BOSSE, Abraham, Sentimens sur la distinction des diverses manieres de peinture, Dessein & Graveure, & des Originaux d'avec leurs Copies. Ensemble du choix des sujets, & des chemins pour arriver facilement & promptement à bien pourtraire, Paris, Abraham Bosse, 1649.
En ouverture de ce traité, un bref lexique présente une vingtaine de termes définis en quelques phrases. Y sont rassemblés plusieurs termes issus du vocabulaire d’atelier. On y remarque également les prémices de notions développées par la suite dans les écrits théoriques de la deuxième moitié du siècle (LE BLANC, 2004, p. 156). Par exemple, les notions d’« union » ou de « bien ensemble » évoquent ainsi déjà la notion de « tout ensemble », développée plus tardivement.
Les termes définis dans ce lexique ne correspondent toutefois pas nécessairement au vocabulaire le plus fréquemment utilisé par Bosse lui-même : l’auteur n’utilise pas par ailleurs les termes « original » et « copie », alors qu’ils sont centraux dans ce traité. Omniprésents, ces deux termes se définissent l’un par rapport à l’autre et prennent tout au long du texte des sens variables, se déplaçant en fonction du point de vue adopté.
Dédicacé aux « Messieurs, de l’Académie Royale, de la Peinture & Sculpture », ce traité a été édité alors qu’Abraham Bosse dispensait encore des cours de perspective à l’Académie et qu’il avait déjà acquis une notoriété de théoricien avec des traités reprenant les méthodes de perspective de Girard Desargues (éd. 1643).
L’ouvrage n’a pas été réédité et des traductions ne semblent pas avoir été diffusées. Les Sentiments sur la distinction... ont néanmoins pu toucher un lectorat hors des frontières de la France dès le XVIIe siècle, comme en attestent par exemple l’ouvrage de John Evelyn intitulé Sculptura (éd. 1662, chapitre 5) ou encore la Teutsche Academie de Joachim von Sandrart (éd. 1675, I, Buch 3 [Malerei], p. 105).
Flora Herbert
Dedication
A Messieurs de l'Academie Royale de la Peinture & Sculpture
Sommaire at n.p.
Glossaire at n.p.
BOSSE, Abraham, Le peintre converty aux précises et universelles règles de son art. Sentiments sur la distinction des diverses manières de peinture, WEIGERT, Roger-Armand (éd.), Paris, Hermann, 1964.
BOSSE, Abraham, Sentiments sur la distinction des diverses manières de peinture, dessin et gravure et des originaux d'avec leurs copies, Genève, Minkoff Reprint, 1973.
BOSSE, Abraham, Considerazioni sulla distinzione delle diverse maniere di pittura, disegno e incisione, e degli originali dalle loro copie, LO NOSTRO, Gabriele (éd.), Monaco, Liberfaber, 2015.
MULLER, Jeffrey M., « Measures of Authenticity: the Detection of Copies in the Early Literature on Connoisseurship », dans PRECIADO, Kathleen (éd.), Retaining the Original. Multiple Originals, Copies, and Reproductions, Actes du colloque de Washington, Hanover, University Press of New England, 1989, p. 141-148.
LE BLANC, Marianne, « Abraham Bosse et Léonard de Vinci. Les débats sur les fondements de la peinture dans les premiers temps de l'Académie », Revue d’esthétique. La naissance de la théorie de l’art en France 1640-1720, 31-32, 1997, p. 99-107.
Mc TIGHE, Shella, « Abraham Bosse and the Language of Artisans: Genre and Perspective in the 'Académie royale de peinture et de sculpture', 1648-1670 », Oxford Art Journal, 21/1, 1998, p. 2-26 [En ligne : http://www.jstor.org/stable/1360694 consulté le 16/03/2016].
LE BLANC, Marianne, « “Sentimens…” d’Abraham Bosse, stratégie d’un discours sur l’art à la fin des années 1640 », dans SERROY, Jean (éd.), Littérature et peinture au temps de Le Sueur, Actes du colloque de Grenoble, Grenoble, Musée de Grenoble, 2003, p. 35-42.
LE BLANC, Marianne, D’acide et d’encre : Abraham Bosse (1604?-1676) et son siècle en perspectives, Paris, CNRS Éd., 2004.
GUICHARD, Charlotte, Les amateurs d'art à Paris au XVIIIe siècle, Seyssel, Champ Vallon, 2008.
GUICHARD, Charlotte, « Du “nouveau connoisseurship“ à l’histoire de l’art. Original et autographie en peinture », Annales. Histoire, Sciences sociales, 6, 2010, p. 1387-1402 [En ligne : www.cairn.info/revue-annales-2010-6-page-1387.htm consulté le 24/11/2015].
FRANGENBERG Thomas, « Abraham Bosse in Context: French Responses to Leonardo's 'Treatise on Painting' in the Seventeenth Century », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 75, 2012, p. 223-260 [En ligne : http://www.jstor.org/stable/24395992 consulté le 30/03/2018].
SAMMERN, Romana, « Conceptualizing the copy: Abraham Bosse's "Sentimens sur la distinction des diverses manières de peinture, desin et gravure et des originaux d'avec leurs copies" », dans OSANO, Shigetoshi (éd.), Between east and west : Reproductions in art, Actes du colloque de Naruto, Cracow, 2014, p. 95-107 [En ligne : http://archiv.ub.uni-heidelberg.de/artdok/3687/1/Sammern_Conceptualizing_the_copy_2014.pdf consulté le 30/03/2018].
FILTERS
QUOTATIONS
M’estant donc proposé de dire mes Sentimens touchant la connoissance des Ouvrages de la Portraiture, (qui est un mot general qui comprend & la Peinture & la Graveure, & en un mot qui signifie la representation de quoy que ce soit par quel moyen que ce puisse estre, ainsi que j’ay deduit plus au long dans mon livre de la Perspective).
Conceptual field(s)
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Je commence par la distinction de ce qu'on appelle Original d'avec une Copie, & par la deduction de quelques moyens dont on se sert pour representer sur une surface platte, qu'on nomme ordinairement Tableau, non seulement un ou plusieurs objets de la Nature, mais encore ceux qui partent de la seule imagination & de l'invention du Peintre ou du Desseignateur, & cela est traitté dans le premier Chapitre
Du Grand, de la Grande, & Riche Maniere ou bon Goust,
Ne veut dire ou signifier autre chose, qu’un Tableau bien fait & suivant le Goust ou opinion des plus sçavants Peintres.
Conceptual field(s)
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Pauvre & chetive Maniere, ou mauvais Goust,
Ne doit estre entendu que d’un Tableau mal fait, & contraire à ce bon Goust des Sçavans.
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Pauvre & chetive Maniere, ou mauvais Goust,
Ne doit estre entendu que d’un Tableau mal fait, & contraire à ce bon Goust des Sçavans.
Selon Marianne Le Blanc (2004, p. 157), ces définitions sont en cohérence parfaite avec la démarche entreprise par Bosse, puisque le jugement que l’on doit avoir sur une manière prend en compte tant les qualités objectives que l’opinion des savants peintres, dont Bosse a fondé la prééminence. Bosse n’aborde ainsi pas dans sa définition ce qui reste l’ambiguïté majeure du mot « manière » au XVIIe siècle, qui désigne à la fois le style d’un peintre, théoriquement sans jugement de valeur, et le travers qui consiste à sortir du vrai et de la nature. La plus grande difficulté que doit affronter un artiste est en effet d’avoir une manière sans être maniéré. Pourtant, le raisonnement que Bosse conduit au fil des Sentimens est l’un des rares à penser jusqu’au bout cette contradiction et à en tirer des leçons pour l’apprentissage de la peinture. Bosse part d’un constat : il existe un grand nombre de manières dont il entreprend un inventaire chronologique et géographique, ce qui lui permet, d’ailleurs, de proposer pour les curieux une classification des peintres anciens.
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Selon Marianne Le Blanc (2004, p. 157), ces définitions sont en cohérence parfaite avec la démarche entreprise par Bosse, puisque le jugement que l’on doit avoir sur une manière prend en compte tant les qualités objectives que l’opinion des savants peintres, dont Bosse a fondé la prééminence. Bosse n’aborde ainsi pas dans sa définition ce qui reste l’ambiguïté majeure du mot « manière » au XVIIe siècle, qui désigne à la fois le style d’un peintre, théoriquement sans jugement de valeur, et le travers qui consiste à sortir du vrai et de la nature. La plus grande difficulté que doit affronter un artiste est en effet d’avoir une manière sans être maniéré. Pourtant, le raisonnement que Bosse conduit au fil des Sentimens est l’un des rares à penser jusqu’au bout cette contradiction et à en tirer des leçons pour l’apprentissage de la peinture. Bosse part d’un constat : il existe un grand nombre de manières dont il entreprend un inventaire chronologique et géographique, ce qui lui permet, d’ailleurs, de proposer pour les curieux une classification des peintres anciens.
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Belle Ordonnance & Disposition,
C’est quand dans un Tableau, les Corps ou Figures qui le composent, y sont si bien disposez et placez, qu’ils donnent agréement à l’œil ne s’y trouvant point à moins que de necessité des endroits trop vastes, et denüez de vuides et confondus.
Bosse propose ainsi une définition efficace de la future « composition » centrée sur la gestion des groupes et des vides (voir LE BLANC, 2004, p. 155).
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Belle Ordonnance & Disposition,
C’est quand dans un Tableau, les Corps ou Figures qui le composent, y sont si bien disposez et placez, qu’ils donnent agréement à l’œil ne s’y trouvant point à moins que de necessité des endroits trop vastes, et denüez de vuides et confondus.
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Bien Historié,
C’est à dire lors qu’en un Tableau representant Histoire, tous les Corps qui le composent, font bien leurs effets conformement à icelle, tant au general qu’au particulier.
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Belle expression,
Signifie, quand dans un Tableau, les Figures ou autres Corps qui le composent, expriment bien leur effet, tant en leurs actions, Gestes ou autres mouvemens, qu’aux principales parties qui servent à exprimer leurs passions ; & ainsi de mesme de tous les autres Corps suivant leur Nature.
Conceptual field(s)
Union, ou Bien-Ensemble,
Peut estre attribué à deux égards, au Dessin, & au Colory ou maniere de Peindre, & c’est lors que dans un Tableau tout est si bien en la place qu’il doit estre, qu’on n’y voit point de Contraste, & que les Couleurs claires & brunes, tant des Corps que des Airs qui les environnent, sont fortes & faibles, selon la proportion necessaire aux lieux & places convenables : qui est en un mot, faire s’il se peut, que l’œil aye ou reçoive, la mesme vision ou sensation des Corps faits aux Tableaux qu’il ferait de ceux du Naturel.
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Noyé, fondu, ou perdu,
C’est lors que les Couleurs, tant des Jours, Teintes et Demies-teintes, & aussi des Ombres & Ombrages, sont bien alliées et meslées les unes dans les autres, selon les endroits & places.
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Noyé, fondu, ou perdu,
C’est lors que les Couleurs, tant des Jours, Teintes et Demies-teintes, & aussi des Ombres & Ombrages, sont bien alliées et meslées les unes dans les autres, selon les endroits & places.
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Teinte, & Demie Teinte,
Doivent estre entendus de la diminution de force, ou affoiblissement d’une Couleur à une autre, tant de celles qui sont Esclairées, que des Ombrées & Ombragées.
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Tenir du Fier & du Terrible,
S’attribuë à des manieres de Desseigner & Peindre, dont les Figures ou autres Corps ayant vie ou autrement, paroissent en leurs Regards, Ports et Actions, Fieres, Cruelles et Affreuses, ainsi que cela se voit ordinairement en diverses rondes Bosses & bas Reliefs Antiques, & en plusieurs Tableaux, Desseins & Stampes de Jules Romain, et mesme en quelques unes de Raphaël d’Urbin.
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Artiste, & Croquée,
Ne signifie communement selon le dire de plusieurs personnes, qu’une mesme chose, qui est, lors que le travail du Pinceau & des Couleurs, paroist avoir esté conduit & appliqué avec grande facilité & prestement ; en sorte que la superficie du Tableau, paroisse rude ou inegale, et l’ouvrage comme non achevé en le regardant de près, principalement la maniere Croquée ; Mais pour l’Artiste, on peut en faire cette distinction, puis que souvent & avec raison il se dit de plusieurs manieres bien achevées ou finies, qu’elles sont Artistement Peintes, ou pour parler autrement, faites avec grand Art ; et sur cela, il en sera dit quelque chose dans le cinquième Chapitre.
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Artiste, & Croquée,
Ne signifie communement selon le dire de plusieurs personnes, qu’une mesme chose, qui est, lors que le travail du Pinceau & des Couleurs, paroist avoir esté conduit & appliqué avec grande facilité & prestement ; en sorte que la superficie du Tableau, paroisse rude ou inegale, et l’ouvrage comme non achevé en le regardant de près, principalement la maniere Croquée ; Mais pour l’Artiste, on peut en faire cette distinction, puis que souvent & avec raison il se dit de plusieurs manieres bien achevées ou finies, qu’elles sont Artistement Peintes, ou pour parler autrement, faites avec grand Art ; et sur cela, il en sera dit quelque chose dans le cinquième Chapitre.
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Vaghezza,
C’est un mot Italien qui ne veut quasi exprimer autre chose que ce qui a esté dit de l’union, ou bien d’un Ouvrage qui donne grand agréement à l’œil.
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Sevelt,
S’entend, lors que des Figures ou Corps & autres parties qui forment un Tableau, paroissent d’une grandeur égayée, franche & libre, & le Colory surprenant et vif, ensemble le maniement libre du Pinceau, fort, libre & coulant.
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Dur,& Sec,
C’est le contraire du Tendre & du Molet.
Coupé ou Tranché,
Est lors que les Contours des Corps principalement les Tournans, paroissent tranchez ou coupez net comme un trait de plume, en lieu qu’ils doivent estre suivant l’occasion & la matiere aliez ou perdus avec la Couleur qui les touche ou environne.
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Grand Jour, Grand Ombre,
Sont mots peu usitez, toutefois, je dis que c’est lors qu’on veut observer és Figures ou Corps de grandes parties Esclairées, Ombrées & Ombragées, afin de fraper l’œil d’abord, par deux contraires opposez.
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[...] Et requérant aussi des négocians un peu intéressez, qu’ils fassent leur trafic avec plus de droiture, tant pour leur bien que pour banir ce mot de manie, qu’on donne souvent à tort à plusieurs Curieux et connoissants desdits ouvrages à leur occasion : Car c’est a tort qu’on répute à folie et foiblesse d’être amateur & connaisseur de ce qui est beau & bon ; Mais c’en est bien une tres-grande, de juger de l’intention & pensée d’autruy, autant que d’en estre bien informé.
Mais pour revenir à mon dessein, je dis qu’une personne qui ignore la pratique de la Pourtraiture & Peinture, & ce qui est des particularitez cy-devant deduites en gros, quand il entend dire qu’un Peintre ou autre tel Connoissant qui n’aura jamais veu qu’un ou deux Tableaux d’un autre Peintre, supposé qu’il n’eust point changé de manière, discernera ceux qu’il sera en suitte pour en estre, quoy que differents ; Et de plus s’il y a des Coppies faites sur iceux, sans avoir veu lesdits Originaux, il les reconnoistra tels, & aussi fera la distinction s’ils sont bien ou mal coppiez, ou s’ils sont retouchez par endroits de celui qui a fait l’original ; A grand subjet de s’estonner, & de se persuader qu’il est comme impossible de connoistre ces choses, & encore plus qu’une personne comme luy qui n’est pas dans la pratique de cét Art, puisse parvenir à quelque point de cette mesme Connoissance
Selon Marianne Le Blanc (2004, p. 153), si la double question des manières et de la distinction de l’original et de la copie n’est pas entièrement neuve, Bosse l’utilise d’une manière inédite, forgeant un discours sur l’art qui répond aux attentes des amateurs, mais aussi – et peut-être surtout –, à ses ambitions concernant les peintres et la peinture. Bosse vise en effet, par ce texte, à faire entrer la peinture dans le champ de la connaissance.
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Selon Marianne Le Blanc (2004, p. 153), si la double question des manières et de la distinction de l’original et de la copie n’est pas entièrement neuve, Bosse l’utilise d’une manière inédite, forgeant un discours sur l’art qui répond aux attentes des amateurs, mais aussi – et peut-être surtout –, à ses ambitions concernant les peintres et la peinture. Bosse vise en effet, par ce texte, à faire entrer la peinture dans le champ de la connaissance.
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Selon Marianne Le Blanc (2004, p. 153), si la double question des manières et de la distinction de l’original et de la copie n’est pas entièrement neuve, Bosse l’utilise d’une manière inédite, forgeant un discours sur l’art qui répond aux attentes des amateurs, mais aussi – et peut-être surtout –, à ses ambitions concernant les peintres et la peinture. Bosse vise en effet, par ce texte, à faire entrer la peinture dans le champ de la connaissance.
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Selon Marianne Le Blanc (2004, p. 153), si la double question des manières et de la distinction de l’original et de la copie n’est pas entièrement neuve, Bosse l’utilise d’une manière inédite, forgeant un discours sur l’art qui répond aux attentes des amateurs, mais aussi – et peut-être surtout –, à ses ambitions concernant les peintres et la peinture. Bosse vise en effet, par ce texte, à faire entrer la peinture dans le champ de la connaissance.
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Et toutefois je croy qu’un Excellent praticien de bon sens, & doüé de la qualité de bien s’exprimer, pourroit par la confrontation de deux ou trois Originaux de plusieurs Peintres, & d’autant de diverses Coppies sur iceux, en donner de grandes instructions à ceux, qui quoy que non Praticiens, y auroient du genie disposition & inclination, principalement pour la difference ou distinction des manieres, outre ce qui en sera dit dans ce Traitté, & aussi sçait-on bien qu’il y a quantité de personnes, & mesme de Condition, lesquels à force d’avoir veu plusieurs Tableaux d’un mesme Autheur, & aussi frequenté & entretenu sur ce point divers Praticiens, en reconnoissent les manieres & parties du reste.
Et toutefois je croy qu’un Excellent praticien de bon sens, & doüé de la qualité de bien s’exprimer, pourroit par la confrontation de deux ou trois Originaux de plusieurs Peintres, & d’autant de diverses Coppies sur iceux, en donner de grandes instructions à ceux, qui quoy que non Praticiens, y auroient du genie disposition & inclination, principalement pour la difference ou distinction des manieres, outre ce qui en sera dit dans ce Traitté, & aussi sçait-on bien qu’il y a quantité de personnes, & mesme de Condition, lesquels à force d’avoir veu plusieurs Tableaux d’un mesme Autheur, & aussi frequenté & entretenu sur ce point divers Praticiens, en reconnoissent les manieres & parties du reste.
[...] Et quant à ce que plusieurs personnes ont creu, que cette Connoissance & Curiosité estoit une manie, & qu’il n’y avoit lieu d’y assoir aucune bonne resolution ou fondement, pour avoir veu quelque Curieux & Praticiens de cét Art, & non des moins Experts, qui prenoient quelquefois une maniere pour une autre & des Coppies pour des Originaux, je les advertis en passant que cette mesprise ne doit pas donner lieu de conclurre de la sorte, d’autant que s’il y a quelques uns desdits Praticiens qui ne sont point adonnez à tant esplucher ces particularitez, il s’en trouve d’autres qui s’y estant adonnez en ont acquis une grande connoissance, & aussi comme j’ay dit des Curieux, Puis d’autres moins Experts qu’eux qui l’ont & d’autres qui ne l’ont pas.
Par ainsi lon peut dire qu’il y a en cela comme en d’autres Arts, de naturelles inclinations pour ces choses, puis que mesme ceux qui n’ont point de pratique, en ont ou peuvent avoir quelque connoissance ; Mais de dire qu’elle soit approchante de celle qu’en peut avoir un Excellent Praticien exercé en icelles, cela est impossible à mon advis, qui sera en son lieu proposé plus au long.
[...] il est comme impossible qu’un Coppiste tant bon soit-il, puisse faire passer aux clairs-voyants, sa Coppie pour l’Original, principalement lors que ledit Original luy est opposé ou present.
Et d’autant qu’il est assez ordinaire à plusieurs non Praticiens, d’alleguer qu’un bon Peintre pourroit bien faire une Coppie sur un mauvais Original ; A cela je respons, Qu’un tel Peintre ne s’adonne pas d’ordinaire a Coppier des choses moindres que ce qu’il peut faire d’Invention ; Et supposé qu’il le voulust, cela se remarqueroit ou discerneroit aussi par les Clairs-voyans, & si au contraire il y adjoustoit du sien tant au dessein qu’au Colory, en ce cas, sa Coppie tiendroit en quelque sorte lieu d’Original de sa main.
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Je tiens donc qu’à toute rigueur lon ne peut donner le titre d’Original qu’à une chose de laquelle on ne puisse trouver le semblable dans la nature, ainsi qu’un Tableau representant divers Corps & dont la forme ne soit connuë qu’à celuy qui la fait, car de faire la Representation ou Pourtrait d’une chose connuë, quoy que naturelle, elle ne peut prendre que le nom de Coppie d’après cette naturelle ; Mais lorsqu’on fera une Coppie dudit Tableau, il se peut nommer Original d’iceluy.
Et touchant ce que j’ay cy-dessus dit des Tableaux à qui je donne ce nom ou tiltre d’Originaux, c’est de ceux desquels les Figures & autres Corps dont ils sont composez ou formez, sont tellement diversifiez tant en leur air, vestements, & autres dependances, qu’il ne puisse venir aucune Idée d’en avoir veu de semblables ; ainsi, ce sont de tels Desseignateurs & Peintres, que je nomme Sçavants Originaux, qui outre qu’ils sçavent au besoin bien Coppier toutes les choses visibles de la nature, sçavent aussi en inventer de telles.
Car ainsi faisant, ils font de mesme que les Historiens, & Poëtes, lesquels quoy qu’ils ayent diverses Histoires anciennes & modernes, tant véritables que fabuleuses qui leur peuvent servir de sujet pour composer leurs œuvres, ne laissent pas pour faire paroistre la vivacité de leur Esprit, d’en inventer de telles, qu’on n’en ait jamais veu ny fait mention de semblables.
Ainsi un tel Peintre, quoy qu’il ait toutes les choses visibles de la nature presentes à ses yeux, ou descrites & expliquées dans des livres, neantmoins il ne laisse pas pour faire paroistre la force de son imagination, & acquerir reputation, d’en inventer & d’en former d’autres, qui luy seront toutes particulieres.
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Je tiens donc qu’à toute rigueur lon ne peut donner le titre d’Original qu’à une chose de laquelle on ne puisse trouver le semblable dans la nature, ainsi qu’un Tableau representant divers Corps & dont la forme ne soit connuë qu’à celuy qui la fait, car de faire la Representation ou Pourtrait d’une chose connuë, quoy que naturelle, elle ne peut prendre que le nom de Coppie d’après cette naturelle ; Mais lorsqu’on fera une Coppie dudit Tableau, il se peut nommer Original d’iceluy.
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Je tiens donc qu’à toute rigueur lon ne peut donner le titre d’Original qu’à une chose de laquelle on ne puisse trouver le semblable dans la nature, ainsi qu’un Tableau representant divers Corps & dont la forme ne soit connuë qu’à celuy qui la fait, car de faire la Representation ou Pourtrait d’une chose connuë, quoy que naturelle, elle ne peut prendre que le nom de Coppie d’après cette naturelle ; Mais lorsqu’on fera une Coppie dudit Tableau, il se peut nommer Original d’iceluy.
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Et touchant ce que j’ay cy-dessus dit des Tableaux à qui je donne ce nom ou tiltre d’Originaux, c’est de ceux desquels les Figures & autres Corps dont ils sont composez ou formez, sont tellement diversifiez tant en leur air, vestements, & autres dependances, qu’il ne puisse venir aucune Idée d’en avoir veu de semblables ; ainsi, ce sont de tels Desseignateurs & Peintres, que je nomme Sçavants Originaux, qui outre qu’ils sçavent au besoin bien Coppier toutes les choses visibles de la nature, sçavent aussi en inventer de telles.
Car ainsi faisant, ils font de mesme que les Historiens, & Poëtes, lesquels quoy qu’ils ayent diverses Histoires anciennes & modernes, tant véritables que fabuleuses qui leur peuvent servir de sujet pour composer leurs œuvres, ne laissent pas pour faire paroistre la vivacité de leur Esprit, d’en inventer de telles, qu’on n’en ait jamais veu ny fait mention de semblables.
Ainsi un tel Peintre, quoy qu’il ait toutes les choses visibles de la nature presentes à ses yeux, ou descrites & expliquées dans des livres, neantmoins il ne laisse pas pour faire paroistre la force de son imagination, & acquerir reputation, d’en inventer & d’en former d’autres, qui luy seront toutes particulieres.
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Le peintre savant se définit par sa capacité à inventer, elle-même enrichie par le pouvoir de la mémoire (cf Le Blanc, 2004, p. 163).
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Deux divers moyens connüs de Coppier ou Representer sur une Surface Platte, nommée communement Tableau, les Corps visibles de la nature, Ensemble les Composez d’Invention.
Le premier & le plus usité est ayant devant soy les Corps qu’on veut Coppier, ou bien leurs formes dans l’imagination, les Desseigner, Pourtraire ou Representer sur ladite Surface ou Tableau, sans autre regle ny mesure, que celle que l’œil & le jugement luy en peuvent fournir.
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Deux divers moyens connüs de Coppier ou Representer sur une Surface Platte, nommée communement Tableau, les Corps visibles de la nature, Ensemble les Composez d’Invention.
Le premier & le plus usité est ayant devant soy les Corps qu’on veut Coppier, ou bien leurs formes dans l’imagination, les Desseigner, Pourtraire ou Representer sur ladite Surface ou Tableau, sans autre regle ny mesure, que celle que l’œil & le jugement luy en peuvent fournir.
Le second est, de faire ladite Representation ou Pourtrait de ces Corps, sur ladite Surface ou Tableau, par le moyen des mesures reglées, en sorte qu'on soit assuré que lesdits objets representez ainsi sur iceluy, facent à l'œil ou aux yeux de ceux qui les regarderont, la mesme sensation ou vision en toutes leurs parties, que leur seroient lesdits Corps ou objets visibles de la nature, pareillement des choses qu'on peut avoir dans l'imagination en sachant les mesures. Or la regle de les representer ainsi, est ce que l’on appelle communement la Perspective, mot qui ne signifie que ceux de Pourtrait, Pourtraiture, Representation ou Tableau, sans laquelle un peintre ou un autre tel Desseignateur, ne peut s’assurer du bon effet de son ouvrage
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Deux divers moyens connüs de Coppier ou Representer sur une Surface Platte, nommée communement Tableau, les Corps visibles de la nature, Ensemble les Composez d’Invention.
Le premier & le plus usité est ayant devant soy les Corps qu’on veut Coppier, ou bien leurs formes dans l’imagination, les Desseigner, Pourtraire ou Representer sur ladite Surface ou Tableau, sans autre regle ny mesure, que celle que l’œil & le jugement luy en peuvent fournir.
Le second est, de faire ladite Representation ou Pourtrait de ces Corps, sur ladite Surface ou Tableau, par le moyen des mesures reglées, en sorte qu'on soit assuré que lesdits objets representez ainsi sur iceluy, facent à l'œil ou aux yeux de ceux qui les regarderont, la mesme sensation ou vision en toutes leurs parties, que leur seroient lesdits Corps ou objets visibles de la nature, pareillement des choses qu'on peut avoir dans l'imagination en sachant les mesures. Or la regle de les representer ainsi, est ce que l’on appelle communement la Perspective, mot qui ne signifie que ceux de Pourtrait, Pourtraiture, Representation ou Tableau, sans laquelle un peintre ou un autre tel Desseignateur, ne peut s’assurer du bon effet de son ouvrage.
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Raisons des Curieux non Praticiens qui n’ont aucune connoissance de ces manieres, ny desdits Originaux & Copies.
Cette sorte de Curieux declarent, qu’ils ayment les Tableaux pour les voir & servir d’ornemens chez eux ; Mais que de sçavoir & connoistre la manière & le nom de ceux qui les ont faits, & s’ils sont Originaux ou Copies, c’est jusques à present une passion qui ne les touche point ; Et mesme qu’ils croyent comme impossible de pouvoir acquerir la pratique de cette connoissance, Et que ce qui les confirme davantage est, d’avoir sceu que plusieurs Curieux non Praticiens se disans l’avoir, auroient esté souvent trompez en l’acquisition de plusieurs Tableaux.
Raisons des Curieux non Praticiens qui se sont portez ès connaissances desdites manieres & distinctions d’Originaux & Copies.
Ces Curieux-cy trouvent que ce seroit une curiosité tres-imparfaite, d’avoir des Tableaux & ne sçavoir s’ils sont bons ou mauvais, ny qui les peut avoir faits, & qu’il n’y a guere d’assurance de faire acheter de telles choses par autruy, si lon le peut faire soy mesme, à cause qu’il y a des Curieux soy disants connoissants en icelles & mesme des Praticiens qui s’y sont souvent trompez, sans y comprendre ceux qui se meslent de tromper les autres ; de plus qu’il arrive d’ordinaire dans leurs commencements de curiosité desdits Tableaux, qu’ils choisissent ou font choisir, par des personnes qui n’y ont souvent guere plus de connoissances qu’eux ; de sorte qu’en estant advertis, ils prennent resolution de s’en deffaire pour en avoir de meilleurs, desquels il en arrive bien souvent la mesme chose.
Or tout ce que dessus ils ne le disent point seulement des autres, mais aussi d’eux-mesmes qui ne l’ont que trop experimenté ; Ce qui leur a donné lieu de s’instruire en quelque façon sur ces connoissances, & de faire election d’un sçavant Praticien connoissant, & de plus honneste homme, afin qu’il puisse suppleer aux occasions où la connoissance de telles choses passe leurs portées : Mais la conclusion de leurs Sentiments est, qu’ils croyent que la connaissance bien qu’en partie seulement, de la beauté & bonté desdits Tableaux, donne bien plus de contentement que celle de n’avoir que l’agrément à la veuë, par éclat d’un nombre de belles Couleurs.
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Raisons des Curieux non Praticiens qui se sont portez ès connaissances desdites manieres & distinctions d’Originaux & Copies.
Ces Curieux-cy trouvent que ce seroit une curiosité tres-imparfaite, d’avoir des Tableaux & ne sçavoir s’ils sont bons ou mauvais, ny qui les peut avoir faits, & qu’il n’y a guere d’assurance de faire acheter de telles choses par autruy, si lon le peut faire soy mesme, à cause qu’il y a des Curieux soy disants connoissants en icelles & mesme des Praticiens qui s’y sont souvent trompez, sans y comprendre ceux qui se meslent de tromper les autres ; de plus qu’il arrive d’ordinaire dans leurs commencements de curiosité desdits Tableaux, qu’ils choisissent ou font choisir, par des personnes qui n’y ont souvent guere plus de connoissances qu’eux ; de sorte qu’en estant advertis, ils prennent resolution de s’en deffaire pour en avoir de meilleurs, desquels il en arrive bien souvent la mesme chose.
Or tout ce que dessus ils ne le disent point seulement des autres, mais aussi d’eux-mesmes qui ne l’ont que trop experimenté ; Ce qui leur a donné lieu de s’instruire en quelque façon sur ces connoissances, & de faire election d’un sçavant Praticien connoissant, & de plus honneste homme, afin qu’il puisse suppleer aux occasions où la connoissance de telles choses passe leurs portées : Mais la conclusion de leurs Sentiments est, qu’ils croyent que la connaissance bien qu’en partie seulement, de la beauté & bonté desdits Tableaux, donne bien plus de contentement que celle de n’avoir que l’agrément à la veuë, par éclat d’un nombre de belles Couleurs.
Il se rencontre des Peintres, qui de volonté délibérée estans sortis de leurs premiers preceptes de l’Art de la Pourtraiture & Peinture, s’attachent d’ordinaire à quelques unes des manieres de divers Peintres, dont les ouvrages ont reputation, & s’y tiennent si inviolablement attachez, qu’ils ne l’abandonnent point qu’ils ne s’en soient faite une, laquelle quoy qu’elle ne leur soit entierement semblable, neantmoins elle en tiendra beaucoup.
D’autres, se portent de pareille affection à imiter le naturel, & de telle sorte, qu’ils ne considerent pas bien souvent qu’il est tres deffectieux & mal proportionné, [...]
Il y en a aussi [ndr : des peintres] qui, soit par leur propre connoissance, soit qu’ils en ayent esté advertis, sçavent d’une bonne partie faire distinction des deffauts qui se trouvent en divers Corps visibles de la nature, & quantité d’autres observations, & se sentans trop peu Sçavants pour remedier à ces choses, recherchent dans les Ouvrages Modernes ou de l’Antiquité, si aucun Artisan de cét Art, n’y a point suppléé ; Cela estant ils le choisissent pour leur servir comme de Principe, Baze, Modelle, ou Fondement, & ainsi s’y attacheront sans vouloir en considérer d’autres : Puis estans arrivez au point, que leurs Ouvrages approchent beaucoup de ceux qu’ils ont ainsi pris ou choisis pour Modelles, ils s’efforcent de pouvoir descouvrir quel a esté le but ou Fondement, de celuy ou ceux qui les ont faits, & s’ils trouvent qu’une partie ait esté faite par l’ayde de vestiges & fragments de ces Excellents Statuaires ou Sculptures, [...], ils les considereront & desseigneront tant & tant de fois, qu’ils en auront l’imagination remplie ; De sorte que venans à former quelques Ouvrages de leur Caprice ou Invention, & mesme se servans du naturel, ce qu’ils produiront tiendra de l’air & de la proportion de ces belles choses ; [...]
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[...] quoiqu’il se pourroit rencontrer qu’un Copiste qui se seroit tousjours adonné à Copier, sçauroit plus de particularitez qu’un autre qui s’y seroit moins porté, mais neantmoins je croy que le sçavoir de l’Original Peintre l’emporte sur tout cela ; Reste seulement à dire, que le Coppiste qui a eu l’intention de s’attacher à telles circonstances, & qui a l’imagination aucunement forte pour retenir quelques idées de ces choses, peut estre en quelque sorte capable d’en donner des preceptes és occasions.