RUBENS, Peter Paul ( 1577-1640 )

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Paul Veronese a entendu parfaitement tous ces accords, & Rubens qui en a, profité voyant les Ouvrages de ce Peintre, les a pratiquez avec plus de sagesse, ramassant ses figures par groupes, les éteignant à mesure qu'elles approchent des bords, & traitant son Ouvrage par rapport à un seul objet.

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Et en effet le Tableau veut estre regardé comme une machine dont les pièces doivent estre l'une pour l'autre, & ne produire toutes ensemble qu'un mefme effet ; que si vous les regardez separément, vous n'y trouverez que la main de l'Ouvrier, lequel a mis tout son esprit dans leur accord & dans la justesse de leur assemblage : Qui couperoit par exemple l'endroit du Tableau de saint George, ou des vieilles, rendent graces au Ciel d' avoir trouvé un libérateur, & regarderoit ces figures comme quelque chose d'achevé, se tromperoit fort, puisque le Peintre ne les a faites que par relation au tout, & non point à elle-mesme : Les ayant donc placées au coin du tableau il en a éteint les couleurs & négligé l'Ouvrage, quoy que fur le premier plan, afin que la veuë se portast au milieu où le saint & la pucelle attirent les yeux par leur couleurs, qui sont plus fortes, & plus brillantes, Rubens a-t'il conservé cette oeconomie par tout, dit Damon ? Sans doute, répondit Philarque, mais cela est beaucoup plus sensible dans ses grands Ouvrages.

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The truth is, ‘tis a little choquing to see such a Mixture of Antique, and Modern Figures, of Christianity, and Heathenism in the same Pictures [ndr : Le cycle de Marie de Médicis par Rubens] ; but this is much owing to its Novelty. […] He had moreover Another very good Reason for what he did on this Occasion : The Stories he had to paint were Modern, and the Habits, and Ornaments must be so too, which would not have had a very agreeable effect in Painting : These Allegorical Additions make a wonderful Improvement ; they vary, enliven, and enrich the Work ; as any one may perceive that will imagine the Pictures as they must have been, had Rubens been terrified by the Objections which he certainly must have foreseen would be made afterwards, and so had left all these Heathen Gods, and Goddesses, and the rest of the Fictitious Figures out of the Composition.

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The Composition is unexceptionable [ndr : dans Poussin, Tancrède et Herminie] : There are innumerable Instances of Beautiful Contrasts ; Of this kind are the several Characters of the Persons, (all which are Excellent in their several kinds) and the several Habits : Tancred is half Naked : Erminia’s Sex distinguishes Her from all the rest ; as Vafrino’s Armour, and Helmet shews Him to be Inferiour to Tancred, (His lying by him) and Argante’s Armour differs from both of them. The various positions of the Limbs in all the Figures are also finely Contrasted, and altogether have a lovely effect ; Nor did I ever see a greater Harmony, nor more Art to produce it in any Picture of what Master soever, whether as to the Easy Gradation from the Principal, to the Subordinate Parts, the Connection of one with another, by the degrees of the Lights, and Shadows, and the Tincts of the Colours.
And These too are Good throughout ; They are not Glaring, as the Subject, and the Time of the Story (which was after Sun-set) requires : Nor is the Colouring like that of
Titian, Corregio, Rubens, or those fine Colourists, But ‘tis Warm, and Mellow, ‘tis Agreeable, and of a Taste which none but a Great Man could fall into : And without considering it as a Story, or the Imitation of any thing in Nature the Tout-ensemble of the Colours is a Beautiful, and Delightful Object.

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Les passions de l'ame, reprit Philarque, s'expriment par les mouvemens, non seulement des parties du visage, mais encore de celles du corps : Et de toutes les passions il y en a de violentes, il y en a de douces. Les violentes sont beaucoup moins difficiles à exprimer, & Rubens y a reüssi autant bien que Peintre qui l'ait precedé. Mais pour les expressions douces, soit qu'elles paroissent comme un effet de la tranquillité de l'âme, ou qu'elles soient de ces sortes de passions qui causant peu de changement sur le visage, ne laissent pas de faire voir que le dedans est fort agité, c'est où Rubens a merveilleusement bien reüssi : il y en a une infinité d'exemples dans ses Ouvrages.

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La couleur du vague de l'air, celles des nuages qui font un horison colorié au coucher comme au lever du soleil, dépendent de la nature des exhalaisons qui remplissent l'air & qui se mêlent avec les vapeurs dont ces nuages sont formez. Or tout le monde peut observer que le vague de l'air et les nuages qui brillent à l'horison ne sont pas de la même couleur dans tous les païs. En Italie, par exemple, le vague de l'air est d'un bleu verdâtre, & les nuages de l'horison y sont d'un jaune et d'un rouge très-foncez. Dans les Païs-Bas le vague de l'air est d'un bleu pâle, & les nuages de l'horison n'y sont teints que de couleurs blanchâtres. On peut même remarquer cette différence dans les Ciels des tableaux du Titien & des tableaux de Rubens, ces deux Peintres aïant représenté la nature telle qu'elle se voit en Italie & dans les Païs-Bas où ils la copioient.

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The truth is, ‘tis a little choquing to see such a Mixture of Antique, and Modern Figures, of Christianity, and Heathenism in the same Pictures [ndr : Le cycle de Marie de Médicis par Rubens] ; but this is much owing to its Novelty. […] He had moreover Another very good Reason for what he did on this Occasion : The Stories he had to paint were Modern, and the Habits, and Ornaments must be so too, which would not have had a very agreeable effect in Painting : These Allegorical Additions make a wonderful Improvement ; they vary, enliven, and enrich the Work ; as any one may perceive that will imagine the Pictures as they must have been, had Rubens been terrified by the Objections which he certainly must have foreseen would be made afterwards, and so had left all these Heathen Gods, and Goddesses, and the rest of the Fictitious Figures out of the Composition.

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Or comme nous le dit Vitruve en termes très-senses, il ne suffit pas que nos yeux trouvent leur compte dans un tableau bien peint & bien dessiné : l'esprit doit aussi trouver le sien. Il faut donc que l'Artisan du tableau ait choisi un sujet, que ce sujet se comprenne distinctement, & qu'il soit traité de maniere qu'il nous interesse. Je n'estime gueres, ajoute-t-il, les tableaux dont les sujets n'imitent pas quelque vérité. […] Ils peuvent tout au plus introduire dans leur action qui doit toujours imiter la verité historique, quelques figures allégoriques de celles qui sont convenables au sujet, comme seroit, par exemple, la Foi représentée à côté d'un Saint qui feroit un miracle. […] Des verites auxquelles nous ne sçaurions penser sans terreur & sans humiliation, ne doivent pas être peintes avec tant d'esprit, ni représentées sous l'emblême d'une allégorie ingénieuse inventée à plaisir. Il est encore moins permis d'emprunter les personnages & les fictions de la Fable pour peindre ces verites. 

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Les Peintres doivent emploïer l'allégorie dans les tableaux de dévotion, plus sobrement encore que dans les tableaux profanes.

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Une telle composition [ndr. : allégorique] est la représentation d'une action qui n'arriva jamais, & que le Peintre invente à plaisir, pour représenter un ou plusieurs évenements merveilleurx qu'il ne veut point traiter, en s'assujettissant à la vérité historique. Les Peintres font servir encore ces compositions à peu près au même usage que les Egyptions emploïent leurs figures Hierogliphiques, c'est-à-dire, pour mettre sensiblement sous nos yeux quelque vérité générale de la Morale. 
Les compositions allégoriques sont de deux espèces ; les unes sont purement allégoriques, parce qu'il n'entre dans leur composition que de ces personnages symboliques éclos du cerveau des Peintres & des Poëtes. […] Les compositions allégoriques de la seconde espèce, sont celles où le Peintre mêle des personnages historiques avec les personnages allégoriques […]
Il est rare que les Peintres réussissent dans les compositions purement allégoriques, parce qu'il est presque impossible que dans les compositions de ce genre, ils puissent faire connoître distinctement leur sujet, & mettre toutes leurs idées à portée des spectateurs les plus intelligens. Encore moins peuvent-ils toucher le cœur peu disposé à s'attendrir pour des personnages chimeriques, en quelque situation qu'on les représente. La composition purement allégorique ne devroit donc être mise en œuvre que dans une nécessité urgente, & pour tirer le Peintre d'un embarras dont il ne pourrait sortir par la route ordinaire. Il ne sçauroit entrer dans cette composition qu'un petit nombre de figures, & les figures ne sçauroient être trop facile à reconnoître. Si on le l'entend pas aisément, on la laisse comme un vilain galimatias en peinture aussi bien qu'en poésie.

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Il est Vrai que le Peintre est obligé de savoir l’Anatomie, & les exagérations piquantes qui en dérivent, parce que l’Anatomie est le fondement du Dessein & que les exagérations peuvent conduire à la perfection ceux qui savent en prendre & en laisser autant qu’il en faut, pour accorder la justesse & la simplicité du Dessein avec le bon gout. Ces exagérations sont suportables & souvent agréables dans les Desseins qui ne sont que les pensées des Tableaux ; & le Peintre savant s’en peut servir utilement lorsqu’il commence & qu’il ébauche son Ouvrage : mais il doit les retrancher quand il veut que son Tableau paroisse dans sa perfection, comme un Architecte retranche & rejette le ceintre qui lui a servi à bâtir sa voûte.

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[...] s'il [ndr : Rubens] ne s'est pas si fort arresté au goust de l'Antique, ce n'est point par impuissance, c'est qu'il n'y trouvoit pas assez la vérité du naturel dont il vouloir estre un parfait imitateur : Il estoit bien persuadé, comme il est vray, que la diversité de la Nature est une de ses plus grandes beautez, & il ne trouvoit pas qu'en s'attachant aux Statües & aux Bas-reliefs, il pût se satisfaire assez pleinement.

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S'estant donc proposé la Nature comme l'objet de ses [ndr : Rubens] études & de ses reflexions, il a observé exactement & avec un jugement admirable le véritable caractère des choses, ce qui les distingue les unes des autres, & qui les fait paroistre ce qu'elles sont à nos yeux : Et il a poussé cette connoissance si loin, qu'avec une hardie, mais sage & sçavante exagération de ce caractere, il a rendu la Peinture plus vivante & plus naturelle, pour ainsi dire, que le Naturel mesme. C'est dans la veuë de cet heureux succès qu'il ne s'est pas mis si fort en peine de se remplir l'idée des contours Antiques, dont la pluspart estant imitez avec trop d'affectation, portent avec eux une idée de pierre qu'ils communiquent infailliblement aux Ouvrages de ceux qui s'y sont trop attachez, au lieu que les contours de Rubens donnent au nud un véritable caractère de chair, telle qu'il l'a voulu representer selon les âges, les sexes & les conditions. Car on voit cette diversité dans les sujets qui la demandent ; [...].

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The next thing to be considered in an Historical Piece, is the Truth of the Drawings, and the Correction of the Design, as Painters call it ; that is, whether they have chosen to imitate Nature in her most Beautiful Part ; for though a Painter be the Copist of Nature, Yet he must not take her promiscuously, as he finds her, but have an Idea of all that is Fine and Beautiful in an Object, and choose to Represent that, as the Antients have done so admirably in their Paintings and Statues : And ’tis in this part that most of the Flemish Painters, even Rubens himself, have miscarryed, by making an ill Choice of Nature ; either because the Beautiful Natural is not the Product of their Countrey, or because they have not seen the Antique, which is the Correction of Nature by Art ; for we may truly say that the Antique is but the best of Nature ; and therefore all that resembles the Antique, will carry that Character along with it.
                       
Friend,
            I remember, you reckoned it to me among the Faults of some Painters, that they had studied too long upon the Statues of the Antients ; and that they had indeed thereby acquired the Correction of Design you speak of ; but they had by the same means lost that Vivacity and Life which is in Nature, and which is the true Grace of Painting.

                        Traveller.
            ’Tis very true, that a Painter may fall into that Error, by giving himself up too much to the Antique ; therefore he must know, that his Profession is not tyed up to that exact Imitation of it as the Sculptor’s is, who must never depart from that exact Regularity of Proportion which the Antients have settled in their Statues ; but Painters Figures must be such as may seem rather to have been Models for the Antique, than drawn from it ;
and a Painter that never has studied it at all, will never arrive at that as Raphael, and the best of the Lombard Painters have done ; who seem to have made no other Use of the Antique, than by that means to choose the most Beautiful of Nature.

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We may paint a conceived, or intelligible thing, Perfect, by the Idea of Fancie : but, by Imitation, we may faile of Perfection. Hence it was, that the Antients intending to excell in the forms and figures of their Jupiters, would not imitate, or take a pattern, generated, but rather, by a conceived description of Him, out of Homer, or other Poets.
There is in the
form and shape of things, a certain perfection and excellencie ; unto whose conceived figures, such things by Imitation, are referred, that cannot be seen.
{To encrease fancie.} To amend
fancie, we must lodge up such rarities, as are administred to fight, to encrease the meditation of fancie ; as in your dayly view of forms and shadows, made by lights and darknesses ; […].
{And order it in a Picture.} In a
draught of designe, the Artist must fancie every circumstance of his matter in hand ; as usually Rubens would (with his Arms a cross) fit musing upon his work for some time ; […]. The Commotions of the mind, are not to be cooled by flow performance : discreet diligence, brings forth Excellence : Care, and Exercise, are the chiefest precepts of Art. But, diligence is not to stagger, and stay at unnecessary Experiments ; and therefore I have observed in excellent Pieces a willing neglect, which hath added singular grace unto it.

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[...] il [ndr : Rubens] a bien crû que la Peinture estant un Art, & non pas un pur effet du caprice, elle avoit des principes infaillibles dont il tireroit bien-tôt la quintessence par l'ordre qu'il sçavoit donner à ses estudes.

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Timanthe est prisé d’avoir tousjours donné davantage à comprendre dans ses ouvrages, que son pinceau ne representoit, et fait en sorte que son esprit y paroissoit plus grand que l’industrie de sa main, bien qu’il l’eust tres-exquise. Ainsi pour faire concevoir la grandeur de son Cyclope dormant, & fait en petit volume, il mit des Satyres auprés de luy qui mesuroient son poulce avec une perche. Certes nous luy pouvons comparer pour ce regard le sçavant Rubens que nous venons de perdre, qui a tousjours joint l’invention à l’excellence de son art, & ce qu’il tenoit d’une profonde lecture à la beauté de son colorit.

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Sometimes one Mass of Light is upon a dark Ground, and then the Extremities of the Light must not be too near the edges of the Picture, and its greatest Strength must be towards the Centre ; […].
I have a Painting of the Holy Family by
Rubens of this Structure ; where, because the Mass of Light in one part would else have gone off too abruptly, and have made a less pleasing Figure, he has set the Foot of S. Elizabeth on a little Stool ; here the Light catches, and spreads the Mass so as to have the desired effect. Such another Artifice Rafaëlle has used in a Madonna, […] ; He has brought in a kind of an Ornament to a Chair for no other end (that I can imagine) but to form the Mass agreeably.

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[…] une teinte qui de près paroît separée & d’une certaine couleur, paroîtra d’une autre couleur dans sa distance, & se confondra dans la masse dont elle fait partie. Si vous voulez donc que votre ouvrage fasse un bon effet du lieu d’où il doit être vû, il faut que les couleurs & les lumieres en soient un peu exagerées ; mais savamment & avec une grande discretion. Voyez la maniere dont Titien, Rubens, Vandeik, & Rembrant en ont usé : car leur artifice est merveilleux.

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L’on sait assez que la peinture n’est qu’un fard, qu’il est de son essence de tromper, & que le plus grand trompeur en cet Art, est le plus grand Peintre. La Nature est ingrate d’elle-même, & qui s’attacheroit à la copier simplement comme elle est & sans artifice, feroit toujours quelque chose de pauvre & de très-petit goût. Ce que l’on nomme Exageration dans les couleurs & dans les lumieres, est l’effet d’une profonde connoissance de la valeur des couleurs, & une admirable industrie qui fait paroître les objets peints plus vrais (s’il faut ainsi dire) que les veritables mêmes. C’est dans ce sens que l’on peut dire, que dans les Tableaux de Rubens l’Art est audessus de la Nature, laquelle semble en cette occasion n’être que la copie des ouvrages de ce grand Peintre : & quand les choses, après avoir été bien examinées, ne se trouveroient pas justes, comme on les suppose, qu’importe après tout, pourvû qu’elles le paroissent ; puisque la fin de la Peinture n’est pas tant de convaincre l’esprit que de tromper les yeux.
 

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Cet artifice paroîtra toujours merveilleux dans les grands ouvrages ; car c’est lui qui dans les distances proportionnées à la grandeur des Tableaux, soûtient le caractere des objets particuliers & du Tout-ensemble ; & sans lui, en s’éloignant de l’ouvrage, l’ouvrage s’éloigne du vrai, & tombe dans l’insipidité de la Peinture ordinaire. C’est dans ces grands ouvrages, où l’on voit que Rubens a rendu cette savante exageration plus heureuse & plus sensible ; mais principalement à ceux qui sont capables d’y faire attention, & de l’examiner : car aux personnes qui ne s’y connoissent que peu, rien n’est plus caché que cet artifice.

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Je sçay bien, continua-t-il, que Rubens est un de vos Heros de Peinture, & que vous avez toûjours estimé l’Ouvrage qui est dans la gallerie du Luxembourg, comme une des plus belles choses qui soient dans l’Europe, si l'on en retranchoit (disiez-vous) en beaucoup d'endroits le goût de Dessein dont il n'est pas question presentement. Mais tout le monde n'est pas de vôtre goût, & ceux qui sont d'un sentiment contraire, disent qu'on trouve peu de verité dans les Ouvrages de Rubens, quand on les examine de prés, que les Couleurs & les Lumieres y sont exagérées, que ce n'est qu'un fard, & qu'enfin ce n'est point ainsi que l'on voit ordinairement la Nature.
O le beau fard ! s'écria Pamphile, & plût à Dieu mon cher Damon, que les Tableaux qu'on fait aujourd'huy, fussent fardez de cette sorte ! ne sçavez-vous pas que la Peinture n'est qu'un fard, qu'il est de son essence de tromper, & que le plus grand trompeur en cet Art est le plus grand Peintre. La Nature est ingrate d'elle-même, & qui s'attacheroit à la copier simplement comme elle est & sans artifice, feroit toûjours quelque chose de pauvre & d'un tres-petit goût. Ce que vous nommez exageration dans les Couleurs & dans les Lumieres, est une admirable industrie, qui fait paroître les objets peints plus veritables (s'il faut ainsi dire) que les veritables mêmes. C'est ainsi que les Tableaux de Rubens sont plus beaux que la Nature, laquelle semble n'être que la copie des Ouvrages de ce grand Homme. Et quand les choses aprés être bien examinées ne se trouveroient pas justes, comme vous le supposez, qu'importe, pourvû qu'elles le paroissent ; puisque la fin de la Peinture n'est pas tant de convaincre l’esprit que de tromper les yeux.
Cet artifice, dit Damon, me semble merveilleux dans les grands Ouvrages.
C'est aussi dans ceux-là, reprit Pamphile, où l'on voit que Rubens l'a rendu plus sensible à ceux qui sont capables d'y faire attention & de l'examiner : car aux personnes qui ne s'y connoissent que peu, rien n'est plus caché que cet Artifice.

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282. [Que vous fassiez paroistre les Corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, &c.] C’est à dire proprement, qu’apres de grands Clairs il faut de grandes Ombres, qu’on appelle des Repos ; parce que effectivement la veuë seroit fatiguée, si elle estoit attirée par une continuité d’objets petillans. Les Clairs peuvent servir de repos aux Bruns, comme les Bruns en servent aux Clairs. […]
Ces Repos se font de deux manieres, dont l’une est Naturelle, & l’autre Artificielle : La Naturelle se fait par une étenduë de Clairs ou d’Ombres, qui suivent naturellement & necessairement les Corps solides, ou les Masses de plusieurs Figures agrouppées lors que le jour vient à frapper dessus : Et l’Artificielle consiste dans les Corps des Couleurs que le Peintre donne à de certaines choses telles qu’il luy plaist, & les compose de telle sorte, qu’elles ne fassent point de tort aux Objets qui sont auprés d’elles. Une Draperie par exemple que l’on aura fait jaune ou rouge en certain endroit, pourra estre dans un autre de Couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l’effet que l’on demande. L’on doit prendre occasion autant qu’il est possible de se servir de la premiere Maniere, & de trouver les Repos dont nous parlons par le Clair ou par l’Ombre, qui accompagnent naturellement les Corps solides […] 
Ainsi le Peintre qui a de l'intelligence prendra ses avantages de l'une & de l'autre Maniere ; & s'il fait un Dessein qui doive estre gravé, il se souviendra que les Graveurs ne disposent pas des Couleurs, comme font les Peintres, & que par consequent il doit prendre occasion de trouver les Repos de son Dessein dans les Ombres naturelles des Figures, qu'il aura disposées à cet effet. Rubens en donne une parfaite connoissance dans les Estampes qu'il a fait graver ; & je ne croy pas que l'on puisse rien voir de plus beau en ce genre : Toute l'intelligence des Grouppes, du Clair-Obscur & de ces Masses que le Titien appelloit
la Grappe de Raisin, y est si nettement exposée, que la veüe de ces Estampes & l'attention que l'on y apporterait contribueraient beaucoup à faire un Habile-homme. […]
Ce n'est pas que les Graveurs ne puissent & ne doivent imiter les Corps des Couleurs par les degrez du Clair-Obscur, autant qu'ils jugeront que cela doit produire un bel effet ; au contraire il est à mon avis, impossible de donner beaucoup de force à tout ce que l'on gravera d'après les Ouvrages de l'Ecole de Venise, & de tous ceux qui ont eu l'intelligence des Couleurs & du Contraste du Clair-Obscur, sans imiter en quelque façon la Couleur des Objets selon le rapport qu'elle a aux degrez du Blanc & du Noir. […]

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Comme les Peintres parlent tous, pour ainsi dire, la même langue, ils ne peuvent pas emploïer les traits célebres, dont un autre Peintre s'est déjà servi, lorsque les ouvrages de ce Peintre subsistent encore. Le Poussin a pû se servir de l'idée du Peintre Grec qui avoit présenté Agamemnon la tête voilée au sacrifice d'Iphigénie, pour mieux donner à comprendre à l'excès de la douleur du pere de la victime. Le Poussin a pû se servir de ce trait pour exprimer la même chose, en réprésentant Agrippine qui se cache le visage avec les mains dans le tableau de la mort de Germanicus. Le tableau du Peintre grec ne subsistoit plus, quand le peintre François fit le sien. Mais le Poussin auroit été blâmé d'avoir volé ce trait, s'il se fût trouvé dans un tableau, ou de Raphaël, ou de Carrache.
Comme il n'y a point de mérite à dérober une tête à Raphaël ou une figure au Dominiquin ; comme le larcin se fait sans grand travail, il est défendu sous peine du mépris public. Mais comme il faut du talent et du travail pour animer le marbre d'une figure antique, & pour faire d'une statue un personnage vivant, & qui concourre à une action avec d'autres personnages, on est loué de l'avoir fait. […] 
Il y a bien de la difference entre emporter d'une gallerie l'art du peintre, entre se rendre propre la maniere d'operer de l'Artisan qu'on vient d'admirer, & remporter dans son portefeüille une partie de ses figures. Un homme sans génie n'est point capable de convertir en sa propre substance, comme le fit Raphaël, ce qu'on y remarque de grand & de singulier. Sans saisir les principes géneraux, il se contente de copier ce qu'il a dessous les yeux. Il emportera donc une des figures, mais il n'apprendra point à traiter dans le même goût une figure qui seroit de son invention. L'homme de génie devine comment l'ouvrier a fait. Il le voit travailler, pour ainsi dire, en regardant son ouvrage & saisissant sa maniere, c'est dans l'imagination qu'il remporte son butin.

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Ainsi l'on doit pour la beauté de l'Ouvrage & pour la satisfaction des yeux augmenter, ou diminüer non seulement au dessin & à la couleur des Corps que l'on imite, mais encore à la lumière qui les éclaire en la plaçant avantageusement de la manière que je viens de dire, & comme l'a placée Rubens, qui est sans contredit celuy de tous les Peintres qui l'a mieux entendüe.

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The next thing to be considered in an Historical Piece, is the Truth of the Drawings, and the Correction of the Design, as Painters call it ; that is, whether they have chosen to imitate Nature in her most Beautiful Part ; for though a Painter be the Copist of Nature, Yet he must not take her promiscuously, as he finds her, but have an Idea of all that is Fine and Beautiful in an Object, and choose to Represent that, as the Antients have done so admirably in their Paintings and Statues : And ’tis in this part that most of the Flemish Painters, even Rubens himself, have miscarryed, by making an ill Choice of Nature ; either because the Beautiful Natural is not the Product of their Countrey, or because they have not seen the Antique, which is the Correction of Nature by Art ; for we may truly say that the Antique is but the best of Nature ; and therefore all that resembles the Antique, will carry that Character along with it.
                       
Friend,
            I remember, you reckoned it to me among the Faults of some Painters, that they had studied too long upon the Statues of the Antients ; and that they had indeed thereby acquired the Correction of Design you speak of ; but they had by the same means lost that Vivacity and Life which is in Nature, and which is the true Grace of Painting.

                        Traveller.
            ’Tis very true, that a Painter may fall into that Error, by giving himself up too much to the Antique ; therefore he must know, that his Profession is not tyed up to that exact Imitation of it as the Sculptor’s is, who must never depart from that exact Regularity of Proportion which the Antients have settled in their Statues ; but Painters Figures must be such as may seem rather to have been Models for the Antique, than drawn from it ;
and a Painter that never has studied it at all, will never arrive at that as Raphael, and the best of the Lombard Painters have done ; who seem to have made no other Use of the Antique, than by that means to choose the most Beautiful of Nature.

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He that would rise to the Sublime must form an Idea of Something beyond all we have yet seen ; or which Art, or Nature has yet produc’d ; Painting, Such as when all the Excellencies of the several Masters are United, and their several Defects avoided.
The greatest Designers among the Moderns want much of that exquisite Beauty, in all the Several Characters, that is to be seen in the Antique ; the Airs of the Heads, even of
Rafaëlle himself, are Inferiour to what the Ancients have done ; and for Grace to some of Guido : the Colouring of Rubens and Van Dyck falls short of That of Titian, and Coreggio ; and the best Masters have Rarely Thought like Rafaëlle, or Compos’d like Rembrandt. Let us then imagine a Picture Design’d as the Laocoon, the Hercules, the Apollo, the Venus, or any of these Miraculous remains of Antiquity : The Airs of Heads like what is to be found in the Statues, Busts, Bas-releifs, or Medals, or like some of those of Guido ; and Colour’d like the most Celebrated Colourists ; with the Lightest Pencil, and the most Proper to the Subject ; and all this Suitably Invented, and Compos’d ; Here would be a Picture ! Such a one a Painter should Imagine, and So set before him for Imitation.
Nor must he stop Here, but Create an Original Idea of Perfection. The Utmost that the Best Masters have done, is not to be suppos’d the Utmost ‘tis possible for Humane Nature to arrive at ;

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Le Clair-obscur regarde les objets particuliers, les Groupes de & le Tout-ensemble. Rubens avoit pour maxime dans les objets particuliers exposez sous une lumiere ordinaire, d'éclairer d'autant plus les endroits relevez, qu'ils avoient de saillie, & la pluspart des figures qui sont en ces Tableaux ne font le bel effet que vous voyez, que parce que le Peintre les a traitez dans ce principe.

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 [...] Il faut donc, poursuivit-elle [Princesse des cabalistes], s’étudier à la recherche d’une belle Manière de peindre, vague, hardie, & sans contrainte, d’un dessein tendre & coulant, mais libre & de grande maniere, sans s’attacher avec scrupule à cent choses, qui gâtent la majesté d’un ouvrage. Prenez pour exemplaires les ouvrages de l’illustre & fameux Michelange, le Coriphée des Peintres Anciens & Modernes, d’un Titien, d’un Tintoret, d’un Georgion, d’un Paul Veronese, du Guide, des Bassans, de S. Martin, de Rubens, de Vandick, & tant d’autres que mes maximes ont rendus celebres, & ausquels la science qu’ils ont acquise dans mon Ecole, a donné une réputation glorieuse & immortelle, malgré la jalousie & le caprice de quelques novateurs, qui sous pretexte du rétablissement de la Peinture, tâchent en vain d’élever sur le debris de l’estime qu’on a toûjours euë pour ces grands Peintres, une fausse renommée à leurs sectateurs, & faisans croire aux simples, qu’ils rendent un bon office à ce bel Art, le ruinent entierement, dégoûtans par les embarras & les difficultés dont ils l’ont obscurci, ceux qui avoient dessein de s’y perfectionner.

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C'est que les Philosophes définissent le Blanc, une couleur qui dissipe la veuë & qui la sépare; & le Noir, une couleur qui ramasse la veuë & qui la fixe. Si le Noir fixe la veuë, reprit Philarque, ne soyez donc pas étonné que Rubens s'en soit servy dans les endroits qu'il a voulu rendre plus sensibles & plus proches des yeux : & si les objets qu'il a peints conservent une si grande rondeur. Et pour le blanc, repartit Leonidas, qui n'est pas en parfaite amitié avec la veuë, & qui s'en éloigne, pourquoy l'employe-t'on souvent dans les objets qui sont fur le devant du Tableau ? Pour deux raisons, repartit Philarque, l'une parce qu'il rend le noir encore plus sensible par son opposition, & l'autre parce que le blanc est nécessaire pour donner l'idée de quantité d'objets que l'on a souvent occasion de representer sur le devant comme seroit du linge, un cheval blanc, & semblables autres choses dont cette couleur est le corps, ou dont elle fait une grande partie. Mais quand on l'employe ainsi fur les premières lignes du tableau, on observe de raccompagner de couleurs brunes qui le retiennent, ou bien on le place entre deux corps bruns qui renferment comme mal-gré luy, & qui l'empeschent d'entrer dans le tableau, & de se joindre aux objets les plus esloignez. C'est pour cela que Rubens ayant fait ses Déesses claires sur un fond brun, les a accompagnées de draperies beaucoup plus brunes que le fond.

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C'est que la lumière qui penetre l'air, repartit Philarque, s'accorde tres-bien avec le Blanc qui est de la mesme nature, & que le Noir qui luy est opposé est d'autant plus détruit par cet air lumineux, qu'il y a de distance entre l'oeil & l'objet : Rubens n'a fait que suivre en cela le Titien & tous les Peintres Lombards.

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382. [Que vos Couleurs soient vives, sans pourtant donner, comme on dit, dans la farine.] Donner dans la farine c’est une façon de parler parmy les Peintres, qui exprime parfaitement ce qu’elle veut dire, qui n’est autre chose que de peindre avec Couleurs claires & fades tout ensemble, lesquelles ne donnent non plus de vie aux Figures, que si effectivement elles estoient frottées de farine. Ceux qui font leurs Carnations fort blanches & leurs Ombres grises ou verdastres, tombent dans cette inconvenient. Les Couleurs rousses dans les Ombres des chairs les plus delicates, contribuent merveilleusement à les rendre vives, brillantes & naturelles : mais il en faut user avec la mesme prudence dont le Titien, Paul Ver. Rubens & Vandeik se sont servis.
Pour conserver les Couleurs fraisches, il faut peindre en mettant toûjours des Couleurs, & non pas en frottant apres les avoir couchées sur la toile ; & s’il se pouvoit mesme faire qu’on les mist justement dans leurs places, & que l’on n’y touchast point quand on les y a une fois placées, il seroit encore mieux ; parce que la fraischeur des Couleurs se ternit & se perd à force de les tourmenter en peignant.
Tous ceux qui ont bien colorié, avoient encore une autre Maxime pour maintenir les Couleurs fraisches, vives & fleuries ; c'estoit de se servir de Fonds blancs, sur lesquels ils peignoient, & souvent mesme au premier coup, sans rien retoucher, & sans y employer de nouvelles Couleurs. Rubens s'en servoit toûjours ; & j'ay veu des Tableaux de la main de ce grand Homme faits au premier coup, qui avoient une vivacité merveilleuse. La raison que ces excellens Coloristes avoient de se servir de ces sortes de Fonds, est que le Blanc conserve toûjours un éclat sous le transparant des Couleurs, lesquelles empeschent que l'air n'altere la blancheur du Fonds, de méme que cette blancheur repare le dommage qu'elles reçoivent de l'air ; de maniere que le Fonds & les Couleurs se prestent un mutuel secours, & se conservent l'un l'autre. C'est par cette raison que les Couleurs glacées ont une vivacité qui ne peut jamais estre imitée par les Couleurs les plus vives & les plus brillantes, dont à la maniere ordinaire & commune on couche simplement les differentes teintes, chacune dans leur place les unes apres les autres : tant il est vray que le Blanc avec les autres Couleurs fieres, dont on peint d'abord ce que l'on veut glacer, en sont comme la vie & l'éclat. Les Anciens ont asseurement trouvé que les Fonds blancs estoient beaucoup meilleurs que les autres : puisque nonobstant l'incommodité que leurs yeux recevoient de cette Couleur, ils ne laissoient pas de s'en servir, […] Je ne sçay d'où vient que l'on ne s'en sert pas aujourd'huy, si ce n'est qu'il y a peu de Peintres curieux de bien colorier, ou que l'ébauche commencée sur le Blanc ne se montre pas assez viste, & qu'il faut avoir une patience plus que Françoise, pour attendre qu'elle soit achevée, & que le Fond qui ternit par sa Blancheur l'éclat des autres Couleurs, soit entierement couvert, pour faire paroistre agreablement tout l'Ouvrage.

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Lastly, that A.F. [n.d.r. : Aqua Forti ] gives a tenderness to Landskips, Trees and Buildings superiour to that of the Burine (though that exceed infinitely in Figures) may be seen in that of Israels view of the Louvre before recited, and in some other works where there is an industrious and studied mixture ; as in that second manner of Vosterman’s which did so much please Rubens and Vandycke, even in the Portraicts which that excellent Graver published after those great mens paintings.

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[....] La Place estoit ornée tout au tour de Statuës, que les Cabalistes avoient fait ériger à leurs Princes, entre lesquelles celle de Michelange occupoit le premier lieu, accompagné de celles du Titien, du Georgion, de Paul Veronese, du Tintoret, des Bassans, du Correge, du Guide, de Rubens, Vandick, Zuccaro, Lanfranc, Joseph Pin, Maistre Rousse, Saint Martin, Ribera, Pietre Teste, Freminet, Tempeste, Blœmaret, P. ….. V ….. B. …. V. … &c toutes posées sur leurs piedestaux, avec chacune une Inscription à leur loüange.
On ne voyait là ny les Apelles, ny les Timanthes, ny les Raphaëls, ny les Poussins, ny les Leonards de Vincy, ny les Jules Romains, ny les autres de ce merite, dont on ne se doit pas étonner, veu qu’ayans tous esté les Antagonistes de ces faux Peintres, les Cabalistes n’avoient garde de leur donner place parmi ceux dont ils ont méprisé les ouvrages & les maximes.

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[...] il [ndr : Rubens] a bien crû que la Peinture estant un Art, & non pas un pur effet du caprice, elle avoit des principes infaillibles dont il tireroit bien-tôt la quintessence par l'ordre qu'il sçavoit donner à ses estudes.

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En effet, repartit Damon, ce qui me surprend davantage & que je n'ay jamais veu dans les ouvrages d'aucun Peintre, est la diversité de manière que l'on remarque aux Tableaux qui sont en ce cabinet car il semble qu'apres en avoir fait un dans un goust, il [ndr : Rubens] ait changé de génie & pris un autre esprit, pour en faire un autre dans un autre goust. C'est que les autres Peintres, die Philarque, travaillent beaucoup plus de la main que de l'esprit, & que le caractère de l'esprit n'est pas si sensible ny si facile à reconnoitre que celuy de la main. Or comme Rubens n'avoit presque point de faço[n] particulière de manier le pinceau, ny d'habitude d'employer toujours les mesmes teintes & les mesmes couleurs, &qu'il entroit tout entier dans les sujets qu'il avoit à traiter, il se transformoit en autant de caracteres & se faisoit à un nouveau sujet un nouvel homme ; Ainsi ne vous estonnez pas de la diversité qui paroist dans les tableaux que vous voyez.

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382. [Que vos Couleurs soient vives, sans pourtant donner, comme on dit, dans la farine.] Donner dans la farine c’est une façon de parler parmy les Peintres, qui exprime parfaitement ce qu’elle veut dire, qui n’est autre chose que de peindre avec Couleurs claires & fades tout ensemble, lesquelles ne donnent non plus de vie aux Figures, que si effectivement elles estoient frottées de farine. Ceux qui font leurs Carnations fort blanches & leurs Ombres grises ou verdastres, tombent dans cette inconvenient. Les Couleurs rousses dans les Ombres des chairs les plus delicates, contribuent merveilleusement à les rendre vives, brillantes & naturelles : mais il en faut user avec la mesme prudence dont le Titien, Paul Ver. Rubens & Vandeik se sont servis.
Pour conserver les Couleurs fraisches, il faut peindre en mettant toûjours des Couleurs, & non pas en frottant apres les avoir couchées sur la toile ; & s’il se pouvoit mesme faire qu’on les mist justement dans leurs places, & que l’on n’y touchast point quand on les y a une fois placées, il seroit encore mieux ; parce que la fraischeur des Couleurs se ternit & se perd à force de les tourmenter en peignant.
Tous ceux qui ont bien colorié, avoient encore une autre Maxime pour maintenir les Couleurs fraisches, vives & fleuries ; c'estoit de se servir de Fonds blancs, sur lesquels ils peignoient, & souvent mesme au premier coup, sans rien retoucher, & sans y employer de nouvelles Couleurs. Rubens s'en servoit toûjours ; & j'ay veu des Tableaux de la main de ce grand Homme faits au premier coup, qui avoient une vivacité merveilleuse. La raison que ces excellens Coloristes avoient de se servir de ces sortes de Fonds, est que le Blanc conserve toûjours un éclat sous le transparant des Couleurs, lesquelles empeschent que l'air n'altere la blancheur du Fonds, de méme que cette blancheur repare le dommage qu'elles reçoivent de l'air ; de maniere que le Fonds & les Couleurs se prestent un mutuel secours, & se conservent l'un l'autre. C'est par cette raison que les Couleurs glacées ont une vivacité qui ne peut jamais estre imitée par les Couleurs les plus vives & les plus brillantes, dont à la maniere ordinaire & commune on couche simplement les differentes teintes, chacune dans leur place les unes apres les autres : tant il est vray que le Blanc avec les autres Couleurs fieres, dont on peint d'abord ce que l'on veut glacer, en sont comme la vie & l'éclat. Les Anciens ont asseurement trouvé que les Fonds blancs estoient beaucoup meilleurs que les autres : puisque nonobstant l'incommodité que leurs yeux recevoient de cette Couleur, ils ne laissoient pas de s'en servir, […] Je ne sçay d'où vient que l'on ne s'en sert pas aujourd'huy, si ce n'est qu'il y a peu de Peintres curieux de bien colorier, ou que l'ébauche commencée sur le Blanc ne se montre pas assez viste, & qu'il faut avoir une patience plus que Françoise, pour attendre qu'elle soit achevée, & que le Fond qui ternit par sa Blancheur l'éclat des autres Couleurs, soit entierement couvert, pour faire paroistre agreablement tout l'Ouvrage.

Quotation

CARTON. On appelle cartons certains desseins de tapisseries, que les Peintres sont pour servir de modéles aux ouvriers. On dit : les tapisseries de Flandres, des Gobelins, sont faites sur les cartons de Rubens, de Jule Romain. Le Brun en a fait les cartons. Les cartons sont de Raphaël. Dans cette acception, il ne se dit jamais qu’au pluriel. Le Dictionnaire de l’Academie, à oublié ce mot pris dans l’acception dont je viens de parler. 
On appelle encore
cartons, certaines esquisses en grand, tracées sur du carton, d’après lesquelles les Peintres peignent à fraisque.

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S'estant donc proposé la Nature comme l'objet de ses [ndr : Rubens] études & de ses reflexions, il a observé exactement & avec un jugement admirable le véritable caractère des choses, ce qui les distingue les unes des autres, & qui les fait paroistre ce qu'elles sont à nos yeux : Et il a poussé cette connoissance si loin, qu'avec une hardie, mais sage & sçavante exagération de ce caractere, il a rendu la Peinture plus vivante & plus naturelle, pour ainsi dire, que le Naturel mesme. C'est dans la veuë de cet heureux succès qu'il ne s'est pas mis si fort en peine de se remplir l'idée des contours Antiques, dont la pluspart estant imitez avec trop d'affectation, portent avec eux une idée de pierre qu'ils communiquent infailliblement aux Ouvrages de ceux qui s'y sont trop attachez, au lieu que les contours de Rubens donnent au nud un véritable caractère de chair, telle qu'il l'a voulu representer selon les âges, les sexes & les conditions. Car on voit cette diversité dans les sujets qui la demandent ; [...].

Quotation

Le Clair-obscur regarde les objets particuliers, les Groupes de & le Tout-ensemble. Rubens avoit pour maxime dans les objets particuliers exposez sous une lumiere ordinaire, d'éclairer d'autant plus les endroits relevez, qu'ils avoient de saillie, & la pluspart des figures qui sont en ces Tableaux ne font le bel effet que vous voyez, que parce que le Peintre les a traitez dans ce principe.

Quotation

neanmoins ce qui pourroit faire croire que cette intelligence [ndr du clair-obscur] dépendroit du Dessein, c'est qu'on appelle Dessein un ouvrage de blanc-&-noir, où les lumières & les ombres sont observées : & j'en ay vû plusieurs de la main de Rubens de cette manière qui faisoient un effet merveilleux, & qu'on ne nommoit point autrement.
C’est aussi de cette maniere qu’ils doivent être nommez, dit Pamphile ; puisque c’est l’usage, & que nous n’avons pas d’autres termes pour nous expliquer. Mais le nom de Dessein qu’on leur donne n’est pas celuy qui convient à l’une des parties de la Peinture. […] Ainsi lors qu’on ajoûte aux contours les lumieres & les ombres, on ne le peut faire sans le blanc & le noir, qui sont deux des principales Couleurs dont le Peintre a coûtume de se servir, & dont l’intelligence est comprise sous celle de toutes les Couleurs, laquelle n’est autre chose que le Coloris.

Quotation

282. [Que vous fassiez paroistre les Corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, &c.] C’est à dire proprement, qu’apres de grands Clairs il faut de grandes Ombres, qu’on appelle des Repos ; parce que effectivement la veuë seroit fatiguée, si elle estoit attirée par une continuité d’objets petillans. Les Clairs peuvent servir de repos aux Bruns, comme les Bruns en servent aux Clairs. […]
Ces Repos se font de deux manieres, dont l’une est Naturelle, & l’autre Artificielle : La Naturelle se fait par une étenduë de Clairs ou d’Ombres, qui suivent naturellement & necessairement les Corps solides, ou les Masses de plusieurs Figures agrouppées lors que le jour vient à frapper dessus : Et l’Artificielle consiste dans les Corps des Couleurs que le Peintre donne à de certaines choses telles qu’il luy plaist, & les compose de telle sorte, qu’elles ne fassent point de tort aux Objets qui sont auprés d’elles. Une Draperie par exemple que l’on aura fait jaune ou rouge en certain endroit, pourra estre dans un autre de Couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l’effet que l’on demande. L’on doit prendre occasion autant qu’il est possible de se servir de la premiere Maniere, & de trouver les Repos dont nous parlons par le Clair ou par l’Ombre, qui accompagnent naturellement les Corps solides […] 
Ainsi le Peintre qui a de l'intelligence prendra ses avantages de l'une & de l'autre Maniere ; & s'il fait un Dessein qui doive estre gravé, il se souviendra que les Graveurs ne disposent pas des Couleurs, comme font les Peintres, & que par consequent il doit prendre occasion de trouver les Repos de son Dessein dans les Ombres naturelles des Figures, qu'il aura disposées à cet effet. Rubens en donne une parfaite connoissance dans les Estampes qu'il a fait graver ; & je ne croy pas que l'on puisse rien voir de plus beau en ce genre : Toute l'intelligence des Grouppes, du Clair-Obscur & de ces Masses que le Titien appelloit
la Grappe de Raisin, y est si nettement exposée, que la veüe de ces Estampes & l'attention que l'on y apporterait contribueraient beaucoup à faire un Habile-homme. […]
Ce n'est pas que les Graveurs ne puissent & ne doivent imiter les Corps des Couleurs par les degrez du Clair-Obscur, autant qu'ils jugeront que cela doit produire un bel effet ; au contraire il est à mon avis, impossible de donner beaucoup de force à tout ce que l'on gravera d'après les Ouvrages de l'Ecole de Venise, & de tous ceux qui ont eu l'intelligence des Couleurs & du Contraste du Clair-Obscur, sans imiter en quelque façon la Couleur des Objets selon le rapport qu'elle a aux degrez du Blanc & du Noir. […]

Quotation

DEwyl een stuk, dat suyver en schoon gekoloreerd is, onvermydelijk alle menssen moet behaagen, zo wel kenners der konst als onkundige, en die het tegendeel zyn, aan iders ooge walgen; [...]
Gelyk het helder licht de oorzaak is, waar door al de koleurige voorwerpen, zich suiver en schoon voor onze oogen opdoen; zo is ook onwederspreekelyk, dat hoe meêr het zelve door duisterheid besmet en verbrooken zy, hoe gezegde voorwerpen zich ook duysterder en minder schoon zullen vertoonen.
Veele doorluchtige meesters, hebben zich jammerlyk hier in vergreepen; onder de Brabanders,
Rubbens; in Holland, Rembrant, Lievens en veele anderen, die hun trant hebben nagevolgd: de eene willende het leeven al te schoon hebben, is tot een raauwe bontigheid, een ander om de murwheid te bekomen, tot de ryp en rottigheid vervallen; […]

Quotation

[…] ceux qui veulent devenir habiles dans le coloris, ne sauroient mieux faire que de regarder les Tableaux de ces deux grands Maîtres [ndr : de Titien & de Rubens], comme autant de livres publics capables de les instruire.

Quotation

[…] & Rubens est, ce me semble, celui de tous les Peintres qui a rendu le chemin qui conduit au coloris plus facile & plus debarassé.

Quotation

Et lequel de ces deux Peintres aimeriez-vous mieux estre, continuay-je, de Raphaël ou du Titien ?
Vous m’embarassez fort, repondit Pamphile ; attendez que j’y pense un peu.
Je ne croyois pas, repris-je, que vous dûssiez balancer de cette sorte, aprés ce que je viens de vous entendre dire.
J'aimerois mieux estre Raphaël, continua Pamphile, & j'estime que le Titien est un plus grand Peintre.
Je vous entends bien, luy dis-je, c'est à-dire que Raphaël avec la correction de son Dessein, avoit plusieurs autres talens, & que tout cela ensemble vous plaist davantage que le Coloris du Titien.
Je vous avoüe, dit Pamphile, que je suis encore assez irresolu : neantmoins la correction du Dessein de Raphaël, l’élegance de ses contours, sa manière de drapper, ses expressions si touchantes, la facilité de son genie, ses compositions nobles, riches & abondantes, la grandeur, la simplicité & la vray-semblance de ses attitudes ; enfin, les graces qu'il répandoit dans tous ses ouvrages, me l’ont fait preferer au Titien.
Quoy au Titien, s'écria Damon, le plus grand Peintre, selon vous, qui ait jamais esté & qui sera peut-estre jamais.
Je vous l'avoüe, dit Pamphile, mais Raphaël, avec tous les avantages que je viens de vous dire, avoit encore celuy, d’estre entré sur la fin de sa vie dans l’inteligence des Lumieres & des Ombres, & d’avoir déja fait un si grand progrés dans le Coloris, & qu'il auroit bientost possedé cette partie dans sa derniere perfection. Ainsi je me persuade, si j'estois Raphaël, que dans peu de temps je serois encore le Titien.

Quotation

Timanthe est prisé d’avoir tousjours donné davantage à comprendre dans ses ouvrages, que son pinceau ne representoit, et fait en sorte que son esprit y paroissoit plus grand que l’industrie de sa main, bien qu’il l’eust tres-exquise. Ainsi pour faire concevoir la grandeur de son Cyclope dormant, & fait en petit volume, il mit des Satyres auprés de luy qui mesuroient son poulce avec une perche. Certes nous luy pouvons comparer pour ce regard le sçavant Rubens que nous venons de perdre, qui a tousjours joint l’invention à l’excellence de son art, & ce qu’il tenoit d’une profonde lecture à la beauté de son colorit. Les Galeries du Palais d’Orleans le tesmoigneront autant qu’elles dureront, avec le reste de ses pieces, ubi intelligitur plus semper quam pingitur ; et cum ars summa sit, ingenium tament ultra artem est Plin. ib.

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Of EXPRESSION
Whatever the general Character of the Story is, the Picture must discover it throughout, whether it be Joyous, Melancholy, Grave, Terrible, &c. The Nativity, Resurrection, and Ascension ought to have the General Colouring, the Ornaments, Background, and every thing in them Riant, and Joyous, and the contrary in a Crucifixion, Interment, or a Pietà. [The Blessed Virgin with the dead Christ].
But a Distinction must be made between Grave, and Melancholy, as in a Holy Family (of
Rafaëlle’s Design at least) which I have, and has been mention’d already ; the Colouring is Brown, and Solemn, but yet all together the Picture has not a Dismal Air, but quite otherwise. […] There are certain Sentiments of Awe, and Devotion which ought to be rais’d by the first Sight of Pictures of that Subject, which that Solemn Colouring contributes very much to, but not the more Bright, though upon other Occasions preferable.
I have seen a fine Instance of a Colouring proper for Melancholy Subjects in a Pietà of Van-Dyck : That alone would make one not only Grave, but sad at first Sight ; And a Colour’d Drawing that I have of the Fall of Phaëton after Giulio Romano, shews how much This contributes to the Expression. ‘Tis different from any Colouring that ever I saw, and admirably adapted to the Subject, there is a Reddish Purple Tinct spread throughout, as if the World was all invelopp’d in Smould’ring Fire.

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The Best that can be done is to Advise one that would know the Beauty of Colouring, To observe Nature, and how the best Colourists have imitated her.
What a Lightness, Thinness, and Transparency ; What a Warmth, Cleanness, and Delicacy is to be seen in Life, and in good Pictures !
He that would be a good Colourist himself must moreover Practice much after, and for a considerable time accustom himself to See well-colour’d Pictures only : But even This will be in vain, unless he has a Good Eye in the Sense, as one is said to have a Good Ear for Musick ; he must not only See well, but have a particular Delicacy with relation to the Beauty of Colours, and the infinite Variety of Tincts.

The
Venetian, Lombard and Flemish Schools have excell’d in Colouring ; the Florentine, and Roman in Design ; the Bolognese Masters in both ; but not to the Degree generally as either of the other. Corregio, Titian, Paolo Veronese, Rubens, and Van Dyck, have been admirable Colourists ; the latter in his best things has follow’d common Nature extreamly close.

Quotation

The Best that can be done is to Advise one that would know the Beauty of Colouring, To observe Nature, and how the best Colourists have imitated her.
What a Lightness, Thinness, and Transparency ; What a Warmth, Cleanness, and Delicacy is to be seen in Life, and in good Pictures !
He that would be a good Colourist himself must moreover Practice much after, and for a considerable time accustom himself to See well-colour’d Pictures only : But even This will be in vain, unless he has a Good Eye in the Sense, as one is said to have a Good Ear for Musick ; he must not only See well, but have a particular Delicacy with relation to the Beauty of Colours, and the infinite Variety of Tincts.

The
Venetian, Lombard and Flemish Schools have excell’d in Colouring ; the Florentine, and Roman in Design ; the Bolognese Masters in both ; but not to the Degree generally as either of the other. Corregio, Titian, Paolo Veronese, Rubens, and Van Dyck, have been admirable Colourists ; the latter in his best things has follow’d common Nature extreamly close.

Quotation

The Composition is unexceptionable [ndr : dans Poussin, Tancrède et Herminie] : There are innumerable Instances of Beautiful Contrasts ; Of this kind are the several Characters of the Persons, (all which are Excellent in their several kinds) and the several Habits : Tancred is half Naked : Erminia’s Sex distinguishes Her from all the rest ; as Vafrino’s Armour, and Helmet shews Him to be Inferiour to Tancred, (His lying by him) and Argante’s Armour differs from both of them. The various positions of the Limbs in all the Figures are also finely Contrasted, and altogether have a lovely effect ; Nor did I ever see a greater Harmony, nor more Art to produce it in any Picture of what Master soever, whether as to the Easy Gradation from the Principal, to the Subordinate Parts, the Connection of one with another, by the degrees of the Lights, and Shadows, and the Tincts of the Colours.
And These too are Good throughout ; They are not Glaring, as the Subject, and the Time of the Story (which was after Sun-set) requires : Nor is the Colouring like that of
Titian, Corregio, Rubens, or those fine Colourists, But ‘tis Warm, and Mellow, ‘tis Agreeable, and of a Taste which none but a Great Man could fall into : And without considering it as a Story, or the Imitation of any thing in Nature the Tout-ensemble of the Colours is a Beautiful, and Delightful Object.

Quotation

Une telle composition [ndr. : allégorique] est la représentation d'une action qui n'arriva jamais, & que le Peintre invente à plaisir, pour représenter un ou plusieurs évenements merveilleurx qu'il ne veut point traiter, en s'assujettissant à la vérité historique. Les Peintres font servir encore ces compositions à peu près au même usage que les Egyptions emploïent leurs figures Hierogliphiques, c'est-à-dire, pour mettre sensiblement sous nos yeux quelque vérité générale de la Morale. 
Les compositions allégoriques sont de deux espèces ; les unes sont purement allégoriques, parce qu'il n'entre dans leur composition que de ces personnages symboliques éclos du cerveau des Peintres & des Poëtes. […] Les compositions allégoriques de la seconde espèce, sont celles où le Peintre mêle des personnages historiques avec les personnages allégoriques […]
Il est rare que les Peintres réussissent dans les compositions purement allégoriques, parce qu'il est presque impossible que dans les compositions de ce genre, ils puissent faire connoître distinctement leur sujet, & mettre toutes leurs idées à portée des spectateurs les plus intelligens. Encore moins peuvent-ils toucher le cœur peu disposé à s'attendrir pour des personnages chimeriques, en quelque situation qu'on les représente. La composition purement allégorique ne devroit donc être mise en œuvre que dans une nécessité urgente, & pour tirer le Peintre d'un embarras dont il ne pourrait sortir par la route ordinaire. Il ne sçauroit entrer dans cette composition qu'un petit nombre de figures, & les figures ne sçauroient être trop facile à reconnoître. Si on le l'entend pas aisément, on la laisse comme un vilain galimatias en peinture aussi bien qu'en poésie.

Quotation

Les compositions allégoriques que nous avons nommées des compositions mixtes, sont d'un plus grand usage que les compositions purement allégoriques. Quoique leur action soit feinte, ainsi que celle des compositions purement allégoriques, néanmoins comme une partie de leurs personnages se trouvent être des personnages historiques, on peut mettre le sens de ces fictions à la portée de tout le monde, & les rendre ainsi capables de nous instruire, de nous attacher & même  de nous intéresser. 
Les Peintres tirent de grands secours de ces compositions allégoriques de la seconde espèce, ou pour exprimer beaucoup de choses qu'ils ne pourroient pas faire entendre dans une composition historique, ou pour représenter en un seul tableau plusieurs actions dont il semble que chacun demandât une toile séparée. La galerie du Luxembourg & celle de Versailles en font foi. Rubens & Le Brun ont trouvé moïen d'y représenter par le moïen de ces fictions mixtes, des choses qu'on ne concevoit pas pouvoir être renduës avec des couleurs. Il y font voir en un seul tableau des évenements qu'un Historien ne pourroit narrer qu'en plusieurs pages. […]

Quotation

The Masters to be studied for Composition are Rafaëlle, Rubens and Rembrandt most especially, tho’ many others are worthy notice, and to be carefully consider’d ; amongst which V. Velde ought not to be forgottten, who tho’ his Subjects were Ships, which consisting of so many little parts, are very difficult to fling into great Masses, has done it, by the help of spread Sails, Smoak, and the Bodies of the Vessels, and a judicious Management of Lights and Shadows. So that His Compositions are many times as good as those of any Master.

Quotation

J'ajouterai encore une consideration touchant les ouvrages qui ne demandent pas beaucoup d'invention, c'est que les faussaires en peinture les contrefont bien plus aisément qu'ils ne peuvent contrefaire les ouvrages où toute l'imagination de l'Artisan a eu lieu de se déploïer. Les faiseurs de Pastiches, ce sont ces tableaux peints dans la maniere d'un grand Artisan, & qu'on expose sous son nom, bien qu'il ne les ait jamais vus ; les faiseurs de Pastiches, dis-je, ne sçauroient contrefaire l'ordonnance, ni le coloris, ni l'expression des grands Maîtres. On imite la main d'un autre, mais on n'imite pas de même, pour parler ainsi, son esprit, & l'on n'apprend point à penser comme un autre, ainsi qu'on peut apprendre à prononcer comme lui.
Le Peintre médiocre qui voudroit contrefaire une grande composition du Dominiquin ou de Rubens, ne sçauroit nous en imposer plus que celui qui voudroit faire un Pastiche sous le nom du Georgeon ou du Titien. Il faudroit avoir un génie presque égal à celui du Peintre qu'on veut contrefaire, pour réussir à faire prendre notre ouvrage pour être de ce Peintre. On ne sçauroit donc contrefaire le génie des grands hommes, mais on réussit quelquefois à contrefaire leur main, c'est-à-dire, leur maniere de coucher la couleur & de tirer les traits, les airs de tête qu'ils répetoient & ce qui pouvoit être de vicieux dans leur pratique. Il est plus facile d'imiter les défauts des hommes que leurs perfections. Par exemple, on reproche au Guide d'avoir fait ses têtes trop plates. Ses têtes manquent souvent de rondeur, parce que leurs parties ne se détachent point & ne s'élevent pas assez l'une sur l'autre. Il suffit donc, pour lui ressembler en cela, de se négliger & de ne point se donner la peine de pratiquer ce que l'art enseigne à faire pour donner de la rondeur à ses têtes [...].

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Voici l’article le plus essentiel de la connoissance des tableaux ; c’est la distinction des copies d’avec les originaux. On peut envisager six sortes de copies : les copies serviles, les copies faciles qui ne sont pas fidèles, les copies fidèles, les copies un peu retouchées du maître, les copies entierement retouchées du maître, & celles qui sont toutes de sa main.
Les copies faites servilement & d’une main lourde & appésantie, quoique fidèles, paroissent telles aux yeux de tout le monde : il n’est pas difficile de se garantir contre leur incorrection, leur mauvais goût, & le froid qui y est répandu.
Les copies faciles, mais qui ne sont pas suivies fidèlement, par les traits de feu qui seront échappés au peintre, qui souvent dans l’exécution a conservé sa manière ordinaire, portent avec elles des preuves manifestes de leur fausseté ; les deux manieres ne se peuvent méconnoître, elles forment un ouvrage composé, c’est ce qu’on remarque dans les copies de Raphaël faites par Rubens.
Les copies fidéles qui partent d’une main facile & légére sont plus embarrassantes, & demandent une vraie connoissance. L’élégance de la touche d’un maître, sa vraie manière qu’il faut sçavoir par cœur, un certain esprit qui peut y manquer, doit vous conduire à décider ; celui qui a fait la copie y a sûrement mis du sien & cela suffit.
Les copies faites dans l’école d’un maître, & sous sa conduite ne sont pas les plus mauvaises. Ordinairement ils les retouchent en quelques endroits essentiels. Alors ces mêmes endroits font reconnoître le tableau pour ce qu’il est. Ce sont les copies les plus aisées à distinguer, elles se manifestent pas des touches élégantes qui brillent à travers le reste du tableau, & qui par la comparaison en devient plus froid.
Les copies entierement retouchées par le maître doivent être regardées comme de seconds originaux, moins beaux à la vérité que s’ils étoient entierement de sa main ; c’est ainsi que travailloient le Titien, les Bassan, Paul Veronese, Rubens, Vandick, Vouët & la plûpart des grands peintres. Lorsque plusieurs personnes leur demandent des copies d’un de leurs tableaux qui leur plaît, ils les font faire par leurs meilleurs éléves, ils les conduisent dans l’exécution, & comme ces copies sont faites dans leur attelier, ils les repassent par tout & souvent les repeignent entierement ; de cette manière l’ouvrage de l’éléve est tout recouvert, & comme on n’en apperçoit aucun vestige, il n’est pas aisé de décider la question. Ces copies alors ne servent au maître que comme des tableaux ébauchés qu’il veut terminer. Si l’on pouvoit confronter ces belles copies avec les premiers originaux, il n’y a aucun doute que ces derniers ne l’emportassent sur les autres.

Il y a encore des copies plus parfaites que ces dernieres, ce sont celles qui sont entierement faites de la main du maître, alors il n’est pas possible de les distinguer, le maître seul peut en décider s’il est vivant, ce sont de seconds originaux dont ne peut juger que par comparaison.
Il est certain que dans une confrontation, les premiers originaux se distingueront par beaucoup plus de délicatesse, plus d’esprit, plus de finesse, une touche plus franche dans les contours & dans la premiere ébauche dont on entrevoit toujours quelque chose, en un mot un certain je ne sçai quoi qu’on apperçoit & où le maître ne peut jamais revenir du second coup. Hyacinthe Rigaud, par exemple, a fait de nos jours tout de sa main de celles copies des grands portraits de Louis XIV & de Philippe V qui sans contredit sont de seconds originaux, mais moins précieux que les premiers.
Les copies faites d’après d’autres copies que l’on nomme ici copies de copies, ne doivent trouver ici aucune place : on sent bien de quelle valeur peut être un ouvrage fait d’après un médiocre, ouvrage dont tout le mérite consiste à avoir bien imité les défauts d’un autre, & à les reproduire.
On ne doit point oublier ici les sujets répétés qui ne sont point des copies, & qui ne laissent pas d’être originaux. Souvent on demande à un maître qu’il recommence le même sujet sans y rien changer ; alors ce second tableau est original & pourra fort embarrasser le meilleur connoisseur. Il y a trois crucifix de Michel-Ange qui existent, l’un à Florence chez le Grand Duc, l’autre à Rome chez le Prince Borghese, & le troisiéme à Naples chez le Prieur des Chartreux. Comment juger de ces trois tableaux éloignés chacun de cinquante lieuës, comment les pouvoir comparer ?

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There are some Pictures, and Drawings which are neither Coppies, nor Originals, as being partly One, and partly t’other. If in a History, or large Composition, or even a Single Figure, a Face, or more is incerted, Coppied from what has been done from the Life, such Picture is not intirely Original. Neither is that So, nor Intirely Coppy where the Whole Thought is taken, but the Manner of the Coppier used as to the Colouring, and Handling. A Coppy Retouch’d in Some places by Invention, or the Life is of this Æquivocal kind. I have several Drawings first coppied after Old Masters (Guilio Romano for example,) and then Heightned, and endeavour’d to be improved by Rubens ; So far as His hand has gone is therefore Original, the rest remains pure Coppy. But when he has thus wrought upon Original Drawings (of which I have also many Instances,) the Drawing looses not its first Denomination, ‘tis an Original still, made by two several Masters.
The Ideas of Better, and Worse are generally attached to the Terms Original, and Coppy ; and that with good reason ; not only because Coppies are usually made by Inferiour Hands ; but because tho’ he that makees the Coppy is as Good, or even a Better Master than he that made the Original whatever may happen Rarely, and by Accident, Ordinarily the Coppy will fall short : Our Hands cannot reach what our Minds have conceiv’d ; ‘tis God alone whose works answer to his Ideas. In making an Original our Ideas are taken from Nature ; which the Works of Art cannot equal : When we Coppy ‘tis these Defective Works of Art we take our Ideas from ; Those are the utmost we endeavour to arrive at ; and these lower Ideas too our Hands fail of executing perfectly : An Original is the Eccho of the Voice of Nature, a Coppy is the Eccho of that Eccho.

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Ainsi l'on doit pour la beauté de l'Ouvrage & pour la satisfaction des yeux augmenter, ou diminüer non seulement au dessin & à la couleur des Corps que l'on imite, mais encore à la lumière qui les éclaire en la plaçant avantageusement de la manière que je viens de dire, & comme l'a placée Rubens, qui est sans contredit celuy de tous les Peintres qui l'a mieux entendüe.

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The next thing to be considered in an Historical Piece, is the Truth of the Drawings, and the Correction of the Design, as Painters call it ; that is, whether they have chosen to imitate Nature in her most Beautiful Part ; for though a Painter be the Copist of Nature, Yet he must not take her promiscuously, as he finds her, but have an Idea of all that is Fine and Beautiful in an Object, and choose to Represent that, as the Antients have done so admirably in their Paintings and Statues : And ’tis in this part that most of the Flemish Painters, even Rubens himself, have miscarryed, by making an ill Choice of Nature ; either because the Beautiful Natural is not the Product of their Countrey, or because they have not seen the Antique, which is the Correction of Nature by Art ; for we may truly say that the Antique is but the best of Nature ; and therefore all that resembles the Antique, will carry that Character along with it.
                       
Friend,
            I remember, you reckoned it to me among the Faults of some Painters, that they had studied too long upon the Statues of the Antients ; and that they had indeed thereby acquired the Correction of Design you speak of ; but they had by the same means lost that Vivacity and Life which is in Nature, and which is the true Grace of Painting.

Quotation

Le Clair-obscur regarde les objets particuliers, les Groupes de & le Tout-ensemble. Rubens avoit pour maxime dans les objets particuliers exposez sous une lumiere ordinaire, d'éclairer d'autant plus les endroits relevez, qu'ils avoient de saillie, & la pluspart des figures qui sont en ces Tableaux ne font le bel effet que vous voyez, que parce que le Peintre les a traitez dans ce principe.

Quotation

Ainsi pour loüer les tableaux, qui n'estant que peu travaillez font parfaitement leur effet dans leur distance; ce n'est pas à dire qu'on doive blasmer les Peintres qui ont fini de grands tableaux, comme s'ils devoient estre veus de prés, on peut ignorer les raisons qu'ils ont euës d'en user de la sorte : Pourveu que le Peintre ait la discretion de ne point salir les couleurs à force de les méler ensemble, ou pour parler comme parlent les Peintres, de les tourmenter, & que le Tableau conserve de loin beaucoup de force & de fraischeur, on ne doit luy rien reprocher. La seconde raison est, que pour bien finir il faut lier plusieurs teintes de couleurs différentes, en les peignant & les mêlant ensemble, & que ce mélange diminuë beaucoup de la vivacité & de l'éclat des couleurs, principalement quand le tableau est un peu éloigné, en sorte que ce qui semble de prés estre frais & terminé, se ternit dans une distance raisonnable. La démonstration en est facile à faire. Prenez les couleurs les plus belles, comme un beau rouge, un beau jaune, un beau bleu, un beau verd, & les mettez separément les unes auprès des autres, il est certain qu'elles conserveront leur éclat & leur force en particulier & toutes ensemble : que si vous les mélez vous n'en ferez qu'une couleur de terre. C'est ce qui a fait que Rubens s'est dispensé autant qu'il a pu de noyer ses couleurs, & comme on dit ordinairement, de les tourmenter, se contentant de les mettre en leur place & de ne les méler qu'à proportion de la distance du Tableau, car c'est d'elle de qui il attendoit en cela un fort grand service.

Quotation

Les Couleurs à huile ont cela pardessus les autres, que les Teintes s'en peuvent mêler facilement par le manîment du Pinceau : mais il est à craindre aussi qu'à force de les tourmenter on n'en fasse perdre la fraicheur surtout dans les Carnations, & qu'elles ne deviennent sales et terrestres. Pour obvier à cela, il y a deux choses à faire ; la première est de s'accoûtumer à peindre & à mêler ses Couleurs avec promptitude & légèreté de Pinceau, en sorte que, s'il y avoit moyen, l'on ne passât point deux fois sur le même endroit, & la seconde est, qu'après avoir ainsi meslé légèrement ses Couleurs ensemble on prenne le soin de retoucher par-dessus avec des Couleurs vierges & fraîches lesquelles conviennent aux endroits où on le met, & soient de même ton que celles qui auront été déjà peintes & mêlées par dessous. Pour apprendre à peindre de cette sorte je ne sais rien de meilleur que de copier d'après le Corrège & Van Dyck pour la légèreté de pinceau, & d'après Paul Veronese & Rubens pour les Teintes vierges.

Quotation

282. [Que vous fassiez paroistre les Corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, &c.] C’est à dire proprement, qu’apres de grands Clairs il faut de grandes Ombres, qu’on appelle des Repos ; parce que effectivement la veuë seroit fatiguée, si elle estoit attirée par une continuité d’objets petillans. Les Clairs peuvent servir de repos aux Bruns, comme les Bruns en servent aux Clairs. […]
Ces Repos se font de deux manieres, dont l’une est Naturelle, & l’autre Artificielle : La Naturelle se fait par une étenduë de Clairs ou d’Ombres, qui suivent naturellement & necessairement les Corps solides, ou les Masses de plusieurs Figures agrouppées lors que le jour vient à frapper dessus : Et l’Artificielle consiste dans les Corps des Couleurs que le Peintre donne à de certaines choses telles qu’il luy plaist, & les compose de telle sorte, qu’elles ne fassent point de tort aux Objets qui sont auprés d’elles. Une Draperie par exemple que l’on aura fait jaune ou rouge en certain endroit, pourra estre dans un autre de Couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l’effet que l’on demande. L’on doit prendre occasion autant qu’il est possible de se servir de la premiere Maniere, & de trouver les Repos dont nous parlons par le Clair ou par l’Ombre, qui accompagnent naturellement les Corps solides […] 
Ainsi le Peintre qui a de l'intelligence prendra ses avantages de l'une & de l'autre Maniere ; & s'il fait un Dessein qui doive estre gravé, il se souviendra que les Graveurs ne disposent pas des Couleurs, comme font les Peintres, & que par consequent il doit prendre occasion de trouver les Repos de son Dessein dans les Ombres naturelles des Figures, qu'il aura disposées à cet effet. Rubens en donne une parfaite connoissance dans les Estampes qu'il a fait graver ; & je ne croy pas que l'on puisse rien voir de plus beau en ce genre : Toute l'intelligence des Grouppes, du Clair-Obscur & de ces Masses que le Titien appelloit
la Grappe de Raisin, y est si nettement exposée, que la veüe de ces Estampes & l'attention que l'on y apporterait contribueraient beaucoup à faire un Habile-homme. […]
Ce n'est pas que les Graveurs ne puissent & ne doivent imiter les Corps des Couleurs par les degrez du Clair-Obscur, autant qu'ils jugeront que cela doit produire un bel effet ; au contraire il est à mon avis, impossible de donner beaucoup de force à tout ce que l'on gravera d'après les Ouvrages de l'Ecole de Venise, & de tous ceux qui ont eu l'intelligence des Couleurs & du Contraste du Clair-Obscur, sans imiter en quelque façon la Couleur des Objets selon le rapport qu'elle a aux degrez du Blanc & du Noir. […]

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382. [Que vos Couleurs soient vives, sans pourtant donner, comme on dit, dans la farine.] Donner dans la farine c’est une façon de parler parmy les Peintres, qui exprime parfaitement ce qu’elle veut dire, qui n’est autre chose que de peindre avec Couleurs claires & fades tout ensemble, lesquelles ne donnent non plus de vie aux Figures, que si effectivement elles estoient frottées de farine. Ceux qui font leurs Carnations fort blanches & leurs Ombres grises ou verdastres, tombent dans cette inconvenient. Les Couleurs rousses dans les Ombres des chairs les plus delicates, contribuent merveilleusement à les rendre vives, brillantes & naturelles : mais il en faut user avec la mesme prudence dont le Titien, Paul Ver. Rubens & Vandeik se sont servis.
Pour conserver les Couleurs fraisches, il faut peindre en mettant toûjours des Couleurs, & non pas en frottant apres les avoir couchées sur la toile ; & s’il se pouvoit mesme faire qu’on les mist justement dans leurs places, & que l’on n’y touchast point quand on les y a une fois placées, il seroit encore mieux ; parce que la fraischeur des Couleurs se ternit & se perd à force de les tourmenter en peignant.
Tous ceux qui ont bien colorié, avoient encore une autre Maxime pour maintenir les Couleurs fraisches, vives & fleuries ; c'estoit de se servir de Fonds blancs, sur lesquels ils peignoient, & souvent mesme au premier coup, sans rien retoucher, & sans y employer de nouvelles Couleurs. Rubens s'en servoit toûjours ; & j'ay veu des Tableaux de la main de ce grand Homme faits au premier coup, qui avoient une vivacité merveilleuse. La raison que ces excellens Coloristes avoient de se servir de ces sortes de Fonds, est que le Blanc conserve toûjours un éclat sous le transparant des Couleurs, lesquelles empeschent que l'air n'altere la blancheur du Fonds, de méme que cette blancheur repare le dommage qu'elles reçoivent de l'air ; de maniere que le Fonds & les Couleurs se prestent un mutuel secours, & se conservent l'un l'autre. C'est par cette raison que les Couleurs glacées ont une vivacité qui ne peut jamais estre imitée par les Couleurs les plus vives & les plus brillantes, dont à la maniere ordinaire & commune on couche simplement les differentes teintes, chacune dans leur place les unes apres les autres : tant il est vray que le Blanc avec les autres Couleurs fieres, dont on peint d'abord ce que l'on veut glacer, en sont comme la vie & l'éclat. Les Anciens ont asseurement trouvé que les Fonds blancs estoient beaucoup meilleurs que les autres : puisque nonobstant l'incommodité que leurs yeux recevoient de cette Couleur, ils ne laissoient pas de s'en servir, […] Je ne sçay d'où vient que l'on ne s'en sert pas aujourd'huy, si ce n'est qu'il y a peu de Peintres curieux de bien colorier, ou que l'ébauche commencée sur le Blanc ne se montre pas assez viste, & qu'il faut avoir une patience plus que Françoise, pour attendre qu'elle soit achevée, & que le Fond qui ternit par sa Blancheur l'éclat des autres Couleurs, soit entierement couvert, pour faire paroistre agreablement tout l'Ouvrage.

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Si l’on travaille d’après des desseins originaux, ils doivent plutôt être gravés avec de grands jours & de grandes ombres, d’autant que quelque [p. 116 169] finis qu’ils puissent être, il n’y a jamais tant de détail que dans des Tableaux peints, qui requierent aussi beaucoup plus de soin & de travail à cause des différentes couleurs.
L’on m’objectera peut-être qu’il est impossible d’imiter les couleurs, vû que l’on n’a que du blanc & du noir. Mais quand je parle de les imiter, je ne prétens [sic] pas faire une distinction du vert au bleu, du jaune au rouge, & ainsi des autres couleurs, mais seulement en imiter les masses comme ont fait avec succès Wostermans, Bolswert, & quelques autres lorsqu’ils ont gravé d’après Rubens.
Il est certain que les ouvrages où cette partie sera traitée par un Graveur sçavant & entendu seront bien plus agréables & feront un plus bel effet. Il faut donc, comme je viens de le dire, que le graveur soit intelligent & habile homme, parce qu’il se rencontre quelquefois des couleurs claires sur d’autres claires, qui ne font d’effet que par leur différence, & qui causent ce que nous appellons un corps percé, accident fort à éviter, parce qu’il ruine l’intelligence du clair-obscur. Il faut aussi prendre garde à ne pas exterminer les principales lumieres, en affectant par trop d’imiter les couleurs, surtout aux Figures de devant, car cela les empêcheroit d’avancer, & romproit entierement l’intention du Peintre.
Nous ne nous étendrons pas davantage sur cette partie de la Gravûre qui elle seule demanderoit un Traité entier, si l’on vouloit entrer dans le détail de toutes ses parties & rendre compte de toutes ses circonstances, mais ce que nous venons d’en dire peut suffire à un homme intelligent, & avec le secours des Estampes des grands Maîtres que nous avons cités dans cet ouvrage, un peu de pratique [p. 117 170] poura le conduire à une plus grande perfection.

Quotation

De toutes les parties de la Peinture, celle qui a le plus contribué à l'effet & au brillant de ses Ouvrages a este la disposition des objets : car les lumières & les couleurs ne serviroient pas de beaucoup si les corps nettoient placez & disposez pour les recevoir avantageusement & cette disposition ne se trouve pas seulement dans les objets particuliers, mais encore dans les groupes & dans le tout-ensemble de l'Ouvrage. II paroist visiblement que l'oeconomie que Rubens a gardée en cette partie, va à éviter la dissipation des yeux, & à les fixer agréablement par la liaison des corps & par l'opposition des masses. Cette liaison se fait de deux façons ; la première par manière de fond, & la seconde par manière de groupe.

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Or comme la veuë ne peut se porter sur quantité d'objets à la fois, Rubens a eu pour maxime de faire voir dans ses tableaux où il y a quantité de figures, trois groupes principaux qui dominent fur tout l'Ouvrage ; & comme un seul objet fatigue encore moins les yeux que trois, il a fait en sorte que les groupes des costez le cèdent à celuy du milieu qui estant de couleurs plus fortes & plus brillantes, attire l'oeil au centre de la composition comme si elle n'estoit qu'un seul &. unique objet. Cela se voit merveilleusement bien dans les Innocens, le ravissement des Sabines & les Païsages.

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Ainsi l'on doit pour la beauté de l'Ouvrage & pour la satisfaction des yeux augmenter, ou diminüer non seulement au dessin & à la couleur des Corps que l'on imite, mais encore à la lumière qui les éclaire en la plaçant avantageusement de la manière que je viens de dire, & comme l'a placée Rubens, qui est sans contredit celuy de tous les Peintres qui l'a mieux entendüe.

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[…] les Tableaux harmonieux sont en petit nombre : car depuis près de 300 ans que la Peinture est ressuscitée, à peine peut-on compter six Peintres qui ayent bien colorié ; au lieu que l’on en comptera pour le moins 30. qui ont été très-bons Dessinateurs. Et la raison de cela est que le Dessein a des regles fondées sur des proportions, sur l’Anatomie & sur une experience continuelle de la même chose ; au lieu que le coloris n’a point encore de regles bien connues, & que l’experience qu’on y fait étant presque toujours differente à cause des differens sujets que l’on traite, n’a pû encore en établir de bien precises. Ainsi je suis persuadé que le Titien a tiré plus de secours de sa longue & studieuse experience avec la grande solidité de son jugement, que d’aucune regle démonstrative qu’il eût établie dans son esprit, pour lui servir de fondement. Je ne dirai pas la même chose de Rubens ; celui-ci cédera toujours au Titien pour les couleurs locales : mais pour les principes de l’harmonie, il en avoit trouvé de solides qui le faisoient operer infailliblement pour l’effet & pour l’accord du Tout-ensemble.

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j’avoue que j’en passe sous silence qui regardent l’execution & la pratique [ndr : du coloris] : mais comme je n’ai appris ce que j’en pourrois communiquer qu’en examinant avec beaucoup de reflexion les ouvrages des grands Peintres, & sur-tout ceux de Titien & de Rubens ; & que sur-tout les Studieux de Peinture peuvent puiser à la même source ; je les renvoi à ces deux Peintres, à Rubens premierement, parce que les principes en sont plus sensibles & plus aisés à pénétrer ; puis à Titien qui semble avoir encore passé la lime par dessus, c’est-à-dire, en un mot que le Titien a fait sentir dans une distance legitime, plus de verité & de précision dans ses couleurs locales, ayant laissé à Rubens le talent des grandes compositions, & l’artifice de faire entendre de plus loin l’harmonie de son Tout-ensemble.

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329. [La Grappe de Raisin.] Il est assez évident que le Titien par cette comparaison aussi judicieuse que familiere, a pretendu dire que l’on doit ramasser les Objets & les disposer de telle sorte, qu’ils composent un Tout, dont plusieurs Parties contiguës puissent estre éclairées, plusieurs ombrées, & d’autres de Couleurs rompuës, pour estre dans les Tournans ; de mesme que dans une Grappe de Raisin, plusieurs grains qui en font les parties, se trouvent dans le jour, plusieurs dans l’ombre, & d’autres dans la demie teinte, pour estre dans les Parties fuyantes. Le Tintoret dit un jour à Rubens, qu’il avoit oüi dire au Titien, Que dans tous ses plus grands Ouvrages, la Grappe de Raisin estoit son meilleur guide & sa principale Regle.

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There are Instances where two Masses ; a Light, and a Dark one, divide the Picture, each possessing One Side. I have of This sort by Rubens, and as fine a Composition as can be seen ; the Masses are so well Rounded, the Principal Light being near the Middle of the Bright One, and the Other having Subordinate Lights upon it so as to Connect, but not to Confound it with the rest ; and they are in agreeable Shapes, and melting into One Another, but nevertheless sufficiently determined.
Very commonly a Picture consists of a Mass of Light, and another of Shadow upon a Ground of a Middle Tinct. And sometimes ‘tis composed of a Mass of Dark at the bottom, another Lighter above that, and another for the upper part still Lighter ; (as usually in a Landscape) Sometimes the Dark Mass employs one Side of the Picture also.

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J'ajouterai encore une consideration touchant les ouvrages qui ne demandent pas beaucoup d'invention, c'est que les faussaires en peinture les contrefont bien plus aisément qu'ils ne peuvent contrefaire les ouvrages où toute l'imagination de l'Artisan a eu lieu de se déploïer. Les faiseurs de Pastiches, ce sont ces tableaux peints dans la maniere d'un grand Artisan, & qu'on expose sous son nom, bien qu'il ne les ait jamais vus ; les faiseurs de Pastiches, dis-je, ne sçauroient contrefaire l'ordonnance, ni le coloris, ni l'expression des grands Maîtres. On imite la main d'un autre, mais on n'imite pas de même, pour parler ainsi, son esprit, & l'on n'apprend point à penser comme un autre, ainsi qu'on peut apprendre à prononcer comme lui.
Le Peintre médiocre qui voudroit contrefaire une grande composition du Dominiquin ou de Rubens, ne sçauroit nous en imposer plus que celui qui voudroit faire un Pastiche sous le nom du Georgeon ou du Titien. Il faudroit avoir un génie presque égal à celui du Peintre qu'on veut contrefaire, pour réussir à faire prendre notre ouvrage pour être de ce Peintre. On ne sçauroit donc contrefaire le génie des grands hommes, mais on réussit quelquefois à contrefaire leur main, c'est-à-dire, leur maniere de coucher la couleur & de tirer les traits, les airs de tête qu'ils répetoient & ce qui pouvoit être de vicieux dans leur pratique. Il est plus facile d'imiter les défauts des hommes que leurs perfections. Par exemple, on reproche au Guide d'avoir fait ses têtes trop plates. Ses têtes manquent souvent de rondeur, parce que leurs parties ne se détachent point & ne s'élevent pas assez l'une sur l'autre. Il suffit donc, pour lui ressembler en cela, de se négliger & de ne point se donner la peine de pratiquer ce que l'art enseigne à faire pour donner de la rondeur à ses têtes [...].

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329. [La Grappe de Raisin.] Il est assez évident que le Titien par cette comparaison aussi judicieuse que familiere, a pretendu dire que l’on doit ramasser les Objets & les disposer de telle sorte, qu’ils composent un Tout, dont plusieurs Parties contiguës puissent estre éclairées, plusieurs ombrées, & d’autres de Couleurs rompuës, pour estre dans les Tournans ; de mesme que dans une Grappe de Raisin, plusieurs grains qui en font les parties, se trouvent dans le jour, plusieurs dans l’ombre, & d’autres dans la demie teinte, pour estre dans les Parties fuyantes. Le Tintoret dit un jour à Rubens, qu’il avoit oüi dire au Titien, Que dans tous ses plus grands Ouvrages, la Grappe de Raisin estoit son meilleur guide & sa principale Regle.

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Ainsi l'on doit pour la beauté de l'Ouvrage & pour la satisfaction des yeux augmenter, ou diminüer non seulement au dessin & à la couleur des Corps que l'on imite, mais encore à la lumière qui les éclaire en la plaçant avantageusement de la manière que je viens de dire, & comme l'a placée Rubens, qui est sans contredit celuy de tous les Peintres qui l'a mieux entendüe.

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Il est Vrai que le Peintre est obligé de savoir l’Anatomie, & les exagérations piquantes qui en dérivent, parce que l’Anatomie est le fondement du Dessein & que les exagérations peuvent conduire à la perfection ceux qui savent en prendre & en laisser autant qu’il en faut, pour accorder la justesse & la simplicité du Dessein avec le bon gout. Ces exagérations sont suportables & souvent agréables dans les Desseins qui ne sont que les pensées des Tableaux ; & le Peintre savant s’en peut servir utilement lorsqu’il commence & qu’il ébauche son Ouvrage : mais il doit les retrancher quand il veut que son Tableau paroisse dans sa perfection, comme un Architecte retranche & rejette le ceintre qui lui a servi à bâtir sa voûte.

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Par rapport à la Peinture, le mot de Dessein n’a que deux significations. Premierement, l’on appelle Dessein la pensée d’un Tableau laquelle le Peintre met sur du papier ou sur de la toile, pour juger de l’ouvrage qu’il medite ; & de cette maniere l’on peut appeller du nom de Dessein non-seulement un esquisse, mais encore un ouvrage bien entendu de lumieres & d’ombres, ou même un petit Tableau bien colorié. C’est de cette sorte que Rubens faisoit presque tous ses Desseins, & que la plûpart de ceux du Titien qui sont presque tous à la plume ont été exécutés. 2°. L’on appelle Dessein les justes mesures, les proportions & les contours que l’on peut dire imaginaires des objets visibles, qui n’ayant point de consistence que l’extrémité même des corps, resident veritablement & réellement dans l’esprit : & si les Peintres les ont rendus sensibles de nécessité indispensable par des lignes qui en font la circonscription, c’est pour en rendre la démonstration sensible à leurs Eleves, & afin de pratiquer pour eux-mêmes une maniere commode qui les fasse arriver facilement à une extrême correction.

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Par rapport à la Peinture, le mot de Dessein n’a que deux significations. Premierement, l’on appelle Dessein la pensée d’un Tableau laquelle le Peintre met sur du papier ou sur de la toile, pour juger de l’ouvrage qu’il medite ; & de cette maniere l’on peut appeller du nom de Dessein non-seulement un esquisse, mais encore un ouvrage bien entendu de lumieres & d’ombres, ou même un petit Tableau bien colorié. C’est de cette sorte que Rubens faisoit presque tous ses Desseins, & que la plûpart de ceux du Titien qui sont presque tous à la plume ont été exécutés. 2°. L’on appelle Dessein les justes mesures, les proportions & les contours que l’on peut dire imaginaires des objets visibles, qui n’ayant point de consistence que l’extrémité même des corps, resident veritablement & réellement dans l’esprit : & si les Peintres les ont rendus sensibles de nécessité indispensable par des lignes qui en font la circonscription, c’est pour en rendre la démonstration sensible à leurs Eleves, & afin de pratiquer pour eux-mêmes une maniere commode qui les fasse arriver facilement à une extrême correction.

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[…] les Tableaux harmonieux sont en petit nombre : car depuis près de 300 ans que la Peinture est ressuscitée, à peine peut-on compter six Peintres qui ayent bien colorié ; au lieu que l’on en comptera pour le moins 30. qui ont été très-bons Dessinateurs. Et la raison de cela est que le Dessein a des regles fondées sur des proportions, sur l’Anatomie & sur une experience continuelle de la même chose ; au lieu que le coloris n’a point encore de regles bien connues, & que l’experience qu’on y fait étant presque toujours differente à cause des differens sujets que l’on traite, n’a pû encore en établir de bien precises. Ainsi je suis persuadé que le Titien a tiré plus de secours de sa longue & studieuse experience avec la grande solidité de son jugement, que d’aucune regle démonstrative qu’il eût établie dans son esprit, pour lui servir de fondement. Je ne dirai pas la même chose de Rubens ; celui-ci cédera toujours au Titien pour les couleurs locales : mais pour les principes de l’harmonie, il en avoit trouvé de solides qui le faisoient operer infailliblement pour l’effet & pour l’accord du Tout-ensemble.

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Le Dessein est fort équivoque & se prend de differentes façons, qu'on peut reduire à trois, comme a fait M. Felibien dans ses Entretiens sur les vies des Peintres. L'on appelle Dessein, la volonté de faire ou de dire quelque chose, & c'est dans ce sens-là qu'on dit, Un tel est venu à bon ou à mauvais dessein. L'on appelle encore Dessein la pensée d'un Tableau que le Peintre met au dehors sur du papier ou sur de la toile pour juger de l'effet de l'Ouvrage qu'il medite ; & de cette maniere l'on peut appeller du nom de Dessein non seulement un esquisse : mais encore un Ouvrage bien entendu de lumieres & d'ombres, ou même un Tableau bien colorié. C’est de cette sorte que Rubens faisoit presque tous ses Desseins, & de la maniere qu'ont été faits ceux dont vous parlez. Enfin l'on appelle Dessein, les justes mesures, les proportions & les formes exterieures que doivent avoir les objets qui sont imitez d'aprés la Nature. Et c'est de cette derniere sorte que l'on entend le Dessein qui fait une des parties de la Peinture.

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Et lequel de ces deux Peintres aimeriez-vous mieux estre, continuay-je, de Raphaël ou du Titien ?
Vous m’embarassez fort, repondit Pamphile ; attendez que j’y pense un peu.
Je ne croyois pas, repris-je, que vous dûssiez balancer de cette sorte, aprés ce que je viens de vous entendre dire.
J'aimerois mieux estre Raphaël, continua Pamphile, & j'estime que le Titien est un plus grand Peintre.
Je vous entends bien, luy dis-je, c'est à-dire que Raphaël avec la correction de son Dessein, avoit plusieurs autres talens, & que tout cela ensemble vous plaist davantage que le Coloris du Titien.
Je vous avoüe, dit Pamphile, que je suis encore assez irresolu : neantmoins la correction du Dessein de Raphaël, l’élegance de ses contours, sa manière de drapper, ses expressions si touchantes, la facilité de son genie, ses compositions nobles, riches & abondantes, la grandeur, la simplicité & la vray-semblance de ses attitudes ; enfin, les graces qu'il répandoit dans tous ses ouvrages, me l’ont fait preferer au Titien.
Quoy au Titien, s'écria Damon, le plus grand Peintre, selon vous, qui ait jamais esté & qui sera peut-estre jamais.
Je vous l'avoüe, dit Pamphile, mais Raphaël, avec tous les avantages que je viens de vous dire, avoit encore celuy, d’estre entré sur la fin de sa vie dans l’inteligence des Lumieres & des Ombres, & d’avoir déja fait un si grand progrés dans le Coloris, & qu'il auroit bientost possedé cette partie dans sa derniere perfection. Ainsi je me persuade, si j'estois Raphaël, que dans peu de temps je serois encore le Titien.

Quotation

282. [Que vous fassiez paroistre les Corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, &c.] C’est à dire proprement, qu’apres de grands Clairs il faut de grandes Ombres, qu’on appelle des Repos ; parce que effectivement la veuë seroit fatiguée, si elle estoit attirée par une continuité d’objets petillans. Les Clairs peuvent servir de repos aux Bruns, comme les Bruns en servent aux Clairs. […]
Ces Repos se font de deux manieres, dont l’une est Naturelle, & l’autre Artificielle : La Naturelle se fait par une étenduë de Clairs ou d’Ombres, qui suivent naturellement & necessairement les Corps solides, ou les Masses de plusieurs Figures agrouppées lors que le jour vient à frapper dessus : Et l’Artificielle consiste dans les Corps des Couleurs que le Peintre donne à de certaines choses telles qu’il luy plaist, & les compose de telle sorte, qu’elles ne fassent point de tort aux Objets qui sont auprés d’elles. Une Draperie par exemple que l’on aura fait jaune ou rouge en certain endroit, pourra estre dans un autre de Couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l’effet que l’on demande. L’on doit prendre occasion autant qu’il est possible de se servir de la premiere Maniere, & de trouver les Repos dont nous parlons par le Clair ou par l’Ombre, qui accompagnent naturellement les Corps solides […] 
Ainsi le Peintre qui a de l'intelligence prendra ses avantages de l'une & de l'autre Maniere ; & s'il fait un Dessein qui doive estre gravé, il se souviendra que les Graveurs ne disposent pas des Couleurs, comme font les Peintres, & que par consequent il doit prendre occasion de trouver les Repos de son Dessein dans les Ombres naturelles des Figures, qu'il aura disposées à cet effet. Rubens en donne une parfaite connoissance dans les Estampes qu'il a fait graver ; & je ne croy pas que l'on puisse rien voir de plus beau en ce genre : Toute l'intelligence des Grouppes, du Clair-Obscur & de ces Masses que le Titien appelloit
la Grappe de Raisin, y est si nettement exposée, que la veüe de ces Estampes & l'attention que l'on y apporterait contribueraient beaucoup à faire un Habile-homme. […]
Ce n'est pas que les Graveurs ne puissent & ne doivent imiter les Corps des Couleurs par les degrez du Clair-Obscur, autant qu'ils jugeront que cela doit produire un bel effet ; au contraire il est à mon avis, impossible de donner beaucoup de force à tout ce que l'on gravera d'après les Ouvrages de l'Ecole de Venise, & de tous ceux qui ont eu l'intelligence des Couleurs & du Contraste du Clair-Obscur, sans imiter en quelque façon la Couleur des Objets selon le rapport qu'elle a aux degrez du Blanc & du Noir. […]

Quotation

435. [Aussi bien que les choses paroissent estre faites avec Facilité.] Cette facilité attire d’autant plus nos yeux & nos esprits, qu’il est à presumer qu’un beau travail qui nous paroist facile, vient d’une main sçavante & consommée. […] Mais il est impossible d’avoir cette Facilité, sans posseder parfaitement toutes les Regles de l’Art, & s’en estre fait un habitude : car la Facilité consiste à ne faire precisément que l’Ouvrage qu’il faut, & à mettre chaque chose dans sa place avec promptitude : ce qui ne se peut sans les Regles, qui sont des moyens assurez pour vous conduire, & pour terminer vos Ouvrages avec plaisir. Il est donc certain, contre l’opinion de plusieurs, que les Regles donnent de la Facilité, de la Tranquillité & de la promptitude dans les esprits les plus tardifs, & que ces mesmes Regles augmentent & dirigent cette Facilité dans ceux qui l’ont déja receuë d’une heureuse naissance.
D’où il s’ensuit que l’on peut considerer la Facilité de deux façons, ou simplement, comme une diligence & une promptitude d’esprit & de main, ou comme une disposition dans l’esprit de lever promptement toutes les difficultez qui se peuvent former dans l’Ouvrage. La premiere vient d’un temperament actif & plein de feu, & l’autre d’une veritable Science & d’une possession des Regles infaillibles ; celle-là est agreable, mais elle n’est pas toûjours sans inquietude, parce qu’elle fait égarer souvent ; & celle-cy au contraire fait agir avec un repos d’esprit & une tranquillité merveilleuse : car elle nous asseure de la bonté de nostre Ouvrage : c’est beaucoup que d’avoir la premiere ; mais c’est le comble de la perfection de les avoir l’une & l’autre, telle que les ont possedées Rubens & Vandeik, excepté la Partie du Dessein, qu’ils ont trop negligée. […]
Remarquez, s’il vous plaît, que la Facilité & la Diligence, dont je viens de parler, ne consistent pas à faire ce qu’on appelle des traits hardis, & à donner des coups de pinceau libres, s’ils ne font un grand effet d’une distance éloignée : Cette sorte de liberté est plûtost d’un Maistre à écrire que d’un Peintre. Je dis bien davantage, il est presque impossible que les choses peintes paroissent vrayes & naturelles, quand on y remarque ces sortes de traits hardis : & tous ceux qui ont le plus approché de la Nature, ne se sont pas servis de cette Manière de peindre. Tous ces cheveux filez & ces coups de pinceau qui forment des hachures, sont à la verité admirables : mais ils ne trompent pas la veuë.

Quotation

De toutes les parties de la Peinture, celle qui a le plus contribué à l'effet & au brillant de ses Ouvrages a este la disposition des objets : car les lumières & les couleurs ne serviroient pas de beaucoup si les corps nettoient placez & disposez pour les recevoir avantageusement & cette disposition ne se trouve pas seulement dans les objets particuliers, mais encore dans les groupes & dans le tout-ensemble de l'Ouvrage. II paroist visiblement que l'oeconomie que Rubens a gardée en cette partie, va à éviter la dissipation des yeux, & à les fixer agréablement par la liaison des corps & par l'opposition des masses. Cette liaison se fait de deux façons ; la première par manière de fond, & la seconde par manière de groupe.

Quotation

Ainsi pour loüer les tableaux, qui n'estant que peu travaillez font parfaitement leur effet dans leur distance; ce n'est pas à dire qu'on doive blasmer les Peintres qui ont fini de grands tableaux, comme s'ils devoient estre veus de prés, on peut ignorer les raisons qu'ils ont euës d'en user de la sorte : Pourveu que le Peintre ait la discretion de ne point salir les couleurs à force de les méler ensemble, ou pour parler comme parlent les Peintres, de les tourmenter, & que le Tableau conserve de loin beaucoup de force & de fraischeur, on ne doit luy rien reprocher. La seconde raison est, que pour bien finir il faut lier plusieurs teintes de couleurs différentes, en les peignant & les mêlant ensemble, & que ce mélange diminuë beaucoup de la vivacité & de l'éclat des couleurs, principalement quand le tableau est un peu éloigné, en sorte que ce qui semble de prés estre frais & terminé, se ternit dans une distance raisonnable. La démonstration en est facile à faire. Prenez les couleurs les plus belles, comme un beau rouge, un beau jaune, un beau bleu, un beau verd, & les mettez separément les unes auprès des autres, il est certain qu'elles conserveront leur éclat & leur force en particulier & toutes ensemble : que si vous les mélez vous n'en ferez qu'une couleur de terre. C'est ce qui a fait que Rubens s'est dispensé autant qu'il a pu de noyer ses couleurs, & comme on dit ordinairement, de les tourmenter, se contentant de les mettre en leur place & de ne les méler qu'à proportion de la distance du Tableau, car c'est d'elle de qui il attendoit en cela un fort grand service.

Quotation

II [ndr : Rubens] a fait voir par cette figure qu'il fçavoit finir quand il vouloit, & quand il le jugeoit nécessaire : Et par ses autres tableaux que cette grande exactitude estoit inutile, puis qu'ils font tout l'effet qu'on en doit attendre. Mais outre que cette manière de peindre les choses si nettement & avec tant de patience ne convient guéres au tempérament actif de Rubens, ny a son Génie tout de feu, c'est qu'il n'a pas trouvé à propos de se servir de cette conduite dans la pluspart de ses Ouvrages, & en voicy deux raisons que l'on y découvre. La première, que tous les tableaux ne sont point faits pour estre veus de prés, ny pour estre tenus à la main, il suffit qu'ils fassent leur effet du lieu d'où on les regarde ordinairement, si ce n'est que les Connoisseurs aprés les avoir veus d'une distance raisonnable veüillent s'en approcher ensuite pour en voir l'artifice. Car il n'y a point de tableau, qui ne doive avoir son point de distance d'où il doit estre regardé : & il est certain qu'il perdra d'autant plus de sa beauté, que celuy qui le voit sortira de ce point, pour s'en approcher ou pour s'en éloigner. Cela estant, je trouve que c'est une perte de temps, pour ne pas dire un manque d'intelligence, que de faire un travail inutile & qui se perd dans la distance, convenable. Et au contraire il y a beaucoup d'Art & de science en faisant tout ce qui est nécessaire, de ne faire que ce qui est nécessaire.

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It must be consider’d they [ndr : les cartons de Raphaël] were made for Patterns for Tapistry, not profess’d Pictures, and painted, not in Oil, but in Distemper : If therefore one sees not the Warmth, and Mellowness, and Delicacy of Colouring which is to be found in Correggio, Titian, or Rubens, it may fairly be imputed in a great measure to these Causes. A Judicious Painter has other Considerations relating to the Colouring when he makes Patters for Tapistry to be heightned with Gold, and Silver, than when he paints a Picture without such View ; nor can a sort of Dryness, and Harshness be avoided in Distemper, upon Paper : Time moreover has apparently chang’d some of the Colours. In a word, the Tout-Ensemble of the Colours is Agreeable, and Noble ; and the Parts of it are in General Extreamly, but not Superlatively Good.

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En effet, repartit Damon, ce qui me surprend davantage & que je n'ay jamais veu dans les ouvrages d'aucun Peintre, est la diversité de manière que l'on remarque aux Tableaux qui sont en ce cabinet car il semble qu'apres en avoir fait un dans un goust, il [ndr : Rubens] ait changé de génie & pris un autre esprit, pour en faire un autre dans un autre goust. C'est que les autres Peintres, die Philarque, travaillent beaucoup plus de la main que de l'esprit, & que le caractère de l'esprit n'est pas si sensible ny si facile à reconnoitre que celuy de la main. Or comme Rubens n'avoit presque point de faço[n] particulière de manier le pinceau, ny d'habitude d'employer toujours les mesmes teintes & les mesmes couleurs, &qu'il entroit tout entier dans les sujets qu'il avoit à traiter, il se transformoit en autant de caracteres & se faisoit à un nouveau sujet un nouvel homme ; Ainsi ne vous estonnez pas de la diversité qui paroist dans les tableaux que vous voyez.

Quotation

[..]; car il y a dans ses ouvrages [ndr : de Rubens] des estoffes de toutes sortes qu'il a distinguées par les plis & par les lumières qui leur conviennent, & cette diversité d'estoffes avec la justesse & la grandeur de leurs plis ne sont pas un des moindres ornemens de ses Tableaux.

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[...] s'il [ndr : Rubens] ne s'est pas si fort arresté au goust de l'Antique, ce n'est point par impuissance, c'est qu'il n'y trouvoit pas assez la vérité du naturel dont il vouloir estre un parfait imitateur : Il estoit bien persuadé, comme il est vray, que la diversité de la Nature est une de ses plus grandes beautez, & il ne trouvoit pas qu'en s'attachant aux Statües & aux Bas-reliefs, il pût se satisfaire assez pleinement.

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S'estant donc proposé la Nature comme l'objet de ses [ndr : Rubens] études & de ses reflexions, il a observé exactement & avec un jugement admirable le véritable caractère des choses, ce qui les distingue les unes des autres, & qui les fait paroistre ce qu'elles sont à nos yeux : Et il a poussé cette connoissance si loin, qu'avec une hardie, mais sage & sçavante exagération de ce caractere, il a rendu la Peinture plus vivante & plus naturelle, pour ainsi dire, que le Naturel mesme. C'est dans la veuë de cet heureux succès qu'il ne s'est pas mis si fort en peine de se remplir l'idée des contours Antiques, dont la pluspart estant imitez avec trop d'affectation, portent avec eux une idée de pierre qu'ils communiquent infailliblement aux Ouvrages de ceux qui s'y sont trop attachez, au lieu que les contours de Rubens donnent au nud un véritable caractère de chair, telle qu'il l'a voulu representer selon les âges, les sexes & les conditions. Car on voit cette diversité dans les sujets qui la demandent ; [...].

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Les passions de l'ame, reprit Philarque, s'expriment par les mouvemens, non seulement des parties du visage, mais encore de celles du corps : Et de toutes les passions il y en a de violentes, il y en a de douces. Les violentes sont beaucoup moins difficiles à exprimer, & Rubens y a reüssi autant bien que Peintre qui l'ait precedé. Mais pour les expressions douces, soit qu'elles paroissent comme un effet de la tranquillité de l'âme, ou qu'elles soient de ces sortes de passions qui causant peu de changement sur le visage, ne laissent pas de faire voir que le dedans est fort agité, c'est où Rubens a merveilleusement bien reüssi : il y en a une infinité d'exemples dans ses Ouvrages.

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[..]; car il y a dans ses ouvrages [ndr : de Rubens] des estoffes de toutes sortes qu'il a distinguées par les plis & par les lumières qui leur conviennent, & cette diversité d'estoffes avec la justesse & la grandeur de leurs plis ne sont pas un des moindres ornemens de ses Tableaux.

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Ainsi pour loüer les tableaux, qui n'estant que peu travaillez font parfaitement leur effet dans leur distance; ce n'est pas à dire qu'on doive blasmer les Peintres qui ont fini de grands tableaux, comme s'ils devoient estre veus de prés, on peut ignorer les raisons qu'ils ont euës d'en user de la sorte : Pourveu que le Peintre ait la discretion de ne point salir les couleurs à force de les méler ensemble, ou pour parler comme parlent les Peintres, de les tourmenter, & que le Tableau conserve de loin beaucoup de force & de fraischeur, on ne doit luy rien reprocher. La seconde raison est, que pour bien finir il faut lier plusieurs teintes de couleurs différentes, en les peignant & les mêlant ensemble, & que ce mélange diminuë beaucoup de la vivacité & de l'éclat des couleurs, principalement quand le tableau est un peu éloigné, en sorte que ce qui semble de prés estre frais & terminé, se ternit dans une distance raisonnable. La démonstration en est facile à faire. Prenez les couleurs les plus belles, comme un beau rouge, un beau jaune, un beau bleu, un beau verd, & les mettez separément les unes auprès des autres, il est certain qu'elles conserveront leur éclat & leur force en particulier & toutes ensemble : que si vous les mélez vous n'en ferez qu'une couleur de terre. C'est ce qui a fait que Rubens s'est dispensé autant qu'il a pu de noyer ses couleurs, & comme on dit ordinairement, de les tourmenter, se contentant de les mettre en leur place & de ne les méler qu'à proportion de la distance du Tableau, car c'est d'elle de qui il attendoit en cela un fort grand service.

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Traveller,
            ’
Tis very true, tis one of the most difficult parts of Painting [ndr : le traitement de la draperie]; and the best Rule is, that your Drapery be in large Foldings, Noble and Simple, not repeated too often, but following the Order of the Parts ; and let them be of Stuffs and Silks that are commonly worn, of beautiful Colours, but sweet, and such as do not trench upon the Naked too harshly, and by that means they will be of great Use for the Union of the Whole ; either by reflecting the Light, or giving such a Fund as is wanting for the other Colours to appear better. They serve also to fill up any empty place in the Picture.
            There is also a Judicious Choice to be made of Draperies, according to the Quality of the Persons : Magistrates and Grave People must have Ample and Long Robes ; Countrey People and Souldiers must have Close, Short Draperies ; Young Maids and Women must have them Light, Thin, and Tender. They that follow the Drapery of the Antients in Statues, will always be Stiff, as Raphael was at first, because that they used little Foldings, often repeated ; which do best in Marble or Brass. But Painters who have the Command of Colours, Lights and Shadows, may extend their Draperies, and let them fly as they please. Titian, Paul Veronese, Tintoret, Rubens, and Vandike, have painted Drapery admirably ; and indeed the Lombard School have excell’d in that and Colouring, as the Roman and Florentine
in Design and Nudity.

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Neither shall it then be requisite to continue that exactness, since all Drawing is but as an Hand-maid and Attendant to what you would either Grave or paint.
But by this perfection and dexterity at first, did even those renouned Masters,
Julio, Parmegian, and sometimes Polydor, himself (not to insist on Rubens and Vandyke) proceed, whose Drawings in this kind, when first they made their studies in Italy, were exceedingly curious, and finished ; though in all their more recent, and matured Designes, rather judicious then exact, because of that time which such minute finishing did usually take up ; and, that when all is done, it is still but a Drawing, which indeed conduces to the making of profitable things, but is it self none.

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It must be consider’d they [ndr : les cartons de Raphaël] were made for Patterns for Tapistry, not profess’d Pictures, and painted, not in Oil, but in Distemper : If therefore one sees not the Warmth, and Mellowness, and Delicacy of Colouring which is to be found in Correggio, Titian, or Rubens, it may fairly be imputed in a great measure to these Causes. A Judicious Painter has other Considerations relating to the Colouring when he makes Patters for Tapistry to be heightned with Gold, and Silver, than when he paints a Picture without such View ; nor can a sort of Dryness, and Harshness be avoided in Distemper, upon Paper : Time moreover has apparently chang’d some of the Colours. In a word, the Tout-Ensemble of the Colours is Agreeable, and Noble ; and the Parts of it are in General Extreamly, but not Superlatively Good.

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 [...] Il faut donc, poursuivit-elle [Princesse des cabalistes], s’étudier à la recherche d’une belle Manière de peindre, vague, hardie, & sans contrainte, d’un dessein tendre & coulant, mais libre & de grande maniere, sans s’attacher avec scrupule à cent choses, qui gâtent la majesté d’un ouvrage. Prenez pour exemplaires les ouvrages de l’illustre & fameux Michelange, le Coriphée des Peintres Anciens & Modernes, d’un Titien, d’un Tintoret, d’un Georgion, d’un Paul Veronese, du Guide, des Bassans, de S. Martin, de Rubens, de Vandick, & tant d’autres que mes maximes ont rendus celebres, & ausquels la science qu’ils ont acquise dans mon Ecole, a donné une réputation glorieuse & immortelle, malgré la jalousie & le caprice de quelques novateurs, qui sous pretexte du rétablissement de la Peinture, tâchent en vain d’élever sur le debris de l’estime qu’on a toûjours euë pour ces grands Peintres, une fausse renommée à leurs sectateurs, & faisans croire aux simples, qu’ils rendent un bon office à ce bel Art, le ruinent entierement, dégoûtans par les embarras & les difficultés dont ils l’ont obscurci, ceux qui avoient dessein de s’y perfectionner.

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The truth is, ‘tis a little choquing to see such a Mixture of Antique, and Modern Figures, of Christianity, and Heathenism in the same Pictures [ndr : Le cycle de Marie de Médicis par Rubens] ; but this is much owing to its Novelty. […] He had moreover Another very good Reason for what he did on this Occasion : The Stories he had to paint were Modern, and the Habits, and Ornaments must be so too, which would not have had a very agreeable effect in Painting : These Allegorical Additions make a wonderful Improvement ; they vary, enliven, and enrich the Work ; as any one may perceive that will imagine the Pictures as they must have been, had Rubens been terrified by the Objections which he certainly must have foreseen would be made afterwards, and so had left all these Heathen Gods, and Goddesses, and the rest of the Fictitious Figures out of the Composition.

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Ne trouvez-vous pas, dit Damon, que Rubens a fait ses lumières plus fortes qu'elles ne sont dans la Nature, aussi bien que ses reflets. Je le trouve comme vous, reprit Philarque, &c'est en cela que les corps qu'il a peints en font plus de reliefs & par conséquent plus naturels.

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[…] une teinte qui de près paroît separée & d’une certaine couleur, paroîtra d’une autre couleur dans sa distance, & se confondra dans la masse dont elle fait partie. Si vous voulez donc que votre ouvrage fasse un bon effet du lieu d’où il doit être vû, il faut que les couleurs & les lumieres en soient un peu exagerées ; mais savamment & avec une grande discretion. Voyez la maniere dont Titien, Rubens, Vandeik, & Rembrant en ont usé : car leur artifice est merveilleux.

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Il ne serait pas moins téméraire de décider la question sur ce que nos tableaux ne sont point ces effets prodigieux que les tableaux des anciens peintres ont fait quelquefois ; suivant les apparences, les récits des Ecrivains qui nous racontent ces effets sont exagérez, & nous ne savons pas même ce qu'il en faudrait rabattre pour les réduire à l'exacte vérité. Nous ignorons quelle part de la nouveauté de l'art de la Peinture peut avoir euë dans l'impression qu'on veut que certains tableaux aïent fait sur les Spectateurs. Les premiers tableaux, quoique grossiers, ont dû paroître des ouvrages divins. L'admiration pour un art naissant, fait tomber aisément dans l'exagération ceux qui parlent de ses productions ; & et la tradition en recueillant ces récits outrez, aime encore les rendre plus merveilleux qu'elle ne les a reçus. On trouve même dans les Ecrivains anciens des choses impossibles données pour vraies, & des choses ordinaires traitées de prodiges. […]
Enfin on ne sçaurait donner une idée un peu précise des tableaux à ceux qui ne les ont pas vus absolument, & qui ne connaissent pas la manière du Peintre qui les a faits, que par voies de comparaison. […]
Les Ecrivains modernes qui ont traité de la peinture antique, nous rendent plus sçavans, sans nous rendre plus capables de juger la question de la supériorité des Peintres de l'antiquité sur les Peintres modernes. Ces Ecrivains se sont contentez de ramasser les passages des Auteurs anciens qui parlent de la peinture & de les commenter en Philologues, sans les expliquer par l'examen de ce que nos Peintres font de nos jours, & même sans appliquer ces passages aux morceaux de la peinture antique qui subsistent encore. Je pense donc que pour se former une idée aussi distincte de la peinture antique qu'il soit possible de l'avoir, il faut considérer séparément ce que nous pouvons sçavoir de certain sur la composition, sur l'expression & sur le coloris des Peintres de l'antiquité.     
[…] Quant à la composition Pittoresque, il faut avoüer que dans les monumens qui nous restent, les Peintres anciens ne paroissent pas superieurs, ni même égaux à Raphaël, à Rubens, à Paul Véronèse, ni à M. Le Brun. […]
Quant à la composition Poëtique, les anciens se piquoient beaucoup d'exceller dans ses inventions, & comme ils étoient grands dessinateurs, ils avoient toutes sortes de facilité pour y réussir. Pour donner une idée du progrès  que les anciens avoient faits dans cette partie de la peinture qui comprend le grand art des expressions, nous rapporterons ce qu'en disent les Ecrivains de l'antiquité. De toute les parties de la peinture, la composition Poëtique est celle dont il est le plus facile de donner une idée avec des paroles. C'est celle qui se décrit le mieux.
[…]
Comme le temps a éteint les couleurs, & confondu les nuances dans les fragmens qui nous restent de la peinture antique faite au pinceau, nous ne sçaurions juger à quel point les Peintres de l'antiquité ont excellé dans le coloris, ni s'ils ont égalé ou surpassé les grands Maîtres de l'Ecole Lombarde dans cette aimable partie de la peinture.[…] On ne sçaurait décider notre question sur des récits. Il faut pour la juger, avoir des pièces de comparaison. Elles nous manquent. 
On ne sçauroit former un préjugé contre le coloris des anciens, de ce qu'ils ignoroient l'invention de détremper les couleurs avec de l'huile […]
Quant au clair-obscur & à la distribution enchanteresse des lumières & des ombres, ce que Pline &  les autres Ecrivains de l'antiquité en disent, est si positif, leurs récits sont si bien circonstanciez & si vrai-semblables, qu'on ne sçauroit disconvenir que les anciens n'égalassent du moins dans cette partie de l'Art, les plus grands peintres modernes. Les passages de ces Auteurs que nous ne comprenions pas bien, quand les Peintres modernes ignoroient encore quel prestige on peut faire avec le secours de cette magie, ne sont plus si embroüillez & si difficiles, depuis que Rubens, ses Eleves, Polidore de Caravage, & d'autres Peintres les ont expliquez bien mieux, les pinceaux à la main, que les commentateurs les plus érudits ne le pouvoient faire dans des livres. 
[…] je dis, que les Peintres qui ont travaillé depuis la renaissance des Arts, que Raphaël & ses contemporains n'ont point eu aucun avantage sur nos Artisans. Ces derniers sçavent toutes les couleurs dont les premiers se sont servis. 

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neanmoins ce qui pourroit faire croire que cette intelligence [ndr du clair-obscur] dépendroit du Dessein, c'est qu'on appelle Dessein un ouvrage de blanc-&-noir, où les lumières & les ombres sont observées : & j'en ay vû plusieurs de la main de Rubens de cette manière qui faisoient un effet merveilleux, & qu'on ne nommoit point autrement.
C’est aussi de cette maniere qu’ils doivent être nommez, dit Pamphile ; puisque c’est l’usage, & que nous n’avons pas d’autres termes pour nous expliquer. Mais le nom de Dessein qu’on leur donne n’est pas celuy qui convient à l’une des parties de la Peinture. […] Ainsi lors qu’on ajoûte aux contours les lumieres & les ombres, on ne le peut faire sans le blanc & le noir, qui sont deux des principales Couleurs dont le Peintre a coûtume de se servir, & dont l’intelligence est comprise sous celle de toutes les Couleurs, laquelle n’est autre chose que le Coloris.

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282. [Que vous fassiez paroistre les Corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, &c.] C’est à dire proprement, qu’apres de grands Clairs il faut de grandes Ombres, qu’on appelle des Repos ; parce que effectivement la veuë seroit fatiguée, si elle estoit attirée par une continuité d’objets petillans. Les Clairs peuvent servir de repos aux Bruns, comme les Bruns en servent aux Clairs. […]
Ces Repos se font de deux manieres, dont l’une est Naturelle, & l’autre Artificielle : La Naturelle se fait par une étenduë de Clairs ou d’Ombres, qui suivent naturellement & necessairement les Corps solides, ou les Masses de plusieurs Figures agrouppées lors que le jour vient à frapper dessus : Et l’Artificielle consiste dans les Corps des Couleurs que le Peintre donne à de certaines choses telles qu’il luy plaist, & les compose de telle sorte, qu’elles ne fassent point de tort aux Objets qui sont auprés d’elles. Une Draperie par exemple que l’on aura fait jaune ou rouge en certain endroit, pourra estre dans un autre de Couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l’effet que l’on demande. L’on doit prendre occasion autant qu’il est possible de se servir de la premiere Maniere, & de trouver les Repos dont nous parlons par le Clair ou par l’Ombre, qui accompagnent naturellement les Corps solides […] 
Ainsi le Peintre qui a de l'intelligence prendra ses avantages de l'une & de l'autre Maniere ; & s'il fait un Dessein qui doive estre gravé, il se souviendra que les Graveurs ne disposent pas des Couleurs, comme font les Peintres, & que par consequent il doit prendre occasion de trouver les Repos de son Dessein dans les Ombres naturelles des Figures, qu'il aura disposées à cet effet. Rubens en donne une parfaite connoissance dans les Estampes qu'il a fait graver ; & je ne croy pas que l'on puisse rien voir de plus beau en ce genre : Toute l'intelligence des Grouppes, du Clair-Obscur & de ces Masses que le Titien appelloit
la Grappe de Raisin, y est si nettement exposée, que la veüe de ces Estampes & l'attention que l'on y apporterait contribueraient beaucoup à faire un Habile-homme. […]
Ce n'est pas que les Graveurs ne puissent & ne doivent imiter les Corps des Couleurs par les degrez du Clair-Obscur, autant qu'ils jugeront que cela doit produire un bel effet ; au contraire il est à mon avis, impossible de donner beaucoup de force à tout ce que l'on gravera d'après les Ouvrages de l'Ecole de Venise, & de tous ceux qui ont eu l'intelligence des Couleurs & du Contraste du Clair-Obscur, sans imiter en quelque façon la Couleur des Objets selon le rapport qu'elle a aux degrez du Blanc & du Noir. […]

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La mécanique de la Peinture est très-pénible, mais elle n'est pas rebutante pour ceux qui sont nez avec le génie de l'art. Ils sont soutenus contre le dégoût par l'attrait d'une profession à laquelle ils se sentent propres, & par le progrès sensible qu'ils font dans leurs études. Les Eleves trouvent encore partout des Maîtres qui leur abregent le chemin. Que ces Maîtres soient de grands hommes ou des ouvriers médiocres, il n'importe, l'Eleve qui aura du génie, profitera toujours de leurs enseignements. Il lui suffit que ces Maîtres lui puissent enseigner une pratique, qu'on ne sçauroit ignorer, quand on a professé cet art durant dix ou douze années. Un Eleve qui a du génie, apprend à bien faire, en voïant son Maître faire mal. La force du génie change en bonne nourriture les préceptes les plus mal digerez. Ce qu'un homme né avec du génie, fait de mieux, est ce que personne ne lui a montré à faire. […]

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[…] L'enthousiasme qui fait les Peintres & les Poetes, ne consiste pas dans l'invention des mysteres allégoriques, mais bien dans le talent d'enrichir ses compositions par tous les ornemens que la vrai-semblance du sujet peut permettre, ainsi qu'à donner de la vie à tous ses personnages par l'expression des passions. Telle est la Poësie de Raphaël ; telle est la Poësie du Poussin, & de Le Sueur ; & telle fut souvent celle de Monsieur Le Brun & de Rubens. 

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Timanthe est prisé d’avoir tousjours donné davantage à comprendre dans ses ouvrages, que son pinceau ne representoit, et fait en sorte que son esprit y paroissoit plus grand que l’industrie de sa main, bien qu’il l’eust tres-exquise. Ainsi pour faire concevoir la grandeur de son Cyclope dormant, & fait en petit volume, il mit des Satyres auprés de luy qui mesuroient son poulce avec une perche. Certes nous luy pouvons comparer pour ce regard le sçavant Rubens que nous venons de perdre, qui a tousjours joint l’invention à l’excellence de son art, & ce qu’il tenoit d’une profonde lecture à la beauté de son colorit. Les Galeries du Palais d’Orleans le tesmoigneront autant qu’elles dureront, avec le reste de ses pieces, ubi intelligitur plus semper quam pingitur ; et cum ars summa sit, ingenium tament ultra artem est Plin. ib.

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Et en effet le Tableau veut estre regardé comme une machine dont les pièces doivent estre l'une pour l'autre, & ne produire toutes ensemble qu'un mefme effet ; que si vous les regardez separément, vous n'y trouverez que la main de l'Ouvrier, lequel a mis tout son esprit dans leur accord & dans la justesse de leur assemblage : Qui couperoit par exemple l'endroit du Tableau de saint George, ou des vieilles, rendent graces au Ciel d' avoir trouvé un libérateur, & regarderoit ces figures comme quelque chose d'achevé, se tromperoit fort, puisque le Peintre ne les a faites que par relation au tout, & non point à elle-mesme : Les ayant donc placées au coin du tableau il en a éteint les couleurs & négligé l'Ouvrage, quoy que fur le premier plan, afin que la veuë se portast au milieu où le saint & la pucelle attirent les yeux par leur couleurs, qui sont plus fortes, & plus brillantes, Rubens a-t'il conservé cette oeconomie par tout, dit Damon ? Sans doute, répondit Philarque, mais cela est beaucoup plus sensible dans ses grands Ouvrages.

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282. [Que vous fassiez paroistre les Corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, &c.] C’est à dire proprement, qu’apres de grands Clairs il faut de grandes Ombres, qu’on appelle des Repos ; parce que effectivement la veuë seroit fatiguée, si elle estoit attirée par une continuité d’objets petillans. Les Clairs peuvent servir de repos aux Bruns, comme les Bruns en servent aux Clairs. […]
Ces Repos se font de deux manieres, dont l’une est Naturelle, & l’autre Artificielle : La Naturelle se fait par une étenduë de Clairs ou d’Ombres, qui suivent naturellement & necessairement les Corps solides, ou les Masses de plusieurs Figures agrouppées lors que le jour vient à frapper dessus : Et l’Artificielle consiste dans les Corps des Couleurs que le Peintre donne à de certaines choses telles qu’il luy plaist, & les compose de telle sorte, qu’elles ne fassent point de tort aux Objets qui sont auprés d’elles. Une Draperie par exemple que l’on aura fait jaune ou rouge en certain endroit, pourra estre dans un autre de Couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l’effet que l’on demande. L’on doit prendre occasion autant qu’il est possible de se servir de la premiere Maniere, & de trouver les Repos dont nous parlons par le Clair ou par l’Ombre, qui accompagnent naturellement les Corps solides […] 
Ainsi le Peintre qui a de l'intelligence prendra ses avantages de l'une & de l'autre Maniere ; & s'il fait un Dessein qui doive estre gravé, il se souviendra que les Graveurs ne disposent pas des Couleurs, comme font les Peintres, & que par consequent il doit prendre occasion de trouver les Repos de son Dessein dans les Ombres naturelles des Figures, qu'il aura disposées à cet effet. Rubens en donne une parfaite connoissance dans les Estampes qu'il a fait graver ; & je ne croy pas que l'on puisse rien voir de plus beau en ce genre : Toute l'intelligence des Grouppes, du Clair-Obscur & de ces Masses que le Titien appelloit
la Grappe de Raisin, y est si nettement exposée, que la veüe de ces Estampes & l'attention que l'on y apporterait contribueraient beaucoup à faire un Habile-homme. […]
Ce n'est pas que les Graveurs ne puissent & ne doivent imiter les Corps des Couleurs par les degrez du Clair-Obscur, autant qu'ils jugeront que cela doit produire un bel effet ; au contraire il est à mon avis, impossible de donner beaucoup de force à tout ce que l'on gravera d'après les Ouvrages de l'Ecole de Venise, & de tous ceux qui ont eu l'intelligence des Couleurs & du Contraste du Clair-Obscur, sans imiter en quelque façon la Couleur des Objets selon le rapport qu'elle a aux degrez du Blanc & du Noir. […]

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II [ndr : Rubens] a fait voir par cette figure qu'il fçavoit finir quand il vouloit, & quand il le jugeoit nécessaire : Et par ses autres tableaux que cette grande exactitude estoit inutile, puis qu'ils font tout l'effet qu'on en doit attendre. Mais outre que cette manière de peindre les choses si nettement & avec tant de patience ne convient guéres au tempérament actif de Rubens, ny a son Génie tout de feu, c'est qu'il n'a pas trouvé à propos de se servir de cette conduite dans la pluspart de ses Ouvrages, & en voicy deux raisons que l'on y découvre. La première, que tous les tableaux ne sont point faits pour estre veus de prés, ny pour estre tenus à la main, il suffit qu'ils fassent leur effet du lieu d'où on les regarde ordinairement, si ce n'est que les Connoisseurs aprés les avoir veus d'une distance raisonnable veüillent s'en approcher ensuite pour en voir l'artifice. Car il n'y a point de tableau, qui ne doive avoir son point de distance d'où il doit estre regardé : & il est certain qu'il perdra d'autant plus de sa beauté, que celuy qui le voit sortira de ce point, pour s'en approcher ou pour s'en éloigner. Cela estant, je trouve que c'est une perte de temps, pour ne pas dire un manque d'intelligence, que de faire un travail inutile & qui se perd dans la distance, convenable. Et au contraire il y a beaucoup d'Art & de science en faisant tout ce qui est nécessaire, de ne faire que ce qui est nécessaire.

Quotation

L’on sait assez que la peinture n’est qu’un fard, qu’il est de son essence de tromper, & que le plus grand trompeur en cet Art, est le plus grand Peintre. La Nature est ingrate d’elle-même, & qui s’attacheroit à la copier simplement comme elle est & sans artifice, feroit toujours quelque chose de pauvre & de très-petit goût. Ce que l’on nomme Exageration dans les couleurs & dans les lumieres, est l’effet d’une profonde connoissance de la valeur des couleurs, & une admirable industrie qui fait paroître les objets peints plus vrais (s’il faut ainsi dire) que les veritables mêmes. C’est dans ce sens que l’on peut dire, que dans les Tableaux de Rubens l’Art est audessus de la Nature, laquelle semble en cette occasion n’être que la copie des ouvrages de ce grand Peintre : & quand les choses, après avoir été bien examinées, ne se trouveroient pas justes, comme on les suppose, qu’importe après tout, pourvû qu’elles le paroissent ; puisque la fin de la Peinture n’est pas tant de convaincre l’esprit que de tromper les yeux.

Quotation

Cet artifice paroîtra toujours merveilleux dans les grands ouvrages ; car c’est lui qui dans les distances proportionnées à la grandeur des Tableaux, soûtient le caractere des objets particuliers & du Tout-ensemble ; & sans lui, en s’éloignant de l’ouvrage, l’ouvrage s’éloigne du vrai, & tombe dans l’insipidité de la Peinture ordinaire. C’est dans ces grands ouvrages, où l’on voit que Rubens a rendu cette savante exageration plus heureuse & plus sensible ; mais principalement à ceux qui sont capables d’y faire attention, & de l’examiner : car aux personnes qui ne s’y connoissent que peu, rien n’est plus caché que cet artifice.

Quotation

Je sçay bien, continua-t-il, que Rubens est un de vos Heros de Peinture, & que vous avez toûjours estimé l’Ouvrage qui est dans la gallerie du Luxembourg, comme une des plus belles choses qui soient dans l’Europe, si l'on en retranchoit (disiez-vous) en beaucoup d'endroits le goût de Dessein dont il n'est pas question presentement. Mais tout le monde n'est pas de vôtre goût, & ceux qui sont d'un sentiment contraire, disent qu'on trouve peu de verité dans les Ouvrages de Rubens, quand on les examine de prés, que les Couleurs & les Lumieres y sont exagérées, que ce n'est qu'un fard, & qu'enfin ce n'est point ainsi que l'on voit ordinairement la Nature.
O le beau fard ! s'écria Pamphile, & plût à Dieu mon cher Damon, que les Tableaux qu'on fait aujourd'huy, fussent fardez de cette sorte ! ne sçavez-vous pas que la Peinture n'est qu'un fard, qu'il est de son essence de tromper, & que le plus grand trompeur en cet Art est le plus grand Peintre. La Nature est ingrate d'elle-même, & qui s'attacheroit à la copier simplement comme elle est & sans artifice, feroit toûjours quelque chose de pauvre & d'un tres-petit goût. Ce que vous nommez exageration dans les Couleurs & dans les Lumieres, est une admirable industrie, qui fait paroître les objets peints plus veritables (s'il faut ainsi dire) que les veritables mêmes. C'est ainsi que les Tableaux de Rubens sont plus beaux que la Nature, laquelle semble n'être que la copie des Ouvrages de ce grand Homme. Et quand les choses aprés être bien examinées ne se trouveroient pas justes, comme vous le supposez, qu'importe, pourvû qu'elles le paroissent ; puisque la fin de la Peinture n'est pas tant de convaincre l’esprit que de tromper les yeux.
Cet artifice, dit Damon, me semble merveilleux dans les grands Ouvrages.
C'est aussi dans ceux-là, reprit Pamphile, où l'on voit que Rubens l'a rendu plus sensible à ceux qui sont capables d'y faire attention & de l'examiner : car aux personnes qui ne s'y connoissent que peu, rien n'est plus caché que cet Artifice.

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Of EXPRESSION
Whatever the general Character of the Story is, the Picture must discover it throughout, whether it be Joyous, Melancholy, Grave, Terrible, &c. The Nativity, Resurrection, and Ascension ought to have the General Colouring, the Ornaments, Background, and every thing in them Riant, and Joyous, and the contrary in a Crucifixion, Interment, or a Pietà. [The Blessed Virgin with the dead Christ].
But a Distinction must be made between Grave, and Melancholy, as in a Holy Family (of
Rafaëlle’s Design at least) which I have, and has been mention’d already ; the Colouring is Brown, and Solemn, but yet all together the Picture has not a Dismal Air, but quite otherwise. […] There are certain Sentiments of Awe, and Devotion which ought to be rais’d by the first Sight of Pictures of that Subject, which that Solemn Colouring contributes very much to, but not the more Bright, though upon other Occasions preferable.
I have seen a fine Instance of a Colouring proper for Melancholy Subjects in a Pietà of Van-Dyck : That alone would make one not only Grave, but sad at first Sight ; And a Colour’d Drawing that I have of the Fall of Phaëton after Giulio Romano, shews how much This contributes to the Expression. ‘Tis different from any Colouring that ever I saw, and admirably adapted to the Subject, there is a Reddish Purple Tinct spread throughout, as if the World was all invelopp’d in Smould’ring Fire.

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[…] L'enthousiasme qui fait les Peintres & les Poetes, ne consiste pas dans l'invention des mysteres allégoriques, mais bien dans le talent d'enrichir ses compositions par tous les ornemens que la vrai-semblance du sujet peut permettre, ainsi qu'à donner de la vie à tous ses personnages par l'expression des passions. Telle est la Poësie de Raphaël ; telle est la Poësie du Poussin, & de Le Sueur ; & telle fut souvent celle de Monsieur Le Brun & de Rubens. 

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435. [Aussi bien que les choses paroissent estre faites avec Facilité.] Cette facilité attire d’autant plus nos yeux & nos esprits, qu’il est à presumer qu’un beau travail qui nous paroist facile, vient d’une main sçavante & consommée. […] Mais il est impossible d’avoir cette Facilité, sans posseder parfaitement toutes les Regles de l’Art, & s’en estre fait un habitude : car la Facilité consiste à ne faire precisément que l’Ouvrage qu’il faut, & à mettre chaque chose dans sa place avec promptitude : ce qui ne se peut sans les Regles, qui sont des moyens assurez pour vous conduire, & pour terminer vos Ouvrages avec plaisir. Il est donc certain, contre l’opinion de plusieurs, que les Regles donnent de la Facilité, de la Tranquillité & de la promptitude dans les esprits les plus tardifs, & que ces mesmes Regles augmentent & dirigent cette Facilité dans ceux qui l’ont déja receuë d’une heureuse naissance.
D’où il s’ensuit que l’on peut considerer la Facilité de deux façons, ou simplement, comme une diligence & une promptitude d’esprit & de main, ou comme une disposition dans l’esprit de lever promptement toutes les difficultez qui se peuvent former dans l’Ouvrage. La premiere vient d’un temperament actif & plein de feu, & l’autre d’une veritable Science & d’une possession des Regles infaillibles ; celle-là est agreable, mais elle n’est pas toûjours sans inquietude, parce qu’elle fait égarer souvent ; & celle-cy au contraire fait agir avec un repos d’esprit & une tranquillité merveilleuse : car elle nous asseure de la bonté de nostre Ouvrage : c’est beaucoup que d’avoir la premiere ; mais c’est le comble de la perfection de les avoir l’une & l’autre, telle que les ont possedées Rubens & Vandeik, excepté la Partie du Dessein, qu’ils ont trop negligée. […]
Remarquez, s’il vous plaît, que la Facilité & la Diligence, dont je viens de parler, ne consistent pas à faire ce qu’on appelle des traits hardis, & à donner des coups de pinceau libres, s’ils ne font un grand effet d’une distance éloignée : Cette sorte de liberté est plûtost d’un Maistre à écrire que d’un Peintre. Je dis bien davantage, il est presque impossible que les choses peintes paroissent vrayes & naturelles, quand on y remarque ces sortes de traits hardis : & tous ceux qui ont le plus approché de la Nature, ne se sont pas servis de cette Manière de peindre. Tous ces cheveux filez & ces coups de pinceau qui forment des hachures, sont à la verité admirables : mais ils ne trompent pas la veuë.

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L’on sait assez que la peinture n’est qu’un fard, qu’il est de son essence de tromper, & que le plus grand trompeur en cet Art, est le plus grand Peintre. La Nature est ingrate d’elle-même, & qui s’attacheroit à la copier simplement comme elle est & sans artifice, feroit toujours quelque chose de pauvre & de très-petit goût. Ce que l’on nomme Exageration dans les couleurs & dans les lumieres, est l’effet d’une profonde connoissance de la valeur des couleurs, & une admirable industrie qui fait paroître les objets peints plus vrais (s’il faut ainsi dire) que les veritables mêmes. C’est dans ce sens que l’on peut dire, que dans les Tableaux de Rubens l’Art est audessus de la Nature, laquelle semble en cette occasion n’être que la copie des ouvrages de ce grand Peintre : & quand les choses, après avoir été bien examinées, ne se trouveroient pas justes, comme on les suppose, qu’importe après tout, pourvû qu’elles le paroissent ; puisque la fin de la Peinture n’est pas tant de convaincre l’esprit que de tromper les yeux.
 

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Je sçay bien, continua-t-il, que Rubens est un de vos Heros de Peinture, & que vous avez toûjours estimé l’Ouvrage qui est dans la gallerie du Luxembourg, comme une des plus belles choses qui soient dans l’Europe, si l'on en retranchoit (disiez-vous) en beaucoup d'endroits le goût de Dessein dont il n'est pas question presentement. Mais tout le monde n'est pas de vôtre goût, & ceux qui sont d'un sentiment contraire, disent qu'on trouve peu de verité dans les Ouvrages de Rubens, quand on les examine de prés, que les Couleurs & les Lumieres y sont exagérées, que ce n'est qu'un fard, & qu'enfin ce n'est point ainsi que l'on voit ordinairement la Nature.
O le beau fard ! s'écria Pamphile, & plût à Dieu mon cher Damon, que les Tableaux qu'on fait aujourd'huy, fussent fardez de cette sorte ! ne sçavez-vous pas que la Peinture n'est qu'un fard, qu'il est de son essence de tromper, & que le plus grand trompeur en cet Art est le plus grand Peintre. La Nature est ingrate d'elle-même, & qui s'attacheroit à la copier simplement comme elle est & sans artifice, feroit toûjours quelque chose de pauvre & d'un tres-petit goût. Ce que vous nommez exageration dans les Couleurs & dans les Lumieres, est une admirable industrie, qui fait paroître les objets peints plus veritables (s'il faut ainsi dire) que les veritables mêmes. C'est ainsi que les Tableaux de Rubens sont plus beaux que la Nature, laquelle semble n'être que la copie des Ouvrages de ce grand Homme. Et quand les choses aprés être bien examinées ne se trouveroient pas justes, comme vous le supposez, qu'importe, pourvû qu'elles le paroissent ; puisque la fin de la Peinture n'est pas tant de convaincre l’esprit que de tromper les yeux.
Cet artifice, dit Damon, me semble merveilleux dans les grands Ouvrages.
C'est aussi dans ceux-là, reprit Pamphile, où l'on voit que Rubens l'a rendu plus sensible à ceux qui sont capables d'y faire attention & de l'examiner : car aux personnes qui ne s'y connoissent que peu, rien n'est plus caché que cet Artifice.

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J'ajouterai encore une consideration touchant les ouvrages qui ne demandent pas beaucoup d'invention, c'est que les faussaires en peinture les contrefont bien plus aisément qu'ils ne peuvent contrefaire les ouvrages où toute l'imagination de l'Artisan a eu lieu de se déploïer. Les faiseurs de Pastiches, ce sont ces tableaux peints dans la maniere d'un grand Artisan, & qu'on expose sous son nom, bien qu'il ne les ait jamais vus ; les faiseurs de Pastiches, dis-je, ne sçauroient contrefaire l'ordonnance, ni le coloris, ni l'expression des grands Maîtres. On imite la main d'un autre, mais on n'imite pas de même, pour parler ainsi, son esprit, & l'on n'apprend point à penser comme un autre, ainsi qu'on peut apprendre à prononcer comme lui.
Le Peintre médiocre qui voudroit contrefaire une grande composition du Dominiquin ou de Rubens, ne sçauroit nous en imposer plus que celui qui voudroit faire un Pastiche sous le nom du Georgeon ou du Titien. Il faudroit avoir un génie presque égal à celui du Peintre qu'on veut contrefaire, pour réussir à faire prendre notre ouvrage pour être de ce Peintre. On ne sçauroit donc contrefaire le génie des grands hommes, mais on réussit quelquefois à contrefaire leur main, c'est-à-dire, leur maniere de coucher la couleur & de tirer les traits, les airs de tête qu'ils répetoient & ce qui pouvoit être de vicieux dans leur pratique. Il est plus facile d'imiter les défauts des hommes que leurs perfections. Par exemple, on reproche au Guide d'avoir fait ses têtes trop plates. Ses têtes manquent souvent de rondeur, parce que leurs parties ne se détachent point & ne s'élevent pas assez l'une sur l'autre. Il suffit donc, pour lui ressembler en cela, de se négliger & de ne point se donner la peine de pratiquer ce que l'art enseigne à faire pour donner de la rondeur à ses têtes [...].

Quotation

Les compositions allégoriques que nous avons nommées des compositions mixtes, sont d'un plus grand usage que les compositions purement allégoriques. Quoique leur action soit feinte, ainsi que celle des compositions purement allégoriques, néanmoins comme une partie de leurs personnages se trouvent être des personnages historiques, on peut mettre le sens de ces fictions à la portée de tout le monde, & les rendre ainsi capables de nous instruire, de nous attacher & même  de nous intéresser. 
Les Peintres tirent de grands secours de ces compositions allégoriques de la seconde espèce, ou pour exprimer beaucoup de choses qu'ils ne pourroient pas faire entendre dans une composition historique, ou pour représenter en un seul tableau plusieurs actions dont il semble que chacun demandât une toile séparée. La galerie du Luxembourg & celle de Versailles en font foi. Rubens & Le Brun ont trouvé moïen d'y représenter par le moïen de ces fictions mixtes, des choses qu'on ne concevoit pas pouvoir être renduës avec des couleurs. Il y font voir en un seul tableau des évenements qu'un Historien ne pourroit narrer qu'en plusieurs pages. […]

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II [ndr : Rubens] a fait voir par cette figure qu'il fçavoit finir quand il vouloit, & quand il le jugeoit nécessaire : Et par ses autres tableaux que cette grande exactitude estoit inutile, puis qu'ils font tout l'effet qu'on en doit attendre. Mais outre que cette manière de peindre les choses si nettement & avec tant de patience ne convient guéres au tempérament actif de Rubens, ny a son Génie tout de feu, c'est qu'il n'a pas trouvé à propos de se servir de cette conduite dans la pluspart de ses Ouvrages, & en voicy deux raisons que l'on y découvre. La première, que tous les tableaux ne sont point faits pour estre veus de prés, ny pour estre tenus à la main, il suffit qu'ils fassent leur effet du lieu d'où on les regarde ordinairement, si ce n'est que les Connoisseurs aprés les avoir veus d'une distance raisonnable veüillent s'en approcher ensuite pour en voir l'artifice. Car il n'y a point de tableau, qui ne doive avoir son point de distance d'où il doit estre regardé : & il est certain qu'il perdra d'autant plus de sa beauté, que celuy qui le voit sortira de ce point, pour s'en approcher ou pour s'en éloigner. Cela estant, je trouve que c'est une perte de temps, pour ne pas dire un manque d'intelligence, que de faire un travail inutile & qui se perd dans la distance, convenable. Et au contraire il y a beaucoup d'Art & de science en faisant tout ce qui est nécessaire, de ne faire que ce qui est nécessaire.

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Ainsi pour loüer les tableaux, qui n'estant que peu travaillez font parfaitement leur effet dans leur distance; ce n'est pas à dire qu'on doive blasmer les Peintres qui ont fini de grands tableaux, comme s'ils devoient estre veus de prés, on peut ignorer les raisons qu'ils ont euës d'en user de la sorte : Pourveu que le Peintre ait la discretion de ne point salir les couleurs à force de les méler ensemble, ou pour parler comme parlent les Peintres, de les tourmenter, & que le Tableau conserve de loin beaucoup de force & de fraischeur, on ne doit luy rien reprocher. La seconde raison est, que pour bien finir il faut lier plusieurs teintes de couleurs différentes, en les peignant & les mêlant ensemble, & que ce mélange diminuë beaucoup de la vivacité & de l'éclat des couleurs, principalement quand le tableau est un peu éloigné, en sorte que ce qui semble de prés estre frais & terminé, se ternit dans une distance raisonnable. La démonstration en est facile à faire. Prenez les couleurs les plus belles, comme un beau rouge, un beau jaune, un beau bleu, un beau verd, & les mettez separément les unes auprès des autres, il est certain qu'elles conserveront leur éclat & leur force en particulier & toutes ensemble : que si vous les mélez vous n'en ferez qu'une couleur de terre. C'est ce qui a fait que Rubens s'est dispensé autant qu'il a pu de noyer ses couleurs, & comme on dit ordinairement, de les tourmenter, se contentant de les mettre en leur place & de ne les méler qu'à proportion de la distance du Tableau, car c'est d'elle de qui il attendoit en cela un fort grand service.

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Traveller.
           
There is a thing which the Italians call Morbidezza ; The meaning of which word, is to Express the Softness, and tender Liveliness of Flesh and Blood, so as the Eye may almost invite the Hand to touch and feel it, as if it were Alive ; and this is the hardest thing to Compass in the whole Art of Painting. And ‘tis in this particular, that Titian, Corregio, and amongst the more Modern, Rubens, and Vandike, do Excel.
                       
Friend.
            I have heard, that in some Pictures of Raphael, the very Gloss of Damask, and the Softness of Velvet, with the Lustre of Gold, are so Expressed, that you would take them to be Real, and not Painted : Is not that as hard to do, as to imitate Flesh ?
                        Traveller.
            No : Because those things are but the stil Life, whereas there is a Spirit in Flesh and Blood, which is hard to Represent. But a good Painter must know how to do those Things you mention, and many more : As for Example, He must know how to Imitate the Darkness of Night, the Brightness of Day, the Shining and Glittering of Armour ; the Greenness of Trees, the Dryness of Rocks. In a word, All Fruits, Flowers, Animals, Buildings, so as that they all appear
Natural and Pleasing to the Eye.

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De toutes les parties de la Peinture, celle qui a le plus contribué à l'effet & au brillant de ses Ouvrages a este la disposition des objets : car les lumières & les couleurs ne serviroient pas de beaucoup si les corps nettoient placez & disposez pour les recevoir avantageusement & cette disposition ne se trouve pas seulement dans les objets particuliers, mais encore dans les groupes & dans le tout-ensemble de l'Ouvrage. II paroist visiblement que l'oeconomie que Rubens a gardée en cette partie, va à éviter la dissipation des yeux, & à les fixer agréablement par la liaison des corps & par l'opposition des masses. Cette liaison se fait de deux façons ; la première par manière de fond, & la seconde par manière de groupe.

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382. [Que vos Couleurs soient vives, sans pourtant donner, comme on dit, dans la farine.] Donner dans la farine c’est une façon de parler parmy les Peintres, qui exprime parfaitement ce qu’elle veut dire, qui n’est autre chose que de peindre avec Couleurs claires & fades tout ensemble, lesquelles ne donnent non plus de vie aux Figures, que si effectivement elles estoient frottées de farine. Ceux qui font leurs Carnations fort blanches & leurs Ombres grises ou verdastres, tombent dans cette inconvenient. Les Couleurs rousses dans les Ombres des chairs les plus delicates, contribuent merveilleusement à les rendre vives, brillantes & naturelles : mais il en faut user avec la mesme prudence dont le Titien, Paul Ver. Rubens & Vandeik se sont servis.
Pour conserver les Couleurs fraisches, il faut peindre en mettant toûjours des Couleurs, & non pas en frottant apres les avoir couchées sur la toile ; & s’il se pouvoit mesme faire qu’on les mist justement dans leurs places, & que l’on n’y touchast point quand on les y a une fois placées, il seroit encore mieux ; parce que la fraischeur des Couleurs se ternit & se perd à force de les tourmenter en peignant.
Tous ceux qui ont bien colorié, avoient encore une autre Maxime pour maintenir les Couleurs fraisches, vives & fleuries ; c'estoit de se servir de Fonds blancs, sur lesquels ils peignoient, & souvent mesme au premier coup, sans rien retoucher, & sans y employer de nouvelles Couleurs. Rubens s'en servoit toûjours ; & j'ay veu des Tableaux de la main de ce grand Homme faits au premier coup, qui avoient une vivacité merveilleuse. La raison que ces excellens Coloristes avoient de se servir de ces sortes de Fonds, est que le Blanc conserve toûjours un éclat sous le transparant des Couleurs, lesquelles empeschent que l'air n'altere la blancheur du Fonds, de méme que cette blancheur repare le dommage qu'elles reçoivent de l'air ; de maniere que le Fonds & les Couleurs se prestent un mutuel secours, & se conservent l'un l'autre. C'est par cette raison que les Couleurs glacées ont une vivacité qui ne peut jamais estre imitée par les Couleurs les plus vives & les plus brillantes, dont à la maniere ordinaire & commune on couche simplement les differentes teintes, chacune dans leur place les unes apres les autres : tant il est vray que le Blanc avec les autres Couleurs fieres, dont on peint d'abord ce que l'on veut glacer, en sont comme la vie & l'éclat. Les Anciens ont asseurement trouvé que les Fonds blancs estoient beaucoup meilleurs que les autres : puisque nonobstant l'incommodité que leurs yeux recevoient de cette Couleur, ils ne laissoient pas de s'en servir, […] Je ne sçay d'où vient que l'on ne s'en sert pas aujourd'huy, si ce n'est qu'il y a peu de Peintres curieux de bien colorier, ou que l'ébauche commencée sur le Blanc ne se montre pas assez viste, & qu'il faut avoir une patience plus que Françoise, pour attendre qu'elle soit achevée, & que le Fond qui ternit par sa Blancheur l'éclat des autres Couleurs, soit entierement couvert, pour faire paroistre agreablement tout l'Ouvrage.

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Ainsi pour loüer les tableaux, qui n'estant que peu travaillez font parfaitement leur effet dans leur distance; ce n'est pas à dire qu'on doive blasmer les Peintres qui ont fini de grands tableaux, comme s'ils devoient estre veus de prés, on peut ignorer les raisons qu'ils ont euës d'en user de la sorte : Pourveu que le Peintre ait la discretion de ne point salir les couleurs à force de les méler ensemble, ou pour parler comme parlent les Peintres, de les tourmenter, & que le Tableau conserve de loin beaucoup de force & de fraischeur, on ne doit luy rien reprocher. La seconde raison est, que pour bien finir il faut lier plusieurs teintes de couleurs différentes, en les peignant & les mêlant ensemble, & que ce mélange diminuë beaucoup de la vivacité & de l'éclat des couleurs, principalement quand le tableau est un peu éloigné, en sorte que ce qui semble de prés estre frais & terminé, se ternit dans une distance raisonnable. La démonstration en est facile à faire. Prenez les couleurs les plus belles, comme un beau rouge, un beau jaune, un beau bleu, un beau verd, & les mettez separément les unes auprès des autres, il est certain qu'elles conserveront leur éclat & leur force en particulier & toutes ensemble : que si vous les mélez vous n'en ferez qu'une couleur de terre. C'est ce qui a fait que Rubens s'est dispensé autant qu'il a pu de noyer ses couleurs, & comme on dit ordinairement, de les tourmenter, se contentant de les mettre en leur place & de ne les méler qu'à proportion de la distance du Tableau, car c'est d'elle de qui il attendoit en cela un fort grand service.

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Ainsi pour loüer les tableaux, qui n'estant que peu travaillez font parfaitement leur effet dans leur distance; ce n'est pas à dire qu'on doive blasmer les Peintres qui ont fini de grands tableaux, comme s'ils devoient estre veus de prés, on peut ignorer les raisons qu'ils ont euës d'en user de la sorte : Pourveu que le Peintre ait la discretion de ne point salir les couleurs à force de les méler ensemble, ou pour parler comme parlent les Peintres, de les tourmenter, & que le Tableau conserve de loin beaucoup de force & de fraischeur, on ne doit luy rien reprocher. La seconde raison est, que pour bien finir il faut lier plusieurs teintes de couleurs différentes, en les peignant & les mêlant ensemble, & que ce mélange diminuë beaucoup de la vivacité & de l'éclat des couleurs, principalement quand le tableau est un peu éloigné, en sorte que ce qui semble de prés estre frais & terminé, se ternit dans une distance raisonnable. La démonstration en est facile à faire. Prenez les couleurs les plus belles, comme un beau rouge, un beau jaune, un beau bleu, un beau verd, & les mettez separément les unes auprès des autres, il est certain qu'elles conserveront leur éclat & leur force en particulier & toutes ensemble : que si vous les mélez vous n'en ferez qu'une couleur de terre. C'est ce qui a fait que Rubens s'est dispensé autant qu'il a pu de noyer ses couleurs, & comme on dit ordinairement, de les tourmenter, se contentant de les mettre en leur place & de ne les méler qu'à proportion de la distance du Tableau, car c'est d'elle de qui il attendoit en cela un fort grand service.

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382. [Que vos Couleurs soient vives, sans pourtant donner, comme on dit, dans la farine.] Donner dans la farine c’est une façon de parler parmy les Peintres, qui exprime parfaitement ce qu’elle veut dire, qui n’est autre chose que de peindre avec Couleurs claires & fades tout ensemble, lesquelles ne donnent non plus de vie aux Figures, que si effectivement elles estoient frottées de farine. Ceux qui font leurs Carnations fort blanches & leurs Ombres grises ou verdastres, tombent dans cette inconvenient. Les Couleurs rousses dans les Ombres des chairs les plus delicates, contribuent merveilleusement à les rendre vives, brillantes & naturelles : mais il en faut user avec la mesme prudence dont le Titien, Paul Ver. Rubens & Vandeik se sont servis.
Pour conserver les Couleurs fraisches, il faut peindre en mettant toûjours des Couleurs, & non pas en frottant apres les avoir couchées sur la toile ; & s’il se pouvoit mesme faire qu’on les mist justement dans leurs places, & que l’on n’y touchast point quand on les y a une fois placées, il seroit encore mieux ; parce que la fraischeur des Couleurs se ternit & se perd à force de les tourmenter en peignant.
Tous ceux qui ont bien colorié, avoient encore une autre Maxime pour maintenir les Couleurs fraisches, vives & fleuries ; c'estoit de se servir de Fonds blancs, sur lesquels ils peignoient, & souvent mesme au premier coup, sans rien retoucher, & sans y employer de nouvelles Couleurs. Rubens s'en servoit toûjours ; & j'ay veu des Tableaux de la main de ce grand Homme faits au premier coup, qui avoient une vivacité merveilleuse. La raison que ces excellens Coloristes avoient de se servir de ces sortes de Fonds, est que le Blanc conserve toûjours un éclat sous le transparant des Couleurs, lesquelles empeschent que l'air n'altere la blancheur du Fonds, de méme que cette blancheur repare le dommage qu'elles reçoivent de l'air ; de maniere que le Fonds & les Couleurs se prestent un mutuel secours, & se conservent l'un l'autre. C'est par cette raison que les Couleurs glacées ont une vivacité qui ne peut jamais estre imitée par les Couleurs les plus vives & les plus brillantes, dont à la maniere ordinaire & commune on couche simplement les differentes teintes, chacune dans leur place les unes apres les autres : tant il est vray que le Blanc avec les autres Couleurs fieres, dont on peint d'abord ce que l'on veut glacer, en sont comme la vie & l'éclat. Les Anciens ont asseurement trouvé que les Fonds blancs estoient beaucoup meilleurs que les autres : puisque nonobstant l'incommodité que leurs yeux recevoient de cette Couleur, ils ne laissoient pas de s'en servir, […] Je ne sçay d'où vient que l'on ne s'en sert pas aujourd'huy, si ce n'est qu'il y a peu de Peintres curieux de bien colorier, ou que l'ébauche commencée sur le Blanc ne se montre pas assez viste, & qu'il faut avoir une patience plus que Françoise, pour attendre qu'elle soit achevée, & que le Fond qui ternit par sa Blancheur l'éclat des autres Couleurs, soit entierement couvert, pour faire paroistre agreablement tout l'Ouvrage.

Quotation

Le premier soin que demande le coloris d’un jeune Etudiant est de commencer par copier ce qu’il trouvera de mieux colorié, de plus frais, & de plus librement peint entre les ouvrages des grands Maîtres, parmi lesquels Titien, Rubens, & Vandeik tiennent les premiers rangs, pour les premiers commencemens : je croirois qu’on tireroit plus d’utilité en copiant Vandeik à cause qu’en y apprenant le bon coloris on y trouve encore la liberté du pinceau.

Quotation

T: […] Maar zeg eens wat is Konst, en waar in bestaat uw oeffening?
S: Alles dat my voor komt te Schilderen, wat vraagen is dat?
T: Uyt de Geest ook?
S: Wat uyt de geest, wisje wasje, neen het Leeven, de Naarbootsinge der algemeene Natuur is myn Studie.
T: Hebt gy wel naar Playster leeren Teekenen?
S: Drie jaar heb ik geteekend, maar ‘k weet van geen playster, heb ook by myn patroon niets daar van gezien, maar na fraaje printen van Blommert, Berchem, Breugel, Rubens, en andere braave Konstenaars.
T: Naar Raphael, Karats, en Pousyn ook?
S: ‘k Geloof van ja, ik heb’er zoo naauw niet opgelet. Maar wel na Teekeningen van myn Meester.
T: Hebt gy meede op ’t Kollegie naar het Naakt Model geteekent?
S: Neen.
T: Wat meent gy dan met het Leeven te Schilderen?
S: Na Leevendige menschen, Man, Vrou, Kind, Schaapen, Ossen, Koeyen, Stoelen, Kassen; ja alles dat te pas komt.

Quotation

Je me représente la Peinture comme un long pèlerinage, ou comme un lieu fort éloigné, & pour y arriver le Peintre se doit servir de son Génie comme d'une monture. II est vray, interrompit Damon, que pour faire un long voyage il faut estre bien monté, & qui n'a qu'une rosse est souvent contraint de demeurer en chemin, mais aussi un cheval trop fringant est toujours à craindre. [...] On va viste quand on est bien monté, dit Damon, & quelques-uns de ceux que vous me nommez [ndr : Jules Romain, Paul Veronese, Tintoret, & Rubens] ont souvent exécuté leurs pensées trop légèrement. Ce Genie de feu, cette rapidité de veine, & cette facilité d'inventer les choses, ne permettent pas ordinairement de les achever.

Quotation

En effet, repartit Damon, ce qui me surprend davantage & que je n'ay jamais veu dans les ouvrages d'aucun Peintre, est la diversité de manière que l'on remarque aux Tableaux qui sont en ce cabinet car il semble qu'apres en avoir fait un dans un goust, il [ndr : Rubens] ait changé de génie & pris un autre esprit, pour en faire un autre dans un autre goust. C'est que les autres Peintres, die Philarque, travaillent beaucoup plus de la main que de l'esprit, & que le caractère de l'esprit n'est pas si sensible ny si facile à reconnoitre que celuy de la main. Or comme Rubens n'avoit presque point de faço[n] particulière de manier le pinceau, ny d'habitude d'employer toujours les mesmes teintes & les mesmes couleurs, &qu'il entroit tout entier dans les sujets qu'il avoit à traiter, il se transformoit en autant de caracteres & se faisoit à un nouveau sujet un nouvel homme ; Ainsi ne vous estonnez pas de la diversité qui paroist dans les tableaux que vous voyez.

Quotation

La mécanique de la Peinture est très-pénible, mais elle n'est pas rebutante pour ceux qui sont nez avec le génie de l'art. Ils sont soutenus contre le dégoût par l'attrait d'une profession à laquelle ils se sentent propres, & par le progrès sensible qu'ils font dans leurs études. Les Eleves trouvent encore partout des Maîtres qui leur abregent le chemin. Que ces Maîtres soient de grands hommes ou des ouvriers médiocres, il n'importe, l'Eleve qui aura du génie, profitera toujours de leurs enseignements. Il lui suffit que ces Maîtres lui puissent enseigner une pratique, qu'on ne sçauroit ignorer, quand on a professé cet art durant dix ou douze années. Un Eleve qui a du génie, apprend à bien faire, en voïant son Maître faire mal. La force du génie change en bonne nourriture les préceptes les plus mal digerez. Ce qu'un homme né avec du génie, fait de mieux, est ce que personne ne lui a montré à faire. […]

Quotation

Tout devient palettes & pinceaux entre les mains d'un enfant doüé du génie de la Peinture. Ils fait connoître aux autres pour ce qu'il est, quand lui-même ne le sçait pas encore. Les Annalistes de la Peinture rapportent une infinité de faits qui confirment ce que j'avance. La plûpart des grands Peintres ne sont pas nez dans les atteliers. Très-peu sont des fils de Peintres, qui, suivant l'usage ordinaire, auroient été élevez dans la profession de leurs peres. Parmi les Artisans illustres qui font tant d'honneur aux deux derniers siècles, le seul Raphaël, autant qu'il m'en souvient, fut le fils d'un Peintre. Le pere du Georgeon & celui du Titien, ne manierent jamais ni pinceaux ni cizeaux, Leonard De Vinci, & Paul Veronése, n'eurent point de Peintres pour peres. Les parens de Michel-Ange vivoient, comme on dit, noblement, c'est-à-dire, sans exercer aucune profession lucrative. André Del Sarte étoit fils d'un Tailleur, & Le Tintoret d'un Tinturier. Le pere des Caraches, n'étoit pas d'une profession où l'on manie le craïon. Michel-Ange De Caravage étoit fils d'un Masson, & Le Correge fils d'un Laboureur. Le Guide étoit fils d'un Musicien, Le Dominiquin d'un Cordonnier, & L'Albane d'un Marchand de Soïe. Lanfranc étoit un enfant trouvé, à qui son génie enseigna la peinture, à peu près comme le génie de M Pascal lui enseigna les Mathématiques. Le pere de Rubens, qui étoit dans la Magistrature d'Anvers, n'avoit ni attelier ni boutique dans sa maison. Le pere de Vandick n'étoit ni Peintre ni Sculpteur. Du Fresnoy, dont nous avons un poëme sur la Peinture, qui a mérité d'être traduit & commenté par M. De Piles, & dont nous avons aussi des tableaux au-dessus du médiocre, avoit étudié pour être Médecin. Les peres des quatre meilleurs Peintres François du dernier siècle, Le Valentin, Le Sueur, Le Poussin & Le Brun, n'étoient pas des peintres. C'est le génie de ces grands hommes qui les a été chercher, pour ainsi dire, dans la maison de leurs parens, afin de les conduire sur le Parnasse. Les Peintres montent sur le Parnasse, aussi-bien que les Poëtes.

Quotation

Comme les Peintres parlent tous, pour ainsi dire, la même langue, ils ne peuvent pas emploïer les traits célebres, dont un autre Peintre s'est déjà servi, lorsque les ouvrages de ce Peintre subsistent encore. Le Poussin a pû se servir de l'idée du Peintre Grec qui avoit présenté Agamemnon la tête voilée au sacrifice d'Iphigénie, pour mieux donner à comprendre à l'excès de la douleur du pere de la victime. Le Poussin a pû se servir de ce trait pour exprimer la même chose, en réprésentant Agrippine qui se cache le visage avec les mains dans le tableau de la mort de Germanicus. Le tableau du Peintre grec ne subsistoit plus, quand le peintre François fit le sien. Mais le Poussin auroit été blâmé d'avoir volé ce trait, s'il se fût trouvé dans un tableau, ou de Raphaël, ou de Carrache.
Comme il n'y a point de mérite à dérober une tête à Raphaël ou une figure au Dominiquin ; comme le larcin se fait sans grand travail, il est défendu sous peine du mépris public. Mais comme il faut du talent et du travail pour animer le marbre d'une figure antique, & pour faire d'une statue un personnage vivant, & qui concourre à une action avec d'autres personnages, on est loué de l'avoir fait. […] 
Il y a bien de la difference entre emporter d'une gallerie l'art du peintre, entre se rendre propre la maniere d'operer de l'Artisan qu'on vient d'admirer, & remporter dans son portefeüille une partie de ses figures. Un homme sans génie n'est point capable de convertir en sa propre substance, comme le fit Raphaël, ce qu'on y remarque de grand & de singulier. Sans saisir les principes géneraux, il se contente de copier ce qu'il a dessous les yeux. Il emportera donc une des figures, mais il n'apprendra point à traiter dans le même goût une figure qui seroit de son invention. L'homme de génie devine comment l'ouvrier a fait. Il le voit travailler, pour ainsi dire, en regardant son ouvrage & saisissant sa maniere, c'est dans l'imagination qu'il remporte son butin.
 

Quotation

Son genie [ndr : Rubens] ne luy permettant point de reformer ce qu’il avoit produit, ainsi emporté par la rapidité de son naturel vif & impetueux, il ne pensoit pas à donner à ses figures, ny de beaux airs de teste, ny de la grace dans les contours qui se trouvent souvent alterez par sa maniére peu étudiée. On voit que la plupart de ses visages semblent estre tous formez sur une mesme idée qui ne les rend pas assez différens les uns des autres, & moins encore agreables & beaux, mais plûtost des visages ordinaires & communs, de mesme que les proportions des corps qui s’éloignent fort de celles des antiques. Les vestemens ne sont point faits avec un beau choix ; les plis n’en sont ny bien jettez, ny bien entendus, ny bien corrects. Cette grande liberté qu’il avoit à peindre, fait voir en plusieurs de ses tableaux plus de pratique de pinceau, que de correction dans les choses où la Nature doit estre exactement représentée ; non seulement dans son dessein, mais aussi dans son coloris, où les teintes des carnations paroissent souvent si fortes & si séparées les unes des autres, qu’elles semblent des taches ; & dans les reflais des lumiéres qui rendent les corps comme dipahane & transparens.

Quotation

If in a Picture the Story be well chosen, and finely Told (at least) if not Improv’d, if it fill the Mind with Noble, and Instructive Ideas, I will not scruple to say ‘tis an excellent Picture, tho’ the Drawing be as Incorrect as that of Corregio, Titian, or Rubens ; the Colouring as Disagreeable as that of Polidore, Battista Franco, or Michael Angelo. Nay, tho’ there is no other Good but that of the Colouring, and the Pencil, I will dare to pronouce it a Good Picture ; that is, that ‘tis Good in those Respects. In the first Instance here is a fine Story artfully communicated to my Imagination, not by Speech, nor Writing, but in a manner preferable to either of them ; In the other there is a Beautiful, and Delightful Object, and a fine piece of Workmanship, to say no more of it.
There never was a Picture in the World without some Faults, And very rarely is there one to be found which is not notoriously Defective in some of the Parts of Painting. In judging of it’s Goodness as a Connoisseur, one should pronounce it such in proportion to the Number of the Good Qualities it has, and their Degrees of Goodness.

Quotation

Of the Goodness of a Picture, &c.
WHerefore callest thou me Good, there is none Good but One, that is God ?
Said the Son of God to the young Man who prefac’d a Noble Question with that Complement. This is that Goodness that is Perfect, Simple, and Properly so call’d, ‘tis what is Peculiar to the Deity, and so to be found no where else. But there is another Improper, Imperfect, Comparative Goodness, and no other than this is to be had in the Works of Men, and this admits of various Degrees. This Distinction well consider’d, and apply’d to all the Occurrences of Life would contribute very much to the Improvement of our Happiness here ; it would teach us to Enjoy the Good before us, and not reject it upon account of the disagreeable Companion which is inseperable from it ; But the use I now would make of it is only to show that a Picture, Drawing, or Print may be Good tho’ it has several Faults ; To say otherwise is as absurd as to deny a thing is what ‘tis said to be, because it has properties which are Essential to it.
[…].
If in a Picture the Story be well chosen, and finely Told (at least) if not Improv’d, if it fill the Mind with Noble, and Instructive Ideas, I will not scruple to say ‘tis an excellent Picture, tho’ the Drawing be as Incorrect as that of Corregio, Titian, or Rubens ; the Colouring as Disagreeable as that of Polidore, Battista Franco, or Michael Angelo. Nay, tho’ there is no other Good but that of the Colouring, and the Pencil, I will dare to pronouce it a Good Picture ; that is, that ‘tis Good in those Respects. In the first Instance here is a fine Story artfully communicated to my Imagination, not by Speech, nor Writing, but in a manner preferable to either of them ; In the other there is a Beautiful, and Delightful Object, and a fine piece of Workmanship, to say no more of it.
There never was a Picture in the World without some Faults, And very rarely is there one to be found which is not notoriously Defective in some of the Parts of Painting. In judging of it’s Goodness as a Connoisseur, one should pronounce it such in proportion to the Number of the Good Qualities it has, and their Degrees of Goodness.

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En effet, repartit Damon, ce qui me surprend davantage & que je n'ay jamais veu dans les ouvrages d'aucun Peintre, est la diversité de manière que l'on remarque aux Tableaux qui sont en ce cabinet car il semble qu'apres en avoir fait un dans un goust, il [ndr : Rubens] ait changé de génie & pris un autre esprit, pour en faire un autre dans un autre goust. C'est que les autres Peintres, die Philarque, travaillent beaucoup plus de la main que de l'esprit, & que le caractère de l'esprit n'est pas si sensible ny si facile à reconnoitre que celuy de la main. Or comme Rubens n'avoit presque point de faço[n] particulière de manier le pinceau, ny d'habitude d'employer toujours les mesmes teintes & les mesmes couleurs, &qu'il entroit tout entier dans les sujets qu'il avoit à traiter, il se transformoit en autant de caracteres & se faisoit à un nouveau sujet un nouvel homme ; Ainsi ne vous estonnez pas de la diversité qui paroist dans les tableaux que vous voyez.

Quotation

282. [Que vous fassiez paroistre les Corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, &c.] C’est à dire proprement, qu’apres de grands Clairs il faut de grandes Ombres, qu’on appelle des Repos ; parce que effectivement la veuë seroit fatiguée, si elle estoit attirée par une continuité d’objets petillans. Les Clairs peuvent servir de repos aux Bruns, comme les Bruns en servent aux Clairs. […]
Ces Repos se font de deux manieres, dont l’une est Naturelle, & l’autre Artificielle : La Naturelle se fait par une étenduë de Clairs ou d’Ombres, qui suivent naturellement & necessairement les Corps solides, ou les Masses de plusieurs Figures agrouppées lors que le jour vient à frapper dessus : Et l’Artificielle consiste dans les Corps des Couleurs que le Peintre donne à de certaines choses telles qu’il luy plaist, & les compose de telle sorte, qu’elles ne fassent point de tort aux Objets qui sont auprés d’elles. Une Draperie par exemple que l’on aura fait jaune ou rouge en certain endroit, pourra estre dans un autre de Couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l’effet que l’on demande. L’on doit prendre occasion autant qu’il est possible de se servir de la premiere Maniere, & de trouver les Repos dont nous parlons par le Clair ou par l’Ombre, qui accompagnent naturellement les Corps solides […] 
Ainsi le Peintre qui a de l'intelligence prendra ses avantages de l'une & de l'autre Maniere ; & s'il fait un Dessein qui doive estre gravé, il se souviendra que les Graveurs ne disposent pas des Couleurs, comme font les Peintres, & que par consequent il doit prendre occasion de trouver les Repos de son Dessein dans les Ombres naturelles des Figures, qu'il aura disposées à cet effet. Rubens en donne une parfaite connoissance dans les Estampes qu'il a fait graver ; & je ne croy pas que l'on puisse rien voir de plus beau en ce genre : Toute l'intelligence des Grouppes, du Clair-Obscur & de ces Masses que le Titien appelloit
la Grappe de Raisin, y est si nettement exposée, que la veüe de ces Estampes & l'attention que l'on y apporterait contribueraient beaucoup à faire un Habile-homme. […]
Ce n'est pas que les Graveurs ne puissent & ne doivent imiter les Corps des Couleurs par les degrez du Clair-Obscur, autant qu'ils jugeront que cela doit produire un bel effet ; au contraire il est à mon avis, impossible de donner beaucoup de force à tout ce que l'on gravera d'après les Ouvrages de l'Ecole de Venise, & de tous ceux qui ont eu l'intelligence des Couleurs & du Contraste du Clair-Obscur, sans imiter en quelque façon la Couleur des Objets selon le rapport qu'elle a aux degrez du Blanc & du Noir. […]

Quotation

329. [La Grappe de Raisin.] Il est assez évident que le Titien par cette comparaison aussi judicieuse que familiere, a pretendu dire que l’on doit ramasser les Objets & les disposer de telle sorte, qu’ils composent un Tout, dont plusieurs Parties contiguës puissent estre éclairées, plusieurs ombrées, & d’autres de Couleurs rompuës, pour estre dans les Tournans ; de mesme que dans une Grappe de Raisin, plusieurs grains qui en font les parties, se trouvent dans le jour, plusieurs dans l’ombre, & d’autres dans la demie teinte, pour estre dans les Parties fuyantes. Le Tintoret dit un jour à Rubens, qu’il avoit oüi dire au Titien, Que dans tous ses plus grands Ouvrages, la Grappe de Raisin estoit son meilleur guide & sa principale Regle.

Quotation

De toutes les parties de la Peinture, celle qui a le plus contribué à l'effet & au brillant de ses Ouvrages a este la disposition des objets : car les lumières & les couleurs ne serviroient pas de beaucoup si les corps nettoient placez & disposez pour les recevoir avantageusement & cette disposition ne se trouve pas seulement dans les objets particuliers, mais encore dans les groupes & dans le tout-ensemble de l'Ouvrage. II paroist visiblement que l'oeconomie que Rubens a gardée en cette partie, va à éviter la dissipation des yeux, & à les fixer agréablement par la liaison des corps & par l'opposition des masses. Cette liaison se fait de deux façons ; la première par manière de fond, & la seconde par manière de groupe.

Quotation

Or comme la veuë ne peut se porter sur quantité d'objets à la fois, Rubens a eu pour maxime de faire voir dans ses tableaux où il y a quantité de figures, trois groupes principaux qui dominent fur tout l'Ouvrage ; & comme un seul objet fatigue encore moins les yeux que trois, il a fait en sorte que les groupes des costez le cèdent à celuy du milieu qui estant de couleurs plus fortes & plus brillantes, attire l'oeil au centre de la composition comme si elle n'estoit qu'un seul &. unique objet. Cela se voit merveilleusement bien dans les Innocens, le ravissement des Sabines & les Païsages.

Quotation

Le Clair-obscur regarde les objets particuliers, les Groupes de & le Tout-ensemble. Rubens avoit pour maxime dans les objets particuliers exposez sous une lumiere ordinaire, d'éclairer d'autant plus les endroits relevez, qu'ils avoient de saillie, & la pluspart des figures qui sont en ces Tableaux ne font le bel effet que vous voyez, que parce que le Peintre les a traitez dans ce principe.

Quotation

Je vous ay déja parlé des groupes, & comme Rubens en ramassoit toutes les lumières ensemble d'un costé , & toutes les ombres d'un autre, il ne reste plus en vous parlant de la manière dont il les éclairoit , qu'à vous dire qu'il les traitoit comme il auroit fait un seul & unique objet, & que dans cette veuë il éclairoit les parties du groupe les plus proches des yeux davantage que les autres, & qu'il les accompagnoit des ombres les plus obscures, supposant que la partie ombrée reçeut des reflets qui luy donnoient occasion de mettre toujours sombre la plus forte au milieu de la masse. Le Tableau de la Chasse aux lions fait parfaitement bien voir cette oeconomie ; elle ne fait qu'un groupe, dont le cheval blanc & la draperie claire du Chasseur qui tombe à la renverse font les lumières, lesquelles sont accompagnées d'ombres d'autant plus forts qu'elles sont au milieu de la masse. II semble en effet, dit Leonidas, qu'il ait par tout observé cette conduite de placer son plus grand brun au milieu des groupes & du Tout-ensemble.

Quotation

282. [Que vous fassiez paroistre les Corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, &c.] C’est à dire proprement, qu’apres de grands Clairs il faut de grandes Ombres, qu’on appelle des Repos ; parce que effectivement la veuë seroit fatiguée, si elle estoit attirée par une continuité d’objets petillans. Les Clairs peuvent servir de repos aux Bruns, comme les Bruns en servent aux Clairs. […]
Ces Repos se font de deux manieres, dont l’une est Naturelle, & l’autre Artificielle : La Naturelle se fait par une étenduë de Clairs ou d’Ombres, qui suivent naturellement & necessairement les Corps solides, ou les Masses de plusieurs Figures agrouppées lors que le jour vient à frapper dessus : Et l’Artificielle consiste dans les Corps des Couleurs que le Peintre donne à de certaines choses telles qu’il luy plaist, & les compose de telle sorte, qu’elles ne fassent point de tort aux Objets qui sont auprés d’elles. Une Draperie par exemple que l’on aura fait jaune ou rouge en certain endroit, pourra estre dans un autre de Couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l’effet que l’on demande. L’on doit prendre occasion autant qu’il est possible de se servir de la premiere Maniere, & de trouver les Repos dont nous parlons par le Clair ou par l’Ombre, qui accompagnent naturellement les Corps solides […] 
Ainsi le Peintre qui a de l'intelligence prendra ses avantages de l'une & de l'autre Maniere ; & s'il fait un Dessein qui doive estre gravé, il se souviendra que les Graveurs ne disposent pas des Couleurs, comme font les Peintres, & que par consequent il doit prendre occasion de trouver les Repos de son Dessein dans les Ombres naturelles des Figures, qu'il aura disposées à cet effet. Rubens en donne une parfaite connoissance dans les Estampes qu'il a fait graver ; & je ne croy pas que l'on puisse rien voir de plus beau en ce genre : Toute l'intelligence des Grouppes, du Clair-Obscur & de ces Masses que le Titien appelloit
la Grappe de Raisin, y est si nettement exposée, que la veüe de ces Estampes & l'attention que l'on y apporterait contribueraient beaucoup à faire un Habile-homme. […]
Ce n'est pas que les Graveurs ne puissent & ne doivent imiter les Corps des Couleurs par les degrez du Clair-Obscur, autant qu'ils jugeront que cela doit produire un bel effet ; au contraire il est à mon avis, impossible de donner beaucoup de force à tout ce que l'on gravera d'après les Ouvrages de l'Ecole de Venise, & de tous ceux qui ont eu l'intelligence des Couleurs & du Contraste du Clair-Obscur, sans imiter en quelque façon la Couleur des Objets selon le rapport qu'elle a aux degrez du Blanc & du Noir. […]

Quotation

[...] Ledit Marc Antoine [ndr : Marc-Antonio Raimondi] a tesmoigné par ses Œuvres qu’il estait fort exact imitateur de ses [ndr : Raphaël]  Originaux, mais non pas de rechercher une grande liberté de burin, & beauté en l’ordre & arrangement des hacheures, fortifiement & affaiblissement d’icelles, suivant le pres & le loin à l’égard du Tableau ou section, ainsi au contraire tout y paroist d’une mesme force, qui est à dire comme si tout estoit en un mesme plan [...] [...] Chérubin Albert [ndr : Cherubino Alberti] a eu aussi bien que d’autres, plus de talent au dessein, qu’à la netteté & egalité des hacheures [...]. Augustin Carrache, estoit aussi extremement sçavant, & mesme avoit une tres belle conduite de hacheure [...] Le Villamene a eu à mon sens une grande egalité d’hacheures, liberté, franchise & netteté au maniment du burin, & grand agreément ; [...] [...] le digne Svanebourg [ndr : Swanenburg], dont plusieurs de ses Ouvrages me ravissent, par la grande netteté, tendresse & belle conduite des hachures qui s’y voyent, notamment en quelques Stampes qu’il a faites sur les Desseins de Bloemard et de Rubens.  [...]

Quotation

It must be consider’d they [ndr : les cartons de Raphaël] were made for Patterns for Tapistry, not profess’d Pictures, and painted, not in Oil, but in Distemper : If therefore one sees not the Warmth, and Mellowness, and Delicacy of Colouring which is to be found in Correggio, Titian, or Rubens, it may fairly be imputed in a great measure to these Causes. A Judicious Painter has other Considerations relating to the Colouring when he makes Patters for Tapistry to be heightned with Gold, and Silver, than when he paints a Picture without such View ; nor can a sort of Dryness, and Harshness be avoided in Distemper, upon Paper : Time moreover has apparently chang’d some of the Colours. In a word, the Tout-Ensemble of the Colours is Agreeable, and Noble ; and the Parts of it are in General Extreamly, but not Superlatively Good.

Quotation

DEwyl een stuk, dat suyver en schoon gekoloreerd is, onvermydelijk alle menssen moet behaagen, zo wel kenners der konst als onkundige, en die het tegendeel zyn, aan iders ooge walgen; [...]
Gelyk het helder licht de oorzaak is, waar door al de koleurige voorwerpen, zich suiver en schoon voor onze oogen opdoen; zo is ook onwederspreekelyk, dat hoe meêr het zelve door duisterheid besmet en verbrooken zy, hoe gezegde voorwerpen zich ook duysterder en minder schoon zullen vertoonen.
Veele doorluchtige meesters, hebben zich jammerlyk hier in vergreepen; onder de Brabanders,
Rubbens; in Holland, Rembrant, Lievens en veele anderen, die hun trant hebben nagevolgd: de eene willende het leeven al te schoon hebben, is tot een raauwe bontigheid, een ander om de murwheid te bekomen, tot de ryp en rottigheid vervallen; […]

Quotation

Ainsi bien loin de rien faire sans raison, il [ndr : Rubens] possedoit tellement ses règles, que sa main pour obeïr promptement à sa volonté, ne s'estoit faite aucune habitude dans le maniement du pinceau mais elle employoit la couleur, tantost d'une façon, & tantost d'une autre, toujours au gré des règles, & pour satisfaire à son imagination pleine d'un merveilleux discernement.

Quotation

Les Peintres sont Poëtes, mais leur Poësie ne consiste pas tant à inventer des chimeres ou des jeux d'esprit, qu'à bien imaginer quelles passions & quels sentimens l'on doit donner aux personnages suivant leur caractere & la situation où l'on les suppose, comme à trouver les expressions propres à rendre ces passions sensibles et à faire deviner ces sentimens. Je ne me souviens pas que Raphael ni le Poussin aïent jamais fait l'usage vicieux des personnages allégoriques que j'ose critiquer dans le tableau de Rubens.

Quotation

Si l’on travaille d’après des desseins originaux, ils doivent plutôt être gravés avec de grands jours & de grandes ombres, d’autant que quelque [p. 116 169] finis qu’ils puissent être, il n’y a jamais tant de détail que dans des Tableaux peints, qui requierent aussi beaucoup plus de soin & de travail à cause des différentes couleurs.
L’on m’objectera peut-être qu’il est impossible d’imiter les couleurs, vû que l’on n’a que du blanc & du noir. Mais quand je parle de les imiter, je ne prétens [sic] pas faire une distinction du vert au bleu, du jaune au rouge, & ainsi des autres couleurs, mais seulement en imiter les masses comme ont fait avec succès Wostermans, Bolswert, & quelques autres lorsqu’ils ont gravé d’après Rubens.

Quotation

If in a Picture the Story be well chosen, and finely Told (at least) if not Improv’d, if it fill the Mind with Noble, and Instructive Ideas, I will not scruple to say ‘tis an excellent Picture, tho’ the Drawing be as Incorrect as that of Corregio, Titian, or Rubens ; the Colouring as Disagreeable as that of Polidore, Battista Franco, or Michael Angelo. Nay, tho’ there is no other Good but that of the Colouring, and the Pencil, I will dare to pronouce it a Good Picture ; that is, that ‘tis Good in those Respects

Quotation

Timanthe est prisé d’avoir tousjours donné davantage à comprendre dans ses ouvrages, que son pinceau ne representoit, et fait en sorte que son esprit y paroissoit plus grand que l’industrie de sa main, bien qu’il l’eust tres-exquise. Ainsi pour faire concevoir la grandeur de son Cyclope dormant, & fait en petit volume, il mit des Satyres auprés de luy qui mesuroient son poulce avec une perche. Certes nous luy pouvons comparer pour ce regard le sçavant Rubens que nous venons de perdre, qui a tousjours joint l’invention à l’excellence de son art, & ce qu’il tenoit d’une profonde lecture à la beauté de son colorit.

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Timanthe est prisé d’avoir tousjours donné davantage à comprendre dans ses ouvrages, que son pinceau ne representoit, et fait en sorte que son esprit y paroissoit plus grand que l’industrie de sa main, bien qu’il l’eust tres-exquise. Ainsi pour faire concevoir la grandeur de son Cyclope dormant, & fait en petit volume, il mit des Satyres auprés de luy qui mesuroient son poulce avec une perche. Certes nous luy pouvons comparer pour ce regard le sçavant Rubens que nous venons de perdre, qui a tousjours joint l’invention à l’excellence de son art, & ce qu’il tenoit d’une profonde lecture à la beauté de son colorit. Les Galeries du Palais d’Orleans le tesmoigneront autant qu’elles dureront, avec le reste de ses pieces, ubi intelligitur plus semper quam pingitur ; et cum ars summa sit, ingenium tament ultra artem est Plin. ib.

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Les Peintres sont Poëtes, mais leur Poësie ne consiste pas tant à inventer des chimeres ou des jeux d'esprit, qu'à bien imaginer quelles passions & quels sentimens l'on doit donner aux personnages suivant leur caractere & la situation où l'on les suppose, comme à trouver les expressions propres à rendre ces passions sensibles et à faire deviner ces sentimens. Je ne me souviens pas que Raphael ni le Poussin aïent jamais fait l'usage vicieux des personnages allégoriques que j'ose critiquer dans le tableau de Rubens.

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Timanthe est prisé d’avoir tousjours donné davantage à comprendre dans ses ouvrages, que son pinceau ne representoit, et fait en sorte que son esprit y paroissoit plus grand que l’industrie de sa main, bien qu’il l’eust tres-exquise. Ainsi pour faire concevoir la grandeur de son Cyclope dormant, & fait en petit volume, il mit des Satyres auprés de luy qui mesuroient son poulce avec une perche. Certes nous luy pouvons comparer pour ce regard le sçavant Rubens que nous venons de perdre, qui a tousjours joint l’invention à l’excellence de son art, & ce qu’il tenoit d’une profonde lecture à la beauté de son colorit. Les Galeries du Palais d’Orleans le tesmoigneront autant qu’elles dureront, avec le reste de ses pieces, ubi intelligitur plus semper quam pingitur ; et cum ars summa sit, ingenium tament ultra artem est Plin. ib.

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Il ne serait pas moins téméraire de décider la question sur ce que nos tableaux ne sont point ces effets prodigieux que les tableaux des anciens peintres ont fait quelquefois ; suivant les apparences, les récits des Ecrivains qui nous racontent ces effets sont exagérez, & nous ne savons pas même ce qu'il en faudrait rabattre pour les réduire à l'exacte vérité. Nous ignorons quelle part de la nouveauté de l'art de la Peinture peut avoir euë dans l'impression qu'on veut que certains tableaux aïent fait sur les Spectateurs. Les premiers tableaux, quoique grossiers, ont dû paroître des ouvrages divins. L'admiration pour un art naissant, fait tomber aisément dans l'exagération ceux qui parlent de ses productions ; & et la tradition en recueillant ces récits outrez, aime encore les rendre plus merveilleux qu'elle ne les a reçus. On trouve même dans les Ecrivains anciens des choses impossibles données pour vraies, & des choses ordinaires traitées de prodiges. […]
Enfin on ne sçaurait donner une idée un peu précise des tableaux à ceux qui ne les ont pas vus absolument, & qui ne connaissent pas la manière du Peintre qui les a faits, que par voies de comparaison. […]
Les Ecrivains modernes qui ont traité de la peinture antique, nous rendent plus sçavans, sans nous rendre plus capables de juger la question de la supériorité des Peintres de l'antiquité sur les Peintres modernes. Ces Ecrivains se sont contentez de ramasser les passages des Auteurs anciens qui parlent de la peinture & de les commenter en Philologues, sans les expliquer par l'examen de ce que nos Peintres font de nos jours, & même sans appliquer ces passages aux morceaux de la peinture antique qui subsistent encore. Je pense donc que pour se former une idée aussi distincte de la peinture antique qu'il soit possible de l'avoir, il faut considérer séparément ce que nous pouvons sçavoir de certain sur la composition, sur l'expression & sur le coloris des Peintres de l'antiquité.     
[…] Quant à la composition Pittoresque, il faut avoüer que dans les monumens qui nous restent, les Peintres anciens ne paroissent pas superieurs, ni même égaux à Raphaël, à Rubens, à Paul Véronèse, ni à M. Le Brun. […]
Quant à la composition Poëtique, les anciens se piquoient beaucoup d'exceller dans ses inventions, & comme ils étoient grands dessinateurs, ils avoient toutes sortes de facilité pour y réussir. Pour donner une idée du progrès  que les anciens avoient faits dans cette partie de la peinture qui comprend le grand art des expressions, nous rapporterons ce qu'en disent les Ecrivains de l'antiquité. De toute les parties de la peinture, la composition Poëtique est celle dont il est le plus facile de donner une idée avec des paroles. C'est celle qui se décrit le mieux.
[…]
Comme le temps a éteint les couleurs, & confondu les nuances dans les fragmens qui nous restent de la peinture antique faite au pinceau, nous ne sçaurions juger à quel point les Peintres de l'antiquité ont excellé dans le coloris, ni s'ils ont égalé ou surpassé les grands Maîtres de l'Ecole Lombarde dans cette aimable partie de la peinture.[…] On ne sçaurait décider notre question sur des récits. Il faut pour la juger, avoir des pièces de comparaison. Elles nous manquent. 
On ne sçauroit former un préjugé contre le coloris des anciens, de ce qu'ils ignoroient l'invention de détremper les couleurs avec de l'huile […]
Quant au clair-obscur & à la distribution enchanteresse des lumières & des ombres, ce que Pline &  les autres Ecrivains de l'antiquité en disent, est si positif, leurs récits sont si bien circonstanciez & si vrai-semblables, qu'on ne sçauroit disconvenir que les anciens n'égalassent du moins dans cette partie de l'Art, les plus grands peintres modernes. Les passages de ces Auteurs que nous ne comprenions pas bien, quand les Peintres modernes ignoroient encore quel prestige on peut faire avec le secours de cette magie, ne sont plus si embroüillez & si difficiles, depuis que Rubens, ses Eleves, Polidore de Caravage, & d'autres Peintres les ont expliquez bien mieux, les pinceaux à la main, que les commentateurs les plus érudits ne le pouvoient faire dans des livres. 
[…] je dis, que les Peintres qui ont travaillé depuis la renaissance des Arts, que Raphaël & ses contemporains n'ont point eu aucun avantage sur nos Artisans. Ces derniers sçavent toutes les couleurs dont les premiers se sont servis. 

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Ik vroeg eens aan iemand, waarom hy zyn kleêren altyd met dunne ploojen maakte? waarop hy my tot antwoord gaf, geen zin te hebben in zulke dikke ploojen als Paulo Veronees, Titiaan en Rubbens verbeelden. Sommige bederven hun beelden zodanig met het ophoopen van veelderhande ploojen; dat zy daar door t’eenemaal vergeeten, het gebruik der stoffe alleenig gemaakt te zyn, om de partyen der Lichamen daar ze over heen komen, te kleeden en met gratie te bedekken: en niet om dezelve daar mede te belaaden en te vervullen, als of het geheele Lichaam maar een buik, en alle leeden op de verheeven partyen, met zandzakken bekleed waaren. Veele wederom maken hun kleedingen als of het darmen zyn, op de manier van Korton, ziende nergens als zulke printen.

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De toutes les parties de la Peinture, celle qui a le plus contribué à l'effet & au brillant de ses Ouvrages a este la disposition des objets : car les lumières & les couleurs ne serviroient pas de beaucoup si les corps nettoient placez & disposez pour les recevoir avantageusement & cette disposition ne se trouve pas seulement dans les objets particuliers, mais encore dans les groupes & dans le tout-ensemble de l'Ouvrage. II paroist visiblement que l'oeconomie que Rubens a gardée en cette partie, va à éviter la dissipation des yeux, & à les fixer agréablement par la liaison des corps & par l'opposition des masses. Cette liaison se fait de deux façons ; la première par manière de fond, & la seconde par manière de groupe.

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Le premier soin que demande le coloris d’un jeune Etudiant est de commencer par copier ce qu’il trouvera de mieux colorié, de plus frais, & de plus librement peint entre les ouvrages des grands Maîtres, parmi lesquels Titien, Rubens, & Vandeik tiennent les premiers rangs, pour les premiers commencemens : je croirois qu’on tireroit plus d’utilité en copiant Vandeik à cause qu’en y apprenant le bon coloris on y trouve encore la liberté du pinceau.

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Son genie [ndr : Rubens] ne luy permettant point de reformer ce qu’il avoit produit, ainsi emporté par la rapidité de son naturel vif & impetueux, il ne pensoit pas à donner à ses figures, ny de beaux airs de teste, ny de la grace dans les contours qui se trouvent souvent alterez par sa maniére peu étudiée. On voit que la plupart de ses visages semblent estre tous formez sur une mesme idée qui ne les rend pas assez différens les uns des autres, & moins encore agreables & beaux, mais plûtost des visages ordinaires & communs, de mesme que les proportions des corps qui s’éloignent fort de celles des antiques. Les vestemens ne sont point faits avec un beau choix ; les plis n’en sont ny bien jettez, ny bien entendus, ny bien corrects. Cette grande liberté qu’il avoit à peindre, fait voir en plusieurs de ses tableaux plus de pratique de pinceau, que de correction dans les choses où la Nature doit estre exactement représentée ; non seulement dans son dessein, mais aussi dans son coloris, où les teintes des carnations paroissent souvent si fortes & si séparées les unes des autres, qu’elles semblent des taches ; & dans les reflais des lumiéres qui rendent les corps comme dipahane & transparens.

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Pourquoi donc reprendre Rubens de les avoir introduits dans le tableau qui représente l'arrivée de Marie de Médicis à Marseille. […]
Je réponds que cette licence donnée aux Peintres & aux Poëtes, doit s'entendre, comme Horace l'explique lui-même, sed non ut placidis coeant immitia. C'est-à-dire, que cette licence ne s'étend point à rassembler en un même tableau des choses incompatibles, comme sont l'arrivée de Marie de Médicis à Marseille, & des Tritons qui sonnent de leurs conques dans le port. […] Ces divinités ne doivent avoir part à l'action dans les compositions historiques […]. Elles ne peuvent être introduites dans ces dernières compositions que comme des figures allégoriques & des symboles.  

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DEwyl een stuk, dat suyver en schoon gekoloreerd is, onvermydelijk alle menssen moet behaagen, zo wel kenners der konst als onkundige, en die het tegendeel zyn, aan iders ooge walgen; [...]
Gelyk het helder licht de oorzaak is, waar door al de koleurige voorwerpen, zich suiver en schoon voor onze oogen opdoen; zo is ook onwederspreekelyk, dat hoe meêr het zelve door duisterheid besmet en verbrooken zy, hoe gezegde voorwerpen zich ook duysterder en minder schoon zullen vertoonen.
Veele doorluchtige meesters, hebben zich jammerlyk hier in vergreepen; onder de Brabanders,
Rubbens; in Holland, Rembrant, Lievens en veele anderen, die hun trant hebben nagevolgd: de eene willende het leeven al te schoon hebben, is tot een raauwe bontigheid, een ander om de murwheid te bekomen, tot de ryp en rottigheid vervallen; […]

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There are Instances where two Masses ; a Light, and a Dark one, divide the Picture, each possessing One Side. I have of This sort by Rubens, and as fine a Composition as can be seen ; the Masses are so well Rounded, the Principal Light being near the Middle of the Bright One, and the Other having Subordinate Lights upon it so as to Connect, but not to Confound it with the rest ; and they are in agreeable Shapes, and melting into One Another, but nevertheless sufficiently determined.
Very commonly a Picture consists of a Mass of Light, and another of Shadow upon a Ground of a Middle Tinct. And sometimes ‘tis composed of a Mass of Dark at the bottom, another Lighter above that, and another for the upper part still Lighter ; (as usually in a Landscape) Sometimes the Dark Mass employs one Side of the Picture also.

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Traveller.
           
There is a thing which the Italians call Morbidezza ; The meaning of which word, is to Express the Softness, and tender Liveliness of Flesh and Blood, so as the Eye may almost invite the Hand to touch and feel it, as if it were Alive ; and this is the hardest thing to Compass in the whole Art of Painting. And ‘tis in this particular, that Titian, Corregio, and amongst the more Modern, Rubens, and Vandike, do Excel.

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De toutes les parties de la Peinture, celle qui a le plus contribué à l'effet & au brillant de ses Ouvrages a este la disposition des objets : car les lumières & les couleurs ne serviroient pas de beaucoup si les corps nettoient placez & disposez pour les recevoir avantageusement & cette disposition ne se trouve pas seulement dans les objets particuliers, mais encore dans les groupes & dans le tout-ensemble de l'Ouvrage. II paroist visiblement que l'oeconomie que Rubens a gardée en cette partie, va à éviter la dissipation des yeux, & à les fixer agréablement par la liaison des corps & par l'opposition des masses. Cette liaison se fait de deux façons ; la première par manière de fond, & la seconde par manière de groupe.

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Ne trouvez-vous pas, dit Damon, que Rubens a fait ses lumières plus fortes qu'elles ne sont dans la Nature, aussi bien que ses reflets. Je le trouve comme vous, reprit Philarque, &c'est en cela que les corps qu'il a peints en font plus de reliefs & par conséquent plus naturels.

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Ainsi l'on doit pour la beauté de l'Ouvrage & pour la satisfaction des yeux augmenter, ou diminüer non seulement au dessin & à la couleur des Corps que l'on imite, mais encore à la lumière qui les éclaire en la plaçant avantageusement de la manière que je viens de dire, & comme l'a placée Rubens, qui est sans contredit celuy de tous les Peintres qui l'a mieux entendüe.

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C'est que la lumière qui penetre l'air, repartit Philarque, s'accorde tres-bien avec le Blanc qui est de la mesme nature, & que le Noir qui luy est opposé est d'autant plus détruit par cet air lumineux, qu'il y a de distance entre l'oeil & l'objet : Rubens n'a fait que suivre en cela le Titien & tous les Peintres Lombards.

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Et lequel de ces deux Peintres aimeriez-vous mieux estre, continuay-je, de Raphaël ou du Titien ?
Vous m’embarassez fort, repondit Pamphile ; attendez que j’y pense un peu.
Je ne croyois pas, repris-je, que vous dûssiez balancer de cette sorte, aprés ce que je viens de vous entendre dire.
J'aimerois mieux estre Raphaël, continua Pamphile, & j'estime que le Titien est un plus grand Peintre.
Je vous entends bien, luy dis-je, c'est à-dire que Raphaël avec la correction de son Dessein, avoit plusieurs autres talens, & que tout cela ensemble vous plaist davantage que le Coloris du Titien.
Je vous avoüe, dit Pamphile, que je suis encore assez irresolu : neantmoins la correction du Dessein de Raphaël, l’élegance de ses contours, sa manière de drapper, ses expressions si touchantes, la facilité de son genie, ses compositions nobles, riches & abondantes, la grandeur, la simplicité & la vray-semblance de ses attitudes ; enfin, les graces qu'il répandoit dans tous ses ouvrages, me l’ont fait preferer au Titien.
Quoy au Titien, s'écria Damon, le plus grand Peintre, selon vous, qui ait jamais esté & qui sera peut-estre jamais.
Je vous l'avoüe, dit Pamphile, mais Raphaël, avec tous les avantages que je viens de vous dire, avoit encore celuy, d’estre entré sur la fin de sa vie dans l’inteligence des Lumieres & des Ombres, & d’avoir déja fait un si grand progrés dans le Coloris, & qu'il auroit bientost possedé cette partie dans sa derniere perfection. Ainsi je me persuade, si j'estois Raphaël, que dans peu de temps je serois encore le Titien.

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Et en effet le Tableau veut estre regardé comme une machine dont les pièces doivent estre l'une pour l'autre, & ne produire toutes ensemble qu'un mefme effet ; que si vous les regardez separément, vous n'y trouverez que la main de l'Ouvrier, lequel a mis tout son esprit dans leur accord & dans la justesse de leur assemblage : Qui couperoit par exemple l'endroit du Tableau de saint George, ou des vieilles, rendent graces au Ciel d' avoir trouvé un libérateur, & regarderoit ces figures comme quelque chose d'achevé, se tromperoit fort, puisque le Peintre ne les a faites que par relation au tout, & non point à elle-mesme : Les ayant donc placées au coin du tableau il en a éteint les couleurs & négligé l'Ouvrage, quoy que fur le premier plan, afin que la veuë se portast au milieu où le saint & la pucelle attirent les yeux par leur couleurs, qui sont plus fortes, & plus brillantes, Rubens a-t'il conservé cette oeconomie par tout, dit Damon ? Sans doute, répondit Philarque, mais cela est beaucoup plus sensible dans ses grands Ouvrages.

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Ainsi Rubens qui avoit fortement dans la teste le Tout-ensemble de son Tableau, songeoit plustost à faire bien aller sa machine, qu'il ne prenoit soin d'en polir les rouës.

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Ainsi bien loin de rien faire sans raison, il [ndr : Rubens] possedoit tellement ses règles, que sa main pour obeïr promptement à sa volonté, ne s'estoit faite aucune habitude dans le maniement du pinceau mais elle employoit la couleur, tantost d'une façon, & tantost d'une autre, toujours au gré des règles, & pour satisfaire à son imagination pleine d'un merveilleux discernement.

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Timanthe est prisé d’avoir tousjours donné davantage à comprendre dans ses ouvrages, que son pinceau ne representoit, et fait en sorte que son esprit y paroissoit plus grand que l’industrie de sa main, bien qu’il l’eust tres-exquise. Ainsi pour faire concevoir la grandeur de son Cyclope dormant, & fait en petit volume, il mit des Satyres auprés de luy qui mesuroient son poulce avec une perche. Certes nous luy pouvons comparer pour ce regard le sçavant Rubens que nous venons de perdre, qui a tousjours joint l’invention à l’excellence de son art, & ce qu’il tenoit d’une profonde lecture à la beauté de son colorit. Les Galeries du Palais d’Orleans le tesmoigneront autant qu’elles dureront, avec le reste de ses pieces, ubi intelligitur plus semper quam pingitur ; et cum ars summa sit, ingenium tament ultra artem est Plin. ib.

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La mécanique de la Peinture est très-pénible, mais elle n'est pas rebutante pour ceux qui sont nez avec le génie de l'art. Ils sont soutenus contre le dégoût par l'attrait d'une profession à laquelle ils se sentent propres, & par le progrès sensible qu'ils font dans leurs études. Les Eleves trouvent encore partout des Maîtres qui leur abregent le chemin. Que ces Maîtres soient de grands hommes ou des ouvriers médiocres, il n'importe, l'Eleve qui aura du génie, profitera toujours de leurs enseignements. Il lui suffit que ces Maîtres lui puissent enseigner une pratique, qu'on ne sçauroit ignorer, quand on a professé cet art durant dix ou douze années. Un Eleve qui a du génie, apprend à bien faire, en voïant son Maître faire mal. La force du génie change en bonne nourriture les préceptes les plus mal digerez. Ce qu'un homme né avec du génie, fait de mieux, est ce que personne ne lui a montré à faire. […]

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19. [ndr: Regel] Wann du willens bist/ etwas nach dem Leben zu zeichnen/ so stehe zwey- auch wol dreymal so weit von deme/ was du nachzeichnen wilst/ als dessen Größe ist/ und habe vor dir etliche gleiche Linien in der imagination, damit besichtige/ was du zeichnest: alsdann werden dir/ solche Vorbildungs-Linien/ dessen rechte Erkäntnis geben. Dieses ist in allem Vornehmen/ auch in nachzeichnung der Antich-Studien/ zu observiren. Hierbey aber ist zu merken/ weil die berühmteste Antichen in der Vollkommenheit all-hoch gestiegen/ daß man denen just nachfolge/ und weder davon/ noch darzu thue: dann sonst irret man sehr weit/ wie vielen Franzosen/ auch Niederländern/ oft wiederfahren/ die ihre Sachen/ mit der von ihren Lehrmeistern angenommenen eignen bösen Manier/ nach den Antichen/ gemacht; daher solche/ wann sie auf dem Papier gestanden/ des guten wenig gehabt/ sondern mehr ihrem Callot oder Perier, auch des Sprangers/ Golzius oder Rubens Manier gefolget/ oder wenigst das ansehen gehabt/ daß sie ihnen gefolget. Ist derowegen den gerechten guten Antichen/ sowol als den raresten Gemählen/ ohne änderung/ geraden Wegs nachzufolgen: weil selbige/ gleichwie die heilige Schrift/ weder Castrirung noch Zusatz leiden.

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En effet, repartit Damon, ce qui me surprend davantage & que je n'ay jamais veu dans les ouvrages d'aucun Peintre, est la diversité de manière que l'on remarque aux Tableaux qui sont en ce cabinet car il semble qu'apres en avoir fait un dans un goust, il [ndr : Rubens] ait changé de génie & pris un autre esprit, pour en faire un autre dans un autre goust. C'est que les autres Peintres, die Philarque, travaillent beaucoup plus de la main que de l'esprit, & que le caractère de l'esprit n'est pas si sensible ny si facile à reconnoitre que celuy de la main. Or comme Rubens n'avoit presque point de faço[n] particulière de manier le pinceau, ny d'habitude d'employer toujours les mesmes teintes & les mesmes couleurs, &qu'il entroit tout entier dans les sujets qu'il avoit à traiter, il se transformoit en autant de caracteres & se faisoit à un nouveau sujet un nouvel homme ; Ainsi ne vous estonnez pas de la diversité qui paroist dans les tableaux que vous voyez.

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 [...] Il faut donc, poursuivit-elle [Princesse des cabalistes], s’étudier à la recherche d’une belle Manière de peindre, vague, hardie, & sans contrainte, d’un dessein tendre & coulant, mais libre & de grande maniere, sans s’attacher avec scrupule à cent choses, qui gâtent la majesté d’un ouvrage. Prenez pour exemplaires les ouvrages de l’illustre & fameux Michelange, le Coriphée des Peintres Anciens & Modernes, d’un Titien, d’un Tintoret, d’un Georgion,

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Dans le septième tableau le Peintre [ndr : Rubens] a représenté ce mariage, d’une manière poëtique. Le Roy & la Reyne sous les figures de Jupiter & de Junon, sont peints dans le ciel, assis sur des nuages. […]

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There are Instances where two Masses ; a Light, and a Dark one, divide the Picture, each possessing One Side. I have of This sort by Rubens, and as fine a Composition as can be seen ; the Masses are so well Rounded, the Principal Light being near the Middle of the Bright One, and the Other having Subordinate Lights upon it so as to Connect, but not to Confound it with the rest ; and they are in agreeable Shapes, and melting into One Another, but nevertheless sufficiently determined.
Very commonly a Picture consists of a Mass of Light, and another of Shadow upon a Ground of a Middle Tinct. And sometimes ‘tis composed of a Mass of Dark at the bottom, another Lighter above that, and another for the upper part still Lighter ; (as usually in a Landscape) Sometimes the Dark Mass employs one Side of the Picture also.
I have a Copy after Paolo Veronese where a large Group of Figures, the principal ones of the Story, compose this lower brown Mass ; Architecture, the second ; more Buildings, with Figures and the Sky, the third ; but most commonly in Pictures of Three Masses, the Second is the Place of the Principal Figures.

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De toutes les parties de la Peinture, celle qui a le plus contribué à l'effet & au brillant de ses Ouvrages a este la disposition des objets : car les lumières & les couleurs ne serviroient pas de beaucoup si les corps nettoient placez & disposez pour les recevoir avantageusement & cette disposition ne se trouve pas seulement dans les objets particuliers, mais encore dans les groupes & dans le tout-ensemble de l'Ouvrage. II paroist visiblement que l'oeconomie que Rubens a gardée en cette partie, va à éviter la dissipation des yeux, & à les fixer agréablement par la liaison des corps & par l'opposition des masses. Cette liaison se fait de deux façons ; la première par manière de fond, & la seconde par manière de groupe.

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There are such Peculiarities in the turn of Thought, and Hand to be seen in Some of the Masters (in Some of their Works especially) that ‘tis the easiest thing in the World to know them at first Sight ; such as Leonardo da Vinci, Michelangelo Buonarotti, Guilio Romano, Battista Franco, Parmeggiano, Paolo Farinati, Cangiagio, Rubens, Castiglione, and some others ; And in the Divine Raffaelle one often sees such a Transcendent Excellence that cannot be found in any other Man, and assures us this must be the Hand of him who was what Shakespear calls Julius Cæsar. The foremost Man of all the World.
There are several others, who by imitating other Masters, or being of the same School, or from whatsoever other Cause have had such a Resemblance in their Manners as not to be so easily distinguish’d,
Timoteo d’Urbino, & Pellegrino da Modena, imitated Raffaelle ; Cæsare da Sesto, Leonardo da Vinci ; Schidone, Lanfranco, and others imitated Corregio ; Titian’s first Manner was a close imitation of that of Giorgione ;

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Ainsi pour loüer les tableaux, qui n'estant que peu travaillez font parfaitement leur effet dans leur distance; ce n'est pas à dire qu'on doive blasmer les Peintres qui ont fini de grands tableaux, comme s'ils devoient estre veus de prés, on peut ignorer les raisons qu'ils ont euës d'en user de la sorte : Pourveu que le Peintre ait la discretion de ne point salir les couleurs à force de les méler ensemble, ou pour parler comme parlent les Peintres, de les tourmenter, & que le Tableau conserve de loin beaucoup de force & de fraischeur, on ne doit luy rien reprocher. La seconde raison est, que pour bien finir il faut lier plusieurs teintes de couleurs différentes, en les peignant & les mêlant ensemble, & que ce mélange diminuë beaucoup de la vivacité & de l'éclat des couleurs, principalement quand le tableau est un peu éloigné, en sorte que ce qui semble de prés estre frais & terminé, se ternit dans une distance raisonnable. La démonstration en est facile à faire. Prenez les couleurs les plus belles, comme un beau rouge, un beau jaune, un beau bleu, un beau verd, & les mettez separément les unes auprès des autres, il est certain qu'elles conserveront leur éclat & leur force en particulier & toutes ensemble : que si vous les mélez vous n'en ferez qu'une couleur de terre. C'est ce qui a fait que Rubens s'est dispensé autant qu'il a pu de noyer ses couleurs, & comme on dit ordinairement, de les tourmenter, se contentant de les mettre en leur place & de ne les méler qu'à proportion de la distance du Tableau, car c'est d'elle de qui il attendoit en cela un fort grand service.

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Traveller.
           
There is a thing which the Italians call Morbidezza ; The meaning of which word, is to Express the Softness, and tender Liveliness of Flesh and Blood, so as the Eye may almost invite the Hand to touch and feel it, as if it were Alive ; and this is the hardest thing to Compass in the whole Art of Painting. And ‘tis in this particular, that Titian, Corregio, and amongst the more Modern, Rubens, and Vandike, do Excel.

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T: […] Maar zeg eens wat is Konst, en waar in bestaat uw oeffening?
S: Alles dat my voor komt te Schilderen, wat vraagen is dat?
T: Uyt de Geest ook?
S: Wat uyt de geest, wisje wasje, neen het Leeven, de Naarbootsinge der algemeene Natuur is myn Studie.
T: Hebt gy wel naar Playster leeren Teekenen?
S: Drie jaar heb ik geteekend, maar ‘k weet van geen playster, heb ook by myn patroon niets daar van gezien, maar na fraaje printen van Blommert, Berchem, Breugel, Rubens, en andere braave Konstenaars.
T: Naar Raphael, Karats, en Pousyn ook?
S: ‘k Geloof van ja, ik heb’er zoo naauw niet opgelet. Maar wel na Teekeningen van myn Meester.
T: Hebt gy meede op ’t Kollegie naar het Naakt Model geteekent?
S: Neen.
T: Wat meent gy dan met het Leeven te Schilderen?
S: Na Leevendige menschen, Man, Vrou, Kind, Schaapen, Ossen, Koeyen, Stoelen, Kassen; ja alles dat te pas komt.

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19. [ndr: Regel] Wann du willens bist/ etwas nach dem Leben zu zeichnen/ so stehe zwey- auch wol dreymal so weit von deme/ was du nachzeichnen wilst/ als dessen Größe ist/ und habe vor dir etliche gleiche Linien in der imagination, damit besichtige/ was du zeichnest: alsdann werden dir/ solche Vorbildungs-Linien/ dessen rechte Erkäntnis geben. Dieses ist in allem Vornehmen/ auch in nachzeichnung der Antich-Studien/ zu observiren. Hierbey aber ist zu merken/ weil die berühmteste Antichen in der Vollkommenheit all-hoch gestiegen/ daß man denen just nachfolge/ und weder davon/ noch darzu thue: dann sonst irret man sehr weit/ wie vielen Franzosen/ auch Niederländern/ oft wiederfahren/ die ihre Sachen/ mit der von ihren Lehrmeistern angenommenen eignen bösen Manier/ nach den Antichen/ gemacht; daher solche/ wann sie auf dem Papier gestanden/ des guten wenig gehabt/ sondern mehr ihrem Callot oder Perier, auch des Sprangers/ Golzius oder Rubens Manier gefolget/ oder wenigst das ansehen gehabt/ daß sie ihnen gefolget. Ist derowegen den gerechten guten Antichen/ sowol als den raresten Gemählen/ ohne änderung/ geraden Wegs nachzufolgen: weil selbige/ gleichwie die heilige Schrift/ weder Castrirung noch Zusatz leiden.

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There is some Degree of Merit in a Picture where Nature is Exactly copy’d, though in a Low Subject ; Such as Drolls, Countrey Wakes, Flowers, Landscapes, &c. and More in proportion as the Subject rises, or the End of the Picture is this Exact Representation. Herein the Dutch, and Flemish Masters have been Equal to the Italians, if not Superior to them in general. What gives the Italians, and Their Masters the Ancients the Preference, is, that they have not Servilely follow’d Common Nature, but Rais’d, and Improv’d, or at least have always made the Best Choice of it. This gives a Dignity to a Low Subject, and is the reason of the Esteem we have for the Landscapes of Salvator Rosa, Filippo Laura, Claude Lorrain, the Poussins ; the Fruit of the two Michelangelo’s, the Battaglia, and Campadoglio ; and This, when the Subject it self is Noble, is the Perfection of Painting : As in the best Portraits of Van-Dyck, Rubens, Titian, Rafaëlle, &c. and the Histories of the best Italian Masters ; chiefly those of Rafaëlle ; he is the great Model of Perfection !

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The next thing to be considered in an Historical Piece, is the Truth of the Drawings, and the Correction of the Design, as Painters call it ; that is, whether they have chosen to imitate Nature in her most Beautiful Part ; for though a Painter be the Copist of Nature, Yet he must not take her promiscuously, as he finds her, but have an Idea of all that is Fine and Beautiful in an Object, and choose to Represent that, as the Antients have done so admirably in their Paintings and Statues : And ’tis in this part that most of the Flemish Painters, even Rubens himself, have miscarryed, by making an ill Choice of Nature ; either because the Beautiful Natural is not the Product of their Countrey, or because they have not seen the Antique, which is the Correction of Nature by Art ; for we may truly say that the Antique is but the best of Nature ; and therefore all that resembles the Antique, will carry that Character along with it.
                       
Friend,
            I remember, you reckoned it to me among the Faults of some Painters, that they had studied too long upon the Statues of the Antients ; and that they had indeed thereby acquired the Correction of Design you speak of ; but they had by the same means lost that Vivacity and Life which is in Nature, and which is the true Grace of Painting.

                        Traveller.
            ’Tis very true, that a Painter may fall into that Error, by giving himself up too much to the Antique ; therefore he must know, that his Profession is not tyed up to that exact Imitation of it as the Sculptor’s is, who must never depart from that exact Regularity of Proportion which the Antients have settled in their Statues ; but Painters Figures must be such as may seem rather to have been Models for the Antique, than drawn from it ;
and a Painter that never has studied it at all, will never arrive at that as Raphael, and the best of the Lombard Painters have done ; who seem to have made no other Use of the Antique, than by that means to choose the most Beautiful of Nature.

Quotation

[...] s'il [ndr : Rubens] ne s'est pas si fort arresté au goust de l'Antique, ce n'est point par impuissance, c'est qu'il n'y trouvoit pas assez la vérité du naturel dont il vouloir estre un parfait imitateur : Il estoit bien persuadé, comme il est vray, que la diversité de la Nature est une de ses plus grandes beautez, & il ne trouvoit pas qu'en s'attachant aux Statües & aux Bas-reliefs, il pût se satisfaire assez pleinement.

Quotation

S'estant donc proposé la Nature comme l'objet de ses [ndr : Rubens] études & de ses reflexions, il a observé exactement & avec un jugement admirable le véritable caractère des choses, ce qui les distingue les unes des autres, & qui les fait paroistre ce qu'elles sont à nos yeux : Et il a poussé cette connoissance si loin, qu'avec une hardie, mais sage & sçavante exagération de ce caractere, il a rendu la Peinture plus vivante & plus naturelle, pour ainsi dire, que le Naturel mesme. C'est dans la veuë de cet heureux succès qu'il ne s'est pas mis si fort en peine de se remplir l'idée des contours Antiques, dont la pluspart estant imitez avec trop d'affectation, portent avec eux une idée de pierre qu'ils communiquent infailliblement aux Ouvrages de ceux qui s'y sont trop attachez, au lieu que les contours de Rubens donnent au nud un véritable caractère de chair, telle qu'il l'a voulu representer selon les âges, les sexes & les conditions. Car on voit cette diversité dans les sujets qui la demandent ; [...].

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L’on sait assez que la peinture n’est qu’un fard, qu’il est de son essence de tromper, & que le plus grand trompeur en cet Art, est le plus grand Peintre. La Nature est ingrate d’elle-même, & qui s’attacheroit à la copier simplement comme elle est & sans artifice, feroit toujours quelque chose de pauvre & de très-petit goût. Ce que l’on nomme Exageration dans les couleurs & dans les lumieres, est l’effet d’une profonde connoissance de la valeur des couleurs, & une admirable industrie qui fait paroître les objets peints plus vrais (s’il faut ainsi dire) que les veritables mêmes. C’est dans ce sens que l’on peut dire, que dans les Tableaux de Rubens l’Art est audessus de la Nature, laquelle semble en cette occasion n’être que la copie des ouvrages de ce grand Peintre : & quand les choses, après avoir été bien examinées, ne se trouveroient pas justes, comme on les suppose, qu’importe après tout, pourvû qu’elles le paroissent ; puisque la fin de la Peinture n’est pas tant de convaincre l’esprit que de tromper les yeux.
 

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[...] s'il [ndr : Rubens] ne s'est pas si fort arresté au goust de l'Antique, ce n'est point par impuissance, c'est qu'il n'y trouvoit pas assez la vérité du naturel dont il vouloir estre un parfait imitateur : Il estoit bien persuadé, comme il est vray, que la diversité de la Nature est une de ses plus grandes beautez, & il ne trouvoit pas qu'en s'attachant aux Statües & aux Bas-reliefs, il pût se satisfaire assez pleinement.

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S'estant donc proposé la Nature comme l'objet de ses [ndr : Rubens] études & de ses reflexions, il a observé exactement & avec un jugement admirable le véritable caractère des choses, ce qui les distingue les unes des autres, & qui les fait paroistre ce qu'elles sont à nos yeux : Et il a poussé cette connoissance si loin, qu'avec une hardie, mais sage & sçavante exagération de ce caractere, il a rendu la Peinture plus vivante & plus naturelle, pour ainsi dire, que le Naturel mesme. C'est dans la veuë de cet heureux succès qu'il ne s'est pas mis si fort en peine de se remplir l'idée des contours Antiques, dont la pluspart estant imitez avec trop d'affectation, portent avec eux une idée de pierre qu'ils communiquent infailliblement aux Ouvrages de ceux qui s'y sont trop attachez, au lieu que les contours de Rubens donnent au nud un véritable caractère de chair, telle qu'il l'a voulu representer selon les âges, les sexes & les conditions. Car on voit cette diversité dans les sujets qui la demandent ; [...].

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282. [Que vous fassiez paroistre les Corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, &c.] C’est à dire proprement, qu’apres de grands Clairs il faut de grandes Ombres, qu’on appelle des Repos ; parce que effectivement la veuë seroit fatiguée, si elle estoit attirée par une continuité d’objets petillans. Les Clairs peuvent servir de repos aux Bruns, comme les Bruns en servent aux Clairs. […]
Ces Repos se font de deux manieres, dont l’une est Naturelle, & l’autre Artificielle : La Naturelle se fait par une étenduë de Clairs ou d’Ombres, qui suivent naturellement & necessairement les Corps solides, ou les Masses de plusieurs Figures agrouppées lors que le jour vient à frapper dessus : Et l’Artificielle consiste dans les Corps des Couleurs que le Peintre donne à de certaines choses telles qu’il luy plaist, & les compose de telle sorte, qu’elles ne fassent point de tort aux Objets qui sont auprés d’elles. Une Draperie par exemple que l’on aura fait jaune ou rouge en certain endroit, pourra estre dans un autre de Couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l’effet que l’on demande. L’on doit prendre occasion autant qu’il est possible de se servir de la premiere Maniere, & de trouver les Repos dont nous parlons par le Clair ou par l’Ombre, qui accompagnent naturellement les Corps solides […] 
Ainsi le Peintre qui a de l'intelligence prendra ses avantages de l'une & de l'autre Maniere ; & s'il fait un Dessein qui doive estre gravé, il se souviendra que les Graveurs ne disposent pas des Couleurs, comme font les Peintres, & que par consequent il doit prendre occasion de trouver les Repos de son Dessein dans les Ombres naturelles des Figures, qu'il aura disposées à cet effet. Rubens en donne une parfaite connoissance dans les Estampes qu'il a fait graver ; & je ne croy pas que l'on puisse rien voir de plus beau en ce genre : Toute l'intelligence des Grouppes, du Clair-Obscur & de ces Masses que le Titien appelloit
la Grappe de Raisin, y est si nettement exposée, que la veüe de ces Estampes & l'attention que l'on y apporterait contribueraient beaucoup à faire un Habile-homme. […]
Ce n'est pas que les Graveurs ne puissent & ne doivent imiter les Corps des Couleurs par les degrez du Clair-Obscur, autant qu'ils jugeront que cela doit produire un bel effet ; au contraire il est à mon avis, impossible de donner beaucoup de force à tout ce que l'on gravera d'après les Ouvrages de l'Ecole de Venise, & de tous ceux qui ont eu l'intelligence des Couleurs & du Contraste du Clair-Obscur, sans imiter en quelque façon la Couleur des Objets selon le rapport qu'elle a aux degrez du Blanc & du Noir. […]

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435. [Aussi bien que les choses paroissent estre faites avec Facilité.] Cette facilité attire d’autant plus nos yeux & nos esprits, qu’il est à presumer qu’un beau travail qui nous paroist facile, vient d’une main sçavante & consommée. […] Mais il est impossible d’avoir cette Facilité, sans posseder parfaitement toutes les Regles de l’Art, & s’en estre fait un habitude : car la Facilité consiste à ne faire precisément que l’Ouvrage qu’il faut, & à mettre chaque chose dans sa place avec promptitude : ce qui ne se peut sans les Regles, qui sont des moyens assurez pour vous conduire, & pour terminer vos Ouvrages avec plaisir. Il est donc certain, contre l’opinion de plusieurs, que les Regles donnent de la Facilité, de la Tranquillité & de la promptitude dans les esprits les plus tardifs, & que ces mesmes Regles augmentent & dirigent cette Facilité dans ceux qui l’ont déja receuë d’une heureuse naissance.
D’où il s’ensuit que l’on peut considerer la Facilité de deux façons, ou simplement, comme une diligence & une promptitude d’esprit & de main, ou comme une disposition dans l’esprit de lever promptement toutes les difficultez qui se peuvent former dans l’Ouvrage. La premiere vient d’un temperament actif & plein de feu, & l’autre d’une veritable Science & d’une possession des Regles infaillibles ; celle-là est agreable, mais elle n’est pas toûjours sans inquietude, parce qu’elle fait égarer souvent ; & celle-cy au contraire fait agir avec un repos d’esprit & une tranquillité merveilleuse : car elle nous asseure de la bonté de nostre Ouvrage : c’est beaucoup que d’avoir la premiere ; mais c’est le comble de la perfection de les avoir l’une & l’autre, telle que les ont possedées Rubens & Vandeik, excepté la Partie du Dessein, qu’ils ont trop negligée. […]
Remarquez, s’il vous plaît, que la Facilité & la Diligence, dont je viens de parler, ne consistent pas à faire ce qu’on appelle des traits hardis, & à donner des coups de pinceau libres, s’ils ne font un grand effet d’une distance éloignée : Cette sorte de liberté est plûtost d’un Maistre à écrire que d’un Peintre. Je dis bien davantage, il est presque impossible que les choses peintes paroissent vrayes & naturelles, quand on y remarque ces sortes de traits hardis : & tous ceux qui ont le plus approché de la Nature, ne se sont pas servis de cette Manière de peindre. Tous ces cheveux filez & ces coups de pinceau qui forment des hachures, sont à la verité admirables : mais ils ne trompent pas la veuë.

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[...] Chérubin Albert [ndr : Cherubino Alberti] a eu aussi bien que d’autres, plus de talent au dessein, qu’à la netteté & egalité des hacheures [...]. Augustin Carrache, estoit aussi extremement sçavant, & mesme avoit une tres belle conduite de hacheure [...] Le Villamene a eu à mon sens une grande egalité d’hacheures, liberté, franchise & netteté au maniment du burin, & grand agreément ; Et aussi un tres-bon dessein entre plusieurs de ces beaux Ouvrages, il se voit une piece de l’invention de Paul Veroneze, d’une presentation de Jesus Christ au Temple [...]

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C'est que les Philosophes définissent le Blanc, une couleur qui dissipe la veuë & qui la sépare; & le Noir, une couleur qui ramasse la veuë & qui la fixe. Si le Noir fixe la veuë, reprit Philarque, ne soyez donc pas étonné que Rubens s'en soit servy dans les endroits qu'il a voulu rendre plus sensibles & plus proches des yeux : & si les objets qu'il a peints conservent une si grande rondeur. Et pour le blanc, repartit Leonidas, qui n'est pas en parfaite amitié avec la veuë, & qui s'en éloigne, pourquoy l'employe-t'on souvent dans les objets qui sont fur le devant du Tableau ? Pour deux raisons, repartit Philarque, l'une parce qu'il rend le noir encore plus sensible par son opposition, & l'autre parce que le blanc est nécessaire pour donner l'idée de quantité d'objets que l'on a souvent occasion de representer sur le devant comme seroit du linge, un cheval blanc, & semblables autres choses dont cette couleur est le corps, ou dont elle fait une grande partie. Mais quand on l'employe ainsi fur les premières lignes du tableau, on observe de raccompagner de couleurs brunes qui le retiennent, ou bien on le place entre deux corps bruns qui renferment comme mal-gré luy, & qui l'empeschent d'entrer dans le tableau, & de se joindre aux objets les plus esloignez. C'est pour cela que Rubens ayant fait ses Déesses claires sur un fond brun, les a accompagnées de draperies beaucoup plus brunes que le fond.

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Ainsi pour loüer les tableaux, qui n'estant que peu travaillez font parfaitement leur effet dans leur distance; ce n'est pas à dire qu'on doive blasmer les Peintres qui ont fini de grands tableaux, comme s'ils devoient estre veus de prés, on peut ignorer les raisons qu'ils ont euës d'en user de la sorte : Pourveu que le Peintre ait la discretion de ne point salir les couleurs à force de les méler ensemble, ou pour parler comme parlent les Peintres, de les tourmenter, & que le Tableau conserve de loin beaucoup de force & de fraischeur, on ne doit luy rien reprocher. La seconde raison est, que pour bien finir il faut lier plusieurs teintes de couleurs différentes, en les peignant & les mêlant ensemble, & que ce mélange diminuë beaucoup de la vivacité & de l'éclat des couleurs, principalement quand le tableau est un peu éloigné, en sorte que ce qui semble de prés estre frais & terminé, se ternit dans une distance raisonnable. La démonstration en est facile à faire. Prenez les couleurs les plus belles, comme un beau rouge, un beau jaune, un beau bleu, un beau verd, & les mettez separément les unes auprès des autres, il est certain qu'elles conserveront leur éclat & leur force en particulier & toutes ensemble : que si vous les mélez vous n'en ferez qu'une couleur de terre. C'est ce qui a fait que Rubens s'est dispensé autant qu'il a pu de noyer ses couleurs, & comme on dit ordinairement, de les tourmenter, se contentant de les mettre en leur place & de ne les méler qu'à proportion de la distance du Tableau, car c'est d'elle de qui il attendoit en cela un fort grand service.

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It must be consider’d they [ndr : les cartons de Raphaël] were made for Patterns for Tapistry, not profess’d Pictures, and painted, not in Oil, but in Distemper : If therefore one sees not the Warmth, and Mellowness, and Delicacy of Colouring which is to be found in Correggio, Titian, or Rubens, it may fairly be imputed in a great measure to these Causes. A Judicious Painter has other Considerations relating to the Colouring when he makes Patters for Tapistry to be heightned with Gold, and Silver, than when he paints a Picture without such View ; nor can a sort of Dryness, and Harshness be avoided in Distemper, upon Paper : Time moreover has apparently chang’d some of the Colours. In a word, the Tout-Ensemble of the Colours is Agreeable, and Noble ; and the Parts of it are in General Extreamly, but not Superlatively Good.

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Je vous ay déja parlé des groupes, & comme Rubens en ramassoit toutes les lumières ensemble d'un costé , & toutes les ombres d'un autre, il ne reste plus en vous parlant de la manière dont il les éclairoit , qu'à vous dire qu'il les traitoit comme il auroit fait un seul & unique objet, & que dans cette veuë il éclairoit les parties du groupe les plus proches des yeux davantage que les autres, & qu'il les accompagnoit des ombres les plus obscures, supposant que la partie ombrée reçeut des reflets qui luy donnoient occasion de mettre toujours sombre la plus forte au milieu de la masse. Le Tableau de la Chasse aux lions fait parfaitement bien voir cette oeconomie ; elle ne fait qu'un groupe, dont le cheval blanc & la draperie claire du Chasseur qui tombe à la renverse font les lumières, lesquelles sont accompagnées d'ombres d'autant plus forts qu'elles sont au milieu de la masse. II semble en effet, dit Leonidas, qu'il ait par tout observé cette conduite de placer son plus grand brun au milieu des groupes & du Tout-ensemble.

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On peut appeler des desseins équivoques, quelques morceaux de Raphaël, de Jules Romain, & autres qui n’étant pas finis, ont été achevés ou retouchés par Rubens selon son goût. Alors ces desseins sont originaux de deux maîtres & ne peuvent passer pour des copies.

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Les copies entierement retouchées par le maître doivent être regardées comme de seconds originaux, moins beaux à la vérité que s’ils étoient entierement de sa main ; c’est ainsi que travailloient le Titien, les Bassan, Paul Veronese, Rubens, Vandick, Vouët & la plûpart des grands peintres. Lorsque plusieurs personnes leur demandent des copies d’un de leurs tableaux qui leur plaît, ils les font faire par leurs meilleurs éléves, ils les conduisent dans l’exécution, & comme ces copies sont faites dans leur attelier, ils les repassent par tout & souvent les repeignent entierement ; de cette manière l’ouvrage de l’éléve est tout recouvert, & comme on n’en apperçoit aucun vestige, il n’est pas aisé de décider la question. Ces copies alors ne servent au maître que comme des tableaux ébauchés qu’il veut terminer. Si l’on pouvoit confronter ces belles copies avec les premiers originaux, il n’y a aucun doute que ces derniers ne l’emportassent sur les autres.

Il y a encore des copies plus parfaites que ces dernieres, ce sont celles qui sont entierement faites de la main du maître, alors il n’est pas possible de les distinguer, le maître seul peut en décider s’il est vivant, ce sont de seconds originaux dont ne peut juger que par comparaison.
Il est certain que dans une confrontation, les premiers originaux se distingueront par beaucoup plus de délicatesse, plus d’esprit, plus de finesse, une touche plus franche dans les contours & dans la premiere ébauche dont on entrevoit toujours quelque chose, en un mot un certain je ne sçai quoi qu’on apperçoit & où le maître ne peut jamais revenir du second coup. Hyacinthe Rigaud, par exemple, a fait de nos jours tout de sa main de celles copies des grands portraits de Louis XIV & de Philippe V qui sans contredit sont de seconds originaux, mais moins précieux que les premiers. [...] On ne doit point oublier ici les sujets répétés qui ne sont point des copies, & qui ne laissent pas d’être originaux. Souvent on demande à un maître qu’il recommence le même sujet sans y rien changer ; alors ce second tableau est original & pourra fort embarrasser le meilleur connoisseur. Il y a trois crucifix de Michel-Ange qui existent, l’un à Florence chez le Grand Duc, l’autre à Rome chez le Prince Borghese, & le troisiéme à Naples chez le Prieur des Chartreux. Comment juger de ces trois tableaux éloignés chacun de cinquante lieuës, comment les pouvoir comparer ?

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De toutes les parties de la Peinture, celle qui a le plus contribué à l'effet & au brillant de ses Ouvrages a este la disposition des objets : car les lumières & les couleurs ne serviroient pas de beaucoup si les corps nettoient placez & disposez pour les recevoir avantageusement & cette disposition ne se trouve pas seulement dans les objets particuliers, mais encore dans les groupes & dans le tout-ensemble de l'Ouvrage. II paroist visiblement que l'oeconomie que Rubens a gardée en cette partie, va à éviter la dissipation des yeux, & à les fixer agréablement par la liaison des corps & par l'opposition des masses. Cette liaison se fait de deux façons ; la première par manière de fond, & la seconde par manière de groupe.

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Les passions de l'ame, reprit Philarque, s'expriment par les mouvemens, non seulement des parties du visage, mais encore de celles du corps : Et de toutes les passions il y en a de violentes, il y en a de douces. Les violentes sont beaucoup moins difficiles à exprimer, & Rubens y a reüssi autant bien que Peintre qui l'ait precedé. Mais pour les expressions douces, soit qu'elles paroissent comme un effet de la tranquillité de l'âme, ou qu'elles soient de ces sortes de passions qui causant peu de changement sur le visage, ne laissent pas de faire voir que le dedans est fort agité, c'est où Rubens a merveilleusement bien reüssi : il y en a une infinité d'exemples dans ses Ouvrages.

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J'ajouterai encore une consideration touchant les ouvrages qui ne demandent pas beaucoup d'invention, c'est que les faussaires en peinture les contrefont bien plus aisément qu'ils ne peuvent contrefaire les ouvrages où toute l'imagination de l'Artisan a eu lieu de se déploïer. Les faiseurs de Pastiches, ce sont ces tableaux peints dans la maniere d'un grand Artisan, & qu'on expose sous son nom, bien qu'il ne les ait jamais vus ; les faiseurs de Pastiches, dis-je, ne sçauroient contrefaire l'ordonnance, ni le coloris, ni l'expression des grands Maîtres. On imite la main d'un autre, mais on n'imite pas de même, pour parler ainsi, son esprit, & l'on n'apprend point à penser comme un autre, ainsi qu'on peut apprendre à prononcer comme lui.
Le Peintre médiocre qui voudroit contrefaire une grande composition du Dominiquin ou de Rubens, ne sçauroit nous en imposer plus que celui qui voudroit faire un Pastiche sous le nom du Georgeon ou du Titien. Il faudroit avoir un génie presque égal à celui du Peintre qu'on veut contrefaire, pour réussir à faire prendre notre ouvrage pour être de ce Peintre. On ne sçauroit donc contrefaire le génie des grands hommes, mais on réussit quelquefois à contrefaire leur main, c'est-à-dire, leur maniere de coucher la couleur & de tirer les traits, les airs de tête qu'ils répetoient & ce qui pouvoit être de vicieux dans leur pratique. Il est plus facile d'imiter les défauts des hommes que leurs perfections. Par exemple, on reproche au Guide d'avoir fait ses têtes trop plates. Ses têtes manquent souvent de rondeur, parce que leurs parties ne se détachent point & ne s'élevent pas assez l'une sur l'autre. Il suffit donc, pour lui ressembler en cela, de se négliger & de ne point se donner la peine de pratiquer ce que l'art enseigne à faire pour donner de la rondeur à ses têtes [...].

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Les Peintres intelligens ont si bien connu, ils ont si bien senti cette verité, que rarement ils ont fait des païsages deserts & sans figures. Ils les ont peuplez, ils ont introduit dans ces tableaux un sujet composé de plusieurs personnages dont l'action fût capable de nous émouvoir & par conséquent de nous attacher. C'est ainsi qu'en ont usé le Poussin, Rubens et d'autres grands Maîtres qui ne se sont pas contentez de mettre dans leurs païsages un homme qui passe son chemin, ou bien une femme qui porte des fruits au marché. Ils y placent ordinairement des figures qui pensent, afin de nous donner lieu de penser ; ils y mettent des hommes agitez de passions, afin de réveiller les nôtres & de nous attacher par cette agitation. En effet on parle plus souvent des figures de ces tableaux que de leurs terrasses et de leurs arbres. Le païsage que le Poussin a peint plusieurs fois, & qui s'appelle communément l'Arcadie, ne seroit pas si vanté s'il étoit sans figures.

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Tout devient palettes & pinceaux entre les mains d'un enfant doüé du génie de la Peinture. Ils fait connoître aux autres pour ce qu'il est, quand lui-même ne le sçait pas encore. Les Annalistes de la Peinture rapportent une infinité de faits qui confirment ce que j'avance. La plûpart des grands Peintres ne sont pas nez dans les atteliers. Très-peu sont des fils de Peintres, qui, suivant l'usage ordinaire, auroient été élevez dans la profession de leurs peres. Parmi les Artisans illustres qui font tant d'honneur aux deux derniers siècles, le seul Raphaël, autant qu'il m'en souvient, fut le fils d'un Peintre. Le pere du Georgeon & celui du Titien, ne manierent jamais ni pinceaux ni cizeaux, Leonard De Vinci, & Paul Veronése, n'eurent point de Peintres pour peres. Les parens de Michel-Ange vivoient, comme on dit, noblement, c'est-à-dire, sans exercer aucune profession lucrative. André Del Sarte étoit fils d'un Tailleur, & Le Tintoret d'un Tinturier. Le pere des Caraches, n'étoit pas d'une profession où l'on manie le craïon. Michel-Ange De Caravage étoit fils d'un Masson, & Le Correge fils d'un Laboureur. Le Guide étoit fils d'un Musicien, Le Dominiquin d'un Cordonnier, & L'Albane d'un Marchand de Soïe. Lanfranc étoit un enfant trouvé, à qui son génie enseigna la peinture, à peu près comme le génie de M Pascal lui enseigna les Mathématiques. Le pere de Rubens, qui étoit dans la Magistrature d'Anvers, n'avoit ni attelier ni boutique dans sa maison. Le pere de Vandick n'étoit ni Peintre ni Sculpteur. Du Fresnoy, dont nous avons un poëme sur la Peinture, qui a mérité d'être traduit & commenté par M. De Piles, & dont nous avons aussi des tableaux au-dessus du médiocre, avoit étudié pour être Médecin. Les peres des quatre meilleurs Peintres François du dernier siècle, Le Valentin, Le Sueur, Le Poussin & Le Brun, n'étoient pas des peintres. C'est le génie de ces grands hommes qui les a été chercher, pour ainsi dire, dans la maison de leurs parens, afin de les conduire sur le Parnasse. Les Peintres montent sur le Parnasse, aussi-bien que les Poëtes.

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Les Peintres demi-savans qui se sont engagés dans un mauvais chemin, & la plupart des Savans dans les Lettres, veulent ordinairement soutenir de fausses idées qu’ils ont formées d’abord, & sans connoître, ni Dessein, ni Coloris, ni Raphaël, ni Rubens, parlent de ces deux Peintres sur une ancienne tradition qui bien que beaucoup diminuée par les bonnes réfléxions, a encore laissé des racines dans l’esprit de plusieurs.

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Il est Vrai que le Peintre est obligé de savoir l’Anatomie, & les exagérations piquantes qui en dérivent, parce que l’Anatomie est le fondement du Dessein & que les exagérations peuvent conduire à la perfection ceux qui savent en prendre & en laisser autant qu’il en faut, pour accorder la justesse & la simplicité du Dessein avec le bon gout. Ces exagérations sont suportables & souvent agréables dans les Desseins qui ne sont que les pensées des Tableaux ; & le Peintre savant s’en peut servir utilement lorsqu’il commence & qu’il ébauche son Ouvrage : mais il doit les retrancher quand il veut que son Tableau paroisse dans sa perfection, comme un Architecte retranche & rejette le ceintre qui lui a servi à bâtir sa voûte.

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Et lequel de ces deux Peintres aimeriez-vous mieux estre, continuay-je, de Raphaël ou du Titien ?
Vous m’embarassez fort, repondit Pamphile ; attendez que j’y pense un peu.
Je ne croyois pas, repris-je, que vous dûssiez balancer de cette sorte, aprés ce que je viens de vous entendre dire.
J'aimerois mieux estre Raphaël, continua Pamphile, & j'estime que le Titien est un plus grand Peintre.
Je vous entends bien, luy dis-je, c'est à-dire que Raphaël avec la correction de son Dessein, avoit plusieurs autres talens, & que tout cela ensemble vous plaist davantage que le Coloris du Titien.
Je vous avoüe, dit Pamphile, que je suis encore assez irresolu : neantmoins la correction du Dessein de Raphaël, l’élegance de ses contours, sa manière de drapper, ses expressions si touchantes, la facilité de son genie, ses compositions nobles, riches & abondantes, la grandeur, la simplicité & la vray-semblance de ses attitudes ; enfin, les graces qu'il répandoit dans tous ses ouvrages, me l’ont fait preferer au Titien.
Quoy au Titien, s'écria Damon, le plus grand Peintre, selon vous, qui ait jamais esté & qui sera peut-estre jamais.
Je vous l'avoüe, dit Pamphile, mais Raphaël, avec tous les avantages que je viens de vous dire, avoit encore celuy, d’estre entré sur la fin de sa vie dans l’inteligence des Lumieres & des Ombres, & d’avoir déja fait un si grand progrés dans le Coloris, & qu'il auroit bientost possedé cette partie dans sa derniere perfection. Ainsi je me persuade, si j'estois Raphaël, que dans peu de temps je serois encore le Titien.

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[....] La Place estoit ornée tout au tour de Statuës, que les Cabalistes avoient fait ériger à leurs Princes, entre lesquelles celle de Michelange occupoit le premier lieu, accompagné de celles du Titien, du Georgion, de Paul Veronese, du Tintoret, des Bassans, du Correge, du Guide, de Rubens, Vandick, Zuccaro, Lanfranc, Joseph Pin, Maistre Rousse, Saint Martin, Ribera, Pietre Teste, Freminet, Tempeste, Blœmaret, P. ….. V ….. B. …. V. … &c toutes posées sur leurs piedestaux, avec chacune une Inscription à leur loüange.
On ne voyait là ny les Apelles, ny les Timanthes, ny les Raphaëls, ny les Poussins, ny les Leonards de Vincy, ny les Jules Romains, ny les autres de ce merite, dont on ne se doit pas étonner, veu qu’ayans tous esté les Antagonistes de ces faux Peintres, les Cabalistes n’avoient garde de leur donner place parmi ceux dont ils ont méprisé les ouvrages & les maximes.

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L’on sait assez que la peinture n’est qu’un fard, qu’il est de son essence de tromper, & que le plus grand trompeur en cet Art, est le plus grand Peintre. La Nature est ingrate d’elle-même, & qui s’attacheroit à la copier simplement comme elle est & sans artifice, feroit toujours quelque chose de pauvre & de très-petit goût. Ce que l’on nomme Exageration dans les couleurs & dans les lumieres, est l’effet d’une profonde connoissance de la valeur des couleurs, & une admirable industrie qui fait paroître les objets peints plus vrais (s’il faut ainsi dire) que les veritables mêmes. C’est dans ce sens que l’on peut dire, que dans les Tableaux de Rubens l’Art est audessus de la Nature, laquelle semble en cette occasion n’être que la copie des ouvrages de ce grand Peintre : & quand les choses, après avoir été bien examinées, ne se trouveroient pas justes, comme on les suppose, qu’importe après tout, pourvû qu’elles le paroissent ; puisque la fin de la Peinture n’est pas tant de convaincre l’esprit que de tromper les yeux.

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Je sçay bien, continua-t-il, que Rubens est un de vos Heros de Peinture, & que vous avez toûjours estimé l’Ouvrage qui est dans la gallerie du Luxembourg, comme une des plus belles choses qui soient dans l’Europe, si l'on en retranchoit (disiez-vous) en beaucoup d'endroits le goût de Dessein dont il n'est pas question presentement. Mais tout le monde n'est pas de vôtre goût, & ceux qui sont d'un sentiment contraire, disent qu'on trouve peu de verité dans les Ouvrages de Rubens, quand on les examine de prés, que les Couleurs & les Lumieres y sont exagérées, que ce n'est qu'un fard, & qu'enfin ce n'est point ainsi que l'on voit ordinairement la Nature.
O le beau fard ! s'écria Pamphile, & plût à Dieu mon cher Damon, que les Tableaux qu'on fait aujourd'huy, fussent fardez de cette sorte ! ne sçavez-vous pas que la Peinture n'est qu'un fard, qu'il est de son essence de tromper, & que le plus grand trompeur en cet Art est le plus grand Peintre. La Nature est ingrate d'elle-même, & qui s'attacheroit à la copier simplement comme elle est & sans artifice, feroit toûjours quelque chose de pauvre & d'un tres-petit goût. Ce que vous nommez exageration dans les Couleurs & dans les Lumieres, est une admirable industrie, qui fait paroître les objets peints plus veritables (s'il faut ainsi dire) que les veritables mêmes. C'est ainsi que les Tableaux de Rubens sont plus beaux que la Nature, laquelle semble n'être que la copie des Ouvrages de ce grand Homme. Et quand les choses aprés être bien examinées ne se trouveroient pas justes, comme vous le supposez, qu'importe, pourvû qu'elles le paroissent ; puisque la fin de la Peinture n'est pas tant de convaincre l’esprit que de tromper les yeux.
Cet artifice, dit Damon, me semble merveilleux dans les grands Ouvrages.
C'est aussi dans ceux-là, reprit Pamphile, où l'on voit que Rubens l'a rendu plus sensible à ceux qui sont capables d'y faire attention & de l'examiner : car aux personnes qui ne s'y connoissent que peu, rien n'est plus caché que cet Artifice.

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Il est Vrai que le Peintre est obligé de savoir l’Anatomie, & les exagérations piquantes qui en dérivent, parce que l’Anatomie est le fondement du Dessein & que les exagérations peuvent conduire à la perfection ceux qui savent en prendre & en laisser autant qu’il en faut, pour accorder la justesse & la simplicité du Dessein avec le bon gout. Ces exagérations sont suportables & souvent agréables dans les Desseins qui ne sont que les pensées des Tableaux ; & le Peintre savant s’en peut servir utilement lorsqu’il commence & qu’il ébauche son Ouvrage : mais il doit les retrancher quand il veut que son Tableau paroisse dans sa perfection, comme un Architecte retranche & rejette le ceintre qui lui a servi à bâtir sa voûte.

Quotation

There is some Degree of Merit in a Picture where Nature is Exactly copy’d, though in a Low Subject ; Such as Drolls, Countrey Wakes, Flowers, Landscapes, &c. and More in proportion as the Subject rises, or the End of the Picture is this Exact Representation. Herein the Dutch, and Flemish Masters have been Equal to the Italians, if not Superior to them in general. What gives the Italians, and Their Masters the Ancients the Preference, is, that they have not Servilely follow’d Common Nature, but Rais’d, and Improv’d, or at least have always made the Best Choice of it. This gives a Dignity to a Low Subject, and is the reason of the Esteem we have for the Landscapes of Salvator Rosa, Filippo Laura, Claude Lorrain, the Poussins ; the Fruit of the two Michelangelo’s, the Battaglia, and Campadoglio ; and This, when the Subject it self is Noble, is the Perfection of Painting : As in the best Portraits of Van-Dyck, Rubens, Titian, Rafaëlle, &c. and the Histories of the best Italian Masters ; chiefly those of Rafaëlle ; he is the great Model of Perfection !

Quotation

Il est Vrai que le Peintre est obligé de savoir l’Anatomie, & les exagérations piquantes qui en dérivent, parce que l’Anatomie est le fondement du Dessein & que les exagérations peuvent conduire à la perfection ceux qui savent en prendre & en laisser autant qu’il en faut, pour accorder la justesse & la simplicité du Dessein avec le bon gout. Ces exagérations sont suportables & souvent agréables dans les Desseins qui ne sont que les pensées des Tableaux ; & le Peintre savant s’en peut servir utilement lorsqu’il commence & qu’il ébauche son Ouvrage : mais il doit les retrancher quand il veut que son Tableau paroisse dans sa perfection, comme un Architecte retranche & rejette le ceintre qui lui a servi à bâtir sa voûte.

Quotation

435. [Aussi bien que les choses paroissent estre faites avec Facilité.] Cette facilité attire d’autant plus nos yeux & nos esprits, qu’il est à presumer qu’un beau travail qui nous paroist facile, vient d’une main sçavante & consommée. […] Mais il est impossible d’avoir cette Facilité, sans posseder parfaitement toutes les Regles de l’Art, & s’en estre fait un habitude : car la Facilité consiste à ne faire precisément que l’Ouvrage qu’il faut, & à mettre chaque chose dans sa place avec promptitude : ce qui ne se peut sans les Regles, qui sont des moyens assurez pour vous conduire, & pour terminer vos Ouvrages avec plaisir. Il est donc certain, contre l’opinion de plusieurs, que les Regles donnent de la Facilité, de la Tranquillité & de la promptitude dans les esprits les plus tardifs, & que ces mesmes Regles augmentent & dirigent cette Facilité dans ceux qui l’ont déja receuë d’une heureuse naissance.
D’où il s’ensuit que l’on peut considerer la Facilité de deux façons, ou simplement, comme une diligence & une promptitude d’esprit & de main, ou comme une disposition dans l’esprit de lever promptement toutes les difficultez qui se peuvent former dans l’Ouvrage. La premiere vient d’un temperament actif & plein de feu, & l’autre d’une veritable Science & d’une possession des Regles infaillibles ; celle-là est agreable, mais elle n’est pas toûjours sans inquietude, parce qu’elle fait égarer souvent ; & celle-cy au contraire fait agir avec un repos d’esprit & une tranquillité merveilleuse : car elle nous asseure de la bonté de nostre Ouvrage : c’est beaucoup que d’avoir la premiere ; mais c’est le comble de la perfection de les avoir l’une & l’autre, telle que les ont possedées Rubens & Vandeik, excepté la Partie du Dessein, qu’ils ont trop negligée. […]
Remarquez, s’il vous plaît, que la Facilité & la Diligence, dont je viens de parler, ne consistent pas à faire ce qu’on appelle des traits hardis, & à donner des coups de pinceau libres, s’ils ne font un grand effet d’une distance éloignée : Cette sorte de liberté est plûtost d’un Maistre à écrire que d’un Peintre. Je dis bien davantage, il est presque impossible que les choses peintes paroissent vrayes & naturelles, quand on y remarque ces sortes de traits hardis : & tous ceux qui ont le plus approché de la Nature, ne se sont pas servis de cette Manière de peindre. Tous ces cheveux filez & ces coups de pinceau qui forment des hachures, sont à la verité admirables : mais ils ne trompent pas la veuë.

Quotation

Ik vroeg eens aan iemand, waarom hy zyn kleêren altyd met dunne ploojen maakte? waarop hy my tot antwoord gaf, geen zin te hebben in zulke dikke ploojen als Paulo Veronees, Titiaan en Rubbens verbeelden. Sommige bederven hun beelden zodanig met het ophoopen van veelderhande ploojen; dat zy daar door t’eenemaal vergeeten, het gebruik der stoffe alleenig gemaakt te zyn, om de partyen der Lichamen daar ze over heen komen, te kleeden en met gratie te bedekken: en niet om dezelve daar mede te belaaden en te vervullen, als of het geheele Lichaam maar een buik, en alle leeden op de verheeven partyen, met zandzakken bekleed waaren. Veele wederom maken hun kleedingen als of het darmen zyn, op de manier van Korton, ziende nergens als zulke printen.

Quotation

Les Peintres sont Poëtes, mais leur Poësie ne consiste pas tant à inventer des chimeres ou des jeux d'esprit, qu'à bien imaginer quelles passions & quels sentimens l'on doit donner aux personnages suivant leur caractere & la situation où l'on les suppose, comme à trouver les expressions propres à rendre ces passions sensibles et à faire deviner ces sentimens. Je ne me souviens pas que Raphael ni le Poussin aïent jamais fait l'usage vicieux des personnages allégoriques que j'ose critiquer dans le tableau de Rubens.

Quotation

Dans le septième tableau le Peintre [ndr : Rubens] a représenté ce mariage, d’une manière poëtique. Le Roy & la Reyne sous les figures de Jupiter & de Junon, sont peints dans le ciel, assis sur des nuages. […]

Quotation

j’avoue que j’en passe sous silence qui regardent l’execution & la pratique [ndr : du coloris] : mais comme je n’ai appris ce que j’en pourrois communiquer qu’en examinant avec beaucoup de reflexion les ouvrages des grands Peintres, & sur-tout ceux de Titien & de Rubens ; & que sur-tout les Studieux de Peinture peuvent puiser à la même source ; je les renvoi à ces deux Peintres, à Rubens premierement, parce que les principes en sont plus sensibles & plus aisés à pénétrer ; puis à Titien qui semble avoir encore passé la lime par dessus, c’est-à-dire, en un mot que le Titien a fait sentir dans une distance legitime, plus de verité & de précision dans ses couleurs locales, ayant laissé à Rubens le talent des grandes compositions, & l’artifice de faire entendre de plus loin l’harmonie de son Tout-ensemble.

Quotation

Sometimes the Structure of a Picture, or the Tout-Ensemble of its Form, shall resemble dark Clouds on a Light Ground ; As in two Assumptions of the Virgin by Bolswert after Rubens ; indeed a part of These are such Clouds : But in both of them the Figures of these Masses are something too Indistinct. Le Brun in a Ceiling of the same Subject, grav’d, by young Simconneau, has put a Group of Angels, which almost hide the cloudy Voiture of the Virgin ; but this mass is too Regular, and Heavy a Shape. I refer you to Prints, because they are easy to be got, and explain This matter as well as Drawings, or Pictures, and in some Respects Better.

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435. [Aussi bien que les choses paroissent estre faites avec Facilité.] Cette facilité attire d’autant plus nos yeux & nos esprits, qu’il est à presumer qu’un beau travail qui nous paroist facile, vient d’une main sçavante & consommée. […] Mais il est impossible d’avoir cette Facilité, sans posseder parfaitement toutes les Regles de l’Art, & s’en estre fait un habitude : car la Facilité consiste à ne faire precisément que l’Ouvrage qu’il faut, & à mettre chaque chose dans sa place avec promptitude : ce qui ne se peut sans les Regles, qui sont des moyens assurez pour vous conduire, & pour terminer vos Ouvrages avec plaisir. Il est donc certain, contre l’opinion de plusieurs, que les Regles donnent de la Facilité, de la Tranquillité & de la promptitude dans les esprits les plus tardifs, & que ces mesmes Regles augmentent & dirigent cette Facilité dans ceux qui l’ont déja receuë d’une heureuse naissance.
D’où il s’ensuit que l’on peut considerer la Facilité de deux façons, ou simplement, comme une diligence & une promptitude d’esprit & de main, ou comme une disposition dans l’esprit de lever promptement toutes les difficultez qui se peuvent former dans l’Ouvrage. La premiere vient d’un temperament actif & plein de feu, & l’autre d’une veritable Science & d’une possession des Regles infaillibles ; celle-là est agreable, mais elle n’est pas toûjours sans inquietude, parce qu’elle fait égarer souvent ; & celle-cy au contraire fait agir avec un repos d’esprit & une tranquillité merveilleuse : car elle nous asseure de la bonté de nostre Ouvrage : c’est beaucoup que d’avoir la premiere ; mais c’est le comble de la perfection de les avoir l’une & l’autre, telle que les ont possedées Rubens & Vandeik, excepté la Partie du Dessein, qu’ils ont trop negligée. […]
Remarquez, s’il vous plaît, que la Facilité & la Diligence, dont je viens de parler, ne consistent pas à faire ce qu’on appelle des traits hardis, & à donner des coups de pinceau libres, s’ils ne font un grand effet d’une distance éloignée : Cette sorte de liberté est plûtost d’un Maistre à écrire que d’un Peintre. Je dis bien davantage, il est presque impossible que les choses peintes paroissent vrayes & naturelles, quand on y remarque ces sortes de traits hardis : & tous ceux qui ont le plus approché de la Nature, ne se sont pas servis de cette Manière de peindre. Tous ces cheveux filez & ces coups de pinceau qui forment des hachures, sont à la verité admirables : mais ils ne trompent pas la veuë.

Quotation

On entend par le mot de Raisonnement, ou la cause & la raison par laquelle l’Ouvrage fait un bon effet, ou l’action de l’entendement qui connoît une chose par une autre, & qui en tire des consequences.
Si par le mot de Raisonnement on entend l’action de l’entendement qui infere une chose par la connoissance d’une autre, il se trouve également dans la Poësie & dans la Peinture, quand l’occasion s’en presente. Le plus sur moyen de rendre cette verité sensible, est de la démontrer dans des Ouvrages qui soient sous nos yeux, & ausquels il soit aisé d’avoir recours. Les Tableaux de la Galerie de Luxembourg qui representent la Vie de Marie de Médicis, en seront autant de preuves ; & je me servirai de celui où est peinte la naissance de Louis XIII. parce qu’il est le plus connu.
[…] Les autres Tableaux de cette Galerie qui sont tous allégoriques, donnent lieu de tirer des conséquences par les symboles qui conviennent aux sujets, & aux circonstances que le Peintre a voulu traiter.

Quotation

329. [La Grappe de Raisin.] Il est assez évident que le Titien par cette comparaison aussi judicieuse que familiere, a pretendu dire que l’on doit ramasser les Objets & les disposer de telle sorte, qu’ils composent un Tout, dont plusieurs Parties contiguës puissent estre éclairées, plusieurs ombrées, & d’autres de Couleurs rompuës, pour estre dans les Tournans ; de mesme que dans une Grappe de Raisin, plusieurs grains qui en font les parties, se trouvent dans le jour, plusieurs dans l’ombre, & d’autres dans la demie teinte, pour estre dans les Parties fuyantes. Le Tintoret dit un jour à Rubens, qu’il avoit oüi dire au Titien, Que dans tous ses plus grands Ouvrages, la Grappe de Raisin estoit son meilleur guide & sa principale Regle.

Quotation

Ne trouvez-vous pas, dit Damon, que Rubens a fait ses lumières plus fortes qu'elles ne sont dans la Nature, aussi bien que ses reflets. Je le trouve comme vous, reprit Philarque, &c'est en cela que les corps qu'il a peints en font plus de reliefs & par conséquent plus naturels.

Quotation

Les Peintres demi-savans qui se sont engagés dans un mauvais chemin, & la plupart des Savans dans les Lettres, veulent ordinairement soutenir de fausses idées qu’ils ont formées d’abord, & sans connoître, ni Dessein, ni Coloris, ni Raphaël, ni Rubens, parlent de ces deux Peintres sur une ancienne tradition qui bien que beaucoup diminuée par les bonnes réfléxions, a encore laissé des racines dans l’esprit de plusieurs.

Quotation

There are Instances where two Masses ; a Light, and a Dark one, divide the Picture, each possessing One Side. I have of This sort by Rubens, and as fine a Composition as can be seen ; the Masses are so well Rounded, the Principal Light being near the Middle of the Bright One, and the Other having Subordinate Lights upon it so as to Connect, but not to Confound it with the rest ; and they are in agreeable Shapes, and melting into One Another, but nevertheless sufficiently determined.
Very commonly a Picture consists of a Mass of Light, and another of Shadow upon a Ground of a Middle Tinct. And sometimes ‘tis composed of a Mass of Dark at the bottom, another Lighter above that, and another for the upper part still Lighter ; (as usually in a Landscape) Sometimes the Dark Mass employs one Side of the Picture also.

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Traveller.
           
There is a thing which the Italians call Morbidezza ; The meaning of which word, is to Express the Softness, and tender Liveliness of Flesh and Blood, so as the Eye may almost invite the Hand to touch and feel it, as if it were Alive ; and this is the hardest thing to Compass in the whole Art of Painting. And ‘tis in this particular, that Titian, Corregio, and amongst the more Modern, Rubens, and Vandike, do Excel.

Quotation

Il ne serait pas moins téméraire de décider la question sur ce que nos tableaux ne sont point ces effets prodigieux que les tableaux des anciens peintres ont fait quelquefois ; suivant les apparences, les récits des Ecrivains qui nous racontent ces effets sont exagérez, & nous ne savons pas même ce qu'il en faudrait rabattre pour les réduire à l'exacte vérité. Nous ignorons quelle part de la nouveauté de l'art de la Peinture peut avoir euë dans l'impression qu'on veut que certains tableaux aïent fait sur les Spectateurs. Les premiers tableaux, quoique grossiers, ont dû paroître des ouvrages divins. L'admiration pour un art naissant, fait tomber aisément dans l'exagération ceux qui parlent de ses productions ; & et la tradition en recueillant ces récits outrez, aime encore les rendre plus merveilleux qu'elle ne les a reçus. On trouve même dans les Ecrivains anciens des choses impossibles données pour vraies, & des choses ordinaires traitées de prodiges. […]
Enfin on ne sçaurait donner une idée un peu précise des tableaux à ceux qui ne les ont pas vus absolument, & qui ne connaissent pas la manière du Peintre qui les a faits, que par voies de comparaison. […]
Les Ecrivains modernes qui ont traité de la peinture antique, nous rendent plus sçavans, sans nous rendre plus capables de juger la question de la supériorité des Peintres de l'antiquité sur les Peintres modernes. Ces Ecrivains se sont contentez de ramasser les passages des Auteurs anciens qui parlent de la peinture & de les commenter en Philologues, sans les expliquer par l'examen de ce que nos Peintres font de nos jours, & même sans appliquer ces passages aux morceaux de la peinture antique qui subsistent encore. Je pense donc que pour se former une idée aussi distincte de la peinture antique qu'il soit possible de l'avoir, il faut considérer séparément ce que nous pouvons sçavoir de certain sur la composition, sur l'expression & sur le coloris des Peintres de l'antiquité.     
[…] Quant à la composition Pittoresque, il faut avoüer que dans les monumens qui nous restent, les Peintres anciens ne paroissent pas superieurs, ni même égaux à Raphaël, à Rubens, à Paul Véronèse, ni à M. Le Brun. […]
Quant à la composition Poëtique, les anciens se piquoient beaucoup d'exceller dans ses inventions, & comme ils étoient grands dessinateurs, ils avoient toutes sortes de facilité pour y réussir. Pour donner une idée du progrès  que les anciens avoient faits dans cette partie de la peinture qui comprend le grand art des expressions, nous rapporterons ce qu'en disent les Ecrivains de l'antiquité. De toute les parties de la peinture, la composition Poëtique est celle dont il est le plus facile de donner une idée avec des paroles. C'est celle qui se décrit le mieux.
[…]
Comme le temps a éteint les couleurs, & confondu les nuances dans les fragmens qui nous restent de la peinture antique faite au pinceau, nous ne sçaurions juger à quel point les Peintres de l'antiquité ont excellé dans le coloris, ni s'ils ont égalé ou surpassé les grands Maîtres de l'Ecole Lombarde dans cette aimable partie de la peinture.[…] On ne sçaurait décider notre question sur des récits. Il faut pour la juger, avoir des pièces de comparaison. Elles nous manquent. 
On ne sçauroit former un préjugé contre le coloris des anciens, de ce qu'ils ignoroient l'invention de détremper les couleurs avec de l'huile […]
Quant au clair-obscur & à la distribution enchanteresse des lumières & des ombres, ce que Pline &  les autres Ecrivains de l'antiquité en disent, est si positif, leurs récits sont si bien circonstanciez & si vrai-semblables, qu'on ne sçauroit disconvenir que les anciens n'égalassent du moins dans cette partie de l'Art, les plus grands peintres modernes. Les passages de ces Auteurs que nous ne comprenions pas bien, quand les Peintres modernes ignoroient encore quel prestige on peut faire avec le secours de cette magie, ne sont plus si embroüillez & si difficiles, depuis que Rubens, ses Eleves, Polidore de Caravage, & d'autres Peintres les ont expliquez bien mieux, les pinceaux à la main, que les commentateurs les plus érudits ne le pouvoient faire dans des livres. 
[…] je dis, que les Peintres qui ont travaillé depuis la renaissance des Arts, que Raphaël & ses contemporains n'ont point eu aucun avantage sur nos Artisans. Ces derniers sçavent toutes les couleurs dont les premiers se sont servis. 

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There is some Degree of Merit in a Picture where Nature is Exactly copy’d, though in a Low Subject ; Such as Drolls, Countrey Wakes, Flowers, Landscapes, &c. and More in proportion as the Subject rises, or the End of the Picture is this Exact Representation. Herein the Dutch, and Flemish Masters have been Equal to the Italians, if not Superior to them in general. What gives the Italians, and Their Masters the Ancients the Preference, is, that they have not Servilely follow’d Common Nature, but Rais’d, and Improv’d, or at least have always made the Best Choice of it. This gives a Dignity to a Low Subject, and is the reason of the Esteem we have for the Landscapes of Salvator Rosa, Filippo Laura, Claude Lorrain, the Poussins ; the Fruit of the two Michelangelo’s, the Battaglia, and Campadoglio ; and This, when the Subject it self is Noble, is the Perfection of Painting : As in the best Portraits of Van-Dyck, Rubens, Titian, Rafaëlle, &c. and the Histories of the best Italian Masters ; chiefly those of Rafaëlle ; he is the great Model of Perfection !

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He that would rise to the Sublime must form an Idea of Something beyond all we have yet seen ; or which Art, or Nature has yet produc’d ; Painting, Such as when all the Excellencies of the several Masters are United, and their several Defects avoided.
The greatest Designers among the Moderns want much of that exquisite Beauty, in all the Several Characters, that is to be seen in the Antique ; the Airs of the Heads, even of
Rafaëlle himself, are Inferiour to what the Ancients have done ; and for Grace to some of Guido : the Colouring of Rubens and Van Dyck falls short of That of Titian, and Coreggio ; and the best Masters have Rarely Thought like Rafaëlle, or Compos’d like Rembrandt. Let us then imagine a Picture Design’d as the Laocoon, the Hercules, the Apollo, the Venus, or any of these Miraculous remains of Antiquity : The Airs of Heads like what is to be found in the Statues, Busts, Bas-releifs, or Medals, or like some of those of Guido ; and Colour’d like the most Celebrated Colourists ; with the Lightest Pencil, and the most Proper to the Subject ; and all this Suitably Invented, and Compos’d ; Here would be a Picture ! Such a one a Painter should Imagine, and So set before him for Imitation.
Nor must he stop Here, but Create an Original Idea of Perfection. The Utmost that the Best Masters have done, is not to be suppos’d the Utmost ‘tis possible for Humane Nature to arrive at ;

Quotation

Depuis Rubens jusqu'à Coypel, le sujet du crucifiment a été traité plusieurs fois. Cependant ce dernier Peintre a rendu sa composition nouvelle. Son tableau représente le moment où la nature s'émut d'horreur à la mort de J. C. le moment où le Soleil s'éclipsa sans l'interposition de la lune, & où les morts sortirent de leurs sépulcres. Dans l'un des côtez du tableau l'on voit des hommes saisis d'une peur mêlée d'étonnement à l'aspect du désordre nouveau, où paroît le Ciel, sur lequel leurs regards sont attachez. Leur épouvante fait un contraste avec une crainte mêlée d'horreur, dont sont frappez d'autres spectateurs, au milieu desquels un mort sort tout-à-coup de son tombeau. Cette pensée très-convenable à la situation des personnages, et qui montre des accidens differens de la même passion, va jusques au sublime ; mais elle paroît si naturelle en même-tems, que chacun s'imagine qu'il l'auroit trouvée, s'il eût traité le même sujet. La Bible qui est celui de tous les livres qu'on lit le plus, ne nous apprend-elle pas que la nature s'émût d'horreur à la mort de Jesus-Christ, & que les morts sortirent de leurs tombeaux ? Comment, dirions-nous, a-t-on pû faire un seul tableau du crucifiment, sans y emploïer ces accidens terribles, & capables de produire un si grand effet ? Cependant le Poussin introduit dans son tableau du crucifiment un mort sortant du sepulchre, sans tirer de l'apparition de ce mort le trait de poësie, que Monsieur Coypel en a tiré. Mais c'est le caractere propre de ces inventions sublimes que le génie seul fait trouver, que de paroître tellement liées avec le sujet, qu'il semble qu'elles aïent dû être les premieres idées qui se soient présentées aux Artisans, qui ont traité ce sujet. On suë vainement, dit Horace, quand on veut trouver des inventions du même genre sans avoir un génie pareil à celui du Poëte, dont on veut imiter le naturel et la simplicité.

Quotation

Les Peintres intelligens ont si bien connu, ils ont si bien senti cette verité, que rarement ils ont fait des païsages deserts & sans figures. Ils les ont peuplez, ils ont introduit dans ces tableaux un sujet composé de plusieurs personnages dont l'action fût capable de nous émouvoir & par conséquent de nous attacher. C'est ainsi qu'en ont usé le Poussin, Rubens et d'autres grands Maîtres qui ne se sont pas contentez de mettre dans leurs païsages un homme qui passe son chemin, ou bien une femme qui porte des fruits au marché. Ils y placent ordinairement des figures qui pensent, afin de nous donner lieu de penser ; ils y mettent des hommes agitez de passions, afin de réveiller les nôtres & de nous attacher par cette agitation. En effet on parle plus souvent des figures de ces tableaux que de leurs terrasses et de leurs arbres. Le païsage que le Poussin a peint plusieurs fois, & qui s'appelle communément l'Arcadie, ne seroit pas si vanté s'il étoit sans figures.

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[…] les tableaux ne doivent pas être des énigmes, & le but de la Peinture n'est pas d'exercer notre imagination, en lui donnant des sujets embrouïlles à deviner. Son but est de nous emouvoir & par consequent les sujets de ses ouvrages ne sçauroient être trop faciles à entendre. […] Tel est le pouvoir de la vérité, que les imitations & les fictions ne reussissent jamais mieux, que lorsqu'elles l'[ndr. : le sujet] altèrent le moins. 

Quotation

Or comme nous le dit Vitruve en termes très-senses, il ne suffit pas que nos yeux trouvent leur compte dans un tableau bien peint & bien dessiné : l'esprit doit aussi trouver le sien. Il faut donc que l'Artisan du tableau ait choisi un sujet, que ce sujet se comprenne distinctement, & qu'il soit traité de maniere qu'il nous interesse. Je n'estime gueres, ajoute-t-il, les tableaux dont les sujets n'imitent pas quelque vérité. […] Ils peuvent tout au plus introduire dans leur action qui doit toujours imiter la verité historique, quelques figures allégoriques de celles qui sont convenables au sujet, comme seroit, par exemple, la Foi représentée à côté d'un Saint qui feroit un miracle. […] Des verites auxquelles nous ne sçaurions penser sans terreur & sans humiliation, ne doivent pas être peintes avec tant d'esprit, ni représentées sous l'emblême d'une allégorie ingénieuse inventée à plaisir. Il est encore moins permis d'emprunter les personnages & les fictions de la Fable pour peindre ces verites. 

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Depuis Rubens jusqu'à Coypel, le sujet du crucifiment a été traité plusieurs fois. Cependant ce dernier Peintre a rendu sa composition nouvelle. Son tableau représente le moment où la nature s'émut d'horreur à la mort de J. C. le moment où le Soleil s'éclipsa sans l'interposition de la lune, & où les morts sortirent de leurs sépulcres. Dans l'un des côtez du tableau l'on voit des hommes saisis d'une peur mêlée d'étonnement à l'aspect du désordre nouveau, où paroît le Ciel, sur lequel leurs regards sont attachez. Leur épouvante fait un contraste avec une crainte mêlée d'horreur, dont sont frappez d'autres spectateurs, au milieu desquels un mort sort tout-à-coup de son tombeau. Cette pensée très-convenable à la situation des personnages, et qui montre des accidens differens de la même passion, va jusques au sublime ; mais elle paroît si naturelle en même-tems, que chacun s'imagine qu'il l'auroit trouvée, s'il eût traité le même sujet. La Bible qui est celui de tous les livres qu'on lit le plus, ne nous apprend-elle pas que la nature s'émût d'horreur à la mort de Jesus-Christ, & que les morts sortirent de leurs tombeaux ? Comment, dirions-nous, a-t-on pû faire un seul tableau du crucifiment, sans y emploïer ces accidens terribles, & capables de produire un si grand effet ? Cependant le Poussin introduit dans son tableau du crucifiment un mort sortant du sepulchre, sans tirer de l'apparition de ce mort le trait de poësie, que Monsieur Coypel en a tiré. Mais c'est le caractere propre de ces inventions sublimes que le génie seul fait trouver, que de paroître tellement liées avec le sujet, qu'il semble qu'elles aïent dû être les premieres idées qui se soient présentées aux Artisans, qui ont traité ce sujet. On suë vainement, dit Horace, quand on veut trouver des inventions du même genre sans avoir un génie pareil à celui du Poëte, dont on veut imiter le naturel et la simplicité.

Quotation

Et en effet le Tableau veut estre regardé comme une machine dont les pièces doivent estre l'une pour l'autre, & ne produire toutes ensemble qu'un mefme effet ; que si vous les regardez separément, vous n'y trouverez que la main de l'Ouvrier, lequel a mis tout son esprit dans leur accord & dans la justesse de leur assemblage : Qui couperoit par exemple l'endroit du Tableau de saint George, ou des vieilles, rendent graces au Ciel d' avoir trouvé un libérateur, & regarderoit ces figures comme quelque chose d'achevé, se tromperoit fort, puisque le Peintre ne les a faites que par relation au tout, & non point à elle-mesme : Les ayant donc placées au coin du tableau il en a éteint les couleurs & négligé l'Ouvrage, quoy que fur le premier plan, afin que la veuë se portast au milieu où le saint & la pucelle attirent les yeux par leur couleurs, qui sont plus fortes, & plus brillantes, Rubens a-t'il conservé cette oeconomie par tout, dit Damon ? Sans doute, répondit Philarque, mais cela est beaucoup plus sensible dans ses grands Ouvrages.

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[…] une teinte qui de près paroît separée & d’une certaine couleur, paroîtra d’une autre couleur dans sa distance, & se confondra dans la masse dont elle fait partie. Si vous voulez donc que votre ouvrage fasse un bon effet du lieu d’où il doit être vû, il faut que les couleurs & les lumieres en soient un peu exagerées ; mais savamment & avec une grande discretion. Voyez la maniere dont Titien, Rubens, Vandeik, & Rembrant en ont usé : car leur artifice est merveilleux.

Quotation

Les Couleurs à huile ont cela pardessus les autres, que les Teintes s'en peuvent mêler facilement par le manîment du Pinceau : mais il est à craindre aussi qu'à force de les tourmenter on n'en fasse perdre la fraicheur surtout dans les Carnations, & qu'elles ne deviennent sales et terrestres. Pour obvier à cela, il y a deux choses à faire ; la première est de s'accoûtumer à peindre & à mêler ses Couleurs avec promptitude & légèreté de Pinceau, en sorte que, s'il y avoit moyen, l'on ne passât point deux fois sur le même endroit, & la seconde est, qu'après avoir ainsi meslé légèrement ses Couleurs ensemble on prenne le soin de retoucher par-dessus avec des Couleurs vierges & fraîches lesquelles conviennent aux endroits où on le met, & soient de même ton que celles qui auront été déjà peintes & mêlées par dessous. Pour apprendre à peindre de cette sorte je ne sais rien de meilleur que de copier d'après le Corrège & Van Dyck pour la légèreté de pinceau, & d'après Paul Veronese & Rubens pour les Teintes vierges.

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T: Neen vriend slegter is het niet, beziet het wel met aandacht; ’t is zo eel niet gesneeden, maar het is van Teikening en korrektheid der Muskulen, niet minder als d’ander.
S: Is het wel in ’t Leeven zo? myn dunkt dat’er de Vleizigheid zo wel niet in is, als die geene welke ik van Rubbens, Jordaans, en meer anderen gezien heb. Het komt my voor, eeven als de gevilde Menschen, of gelyk dat Beeld die gy my van de Anathomie geleent hebt.
T: Daarom laat ik ze u ook zien: niet om te zeggen, datmen die zo naarvolgen moet; maar alleen om de vastigheid van teikening die daar in is; waardoor gy merken kund wat voordeel iemand heeft, die ’t wel verstaat; ja zo, dat hy naar een Modél, alderhande stand van menschen, ’t zy vet, maager, jong, oud, kloek, robust, met weinig moeiten kan teikenen of verbeelden.

Quotation

De toutes les parties de la Peinture, celle qui a le plus contribué à l'effet & au brillant de ses Ouvrages a este la disposition des objets : car les lumières & les couleurs ne serviroient pas de beaucoup si les corps nettoient placez & disposez pour les recevoir avantageusement & cette disposition ne se trouve pas seulement dans les objets particuliers, mais encore dans les groupes & dans le tout-ensemble de l'Ouvrage. II paroist visiblement que l'oeconomie que Rubens a gardée en cette partie, va à éviter la dissipation des yeux, & à les fixer agréablement par la liaison des corps & par l'opposition des masses. Cette liaison se fait de deux façons ; la première par manière de fond, & la seconde par manière de groupe.

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[...]; car sans se servir d'un plan circulaire dans le Tableau des Innocens, comme il a fait dans le Jugement de Paris, il donne la rondeur à son tout-ensemble par le noir qu'il a mis au groupe du milieu, qui par la force & la vivacité de ses couleurs sort de la toile & maîtrise les groupes des cotez, les contraint, pour ainsi dire de se retirer, & de former avec luy la rondeur dont je vous parle. Voila ce qui regarde la disposition des objets en general ;[…].

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Le Clair-obscur regarde les objets particuliers, les Groupes de & le Tout-ensemble. Rubens avoit pour maxime dans les objets particuliers exposez sous une lumiere ordinaire, d'éclairer d'autant plus les endroits relevez, qu'ils avoient de saillie, & la pluspart des figures qui sont en ces Tableaux ne font le bel effet que vous voyez, que parce que le Peintre les a traitez dans ce principe.

Quotation

Sometimes the Structure of a Picture, or the Tout-Ensemble of its Form, shall resemble dark Clouds on a Light Ground ; As in two Assumptions of the Virgin by Bolswert after Rubens ; indeed a part of These are such Clouds : But in both of them the Figures of these Masses are something too Indistinct. Le Brun in a Ceiling of the same Subject, grav’d, by young Simconneau, has put a Group of Angels, which almost hide the cloudy Voiture of the Virgin ; but this mass is too Regular, and Heavy a Shape.

Quotation

L’on sait assez que la peinture n’est qu’un fard, qu’il est de son essence de tromper, & que le plus grand trompeur en cet Art, est le plus grand Peintre. La Nature est ingrate d’elle-même, & qui s’attacheroit à la copier simplement comme elle est & sans artifice, feroit toujours quelque chose de pauvre & de très-petit goût. Ce que l’on nomme Exageration dans les couleurs & dans les lumieres, est l’effet d’une profonde connoissance de la valeur des couleurs, & une admirable industrie qui fait paroître les objets peints plus vrais (s’il faut ainsi dire) que les veritables mêmes. C’est dans ce sens que l’on peut dire, que dans les Tableaux de Rubens l’Art est audessus de la Nature, laquelle semble en cette occasion n’être que la copie des ouvrages de ce grand Peintre : & quand les choses, après avoir été bien examinées, ne se trouveroient pas justes, comme on les suppose, qu’importe après tout, pourvû qu’elles le paroissent ; puisque la fin de la Peinture n’est pas tant de convaincre l’esprit que de tromper les yeux.
 

Quotation

Je sçay bien, continua-t-il, que Rubens est un de vos Heros de Peinture, & que vous avez toûjours estimé l’Ouvrage qui est dans la gallerie du Luxembourg, comme une des plus belles choses qui soient dans l’Europe, si l'on en retranchoit (disiez-vous) en beaucoup d'endroits le goût de Dessein dont il n'est pas question presentement. Mais tout le monde n'est pas de vôtre goût, & ceux qui sont d'un sentiment contraire, disent qu'on trouve peu de verité dans les Ouvrages de Rubens, quand on les examine de prés, que les Couleurs & les Lumieres y sont exagérées, que ce n'est qu'un fard, & qu'enfin ce n'est point ainsi que l'on voit ordinairement la Nature.
O le beau fard ! s'écria Pamphile, & plût à Dieu mon cher Damon, que les Tableaux qu'on fait aujourd'huy, fussent fardez de cette sorte ! ne sçavez-vous pas que la Peinture n'est qu'un fard, qu'il est de son essence de tromper, & que le plus grand trompeur en cet Art est le plus grand Peintre. La Nature est ingrate d'elle-même, & qui s'attacheroit à la copier simplement comme elle est & sans artifice, feroit toûjours quelque chose de pauvre & d'un tres-petit goût. Ce que vous nommez exageration dans les Couleurs & dans les Lumieres, est une admirable industrie, qui fait paroître les objets peints plus veritables (s'il faut ainsi dire) que les veritables mêmes. C'est ainsi que les Tableaux de Rubens sont plus beaux que la Nature, laquelle semble n'être que la copie des Ouvrages de ce grand Homme. Et quand les choses aprés être bien examinées ne se trouveroient pas justes, comme vous le supposez, qu'importe, pourvû qu'elles le paroissent ; puisque la fin de la Peinture n'est pas tant de convaincre l’esprit que de tromper les yeux.
Cet artifice, dit Damon, me semble merveilleux dans les grands Ouvrages.
C'est aussi dans ceux-là, reprit Pamphile, où l'on voit que Rubens l'a rendu plus sensible à ceux qui sont capables d'y faire attention & de l'examiner : car aux personnes qui ne s'y connoissent que peu, rien n'est plus caché que cet Artifice.

Quotation

435. [Aussi bien que les choses paroissent estre faites avec Facilité.] Cette facilité attire d’autant plus nos yeux & nos esprits, qu’il est à presumer qu’un beau travail qui nous paroist facile, vient d’une main sçavante & consommée. […] Mais il est impossible d’avoir cette Facilité, sans posseder parfaitement toutes les Regles de l’Art, & s’en estre fait un habitude : car la Facilité consiste à ne faire precisément que l’Ouvrage qu’il faut, & à mettre chaque chose dans sa place avec promptitude : ce qui ne se peut sans les Regles, qui sont des moyens assurez pour vous conduire, & pour terminer vos Ouvrages avec plaisir. Il est donc certain, contre l’opinion de plusieurs, que les Regles donnent de la Facilité, de la Tranquillité & de la promptitude dans les esprits les plus tardifs, & que ces mesmes Regles augmentent & dirigent cette Facilité dans ceux qui l’ont déja receuë d’une heureuse naissance.
D’où il s’ensuit que l’on peut considerer la Facilité de deux façons, ou simplement, comme une diligence & une promptitude d’esprit & de main, ou comme une disposition dans l’esprit de lever promptement toutes les difficultez qui se peuvent former dans l’Ouvrage. La premiere vient d’un temperament actif & plein de feu, & l’autre d’une veritable Science & d’une possession des Regles infaillibles ; celle-là est agreable, mais elle n’est pas toûjours sans inquietude, parce qu’elle fait égarer souvent ; & celle-cy au contraire fait agir avec un repos d’esprit & une tranquillité merveilleuse : car elle nous asseure de la bonté de nostre Ouvrage : c’est beaucoup que d’avoir la premiere ; mais c’est le comble de la perfection de les avoir l’une & l’autre, telle que les ont possedées Rubens & Vandeik, excepté la Partie du Dessein, qu’ils ont trop negligée. […]
Remarquez, s’il vous plaît, que la Facilité & la Diligence, dont je viens de parler, ne consistent pas à faire ce qu’on appelle des traits hardis, & à donner des coups de pinceau libres, s’ils ne font un grand effet d’une distance éloignée : Cette sorte de liberté est plûtost d’un Maistre à écrire que d’un Peintre. Je dis bien davantage, il est presque impossible que les choses peintes paroissent vrayes & naturelles, quand on y remarque ces sortes de traits hardis : & tous ceux qui ont le plus approché de la Nature, ne se sont pas servis de cette Manière de peindre. Tous ces cheveux filez & ces coups de pinceau qui forment des hachures, sont à la verité admirables : mais ils ne trompent pas la veuë.

Quotation

The next thing to be considered in an Historical Piece, is the Truth of the Drawings, and the Correction of the Design, as Painters call it ; that is, whether they have chosen to imitate Nature in her most Beautiful Part ; for though a Painter be the Copist of Nature, Yet he must not take her promiscuously, as he finds her, but have an Idea of all that is Fine and Beautiful in an Object, and choose to Represent that, as the Antients have done so admirably in their Paintings and Statues : And ’tis in this part that most of the Flemish Painters, even Rubens himself, have miscarryed, by making an ill Choice of Nature ; either because the Beautiful Natural is not the Product of their Countrey, or because they have not seen the Antique, which is the Correction of Nature by Art ; for we may truly say that the Antique is but the best of Nature ; and therefore all that resembles the Antique, will carry that Character along with it.

Quotation

Or comme nous le dit Vitruve en termes très-senses, il ne suffit pas que nos yeux trouvent leur compte dans un tableau bien peint & bien dessiné : l'esprit doit aussi trouver le sien. Il faut donc que l'Artisan du tableau ait choisi un sujet, que ce sujet se comprenne distinctement, & qu'il soit traité de maniere qu'il nous interesse. Je n'estime gueres, ajoute-t-il, les tableaux dont les sujets n'imitent pas quelque vérité. […] Ils peuvent tout au plus introduire dans leur action qui doit toujours imiter la verité historique, quelques figures allégoriques de celles qui sont convenables au sujet, comme seroit, par exemple, la Foi représentée à côté d'un Saint qui feroit un miracle. […] Des verites auxquelles nous ne sçaurions penser sans terreur & sans humiliation, ne doivent pas être peintes avec tant d'esprit, ni représentées sous l'emblême d'une allégorie ingénieuse inventée à plaisir. Il est encore moins permis d'emprunter les personnages & les fictions de la Fable pour peindre ces verites. 

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Je sçay bien, continua-t-il, que Rubens est un de vos Heros de Peinture, & que vous avez toûjours estimé l’Ouvrage qui est dans la gallerie du Luxembourg, comme une des plus belles choses qui soient dans l’Europe, si l'on en retranchoit (disiez-vous) en beaucoup d'endroits le goût de Dessein dont il n'est pas question presentement. Mais tout le monde n'est pas de vôtre goût, & ceux qui sont d'un sentiment contraire, disent qu'on trouve peu de verité dans les Ouvrages de Rubens, quand on les examine de prés, que les Couleurs & les Lumieres y sont exagérées, que ce n'est qu'un fard, & qu'enfin ce n'est point ainsi que l'on voit ordinairement la Nature.
O le beau fard ! s'écria Pamphile, & plût à Dieu mon cher Damon, que les Tableaux qu'on fait aujourd'huy, fussent fardez de cette sorte ! ne sçavez-vous pas que la Peinture n'est qu'un fard, qu'il est de son essence de tromper, & que le plus grand trompeur en cet Art est le plus grand Peintre. La Nature est ingrate d'elle-même, & qui s'attacheroit à la copier simplement comme elle est & sans artifice, feroit toûjours quelque chose de pauvre & d'un tres-petit goût. Ce que vous nommez exageration dans les Couleurs & dans les Lumieres, est une admirable industrie, qui fait paroître les objets peints plus veritables (s'il faut ainsi dire) que les veritables mêmes. C'est ainsi que les Tableaux de Rubens sont plus beaux que la Nature, laquelle semble n'être que la copie des Ouvrages de ce grand Homme. Et quand les choses aprés être bien examinées ne se trouveroient pas justes, comme vous le supposez, qu'importe, pourvû qu'elles le paroissent ; puisque la fin de la Peinture n'est pas tant de convaincre l’esprit que de tromper les yeux.
Cet artifice, dit Damon, me semble merveilleux dans les grands Ouvrages.
C'est aussi dans ceux-là, reprit Pamphile, où l'on voit que Rubens l'a rendu plus sensible à ceux qui sont capables d'y faire attention & de l'examiner : car aux personnes qui ne s'y connoissent que peu, rien n'est plus caché que cet Artifice.

Quotation

[…] L'enthousiasme qui fait les Peintres & les Poetes, ne consiste pas dans l'invention des mysteres allégoriques, mais bien dans le talent d'enrichir ses compositions par tous les ornemens que la vrai-semblance du sujet peut permettre, ainsi qu'à donner de la vie à tous ses personnages par l'expression des passions. Telle est la Poësie de Raphaël ; telle est la Poësie du Poussin, & de Le Sueur ; & telle fut souvent celle de Monsieur Le Brun & de Rubens. 

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382. [Que vos Couleurs soient vives, sans pourtant donner, comme on dit, dans la farine.] Donner dans la farine c’est une façon de parler parmy les Peintres, qui exprime parfaitement ce qu’elle veut dire, qui n’est autre chose que de peindre avec Couleurs claires & fades tout ensemble, lesquelles ne donnent non plus de vie aux Figures, que si effectivement elles estoient frottées de farine. Ceux qui font leurs Carnations fort blanches & leurs Ombres grises ou verdastres, tombent dans cette inconvenient. Les Couleurs rousses dans les Ombres des chairs les plus delicates, contribuent merveilleusement à les rendre vives, brillantes & naturelles : mais il en faut user avec la mesme prudence dont le Titien, Paul Ver. Rubens & Vandeik se sont servis.
Pour conserver les Couleurs fraisches, il faut peindre en mettant toûjours des Couleurs, & non pas en frottant apres les avoir couchées sur la toile ; & s’il se pouvoit mesme faire qu’on les mist justement dans leurs places, & que l’on n’y touchast point quand on les y a une fois placées, il seroit encore mieux ; parce que la fraischeur des Couleurs se ternit & se perd à force de les tourmenter en peignant.
Tous ceux qui ont bien colorié, avoient encore une autre Maxime pour maintenir les Couleurs fraisches, vives & fleuries ; c'estoit de se servir de Fonds blancs, sur lesquels ils peignoient, & souvent mesme au premier coup, sans rien retoucher, & sans y employer de nouvelles Couleurs. Rubens s'en servoit toûjours ; & j'ay veu des Tableaux de la main de ce grand Homme faits au premier coup, qui avoient une vivacité merveilleuse. La raison que ces excellens Coloristes avoient de se servir de ces sortes de Fonds, est que le Blanc conserve toûjours un éclat sous le transparant des Couleurs, lesquelles empeschent que l'air n'altere la blancheur du Fonds, de méme que cette blancheur repare le dommage qu'elles reçoivent de l'air ; de maniere que le Fonds & les Couleurs se prestent un mutuel secours, & se conservent l'un l'autre. C'est par cette raison que les Couleurs glacées ont une vivacité qui ne peut jamais estre imitée par les Couleurs les plus vives & les plus brillantes, dont à la maniere ordinaire & commune on couche simplement les differentes teintes, chacune dans leur place les unes apres les autres : tant il est vray que le Blanc avec les autres Couleurs fieres, dont on peint d'abord ce que l'on veut glacer, en sont comme la vie & l'éclat. Les Anciens ont asseurement trouvé que les Fonds blancs estoient beaucoup meilleurs que les autres : puisque nonobstant l'incommodité que leurs yeux recevoient de cette Couleur, ils ne laissoient pas de s'en servir, […] Je ne sçay d'où vient que l'on ne s'en sert pas aujourd'huy, si ce n'est qu'il y a peu de Peintres curieux de bien colorier, ou que l'ébauche commencée sur le Blanc ne se montre pas assez viste, & qu'il faut avoir une patience plus que Françoise, pour attendre qu'elle soit achevée, & que le Fond qui ternit par sa Blancheur l'éclat des autres Couleurs, soit entierement couvert, pour faire paroistre agreablement tout l'Ouvrage.

Quotation

T: Neen vriend slegter is het niet, beziet het wel met aandacht; ’t is zo eel niet gesneeden, maar het is van Teikening en korrektheid der Muskulen, niet minder als d’ander.
S: Is het wel in ’t Leeven zo? myn dunkt dat’er de Vleizigheid zo wel niet in is, als die geene welke ik van Rubbens, Jordaans, en meer anderen gezien heb. Het komt my voor, eeven als de gevilde Menschen, of gelyk dat Beeld die gy my van de Anathomie geleent hebt.
T: Daarom laat ik ze u ook zien: niet om te zeggen, datmen die zo naarvolgen moet; maar alleen om de vastigheid van teikening die daar in is; waardoor gy merken kund wat voordeel iemand heeft, die ’t wel verstaat; ja zo, dat hy naar een Modél, alderhande stand van menschen, ’t zy vet, maager, jong, oud, kloek, robust, met weinig moeiten kan teikenen of verbeelden.

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J'ajouterai encore une consideration touchant les ouvrages qui ne demandent pas beaucoup d'invention, c'est que les faussaires en peinture les contrefont bien plus aisément qu'ils ne peuvent contrefaire les ouvrages où toute l'imagination de l'Artisan a eu lieu de se déploïer. Les faiseurs de Pastiches, ce sont ces tableaux peints dans la maniere d'un grand Artisan, & qu'on expose sous son nom, bien qu'il ne les ait jamais vus ; les faiseurs de Pastiches, dis-je, ne sçauroient contrefaire l'ordonnance, ni le coloris, ni l'expression des grands Maîtres. On imite la main d'un autre, mais on n'imite pas de même, pour parler ainsi, son esprit, & l'on n'apprend point à penser comme un autre, ainsi qu'on peut apprendre à prononcer comme lui.
Le Peintre médiocre qui voudroit contrefaire une grande composition du Dominiquin ou de Rubens, ne sçauroit nous en imposer plus que celui qui voudroit faire un Pastiche sous le nom du Georgeon ou du Titien. Il faudroit avoir un génie presque égal à celui du Peintre qu'on veut contrefaire, pour réussir à faire prendre notre ouvrage pour être de ce Peintre. On ne sçauroit donc contrefaire le génie des grands hommes, mais on réussit quelquefois à contrefaire leur main, c'est-à-dire, leur maniere de coucher la couleur & de tirer les traits, les airs de tête qu'ils répetoient & ce qui pouvoit être de vicieux dans leur pratique. Il est plus facile d'imiter les défauts des hommes que leurs perfections. Par exemple, on reproche au Guide d'avoir fait ses têtes trop plates. Ses têtes manquent souvent de rondeur, parce que leurs parties ne se détachent point & ne s'élevent pas assez l'une sur l'autre. Il suffit donc, pour lui ressembler en cela, de se négliger & de ne point se donner la peine de pratiquer ce que l'art enseigne à faire pour donner de la rondeur à ses têtes [...].

Quotation

Dergleichen Unterschiedlichkeit [ndr: im gerecht-mahlen] ware auch und ist noch bey den Italiänern/ Hoch-und Nieder-Teutschen zu finden/ und zwar mit größerer Vollkommenheit/ sonderlich im gerecht-mahlen/ und darzu gehörenden Kräften der Farben: welches aus der natürlichen applicirung/ vollkommenen Erhebung und sonderbaren Geschwindigkeit der Mahler von unsern Zeiten abzunehmen. {Die alte und neue Italiäner.} Solche waren/ Cimabue der große Wieder-Erfinder dieser Kunst/ Gaddo sein Nachfolger/ und Giotto. Also waren fürtreflich/ Giovan Bellini, in Sauberkeit; Michaël Angelo in Bildern und hohem Verstand; Leonardo da Vinci, in vernünftigen affecten; Andrea del Sarto, in Angenemheit; Raphaël d'Urbino in meisterlicher invention ; Julius Romanus, in ungemeinen Gedanken;Titian, in Anmutigkeit/ sonderlich der Coloriten; Corregio , in gratiositeten; Verones in reichen Gedanken; Tintoreti, in Seltsamkeit; Carazo, in fresco; Caravaggio und Manfredo , in Lebhaftigkeit ; Guido Bolognse in Holdseligkeit; Albano in zierlicher invention; Bernini Bernini in der Bild- und Bau Kunst; Francisco du Quesnoy, in scultur-Warheit; Algardon,in Geschicklichkeit; Peter Corton in fresco; La Franch in Geschwindigkeit; Domenicho in Tieffsinnigkeit; Claudio Gilli in Landschaften.
{Die alte Hoch-Teutschen} Nächst diesen/ machten sich auch verwunderbar unsere Teutschen: als Martin Schön/ im hochsteigen; Matthias von Aschaffenburg/ in zierlichem Geist; Albrecht Dürer/ im universal-Verstand; Hans Holbein/ in glückseliger Hand; Amberger/ in der Warheit; Pocksberger/ im Geistreichtum; Schwarz/ in Erfahrenheit; Adam Elzheimer/ in verwunderlichem Verstand.
{und Nieder-Teutschen} Gleichfalls waren fürberühmt die Niederländer/ in Erfindung der Oelfarben/ Johann und Hubert von Eyk; Lucas von Leyden/ im Fleiß; der alte Bruegel, im Verstand; also auch Sotte Clef und Johann von Calcar/ in der Hand; Floris, in der Meisterschaft; Brauer/ in bildung der Bauren; Fochiers, in Landschaft-Bäumen; Rubens in Geistreichheit; der von Dick/ in Zierlichkeit; Hundhorst in Wolgemälden; Rembrand/ in Arbeitsamkeit; Perselles in Schiffahrten und Wassern; Pulenburg/ in kleinen Bildlein; Bambotio, in Bildung der Bettler ; Botte, in Landschaften; auch der Gerhart Daro und, Mires hoch-preiswürdig in kleinen Oelfarben.
{Von des Autoris [ndr: Joachim von Sandrart ] Werken/ in dieser Kunst.} […]

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L’on sait assez que la peinture n’est qu’un fard, qu’il est de son essence de tromper, & que le plus grand trompeur en cet Art, est le plus grand Peintre. La Nature est ingrate d’elle-même, & qui s’attacheroit à la copier simplement comme elle est & sans artifice, feroit toujours quelque chose de pauvre & de très-petit goût. Ce que l’on nomme Exageration dans les couleurs & dans les lumieres, est l’effet d’une profonde connoissance de la valeur des couleurs, & une admirable industrie qui fait paroître les objets peints plus vrais (s’il faut ainsi dire) que les veritables mêmes. C’est dans ce sens que l’on peut dire, que dans les Tableaux de Rubens l’Art est audessus de la Nature, laquelle semble en cette occasion n’être que la copie des ouvrages de ce grand Peintre : & quand les choses, après avoir été bien examinées, ne se trouveroient pas justes, comme on les suppose, qu’importe après tout, pourvû qu’elles le paroissent ; puisque la fin de la Peinture n’est pas tant de convaincre l’esprit que de tromper les yeux.
 

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435. [Aussi bien que les choses paroissent estre faites avec Facilité.] Cette facilité attire d’autant plus nos yeux & nos esprits, qu’il est à presumer qu’un beau travail qui nous paroist facile, vient d’une main sçavante & consommée. […] Mais il est impossible d’avoir cette Facilité, sans posseder parfaitement toutes les Regles de l’Art, & s’en estre fait un habitude : car la Facilité consiste à ne faire precisément que l’Ouvrage qu’il faut, & à mettre chaque chose dans sa place avec promptitude : ce qui ne se peut sans les Regles, qui sont des moyens assurez pour vous conduire, & pour terminer vos Ouvrages avec plaisir. Il est donc certain, contre l’opinion de plusieurs, que les Regles donnent de la Facilité, de la Tranquillité & de la promptitude dans les esprits les plus tardifs, & que ces mesmes Regles augmentent & dirigent cette Facilité dans ceux qui l’ont déja receuë d’une heureuse naissance.
D’où il s’ensuit que l’on peut considerer la Facilité de deux façons, ou simplement, comme une diligence & une promptitude d’esprit & de main, ou comme une disposition dans l’esprit de lever promptement toutes les difficultez qui se peuvent former dans l’Ouvrage. La premiere vient d’un temperament actif & plein de feu, & l’autre d’une veritable Science & d’une possession des Regles infaillibles ; celle-là est agreable, mais elle n’est pas toûjours sans inquietude, parce qu’elle fait égarer souvent ; & celle-cy au contraire fait agir avec un repos d’esprit & une tranquillité merveilleuse : car elle nous asseure de la bonté de nostre Ouvrage : c’est beaucoup que d’avoir la premiere ; mais c’est le comble de la perfection de les avoir l’une & l’autre, telle que les ont possedées Rubens & Vandeik, excepté la Partie du Dessein, qu’ils ont trop negligée. […]
Remarquez, s’il vous plaît, que la Facilité & la Diligence, dont je viens de parler, ne consistent pas à faire ce qu’on appelle des traits hardis, & à donner des coups de pinceau libres, s’ils ne font un grand effet d’une distance éloignée : Cette sorte de liberté est plûtost d’un Maistre à écrire que d’un Peintre. Je dis bien davantage, il est presque impossible que les choses peintes paroissent vrayes & naturelles, quand on y remarque ces sortes de traits hardis : & tous ceux qui ont le plus approché de la Nature, ne se sont pas servis de cette Manière de peindre. Tous ces cheveux filez & ces coups de pinceau qui forment des hachures, sont à la verité admirables : mais ils ne trompent pas la veuë.

Quotation

[…] L'enthousiasme qui fait les Peintres & les Poetes, ne consiste pas dans l'invention des mysteres allégoriques, mais bien dans le talent d'enrichir ses compositions par tous les ornemens que la vrai-semblance du sujet peut permettre, ainsi qu'à donner de la vie à tous ses personnages par l'expression des passions. Telle est la Poësie de Raphaël ; telle est la Poësie du Poussin, & de Le Sueur ; & telle fut souvent celle de Monsieur Le Brun & de Rubens. 

Quotation

Or comme la veuë ne peut se porter sur quantité d'objets à la fois, Rubens a eu pour maxime de faire voir dans ses tableaux où il y a quantité de figures, trois groupes principaux qui dominent fur tout l'Ouvrage ; & comme un seul objet fatigue encore moins les yeux que trois, il a fait en sorte que les groupes des costez le cèdent à celuy du milieu qui estant de couleurs plus fortes & plus brillantes, attire l'oeil au centre de la composition comme si elle n'estoit qu'un seul &. unique objet. Cela se voit merveilleusement bien dans les Innocens, le ravissement des Sabines & les Païsages.

Quotation

C'est que les Philosophes définissent le Blanc, une couleur qui dissipe la veuë & qui la sépare; & le Noir, une couleur qui ramasse la veuë & qui la fixe. Si le Noir fixe la veuë, reprit Philarque, ne soyez donc pas étonné que Rubens s'en soit servy dans les endroits qu'il a voulu rendre plus sensibles & plus proches des yeux : & si les objets qu'il a peints conservent une si grande rondeur. Et pour le blanc, repartit Leonidas, qui n'est pas en parfaite amitié avec la veuë, & qui s'en éloigne, pourquoy l'employe-t'on souvent dans les objets qui sont fur le devant du Tableau ? Pour deux raisons, repartit Philarque, l'une parce qu'il rend le noir encore plus sensible par son opposition, & l'autre parce que le blanc est nécessaire pour donner l'idée de quantité d'objets que l'on a souvent occasion de representer sur le devant comme seroit du linge, un cheval blanc, & semblables autres choses dont cette couleur est le corps, ou dont elle fait une grande partie. Mais quand on l'employe ainsi fur les premières lignes du tableau, on observe de raccompagner de couleurs brunes qui le retiennent, ou bien on le place entre deux corps bruns qui renferment comme mal-gré luy, & qui l'empeschent d'entrer dans le tableau, & de se joindre aux objets les plus esloignez. C'est pour cela que Rubens ayant fait ses Déesses claires sur un fond brun, les a accompagnées de draperies beaucoup plus brunes que le fond.

Quotation

II [ndr : Rubens] a fait voir par cette figure qu'il fçavoit finir quand il vouloit, & quand il le jugeoit nécessaire : Et par ses autres tableaux que cette grande exactitude estoit inutile, puis qu'ils font tout l'effet qu'on en doit attendre. Mais outre que cette manière de peindre les choses si nettement & avec tant de patience ne convient guéres au tempérament actif de Rubens, ny a son Génie tout de feu, c'est qu'il n'a pas trouvé à propos de se servir de cette conduite dans la pluspart de ses Ouvrages, & en voicy deux raisons que l'on y découvre. La première, que tous les tableaux ne sont point faits pour estre veus de prés, ny pour estre tenus à la main, il suffit qu'ils fassent leur effet du lieu d'où on les regarde ordinairement, si ce n'est que les Connoisseurs aprés les avoir veus d'une distance raisonnable veüillent s'en approcher ensuite pour en voir l'artifice. Car il n'y a point de tableau, qui ne doive avoir son point de distance d'où il doit estre regardé : & il est certain qu'il perdra d'autant plus de sa beauté, que celuy qui le voit sortira de ce point, pour s'en approcher ou pour s'en éloigner. Cela estant, je trouve que c'est une perte de temps, pour ne pas dire un manque d'intelligence, que de faire un travail inutile & qui se perd dans la distance, convenable. Et au contraire il y a beaucoup d'Art & de science en faisant tout ce qui est nécessaire, de ne faire que ce qui est nécessaire.

Quotation

19. [ndr: Regel] Wann du willens bist/ etwas nach dem Leben zu zeichnen/ so stehe zwey- auch wol dreymal so weit von deme/ was du nachzeichnen wilst/ als dessen Größe ist/ und habe vor dir etliche gleiche Linien in der imagination, damit besichtige/ was du zeichnest: alsdann werden dir/ solche Vorbildungs-Linien/ dessen rechte Erkäntnis geben. Dieses ist in allem Vornehmen/ auch in nachzeichnung der Antich-Studien/ zu observiren. Hierbey aber ist zu merken/ weil die berühmteste Antichen in der Vollkommenheit all-hoch gestiegen/ daß man denen just nachfolge/ und weder davon/ noch darzu thue: dann sonst irret man sehr weit/ wie vielen Franzosen/ auch Niederländern/ oft wiederfahren/ die ihre Sachen/ mit der von ihren Lehrmeistern angenommenen eignen bösen Manier/ nach den Antichen/ gemacht; daher solche/ wann sie auf dem Papier gestanden/ des guten wenig gehabt/ sondern mehr ihrem Callot oder Perier, auch des Sprangers/ Golzius oder Rubens Manier gefolget/ oder wenigst das ansehen gehabt/ daß sie ihnen gefolget. Ist derowegen den gerechten guten Antichen/ sowol als den raresten Gemählen/ ohne änderung/ geraden Wegs nachzufolgen: weil selbige/ gleichwie die heilige Schrift/ weder Castrirung noch Zusatz leiden.

Quotation

Timanthe est prisé d’avoir tousjours donné davantage à comprendre dans ses ouvrages, que son pinceau ne representoit, et fait en sorte que son esprit y paroissoit plus grand que l’industrie de sa main, bien qu’il l’eust tres-exquise. Ainsi pour faire concevoir la grandeur de son Cyclope dormant, & fait en petit volume, il mit des Satyres auprés de luy qui mesuroient son poulce avec une perche. Certes nous luy pouvons comparer pour ce regard le sçavant Rubens que nous venons de perdre, qui a tousjours joint l’invention à l’excellence de son art, & ce qu’il tenoit d’une profonde lecture à la beauté de son colorit. Les Galeries du Palais d’Orleans le tesmoigneront autant qu’elles dureront, avec le reste de ses pieces, ubi intelligitur plus semper quam pingitur ; et cum ars summa sit, ingenium tament ultra artem est Plin. ib.

Quotation

[...] Ledit Marc Antoine [ndr : Marc-Antonio Raimondi] a tesmoigné par ses Œuvres qu’il estait fort exact imitateur de ses [ndr : Raphaël]  Originaux, mais non pas de rechercher une grande liberté de burin, & beauté en l’ordre & arrangement des hacheures, fortifiement & affaiblissement d’icelles, suivant le pres & le loin à l’égard du Tableau ou section, ainsi au contraire tout y paroist d’une mesme force, qui est à dire comme si tout estoit en un mesme plan [...] [...] Chérubin Albert [ndr : Cherubino Alberti] a eu aussi bien que d’autres, plus de talent au dessein, qu’à la netteté & egalité des hacheures [...]. Augustin Carrache, estoit aussi extremement sçavant, & mesme avoit une tres belle conduite de hacheure [...] Le Villamene a eu à mon sens une grande egalité d’hacheures, liberté, franchise & netteté au maniment du burin, & grand agreément ; [...] [...] le digne Svanebourg [ndr : Swanenburg], dont plusieurs de ses Ouvrages me ravissent, par la grande netteté, tendresse & belle conduite des hachures qui s’y voyent, notamment en quelques Stampes qu’il a faites sur les Desseins de Bloemard et de Rubens.  [...]

Quotation

[...] Chérubin Albert [ndr : Cherubino Alberti] a eu aussi bien que d’autres, plus de talent au dessein, qu’à la netteté & egalité des hacheures [...]. Augustin Carrache, estoit aussi extremement sçavant, & mesme avoit une tres belle conduite de hacheure [...] Le Villamene a eu à mon sens une grande egalité d’hacheures, liberté, franchise & netteté au maniment du burin, & grand agreément ; Et aussi un tres-bon dessein entre plusieurs de ces beaux Ouvrages, il se voit une piece de l’invention de Paul Veroneze, d’une presentation de Jesus Christ au Temple [...]

Quotation

We may paint a conceived, or intelligible thing, Perfect, by the Idea of Fancie : but, by Imitation, we may faile of Perfection. Hence it was, that the Antients intending to excell in the forms and figures of their Jupiters, would not imitate, or take a pattern, generated, but rather, by a conceived description of Him, out of Homer, or other Poets.
There is in the
form and shape of things, a certain perfection and excellencie ; unto whose conceived figures, such things by Imitation, are referred, that cannot be seen.
{To encrease fancie.} To amend
fancie, we must lodge up such rarities, as are administred to fight, to encrease the meditation of fancie ; as in your dayly view of forms and shadows, made by lights and darknesses ; […].
{And order it in a Picture.} In a
draught of designe, the Artist must fancie every circumstance of his matter in hand ; as usually Rubens would (with his Arms a cross) fit musing upon his work for some time ; […]. The Commotions of the mind, are not to be cooled by flow performance : discreet diligence, brings forth Excellence : Care, and Exercise, are the chiefest precepts of Art. But, diligence is not to stagger, and stay at unnecessary Experiments ; and therefore I have observed in excellent Pieces a willing neglect, which hath added singular grace unto it.

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Neither shall it then be requisite to continue that exactness, since all Drawing is but as an Hand-maid and Attendant to what you would either Grave or paint.
But by this perfection and dexterity at first, did even those renouned Masters,
Julio, Parmegian, and sometimes Polydor, himself (not to insist on Rubens and Vandyke) proceed, whose Drawings in this kind, when first they made their studies in Italy, were exceedingly curious, and finished ; though in all their more recent, and matured Designes, rather judicious then exact, because of that time which such minute finishing did usually take up ; and, that when all is done, it is still but a Drawing, which indeed conduces to the making of profitable things, but is it self none.

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282. [Que vous fassiez paroistre les Corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, &c.] C’est à dire proprement, qu’apres de grands Clairs il faut de grandes Ombres, qu’on appelle des Repos ; parce que effectivement la veuë seroit fatiguée, si elle estoit attirée par une continuité d’objets petillans. Les Clairs peuvent servir de repos aux Bruns, comme les Bruns en servent aux Clairs. […]
Ces Repos se font de deux manieres, dont l’une est Naturelle, & l’autre Artificielle : La Naturelle se fait par une étenduë de Clairs ou d’Ombres, qui suivent naturellement & necessairement les Corps solides, ou les Masses de plusieurs Figures agrouppées lors que le jour vient à frapper dessus : Et l’Artificielle consiste dans les Corps des Couleurs que le Peintre donne à de certaines choses telles qu’il luy plaist, & les compose de telle sorte, qu’elles ne fassent point de tort aux Objets qui sont auprés d’elles. Une Draperie par exemple que l’on aura fait jaune ou rouge en certain endroit, pourra estre dans un autre de Couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l’effet que l’on demande. L’on doit prendre occasion autant qu’il est possible de se servir de la premiere Maniere, & de trouver les Repos dont nous parlons par le Clair ou par l’Ombre, qui accompagnent naturellement les Corps solides […] 
Ainsi le Peintre qui a de l'intelligence prendra ses avantages de l'une & de l'autre Maniere ; & s'il fait un Dessein qui doive estre gravé, il se souviendra que les Graveurs ne disposent pas des Couleurs, comme font les Peintres, & que par consequent il doit prendre occasion de trouver les Repos de son Dessein dans les Ombres naturelles des Figures, qu'il aura disposées à cet effet. Rubens en donne une parfaite connoissance dans les Estampes qu'il a fait graver ; & je ne croy pas que l'on puisse rien voir de plus beau en ce genre : Toute l'intelligence des Grouppes, du Clair-Obscur & de ces Masses que le Titien appelloit
la Grappe de Raisin, y est si nettement exposée, que la veüe de ces Estampes & l'attention que l'on y apporterait contribueraient beaucoup à faire un Habile-homme. […]
Ce n'est pas que les Graveurs ne puissent & ne doivent imiter les Corps des Couleurs par les degrez du Clair-Obscur, autant qu'ils jugeront que cela doit produire un bel effet ; au contraire il est à mon avis, impossible de donner beaucoup de force à tout ce que l'on gravera d'après les Ouvrages de l'Ecole de Venise, & de tous ceux qui ont eu l'intelligence des Couleurs & du Contraste du Clair-Obscur, sans imiter en quelque façon la Couleur des Objets selon le rapport qu'elle a aux degrez du Blanc & du Noir. […]

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329. [La Grappe de Raisin.] Il est assez évident que le Titien par cette comparaison aussi judicieuse que familiere, a pretendu dire que l’on doit ramasser les Objets & les disposer de telle sorte, qu’ils composent un Tout, dont plusieurs Parties contiguës puissent estre éclairées, plusieurs ombrées, & d’autres de Couleurs rompuës, pour estre dans les Tournans ; de mesme que dans une Grappe de Raisin, plusieurs grains qui en font les parties, se trouvent dans le jour, plusieurs dans l’ombre, & d’autres dans la demie teinte, pour estre dans les Parties fuyantes. Le Tintoret dit un jour à Rubens, qu’il avoit oüi dire au Titien, Que dans tous ses plus grands Ouvrages, la Grappe de Raisin estoit son meilleur guide & sa principale Regle.

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382. [Que vos Couleurs soient vives, sans pourtant donner, comme on dit, dans la farine.] Donner dans la farine c’est une façon de parler parmy les Peintres, qui exprime parfaitement ce qu’elle veut dire, qui n’est autre chose que de peindre avec Couleurs claires & fades tout ensemble, lesquelles ne donnent non plus de vie aux Figures, que si effectivement elles estoient frottées de farine. Ceux qui font leurs Carnations fort blanches & leurs Ombres grises ou verdastres, tombent dans cette inconvenient. Les Couleurs rousses dans les Ombres des chairs les plus delicates, contribuent merveilleusement à les rendre vives, brillantes & naturelles : mais il en faut user avec la mesme prudence dont le Titien, Paul Ver. Rubens & Vandeik se sont servis.
Pour conserver les Couleurs fraisches, il faut peindre en mettant toûjours des Couleurs, & non pas en frottant apres les avoir couchées sur la toile ; & s’il se pouvoit mesme faire qu’on les mist justement dans leurs places, & que l’on n’y touchast point quand on les y a une fois placées, il seroit encore mieux ; parce que la fraischeur des Couleurs se ternit & se perd à force de les tourmenter en peignant.
Tous ceux qui ont bien colorié, avoient encore une autre Maxime pour maintenir les Couleurs fraisches, vives & fleuries ; c'estoit de se servir de Fonds blancs, sur lesquels ils peignoient, & souvent mesme au premier coup, sans rien retoucher, & sans y employer de nouvelles Couleurs. Rubens s'en servoit toûjours ; & j'ay veu des Tableaux de la main de ce grand Homme faits au premier coup, qui avoient une vivacité merveilleuse. La raison que ces excellens Coloristes avoient de se servir de ces sortes de Fonds, est que le Blanc conserve toûjours un éclat sous le transparant des Couleurs, lesquelles empeschent que l'air n'altere la blancheur du Fonds, de méme que cette blancheur repare le dommage qu'elles reçoivent de l'air ; de maniere que le Fonds & les Couleurs se prestent un mutuel secours, & se conservent l'un l'autre. C'est par cette raison que les Couleurs glacées ont une vivacité qui ne peut jamais estre imitée par les Couleurs les plus vives & les plus brillantes, dont à la maniere ordinaire & commune on couche simplement les differentes teintes, chacune dans leur place les unes apres les autres : tant il est vray que le Blanc avec les autres Couleurs fieres, dont on peint d'abord ce que l'on veut glacer, en sont comme la vie & l'éclat. Les Anciens ont asseurement trouvé que les Fonds blancs estoient beaucoup meilleurs que les autres : puisque nonobstant l'incommodité que leurs yeux recevoient de cette Couleur, ils ne laissoient pas de s'en servir, […] Je ne sçay d'où vient que l'on ne s'en sert pas aujourd'huy, si ce n'est qu'il y a peu de Peintres curieux de bien colorier, ou que l'ébauche commencée sur le Blanc ne se montre pas assez viste, & qu'il faut avoir une patience plus que Françoise, pour attendre qu'elle soit achevée, & que le Fond qui ternit par sa Blancheur l'éclat des autres Couleurs, soit entierement couvert, pour faire paroistre agreablement tout l'Ouvrage.

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435. [Aussi bien que les choses paroissent estre faites avec Facilité.] Cette facilité attire d’autant plus nos yeux & nos esprits, qu’il est à presumer qu’un beau travail qui nous paroist facile, vient d’une main sçavante & consommée. […] Mais il est impossible d’avoir cette Facilité, sans posseder parfaitement toutes les Regles de l’Art, & s’en estre fait un habitude : car la Facilité consiste à ne faire precisément que l’Ouvrage qu’il faut, & à mettre chaque chose dans sa place avec promptitude : ce qui ne se peut sans les Regles, qui sont des moyens assurez pour vous conduire, & pour terminer vos Ouvrages avec plaisir. Il est donc certain, contre l’opinion de plusieurs, que les Regles donnent de la Facilité, de la Tranquillité & de la promptitude dans les esprits les plus tardifs, & que ces mesmes Regles augmentent & dirigent cette Facilité dans ceux qui l’ont déja receuë d’une heureuse naissance.
D’où il s’ensuit que l’on peut considerer la Facilité de deux façons, ou simplement, comme une diligence & une promptitude d’esprit & de main, ou comme une disposition dans l’esprit de lever promptement toutes les difficultez qui se peuvent former dans l’Ouvrage. La premiere vient d’un temperament actif & plein de feu, & l’autre d’une veritable Science & d’une possession des Regles infaillibles ; celle-là est agreable, mais elle n’est pas toûjours sans inquietude, parce qu’elle fait égarer souvent ; & celle-cy au contraire fait agir avec un repos d’esprit & une tranquillité merveilleuse : car elle nous asseure de la bonté de nostre Ouvrage : c’est beaucoup que d’avoir la premiere ; mais c’est le comble de la perfection de les avoir l’une & l’autre, telle que les ont possedées Rubens & Vandeik, excepté la Partie du Dessein, qu’ils ont trop negligée. […]
Remarquez, s’il vous plaît, que la Facilité & la Diligence, dont je viens de parler, ne consistent pas à faire ce qu’on appelle des traits hardis, & à donner des coups de pinceau libres, s’ils ne font un grand effet d’une distance éloignée : Cette sorte de liberté est plûtost d’un Maistre à écrire que d’un Peintre. Je dis bien davantage, il est presque impossible que les choses peintes paroissent vrayes & naturelles, quand on y remarque ces sortes de traits hardis : & tous ceux qui ont le plus approché de la Nature, ne se sont pas servis de cette Manière de peindre. Tous ces cheveux filez & ces coups de pinceau qui forment des hachures, sont à la verité admirables : mais ils ne trompent pas la veuë.

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Dergleichen Unterschiedlichkeit [ndr: im gerecht-mahlen] ware auch und ist noch bey den Italiänern/ Hoch-und Nieder-Teutschen zu finden/ und zwar mit größerer Vollkommenheit/ sonderlich im gerecht-mahlen/ und darzu gehörenden Kräften der Farben: welches aus der natürlichen applicirung/ vollkommenen Erhebung und sonderbaren Geschwindigkeit der Mahler von unsern Zeiten abzunehmen. {Die alte und neue Italiäner.} Solche waren/ Cimabue der große Wieder-Erfinder dieser Kunst/ Gaddo sein Nachfolger/ und Giotto. Also waren fürtreflich/ Giovan Bellini, in Sauberkeit; Michaël Angelo in Bildern und hohem Verstand; Leonardo da Vinci, in vernünftigen affecten; Andrea del Sarto, in Angenemheit; Raphaël d'Urbino in meisterlicher invention ; Julius Romanus, in ungemeinen Gedanken;Titian, in Anmutigkeit/ sonderlich der Coloriten; Corregio , in gratiositeten; Verones in reichen Gedanken; Tintoreti, in Seltsamkeit; Carazo, in fresco; Caravaggio und Manfredo , in Lebhaftigkeit ; Guido Bolognse in Holdseligkeit; Albano in zierlicher invention; Bernini Bernini in der Bild- und Bau Kunst; Francisco du Quesnoy, in scultur-Warheit; Algardon,in Geschicklichkeit; Peter Corton in fresco; La Franch in Geschwindigkeit; Domenicho in Tieffsinnigkeit; Claudio Gilli in Landschaften.
{Die alte Hoch-Teutschen} Nächst diesen/ machten sich auch verwunderbar unsere Teutschen: als Martin Schön/ im hochsteigen; Matthias von Aschaffenburg/ in zierlichem Geist; Albrecht Dürer/ im universal-Verstand; Hans Holbein/ in glückseliger Hand; Amberger/ in der Warheit; Pocksberger/ im Geistreichtum; Schwarz/ in Erfahrenheit; Adam Elzheimer/ in verwunderlichem Verstand.
{und Nieder-Teutschen} Gleichfalls waren fürberühmt die Niederländer/ in Erfindung der Oelfarben/ Johann und Hubert von Eyk; Lucas von Leyden/ im Fleiß; der alte Bruegel, im Verstand; also auch Sotte Clef und Johann von Calcar/ in der Hand; Floris, in der Meisterschaft; Brauer/ in bildung der Bauren; Fochiers, in Landschaft-Bäumen; Rubens in Geistreichheit; der von Dick/ in Zierlichkeit; Hundhorst in Wolgemälden; Rembrand/ in Arbeitsamkeit; Perselles in Schiffahrten und Wassern; Pulenburg/ in kleinen Bildlein; Bambotio, in Bildung der Bettler ; Botte, in Landschaften; auch der Gerhart Daro und, Mires hoch-preiswürdig in kleinen Oelfarben.
{Von des Autoris [ndr: Joachim von Sandrart ] Werken/ in dieser Kunst.} […]

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19. [ndr: Regel] Wann du willens bist/ etwas nach dem Leben zu zeichnen/ so stehe zwey- auch wol dreymal so weit von deme/ was du nachzeichnen wilst/ als dessen Größe ist/ und habe vor dir etliche gleiche Linien in der imagination, damit besichtige/ was du zeichnest: alsdann werden dir/ solche Vorbildungs-Linien/ dessen rechte Erkäntnis geben. Dieses ist in allem Vornehmen/ auch in nachzeichnung der Antich-Studien/ zu observiren. Hierbey aber ist zu merken/ weil die berühmteste Antichen in der Vollkommenheit all-hoch gestiegen/ daß man denen just nachfolge/ und weder davon/ noch darzu thue: dann sonst irret man sehr weit/ wie vielen Franzosen/ auch Niederländern/ oft wiederfahren/ die ihre Sachen/ mit der von ihren Lehrmeistern angenommenen eignen bösen Manier/ nach den Antichen/ gemacht; daher solche/ wann sie auf dem Papier gestanden/ des guten wenig gehabt/ sondern mehr ihrem Callot oder Perier, auch des Sprangers/ Golzius oder Rubens Manier gefolget/ oder wenigst das ansehen gehabt/ daß sie ihnen gefolget. Ist derowegen den gerechten guten Antichen/ sowol als den raresten Gemählen/ ohne änderung/ geraden Wegs nachzufolgen: weil selbige/ gleichwie die heilige Schrift/ weder Castrirung noch Zusatz leiden.

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Je me représente la Peinture comme un long pèlerinage, ou comme un lieu fort éloigné, & pour y arriver le Peintre se doit servir de son Génie comme d'une monture. II est vray, interrompit Damon, que pour faire un long voyage il faut estre bien monté, & qui n'a qu'une rosse est souvent contraint de demeurer en chemin, mais aussi un cheval trop fringant est toujours à craindre. [...] On va viste quand on est bien monté, dit Damon, & quelques-uns de ceux que vous me nommez [ndr : Jules Romain, Paul Veronese, Tintoret, & Rubens] ont souvent exécuté leurs pensées trop légèrement. Ce Genie de feu, cette rapidité de veine, & cette facilité d'inventer les choses, ne permettent pas ordinairement de les achever.

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En effet, repartit Damon, ce qui me surprend davantage & que je n'ay jamais veu dans les ouvrages d'aucun Peintre, est la diversité de manière que l'on remarque aux Tableaux qui sont en ce cabinet car il semble qu'apres en avoir fait un dans un goust, il [ndr : Rubens] ait changé de génie & pris un autre esprit, pour en faire un autre dans un autre goust. C'est que les autres Peintres, die Philarque, travaillent beaucoup plus de la main que de l'esprit, & que le caractère de l'esprit n'est pas si sensible ny si facile à reconnoitre que celuy de la main. Or comme Rubens n'avoit presque point de faço[n] particulière de manier le pinceau, ny d'habitude d'employer toujours les mesmes teintes & les mesmes couleurs, &qu'il entroit tout entier dans les sujets qu'il avoit à traiter, il se transformoit en autant de caracteres & se faisoit à un nouveau sujet un nouvel homme ; Ainsi ne vous estonnez pas de la diversité qui paroist dans les tableaux que vous voyez.

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En effet, repartit Damon, ce qui me surprend davantage & que je n'ay jamais veu dans les ouvrages d'aucun Peintre, est la diversité de manière que l'on remarque aux Tableaux qui sont en ce cabinet car il semble qu'apres en avoir fait un dans un goust, il [ndr : Rubens] ait changé de génie & pris un autre esprit, pour en faire un autre dans un autre goust. C'est que les autres Peintres, die Philarque, travaillent beaucoup plus de la main que de l'esprit, & que le caractère de l'esprit n'est pas si sensible ny si facile à reconnoitre que celuy de la main. Or comme Rubens n'avoit presque point de faço[n] particulière de manier le pinceau, ny d'habitude d'employer toujours les mesmes teintes & les mesmes couleurs, &qu'il entroit tout entier dans les sujets qu'il avoit à traiter, il se transformoit en autant de caracteres & se faisoit à un nouveau sujet un nouvel homme ; Ainsi ne vous estonnez pas de la diversité qui paroist dans les tableaux que vous voyez.

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Ainsi bien loin de rien faire sans raison, il [ndr : Rubens] possedoit tellement ses règles, que sa main pour obeïr promptement à sa volonté, ne s'estoit faite aucune habitude dans le maniement du pinceau mais elle employoit la couleur, tantost d'une façon, & tantost d'une autre, toujours au gré des règles, & pour satisfaire à son imagination pleine d'un merveilleux discernement.

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Ainsi bien loin de rien faire sans raison, il [ndr : Rubens] possedoit tellement ses règles, que sa main pour obeïr promptement à sa volonté, ne s'estoit faite aucune habitude dans le maniement du pinceau mais elle employoit la couleur, tantost d'une façon, & tantost d'une autre, toujours au gré des règles, & pour satisfaire à son imagination pleine d'un merveilleux discernement.

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De toutes les parties de la Peinture, celle qui a le plus contribué à l'effet & au brillant de ses Ouvrages a este la disposition des objets : car les lumières & les couleurs ne serviroient pas de beaucoup si les corps nettoient placez & disposez pour les recevoir avantageusement & cette disposition ne se trouve pas seulement dans les objets particuliers, mais encore dans les groupes & dans le tout-ensemble de l'Ouvrage. II paroist visiblement que l'oeconomie que Rubens a gardée en cette partie, va à éviter la dissipation des yeux, & à les fixer agréablement par la liaison des corps & par l'opposition des masses. Cette liaison se fait de deux façons ; la première par manière de fond, & la seconde par manière de groupe.

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De toutes les parties de la Peinture, celle qui a le plus contribué à l'effet & au brillant de ses Ouvrages a este la disposition des objets : car les lumières & les couleurs ne serviroient pas de beaucoup si les corps nettoient placez & disposez pour les recevoir avantageusement & cette disposition ne se trouve pas seulement dans les objets particuliers, mais encore dans les groupes & dans le tout-ensemble de l'Ouvrage. II paroist visiblement que l'oeconomie que Rubens a gardée en cette partie, va à éviter la dissipation des yeux, & à les fixer agréablement par la liaison des corps & par l'opposition des masses. Cette liaison se fait de deux façons ; la première par manière de fond, & la seconde par manière de groupe.

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De toutes les parties de la Peinture, celle qui a le plus contribué à l'effet & au brillant de ses Ouvrages a este la disposition des objets : car les lumières & les couleurs ne serviroient pas de beaucoup si les corps nettoient placez & disposez pour les recevoir avantageusement & cette disposition ne se trouve pas seulement dans les objets particuliers, mais encore dans les groupes & dans le tout-ensemble de l'Ouvrage. II paroist visiblement que l'oeconomie que Rubens a gardée en cette partie, va à éviter la dissipation des yeux, & à les fixer agréablement par la liaison des corps & par l'opposition des masses. Cette liaison se fait de deux façons ; la première par manière de fond, & la seconde par manière de groupe.

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Or comme la veuë ne peut se porter sur quantité d'objets à la fois, Rubens a eu pour maxime de faire voir dans ses tableaux où il y a quantité de figures, trois groupes principaux qui dominent fur tout l'Ouvrage ; & comme un seul objet fatigue encore moins les yeux que trois, il a fait en sorte que les groupes des costez le cèdent à celuy du milieu qui estant de couleurs plus fortes & plus brillantes, attire l'oeil au centre de la composition comme si elle n'estoit qu'un seul &. unique objet. Cela se voit merveilleusement bien dans les Innocens, le ravissement des Sabines & les Païsages.

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Or comme la veuë ne peut se porter sur quantité d'objets à la fois, Rubens a eu pour maxime de faire voir dans ses tableaux où il y a quantité de figures, trois groupes principaux qui dominent fur tout l'Ouvrage ; & comme un seul objet fatigue encore moins les yeux que trois, il a fait en sorte que les groupes des costez le cèdent à celuy du milieu qui estant de couleurs plus fortes & plus brillantes, attire l'oeil au centre de la composition comme si elle n'estoit qu'un seul &. unique objet. Cela se voit merveilleusement bien dans les Innocens, le ravissement des Sabines & les Païsages.

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[...]; car sans se servir d'un plan circulaire dans le Tableau des Innocens, comme il a fait dans le Jugement de Paris, il donne la rondeur à son tout-ensemble par le noir qu'il a mis au groupe du milieu, qui par la force & la vivacité de ses couleurs sort de la toile & maîtrise les groupes des cotez, les contraint, pour ainsi dire de se retirer, & de former avec luy la rondeur dont je vous parle. Voila ce qui regarde la disposition des objets en general ;[…].

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[..]; car il y a dans ses ouvrages [ndr : de Rubens] des estoffes de toutes sortes qu'il a distinguées par les plis & par les lumières qui leur conviennent, & cette diversité d'estoffes avec la justesse & la grandeur de leurs plis ne sont pas un des moindres ornemens de ses Tableaux.

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[...] s'il [ndr : Rubens] ne s'est pas si fort arresté au goust de l'Antique, ce n'est point par impuissance, c'est qu'il n'y trouvoit pas assez la vérité du naturel dont il vouloir estre un parfait imitateur : Il estoit bien persuadé, comme il est vray, que la diversité de la Nature est une de ses plus grandes beautez, & il ne trouvoit pas qu'en s'attachant aux Statües & aux Bas-reliefs, il pût se satisfaire assez pleinement.

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[...] s'il [ndr : Rubens] ne s'est pas si fort arresté au goust de l'Antique, ce n'est point par impuissance, c'est qu'il n'y trouvoit pas assez la vérité du naturel dont il vouloir estre un parfait imitateur : Il estoit bien persuadé, comme il est vray, que la diversité de la Nature est une de ses plus grandes beautez, & il ne trouvoit pas qu'en s'attachant aux Statües & aux Bas-reliefs, il pût se satisfaire assez pleinement.

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S'estant donc proposé la Nature comme l'objet de ses [ndr : Rubens] études & de ses reflexions, il a observé exactement & avec un jugement admirable le véritable caractère des choses, ce qui les distingue les unes des autres, & qui les fait paroistre ce qu'elles sont à nos yeux : Et il a poussé cette connoissance si loin, qu'avec une hardie, mais sage & sçavante exagération de ce caractere, il a rendu la Peinture plus vivante & plus naturelle, pour ainsi dire, que le Naturel mesme. C'est dans la veuë de cet heureux succès qu'il ne s'est pas mis si fort en peine de se remplir l'idée des contours Antiques, dont la pluspart estant imitez avec trop d'affectation, portent avec eux une idée de pierre qu'ils communiquent infailliblement aux Ouvrages de ceux qui s'y sont trop attachez, au lieu que les contours de Rubens donnent au nud un véritable caractère de chair, telle qu'il l'a voulu representer selon les âges, les sexes & les conditions. Car on voit cette diversité dans les sujets qui la demandent ; [...].

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S'estant donc proposé la Nature comme l'objet de ses [ndr : Rubens] études & de ses reflexions, il a observé exactement & avec un jugement admirable le véritable caractère des choses, ce qui les distingue les unes des autres, & qui les fait paroistre ce qu'elles sont à nos yeux : Et il a poussé cette connoissance si loin, qu'avec une hardie, mais sage & sçavante exagération de ce caractere, il a rendu la Peinture plus vivante & plus naturelle, pour ainsi dire, que le Naturel mesme. C'est dans la veuë de cet heureux succès qu'il ne s'est pas mis si fort en peine de se remplir l'idée des contours Antiques, dont la pluspart estant imitez avec trop d'affectation, portent avec eux une idée de pierre qu'ils communiquent infailliblement aux Ouvrages de ceux qui s'y sont trop attachez, au lieu que les contours de Rubens donnent au nud un véritable caractère de chair, telle qu'il l'a voulu representer selon les âges, les sexes & les conditions. Car on voit cette diversité dans les sujets qui la demandent ; [...].

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Les passions de l'ame, reprit Philarque, s'expriment par les mouvemens, non seulement des parties du visage, mais encore de celles du corps : Et de toutes les passions il y en a de violentes, il y en a de douces. Les violentes sont beaucoup moins difficiles à exprimer, & Rubens y a reüssi autant bien que Peintre qui l'ait precedé. Mais pour les expressions douces, soit qu'elles paroissent comme un effet de la tranquillité de l'âme, ou qu'elles soient de ces sortes de passions qui causant peu de changement sur le visage, ne laissent pas de faire voir que le dedans est fort agité, c'est où Rubens a merveilleusement bien reüssi : il y en a une infinité d'exemples dans ses Ouvrages.

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Les passions de l'ame, reprit Philarque, s'expriment par les mouvemens, non seulement des parties du visage, mais encore de celles du corps : Et de toutes les passions il y en a de violentes, il y en a de douces. Les violentes sont beaucoup moins difficiles à exprimer, & Rubens y a reüssi autant bien que Peintre qui l'ait precedé. Mais pour les expressions douces, soit qu'elles paroissent comme un effet de la tranquillité de l'âme, ou qu'elles soient de ces sortes de passions qui causant peu de changement sur le visage, ne laissent pas de faire voir que le dedans est fort agité, c'est où Rubens a merveilleusement bien reüssi : il y en a une infinité d'exemples dans ses Ouvrages.

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Le Clair-obscur regarde les objets particuliers, les Groupes de & le Tout-ensemble. Rubens avoit pour maxime dans les objets particuliers exposez sous une lumiere ordinaire, d'éclairer d'autant plus les endroits relevez, qu'ils avoient de saillie, & la pluspart des figures qui sont en ces Tableaux ne font le bel effet que vous voyez, que parce que le Peintre les a traitez dans ce principe.

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Le Clair-obscur regarde les objets particuliers, les Groupes de & le Tout-ensemble. Rubens avoit pour maxime dans les objets particuliers exposez sous une lumiere ordinaire, d'éclairer d'autant plus les endroits relevez, qu'ils avoient de saillie, & la pluspart des figures qui sont en ces Tableaux ne font le bel effet que vous voyez, que parce que le Peintre les a traitez dans ce principe.

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Le Clair-obscur regarde les objets particuliers, les Groupes de & le Tout-ensemble. Rubens avoit pour maxime dans les objets particuliers exposez sous une lumiere ordinaire, d'éclairer d'autant plus les endroits relevez, qu'ils avoient de saillie, & la pluspart des figures qui sont en ces Tableaux ne font le bel effet que vous voyez, que parce que le Peintre les a traitez dans ce principe.

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Le Clair-obscur regarde les objets particuliers, les Groupes de & le Tout-ensemble. Rubens avoit pour maxime dans les objets particuliers exposez sous une lumiere ordinaire, d'éclairer d'autant plus les endroits relevez, qu'ils avoient de saillie, & la pluspart des figures qui sont en ces Tableaux ne font le bel effet que vous voyez, que parce que le Peintre les a traitez dans ce principe.

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Je vous ay déja parlé des groupes, & comme Rubens en ramassoit toutes les lumières ensemble d'un costé , & toutes les ombres d'un autre, il ne reste plus en vous parlant de la manière dont il les éclairoit , qu'à vous dire qu'il les traitoit comme il auroit fait un seul & unique objet, & que dans cette veuë il éclairoit les parties du groupe les plus proches des yeux davantage que les autres, & qu'il les accompagnoit des ombres les plus obscures, supposant que la partie ombrée reçeut des reflets qui luy donnoient occasion de mettre toujours sombre la plus forte au milieu de la masse. Le Tableau de la Chasse aux lions fait parfaitement bien voir cette oeconomie ; elle ne fait qu'un groupe, dont le cheval blanc & la draperie claire du Chasseur qui tombe à la renverse font les lumières, lesquelles sont accompagnées d'ombres d'autant plus forts qu'elles sont au milieu de la masse. II semble en effet, dit Leonidas, qu'il ait par tout observé cette conduite de placer son plus grand brun au milieu des groupes & du Tout-ensemble.

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Je vous ay déja parlé des groupes, & comme Rubens en ramassoit toutes les lumières ensemble d'un costé , & toutes les ombres d'un autre, il ne reste plus en vous parlant de la manière dont il les éclairoit , qu'à vous dire qu'il les traitoit comme il auroit fait un seul & unique objet, & que dans cette veuë il éclairoit les parties du groupe les plus proches des yeux davantage que les autres, & qu'il les accompagnoit des ombres les plus obscures, supposant que la partie ombrée reçeut des reflets qui luy donnoient occasion de mettre toujours sombre la plus forte au milieu de la masse. Le Tableau de la Chasse aux lions fait parfaitement bien voir cette oeconomie ; elle ne fait qu'un groupe, dont le cheval blanc & la draperie claire du Chasseur qui tombe à la renverse font les lumières, lesquelles sont accompagnées d'ombres d'autant plus forts qu'elles sont au milieu de la masse. II semble en effet, dit Leonidas, qu'il ait par tout observé cette conduite de placer son plus grand brun au milieu des groupes & du Tout-ensemble.

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C'est que les Philosophes définissent le Blanc, une couleur qui dissipe la veuë & qui la sépare; & le Noir, une couleur qui ramasse la veuë & qui la fixe. Si le Noir fixe la veuë, reprit Philarque, ne soyez donc pas étonné que Rubens s'en soit servy dans les endroits qu'il a voulu rendre plus sensibles & plus proches des yeux : & si les objets qu'il a peints conservent une si grande rondeur. Et pour le blanc, repartit Leonidas, qui n'est pas en parfaite amitié avec la veuë, & qui s'en éloigne, pourquoy l'employe-t'on souvent dans les objets qui sont fur le devant du Tableau ? Pour deux raisons, repartit Philarque, l'une parce qu'il rend le noir encore plus sensible par son opposition, & l'autre parce que le blanc est nécessaire pour donner l'idée de quantité d'objets que l'on a souvent occasion de representer sur le devant comme seroit du linge, un cheval blanc, & semblables autres choses dont cette couleur est le corps, ou dont elle fait une grande partie. Mais quand on l'employe ainsi fur les premières lignes du tableau, on observe de raccompagner de couleurs brunes qui le retiennent, ou bien on le place entre deux corps bruns qui renferment comme mal-gré luy, & qui l'empeschent d'entrer dans le tableau, & de se joindre aux objets les plus esloignez. C'est pour cela que Rubens ayant fait ses Déesses claires sur un fond brun, les a accompagnées de draperies beaucoup plus brunes que le fond.

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C'est que les Philosophes définissent le Blanc, une couleur qui dissipe la veuë & qui la sépare; & le Noir, une couleur qui ramasse la veuë & qui la fixe. Si le Noir fixe la veuë, reprit Philarque, ne soyez donc pas étonné que Rubens s'en soit servy dans les endroits qu'il a voulu rendre plus sensibles & plus proches des yeux : & si les objets qu'il a peints conservent une si grande rondeur. Et pour le blanc, repartit Leonidas, qui n'est pas en parfaite amitié avec la veuë, & qui s'en éloigne, pourquoy l'employe-t'on souvent dans les objets qui sont fur le devant du Tableau ? Pour deux raisons, repartit Philarque, l'une parce qu'il rend le noir encore plus sensible par son opposition, & l'autre parce que le blanc est nécessaire pour donner l'idée de quantité d'objets que l'on a souvent occasion de representer sur le devant comme seroit du linge, un cheval blanc, & semblables autres choses dont cette couleur est le corps, ou dont elle fait une grande partie. Mais quand on l'employe ainsi fur les premières lignes du tableau, on observe de raccompagner de couleurs brunes qui le retiennent, ou bien on le place entre deux corps bruns qui renferment comme mal-gré luy, & qui l'empeschent d'entrer dans le tableau, & de se joindre aux objets les plus esloignez. C'est pour cela que Rubens ayant fait ses Déesses claires sur un fond brun, les a accompagnées de draperies beaucoup plus brunes que le fond.

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C'est que les Philosophes définissent le Blanc, une couleur qui dissipe la veuë & qui la sépare; & le Noir, une couleur qui ramasse la veuë & qui la fixe. Si le Noir fixe la veuë, reprit Philarque, ne soyez donc pas étonné que Rubens s'en soit servy dans les endroits qu'il a voulu rendre plus sensibles & plus proches des yeux : & si les objets qu'il a peints conservent une si grande rondeur. Et pour le blanc, repartit Leonidas, qui n'est pas en parfaite amitié avec la veuë, & qui s'en éloigne, pourquoy l'employe-t'on souvent dans les objets qui sont fur le devant du Tableau ? Pour deux raisons, repartit Philarque, l'une parce qu'il rend le noir encore plus sensible par son opposition, & l'autre parce que le blanc est nécessaire pour donner l'idée de quantité d'objets que l'on a souvent occasion de representer sur le devant comme seroit du linge, un cheval blanc, & semblables autres choses dont cette couleur est le corps, ou dont elle fait une grande partie. Mais quand on l'employe ainsi fur les premières lignes du tableau, on observe de raccompagner de couleurs brunes qui le retiennent, ou bien on le place entre deux corps bruns qui renferment comme mal-gré luy, & qui l'empeschent d'entrer dans le tableau, & de se joindre aux objets les plus esloignez. C'est pour cela que Rubens ayant fait ses Déesses claires sur un fond brun, les a accompagnées de draperies beaucoup plus brunes que le fond.

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C'est que la lumière qui penetre l'air, repartit Philarque, s'accorde tres-bien avec le Blanc qui est de la mesme nature, & que le Noir qui luy est opposé est d'autant plus détruit par cet air lumineux, qu'il y a de distance entre l'oeil & l'objet : Rubens n'a fait que suivre en cela le Titien & tous les Peintres Lombards.

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Ne trouvez-vous pas, dit Damon, que Rubens a fait ses lumières plus fortes qu'elles ne sont dans la Nature, aussi bien que ses reflets. Je le trouve comme vous, reprit Philarque, &c'est en cela que les corps qu'il a peints en font plus de reliefs & par conséquent plus naturels.

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Ne trouvez-vous pas, dit Damon, que Rubens a fait ses lumières plus fortes qu'elles ne sont dans la Nature, aussi bien que ses reflets. Je le trouve comme vous, reprit Philarque, &c'est en cela que les corps qu'il a peints en font plus de reliefs & par conséquent plus naturels.

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Ainsi l'on doit pour la beauté de l'Ouvrage & pour la satisfaction des yeux augmenter, ou diminüer non seulement au dessin & à la couleur des Corps que l'on imite, mais encore à la lumière qui les éclaire en la plaçant avantageusement de la manière que je viens de dire, & comme l'a placée Rubens, qui est sans contredit celuy de tous les Peintres qui l'a mieux entendüe.

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Ainsi l'on doit pour la beauté de l'Ouvrage & pour la satisfaction des yeux augmenter, ou diminüer non seulement au dessin & à la couleur des Corps que l'on imite, mais encore à la lumière qui les éclaire en la plaçant avantageusement de la manière que je viens de dire, & comme l'a placée Rubens, qui est sans contredit celuy de tous les Peintres qui l'a mieux entendüe.

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Paul Veronese a entendu parfaitement tous ces accords, & Rubens qui en a, profité voyant les Ouvrages de ce Peintre, les a pratiquez avec plus de sagesse, ramassant ses figures par groupes, les éteignant à mesure qu'elles approchent des bords, & traitant son Ouvrage par rapport à un seul objet.

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Et en effet le Tableau veut estre regardé comme une machine dont les pièces doivent estre l'une pour l'autre, & ne produire toutes ensemble qu'un mefme effet ; que si vous les regardez separément, vous n'y trouverez que la main de l'Ouvrier, lequel a mis tout son esprit dans leur accord & dans la justesse de leur assemblage : Qui couperoit par exemple l'endroit du Tableau de saint George, ou des vieilles, rendent graces au Ciel d' avoir trouvé un libérateur, & regarderoit ces figures comme quelque chose d'achevé, se tromperoit fort, puisque le Peintre ne les a faites que par relation au tout, & non point à elle-mesme : Les ayant donc placées au coin du tableau il en a éteint les couleurs & négligé l'Ouvrage, quoy que fur le premier plan, afin que la veuë se portast au milieu où le saint & la pucelle attirent les yeux par leur couleurs, qui sont plus fortes, & plus brillantes, Rubens a-t'il conservé cette oeconomie par tout, dit Damon ? Sans doute, répondit Philarque, mais cela est beaucoup plus sensible dans ses grands Ouvrages.

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Et en effet le Tableau veut estre regardé comme une machine dont les pièces doivent estre l'une pour l'autre, & ne produire toutes ensemble qu'un mefme effet ; que si vous les regardez separément, vous n'y trouverez que la main de l'Ouvrier, lequel a mis tout son esprit dans leur accord & dans la justesse de leur assemblage : Qui couperoit par exemple l'endroit du Tableau de saint George, ou des vieilles, rendent graces au Ciel d' avoir trouvé un libérateur, & regarderoit ces figures comme quelque chose d'achevé, se tromperoit fort, puisque le Peintre ne les a faites que par relation au tout, & non point à elle-mesme : Les ayant donc placées au coin du tableau il en a éteint les couleurs & négligé l'Ouvrage, quoy que fur le premier plan, afin que la veuë se portast au milieu où le saint & la pucelle attirent les yeux par leur couleurs, qui sont plus fortes, & plus brillantes, Rubens a-t'il conservé cette oeconomie par tout, dit Damon ? Sans doute, répondit Philarque, mais cela est beaucoup plus sensible dans ses grands Ouvrages.

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II [ndr : Rubens] a fait voir par cette figure qu'il fçavoit finir quand il vouloit, & quand il le jugeoit nécessaire : Et par ses autres tableaux que cette grande exactitude estoit inutile, puis qu'ils font tout l'effet qu'on en doit attendre. Mais outre que cette manière de peindre les choses si nettement & avec tant de patience ne convient guéres au tempérament actif de Rubens, ny a son Génie tout de feu, c'est qu'il n'a pas trouvé à propos de se servir de cette conduite dans la pluspart de ses Ouvrages, & en voicy deux raisons que l'on y découvre. La première, que tous les tableaux ne sont point faits pour estre veus de prés, ny pour estre tenus à la main, il suffit qu'ils fassent leur effet du lieu d'où on les regarde ordinairement, si ce n'est que les Connoisseurs aprés les avoir veus d'une distance raisonnable veüillent s'en approcher ensuite pour en voir l'artifice. Car il n'y a point de tableau, qui ne doive avoir son point de distance d'où il doit estre regardé : & il est certain qu'il perdra d'autant plus de sa beauté, que celuy qui le voit sortira de ce point, pour s'en approcher ou pour s'en éloigner. Cela estant, je trouve que c'est une perte de temps, pour ne pas dire un manque d'intelligence, que de faire un travail inutile & qui se perd dans la distance, convenable. Et au contraire il y a beaucoup d'Art & de science en faisant tout ce qui est nécessaire, de ne faire que ce qui est nécessaire.

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II [ndr : Rubens] a fait voir par cette figure qu'il fçavoit finir quand il vouloit, & quand il le jugeoit nécessaire : Et par ses autres tableaux que cette grande exactitude estoit inutile, puis qu'ils font tout l'effet qu'on en doit attendre. Mais outre que cette manière de peindre les choses si nettement & avec tant de patience ne convient guéres au tempérament actif de Rubens, ny a son Génie tout de feu, c'est qu'il n'a pas trouvé à propos de se servir de cette conduite dans la pluspart de ses Ouvrages, & en voicy deux raisons que l'on y découvre. La première, que tous les tableaux ne sont point faits pour estre veus de prés, ny pour estre tenus à la main, il suffit qu'ils fassent leur effet du lieu d'où on les regarde ordinairement, si ce n'est que les Connoisseurs aprés les avoir veus d'une distance raisonnable veüillent s'en approcher ensuite pour en voir l'artifice. Car il n'y a point de tableau, qui ne doive avoir son point de distance d'où il doit estre regardé : & il est certain qu'il perdra d'autant plus de sa beauté, que celuy qui le voit sortira de ce point, pour s'en approcher ou pour s'en éloigner. Cela estant, je trouve que c'est une perte de temps, pour ne pas dire un manque d'intelligence, que de faire un travail inutile & qui se perd dans la distance, convenable. Et au contraire il y a beaucoup d'Art & de science en faisant tout ce qui est nécessaire, de ne faire que ce qui est nécessaire.

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Ainsi pour loüer les tableaux, qui n'estant que peu travaillez font parfaitement leur effet dans leur distance; ce n'est pas à dire qu'on doive blasmer les Peintres qui ont fini de grands tableaux, comme s'ils devoient estre veus de prés, on peut ignorer les raisons qu'ils ont euës d'en user de la sorte : Pourveu que le Peintre ait la discretion de ne point salir les couleurs à force de les méler ensemble, ou pour parler comme parlent les Peintres, de les tourmenter, & que le Tableau conserve de loin beaucoup de force & de fraischeur, on ne doit luy rien reprocher. La seconde raison est, que pour bien finir il faut lier plusieurs teintes de couleurs différentes, en les peignant & les mêlant ensemble, & que ce mélange diminuë beaucoup de la vivacité & de l'éclat des couleurs, principalement quand le tableau est un peu éloigné, en sorte que ce qui semble de prés estre frais & terminé, se ternit dans une distance raisonnable. La démonstration en est facile à faire. Prenez les couleurs les plus belles, comme un beau rouge, un beau jaune, un beau bleu, un beau verd, & les mettez separément les unes auprès des autres, il est certain qu'elles conserveront leur éclat & leur force en particulier & toutes ensemble : que si vous les mélez vous n'en ferez qu'une couleur de terre. C'est ce qui a fait que Rubens s'est dispensé autant qu'il a pu de noyer ses couleurs, & comme on dit ordinairement, de les tourmenter, se contentant de les mettre en leur place & de ne les méler qu'à proportion de la distance du Tableau, car c'est d'elle de qui il attendoit en cela un fort grand service.

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Ainsi pour loüer les tableaux, qui n'estant que peu travaillez font parfaitement leur effet dans leur distance; ce n'est pas à dire qu'on doive blasmer les Peintres qui ont fini de grands tableaux, comme s'ils devoient estre veus de prés, on peut ignorer les raisons qu'ils ont euës d'en user de la sorte : Pourveu que le Peintre ait la discretion de ne point salir les couleurs à force de les méler ensemble, ou pour parler comme parlent les Peintres, de les tourmenter, & que le Tableau conserve de loin beaucoup de force & de fraischeur, on ne doit luy rien reprocher. La seconde raison est, que pour bien finir il faut lier plusieurs teintes de couleurs différentes, en les peignant & les mêlant ensemble, & que ce mélange diminuë beaucoup de la vivacité & de l'éclat des couleurs, principalement quand le tableau est un peu éloigné, en sorte que ce qui semble de prés estre frais & terminé, se ternit dans une distance raisonnable. La démonstration en est facile à faire. Prenez les couleurs les plus belles, comme un beau rouge, un beau jaune, un beau bleu, un beau verd, & les mettez separément les unes auprès des autres, il est certain qu'elles conserveront leur éclat & leur force en particulier & toutes ensemble : que si vous les mélez vous n'en ferez qu'une couleur de terre. C'est ce qui a fait que Rubens s'est dispensé autant qu'il a pu de noyer ses couleurs, & comme on dit ordinairement, de les tourmenter, se contentant de les mettre en leur place & de ne les méler qu'à proportion de la distance du Tableau, car c'est d'elle de qui il attendoit en cela un fort grand service.

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Ainsi pour loüer les tableaux, qui n'estant que peu travaillez font parfaitement leur effet dans leur distance; ce n'est pas à dire qu'on doive blasmer les Peintres qui ont fini de grands tableaux, comme s'ils devoient estre veus de prés, on peut ignorer les raisons qu'ils ont euës d'en user de la sorte : Pourveu que le Peintre ait la discretion de ne point salir les couleurs à force de les méler ensemble, ou pour parler comme parlent les Peintres, de les tourmenter, & que le Tableau conserve de loin beaucoup de force & de fraischeur, on ne doit luy rien reprocher. La seconde raison est, que pour bien finir il faut lier plusieurs teintes de couleurs différentes, en les peignant & les mêlant ensemble, & que ce mélange diminuë beaucoup de la vivacité & de l'éclat des couleurs, principalement quand le tableau est un peu éloigné, en sorte que ce qui semble de prés estre frais & terminé, se ternit dans une distance raisonnable. La démonstration en est facile à faire. Prenez les couleurs les plus belles, comme un beau rouge, un beau jaune, un beau bleu, un beau verd, & les mettez separément les unes auprès des autres, il est certain qu'elles conserveront leur éclat & leur force en particulier & toutes ensemble : que si vous les mélez vous n'en ferez qu'une couleur de terre. C'est ce qui a fait que Rubens s'est dispensé autant qu'il a pu de noyer ses couleurs, & comme on dit ordinairement, de les tourmenter, se contentant de les mettre en leur place & de ne les méler qu'à proportion de la distance du Tableau, car c'est d'elle de qui il attendoit en cela un fort grand service.

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Ainsi Rubens qui avoit fortement dans la teste le Tout-ensemble de son Tableau, songeoit plustost à faire bien aller sa machine, qu'il ne prenoit soin d'en polir les rouës.

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 [...] Il faut donc, poursuivit-elle [Princesse des cabalistes], s’étudier à la recherche d’une belle Manière de peindre, vague, hardie, & sans contrainte, d’un dessein tendre & coulant, mais libre & de grande maniere, sans s’attacher avec scrupule à cent choses, qui gâtent la majesté d’un ouvrage. Prenez pour exemplaires les ouvrages de l’illustre & fameux Michelange, le Coriphée des Peintres Anciens & Modernes, d’un Titien, d’un Tintoret, d’un Georgion, d’un Paul Veronese, du Guide, des Bassans, de S. Martin, de Rubens, de Vandick, & tant d’autres que mes maximes ont rendus celebres, & ausquels la science qu’ils ont acquise dans mon Ecole, a donné une réputation glorieuse & immortelle, malgré la jalousie & le caprice de quelques novateurs, qui sous pretexte du rétablissement de la Peinture, tâchent en vain d’élever sur le debris de l’estime qu’on a toûjours euë pour ces grands Peintres, une fausse renommée à leurs sectateurs, & faisans croire aux simples, qu’ils rendent un bon office à ce bel Art, le ruinent entierement, dégoûtans par les embarras & les difficultés dont ils l’ont obscurci, ceux qui avoient dessein de s’y perfectionner.

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 [...] Il faut donc, poursuivit-elle [Princesse des cabalistes], s’étudier à la recherche d’une belle Manière de peindre, vague, hardie, & sans contrainte, d’un dessein tendre & coulant, mais libre & de grande maniere, sans s’attacher avec scrupule à cent choses, qui gâtent la majesté d’un ouvrage. Prenez pour exemplaires les ouvrages de l’illustre & fameux Michelange, le Coriphée des Peintres Anciens & Modernes, d’un Titien, d’un Tintoret, d’un Georgion, d’un Paul Veronese, du Guide, des Bassans, de S. Martin, de Rubens, de Vandick, & tant d’autres que mes maximes ont rendus celebres, & ausquels la science qu’ils ont acquise dans mon Ecole, a donné une réputation glorieuse & immortelle, malgré la jalousie & le caprice de quelques novateurs, qui sous pretexte du rétablissement de la Peinture, tâchent en vain d’élever sur le debris de l’estime qu’on a toûjours euë pour ces grands Peintres, une fausse renommée à leurs sectateurs, & faisans croire aux simples, qu’ils rendent un bon office à ce bel Art, le ruinent entierement, dégoûtans par les embarras & les difficultés dont ils l’ont obscurci, ceux qui avoient dessein de s’y perfectionner.

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[....] La Place estoit ornée tout au tour de Statuës, que les Cabalistes avoient fait ériger à leurs Princes, entre lesquelles celle de Michelange occupoit le premier lieu, accompagné de celles du Titien, du Georgion, de Paul Veronese, du Tintoret, des Bassans, du Correge, du Guide, de Rubens, Vandick, Zuccaro, Lanfranc, Joseph Pin, Maistre Rousse, Saint Martin, Ribera, Pietre Teste, Freminet, Tempeste, Blœmaret, P. ….. V ….. B. …. V. … &c toutes posées sur leurs piedestaux, avec chacune une Inscription à leur loüange.
On ne voyait là ny les Apelles, ny les Timanthes, ny les Raphaëls, ny les Poussins, ny les Leonards de Vincy, ny les Jules Romains, ny les autres de ce merite, dont on ne se doit pas étonner, veu qu’ayans tous esté les Antagonistes de ces faux Peintres, les Cabalistes n’avoient garde de leur donner place parmi ceux dont ils ont méprisé les ouvrages & les maximes.

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Les Couleurs à huile ont cela pardessus les autres, que les Teintes s'en peuvent mêler facilement par le manîment du Pinceau : mais il est à craindre aussi qu'à force de les tourmenter on n'en fasse perdre la fraicheur surtout dans les Carnations, & qu'elles ne deviennent sales et terrestres. Pour obvier à cela, il y a deux choses à faire ; la première est de s'accoûtumer à peindre & à mêler ses Couleurs avec promptitude & légèreté de Pinceau, en sorte que, s'il y avoit moyen, l'on ne passât point deux fois sur le même endroit, & la seconde est, qu'après avoir ainsi meslé légèrement ses Couleurs ensemble on prenne le soin de retoucher par-dessus avec des Couleurs vierges & fraîches lesquelles conviennent aux endroits où on le met, & soient de même ton que celles qui auront été déjà peintes & mêlées par dessous. Pour apprendre à peindre de cette sorte je ne sais rien de meilleur que de copier d'après le Corrège & Van Dyck pour la légèreté de pinceau, & d'après Paul Veronese & Rubens pour les Teintes vierges.

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Les Couleurs à huile ont cela pardessus les autres, que les Teintes s'en peuvent mêler facilement par le manîment du Pinceau : mais il est à craindre aussi qu'à force de les tourmenter on n'en fasse perdre la fraicheur surtout dans les Carnations, & qu'elles ne deviennent sales et terrestres. Pour obvier à cela, il y a deux choses à faire ; la première est de s'accoûtumer à peindre & à mêler ses Couleurs avec promptitude & légèreté de Pinceau, en sorte que, s'il y avoit moyen, l'on ne passât point deux fois sur le même endroit, & la seconde est, qu'après avoir ainsi meslé légèrement ses Couleurs ensemble on prenne le soin de retoucher par-dessus avec des Couleurs vierges & fraîches lesquelles conviennent aux endroits où on le met, & soient de même ton que celles qui auront été déjà peintes & mêlées par dessous. Pour apprendre à peindre de cette sorte je ne sais rien de meilleur que de copier d'après le Corrège & Van Dyck pour la légèreté de pinceau, & d'après Paul Veronese & Rubens pour les Teintes vierges.

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Dans le septième tableau le Peintre [ndr : Rubens] a représenté ce mariage, d’une manière poëtique. Le Roy & la Reyne sous les figures de Jupiter & de Junon, sont peints dans le ciel, assis sur des nuages. […]

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Son genie [ndr : Rubens] ne luy permettant point de reformer ce qu’il avoit produit, ainsi emporté par la rapidité de son naturel vif & impetueux, il ne pensoit pas à donner à ses figures, ny de beaux airs de teste, ny de la grace dans les contours qui se trouvent souvent alterez par sa maniére peu étudiée. On voit que la plupart de ses visages semblent estre tous formez sur une mesme idée qui ne les rend pas assez différens les uns des autres, & moins encore agreables & beaux, mais plûtost des visages ordinaires & communs, de mesme que les proportions des corps qui s’éloignent fort de celles des antiques. Les vestemens ne sont point faits avec un beau choix ; les plis n’en sont ny bien jettez, ny bien entendus, ny bien corrects. Cette grande liberté qu’il avoit à peindre, fait voir en plusieurs de ses tableaux plus de pratique de pinceau, que de correction dans les choses où la Nature doit estre exactement représentée ; non seulement dans son dessein, mais aussi dans son coloris, où les teintes des carnations paroissent souvent si fortes & si séparées les unes des autres, qu’elles semblent des taches ; & dans les reflais des lumiéres qui rendent les corps comme dipahane & transparens.

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Traveller.
           
There is a thing which the Italians call Morbidezza ; The meaning of which word, is to Express the Softness, and tender Liveliness of Flesh and Blood, so as the Eye may almost invite the Hand to touch and feel it, as if it were Alive ; and this is the hardest thing to Compass in the whole Art of Painting. And ‘tis in this particular, that Titian, Corregio, and amongst the more Modern, Rubens, and Vandike, do Excel.

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Traveller.
           
There is a thing which the Italians call Morbidezza ; The meaning of which word, is to Express the Softness, and tender Liveliness of Flesh and Blood, so as the Eye may almost invite the Hand to touch and feel it, as if it were Alive ; and this is the hardest thing to Compass in the whole Art of Painting. And ‘tis in this particular, that Titian, Corregio, and amongst the more Modern, Rubens, and Vandike, do Excel.
                       
Friend.
            I have heard, that in some Pictures of Raphael, the very Gloss of Damask, and the Softness of Velvet, with the Lustre of Gold, are so Expressed, that you would take them to be Real, and not Painted : Is not that as hard to do, as to imitate Flesh ?
                        Traveller.
            No : Because those things are but the stil Life, whereas there is a Spirit in Flesh and Blood, which is hard to Represent. But a good Painter must know how to do those Things you mention, and many more : As for Example, He must know how to Imitate the Darkness of Night, the Brightness of Day, the Shining and Glittering of Armour ; the Greenness of Trees, the Dryness of Rocks. In a word, All Fruits, Flowers, Animals, Buildings, so as that they all appear
Natural and Pleasing to the Eye.

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The next thing to be considered in an Historical Piece, is the Truth of the Drawings, and the Correction of the Design, as Painters call it ; that is, whether they have chosen to imitate Nature in her most Beautiful Part ; for though a Painter be the Copist of Nature, Yet he must not take her promiscuously, as he finds her, but have an Idea of all that is Fine and Beautiful in an Object, and choose to Represent that, as the Antients have done so admirably in their Paintings and Statues : And ’tis in this part that most of the Flemish Painters, even Rubens himself, have miscarryed, by making an ill Choice of Nature ; either because the Beautiful Natural is not the Product of their Countrey, or because they have not seen the Antique, which is the Correction of Nature by Art ; for we may truly say that the Antique is but the best of Nature ; and therefore all that resembles the Antique, will carry that Character along with it.

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The next thing to be considered in an Historical Piece, is the Truth of the Drawings, and the Correction of the Design, as Painters call it ; that is, whether they have chosen to imitate Nature in her most Beautiful Part ; for though a Painter be the Copist of Nature, Yet he must not take her promiscuously, as he finds her, but have an Idea of all that is Fine and Beautiful in an Object, and choose to Represent that, as the Antients have done so admirably in their Paintings and Statues : And ’tis in this part that most of the Flemish Painters, even Rubens himself, have miscarryed, by making an ill Choice of Nature ; either because the Beautiful Natural is not the Product of their Countrey, or because they have not seen the Antique, which is the Correction of Nature by Art ; for we may truly say that the Antique is but the best of Nature ; and therefore all that resembles the Antique, will carry that Character along with it.
                       
Friend,
            I remember, you reckoned it to me among the Faults of some Painters, that they had studied too long upon the Statues of the Antients ; and that they had indeed thereby acquired the Correction of Design you speak of ; but they had by the same means lost that Vivacity and Life which is in Nature, and which is the true Grace of Painting.

                        Traveller.
            ’Tis very true, that a Painter may fall into that Error, by giving himself up too much to the Antique ; therefore he must know, that his Profession is not tyed up to that exact Imitation of it as the Sculptor’s is, who must never depart from that exact Regularity of Proportion which the Antients have settled in their Statues ; but Painters Figures must be such as may seem rather to have been Models for the Antique, than drawn from it ;
and a Painter that never has studied it at all, will never arrive at that as Raphael, and the best of the Lombard Painters have done ; who seem to have made no other Use of the Antique, than by that means to choose the most Beautiful of Nature.

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Traveller,
            ’
Tis very true, tis one of the most difficult parts of Painting [ndr : le traitement de la draperie]; and the best Rule is, that your Drapery be in large Foldings, Noble and Simple, not repeated too often, but following the Order of the Parts ; and let them be of Stuffs and Silks that are commonly worn, of beautiful Colours, but sweet, and such as do not trench upon the Naked too harshly, and by that means they will be of great Use for the Union of the Whole ; either by reflecting the Light, or giving such a Fund as is wanting for the other Colours to appear better. They serve also to fill up any empty place in the Picture.
            There is also a Judicious Choice to be made of Draperies, according to the Quality of the Persons : Magistrates and Grave People must have Ample and Long Robes ; Countrey People and Souldiers must have Close, Short Draperies ; Young Maids and Women must have them Light, Thin, and Tender. They that follow the Drapery of the Antients in Statues, will always be Stiff, as Raphael was at first, because that they used little Foldings, often repeated ; which do best in Marble or Brass. But Painters who have the Command of Colours, Lights and Shadows, may extend their Draperies, and let them fly as they please. Titian, Paul Veronese, Tintoret, Rubens, and Vandike, have painted Drapery admirably ; and indeed the Lombard School have excell’d in that and Colouring, as the Roman and Florentine
in Design and Nudity.

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neanmoins ce qui pourroit faire croire que cette intelligence [ndr du clair-obscur] dépendroit du Dessein, c'est qu'on appelle Dessein un ouvrage de blanc-&-noir, où les lumières & les ombres sont observées : & j'en ay vû plusieurs de la main de Rubens de cette manière qui faisoient un effet merveilleux, & qu'on ne nommoit point autrement.
C’est aussi de cette maniere qu’ils doivent être nommez, dit Pamphile ; puisque c’est l’usage, & que nous n’avons pas d’autres termes pour nous expliquer. Mais le nom de Dessein qu’on leur donne n’est pas celuy qui convient à l’une des parties de la Peinture. […] Ainsi lors qu’on ajoûte aux contours les lumieres & les ombres, on ne le peut faire sans le blanc & le noir, qui sont deux des principales Couleurs dont le Peintre a coûtume de se servir, & dont l’intelligence est comprise sous celle de toutes les Couleurs, laquelle n’est autre chose que le Coloris.

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Le Dessein est fort équivoque & se prend de differentes façons, qu'on peut reduire à trois, comme a fait M. Felibien dans ses Entretiens sur les vies des Peintres. L'on appelle Dessein, la volonté de faire ou de dire quelque chose, & c'est dans ce sens-là qu'on dit, Un tel est venu à bon ou à mauvais dessein. L'on appelle encore Dessein la pensée d'un Tableau que le Peintre met au dehors sur du papier ou sur de la toile pour juger de l'effet de l'Ouvrage qu'il medite ; & de cette maniere l'on peut appeller du nom de Dessein non seulement un esquisse : mais encore un Ouvrage bien entendu de lumieres & d'ombres, ou même un Tableau bien colorié. C’est de cette sorte que Rubens faisoit presque tous ses Desseins, & de la maniere qu'ont été faits ceux dont vous parlez. Enfin l'on appelle Dessein, les justes mesures, les proportions & les formes exterieures que doivent avoir les objets qui sont imitez d'aprés la Nature. Et c'est de cette derniere sorte que l'on entend le Dessein qui fait une des parties de la Peinture.

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Et lequel de ces deux Peintres aimeriez-vous mieux estre, continuay-je, de Raphaël ou du Titien ?
Vous m’embarassez fort, repondit Pamphile ; attendez que j’y pense un peu.
Je ne croyois pas, repris-je, que vous dûssiez balancer de cette sorte, aprés ce que je viens de vous entendre dire.
J'aimerois mieux estre Raphaël, continua Pamphile, & j'estime que le Titien est un plus grand Peintre.
Je vous entends bien, luy dis-je, c'est à-dire que Raphaël avec la correction de son Dessein, avoit plusieurs autres talens, & que tout cela ensemble vous plaist davantage que le Coloris du Titien.
Je vous avoüe, dit Pamphile, que je suis encore assez irresolu : neantmoins la correction du Dessein de Raphaël, l’élegance de ses contours, sa manière de drapper, ses expressions si touchantes, la facilité de son genie, ses compositions nobles, riches & abondantes, la grandeur, la simplicité & la vray-semblance de ses attitudes ; enfin, les graces qu'il répandoit dans tous ses ouvrages, me l’ont fait preferer au Titien.
Quoy au Titien, s'écria Damon, le plus grand Peintre, selon vous, qui ait jamais esté & qui sera peut-estre jamais.
Je vous l'avoüe, dit Pamphile, mais Raphaël, avec tous les avantages que je viens de vous dire, avoit encore celuy, d’estre entré sur la fin de sa vie dans l’inteligence des Lumieres & des Ombres, & d’avoir déja fait un si grand progrés dans le Coloris, & qu'il auroit bientost possedé cette partie dans sa derniere perfection. Ainsi je me persuade, si j'estois Raphaël, que dans peu de temps je serois encore le Titien.

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Je sçay bien, continua-t-il, que Rubens est un de vos Heros de Peinture, & que vous avez toûjours estimé l’Ouvrage qui est dans la gallerie du Luxembourg, comme une des plus belles choses qui soient dans l’Europe, si l'on en retranchoit (disiez-vous) en beaucoup d'endroits le goût de Dessein dont il n'est pas question presentement. Mais tout le monde n'est pas de vôtre goût, & ceux qui sont d'un sentiment contraire, disent qu'on trouve peu de verité dans les Ouvrages de Rubens, quand on les examine de prés, que les Couleurs & les Lumieres y sont exagérées, que ce n'est qu'un fard, & qu'enfin ce n'est point ainsi que l'on voit ordinairement la Nature.
O le beau fard ! s'écria Pamphile, & plût à Dieu mon cher Damon, que les Tableaux qu'on fait aujourd'huy, fussent fardez de cette sorte ! ne sçavez-vous pas que la Peinture n'est qu'un fard, qu'il est de son essence de tromper, & que le plus grand trompeur en cet Art est le plus grand Peintre. La Nature est ingrate d'elle-même, & qui s'attacheroit à la copier simplement comme elle est & sans artifice, feroit toûjours quelque chose de pauvre & d'un tres-petit goût. Ce que vous nommez exageration dans les Couleurs & dans les Lumieres, est une admirable industrie, qui fait paroître les objets peints plus veritables (s'il faut ainsi dire) que les veritables mêmes. C'est ainsi que les Tableaux de Rubens sont plus beaux que la Nature, laquelle semble n'être que la copie des Ouvrages de ce grand Homme. Et quand les choses aprés être bien examinées ne se trouveroient pas justes, comme vous le supposez, qu'importe, pourvû qu'elles le paroissent ; puisque la fin de la Peinture n'est pas tant de convaincre l’esprit que de tromper les yeux.
Cet artifice, dit Damon, me semble merveilleux dans les grands Ouvrages.
C'est aussi dans ceux-là, reprit Pamphile, où l'on voit que Rubens l'a rendu plus sensible à ceux qui sont capables d'y faire attention & de l'examiner : car aux personnes qui ne s'y connoissent que peu, rien n'est plus caché que cet Artifice.

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T: […] Maar zeg eens wat is Konst, en waar in bestaat uw oeffening?
S: Alles dat my voor komt te Schilderen, wat vraagen is dat?
T: Uyt de Geest ook?
S: Wat uyt de geest, wisje wasje, neen het Leeven, de Naarbootsinge der algemeene Natuur is myn Studie.
T: Hebt gy wel naar Playster leeren Teekenen?
S: Drie jaar heb ik geteekend, maar ‘k weet van geen playster, heb ook by myn patroon niets daar van gezien, maar na fraaje printen van Blommert, Berchem, Breugel, Rubens, en andere braave Konstenaars.
T: Naar Raphael, Karats, en Pousyn ook?
S: ‘k Geloof van ja, ik heb’er zoo naauw niet opgelet. Maar wel na Teekeningen van myn Meester.
T: Hebt gy meede op ’t Kollegie naar het Naakt Model geteekent?
S: Neen.
T: Wat meent gy dan met het Leeven te Schilderen?
S: Na Leevendige menschen, Man, Vrou, Kind, Schaapen, Ossen, Koeyen, Stoelen, Kassen; ja alles dat te pas komt.

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T: Neen vriend slegter is het niet, beziet het wel met aandacht; ’t is zo eel niet gesneeden, maar het is van Teikening en korrektheid der Muskulen, niet minder als d’ander.
S: Is het wel in ’t Leeven zo? myn dunkt dat’er de Vleizigheid zo wel niet in is, als die geene welke ik van Rubbens, Jordaans, en meer anderen gezien heb. Het komt my voor, eeven als de gevilde Menschen, of gelyk dat Beeld die gy my van de Anathomie geleent hebt.
T: Daarom laat ik ze u ook zien: niet om te zeggen, datmen die zo naarvolgen moet; maar alleen om de vastigheid van teikening die daar in is; waardoor gy merken kund wat voordeel iemand heeft, die ’t wel verstaat; ja zo, dat hy naar een Modél, alderhande stand van menschen, ’t zy vet, maager, jong, oud, kloek, robust, met weinig moeiten kan teikenen of verbeelden.

Quotation

Ik vroeg eens aan iemand, waarom hy zyn kleêren altyd met dunne ploojen maakte? waarop hy my tot antwoord gaf, geen zin te hebben in zulke dikke ploojen als Paulo Veronees, Titiaan en Rubbens verbeelden. Sommige bederven hun beelden zodanig met het ophoopen van veelderhande ploojen; dat zy daar door t’eenemaal vergeeten, het gebruik der stoffe alleenig gemaakt te zyn, om de partyen der Lichamen daar ze over heen komen, te kleeden en met gratie te bedekken: en niet om dezelve daar mede te belaaden en te vervullen, als of het geheele Lichaam maar een buik, en alle leeden op de verheeven partyen, met zandzakken bekleed waaren. Veele wederom maken hun kleedingen als of het darmen zyn, op de manier van Korton, ziende nergens als zulke printen.

Quotation

Les Peintres demi-savans qui se sont engagés dans un mauvais chemin, & la plupart des Savans dans les Lettres, veulent ordinairement soutenir de fausses idées qu’ils ont formées d’abord, & sans connoître, ni Dessein, ni Coloris, ni Raphaël, ni Rubens, parlent de ces deux Peintres sur une ancienne tradition qui bien que beaucoup diminuée par les bonnes réfléxions, a encore laissé des racines dans l’esprit de plusieurs.

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[…] une teinte qui de près paroît separée & d’une certaine couleur, paroîtra d’une autre couleur dans sa distance, & se confondra dans la masse dont elle fait partie. Si vous voulez donc que votre ouvrage fasse un bon effet du lieu d’où il doit être vû, il faut que les couleurs & les lumieres en soient un peu exagerées ; mais savamment & avec une grande discretion. Voyez la maniere dont Titien, Rubens, Vandeik, & Rembrant en ont usé : car leur artifice est merveilleux.

Quotation

Par rapport à la Peinture, le mot de Dessein n’a que deux significations. Premierement, l’on appelle Dessein la pensée d’un Tableau laquelle le Peintre met sur du papier ou sur de la toile, pour juger de l’ouvrage qu’il medite ; & de cette maniere l’on peut appeller du nom de Dessein non-seulement un esquisse, mais encore un ouvrage bien entendu de lumieres & d’ombres, ou même un petit Tableau bien colorié. C’est de cette sorte que Rubens faisoit presque tous ses Desseins, & que la plûpart de ceux du Titien qui sont presque tous à la plume ont été exécutés. 2°. L’on appelle Dessein les justes mesures, les proportions & les contours que l’on peut dire imaginaires des objets visibles, qui n’ayant point de consistence que l’extrémité même des corps, resident veritablement & réellement dans l’esprit : & si les Peintres les ont rendus sensibles de nécessité indispensable par des lignes qui en font la circonscription, c’est pour en rendre la démonstration sensible à leurs Eleves, & afin de pratiquer pour eux-mêmes une maniere commode qui les fasse arriver facilement à une extrême correction.

Quotation

[…] les Tableaux harmonieux sont en petit nombre : car depuis près de 300 ans que la Peinture est ressuscitée, à peine peut-on compter six Peintres qui ayent bien colorié ; au lieu que l’on en comptera pour le moins 30. qui ont été très-bons Dessinateurs. Et la raison de cela est que le Dessein a des regles fondées sur des proportions, sur l’Anatomie & sur une experience continuelle de la même chose ; au lieu que le coloris n’a point encore de regles bien connues, & que l’experience qu’on y fait étant presque toujours differente à cause des differens sujets que l’on traite, n’a pû encore en établir de bien precises. Ainsi je suis persuadé que le Titien a tiré plus de secours de sa longue & studieuse experience avec la grande solidité de son jugement, que d’aucune regle démonstrative qu’il eût établie dans son esprit, pour lui servir de fondement. Je ne dirai pas la même chose de Rubens ; celui-ci cédera toujours au Titien pour les couleurs locales : mais pour les principes de l’harmonie, il en avoit trouvé de solides qui le faisoient operer infailliblement pour l’effet & pour l’accord du Tout-ensemble.

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L’on sait assez que la peinture n’est qu’un fard, qu’il est de son essence de tromper, & que le plus grand trompeur en cet Art, est le plus grand Peintre. La Nature est ingrate d’elle-même, & qui s’attacheroit à la copier simplement comme elle est & sans artifice, feroit toujours quelque chose de pauvre & de très-petit goût. Ce que l’on nomme Exageration dans les couleurs & dans les lumieres, est l’effet d’une profonde connoissance de la valeur des couleurs, & une admirable industrie qui fait paroître les objets peints plus vrais (s’il faut ainsi dire) que les veritables mêmes. C’est dans ce sens que l’on peut dire, que dans les Tableaux de Rubens l’Art est audessus de la Nature, laquelle semble en cette occasion n’être que la copie des ouvrages de ce grand Peintre : & quand les choses, après avoir été bien examinées, ne se trouveroient pas justes, comme on les suppose, qu’importe après tout, pourvû qu’elles le paroissent ; puisque la fin de la Peinture n’est pas tant de convaincre l’esprit que de tromper les yeux.
 

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L’on sait assez que la peinture n’est qu’un fard, qu’il est de son essence de tromper, & que le plus grand trompeur en cet Art, est le plus grand Peintre. La Nature est ingrate d’elle-même, & qui s’attacheroit à la copier simplement comme elle est & sans artifice, feroit toujours quelque chose de pauvre & de très-petit goût. Ce que l’on nomme Exageration dans les couleurs & dans les lumieres, est l’effet d’une profonde connoissance de la valeur des couleurs, & une admirable industrie qui fait paroître les objets peints plus vrais (s’il faut ainsi dire) que les veritables mêmes. C’est dans ce sens que l’on peut dire, que dans les Tableaux de Rubens l’Art est audessus de la Nature, laquelle semble en cette occasion n’être que la copie des ouvrages de ce grand Peintre : & quand les choses, après avoir été bien examinées, ne se trouveroient pas justes, comme on les suppose, qu’importe après tout, pourvû qu’elles le paroissent ; puisque la fin de la Peinture n’est pas tant de convaincre l’esprit que de tromper les yeux.

Quotation

Cet artifice paroîtra toujours merveilleux dans les grands ouvrages ; car c’est lui qui dans les distances proportionnées à la grandeur des Tableaux, soûtient le caractere des objets particuliers & du Tout-ensemble ; & sans lui, en s’éloignant de l’ouvrage, l’ouvrage s’éloigne du vrai, & tombe dans l’insipidité de la Peinture ordinaire. C’est dans ces grands ouvrages, où l’on voit que Rubens a rendu cette savante exageration plus heureuse & plus sensible ; mais principalement à ceux qui sont capables d’y faire attention, & de l’examiner : car aux personnes qui ne s’y connoissent que peu, rien n’est plus caché que cet artifice.

Quotation

j’avoue que j’en passe sous silence qui regardent l’execution & la pratique [ndr : du coloris] : mais comme je n’ai appris ce que j’en pourrois communiquer qu’en examinant avec beaucoup de reflexion les ouvrages des grands Peintres, & sur-tout ceux de Titien & de Rubens ; & que sur-tout les Studieux de Peinture peuvent puiser à la même source ; je les renvoi à ces deux Peintres, à Rubens premierement, parce que les principes en sont plus sensibles & plus aisés à pénétrer ; puis à Titien qui semble avoir encore passé la lime par dessus, c’est-à-dire, en un mot que le Titien a fait sentir dans une distance legitime, plus de verité & de précision dans ses couleurs locales, ayant laissé à Rubens le talent des grandes compositions, & l’artifice de faire entendre de plus loin l’harmonie de son Tout-ensemble.

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Le premier soin que demande le coloris d’un jeune Etudiant est de commencer par copier ce qu’il trouvera de mieux colorié, de plus frais, & de plus librement peint entre les ouvrages des grands Maîtres, parmi lesquels Titien, Rubens, & Vandeik tiennent les premiers rangs, pour les premiers commencemens : je croirois qu’on tireroit plus d’utilité en copiant Vandeik à cause qu’en y apprenant le bon coloris on y trouve encore la liberté du pinceau.

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DEwyl een stuk, dat suyver en schoon gekoloreerd is, onvermydelijk alle menssen moet behaagen, zo wel kenners der konst als onkundige, en die het tegendeel zyn, aan iders ooge walgen; [...]
Gelyk het helder licht de oorzaak is, waar door al de koleurige voorwerpen, zich suiver en schoon voor onze oogen opdoen; zo is ook onwederspreekelyk, dat hoe meêr het zelve door duisterheid besmet en verbrooken zy, hoe gezegde voorwerpen zich ook duysterder en minder schoon zullen vertoonen.
Veele doorluchtige meesters, hebben zich jammerlyk hier in vergreepen; onder de Brabanders,
Rubbens; in Holland, Rembrant, Lievens en veele anderen, die hun trant hebben nagevolgd: de eene willende het leeven al te schoon hebben, is tot een raauwe bontigheid, een ander om de murwheid te bekomen, tot de ryp en rottigheid vervallen; […]

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Of the Goodness of a Picture, &c.
WHerefore callest thou me Good, there is none Good but One, that is God ?
Said the Son of God to the young Man who prefac’d a Noble Question with that Complement. This is that Goodness that is Perfect, Simple, and Properly so call’d, ‘tis what is Peculiar to the Deity, and so to be found no where else. But there is another Improper, Imperfect, Comparative Goodness, and no other than this is to be had in the Works of Men, and this admits of various Degrees. This Distinction well consider’d, and apply’d to all the Occurrences of Life would contribute very much to the Improvement of our Happiness here ; it would teach us to Enjoy the Good before us, and not reject it upon account of the disagreeable Companion which is inseperable from it ; But the use I now would make of it is only to show that a Picture, Drawing, or Print may be Good tho’ it has several Faults ; To say otherwise is as absurd as to deny a thing is what ‘tis said to be, because it has properties which are Essential to it.
[…].
If in a Picture the Story be well chosen, and finely Told (at least) if not Improv’d, if it fill the Mind with Noble, and Instructive Ideas, I will not scruple to say ‘tis an excellent Picture, tho’ the Drawing be as Incorrect as that of Corregio, Titian, or Rubens ; the Colouring as Disagreeable as that of Polidore, Battista Franco, or Michael Angelo. Nay, tho’ there is no other Good but that of the Colouring, and the Pencil, I will dare to pronouce it a Good Picture ; that is, that ‘tis Good in those Respects. In the first Instance here is a fine Story artfully communicated to my Imagination, not by Speech, nor Writing, but in a manner preferable to either of them ; In the other there is a Beautiful, and Delightful Object, and a fine piece of Workmanship, to say no more of it.
There never was a Picture in the World without some Faults, And very rarely is there one to be found which is not notoriously Defective in some of the Parts of Painting. In judging of it’s Goodness as a Connoisseur, one should pronounce it such in proportion to the Number of the Good Qualities it has, and their Degrees of Goodness.

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If in a Picture the Story be well chosen, and finely Told (at least) if not Improv’d, if it fill the Mind with Noble, and Instructive Ideas, I will not scruple to say ‘tis an excellent Picture, tho’ the Drawing be as Incorrect as that of Corregio, Titian, or Rubens ; the Colouring as Disagreeable as that of Polidore, Battista Franco, or Michael Angelo. Nay, tho’ there is no other Good but that of the Colouring, and the Pencil, I will dare to pronouce it a Good Picture ; that is, that ‘tis Good in those Respects. In the first Instance here is a fine Story artfully communicated to my Imagination, not by Speech, nor Writing, but in a manner preferable to either of them ; In the other there is a Beautiful, and Delightful Object, and a fine piece of Workmanship, to say no more of it.
There never was a Picture in the World without some Faults, And very rarely is there one to be found which is not notoriously Defective in some of the Parts of Painting. In judging of it’s Goodness as a Connoisseur, one should pronounce it such in proportion to the Number of the Good Qualities it has, and their Degrees of Goodness.

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If in a Picture the Story be well chosen, and finely Told (at least) if not Improv’d, if it fill the Mind with Noble, and Instructive Ideas, I will not scruple to say ‘tis an excellent Picture, tho’ the Drawing be as Incorrect as that of Corregio, Titian, or Rubens ; the Colouring as Disagreeable as that of Polidore, Battista Franco, or Michael Angelo. Nay, tho’ there is no other Good but that of the Colouring, and the Pencil, I will dare to pronouce it a Good Picture ; that is, that ‘tis Good in those Respects

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The Composition is unexceptionable [ndr : dans Poussin, Tancrède et Herminie] : There are innumerable Instances of Beautiful Contrasts ; Of this kind are the several Characters of the Persons, (all which are Excellent in their several kinds) and the several Habits : Tancred is half Naked : Erminia’s Sex distinguishes Her from all the rest ; as Vafrino’s Armour, and Helmet shews Him to be Inferiour to Tancred, (His lying by him) and Argante’s Armour differs from both of them. The various positions of the Limbs in all the Figures are also finely Contrasted, and altogether have a lovely effect ; Nor did I ever see a greater Harmony, nor more Art to produce it in any Picture of what Master soever, whether as to the Easy Gradation from the Principal, to the Subordinate Parts, the Connection of one with another, by the degrees of the Lights, and Shadows, and the Tincts of the Colours.
And These too are Good throughout ; They are not Glaring, as the Subject, and the Time of the Story (which was after Sun-set) requires : Nor is the Colouring like that of
Titian, Corregio, Rubens, or those fine Colourists, But ‘tis Warm, and Mellow, ‘tis Agreeable, and of a Taste which none but a Great Man could fall into : And without considering it as a Story, or the Imitation of any thing in Nature the Tout-ensemble of the Colours is a Beautiful, and Delightful Object.

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There are such Peculiarities in the turn of Thought, and Hand to be seen in Some of the Masters (in Some of their Works especially) that ‘tis the easiest thing in the World to know them at first Sight ; such as Leonardo da Vinci, Michelangelo Buonarotti, Guilio Romano, Battista Franco, Parmeggiano, Paolo Farinati, Cangiagio, Rubens, Castiglione, and some others ; And in the Divine Raffaelle one often sees such a Transcendent Excellence that cannot be found in any other Man, and assures us this must be the Hand of him who was what Shakespear calls Julius Cæsar. The foremost Man of all the World.
There are several others, who by imitating other Masters, or being of the same School, or from whatsoever other Cause have had such a Resemblance in their Manners as not to be so easily distinguish’d,
Timoteo d’Urbino, & Pellegrino da Modena, imitated Raffaelle ; Cæsare da Sesto, Leonardo da Vinci ; Schidone, Lanfranco, and others imitated Corregio ; Titian’s first Manner was a close imitation of that of Giorgione ;

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There are some Pictures, and Drawings which are neither Coppies, nor Originals, as being partly One, and partly t’other. If in a History, or large Composition, or even a Single Figure, a Face, or more is incerted, Coppied from what has been done from the Life, such Picture is not intirely Original. Neither is that So, nor Intirely Coppy where the Whole Thought is taken, but the Manner of the Coppier used as to the Colouring, and Handling. A Coppy Retouch’d in Some places by Invention, or the Life is of this Æquivocal kind. I have several Drawings first coppied after Old Masters (Guilio Romano for example,) and then Heightned, and endeavour’d to be improved by Rubens ; So far as His hand has gone is therefore Original, the rest remains pure Coppy. But when he has thus wrought upon Original Drawings (of which I have also many Instances,) the Drawing looses not its first Denomination, ‘tis an Original still, made by two several Masters.
The Ideas of Better, and Worse are generally attached to the Terms Original, and Coppy ; and that with good reason ; not only because Coppies are usually made by Inferiour Hands ; but because tho’ he that makees the Coppy is as Good, or even a Better Master than he that made the Original whatever may happen Rarely, and by Accident, Ordinarily the Coppy will fall short : Our Hands cannot reach what our Minds have conceiv’d ; ‘tis God alone whose works answer to his Ideas. In making an Original our Ideas are taken from Nature ; which the Works of Art cannot equal : When we Coppy ‘tis these Defective Works of Art we take our Ideas from ; Those are the utmost we endeavour to arrive at ; and these lower Ideas too our Hands fail of executing perfectly : An Original is the Eccho of the Voice of Nature, a Coppy is the Eccho of that Eccho.

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Of EXPRESSION
Whatever the general Character of the Story is, the Picture must discover it throughout, whether it be Joyous, Melancholy, Grave, Terrible, &c. The Nativity, Resurrection, and Ascension ought to have the General Colouring, the Ornaments, Background, and every thing in them Riant, and Joyous, and the contrary in a Crucifixion, Interment, or a Pietà. [The Blessed Virgin with the dead Christ].
But a Distinction must be made between Grave, and Melancholy, as in a Holy Family (of
Rafaëlle’s Design at least) which I have, and has been mention’d already ; the Colouring is Brown, and Solemn, but yet all together the Picture has not a Dismal Air, but quite otherwise. […] There are certain Sentiments of Awe, and Devotion which ought to be rais’d by the first Sight of Pictures of that Subject, which that Solemn Colouring contributes very much to, but not the more Bright, though upon other Occasions preferable.
I have seen a fine Instance of a Colouring proper for Melancholy Subjects in a Pietà of Van-Dyck : That alone would make one not only Grave, but sad at first Sight ; And a Colour’d Drawing that I have of the Fall of Phaëton after Giulio Romano, shews how much This contributes to the Expression. ‘Tis different from any Colouring that ever I saw, and admirably adapted to the Subject, there is a Reddish Purple Tinct spread throughout, as if the World was all invelopp’d in Smould’ring Fire.

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The truth is, ‘tis a little choquing to see such a Mixture of Antique, and Modern Figures, of Christianity, and Heathenism in the same Pictures [ndr : Le cycle de Marie de Médicis par Rubens] ; but this is much owing to its Novelty. […] He had moreover Another very good Reason for what he did on this Occasion : The Stories he had to paint were Modern, and the Habits, and Ornaments must be so too, which would not have had a very agreeable effect in Painting : These Allegorical Additions make a wonderful Improvement ; they vary, enliven, and enrich the Work ; as any one may perceive that will imagine the Pictures as they must have been, had Rubens been terrified by the Objections which he certainly must have foreseen would be made afterwards, and so had left all these Heathen Gods, and Goddesses, and the rest of the Fictitious Figures out of the Composition.

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Sometimes one Mass of Light is upon a dark Ground, and then the Extremities of the Light must not be too near the edges of the Picture, and its greatest Strength must be towards the Centre ; […].
I have a Painting of the Holy Family by
Rubens of this Structure ; where, because the Mass of Light in one part would else have gone off too abruptly, and have made a less pleasing Figure, he has set the Foot of S. Elizabeth on a little Stool ; here the Light catches, and spreads the Mass so as to have the desired effect. Such another Artifice Rafaëlle has used in a Madonna, […] ; He has brought in a kind of an Ornament to a Chair for no other end (that I can imagine) but to form the Mass agreeably.

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Sometimes the Structure of a Picture, or the Tout-Ensemble of its Form, shall resemble dark Clouds on a Light Ground ; As in two Assumptions of the Virgin by Bolswert after Rubens ; indeed a part of These are such Clouds : But in both of them the Figures of these Masses are something too Indistinct. Le Brun in a Ceiling of the same Subject, grav’d, by young Simconneau, has put a Group of Angels, which almost hide the cloudy Voiture of the Virgin ; but this mass is too Regular, and Heavy a Shape. I refer you to Prints, because they are easy to be got, and explain This matter as well as Drawings, or Pictures, and in some Respects Better.

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There are Instances where two Masses ; a Light, and a Dark one, divide the Picture, each possessing One Side. I have of This sort by Rubens, and as fine a Composition as can be seen ; the Masses are so well Rounded, the Principal Light being near the Middle of the Bright One, and the Other having Subordinate Lights upon it so as to Connect, but not to Confound it with the rest ; and they are in agreeable Shapes, and melting into One Another, but nevertheless sufficiently determined.
Very commonly a Picture consists of a Mass of Light, and another of Shadow upon a Ground of a Middle Tinct. And sometimes ‘tis composed of a Mass of Dark at the bottom, another Lighter above that, and another for the upper part still Lighter ; (as usually in a Landscape) Sometimes the Dark Mass employs one Side of the Picture also.
I have a Copy after Paolo Veronese where a large Group of Figures, the principal ones of the Story, compose this lower brown Mass ; Architecture, the second ; more Buildings, with Figures and the Sky, the third ; but most commonly in Pictures of Three Masses, the Second is the Place of the Principal Figures.

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The Masters to be studied for Composition are Rafaëlle, Rubens and Rembrandt most especially, tho’ many others are worthy notice, and to be carefully consider’d ; amongst which V. Velde ought not to be forgottten, who tho’ his Subjects were Ships, which consisting of so many little parts, are very difficult to fling into great Masses, has done it, by the help of spread Sails, Smoak, and the Bodies of the Vessels, and a judicious Management of Lights and Shadows. So that His Compositions are many times as good as those of any Master.

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The Best that can be done is to Advise one that would know the Beauty of Colouring, To observe Nature, and how the best Colourists have imitated her.
What a Lightness, Thinness, and Transparency ; What a Warmth, Cleanness, and Delicacy is to be seen in Life, and in good Pictures !
He that would be a good Colourist himself must moreover Practice much after, and for a considerable time accustom himself to See well-colour’d Pictures only : But even This will be in vain, unless he has a Good Eye in the Sense, as one is said to have a Good Ear for Musick ; he must not only See well, but have a particular Delicacy with relation to the Beauty of Colours, and the infinite Variety of Tincts.

The
Venetian, Lombard and Flemish Schools have excell’d in Colouring ; the Florentine, and Roman in Design ; the Bolognese Masters in both ; but not to the Degree generally as either of the other. Corregio, Titian, Paolo Veronese, Rubens, and Van Dyck, have been admirable Colourists ; the latter in his best things has follow’d common Nature extreamly close.

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It must be consider’d they [ndr : les cartons de Raphaël] were made for Patterns for Tapistry, not profess’d Pictures, and painted, not in Oil, but in Distemper : If therefore one sees not the Warmth, and Mellowness, and Delicacy of Colouring which is to be found in Correggio, Titian, or Rubens, it may fairly be imputed in a great measure to these Causes. A Judicious Painter has other Considerations relating to the Colouring when he makes Patters for Tapistry to be heightned with Gold, and Silver, than when he paints a Picture without such View ; nor can a sort of Dryness, and Harshness be avoided in Distemper, upon Paper : Time moreover has apparently chang’d some of the Colours. In a word, the Tout-Ensemble of the Colours is Agreeable, and Noble ; and the Parts of it are in General Extreamly, but not Superlatively Good.

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There is some Degree of Merit in a Picture where Nature is Exactly copy’d, though in a Low Subject ; Such as Drolls, Countrey Wakes, Flowers, Landscapes, &c. and More in proportion as the Subject rises, or the End of the Picture is this Exact Representation. Herein the Dutch, and Flemish Masters have been Equal to the Italians, if not Superior to them in general. What gives the Italians, and Their Masters the Ancients the Preference, is, that they have not Servilely follow’d Common Nature, but Rais’d, and Improv’d, or at least have always made the Best Choice of it. This gives a Dignity to a Low Subject, and is the reason of the Esteem we have for the Landscapes of Salvator Rosa, Filippo Laura, Claude Lorrain, the Poussins ; the Fruit of the two Michelangelo’s, the Battaglia, and Campadoglio ; and This, when the Subject it self is Noble, is the Perfection of Painting : As in the best Portraits of Van-Dyck, Rubens, Titian, Rafaëlle, &c. and the Histories of the best Italian Masters ; chiefly those of Rafaëlle ; he is the great Model of Perfection !

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He that would rise to the Sublime must form an Idea of Something beyond all we have yet seen ; or which Art, or Nature has yet produc’d ; Painting, Such as when all the Excellencies of the several Masters are United, and their several Defects avoided.
The greatest Designers among the Moderns want much of that exquisite Beauty, in all the Several Characters, that is to be seen in the Antique ; the Airs of the Heads, even of
Rafaëlle himself, are Inferiour to what the Ancients have done ; and for Grace to some of Guido : the Colouring of Rubens and Van Dyck falls short of That of Titian, and Coreggio ; and the best Masters have Rarely Thought like Rafaëlle, or Compos’d like Rembrandt. Let us then imagine a Picture Design’d as the Laocoon, the Hercules, the Apollo, the Venus, or any of these Miraculous remains of Antiquity : The Airs of Heads like what is to be found in the Statues, Busts, Bas-releifs, or Medals, or like some of those of Guido ; and Colour’d like the most Celebrated Colourists ; with the Lightest Pencil, and the most Proper to the Subject ; and all this Suitably Invented, and Compos’d ; Here would be a Picture ! Such a one a Painter should Imagine, and So set before him for Imitation.
Nor must he stop Here, but Create an Original Idea of Perfection. The Utmost that the Best Masters have done, is not to be suppos’d the Utmost ‘tis possible for Humane Nature to arrive at ;

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Mathématiques.

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Comme les Peintres parlent tous, pour ainsi dire, la même langue, ils ne peuvent pas emploïer les traits célebres, dont un autre Peintre s'est déjà servi, lorsque les ouvrages de ce Peintre subsistent encore. Le Poussin a pû se servir de l'idée du Peintre Grec qui avoit présenté Agamemnon la tête voilée au sacrifice d'Iphigénie, pour mieux donner à comprendre à l'excès de la douleur du pere de la victime. Le Poussin a pû se servir de ce trait pour exprimer la même chose, en réprésentant Agrippine qui se cache le visage avec les mains dans le tableau de la mort de Germanicus. Le tableau du Peintre grec ne subsistoit plus, quand le peintre François fit le sien. Mais le Poussin auroit été blâmé d'avoir volé ce trait, s'il se fût trouvé dans un tableau, ou de Raphaël, ou de Carrache.
Comme il n'y a point de mérite à dérober une tête à Raphaël ou une figure au Dominiquin ; comme le larcin se fait sans grand travail, il est défendu sous peine du mépris public. Mais comme il faut du talent et du travail pour animer le marbre d'une figure antique, & pour faire d'une statue un personnage vivant, & qui concourre à une action avec d'autres personnages, on est loué de l'avoir fait. […] 
Il y a bien de la difference entre emporter d'une gallerie l'art du peintre, entre se rendre propre la maniere d'operer de l'Artisan qu'on vient d'admirer, & remporter dans son portefeüille une partie de ses figures. Un homme sans génie n'est point capable de convertir en sa propre substance, comme le fit Raphaël, ce qu'on y remarque de grand & de singulier. Sans saisir les principes géneraux, il se contente de copier ce qu'il a dessous les yeux. Il emportera donc une des figures, mais il n'apprendra point à traiter dans le même goût une figure qui seroit de son invention. L'homme de génie devine comment l'ouvrier a fait. Il le voit travailler, pour ainsi dire, en regardant son ouvrage & saisissant sa maniere, c'est dans l'imagination qu'il remporte son butin.

Quotation

J'ajouterai encore une consideration touchant les ouvrages qui ne demandent pas beaucoup d'invention, c'est que les faussaires en peinture les contrefont bien plus aisément qu'ils ne peuvent contrefaire les ouvrages où toute l'imagination de l'Artisan a eu lieu de se déploïer. Les faiseurs de Pastiches, ce sont ces tableaux peints dans la maniere d'un grand Artisan, & qu'on expose sous son nom, bien qu'il ne les ait jamais vus ; les faiseurs de Pastiches, dis-je, ne sçauroient contrefaire l'ordonnance, ni le coloris, ni l'expression des grands Maîtres. On imite la main d'un autre, mais on n'imite pas de même, pour parler ainsi, son esprit, & l'on n'apprend point à penser comme un autre, ainsi qu'on peut apprendre à prononcer comme lui.
Le Peintre médiocre qui voudroit contrefaire une grande composition du Dominiquin ou de Rubens, ne sçauroit nous en imposer plus que celui qui voudroit faire un Pastiche sous le nom du Georgeon ou du Titien. Il faudroit avoir un génie presque égal à celui du Peintre qu'on veut contrefaire, pour réussir à faire prendre notre ouvrage pour être de ce Peintre. On ne sçauroit donc contrefaire le génie des grands hommes, mais on réussit quelquefois à contrefaire leur main, c'est-à-dire, leur maniere de coucher la couleur & de tirer les traits, les airs de tête qu'ils répetoient & ce qui pouvoit être de vicieux dans leur pratique. Il est plus facile d'imiter les défauts des hommes que leurs perfections. Par exemple, on reproche au Guide d'avoir fait ses têtes trop plates. Ses têtes manquent souvent de rondeur, parce que leurs parties ne se détachent point & ne s'élevent pas assez l'une sur l'autre. Il suffit donc, pour lui ressembler en cela, de se négliger & de ne point se donner la peine de pratiquer ce que l'art enseigne à faire pour donner de la rondeur à ses têtes [...].

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J'ajouterai encore une consideration touchant les ouvrages qui ne demandent pas beaucoup d'invention, c'est que les faussaires en peinture les contrefont bien plus aisément qu'ils ne peuvent contrefaire les ouvrages où toute l'imagination de l'Artisan a eu lieu de se déploïer. Les faiseurs de Pastiches, ce sont ces tableaux peints dans la maniere d'un grand Artisan, & qu'on expose sous son nom, bien qu'il ne les ait jamais vus ; les faiseurs de Pastiches, dis-je, ne sçauroient contrefaire l'ordonnance, ni le coloris, ni l'expression des grands Maîtres. On imite la main d'un autre, mais on n'imite pas de même, pour parler ainsi, son esprit, & l'on n'apprend point à penser comme un autre, ainsi qu'on peut apprendre à prononcer comme lui.
Le Peintre médiocre qui voudroit contrefaire une grande composition du Dominiquin ou de Rubens, ne sçauroit nous en imposer plus que celui qui voudroit faire un Pastiche sous le nom du Georgeon ou du Titien. Il faudroit avoir un génie presque égal à celui du Peintre qu'on veut contrefaire, pour réussir à faire prendre notre ouvrage pour être de ce Peintre. On ne sçauroit donc contrefaire le génie des grands hommes, mais on réussit quelquefois à contrefaire leur main, c'est-à-dire, leur maniere de coucher la couleur & de tirer les traits, les airs de tête qu'ils répetoient & ce qui pouvoit être de vicieux dans leur pratique. Il est plus facile d'imiter les défauts des hommes que leurs perfections. Par exemple, on reproche au Guide d'avoir fait ses têtes trop plates. Ses têtes manquent souvent de rondeur, parce que leurs parties ne se détachent point & ne s'élevent pas assez l'une sur l'autre. Il suffit donc, pour lui ressembler en cela, de se négliger & de ne point se donner la peine de pratiquer ce que l'art enseigne à faire pour donner de la rondeur à ses têtes [...].

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Les Peintres intelligens ont si bien connu, ils ont si bien senti cette verité, que rarement ils ont fait des païsages deserts & sans figures. Ils les ont peuplez, ils ont introduit dans ces tableaux un sujet composé de plusieurs personnages dont l'action fût capable de nous émouvoir & par conséquent de nous attacher. C'est ainsi qu'en ont usé le Poussin, Rubens et d'autres grands Maîtres qui ne se sont pas contentez de mettre dans leurs païsages un homme qui passe son chemin, ou bien une femme qui porte des fruits au marché. Ils y placent ordinairement des figures qui pensent, afin de nous donner lieu de penser ; ils y mettent des hommes agitez de passions, afin de réveiller les nôtres & de nous attacher par cette agitation. En effet on parle plus souvent des figures de ces tableaux que de leurs terrasses et de leurs arbres. Le païsage que le Poussin a peint plusieurs fois, & qui s'appelle communément l'Arcadie, ne seroit pas si vanté s'il étoit sans figures.

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Les Peintres intelligens ont si bien connu, ils ont si bien senti cette verité, que rarement ils ont fait des païsages deserts & sans figures. Ils les ont peuplez, ils ont introduit dans ces tableaux un sujet composé de plusieurs personnages dont l'action fût capable de nous émouvoir & par conséquent de nous attacher. C'est ainsi qu'en ont usé le Poussin, Rubens et d'autres grands Maîtres qui ne se sont pas contentez de mettre dans leurs païsages un homme qui passe son chemin, ou bien une femme qui porte des fruits au marché. Ils y placent ordinairement des figures qui pensent, afin de nous donner lieu de penser ; ils y mettent des hommes agitez de passions, afin de réveiller les nôtres & de nous attacher par cette agitation. En effet on parle plus souvent des figures de ces tableaux que de leurs terrasses et de leurs arbres. Le païsage que le Poussin a peint plusieurs fois, & qui s'appelle communément l'Arcadie, ne seroit pas si vanté s'il étoit sans figures.

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Les Peintres sont Poëtes, mais leur Poësie ne consiste pas tant à inventer des chimeres ou des jeux d'esprit, qu'à bien imaginer quelles passions & quels sentimens l'on doit donner aux personnages suivant leur caractere & la situation où l'on les suppose, comme à trouver les expressions propres à rendre ces passions sensibles et à faire deviner ces sentimens. Je ne me souviens pas que Raphael ni le Poussin aïent jamais fait l'usage vicieux des personnages allégoriques que j'ose critiquer dans le tableau de Rubens.

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Les Peintres sont Poëtes, mais leur Poësie ne consiste pas tant à inventer des chimeres ou des jeux d'esprit, qu'à bien imaginer quelles passions & quels sentimens l'on doit donner aux personnages suivant leur caractere & la situation où l'on les suppose, comme à trouver les expressions propres à rendre ces passions sensibles et à faire deviner ces sentimens. Je ne me souviens pas que Raphael ni le Poussin aïent jamais fait l'usage vicieux des personnages allégoriques que j'ose critiquer dans le tableau de Rubens.

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Pourquoi donc reprendre Rubens de les avoir introduits dans le tableau qui représente l'arrivée de Marie de Médicis à Marseille. […]
Je réponds que cette licence donnée aux Peintres & aux Poëtes, doit s'entendre, comme Horace l'explique lui-même, sed non ut placidis coeant immitia. C'est-à-dire, que cette licence ne s'étend point à rassembler en un même tableau des choses incompatibles, comme sont l'arrivée de Marie de Médicis à Marseille, & des Tritons qui sonnent de leurs conques dans le port. […] Ces divinités ne doivent avoir part à l'action dans les compositions historiques […]. Elles ne peuvent être introduites dans ces dernières compositions que comme des figures allégoriques & des symboles.  

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Une telle composition [ndr. : allégorique] est la représentation d'une action qui n'arriva jamais, & que le Peintre invente à plaisir, pour représenter un ou plusieurs évenements merveilleurx qu'il ne veut point traiter, en s'assujettissant à la vérité historique. Les Peintres font servir encore ces compositions à peu près au même usage que les Egyptions emploïent leurs figures Hierogliphiques, c'est-à-dire, pour mettre sensiblement sous nos yeux quelque vérité générale de la Morale. 
Les compositions allégoriques sont de deux espèces ; les unes sont purement allégoriques, parce qu'il n'entre dans leur composition que de ces personnages symboliques éclos du cerveau des Peintres & des Poëtes. […] Les compositions allégoriques de la seconde espèce, sont celles où le Peintre mêle des personnages historiques avec les personnages allégoriques […]
Il est rare que les Peintres réussissent dans les compositions purement allégoriques, parce qu'il est presque impossible que dans les compositions de ce genre, ils puissent faire connoître distinctement leur sujet, & mettre toutes leurs idées à portée des spectateurs les plus intelligens. Encore moins peuvent-ils toucher le cœur peu disposé à s'attendrir pour des personnages chimeriques, en quelque situation qu'on les représente. La composition purement allégorique ne devroit donc être mise en œuvre que dans une nécessité urgente, & pour tirer le Peintre d'un embarras dont il ne pourrait sortir par la route ordinaire. Il ne sçauroit entrer dans cette composition qu'un petit nombre de figures, & les figures ne sçauroient être trop facile à reconnoître. Si on le l'entend pas aisément, on la laisse comme un vilain galimatias en peinture aussi bien qu'en poésie.

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Les compositions allégoriques que nous avons nommées des compositions mixtes, sont d'un plus grand usage que les compositions purement allégoriques. Quoique leur action soit feinte, ainsi que celle des compositions purement allégoriques, néanmoins comme une partie de leurs personnages se trouvent être des personnages historiques, on peut mettre le sens de ces fictions à la portée de tout le monde, & les rendre ainsi capables de nous instruire, de nous attacher & même  de nous intéresser. 
Les Peintres tirent de grands secours de ces compositions allégoriques de la seconde espèce, ou pour exprimer beaucoup de choses qu'ils ne pourroient pas faire entendre dans une composition historique, ou pour représenter en un seul tableau plusieurs actions dont il semble que chacun demandât une toile séparée. La galerie du Luxembourg & celle de Versailles en font foi. Rubens & Le Brun ont trouvé moïen d'y représenter par le moïen de ces fictions mixtes, des choses qu'on ne concevoit pas pouvoir être renduës avec des couleurs. Il y font voir en un seul tableau des évenements qu'un Historien ne pourroit narrer qu'en plusieurs pages. […]

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Or comme nous le dit Vitruve en termes très-senses, il ne suffit pas que nos yeux trouvent leur compte dans un tableau bien peint & bien dessiné : l'esprit doit aussi trouver le sien. Il faut donc que l'Artisan du tableau ait choisi un sujet, que ce sujet se comprenne distinctement, & qu'il soit traité de maniere qu'il nous interesse. Je n'estime gueres, ajoute-t-il, les tableaux dont les sujets n'imitent pas quelque vérité. […] Ils peuvent tout au plus introduire dans leur action qui doit toujours imiter la verité historique, quelques figures allégoriques de celles qui sont convenables au sujet, comme seroit, par exemple, la Foi représentée à côté d'un Saint qui feroit un miracle. […] Des verites auxquelles nous ne sçaurions penser sans terreur & sans humiliation, ne doivent pas être peintes avec tant d'esprit, ni représentées sous l'emblême d'une allégorie ingénieuse inventée à plaisir. Il est encore moins permis d'emprunter les personnages & les fictions de la Fable pour peindre ces verites. 

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Les Peintres doivent emploïer l'allégorie dans les tableaux de dévotion, plus sobrement encore que dans les tableaux profanes.

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[…] L'enthousiasme qui fait les Peintres & les Poetes, ne consiste pas dans l'invention des mysteres allégoriques, mais bien dans le talent d'enrichir ses compositions par tous les ornemens que la vrai-semblance du sujet peut permettre, ainsi qu'à donner de la vie à tous ses personnages par l'expression des passions. Telle est la Poësie de Raphaël ; telle est la Poësie du Poussin, & de Le Sueur ; & telle fut souvent celle de Monsieur Le Brun & de Rubens. 

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Depuis Rubens jusqu'à Coypel, le sujet du crucifiment a été traité plusieurs fois. Cependant ce dernier Peintre a rendu sa composition nouvelle. Son tableau représente le moment où la nature s'émut d'horreur à la mort de J. C. le moment où le Soleil s'éclipsa sans l'interposition de la lune, & où les morts sortirent de leurs sépulcres. Dans l'un des côtez du tableau l'on voit des hommes saisis d'une peur mêlée d'étonnement à l'aspect du désordre nouveau, où paroît le Ciel, sur lequel leurs regards sont attachez. Leur épouvante fait un contraste avec une crainte mêlée d'horreur, dont sont frappez d'autres spectateurs, au milieu desquels un mort sort tout-à-coup de son tombeau. Cette pensée très-convenable à la situation des personnages, et qui montre des accidens differens de la même passion, va jusques au sublime ; mais elle paroît si naturelle en même-tems, que chacun s'imagine qu'il l'auroit trouvée, s'il eût traité le même sujet. La Bible qui est celui de tous les livres qu'on lit le plus, ne nous apprend-elle pas que la nature s'émût d'horreur à la mort de Jesus-Christ, & que les morts sortirent de leurs tombeaux ? Comment, dirions-nous, a-t-on pû faire un seul tableau du crucifiment, sans y emploïer ces accidens terribles, & capables de produire un si grand effet ? Cependant le Poussin introduit dans son tableau du crucifiment un mort sortant du sepulchre, sans tirer de l'apparition de ce mort le trait de poësie, que Monsieur Coypel en a tiré. Mais c'est le caractere propre de ces inventions sublimes que le génie seul fait trouver, que de paroître tellement liées avec le sujet, qu'il semble qu'elles aïent dû être les premieres idées qui se soient présentées aux Artisans, qui ont traité ce sujet. On suë vainement, dit Horace, quand on veut trouver des inventions du même genre sans avoir un génie pareil à celui du Poëte, dont on veut imiter le naturel et la simplicité.

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Il ne serait pas moins téméraire de décider la question sur ce que nos tableaux ne sont point ces effets prodigieux que les tableaux des anciens peintres ont fait quelquefois ; suivant les apparences, les récits des Ecrivains qui nous racontent ces effets sont exagérez, & nous ne savons pas même ce qu'il en faudrait rabattre pour les réduire à l'exacte vérité. Nous ignorons quelle part de la nouveauté de l'art de la Peinture peut avoir euë dans l'impression qu'on veut que certains tableaux aïent fait sur les Spectateurs. Les premiers tableaux, quoique grossiers, ont dû paroître des ouvrages divins. L'admiration pour un art naissant, fait tomber aisément dans l'exagération ceux qui parlent de ses productions ; & et la tradition en recueillant ces récits outrez, aime encore les rendre plus merveilleux qu'elle ne les a reçus. On trouve même dans les Ecrivains anciens des choses impossibles données pour vraies, & des choses ordinaires traitées de prodiges. […]
Enfin on ne sçaurait donner une idée un peu précise des tableaux à ceux qui ne les ont pas vus absolument, & qui ne connaissent pas la manière du Peintre qui les a faits, que par voies de comparaison. […]
Les Ecrivains modernes qui ont traité de la peinture antique, nous rendent plus sçavans, sans nous rendre plus capables de juger la question de la supériorité des Peintres de l'antiquité sur les Peintres modernes. Ces Ecrivains se sont contentez de ramasser les passages des Auteurs anciens qui parlent de la peinture & de les commenter en Philologues, sans les expliquer par l'examen de ce que nos Peintres font de nos jours, & même sans appliquer ces passages aux morceaux de la peinture antique qui subsistent encore. Je pense donc que pour se former une idée aussi distincte de la peinture antique qu'il soit possible de l'avoir, il faut considérer séparément ce que nous pouvons sçavoir de certain sur la composition, sur l'expression & sur le coloris des Peintres de l'antiquité.     
[…] Quant à la composition Pittoresque, il faut avoüer que dans les monumens qui nous restent, les Peintres anciens ne paroissent pas superieurs, ni même égaux à Raphaël, à Rubens, à Paul Véronèse, ni à M. Le Brun. […]
Quant à la composition Poëtique, les anciens se piquoient beaucoup d'exceller dans ses inventions, & comme ils étoient grands dessinateurs, ils avoient toutes sortes de facilité pour y réussir. Pour donner une idée du progrès  que les anciens avoient faits dans cette partie de la peinture qui comprend le grand art des expressions, nous rapporterons ce qu'en disent les Ecrivains de l'antiquité. De toute les parties de la peinture, la composition Poëtique est celle dont il est le plus facile de donner une idée avec des paroles. C'est celle qui se décrit le mieux.
[…]
Comme le temps a éteint les couleurs, & confondu les nuances dans les fragmens qui nous restent de la peinture antique faite au pinceau, nous ne sçaurions juger à quel point les Peintres de l'antiquité ont excellé dans le coloris, ni s'ils ont égalé ou surpassé les grands Maîtres de l'Ecole Lombarde dans cette aimable partie de la peinture.[…] On ne sçaurait décider notre question sur des récits. Il faut pour la juger, avoir des pièces de comparaison. Elles nous manquent. 
On ne sçauroit former un préjugé contre le coloris des anciens, de ce qu'ils ignoroient l'invention de détremper les couleurs avec de l'huile […]
Quant au clair-obscur & à la distribution enchanteresse des lumières & des ombres, ce que Pline &  les autres Ecrivains de l'antiquité en disent, est si positif, leurs récits sont si bien circonstanciez & si vrai-semblables, qu'on ne sçauroit disconvenir que les anciens n'égalassent du moins dans cette partie de l'Art, les plus grands peintres modernes. Les passages de ces Auteurs que nous ne comprenions pas bien, quand les Peintres modernes ignoroient encore quel prestige on peut faire avec le secours de cette magie, ne sont plus si embroüillez & si difficiles, depuis que Rubens, ses Eleves, Polidore de Caravage, & d'autres Peintres les ont expliquez bien mieux, les pinceaux à la main, que les commentateurs les plus érudits ne le pouvoient faire dans des livres. 
[…] je dis, que les Peintres qui ont travaillé depuis la renaissance des Arts, que Raphaël & ses contemporains n'ont point eu aucun avantage sur nos Artisans. Ces derniers sçavent toutes les couleurs dont les premiers se sont servis. 

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On dit qu'un dessein a de la couleur & qu'il est chaud, quand il est touché avec feu. tels sont les desseins du Baroche, de Guillaume Baur, du Benedette, du Guerchin, de Rubens, de Vandyck, de Rembran, de la Fosse & autres.[…]

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On peut appeler des desseins équivoques, quelques morceaux de Raphaël, de Jules Romain, & autres qui n’étant pas finis, ont été achevés ou retouchés par Rubens selon son goût. Alors ces desseins sont originaux de deux maîtres & ne peuvent passer pour des copies.

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Voici l’article le plus essentiel de la connoissance des tableaux ; c’est la distinction des copies d’avec les originaux. On peut envisager six sortes de copies : les copies serviles, les copies faciles qui ne sont pas fidèles, les copies fidèles, les copies un peu retouchées du maître, les copies entierement retouchées du maître, & celles qui sont toutes de sa main.
Les copies faites servilement & d’une main lourde & appésantie, quoique fidèles, paroissent telles aux yeux de tout le monde : il n’est pas difficile de se garantir contre leur incorrection, leur mauvais goût, & le froid qui y est répandu.
Les copies faciles, mais qui ne sont pas suivies fidèlement, par les traits de feu qui seront échappés au peintre, qui souvent dans l’exécution a conservé sa manière ordinaire, portent avec elles des preuves manifestes de leur fausseté ; les deux manieres ne se peuvent méconnoître, elles forment un ouvrage composé, c’est ce qu’on remarque dans les copies de Raphaël faites par Rubens.
Les copies fidéles qui partent d’une main facile & légére sont plus embarrassantes, & demandent une vraie connoissance. L’élégance de la touche d’un maître, sa vraie manière qu’il faut sçavoir par cœur, un certain esprit qui peut y manquer, doit vous conduire à décider ; celui qui a fait la copie y a sûrement mis du sien & cela suffit.
Les copies faites dans l’école d’un maître, & sous sa conduite ne sont pas les plus mauvaises. Ordinairement ils les retouchent en quelques endroits essentiels. Alors ces mêmes endroits font reconnoître le tableau pour ce qu’il est. Ce sont les copies les plus aisées à distinguer, elles se manifestent pas des touches élégantes qui brillent à travers le reste du tableau, & qui par la comparaison en devient plus froid.
Les copies entierement retouchées par le maître doivent être regardées comme de seconds originaux, moins beaux à la vérité que s’ils étoient entierement de sa main ; c’est ainsi que travailloient le Titien, les Bassan, Paul Veronese, Rubens, Vandick, Vouët & la plûpart des grands peintres. Lorsque plusieurs personnes leur demandent des copies d’un de leurs tableaux qui leur plaît, ils les font faire par leurs meilleurs éléves, ils les conduisent dans l’exécution, & comme ces copies sont faites dans leur attelier, ils les repassent par tout & souvent les repeignent entierement ; de cette manière l’ouvrage de l’éléve est tout recouvert, & comme on n’en apperçoit aucun vestige, il n’est pas aisé de décider la question. Ces copies alors ne servent au maître que comme des tableaux ébauchés qu’il veut terminer. Si l’on pouvoit confronter ces belles copies avec les premiers originaux, il n’y a aucun doute que ces derniers ne l’emportassent sur les autres.

Il y a encore des copies plus parfaites que ces dernieres, ce sont celles qui sont entierement faites de la main du maître, alors il n’est pas possible de les distinguer, le maître seul peut en décider s’il est vivant, ce sont de seconds originaux dont ne peut juger que par comparaison.
Il est certain que dans une confrontation, les premiers originaux se distingueront par beaucoup plus de délicatesse, plus d’esprit, plus de finesse, une touche plus franche dans les contours & dans la premiere ébauche dont on entrevoit toujours quelque chose, en un mot un certain je ne sçai quoi qu’on apperçoit & où le maître ne peut jamais revenir du second coup. Hyacinthe Rigaud, par exemple, a fait de nos jours tout de sa main de celles copies des grands portraits de Louis XIV & de Philippe V qui sans contredit sont de seconds originaux, mais moins précieux que les premiers.
Les copies faites d’après d’autres copies que l’on nomme ici copies de copies, ne doivent trouver ici aucune place : on sent bien de quelle valeur peut être un ouvrage fait d’après un médiocre, ouvrage dont tout le mérite consiste à avoir bien imité les défauts d’un autre, & à les reproduire.
On ne doit point oublier ici les sujets répétés qui ne sont point des copies, & qui ne laissent pas d’être originaux. Souvent on demande à un maître qu’il recommence le même sujet sans y rien changer ; alors ce second tableau est original & pourra fort embarrasser le meilleur connoisseur. Il y a trois crucifix de Michel-Ange qui existent, l’un à Florence chez le Grand Duc, l’autre à Rome chez le Prince Borghese, & le troisiéme à Naples chez le Prieur des Chartreux. Comment juger de ces trois tableaux éloignés chacun de cinquante lieuës, comment les pouvoir comparer ?

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Les copies entierement retouchées par le maître doivent être regardées comme de seconds originaux, moins beaux à la vérité que s’ils étoient entierement de sa main ; c’est ainsi que travailloient le Titien, les Bassan, Paul Veronese, Rubens, Vandick, Vouët & la plûpart des grands peintres. Lorsque plusieurs personnes leur demandent des copies d’un de leurs tableaux qui leur plaît, ils les font faire par leurs meilleurs éléves, ils les conduisent dans l’exécution, & comme ces copies sont faites dans leur attelier, ils les repassent par tout & souvent les repeignent entierement ; de cette manière l’ouvrage de l’éléve est tout recouvert, & comme on n’en apperçoit aucun vestige, il n’est pas aisé de décider la question. Ces copies alors ne servent au maître que comme des tableaux ébauchés qu’il veut terminer. Si l’on pouvoit confronter ces belles copies avec les premiers originaux, il n’y a aucun doute que ces derniers ne l’emportassent sur les autres.

Il y a encore des copies plus parfaites que ces dernieres, ce sont celles qui sont entierement faites de la main du maître, alors il n’est pas possible de les distinguer, le maître seul peut en décider s’il est vivant, ce sont de seconds originaux dont ne peut juger que par comparaison.
Il est certain que dans une confrontation, les premiers originaux se distingueront par beaucoup plus de délicatesse, plus d’esprit, plus de finesse, une touche plus franche dans les contours & dans la premiere ébauche dont on entrevoit toujours quelque chose, en un mot un certain je ne sçai quoi qu’on apperçoit & où le maître ne peut jamais revenir du second coup. Hyacinthe Rigaud, par exemple, a fait de nos jours tout de sa main de celles copies des grands portraits de Louis XIV & de Philippe V qui sans contredit sont de seconds originaux, mais moins précieux que les premiers. [...] On ne doit point oublier ici les sujets répétés qui ne sont point des copies, & qui ne laissent pas d’être originaux. Souvent on demande à un maître qu’il recommence le même sujet sans y rien changer ; alors ce second tableau est original & pourra fort embarrasser le meilleur connoisseur. Il y a trois crucifix de Michel-Ange qui existent, l’un à Florence chez le Grand Duc, l’autre à Rome chez le Prince Borghese, & le troisiéme à Naples chez le Prieur des Chartreux. Comment juger de ces trois tableaux éloignés chacun de cinquante lieuës, comment les pouvoir comparer ?

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CARTON. On appelle cartons certains desseins de tapisseries, que les Peintres sont pour servir de modéles aux ouvriers. On dit : les tapisseries de Flandres, des Gobelins, sont faites sur les cartons de Rubens, de Jule Romain. Le Brun en a fait les cartons. Les cartons sont de Raphaël. Dans cette acception, il ne se dit jamais qu’au pluriel. Le Dictionnaire de l’Academie, à oublié ce mot pris dans l’acception dont je viens de parler. 
On appelle encore
cartons, certaines esquisses en grand, tracées sur du carton, d’après lesquelles les Peintres peignent à fraisque.

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ECLAT. L’éclat du coloris : l’éclat & la vivacité des couleurs. Les tableaux de Rubens ont beaucoup d’éclat.

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Si l’on travaille d’après des desseins originaux, ils doivent plutôt être gravés avec de grands jours & de grandes ombres, d’autant que quelque [p. 116 169] finis qu’ils puissent être, il n’y a jamais tant de détail que dans des Tableaux peints, qui requierent aussi beaucoup plus de soin & de travail à cause des différentes couleurs.
L’on m’objectera peut-être qu’il est impossible d’imiter les couleurs, vû que l’on n’a que du blanc & du noir. Mais quand je parle de les imiter, je ne prétens [sic] pas faire une distinction du vert au bleu, du jaune au rouge, & ainsi des autres couleurs, mais seulement en imiter les masses comme ont fait avec succès Wostermans, Bolswert, & quelques autres lorsqu’ils ont gravé d’après Rubens.

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Si l’on travaille d’après des desseins originaux, ils doivent plutôt être gravés avec de grands jours & de grandes ombres, d’autant que quelque [p. 116 169] finis qu’ils puissent être, il n’y a jamais tant de détail que dans des Tableaux peints, qui requierent aussi beaucoup plus de soin & de travail à cause des différentes couleurs.
L’on m’objectera peut-être qu’il est impossible d’imiter les couleurs, vû que l’on n’a que du blanc & du noir. Mais quand je parle de les imiter, je ne prétens [sic] pas faire une distinction du vert au bleu, du jaune au rouge, & ainsi des autres couleurs, mais seulement en imiter les masses comme ont fait avec succès Wostermans, Bolswert, & quelques autres lorsqu’ils ont gravé d’après Rubens.
Il est certain que les ouvrages où cette partie sera traitée par un Graveur sçavant & entendu seront bien plus agréables & feront un plus bel effet. Il faut donc, comme je viens de le dire, que le graveur soit intelligent & habile homme, parce qu’il se rencontre quelquefois des couleurs claires sur d’autres claires, qui ne font d’effet que par leur différence, & qui causent ce que nous appellons un corps percé, accident fort à éviter, parce qu’il ruine l’intelligence du clair-obscur. Il faut aussi prendre garde à ne pas exterminer les principales lumieres, en affectant par trop d’imiter les couleurs, surtout aux Figures de devant, car cela les empêcheroit d’avancer, & romproit entierement l’intention du Peintre.
Nous ne nous étendrons pas davantage sur cette partie de la Gravûre qui elle seule demanderoit un Traité entier, si l’on vouloit entrer dans le détail de toutes ses parties & rendre compte de toutes ses circonstances, mais ce que nous venons d’en dire peut suffire à un homme intelligent, & avec le secours des Estampes des grands Maîtres que nous avons cités dans cet ouvrage, un peu de pratique [p. 117 170] poura le conduire à une plus grande perfection.