'il refuse d'estimer. C'est aux ouvrages à se défendre eux-mêmes contre de pareilles critiques [...]
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[…] il convient de parler des jugemens que les gens de métier en portent. La plûpart juge mal des ouvrages pris en général, par trois raisons. La sensibilité des gens du métier est usée. Ils jugent du tout par voie de discussion. Enfin ils sont prévenus en faveur de quelque partie de l'art, & ils la comptent dans les jugements généraux qu'ils portent pour plus qu'elle ne vaut. Sous le nom de gens de métier, je comprens ici, non -seulement les personnes qui composent ou qui peignent, mais encore un grand nombre de ceux qui écrivent sur les poëmes & sur les tableaux.Quoi, me dira-t-on, plus on est ignorant en Poësie & en Peinture, plus on est en état de juger sainement des poëmes & des tableaux ! Quel Paradoxe !
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Il est quelques Artisans beaucoup plus capables que le commun des hommes, de porter un bon jugement sur les ouvrages de leur art. Ce sont les Artisans nez avec le génie de cet art, toujours accompagné d'un sentiment bien plus exquis, que n'est celui du commun des hommes. Mais un petit nombre d'Artisans est né avec du génie, & par conséquent avec cette sensibilité ou cette délicatesse d'organe superieure à celle que peuvent avoir les autres, & je soutiens que les Artisans sans génie jugent moins sainement que le commun des hommes , & si l'on veut, que les ignorans. Voici mes raisons. La sensibilité vient à s'user dans un Artisan sans genie, & ce qu'il apprend dans la pratique de son art, se sert le plus souvent qu'à dépraver son goût naturel. […]
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Le public ne se connoît pas en peinture à Paris autant qu'à Rome. Les François en géneral n'ont pas le sentiment intérieur aussi vif que les Italiens. La difference qui est entr'eux est déja sensible dans les peuples qui habitent aux pieds des Alpes du côté des Gaules & du côté de l'Italie ; mais elle est encore bien plus grande entre les naturels de Paris & les naturels de Rome. Il s'en faut encore beaucoup que nous ne cultivions autant qu'eux la sensibilité pour la peinture, commune à tous les hommes. Géneralement parlant, on n'acquiert pas ici aussi-bien qu'à Rome le goût de comparaison. Ce goût se forme en nous-mêmes & sans que nous y pensions. A force de voir des tableaux durant la jeunesse, l'idée, l'image d'une douzaine d'excellens tableaux se grave & s'imprime profondément dans notre cerveau encore tendre. Or, ces tableaux qui nous sont toujours présens, et dont le rang est certain, dont le mérite est décidé, servent, s'il est permis de parler ainsi, de pieces de comparaison, qui donnent le moïen de juger sainement à quel point l'ouvrage nouveau qu'on expose sous nos yeux approche de la perfection où les autres peintres ont atteint, & dans quelle classe il est digne d'être placé. L'idée de ces douze tableaux qui nous est présente, produit une partie de l'effet que les tableaux mêmes produiroient, s'ils étoient à côté de celui dont nous voulons discerner le mérite & connoître le rang. La difference qui peut se trouver entre le mérite de deux tableaux exposez à côté l'un de l'autre, frappe tous ceux qui ne sont pas stupides.
Mais pour acquerir ce goût de comparaison qui fait juger du tableau présent par le tableau absent, il faut avoir été nourris dans le sein de la Peinture. Il faut, principalement durant la jeunesse, avoir eu des occasions fréquentes de voir dans une assiete d'esprit tranquille des tableaux. La liberté d'esprit n'est guéres moins necessaire pour sentir toute la beauté d'un ouvrage que pour le composer. Pour être bon spectateur il faut avoir cette tranquillité d'ame qui ne naît pas de l'épuisement, mais bien de la sérenité de l'imagination.
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Il m’a paru que je devois commencer par lui démontrer que la Peinture n’aïant pour objet que la parfaite imitation de la nature, tout homme de bon sens & d’esprit, sans avoir étudié les misteres de cet art, est à portée de sentir les grandes beautez d’un tableau, & de faire souvent même d’excellentes critiques.
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ALCIPE. […] Regardez donc avant que de le [ndr : le tableau] condamner entierement, si (la composition à part) vous ne serez point frappé de la verité de la couleur, de l’effet du clair-obscur, du relief des figures, & de plusieurs parties de l’imitation.
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Raisonne-t-on pour savoir si le ragoût est bon ou s'il est mauvais […] On n'en fait rien. Il est en nous un sens fait pour connoître si le Cuisinier a operé suivant les regles de son art. On goûte le ragoût, & même sans savoir ces regles, on connoît s'il est bon. Il en est de même en quelque maniere des ouvrages d'esprit & des tableaux faits pour nous plaire en nous touchant.
Il est en nous un sens destiné pour juger du mérite de ces ouvrages, qui consiste en l'imitation des objets touchans dans la nature. Ce sens est le sens même qui auroit jugé de l'objet que le Peintre, le Poëte ou le Musicien ont imité. C'est l'œil, lorsqu'il s'agit du coloris du tableau […] Lorsqu'il s'agit de connoître si l'imitation qu'on nous présente dans un poëme ou dans la composition d'un tableau, est capable d'exciter la compassion & d'attendrir, le sens destiné pour en juger, est le sens même qui auroit été attendri, c'est le sens qui auroit jugé de l'objet imité. C'est ce sixième sens qui est en nous, sans que nous voïions ses organes. C'est la portion de nous-mêmes qui juge sur l'impression qu'elle ressent, & qui pour me servir des termes de Platon, prononce, sans consulter la regle & le compas. C'est enfin ce qu'on appelle communément le sentiment.
Le cœur s'agite de lui-même, & par un mouvement qui précede toute délibération, quand l'objet qu'on lui présente est réellement un objet touchant, soit que l'objet ait reçu son être de la nature, soit qu'il tienne son existence d'une imitation que l'art en a faite. Notre cœur est fait, il est organisé pour cela. Son opération prévient donc tous les raisonnemens, ainsi que l'operation de l'œil & celle de l'oreille les devancent dans leurs sensations.
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Non seulement le public juge d'un ouvrage sans interêt, mais il en juge encore ainsi qu'il en faut décider en general, c'est-à-dire par la voïe du sentiment, & suivant l'impression que le poëme ou le tableau font sur lui. Puisque le premier but de la Poësie & de la Peinture est de nous toucher, les poëmes & les tableaux ne sont de bons ouvrages qu'à proportion qu'ils nous émeuvent & qu'ils nous attachent. Un ouvrage qui touche beaucoup doit être excellent à tout prendre. Par la même raison l'ouvrage qui ne touche point & qui n'attache pas ne vaut rien, & si la critique n'y trouve point à reprendre des fautes contre les regles, c'est qu'un ouvrage peut être mauvais sans qu'il y ait des fautes contre les regles, comme un ouvrage plein de fautes contre les regles peut être un ouvrage excellent.
Or le sentiment enseigne bien mieux si l'ouvrage touche, & s'il fait sur nous l'impression que doit faire un ouvrage, que toutes les dissertations composées par les Critiques, pour en expliquer le mérite, & pour en calculer les perfections & les défauts. La voie de discussion & d'analyse, dont se servent ces Messieurs, est bonne à la verité, lorsqu'il s'agit de trouver les causes qui font qu'un ouvrage plaît ou qu'il ne plaît pas ; mais cette voie ne vaut pas celle du sentiment lorsqu'il s'agit de décider cette question. L'ouvrage plaît-il ou ne plaît-il pas ? L'ouvrage est-il bon ou mauvais en géneral ? C'est la même chose. Le raisonnement ne doit donc intervenir dans le jugement que nous portons sur un poëme ou sur un tableau, que pour rendre raison de la décision du sentiment & pour expliquer quelles fautes l'empêchent de plaire, & quels sont les agrémens qui le rendent capable d'attacher. Qu'on me permette ce trait.
La raison ne veut point qu'on raisonne sur une pareille question, à moins qu'on ne raisonne pour justifier le jugement que le sentiment a porté. La décision de la question n'est point du ressort du raisonnement. Il doit se soumettre au jugement que le sentiment prononce. C'est le juge compétent de la question.
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Faut-il, pour juger si ce portrait ressemble ou non, prendre les proportions du visage de notre ami, & les comparer aux proportions du portrait ? Les Peintres mêmes diront qu'il est en eux un sentiment subit qui devance tout examen, & que l'excellent tableau qu'ils n'ont jamais vu, fait sur eux une impression soudaine qui les met en état de pouvoir, avant aucune discussion, de juger de son mérite en général : cette premiere appréhension leur suffit même pour nommer le noble Artisan du tableau.
On a donc raison de dire communément qu'avec de l'esprit on se connoît à tout, car on entend alors par le mot d'esprit, la justesse & la délicatesse du sentiment. […]
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Il y a une autre espèce de comparaison, qui n’est point de l’art avec la belle nature. C’est celle des différentes impressions que produisent en nous les différens ouvrages du même art, dans la même espèce. C’est une comparaison qui se fait par le goût seul : au lieu que l’autre se fait par l’esprit. & comme la décision du goût, aussi-bien que celle de l’esprit, dépend de l’imitation, & de la qualité des objets qu’on imite ; on a dans cette décision du goût, celle de l’esprit même.