DU BOS, Jean-Baptiste, Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Quatrième édition revue, corrigée et augmentée par l’Auteur, Paris, Pierre-Jean Mariette, 1740, 3 vol. , vol. I.

Bibliothèque Nationale de France Paris Y-450 122 quotations 68 terms
Les Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture de l’Abbé Du Bos (1670-1742) ont été publiées pour la première fois en 1719 en deux volumes. En 1733, Du Bos publie une nouvelle édition augmentée d’un troisième volume consacré à des réflexions sur la musique et la déclamation des Anciens. Puis il fait paraître en 1740 une nouvelle édition qui comprend quelques modifications dans les titres des sections. C’est cette dernière édition qui a été utilisée dans les éditions posthumes de 1755 et 1770 et qui a été retenue pour notre étude.
Du Bos était un érudit, amateur d’opéra, de musique, de théâtre et de peinture, qui a fréquenté les salons et voyagé en Hollande et en Angleterre. Il n’était pas praticien et à ce titre il justifie son propos de chercher à comprendre « l’origine du plaisir que nous font les vers et les tableaux » (Livre I, Introduction), légitimant de fait le droit de parler de peinture en se fiant uniquement à son expérience de spectateur. Cette approche fait ainsi du public un acteur essentiel de la critique et de la réception des œuvres. Du Bos oppose le point de vue du spectateur à celui des artistes qui ne s’attachent pas aux effets produits par l’œuvre, mais davantage aux contraintes posées par sa fabrication. Selon lui, ces effets doivent être dramatiques, identiques à ceux que procure une représentation théâtrale. Seule la peinture d’histoire, dont la vocation est de représenter les actions humaines et l’expression des passions, fait du peintre l’égal du poète ; ces deux derniers étant sans cesse mis en parallèle dans l’ouvrage. La valeur d’une œuvre dépend donc de son pouvoir émotionnel sur le spectateur, qui est essentiellement touché par la vraisemblance, et repose sur le plaisir qu’elle procure. Mais comment expliquer l’origine de ce plaisir ? Suffit-il qu’un tableau plaise pour qu’il soit bon ? Et que faire des peintures aux sujets jugés moins nobles ? Ce questionnement touche à la fois le degré de connaissance du public et les qualités de l’artiste. C’est la capacité du peintre à traiter un sujet de manière à la fois vraisemblable et inventive qui fait la force d’une œuvre. Dans la deuxième partie de ses Réflexions, Du Bos se penche sur le peintre et la question du génie. En faisant référence à Quintilien, il définit cette dernière notion comme une qualité innée et un talent reçu de la nature. À ces deux caractéristiques s’ajoutent les conditions particulières propres au climat et au régime politique qui ont un impact sur l’expression du génie. Du Bos introduit ainsi la théorie des climats pour définir le caractère de chaque individu, de chaque peuple : « c’est de tout temps qu’on a remarqué que le climat était plus puissant que le sang et l’origine » (Livre II, section 15).
L’ouvrage de Du Bos qui, selon Voltaire, était « le livre le plus utile qu’on ait jamais écrit sur ces matières » a eu un immense succès tout au long du XVIIIe siècle en raison notamment du développement des expositions, et a été édité à dix-sept reprises en France et à l’étranger.

Stéphanie Trouvé
in-12 french
Structure
Table des matières at n.p.
Avertissement at n.p.

DU BOS, Jean-Baptiste, Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Paris, J. Mariette, 1719, 2 vol.

DU BOS, Jean-Baptiste, Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture. Nouvelle édition, revuë et corrigée, Utrecht, E. Néaulme, 1732, 2 vol.

DU BOS, Jean-Baptiste, Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Paris, Pierre-Jean Mariette, 1733, 3 vol.

DU BOS, Jean-Baptiste, Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture. Cinquième édition, Paris, Pierre-Jean Mariette, 1746, 3 vol.

DU BOS, Jean-Baptiste, Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture. Sixième édition, Paris, Pissot, 1755, 3 vol.

DU BOS, Jean-Baptiste, Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture. Septième édition, Paris, Pissot, 1770, 3 vol.

DU BOS, Jean-Baptiste, Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, DÉSIRAT, Dominique (éd.), Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, 1993.

LOMBARD, Alfred, L'abbé Du Bos: Un Initiateur De La Pensée Moderne (1670-1742), Genève, Slatkine Reprints, 1969.

TAVERNIER, Ludwig, « " A propos d'Illusion : Jean-Baptiste Dubos'Einführung eines Begriffs in die französische Kunstkritik des 18. Jahrhunderts " », Bruckmanns Pantheon, 1984, p. 158-160.

DÉSIRAT, Dominique, « Le sixième sens de l’Abbé Dubos », Revue La Licorne, 23, 1992 [En ligne : http://licorne.edel.univ-poitiers.fr/index.php?id=280 consulté le 10/10/2016].

DÉMORIS, René, « Peinture, sens et violence au Siècle des Lumières : Fénelon, du Bos, Rousseau », dans MATHIEU-CASTELLANI, Gisèle (éd.), La pensée de l'image : signification et figuration dans le texte et la peinture, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 1994 [En ligne : http://www.fabula.org/colloques/document630.php consulté le 12/10/2015].

LICHTENSTEIN, Jacqueline (éd.), La Peinture, Paris, Larousse, 1997.

RUSSO, Luigi (éd.), Jean-Baptiste Du Bos e l'estetica dello spettatore, Actes de colloque, Palermo (Aethetica preprint : Supplementa), Palermo, 2005, 15.

LICHTENSTEIN, Jacqueline, « L’argument de l’ignorant : de la théorie de l’art à l’esthétique », dans MICHEL, Christian et MAGNUSSON, Carl (éd.), Penser l’art dans la seconde moitié du XVIIIe siècle : théorie, critique, philosophie, histoire, Actes du colloque de Lausanne, Paris, Somogy, 2013, p. 81-90.

LICHTENSTEIN, Jacqueline, Les raisons de l’art. Essai sur les théories de la peinture, Paris, Gallimard, 2014.

DAUVOIS, Daniel et DUMOUCHEL, Daniel (éd.), Vers l'esthétique : penser avec les "Réflexions critiques sur la poésie et la peinture" (1719) de Jean-Baptiste Du Bos,, Actes de colloque, Paris, , Paris, Hermann, 2015, 1.

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PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

On éprouve tous les jours que les vers & les tableaux causent un plaisir sensible, mais il n'en est pas moins difficile d'expliquer en quoi consiste ce plaisir.

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SPECTATEUR → perception et regard

Cette émotion naturelle qui s'excite en nous machinalement, quand nous voïons nos semblables dans le danger ou dans le malheur, n'a d'autre attrait que celui d'être une passion dont les mouvemens remuënt l'ame & la tiennent occupée ; cependant cette émotion a des charmes capables de la faire rechercher malgré les idées tristes & importunes qui l'accompagnent & qui la suivent.

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SPECTATEUR → perception et regard
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → expression des passions
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SPECTATEUR → perception et regard
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → expression des passions

Les Peintres & les Poëtes excitent en nous ces passions artificielles, en nous présentant les imitations des objets capables d'exciter en nous des passions veritables.
Comme l'impression que ces imitations font sur nous est du même genre que l'impression que l'objet imité par le Peintre ou par le Poëte feroit sur nous : comme l'impression que l'imitation fait n'est differente de l'impression que l'objet imité feroit, qu'en ce qu'elle est moins forte, elle doit exciter dans notre ame une passion qui ressemble à celle que l'objet imité y auroit pu exciter. La copie de l'objet doit, pour ainsi dire, exciter en nous une copie de la passion que l'objet y auroit excitée. Mais comme l'impression que l'imitation fait n'est pas aussi profonde que l'impression que l'objet même auroit faite ; comme l'impression faite par l'imitation n'est pas serieuse, d'autant qu'elle ne va point jusqu'à l'ame pour laquelle il n'y a pas d'illusion dans ces sensations, ainsi que nous l'expliquerons tantôt plus au long ; enfin comme l'impression faite par l'imitation n'affecte que l'ame sensitive, elle s'efface bientôt. Cette impression superficielle faite par une imitation, disparoît sans avoir des suites durables, comme en auroit une impression faite par l'objet même que le Peintre ou le Poëte ont imité.
On conçoit facilement la raison de la difference qui se trouve entre l'impression faite par l'objet même & l'impression faite par l'imitation. L'imitation la plus parfaite n'a qu'un être artificiel, elle n'a qu'une vie empruntée, au lieu que la force & l'activité de la nature se trouve dans l'objet imité. C'est en vertu du pouvoir qu'il tient de la nature même que l'objet réel agit sur nous.

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imitation

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CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → expression des passions
SPECTATEUR → perception et regard
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copie

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CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → expression des passions
SPECTATEUR → perception et regard
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CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → expression des passions
SPECTATEUR → perception et regard

Le plaisir qu'on sent à voir les imitations que les Peintres & les Poëtes sçavent faire des objets qui auroient excité en nous des passions dont la réalité nous auroit été à charge, est un plaisir pur. Il n'est pas suivi des inconveniens dont les émotions serieuses qui auroient été causées par l'objet même, seroient accompagnées.

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SPECTATEUR → perception et regard

Personne ne doute que les Poëtes ne puissent exciter en nous des passions artificielles ; mais il paraîtra peut-être extraordinaire à bien du monde & même à des Peintres de profession, d'entendre dire que des tableaux, que des couleurs appliquées sur la toile, puissent exciter en nous des passions : cependant cette vérité ne peut surprendre que ceux qui ne font pas d'attention à ce qui se passe dans eux-mêmes. Peut-on voir le tableau du Poussin qui représente la mort de Germanicus, sans être ému de compassion pour ce Prince & pour sa famille, comme d'indignation contre Tibère ? […]

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PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
SPECTATEUR → perception et regard
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PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

Dès que l'attrait principal de la Poësie & de la Peinture, dès que le pouvoir qu'elles ont pour nous émouvoir & pour nous plaire vient des imitations qu'elles sçavent faire des objets capables de nous interresser : la plus grande imprudence que le Peintre ou le Poëte puissent faire, c'est de prendre pour l'objet principal de leur imitation des choses que nous regarderions avec indifference dans la nature : c'est d'emploïer leur Art à nous représenter des actions qui ne s'attireroient qu'une attention médiocre si nous les voïions veritablement. Comment serons-nous touchez par la copie d'un original incapable de nous affecter ? Comment serons-nous attachez par un tableau qui représente un villageois passant son chemin en conduisant deux bêtes de somme, si l'action que ce tableau imite ne peut pas nous attacher ? [...] L'imitation ne sçauroit donc nous émouvoir quand la chose imitée n'est point capable de le faire. Les sujets que Teniers, Wowermans & les autres Peintres de ce genre ont représentez, n'auroient obtenu de nous qu'une attention très-legere. Il n'est rien dans l'action d'une fête de village ou dans les divertissemens ordinaires d'un corps de garde qui puisse nous émouvoir. Il s'ensuit donc que l'imitation de ces objets peut bien nous amuser durant quelques momens, qu'elle peut bien nous faire applaudir aux talens que l'ouvrier avoit pour l'imitation, mais elle ne sçauroit nous toucher.  

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CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix

Dès que l'attrait principal de la Poësie & de la Peinture, dès que le pouvoir qu'elles ont pour nous émouvoir & pour nous plaire vient des imitations qu'elles sçavent faire des objets capables de nous interresser : la plus grande imprudence que le Peintre ou le Poëte puissent faire, c'est de prendre pour l'objet principal de leur imitation des choses que nous regarderions avec indifference dans la nature : c'est d'emploïer leur Art à nous représenter des actions qui ne s'attireroient qu'une attention médiocre si nous les voïions veritablement. Comment serons-nous touchez par la copie d'un original incapable de nous affecter ? Comment serons-nous attachez par un tableau qui représente un villageois passant son chemin en conduisant deux bêtes de somme, si l'action que ce tableau imite ne peut pas nous attacher ? [...] L'imitation ne sçauroit donc nous émouvoir quand la chose imitée n'est point capable de le faire. Les sujets que Teniers, Wowermans & les autres Peintres de ce genre ont représentez, n'auroient obtenu de nous qu'une attention très-legere. Il n'est rien dans l'action d'une fête de village ou dans les divertissemens ordinaires d'un corps de garde qui puisse nous émouvoir. Il s'ensuit donc que l'imitation de ces objets peut bien nous amuser durant quelques momens, qu'elle peut bien nous faire applaudir aux talens que l'ouvrier avoit pour l'imitation, mais elle ne sçauroit nous toucher.

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CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix
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CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix

Les Peintres intelligens ont si bien connu, ils ont si bien senti cette verité, que rarement ils ont fait des païsages deserts & sans figures. Ils les ont peuplez, ils ont introduit dans ces tableaux un sujet composé de plusieurs personnages dont l'action fût capable de nous émouvoir & par conséquent de nous attacher. C'est ainsi qu'en ont usé le Poussin, Rubens et d'autres grands Maîtres qui ne se sont pas contentez de mettre dans leurs païsages un homme qui passe son chemin, ou bien une femme qui porte des fruits au marché. Ils y placent ordinairement des figures qui pensent, afin de nous donner lieu de penser ; ils y mettent des hommes agitez de passions, afin de réveiller les nôtres & de nous attacher par cette agitation. En effet on parle plus souvent des figures de ces tableaux que de leurs terrasses et de leurs arbres. Le païsage que le Poussin a peint plusieurs fois, & qui s'appelle communément l'Arcadie, ne seroit pas si vanté s'il étoit sans figures.

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L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix
GENRES PICTURAUX → paysage
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L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix

On pourroit objecter que des tableaux où nous ne voïons que l'imitation de differens objets qui ne nous auroient point attachez, si nous les avions vûs dans la nature, ne laissent pas de se faire regarder longtems. Nous donnons plus d'attention à des fruits & à des animaux répresentez dans un tableau, que nous n'en donnerions à ces objets mêmes. La copie nous attache plus que l'original.
Je répons que lorsque nous regardons avec application les tableaux de ce genre, notre attention principale ne tombe pas sur l'objet imité, mais bien sur l'art de l'imitateur. C'est moins l'objet qui fixe nos regards que l'adresse de l'Artisan ; nous ne donnons pas plus d'attention à l'objet même imité dans le tableau, que nous lui en donnons dans la nature. Ces tableaux ne sont point regardés aussi longtems que ceux où le mérite du sujet est joint avec le mérite de l'exécution. […] Un tableau d'histoire aussi bien peint qu'un corps de garde de Teniers, nous attacheroit bien plus que ce corps de garde.

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L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai
SPECTATEUR → perception et regard

On pourroit objecter que des tableaux où nous ne voïons que l'imitation de differens objets qui ne nous auroient point attachez, si nous les avions vûs dans la nature, ne laissent pas de se faire regarder longtems. Nous donnons plus d'attention à des fruits & à des animaux répresentez dans un tableau, que nous n'en donnerions à ces objets mêmes. La copie nous attache plus que l'original.

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CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai
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CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

L'art de Peinture est si difficile, il nous attaque par un sens, dont l'empire sur notre ame est si grand qu'un tableau peut plaire par les seuls charmes de l'exécution, indépendamment de l'objet qu'il représente : mais je l'ai déjà dit, notre attention & notre estime sont alors uniquement pour l'art de l'imitateur qui sçait nous plaire, même sans nous toucher. Nous admirons le pinceau qui a sçu contrefaire si bien la nature. Nous examinons comment l'Artisan a fait pour tromper nos yeux, au point de leur faire prendre des couleurs couchées sur une superficie pour de véritables fruits. Un Peintre peut donc passer pour un grand Artisan, en qualité de dessinateur élégant, ou de coloriste rival de la nature, quand même il ne sçauroit pas faire usage de ses talents pour représenter des objets touchans & pour mettre ses tableaux dans l'ame & la vraisemblance qui se font sentir dans ceux de Raphaël et de Poussin. […]

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L’ARTISTE → qualités
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L’ARTISTE → qualités
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PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
SPECTATEUR → perception et regard
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SPECTATEUR → perception et regard
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Non seulement le sujet de l'imitation doit être interessant par lui-même, mais il faut encore le choisir convenable pour la Peinture quand on veut faire un tableau, & convenable à la Poësie , quand on veut le traiter en vers.

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L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai
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L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix

Un Peintre peut bien faire voir qu'un homme est ému d'une certaine passion, quand même il ne le dépeint pas dans l'action, parce qu'il n'est pas de passion de l'ame qui ne soit en même tems une passion du corps. Mais ce que la colère fait penser de singulier, suivant le caractère propre de chacun, & suivant les circonstances où il se rencontre, ce qu'elle fait dire de sublime, par rapport à la situation du personnage qui parle, il est très rare que le Peintre puisse l'exprimer assez intelligiblement pour être entendu.
Par exemple  le Poussin a bien pû dans son tableau de la mort de Germanicus exprimer toutes les espèces d'affliction […] mais il ne lui était pas possible de nous rendre compte des derniers sentiments de ce Prince si propres à nous attendrir. Un Poète le peut faire : il put lui faire dire : […]

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POUSSIN, La Mort de Germanicus
POUSSIN, Nicolas

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L’HISTOIRE ET LA FIGURE → expression des passions
L’ARTISTE → qualités
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POUSSIN, La Mort de Germanicus
POUSSIN, Nicolas

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L’HISTOIRE ET LA FIGURE → expression des passions
L’ARTISTE → qualités

Je me suis étonné plusieurs fois que les Peintres qui ont un si grand interêt à nous faire reconnoître les personnages dont ils veulent se servir pour nous toucher, & qui doivent rencontrer tant de difficultez à les faire reconnoître à l'aide seule du pinceau, n'accompagnassent pas toujours leurs tableaux d'histoire d'une courte inscription. Les trois quarts des Spectateurs qui sont d'ailleurs très-capables de rendre justice à l'ouvrage, ne sont point assez lettrez pour deviner le sujet du tableau. Il est quelquefois pour eux une belle personne qui plaît, mais qui parle une langue qu'ils n'entendent point : on s'ennuïe bientôt de la regarder, parce que la durée des plaisirs, où l'esprit ne prend point de part, est bien courte
.

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SPECTATEUR → perception et regard
SPECTATEUR → connaissance
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix

Au contraire rien n'est plus facile au Peintre intelligent que de nous faire connoître l'âge, le temperament, le sexe, la profession, & même la patrie de ses personnages, en se servant des habillemens, de la couleur des chairs, de celle de la barbe et des cheveux, de leur longueur et de leur épaisseur, comme de leur tournure naturelle, de l'habitude du corps, de la contenance, de la figure de la tête, de la physionomie, du feu, du mouvement & de la couleur des yeux, et de plusieurs autres choses qui rendent le caractere d'un personnage reconnoissable par sentiment. La nature a mis en nous un instinct, pour faire le discernement du caractere des hommes, qui va plus vîte & plus loin que ne peuvent aller nos réflexions sur les indices et sur les signes sensibles de ces caracteres. Or cette diversité d'expression imite merveilleusement la nature qui, nonobstant son uniformité, est toujours marquée dans chaque sujet à un coin particulier. Où je ne trouve pas cette diversité, je ne vois plus la nature et je reconnois l'Art. Le tableau dans lequel plusieurs têtes & plusieurs expressions sont les mêmes, ne fut jamais fait d'après la nature.
Le peintre ne trouve donc aucune opposition du côté de la mécanique de son Art à mettre dans chaque expression un caractere particulier. Il arrive même souvent que le Peintre, en operant comme Poëte, se suggere à lui-même comme coloriste & comme dessinateur des beautez qu'il n'auroit point rencontrées s'il n'avoit point eu des idées Poëtiques à exprimer. Une invention en fait éclore une autre.

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L’ARTISTE → qualités
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L’ARTISTE → qualités

Il est facile de conclure après ce que je viens d'exposer, que la Peinture se plaît à traiter des sujets où elle puisse introduire un grand nombre de personnages interessez à l'action. Tels sont les sujets dont nous avons parlé, & tels sont encore le meurtre de Cesar, le sacrifice d'Iphigenie, & plusieurs autres qu'il seroit superflu d'indiquer.

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L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix

Soit que vous vouliez peindre, soit que vous vouliez composer des vers, aïez autant d'attention à choisir un sujet qui convienne au pinceau, si vous voulez faire un tableau, & qui convienne, pour ainsi dire, à la plume si vous êtes Poëte, qu'à le choisir convenable aux forces de votre genie particulier & proportionné avec vos talens personnels. Nous traiterons plus au long de ce dernier choix dans la suite. Revenons aux sujets specialement propres pour être traitez ou en vers ou dans un tableau. Le Poëte qui traite un sujet inconnu, generalement parlant, peut faire facilement connoître ses personnages dès le premier acte : il peut même, comme nous avons déja dit, les rendre interessans. Au contraire le Peintre à qui ces moïens manquent, ne doit jamais entreprendre de traiter un sujet tiré de quelque ouvrage peu connu ; il ne doit introduire sur sa toile que des personnages dont tout le monde, du moins le monde devant lequel il doit produire son tableau, ait entendu parler. Il faut que ce monde les connoisse déja, car le Peintre ne peut faire autre chose que de les lui faire reconnoître. Nous avons parlé de l'indifference des spectateurs pour le tableau dont ils ne connoissoient pas le sujet.
Le Peintre doit avoir cette attention sans cesse ; mais elle lui est encore plus necessaire quand il fait des tableaux de chevalet destinez à changer souvent de place comme de maître. Le sujet des fresques peintes sur les murailles, & celui de ces grands tableaux qui demeurent toujours dans la même place, s'il n'est pas bien connu, peut le devenir. On devine même que le tableau d'autel d'une Chapelle répresente quelque évenement de la vie du Saint sous le nom duquel elle est dédiée. Enfin la renommée qui instruit le monde du mérite de ces ouvrages, lui apprend en même-tems l'histoire que le Peintre y peut avoir traitée.

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PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix

La composition allégorique est de deux especes. Ou le Peintre introduit des personnages allégoriques dans une composition historique, c'est-à-dire dans la représentation d'une action qu'on croit être arrivée réellement comme est le sacrifice d'Iphigenie, & c'est ce qu'on appelle faire une composition mixte : Ou le Peintre imagine ce qu'on appelle une composition purement allégorique, c'est-à-dire qu'il invente une action qu'on sçait bien n'être jamais arrivée réellement, mais de laquelle il se sert comme d'une emblême pour exprimer un évenement véritable.

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CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition

D'ailleurs la vrai-semblance ne peut être observée trop exactement en peinture non plus qu'en poësie. C'est à proportion de l'exactitude de la vrai-semblance que nous nous laissons séduire plus ou moins par l'imitation. Or des personnages allégoriques emploïez comme acteurs dans une composition historique, doivent en alterer la vrai-semblance. […]

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CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix

Les Peintres sont Poëtes, mais leur Poësie ne consiste pas tant à inventer des chimeres ou des jeux d'esprit, qu'à bien imaginer quelles passions & quels sentimens l'on doit donner aux personnages suivant leur caractere & la situation où l'on les suppose, comme à trouver les expressions propres à rendre ces passions sensibles et à faire deviner ces sentimens. Je ne me souviens pas que Raphael ni le Poussin aïent jamais fait l'usage vicieux des personnages allégoriques que j'ose critiquer dans le tableau de Rubens.

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L’HISTOIRE ET LA FIGURE → expression des passions
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix