Work of Art

PRESENTATION

CLEOMENES, Vénus de Médicis, 1er siècle avant J.-C., marbre, h. 153, Firenze, Uffizi, Inv. 224.

Quotation

LE PEINTRE.
Cela est vray, Monsieur, & ce que je trouve admirable touchant la peinture est cette grande diversité de manières, lesquelles quoy que souvent remplies de deffauts & de contrastes, on ne laisse pas d’y trouver des parties merveilleuses, soit en la composition ou invention des divers objets, & au Coloris & Touches du Peinceau ; & enfin au Goust du bel Antique, mais il y en a peu qui y ayent donne universellement.

Quotation

La proportion que nous cherchons consiste dans la juste longueur, & grosseur des Membres, & dans le degré naturel de leur mouvement. Pour aprendre le premier, nous nous servons des observations de plusieurs Auteurs qui en ont écrit, ou de nôtre Etude particuliere, en mesurant les Figures antiques qui sont estimées les plus belles, savoir le Laocon, l’Hercule des Farneze, l’Apollon, le Gladiateur, l’Antinoüs, les Enfans de Niobe, la Venus de Médicis, & quelques autres qui sont de la main des plus habiles Grecs. Ceux qui vont étudier à Rome les voïent en marbre : mais on en peut tirer le méme avantage à Paris où elles sont jetées en Plâtre, & par tout ailleurs où il seroit aisé de les faire porter.
Pour ce qui est des regles du mouvement, & des atitudes naturelles, il y a plusieurs observations, qui ont été faites par des Peintres : mais qui dependent du jugement, & de l’œil : de sorte que le plus seur moïen, c’est de les étudier aprés les modele vivant. C’est n’est pas que les longueurs & largeurs ne dependent aussi du jugement & de l’œil de celuy qui dessine ou qui peint : mais il est bon d’en avoir quelques regles, qu’on peut avoir apris des autres, ou par ses propres lumieres.

Quotation

On peut avancer hardiment qu’ils [n.d.r. les sculpteurs antiques] ont en quelque sorte surpassé la nature ; car bien qu’il soit vray de dire qu’ils n’ont fait veritablement que l’imiter cela s’entend pour chaque partie en particulier, mais jamais pour le tout ensemble, & il ne s’est point trouvé d’homme aussi parfait en toutes ses parties que le sont quelques-unes de leurs Figures. Ils [n.d.r. les sculpteurs antiques] ont imité les bras de l’un, les jambes de l’autre, ramassant ainsi dans une seule Figure toutes les beautez qui pouvoient convenir au sujet qu’ils representoient, comme nous voyons qu’ils ont rassemblé dans l’Hercule tous les traits qui marquent la force, & dans la Venus toute la délicatesse & toutes les graces qui peuvent former une beauté achevée.

Quotation

Il ne serait pas moins téméraire de décider la question sur ce que nos tableaux ne sont point ces effets prodigieux que les tableaux des anciens peintres ont fait quelquefois ; suivant les apparences, les récits des Ecrivains qui nous racontent ces effets sont exagérez, & nous ne savons pas même ce qu'il en faudrait rabattre pour les réduire à l'exacte vérité. Nous ignorons quelle part de la nouveauté de l'art de la Peinture peut avoir euë dans l'impression qu'on veut que certains tableaux aïent fait sur les Spectateurs. Les premiers tableaux, quoique grossiers, ont dû paroître des ouvrages divins. L'admiration pour un art naissant, fait tomber aisément dans l'exagération ceux qui parlent de ses productions ; & et la tradition en recueillant ces récits outrez, aime encore les rendre plus merveilleux qu'elle ne les a reçus. On trouve même dans les Ecrivains anciens des choses impossibles données pour vraies, & des choses ordinaires traitées de prodiges. […]
Enfin on ne sçaurait donner une idée un peu précise des tableaux à ceux qui ne les ont pas vus absolument, & qui ne connaissent pas la manière du Peintre qui les a faits, que par voies de comparaison. […]
Les Ecrivains modernes qui ont traité de la peinture antique, nous rendent plus sçavans, sans nous rendre plus capables de juger la question de la supériorité des Peintres de l'antiquité sur les Peintres modernes. Ces Ecrivains se sont contentez de ramasser les passages des Auteurs anciens qui parlent de la peinture & de les commenter en Philologues, sans les expliquer par l'examen de ce que nos Peintres font de nos jours, & même sans appliquer ces passages aux morceaux de la peinture antique qui subsistent encore. Je pense donc que pour se former une idée aussi distincte de la peinture antique qu'il soit possible de l'avoir, il faut considérer séparément ce que nous pouvons sçavoir de certain sur la composition, sur l'expression & sur le coloris des Peintres de l'antiquité.     
[…] Quant à la composition Pittoresque, il faut avoüer que dans les monumens qui nous restent, les Peintres anciens ne paroissent pas superieurs, ni même égaux à Raphaël, à Rubens, à Paul Véronèse, ni à M. Le Brun. […]
Quant à la composition Poëtique, les anciens se piquoient beaucoup d'exceller dans ses inventions, & comme ils étoient grands dessinateurs, ils avoient toutes sortes de facilité pour y réussir. Pour donner une idée du progrès  que les anciens avoient faits dans cette partie de la peinture qui comprend le grand art des expressions, nous rapporterons ce qu'en disent les Ecrivains de l'antiquité. De toute les parties de la peinture, la composition Poëtique est celle dont il est le plus facile de donner une idée avec des paroles. C'est celle qui se décrit le mieux.
[…]
Comme le temps a éteint les couleurs, & confondu les nuances dans les fragmens qui nous restent de la peinture antique faite au pinceau, nous ne sçaurions juger à quel point les Peintres de l'antiquité ont excellé dans le coloris, ni s'ils ont égalé ou surpassé les grands Maîtres de l'Ecole Lombarde dans cette aimable partie de la peinture.[…] On ne sçaurait décider notre question sur des récits. Il faut pour la juger, avoir des pièces de comparaison. Elles nous manquent. 
On ne sçauroit former un préjugé contre le coloris des anciens, de ce qu'ils ignoroient l'invention de détremper les couleurs avec de l'huile […]
Quant au clair-obscur & à la distribution enchanteresse des lumières & des ombres, ce que Pline &  les autres Ecrivains de l'antiquité en disent, est si positif, leurs récits sont si bien circonstanciez & si vrai-semblables, qu'on ne sçauroit disconvenir que les anciens n'égalassent du moins dans cette partie de l'Art, les plus grands peintres modernes. Les passages de ces Auteurs que nous ne comprenions pas bien, quand les Peintres modernes ignoroient encore quel prestige on peut faire avec le secours de cette magie, ne sont plus si embroüillez & si difficiles, depuis que Rubens, ses Eleves, Polidore de Caravage, & d'autres Peintres les ont expliquez bien mieux, les pinceaux à la main, que les commentateurs les plus érudits ne le pouvoient faire dans des livres. 
[…] je dis, que les Peintres qui ont travaillé depuis la renaissance des Arts, que Raphaël & ses contemporains n'ont point eu aucun avantage sur nos Artisans. Ces derniers sçavent toutes les couleurs dont les premiers se sont servis. 

Quotation

Comme c’est sur ces Figures que vous devez faire vostre principale Etude, il est bon de vous faire observer que dans les plus belles on remarque des choses qu’on prendroit assurément pour des fautes, si on les voyoit dans les Ouvrages d’un Moderne. Le Laocoon a la jambe gauche plus longue que l’autre de quatre minutes ; L’Apollon a la jambe gauche plus longue que la droite d’environ neuf minutes. La Venus a la jambe qui ploye plus longue presque d’une partie trois minutes que celle qui porte. La jambe droite du grand Enfant de Laocoon est plus longue de prés de neuf minutes que la gauche.
Je ne puis cependant m’empescher d’avoir de la veneration mesmes pour ces fautes apparentes : je croy que les Sculpteurs ont eu leurs raisons, & qu’il y auroit de la temerité à les condamner ; le moyen de penser que ces grands Hommes qui ont fait des Ouvrages qu’on peut dire parfaits, soient tombez dans des fautes aussi grossieres que seroient celles dont nous venons de parler, s’ils ne les avoient pas faites à dessein ?
Entre plusieurs considerations qu’ils ont pû avoir, & que nous n’imaginons pas, il se peut faire qu’ils en ayent usé de la sorte, à cause du raccourcy. [...]

Quotation

Comme c’est sur ces Figures que vous devez faire vostre principale Etude, il est bon de vous faire observer que dans les plus belles on remarque des choses qu’on prendroit assurément pour des fautes, si on les voyoit dans les Ouvrages d’un Moderne.

Quotation

107. [Les Parties doivent avoir leurs Contours en Ondes, & ressembler en cela à la flâme ou au serpent.] La raison de cela vient de l'action des muscles, […]. Les Contours qui sont en ondes donnent non seulement de la grace aux Parties, mais aussi à tout le Corps, lors qu'il n'est soûtenu que sur une jambe, comme nous le voyons dans les Figures d'Antinoüs, de Meleagre, de la Venus de Medicis, de celle du Vatican, & de deux autres de Borgheze, de la Flore, de la Déesse Vesta, des deux Bacchus de Borgheze, & de celuy de Lodovise, & enfin de la plus grande partie des Figures Antiques qui sont debout, & qui posent davantage sur un pied que sur l'autre. Outre que les Figures & leurs Membres doivent presque toûjours avoir naturellement une forme flamboyante & serpentive, ces sortes de Contours ont un je ne sçay quoy de vif & de remuant, qui tient beaucoup de l'activité du feu & du serpent.

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107. [Les Parties doivent avoir leurs Contours en Ondes, & ressembler en cela à la flâme ou au serpent.] La raison de cela vient de l'action des muscles, […]. Les Contours qui sont en ondes donnent non seulement de la grace aux Parties, mais aussi à tout le Corps, lors qu'il n'est soûtenu que sur une jambe, comme nous le voyons dans les Figures d'Antinoüs, de Meleagre, de la Venus de Medicis, de celle du Vatican, & de deux autres de Borgheze, de la Flore, de la Déesse Vesta, des deux Bacchus de Borgheze, & de celuy de Lodovise, & enfin de la plus grande partie des Figures Antiques qui sont debout, & qui posent davantage sur un pied que sur l'autre. Outre que les Figures & leurs Membres doivent presque toûjours avoir naturellement une forme flamboyante & serpentive, ces sortes de Contours ont un je ne sçay quoy de vif & de remuant, qui tient beaucoup de l'activité du feu & du serpent.

Quotation

La proportion que nous cherchons consiste dans la juste longueur, & grosseur des Membres, & dans le degré naturel de leur mouvement. Pour aprendre le premier, nous nous servons des observations de plusieurs Auteurs qui en ont écrit, ou de nôtre Etude particuliere, en mesurant les Figures antiques qui sont estimées les plus belles, savoir le Laocon, l’Hercule des Farneze, l’Apollon, le Gladiateur, l’Antinoüs, les Enfans de Niobe, la Venus de Médicis, & quelques autres qui sont de la main des plus habiles Grecs. Ceux qui vont étudier à Rome les voïent en marbre : mais on en peut tirer le méme avantage à Paris où elles sont jetées en Plâtre, & par tout ailleurs où il seroit aisé de les faire porter.
Pour ce qui est des regles du mouvement, & des atitudes naturelles, il y a plusieurs observations, qui ont été faites par des Peintres : mais qui dependent du jugement, & de l’œil : de sorte que le plus seur moïen, c’est de les étudier aprés les modele vivant. C’est n’est pas que les longueurs & largeurs ne dependent aussi du jugement & de l’œil de celuy qui dessine ou qui peint : mais il est bon d’en avoir quelques regles, qu’on peut avoir apris des autres, ou par ses propres lumieres.

Quotation

Il ne serait pas moins téméraire de décider la question sur ce que nos tableaux ne sont point ces effets prodigieux que les tableaux des anciens peintres ont fait quelquefois ; suivant les apparences, les récits des Ecrivains qui nous racontent ces effets sont exagérez, & nous ne savons pas même ce qu'il en faudrait rabattre pour les réduire à l'exacte vérité. Nous ignorons quelle part de la nouveauté de l'art de la Peinture peut avoir euë dans l'impression qu'on veut que certains tableaux aïent fait sur les Spectateurs. Les premiers tableaux, quoique grossiers, ont dû paroître des ouvrages divins. L'admiration pour un art naissant, fait tomber aisément dans l'exagération ceux qui parlent de ses productions ; & et la tradition en recueillant ces récits outrez, aime encore les rendre plus merveilleux qu'elle ne les a reçus. On trouve même dans les Ecrivains anciens des choses impossibles données pour vraies, & des choses ordinaires traitées de prodiges. […]
Enfin on ne sçaurait donner une idée un peu précise des tableaux à ceux qui ne les ont pas vus absolument, & qui ne connaissent pas la manière du Peintre qui les a faits, que par voies de comparaison. […]
Les Ecrivains modernes qui ont traité de la peinture antique, nous rendent plus sçavans, sans nous rendre plus capables de juger la question de la supériorité des Peintres de l'antiquité sur les Peintres modernes. Ces Ecrivains se sont contentez de ramasser les passages des Auteurs anciens qui parlent de la peinture & de les commenter en Philologues, sans les expliquer par l'examen de ce que nos Peintres font de nos jours, & même sans appliquer ces passages aux morceaux de la peinture antique qui subsistent encore. Je pense donc que pour se former une idée aussi distincte de la peinture antique qu'il soit possible de l'avoir, il faut considérer séparément ce que nous pouvons sçavoir de certain sur la composition, sur l'expression & sur le coloris des Peintres de l'antiquité.     
[…] Quant à la composition Pittoresque, il faut avoüer que dans les monumens qui nous restent, les Peintres anciens ne paroissent pas superieurs, ni même égaux à Raphaël, à Rubens, à Paul Véronèse, ni à M. Le Brun. […]
Quant à la composition Poëtique, les anciens se piquoient beaucoup d'exceller dans ses inventions, & comme ils étoient grands dessinateurs, ils avoient toutes sortes de facilité pour y réussir. Pour donner une idée du progrès  que les anciens avoient faits dans cette partie de la peinture qui comprend le grand art des expressions, nous rapporterons ce qu'en disent les Ecrivains de l'antiquité. De toute les parties de la peinture, la composition Poëtique est celle dont il est le plus facile de donner une idée avec des paroles. C'est celle qui se décrit le mieux.
[…]
Comme le temps a éteint les couleurs, & confondu les nuances dans les fragmens qui nous restent de la peinture antique faite au pinceau, nous ne sçaurions juger à quel point les Peintres de l'antiquité ont excellé dans le coloris, ni s'ils ont égalé ou surpassé les grands Maîtres de l'Ecole Lombarde dans cette aimable partie de la peinture.[…] On ne sçaurait décider notre question sur des récits. Il faut pour la juger, avoir des pièces de comparaison. Elles nous manquent. 
On ne sçauroit former un préjugé contre le coloris des anciens, de ce qu'ils ignoroient l'invention de détremper les couleurs avec de l'huile […]
Quant au clair-obscur & à la distribution enchanteresse des lumières & des ombres, ce que Pline &  les autres Ecrivains de l'antiquité en disent, est si positif, leurs récits sont si bien circonstanciez & si vrai-semblables, qu'on ne sçauroit disconvenir que les anciens n'égalassent du moins dans cette partie de l'Art, les plus grands peintres modernes. Les passages de ces Auteurs que nous ne comprenions pas bien, quand les Peintres modernes ignoroient encore quel prestige on peut faire avec le secours de cette magie, ne sont plus si embroüillez & si difficiles, depuis que Rubens, ses Eleves, Polidore de Caravage, & d'autres Peintres les ont expliquez bien mieux, les pinceaux à la main, que les commentateurs les plus érudits ne le pouvoient faire dans des livres. 
[…] je dis, que les Peintres qui ont travaillé depuis la renaissance des Arts, que Raphaël & ses contemporains n'ont point eu aucun avantage sur nos Artisans. Ces derniers sçavent toutes les couleurs dont les premiers se sont servis. 

Quotation

114. [Accord des Parties avec leur Tout.] & estre bien ensemble, c’est la mesme chose. Il [ndr : C.-A. Du Fresnoy] entend icy parler de la justesse des Proportions & de l'harmonie qu'elles font les unes avec les autres. Plusieurs Auteurs celebres en ont traité à fonds, entr’autres Paul Lomasse, dont le premier Livre ne parle d’aucune autre chose, mais il y a tant de subdivisions, qu’il faut avoir bonne teste pour ne s’en pas rebuter. Voicy celles que nostre Auteur a remarquées en general sur les plus belles Antiques : je les croy d’autant meilleures, qu’elles sont conformes à celles que donne Vitruve dans son 3. liv. chap. I. & qu’il dit les avoir apprises des Ouvriers mesmes, puisque dans la Preface de son 7. liv. il fait gloire d’avoir appris des autres, & notamment des Peintres & des Architectes.
Mesures du Corps Humain.
Les Anciens ont pour l’ordinaire donné huit testes à leurs Figures, quoy que quelques-unes n’en ayent que sept. Mais l’on divise la Figure ordinairement en † dix faces, sçavoir depuis le sommet de la Teste jusqu’à la plante des Pieds, en la maniere qui s’ensuit. {† Cela dépend de l’âge & de la qualité des personnes : L’Apollon & la Venus de Medicis ont plus de dix faces.} […] 

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La proportion que nous cherchons consiste dans la juste longueur, & grosseur des Membres, & dans le degré naturel de leur mouvement. Pour aprendre le premier, nous nous servons des observations de plusieurs Auteurs qui en ont écrit, ou de nôtre Etude particuliere, en mesurant les Figures antiques qui sont estimées les plus belles, savoir le Laocon, l’Hercule des Farneze, l’Apollon, le Gladiateur, l’Antinoüs, les Enfans de Niobe, la Venus de Médicis, & quelques autres qui sont de la main des plus habiles Grecs. Ceux qui vont étudier à Rome les voïent en marbre : mais on en peut tirer le méme avantage à Paris où elles sont jetées en Plâtre, & par tout ailleurs où il seroit aisé de les faire porter.
Pour ce qui est des regles du mouvement, & des atitudes naturelles, il y a plusieurs observations, qui ont été faites par des Peintres : mais qui dependent du jugement, & de l’œil : de sorte que le plus seur moïen, c’est de les étudier aprés les modele vivant. C’est n’est pas que les longueurs & largeurs ne dependent aussi du jugement & de l’œil de celuy qui dessine ou qui peint : mais il est bon d’en avoir quelques regles, qu’on peut avoir apris des autres, ou par ses propres lumieres.

Quotation

107. [Les Parties doivent avoir leurs Contours en Ondes, & ressembler en cela à la flâme ou au serpent.] La raison de cela vient de l'action des muscles, […]. Les Contours qui sont en ondes donnent non seulement de la grace aux Parties, mais aussi à tout le Corps, lors qu'il n'est soûtenu que sur une jambe, comme nous le voyons dans les Figures d'Antinoüs, de Meleagre, de la Venus de Medicis, de celle du Vatican, & de deux autres de Borgheze, de la Flore, de la Déesse Vesta, des deux Bacchus de Borgheze, & de celuy de Lodovise, & enfin de la plus grande partie des Figures Antiques qui sont debout, & qui posent davantage sur un pied que sur l'autre. Outre que les Figures & leurs Membres doivent presque toûjours avoir naturellement une forme flamboyante & serpentive, ces sortes de Contours ont un je ne sçay quoy de vif & de remuant, qui tient beaucoup de l'activité du feu & du serpent.

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LE PEINTRE.
Vostre pensée estoit fort bonne, car je vous assure, que la pluspart d’entre nous sont differents de Goust pour la proportion de leurs figures, & ainsi chacun estime le sien ; & comme nous nous trouvons à present reduits à parler de ce Goust des proportions, je prie, Monsieur, de ne se point ennuyer ny vous aussi, si ce que j’eu vais dire est un peu long.
ARISTE.
Monsieur, je suis tout preparé à vous entendre raisonner sur cette matiere tant qu’il vous plaira, puisque je sçay qu’elle n’est en partie fondée que sur des divers Gousts ou opinions.
LE PEINTRE.
Comme, Monsieur, a fort bien dit, que la belle proportion des figures humaines, autrement leur beauté, n’est point encore définie, & qu’ainsi tout ce que l’on en peut dire, n’est encore jusques à present que de pure opinion ou goust
 ; neantmoins avec sa permission, je ne laisseray pas d’avancer ; que nombre de personnes de sens, pourroient plûtost donner leur voix à la representation du corps d’un homme nud ou d’une femme, dont on en auroit recherché les proportions telles que je diray, que d’un autre tout contraire.
Car quand nous voyons une fille ou femme, qui nous semble belle de visage & de taille, & une autre toute contrefaite ou opposée à celle-là, nous la rejettons ou méprisons.
Mais afin de tâcher d’établir en gros pour cela quelque proportion aucunement raisonnée ; chacun sçait, que l’on dit communément qu’en fait de jambes, de testes & quelques autres parties du corps humain, que les plus grosses ne sont pas les meilleures.
[...]
Et pour moy je tiens, que comme nous ne sçavons pas bien encore toutes les belles pensées, meditations, & raisonnemens, sur la vision, qu’ont eus ces grands Architectes de l’Antiquité, & de la composition des membres ou parties de leurs Ordres de Colonnes en l’Architecture, sçavoir le Dorique, l’Ionique, & le Corinthien, qu’il en pourroit estre arrivé le mesme de leurs sçavants Sculpteurs sur la proportion de leurs belles figures, tant en Bas-reliefs, qu’en rondes Bosses.
Et pour moy, la pensée m’est venuë en voyant les excellens morceaux qui nous en restent, principalement à Rome ; que outre la belle & agreable proportion que l’on voit à la Venus de Medicis, à celle de Belvedere, à la Flore, au Commode, à l’Hercule de Farneze, au Meleagre, à l’Apollon, & au Lentin, puis en ce merveilleux ouvrage du l’Aocoom & de ses deux enfans, & à un grand nombre d’autres, qui sont tous differens au détail de leurs proportions, taille & air de testes, qu’ils estoient tres-sçavans en l’Anatomie & en la Physionomie, car j’ay remarqué dans les airs de testes de leurs diverses figures faites à plaisir, ou à volonté, qui representoient mesme des fleuves, une grave sagesse, douce, beninne, au lieu que la pluspart de nos Sculpteurs d’apresent, leurs donneroient volontiers un air de visage rustique et furieux.

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114. [Accord des Parties avec leur Tout.] & estre bien ensemble, c’est la mesme chose. Il [ndr : C.-A. Du Fresnoy] entend icy parler de la justesse des Proportions & de l'harmonie qu'elles font les unes avec les autres. Plusieurs Auteurs celebres en ont traité à fonds, entr’autres Paul Lomasse, dont le premier Livre ne parle d’aucune autre chose, mais il y a tant de subdivisions, qu’il faut avoir bonne teste pour ne s’en pas rebuter. Voicy celles que nostre Auteur a remarquées en general sur les plus belles Antiques : je les croy d’autant meilleures, qu’elles sont conformes à celles que donne Vitruve dans son 3. liv. chap. I. & qu’il dit les avoir apprises des Ouvriers mesmes, puisque dans la Preface de son 7. liv. il fait gloire d’avoir appris des autres, & notamment des Peintres & des Architectes.
Mesures du Corps Humain.
Les Anciens ont pour l’ordinaire donné huit testes à leurs Figures, quoy que quelques-unes n’en ayent que sept. Mais l’on divise la Figure ordinairement en † dix faces, sçavoir depuis le sommet de la Teste jusqu’à la plante des Pieds, en la maniere qui s’ensuit. {† Cela dépend de l’âge & de la qualité des personnes : L’Apollon & la Venus de Medicis ont plus de dix faces.} […] 

Quotation

La proportion que nous cherchons consiste dans la juste longueur, & grosseur des Membres, & dans le degré naturel de leur mouvement. Pour aprendre le premier, nous nous servons des observations de plusieurs Auteurs qui en ont écrit, ou de nôtre Etude particuliere, en mesurant les Figures antiques qui sont estimées les plus belles, savoir le Laocon, l’Hercule des Farneze, l’Apollon, le Gladiateur, l’Antinoüs, les Enfans de Niobe, la Venus de Médicis, & quelques autres qui sont de la main des plus habiles Grecs. Ceux qui vont étudier à Rome les voïent en marbre : mais on en peut tirer le méme avantage à Paris où elles sont jetées en Plâtre, & par tout ailleurs où il seroit aisé de les faire porter.
Pour ce qui est des regles du mouvement, & des atitudes naturelles, il y a plusieurs observations, qui ont été faites par des Peintres : mais qui dependent du jugement, & de l’œil : de sorte que le plus seur moïen, c’est de les étudier aprés les modele vivant. C’est n’est pas que les longueurs & largeurs ne dependent aussi du jugement & de l’œil de celuy qui dessine ou qui peint : mais il est bon d’en avoir quelques regles, qu’on peut avoir apris des autres, ou par ses propres lumieres.

Quotation

Il ne serait pas moins téméraire de décider la question sur ce que nos tableaux ne sont point ces effets prodigieux que les tableaux des anciens peintres ont fait quelquefois ; suivant les apparences, les récits des Ecrivains qui nous racontent ces effets sont exagérez, & nous ne savons pas même ce qu'il en faudrait rabattre pour les réduire à l'exacte vérité. Nous ignorons quelle part de la nouveauté de l'art de la Peinture peut avoir euë dans l'impression qu'on veut que certains tableaux aïent fait sur les Spectateurs. Les premiers tableaux, quoique grossiers, ont dû paroître des ouvrages divins. L'admiration pour un art naissant, fait tomber aisément dans l'exagération ceux qui parlent de ses productions ; & et la tradition en recueillant ces récits outrez, aime encore les rendre plus merveilleux qu'elle ne les a reçus. On trouve même dans les Ecrivains anciens des choses impossibles données pour vraies, & des choses ordinaires traitées de prodiges. […]
Enfin on ne sçaurait donner une idée un peu précise des tableaux à ceux qui ne les ont pas vus absolument, & qui ne connaissent pas la manière du Peintre qui les a faits, que par voies de comparaison. […]
Les Ecrivains modernes qui ont traité de la peinture antique, nous rendent plus sçavans, sans nous rendre plus capables de juger la question de la supériorité des Peintres de l'antiquité sur les Peintres modernes. Ces Ecrivains se sont contentez de ramasser les passages des Auteurs anciens qui parlent de la peinture & de les commenter en Philologues, sans les expliquer par l'examen de ce que nos Peintres font de nos jours, & même sans appliquer ces passages aux morceaux de la peinture antique qui subsistent encore. Je pense donc que pour se former une idée aussi distincte de la peinture antique qu'il soit possible de l'avoir, il faut considérer séparément ce que nous pouvons sçavoir de certain sur la composition, sur l'expression & sur le coloris des Peintres de l'antiquité.     
[…] Quant à la composition Pittoresque, il faut avoüer que dans les monumens qui nous restent, les Peintres anciens ne paroissent pas superieurs, ni même égaux à Raphaël, à Rubens, à Paul Véronèse, ni à M. Le Brun. […]
Quant à la composition Poëtique, les anciens se piquoient beaucoup d'exceller dans ses inventions, & comme ils étoient grands dessinateurs, ils avoient toutes sortes de facilité pour y réussir. Pour donner une idée du progrès  que les anciens avoient faits dans cette partie de la peinture qui comprend le grand art des expressions, nous rapporterons ce qu'en disent les Ecrivains de l'antiquité. De toute les parties de la peinture, la composition Poëtique est celle dont il est le plus facile de donner une idée avec des paroles. C'est celle qui se décrit le mieux.
[…]
Comme le temps a éteint les couleurs, & confondu les nuances dans les fragmens qui nous restent de la peinture antique faite au pinceau, nous ne sçaurions juger à quel point les Peintres de l'antiquité ont excellé dans le coloris, ni s'ils ont égalé ou surpassé les grands Maîtres de l'Ecole Lombarde dans cette aimable partie de la peinture.[…] On ne sçaurait décider notre question sur des récits. Il faut pour la juger, avoir des pièces de comparaison. Elles nous manquent. 
On ne sçauroit former un préjugé contre le coloris des anciens, de ce qu'ils ignoroient l'invention de détremper les couleurs avec de l'huile […]
Quant au clair-obscur & à la distribution enchanteresse des lumières & des ombres, ce que Pline &  les autres Ecrivains de l'antiquité en disent, est si positif, leurs récits sont si bien circonstanciez & si vrai-semblables, qu'on ne sçauroit disconvenir que les anciens n'égalassent du moins dans cette partie de l'Art, les plus grands peintres modernes. Les passages de ces Auteurs que nous ne comprenions pas bien, quand les Peintres modernes ignoroient encore quel prestige on peut faire avec le secours de cette magie, ne sont plus si embroüillez & si difficiles, depuis que Rubens, ses Eleves, Polidore de Caravage, & d'autres Peintres les ont expliquez bien mieux, les pinceaux à la main, que les commentateurs les plus érudits ne le pouvoient faire dans des livres. 
[…] je dis, que les Peintres qui ont travaillé depuis la renaissance des Arts, que Raphaël & ses contemporains n'ont point eu aucun avantage sur nos Artisans. Ces derniers sçavent toutes les couleurs dont les premiers se sont servis. 

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Comme c’est sur ces Figures que vous devez faire vostre principale Etude, il est bon de vous faire observer que dans les plus belles on remarque des choses qu’on prendroit assurément pour des fautes, si on les voyoit dans les Ouvrages d’un Moderne.

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Comme c’est sur ces Figures que vous devez faire vostre principale Etude, il est bon de vous faire observer que dans les plus belles on remarque des choses qu’on prendroit assurément pour des fautes, si on les voyoit dans les Ouvrages d’un Moderne. Le Laocoon a la jambe gauche plus longue que l’autre de quatre minutes ; L’Apollon a la jambe gauche plus longue que la droite d’environ neuf minutes. La Venus a la jambe qui ploye plus longue presque d’une partie trois minutes que celle qui porte. La jambe droite du grand Enfant de Laocoon est plus longue de prés de neuf minutes que la gauche.
Je ne puis cependant m’empescher d’avoir de la veneration mesmes pour ces fautes apparentes : je croy que les Sculpteurs ont eu leurs raisons, & qu’il y auroit de la temerité à les condamner ; le moyen de penser que ces grands Hommes qui ont fait des Ouvrages qu’on peut dire parfaits, soient tombez dans des fautes aussi grossieres que seroient celles dont nous venons de parler, s’ils ne les avoient pas faites à dessein ?
Entre plusieurs considerations qu’ils ont pû avoir, & que nous n’imaginons pas, il se peut faire qu’ils en ayent usé de la sorte, à cause du raccourcy. [...]

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LE PEINTRE.
Cela est vray, Monsieur, & ce que je trouve admirable touchant la peinture est cette grande diversité de manières, lesquelles quoy que souvent remplies de deffauts & de contrastes, on ne laisse pas d’y trouver des parties merveilleuses, soit en la composition ou invention des divers objets, & au Coloris & Touches du Peinceau ; & enfin au Goust du bel Antique, mais il y en a peu qui y ayent donne universellement.

Quotation

LE PEINTRE.
Vostre pensée estoit fort bonne, car je vous assure, que la pluspart d’entre nous sont differents de Goust pour la proportion de leurs figures, & ainsi chacun estime le sien ; & comme nous nous trouvons à present reduits à parler de ce Goust des proportions, je prie, Monsieur, de ne se point ennuyer ny vous aussi, si ce que j’eu vais dire est un peu long.
ARISTE.
Monsieur, je suis tout preparé à vous entendre raisonner sur cette matiere tant qu’il vous plaira, puisque je sçay qu’elle n’est en partie fondée que sur des divers Gousts ou opinions.
LE PEINTRE.
Comme, Monsieur, a fort bien dit, que la belle proportion des figures humaines, autrement leur beauté, n’est point encore définie, & qu’ainsi tout ce que l’on en peut dire, n’est encore jusques à present que de pure opinion ou goust
 ; neantmoins avec sa permission, je ne laisseray pas d’avancer ; que nombre de personnes de sens, pourroient plûtost donner leur voix à la representation du corps d’un homme nud ou d’une femme, dont on en auroit recherché les proportions telles que je diray, que d’un autre tout contraire.
Car quand nous voyons une fille ou femme, qui nous semble belle de visage & de taille, & une autre toute contrefaite ou opposée à celle-là, nous la rejettons ou méprisons.
Mais afin de tâcher d’établir en gros pour cela quelque proportion aucunement raisonnée ; chacun sçait, que l’on dit communément qu’en fait de jambes, de testes & quelques autres parties du corps humain, que les plus grosses ne sont pas les meilleures.
[...]
Et pour moy je tiens, que comme nous ne sçavons pas bien encore toutes les belles pensées, meditations, & raisonnemens, sur la vision, qu’ont eus ces grands Architectes de l’Antiquité, & de la composition des membres ou parties de leurs Ordres de Colonnes en l’Architecture, sçavoir le Dorique, l’Ionique, & le Corinthien, qu’il en pourroit estre arrivé le mesme de leurs sçavants Sculpteurs sur la proportion de leurs belles figures, tant en Bas-reliefs, qu’en rondes Bosses.
Et pour moy, la pensée m’est venuë en voyant les excellens morceaux qui nous en restent, principalement à Rome ; que outre la belle & agreable proportion que l’on voit à la Venus de Medicis, à celle de Belvedere, à la Flore, au Commode, à l’Hercule de Farneze, au Meleagre, à l’Apollon, & au Lentin, puis en ce merveilleux ouvrage du l’Aocoom & de ses deux enfans, & à un grand nombre d’autres, qui sont tous differens au détail de leurs proportions, taille & air de testes, qu’ils estoient tres-sçavans en l’Anatomie & en la Physionomie, car j’ay remarqué dans les airs de testes de leurs diverses figures faites à plaisir, ou à volonté, qui representoient mesme des fleuves, une grave sagesse, douce, beninne, au lieu que la pluspart de nos Sculpteurs d’apresent, leurs donneroient volontiers un air de visage rustique et furieux.

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107. [Les Parties doivent avoir leurs Contours en Ondes, & ressembler en cela à la flâme ou au serpent.] La raison de cela vient de l'action des muscles, […]. Les Contours qui sont en ondes donnent non seulement de la grace aux Parties, mais aussi à tout le Corps, lors qu'il n'est soûtenu que sur une jambe, comme nous le voyons dans les Figures d'Antinoüs, de Meleagre, de la Venus de Medicis, de celle du Vatican, & de deux autres de Borgheze, de la Flore, de la Déesse Vesta, des deux Bacchus de Borgheze, & de celuy de Lodovise, & enfin de la plus grande partie des Figures Antiques qui sont debout, & qui posent davantage sur un pied que sur l'autre. Outre que les Figures & leurs Membres doivent presque toûjours avoir naturellement une forme flamboyante & serpentive, ces sortes de Contours ont un je ne sçay quoy de vif & de remuant, qui tient beaucoup de l'activité du feu & du serpent.

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114. [Accord des Parties avec leur Tout.] & estre bien ensemble, c’est la mesme chose. Il [ndr : C.-A. Du Fresnoy] entend icy parler de la justesse des Proportions & de l'harmonie qu'elles font les unes avec les autres. Plusieurs Auteurs celebres en ont traité à fonds, entr’autres Paul Lomasse, dont le premier Livre ne parle d’aucune autre chose, mais il y a tant de subdivisions, qu’il faut avoir bonne teste pour ne s’en pas rebuter. Voicy celles que nostre Auteur a remarquées en general sur les plus belles Antiques : je les croy d’autant meilleures, qu’elles sont conformes à celles que donne Vitruve dans son 3. liv. chap. I. & qu’il dit les avoir apprises des Ouvriers mesmes, puisque dans la Preface de son 7. liv. il fait gloire d’avoir appris des autres, & notamment des Peintres & des Architectes.
Mesures du Corps Humain.
Les Anciens ont pour l’ordinaire donné huit testes à leurs Figures, quoy que quelques-unes n’en ayent que sept. Mais l’on divise la Figure ordinairement en † dix faces, sçavoir depuis le sommet de la Teste jusqu’à la plante des Pieds, en la maniere qui s’ensuit. {† Cela dépend de l’âge & de la qualité des personnes : L’Apollon & la Venus de Medicis ont plus de dix faces.} […] 

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Il ne serait pas moins téméraire de décider la question sur ce que nos tableaux ne sont point ces effets prodigieux que les tableaux des anciens peintres ont fait quelquefois ; suivant les apparences, les récits des Ecrivains qui nous racontent ces effets sont exagérez, & nous ne savons pas même ce qu'il en faudrait rabattre pour les réduire à l'exacte vérité. Nous ignorons quelle part de la nouveauté de l'art de la Peinture peut avoir euë dans l'impression qu'on veut que certains tableaux aïent fait sur les Spectateurs. Les premiers tableaux, quoique grossiers, ont dû paroître des ouvrages divins. L'admiration pour un art naissant, fait tomber aisément dans l'exagération ceux qui parlent de ses productions ; & et la tradition en recueillant ces récits outrez, aime encore les rendre plus merveilleux qu'elle ne les a reçus. On trouve même dans les Ecrivains anciens des choses impossibles données pour vraies, & des choses ordinaires traitées de prodiges. […]
Enfin on ne sçaurait donner une idée un peu précise des tableaux à ceux qui ne les ont pas vus absolument, & qui ne connaissent pas la manière du Peintre qui les a faits, que par voies de comparaison. […]
Les Ecrivains modernes qui ont traité de la peinture antique, nous rendent plus sçavans, sans nous rendre plus capables de juger la question de la supériorité des Peintres de l'antiquité sur les Peintres modernes. Ces Ecrivains se sont contentez de ramasser les passages des Auteurs anciens qui parlent de la peinture & de les commenter en Philologues, sans les expliquer par l'examen de ce que nos Peintres font de nos jours, & même sans appliquer ces passages aux morceaux de la peinture antique qui subsistent encore. Je pense donc que pour se former une idée aussi distincte de la peinture antique qu'il soit possible de l'avoir, il faut considérer séparément ce que nous pouvons sçavoir de certain sur la composition, sur l'expression & sur le coloris des Peintres de l'antiquité.     
[…] Quant à la composition Pittoresque, il faut avoüer que dans les monumens qui nous restent, les Peintres anciens ne paroissent pas superieurs, ni même égaux à Raphaël, à Rubens, à Paul Véronèse, ni à M. Le Brun. […]
Quant à la composition Poëtique, les anciens se piquoient beaucoup d'exceller dans ses inventions, & comme ils étoient grands dessinateurs, ils avoient toutes sortes de facilité pour y réussir. Pour donner une idée du progrès  que les anciens avoient faits dans cette partie de la peinture qui comprend le grand art des expressions, nous rapporterons ce qu'en disent les Ecrivains de l'antiquité. De toute les parties de la peinture, la composition Poëtique est celle dont il est le plus facile de donner une idée avec des paroles. C'est celle qui se décrit le mieux.
[…]
Comme le temps a éteint les couleurs, & confondu les nuances dans les fragmens qui nous restent de la peinture antique faite au pinceau, nous ne sçaurions juger à quel point les Peintres de l'antiquité ont excellé dans le coloris, ni s'ils ont égalé ou surpassé les grands Maîtres de l'Ecole Lombarde dans cette aimable partie de la peinture.[…] On ne sçaurait décider notre question sur des récits. Il faut pour la juger, avoir des pièces de comparaison. Elles nous manquent. 
On ne sçauroit former un préjugé contre le coloris des anciens, de ce qu'ils ignoroient l'invention de détremper les couleurs avec de l'huile […]
Quant au clair-obscur & à la distribution enchanteresse des lumières & des ombres, ce que Pline &  les autres Ecrivains de l'antiquité en disent, est si positif, leurs récits sont si bien circonstanciez & si vrai-semblables, qu'on ne sçauroit disconvenir que les anciens n'égalassent du moins dans cette partie de l'Art, les plus grands peintres modernes. Les passages de ces Auteurs que nous ne comprenions pas bien, quand les Peintres modernes ignoroient encore quel prestige on peut faire avec le secours de cette magie, ne sont plus si embroüillez & si difficiles, depuis que Rubens, ses Eleves, Polidore de Caravage, & d'autres Peintres les ont expliquez bien mieux, les pinceaux à la main, que les commentateurs les plus érudits ne le pouvoient faire dans des livres. 
[…] je dis, que les Peintres qui ont travaillé depuis la renaissance des Arts, que Raphaël & ses contemporains n'ont point eu aucun avantage sur nos Artisans. Ces derniers sçavent toutes les couleurs dont les premiers se sont servis. 

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La proportion que nous cherchons consiste dans la juste longueur, & grosseur des Membres, & dans le degré naturel de leur mouvement. Pour aprendre le premier, nous nous servons des observations de plusieurs Auteurs qui en ont écrit, ou de nôtre Etude particuliere, en mesurant les Figures antiques qui sont estimées les plus belles, savoir le Laocon, l’Hercule des Farneze, l’Apollon, le Gladiateur, l’Antinoüs, les Enfans de Niobe, la Venus de Médicis, & quelques autres qui sont de la main des plus habiles Grecs. Ceux qui vont étudier à Rome les voïent en marbre : mais on en peut tirer le méme avantage à Paris où elles sont jetées en Plâtre, & par tout ailleurs où il seroit aisé de les faire porter.
Pour ce qui est des regles du mouvement, & des atitudes naturelles, il y a plusieurs observations, qui ont été faites par des Peintres : mais qui dependent du jugement, & de l’œil : de sorte que le plus seur moïen, c’est de les étudier aprés les modele vivant. C’est n’est pas que les longueurs & largeurs ne dependent aussi du jugement & de l’œil de celuy qui dessine ou qui peint : mais il est bon d’en avoir quelques regles, qu’on peut avoir apris des autres, ou par ses propres lumieres.