DE PILES, Roger, « Remarques sur l'art de peinture de Charles Alphonse Du Fresnoy », L'art de peinture de Charles Alphonse Du Fresnoy, traduit en françois avec des remarques necessaires & tres-amples, Paris, Nicolas Langlois, 1668, p. 59-167.
Dans les éditions postérieures, en France et à l'étranger, les remarques sont systématiquement traduites. Sauf dans l'édition néerlandaise de Johannes Verhoek, elles apparaissent cependant toujours sous forme d'un ajout à la traduction du poème.
De Piles publie par ailleurs en 1673, une nouvelle édition, identique à la première, mais il adjoint au poème et à ses Remarques, le Dialogue sur le coloris. S’il était exagéré voire faux de voir dans la première publication une inflexion coloriste, on peut en revanche légitimement considérer que l’orientation nouvelle de De Piles ne se situe pas entre la traduction du poème de Du Fresnoy auquel, nous l’avons vu il reste très fidèle, et les Remarques, mais entre la première édition de 1668 et la seconde de 1673 avec l’adjonction du Dialogue sur le coloris. Toutes les notions autour de la notion de vrai et de couleur, déjà présentes à l’état d’ébauche chez Du Fresnoy, se retrouveront plus tard dans les Conversations ou la Dissertation et surtout dans le Cours.
Michèle-Caroline Heck
Dedication
Illustrissimo clarossimoque Domino D. Joanni Baptistae Colbert
Table des préceptes at n.p.
Épître(s) at n.p.
Préface at n.p.
Explication des mots et termes de la peinture at n.p.
DE PILES, Roger, L’Art de Peinture de C.-A. Dufresnoy, Paris, Nicolas Langlois, 1673.
DE PILES, Roger, L’Art de Peinture de C.-A. Dufresnoy, Paris, Nicolas Langlois, 1684.
DE PILES, Roger, Œuvres diverses de M. de Piles, Amsterdam - Leipzig - Paris, Arkstée & Merkus - Charles-Antoine Jombert, 1767, 5.
MIROT, Léon, Roger de Piles, peintre, amateur, membre de l’Académie de peinture (1635-1709), Paris, J. Schemit, 1924.
TEYSSÈDRE, Bernard, Roger de Piles et les débats sur le coloris au siècle de Louis XIV, Paris, La Bibliothèque des arts, 1965.
PUTTFARKEN, Thomas, Roger de Piles’ Theory of Art, New Haven - London, Yale University Press, 1985.
ALLEN, Christopher, HASKELL, Yasmin et MURKE, Frances, De Arte Graphica (Paris, 1668), Genève, Droz, 2005.
HECK, Michèle-Caroline, « Des 'Observations sur la peinture' de Charles-Alphonse Dufresnoy aux 'Remarques' de Roger de Piles : continuité ou rupture ? », dans HECK, Michèle-Caroline, FREYSSINET, Marianne et TROUVÉ, Stéphanie (éd.), Lexicographie artistique : formes, usages et enjeux dans l'Europe moderne, Actes du colloque de Montpellier et Paris, Montpellier, PULM, 2018, p. 91-102 [En ligne : dx.doi.org/10.26530/OAPEN_644313 consulté le 15/03/2018].
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QUOTATIONS
FIGURE.
Quoique ce mot soit fort general & qu'il signifie tout ce qui peut estre décrit par plusieurs lignes, neantmoins en Peinture il se prend ordinairement pour des Figures humaines.
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ATTITUDE.
Vient du mot Italien, Attitudine, qui veut dire l'action & la posture où l'on met les Figures que l'on represente.
GROUPPE.
Est un amas de plusieurs corps assemblez en un peloton; & on dit Grouppe de Figures, Grouppe d'animaux, Grouppe de fruits &c. Il y en peut aussi avoir des corps de diverse nature, & on dit telle & telle chose font grouppe avec telle & telle autres. Les Italiens disent, Groppo qu'ils ont pris du mot latin, Globus.
CONTOURS.
Les Contours sont les superficies des corps & les lignes qui les entourent.
CHAMP DU TABLEAU.
Le Champ, le Fond & le Derriere du Tableau ne signifient qu'une mesme chose, sinon que l’on appelle plus ordinairement Fond, ce qui est derriere les objets en particulier, & l'on dit, une telle chose fait fond à telle autre ; une draperie, par exemple, fait fond à un bras, une terrasse fait fond à une figure, une figure à une autre, un ciel à un arbre, ou a autre chose, & ainsi du reste.
CLAIR-OBSCUR.
Clair-obscur est la science de placer les jours & les ombres ; ce sont deux mots que l'on prononce comme un seul, & au lieu de dire le clair & l'obscur ; l'on dit le Clair-obscur, à l'imitation des Italiens qui disent Chiaro-scuro. Et pour dire qu'un Peintre donne à ses Figures un grand relief & une grande force, qu'il débroüille & qu'il fait connoistre distinctement tous les objets du Tableau, pour avoir choisi sa lumiere avantageuse, & pour avoir sceu disposer les corps en sorte que recevant de grandes lumières, ils soient suivis de grandes ombres, on dit, Cet homme-là entend fort-bien l'artifice du Clair-obscur.
COULEUR ROMPUE.
On appelle Couleur rompuë, celle qui est diminuée & corrompuë par le mélange d'une autre (excepté du blanc qui ne peut pas corrompre, mais qui peut estre corrompu) on peut dire par exemple qu'un tel azur d'outremer est rompu de laque & d'occre jaune quand il y entre un peu de ces deux dernières couleurs : & ainsi des autres. Les couleurs rompuës servent à l'union & à l'accord des couleurs, soit dans les tournans des corps & dans leurs ombres, soit dans toute leur masse. Titien, Paul Veronese & tous les Lombards ont bien mis ces sortes de couleurs en pratique.
École lombarde
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
VERONESE, Paolo (Paolo Caliari)
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ELEVE.
Pour dire disciple. Nous l'avons du mot Italien, Allievo, qui veut dire la mesme chose.
ESQUISSE.
Esquisse est un premier crayon ou une legere ébauche d'un Ouvrage que l'on medite. Les Italiens disent, Schizzo. L'on dit esquisser une pensée, son opposé est arrester, terminer.
GOUST.
Goust en Peinture est une Idée qui suit l'inclination que les Peintres ont pour certaines choses : L'on dit, Voila un Ouvrage de grand Goust, pour dire, Que tout y est grand & noble ; que les parties sont prononcées & dessinées librement ; que les airs de testes n'ont rien de bas chacun dans son espece ; que les plis des draperies sont amples, & que les jours & les ombres y sont largement étendus. Dans cette signification l'on confond souvent Goust avec Maniere & l'on dit tout de mesme : Voila un Ouvrage de grande Maniere.
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MANIERE.
Nous appellons Maniere l'habitude que les Peintres ont prise, non seulement dans le maniement du pinceau, mais encore dans les trois principales parties de la Peinture, Invention, Dessein & Coloris : & selon que cette habitude aura esté contractée avec plus ou moins d'étude & de connoissance du beau Naturel & des belles choses qui se voyent de Peinture & de Sculpture, on l'appelle bonne ou mauvaise maniere. C'est par cette Maniere dont il est icy question que l'on reconnoist l'Ouvrage d'un Peintre dont on a déjà veu quelque Tableau, de mesme que l'on reconnoist l'écriture & le stile d'un homme de qui on a déjà receu quelque lettre. L'on dit mesme, connoistre les Manieres, pour dire connoistre de plusieurs Tableaux l'Ouvrage de chaque Peintre en particulier.
PRONONCER.
Prononcer se dit en Peinture des parties du corps, comme dans l'expression ordinaire il se dit des paroles. Le langage de la Peinture est le langage des muets ; elle ne se fait entendre que lorsque certaines parties s'accordent ensemble, & sont disposées de manière qu'elles expriment les sentimens du cœur de mesme que font les paroles quand elles sont jointes : & l'on dit, prononcer une main, un bras, une épaule, un genoüil, ou quelqu'autre partie, pour dire, la marquer, la specifier, la débroüiller, la donner à connoistre parfaitement ; comme on dit prononcer une telle parole, pour dire la donner à entendre distinctement & sans bégayer.
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SVELTE.
C'est à dire, agile & de taille dégagée. Nous l'avons de l'Italien, Svelto
1. [La Peinture & la Poësie sont deux Sœurs qui se ressemblent si fort en toutes choses.] Elles tendent toutes deux à mesme fin, qui est l’Imitation. Toutes deux excitent nos passions ; & nous nous laissons tromper volontairement, mais agreablement par l’une & par l’autre ; nos yeux & nos esprits y sont si fort attachez, que nous voulons nous persuader que les Corps peints respirent, & que les fictions sont des veritez. Toutes deux sont occupées par les belles actions des Heros, & travaillent à les éterniser. Toutes deux enfin sont appuyées sur les forces de l’Imagination, & se servent des licences qu’Apollon leur donne également, & que leur Genie leur inspire. {Horace} Pictoribus atque Poëtis Quidlibet audendi semper fuit aequa potestas. L’avantage que la Peinture a pardessus la Poësie, est, Que parmy cette grande diversité de Langues, elle se fait entendre de toutes les Nations de la Terre ; & qu’elle est necessaire à tous les autres Arts, à cause du besoin qu’ils ont de figures demonstratives, qui donnent bien souvent plus d’intelligence que tous les discours du monde.
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37. [La principale & la plus importante partie de la Peinture, est de sçavoir connoistre ce que la Nature a fait de plus beau & de plus convenable à cet Art.] Voicy où échoüent presque tous les Peintres Flamans ; & la pluspart sçavent imiter la Nature pour le moins aussi bien que les Peintres des autres Nations ; mais ils en font un mauvais choix, soit parce qu’ils n’ont pas veu l’Antique, ou que le beau Naturel ne se trouve pas ordinairement dans leur païs. Et dans la vérité ce beau estant fort rare […], il est difficile d'en faire le choix, & de s'en former des idées qui puissent servir de modele.
DU FRESNOY, Charles-Alphonse
École flamande
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DU FRESNOY, Charles-Alphonse
École flamande
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DU FRESNOY, Charles-Alphonse
École flamande
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DU FRESNOY, Charles-Alphonse
École flamande
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DU FRESNOY, Charles-Alphonse
École flamande
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DU FRESNOY, Charles-Alphonse
École flamande
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39. [Dont le choix s’en doit faire selon le goust & la maniere des Anciens.] C’est à dire, selon les Statües, les Bas-reliefs, & selon les autres Ouvrages Antiques, tant des Grecs que des Romains. On appelle Antique ce qui a esté fait depuis Alexandre le Grand jusqu’à l’Empereur Phocas, sous l’Empire duquel les Arts furent ruïnez par la guerre. Ces Ouvrages Antiques ont toûjours esté depuis leur naissance, la Regle de la Beauté. Et en effet, leurs Auteurs ont pris un tel soin de les mettre dans la perfection où nous les voyons, qu’ils se servoient, non pas d’un seul Naturel, mais de plusieurs dont ils prenoient les parties les plus regulieres pour en faire un beau Tout […]
Antiques (les)
DU FRESNOY, Charles-Alphonse
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Antiques (les)
DU FRESNOY, Charles-Alphonse
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Antiques (les)
DU FRESNOY, Charles-Alphonse
L'édition anglaise ne fait pas référence à la notion de naturel, mais renvoie à celle de modèles différentes, faisant ainsi allusion aux Filles de Crotone.
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Antiques (les)
DU FRESNOY, Charles-Alphonse
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Antiques (les)
DU FRESNOY, Charles-Alphonse
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50. [comme l’Arbitre souverain de son Art] Ce mot d’Arbitre souverain, presuppose un Peintre pleinement instruit de toutes les Parties de la Peinture ; en sorte que s’estant mis comme au dessus de son Art, il en soit le Maistre & le Souverain : ce qui n’est pas une petite affaire. Ceux de la Profession ont si rarement cette suprême capacité, qu’il s’en trouve bien peu qui puissent estre de bons Juges des Ouvrages, & que je ferois souvent plus d’estat de l’avis d’un homme de bon sens, qui n’auroient jamais manié le Pinceau, que de celuy de la pluspart des Peintres. Tous les peintres peuvent donc estre Arbitres de leur Art ; mais pour estre souverains Arbitres, il n’appartient qu’aux sçavans Peintres.
52. [Les beautez fuyantes & passageres] ne sont autres, que celles que nous remarquons dans la Nature pour tres-peu de temps, & qui ne sont pas fort attachées à leurs sujets ; telles sont les Passions de l'Ame. Il y a de ces sortes de beautez qui ne durent qu'un moment, comme les mines differentes que fera une assemblée à la veuë d'un spectacle impreveu & non commun ; quelque particularité d'une Passion violente, quelque action faite avec grace, un souris, une œillade, un mépris, une gravité, & mille autres choses semblables. On peut encore mettre au nombre des beautez passageres, les beaux nuages, tels qu'ils sont ordinairement apres la pluye ou apres le tonnere.
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61. [Veu que les plus belles choses ne se peuvent souvent exprimer faute de termes.] J’ay [ndr : Roger de Piles] appris de la bouche de Monsieur du Fresnoy, qu’il avoit plusieurs fois oüi dire au Guide, Qu’on ne pouvoit donner de Preceptes des plus belles choses, & que les connoissances en estoient si cachées, qu’il n’y avoit point de maniere de parler qui les pût découvrir. Cela revient assez à ce que dit Quint. {Declam. 19.} Les choses incroyables n'ont point de paroles pour estre exprimées, il y en a quelques-unes qui sont trop grandes & trop relevées, pour pouvoir estre comprises dans les discours des hommes. D'où vient que les Connoisseurs, quand ils admirent un beau Tableau, semblent y estre collez ; & quand ils en reviennent, vous diriez qu'ils auroient perdu l'usage de la parole. {Liv. 2. Sat. 7.} Pausiaca torpes insane Tabella. Dit Horace. {L. 10. Ep. 22} Et Symmachus dit, Que la grandeur de l'étonnement ne permet pas que l'on donne des loüanges & des applaudissemens. Les Italiens disent Opera da stupire, pour dire qu'une chose est fort belle.
68. [Un sujet beau & noble, qui estant de soy-mesme capable &c.] La Peinture est non seulement divertissante & agreable, mais elle est encore comme un Memorial de tout ce qui s’est passé de plus beau dans l’Antiquité, nous remettant l’Histoire devant les yeux, comme si elle se passoit effectivement ; jusques-là mesme, qu’à la veuë des Tableaux où les belles actions sont representées, nous nous sentons piquez d’honneur de nous rendre capables de quelque chose de semblable, de mesme que si nous avions leu quelque belle Histoire. La beauté du Sujet donne de l’amour & de l’admiration pour le Tableau, comme le beau Tableau fait entrer dans le Sujet qu’il represente, & l’imprime plus avant dans l’esprit & dans la memoire. Ce sont deux chaînons engagez l’un dans l’autre, qui contiennent & sont contenus, & dont la matiere doit estre également precieuse
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73. [Qui soit plein de sel.] Aliquid salis, Quelque chose d’ingenieux, de fin, de piquant, d’extraordinaire, d’un goust relevé & qui soit propre à instruire & à éclaircir les esprits. Il faut que les Peintres fassent comme les Orateurs (dit Ciceron) qu’ils instruisent, qu’ils divertissent, & qu’ils touchent : & c’est proprement ce que veut dire ce mot de Sel.
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74. [Où il faut disposer toute la Machine de votre Tableau.] Ce n’est pas sans raison ny par hazard que notre Auteur [ndr : Charles-Alphonse Dufresnoy] se sert du mot de Machine. Une Machine est un juste assemblage de plusieurs pieces pour produire un mesme effet. Et la disposition dans un Tableau n’est autre chose qu’un assemblage de plusieurs Parties, dont on doit prevoir l’accord & la justesse, pour produire un bel effet, comme vous verrez dans le 4. Precepte, qui est de l’Œconomie ; aussi l’appelle-t-on autrement Composition, qui veut dire la distribution & l’agencement des choses en general & en particulier.
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74. [Où il faut disposer toute la Machine de votre Tableau.] Ce n’est pas sans raison ny par hazard que notre Auteur [ndr : Charles-Alphonse Dufresnoy] se sert du mot de Machine. Une Machine est un juste assemblage de plusieurs pieces pour produire un mesme effet. Et la disposition dans un Tableau n’est autre chose qu’un assemblage de plusieurs Parties, dont on doit prevoir l’accord & la justesse, pour produire un bel effet, comme vous verrez dans le 4. Precepte, qui est de l’Œconomie ; aussi l’appelle-t-on autrement Composition, qui veut dire la distribution & l’agencement des choses en general & en particulier.
75. [Qui est justement ce que nous appellons Invention.] Nostre Auteur [ndr : Charles-Alphonse Dufresnoy] établit trois Parties de la Peinture, l’Invention, le Dessein, & la Couleur, qu’il appelle autrement Cromatique. Plusieurs Auteurs qui ont écrit de la Peinture, en multiplient les Parties comme il leur plaist ; mais sans m’amuser à vous en faire icy la discution, je vous diray qu’il n’y en a point qui ne se rapporte aux trois que je viens de nommer : c’est pourquoy j’en estime la division plus juste. Et comme ces trois Parties sont essentielles à la Peinture, nul ne se peut dire veritablement Peintre, s’il ne les possede toutes à la fois ; de mesme qu’on ne peut donner le nom d’Homme à ce qui n’est pas composé d’un Corps, d’une Ame, & de la Raison, qui sont trois parties qui le forment necessairement.
76. [C’est une Muse qui estant pourveuë des autres avantages de ses Sœurs, &c.] L’on prend ordinairement les Attributs des Muses pour les Muses elles-mesmes ; & c’est dans ce sens-là que l’Invention est appelée une Muse. Les Auteurs attribuent à chacune des Muses en particulier les Sciences qu’elles ont inventées, & en general, les belles Lettres ; parce qu’elles contiennent presque toutes les autres. Ces Sciences sont les avantages dont parle nostre Auteur [ndr : Charles-Alphonse Dufresnoy], & dont il voudroit qu’un Peintre fust suffisamment pourveu.
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78. [Il est fort à propos en cherchant, &c.] Voicy le plus important Precepte de tous ceux de la Peinture. Il appartient proprement au Peintre seul, & tous les autres sont empruntez, de belles Lettres, de la Medecine, des Mathematiques, ou enfin des autres Arts : car il suffit d’avoir de l’esprit & des Lettres, pour faire une tres belle Invention : Pour dessiner, il faut de l’Anatomie ; un Mathematicien mettra fort bien les bastimens & autres choses en Perspective, & les autres Arts apporteront de leur costé ce qui est necessaire pour la matiere d’un beau Tableau : Mais pour l’œconomie du Tout-ensemble, il n’y a que le Peintre seul qui l’entende ; parce que la fin du Peintre est de tromper agreablement les yeux : ce qu’il ne fera jamais, si cette Partie lui manque. Un Tableau peut faire un mauvais effet, lequel sera d’une sçavante Invention, d’un Dessein correct, & qui aura les Couleurs les plus belles & les plus fines : Et au contraire, on peut en voir d’autres mal Inventez, mal Dessinez, & peints de Couleurs les plus communes, qui feront un tres-bon effet, & qui tromperont beaucoup davantage. […]
Ce Precepte est proprement l’usage & l’application de tous les autres : c’est pourquoy il demande beaucoup de Jugement. Il faut donc tellement prevoir les choses, que vostre Tableau soit peint dans vostre teste devant que de l’estre sur la toile. […] Il est certain que ceux qui ont cette prevoyance, travaillent avec un plaisir & une facilité incroyable ; & que les autres au contraire, ne font que changer et rechanger leur Ouvrage, qui ne leur laisse au bout du conte que du chagrin.
On peut inferer de ce que je viens de dire, que l'Invention & la Disposition sont deux Parties differentes. En effet, quoy que la derniere dépende de l'autre, & qu'elle y soit communement comprise, il faut cependant bien se garder de les confondre : L'Invention trouve simplement les choses, & en fait un choix convenable à l'Histoire que l'on traite ; & la Disposition les distribuë chacune à sa place quand elles sont inventées, & accommode les Figures & les Grouppes en particulier, & le Tout-ensemble du Tableau en general ; en sorte que cette Œconomie produit le mesme effet pour les yeux, qu'un Concert de Musique pour les oreilles.
…] Il y a une chose de tres-grande consequence à observer dans l’Œconomie de tout l'Ouvrage, c'est que d'abord l'on reconnoisse la qualité du Sujet, & que le Tableau du premier coup d'œil en inspire la Passion principale : par exemple, si le Sujet que vous avez entrepris de traitter, est de joye, il faut que tout ce qui entrera dans votre Tableau contribuë à cette Passion, en sorte que ceux qui le verront en soient aussi-tost touchez. Si c’est un Sujet lugubre, tout y ressentira la tristesse, & ainsi des autres Passions & qualitez des Sujets.
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81. [Que vos Compositions soient conformes au, &c.] Il faut prendre garde que les licences des Peintres soient plûtost pour orner l’Histoire que pour la corrompre. Et si Horace permet aux Peintres & aux Poëtes de tout oser, ce n’est pas pour faire des choses hors de la vraye-semblance […] Traitez donc les Sujets de vos Tableaux avec toute la fidélité possible ; & vous servez hardiment de vos licences, pourveu qu'elles soient ingenieuses, & non pas immoderées & extravagantes.
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83. [Donnez vous de garde que ce qui ne fait rien au Sujet, &c.] Rien n’affadit tant la composition d’un Tableau que les Figures qui ne font rien au Sujet : on les peut appeler fort plaisamment les Figures à loüer.
104. [Dont les Membres soient Grands.] Non pas en sorte qu’ils excedent la juste proportion : mais c’est à dire, que dans une belle Attitude les Membres du Corps les plus grands doivent plûtost paroistre que les petits : c’est pourquoy dans un autre endroit, il [ndr : Charles-Alphonse Dufresnoy] défend autant que l’on pourra les Racourcis, parce qu’ils font paroistre les Membres petits, quoy que d’eux-mesmes ils soient grands.
104. [Amples,] pour éviter la Maniere seiche & maigre, comme est ordinairement le Naturel, & comme l’ont imitée Lucas & Albert.