COULEUR (n. f.)

COLOR (lat.) · COLORE (ita.) · COLOUR (eng.) · COULEUR (nld.) · FARBE (deu.) · FARBE (chromatik) (deu.) · GEBROKE KOLEUR (nld.) · HELE KLEUR (nld.) · KLEUR (ALGEMEEN) (nld.) · VERF (nld.)
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COLOUR (eng.) · TINCT (eng.)
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COLEUR (nld.) · COLOR (lat.) · COLORE (ita.) · COLORIET (nld.) · COLOUR (eng.) · COLOURING (eng.) · COULEUR (nld.) · FARBE (deu.) · KLEUR (ALGEMEEN) (nld.) · PIGMENTUM (lat.) · VERF (nld.)
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40 sources
168 quotations

Quotation

La Platte Peinture. Chapitre XXXIX, p. 305
Les Meres couleurs sont. Premierment le blanc de plomb (à cause qu'il se trouve és mines de plomb) 2. Le fin azur & l'outre-marin. 3. La Laque de Venise qui a un incarnat & une escarlatte fort vive. 4. Le vermillon d'Espagne. 5. La cendrée. 6. Le noir de charbon. 7. Le Massicot qui est le fin jaune. Le verd de terre. 9. Le sang de Dragon. 10. La rosette. Voilà les couleurs gayes, les autres sont plus rudes.

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MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

La Platte Peinture. Chapitre XXXIX, p. 306
Il y a des ouvrages de hautes couleurs, d'autres blaffards, mais apres la premiere couche il faut donner la charge avec quelque couleur vigoureuse. 

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

La Platte Peinture. Chapitre XXXIX, p. 316
Des couleurs
1. Les couleurs se concréent en la terre, & és minieres, ou bien se composent par mixtions & températures, ou naissent en herbes ou autrement. […]

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

[…] Seulement je vous dirai qu’il y a des necessitez ou lon pose sur la table de la Presse tout premierement des langes, puis sur iceux une maculature, & en suitte le papier, carte ou autre chose sur quoy lon veut imprimer ; & lon renverse la graveure de la planche en dessous, puis deux ou trois langes dessus afin que la planche ne se courbe trop, & aussi qu’elle ne gaste point le rouleau alors qu’on tourne le moulinet, & le tout passe & imprime comme devant ; cela se fait de la sorte quand la sujettion le requiert, comme se fait l’impression des images satinées, lesquelles me donnerent y a quelque temps, l’idée de faire ce qui sera dit cy-apres. 
Lon peut aussi imprimer des planches avec beaucoup d’autres sortes de couleurs bien broyées & aliées, tant avec la mesme Huile de ce noir pour les couleurs brunes, & pour les claires avec d’autres huiles espaisses, purifiées & desgraissées.

A. Bosse parle de la couleur en tant qu’encre pour imprimer une gravure : couleurs brunes et couleurs claires

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MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la gravure

Quotation

[…] Cela estant vous verrez que la planche aura imprimé sur toutes lesdites couleurs en les rendant bien unies & bien plus belles sans comparaison que les autres Enlumineures ordinaires.

A. Bosse parle de la couleur en tant qu’encre pour imprimer une gravure

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la gravure

Quotation

Car il ne faut point douter que les Peintres ne jugent ordinairement mieux que le reste des hommes de la beauté humaine, tant à cause des regles qu’ils ont à l’esgard de la proportion des membres & des couleurs qui leur conviennent, que pource qu’ils exerçent incessamment leur imagination à former des Idées les plus accomplies qui se puissent concevoir.

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L’ARTISTE → règles et préceptes
SPECTATEUR → jugement
CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Quotation

Le peintre Aristide est le premier de tous qui se servit de la Morale dans sa profession, & qui sçeut pendre l’Ame avecque ses pensées aussi bien que le corps, par l’expression visible de tous les mouvemens interieurs ; les couleurs dont il [ndr : Aristide] se servoit estoient neantmois trouvées un peu rudes de son tems.

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EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

La couleur est une partie de la peinture et est considérée comme fondamentale à cet art mais toujours soumise au dessin. Sous le terme couleur on entend à la fois les couleurs matérielles, la couleur comme élément qui entre dans la composition du tableau, et la qualité qui rend les choses semblables à la nature : on fait une distinction alors entre couleur semblable et couleur modulée par la lumière ou bien entre couleur illuminée naturelle et couleur illuminée selon les effects de perspective.

Quotation

La Peinture est un Art, qui par le moyen des lignes proportionnées, & avec des couleurs semblables à la nature des sujets, suivant la lumière de la Perspective, imite si bien la nature des choses corporelles, que non seulement elle represente sur un plan la grosseur & le relief des corps, mais encore le mouvement ; & monstre visiblement à nos yeux plusieurs affections & passions de l’Ame.

Terme traduit par COLORE dans Lomazzo, 1585, p. 19.

term translated by COLORE

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

Quotation

Le genre donc de la Peinture est l’Art : & qu’elle soit Art, il se prouve par la definition d’iceluy, lequel n’est autre, en un mot, qu’une raison droite & bien reglée des choses qui se doivent faire. De plus, il se prouve encore, parce que toutes les choses naturelles sont la regle & la mesure de la pluspart des Sciences & des Arts qui sont au monde […] ; C’est pourquoy elles peuvent estre la droite regle des choses artificielles. D’où s’ensuit que la Peinture est Art, puis qu’elle prend pour sa regle les susdites choses naturelles, & qu’elle est imitatrice, ou pour mieux dire, singe de la mesme nature, taschant tousjours d’imiter sa quantité, relief, & couleur. Ce qu’elle fait par l’ayde de la Geometrie, Arithmetique, Perspective, & Philosophie naturelle, avec une si grande & parfaite raison, qu’il ne se peut davantage.

Terme traduit par COLORE dans Lomazzo, 1585, p. 19.

term translated by COLORE

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Quotation

[…] le Peintre exprime & declare deux choses par le moyen de la couleur: la premiere est la couleur de la chose naturelle ou artificielle; ce qu'il fait avec couleur semblable : Par exemple, la couleur bleuë d'une robe avec un bleu pareil, le verd d'un arbre par un verd semblable : l'autre est les rayons solaires qui alument ces couleurs. Et parce que la couleur ne se peut voir sans la lumiere, puis qu'elle n'est autre chose, suivant les Philosophes, que la derniere superficie esclairée du corps terminé & opaque, il est necessaire que le Peintre qui veut estre excellent Coloriste, soit tres savant, & curieux à rechercher les effects de la lumiere quand elle esclaire la couleur, parce qu’observant ainsi ces effects par une haute & profonde consideration, il deviendra unique en l’Art de la Peinture.

Terme traduit par COLORE dans Lomazzo, 1585, p. 26.

term translated by COLORE

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
EFFET PICTURAL → qualité de la lumière
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

Quotation

La Peinture se divise en Theorie & Pratique. La Theorie donne les preceptes generaux, qui doivent estre observés par ceux qui desirent exceller en cét Art.

Terme traduit par COLORE dans Lomazzo, 1585, p. 28.

term translated by COLORE

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

La couleur avec la lumière sont considerées semblablement en deux façons, naturellement, & en Perspective […]. La couleur illuminée naturelle est celle qu’a naturellement l’homme ou autre chose qu’on doit representer, & nous disons naturel […]. Par exemple : Cette partie du corps naturel, qui regarde directement le Soleil, & luy est opposée, a trois degrés de couleur rouge, & reçoit du Soleil autre trois degrés de lumière. Or si le Peintre veut justement representer cette partie comme elle se voit au naturel, il le fera posant trois degrés de couleur rouge, & trois de couleur claire, moyennant quoy, il exprimera la lumiere ; & ainsi il representera naturellement la couleur & la lumiere naturelle. La Couleur illuminée par Art de Perspective, elle est appelée celle qui est semblable au naturel, non en prenant trois degrés de couleur rouge, & trois de clair pour representer les trois degrés de rouge, & les trois de lumiere qui sont au naturel mais en considerant la distance & l’esloignement du lieu duquel on voit la Peinture. […] Or de ces deux façons de colorit le Peintre doit suivre celui de Perspective, & ce par les raisons que j’ay alleguées parlant de la Proportion.

Terme traduit par COLORE dans Lomazzo, 1585, p. 31.

term translated by COLORE

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → perspective
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
EFFET PICTURAL → qualité de la lumière

Quotation

il y a tel qui rendra son Ouvrage plus correct & complet par une seule hacheure, qu’un autre par un grand nombre ; suffit donc de dire qu’il importe de quelle manière, pourveu qu’elle face bien l’effect qu’elle doit.
Et dautant que plusieurs personnes ont voulu mespriser celles qui sont faites par une seule hacheure, je ne feindrai pas de dire qu’ils n’ont pas en cela toute la raison qu’ils croyent, & si bien ils en ont veu quelques pieces faites avec negligence, cela n’empesche pas qu’on ne puisse faire des œuvres merveilleuses par icelle, & extremement agreables à l’œil & tendres, & encore que l’opposition du pur noir au blanc, donne une forte sensation à l’œil, ce n’est pas là où gist le fond de cét Art ; Car il arrive souvent qu’il faut faire en sorte d’exprimer une bonne partie des Couleurs du Tableau par leur brun plus ou moins, selon que ledit Art de la Graveure le pourra permettre.

Il convient aussi suivant l’intention de quelques Autheurs, de ne s’attacher ny assujettir à aucune desdites Couleurs, en supposant que ce qu’on imite ne soit qu’un blanc & noir, ou pour mieux dire un gris & blanc ; Car il est tres-constant, principalement pour les Corps exposez dans le grand jour, comme pourroient estre des Figures de Marbre blanc ou de plastre, que leurs ombres ne paroistroient pas noires, mais au contraire grisastres ; C’est pourquoy je trouve qu’alors qu’en de telles Stampes ainsi sans sujettion de Couleurs, les Ombres sont si noires, elles font mauvais effet à l’œil, à cause que le blanc du papier paraît trop creu pour les Ombres, ou lesdites Ombres pour iceluy. [...]

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la gravure
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la gravure

Quotation

Ainsi ladite regle de la Perspective donnera la connoissance universelle à celuy qui sera exercé à celle du trait & proportion des Corps visibles de la Nature, & aussi d’en composer de son Invention, ensemble au maniement du Pinceau & alliage des Couleurs, à Fraisq, à Destrempe, ou à Huile, de representer tous les Corps imaginables de la Nature, tant en general qu’en particulier, afin que la Copie ou Tableau qui s’en fera, fasse aux yeux de ceux qui le regarderont autant que l’Art & la capacité de l’Ouvrier le peut permettre, la mesme sentation ou vision que feroient lesdits Corps ; Et pour ce faire elle vous donnera non seulement la precision de la place des Contours ou Traits de la plus grande partie desdits Corps ; Mais aussi celle de leurs Jours, Ombres, Ombrages, ensemble l’endroit de la Force & Foiblesse de leurs Touches, Teintes ou Couleurs

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → perspective
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
EFFET PICTURAL → qualité de la lumière

Quotation

Que la couleur d’un reflect n’est jamais simple, mais qu’elle est meslée & compose des especes des autres couleurs
La couleur d’un corps qui se réfléchit sur la surface d’un autre corps ne le tiendra pas de sa couleur propre, mais il sera un meslange par le concours des autres couleurs reflechies qui sont portées en un mesme endroit […] Je dis que par ce meslange des reflects du bleu & du jaune, le poinct de concours sur le corps sphérique, sera coloré de telle sorte, que si le fond estoit blanc, il deviendra verd, parce que l’experience fait voir, que les couleurs jaune & bleue meslées ensemble font un tres beau verd.
Pour quelle raison il arrive tres-rarement que les reflects soient de la couleur du corps sur lequel ils se rencontrent
Il arrive tres rarement que les reflects soient de la mesme couleur que le corps duquel ils partent, ny meme de celuy sur lequel ils se conjointent […].
En quel lieu c’est qu’un reflect sera plus sensible 
[…] La couleur qui se trouvera plus proche du reflect luy imprimera sa teinte plus fortement, & de mesme du contraire.
C’est pourquoi le peintre doit employer dans les reflects de la forme des figures, la couleur des parties des vestements qui seront plus prés de celles des carnations plus voisines : mais il ne faut pas qu’elles paroissent trop distinctes ny trop remarquables, s’il n’y a quelque raison particulière qui y oblige.
Des couleurs refleschies
Toutes les couleurs refleschies sont moins vives & ont moins de force que celles qui prennent leur jour directement, & cette lumiere droite ou incidente, a la mesme proportion avec la lumiere refleschie, que celle qui est entre les puissances lumineuses de leurs causes.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTION DE LA PEINTURE → lumière
MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Maniere de composer les histoires
Des figures qui composent une histoire ; celle qui sera représentée plus proche de l’œil, monstrera un plus grand relief, […]. Cette couleur-là se doit monstrer de plus grande perfection, qui aura moins d'air entr'elle & l'œil qui la considère : & pour cét effet les ombres qui font paroistre les corps opaques plus relevez, paroissent aussi plus fortes et plus obscure de prés que de loin ; […]

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité de la composition
SPECTATEUR → perception et regard
CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

Comme il faut accompagner les couleurs l’une avec l’autre, en sorte que l’une donne de la grace à l’autre
Si vous voulez faire que le voisinage d’une couleur donne de la grace à l’autre avec laquelle elle se confine, servez-vous de la mesme regle qui se remarque dans les rayons du soleil en la composition de l’arc-en-ciel […]
Il y a une autre regle par laquelle on n'a pas dessein de rendre les couleurs plus hautes & plus esclatantes qu'elles ne sont naturellement, mais en les accompagnant & assortissant ensemble, elles s’entredonnent de la grace, comme fait le verd au rouge, & tout au contraire aussi le vert et antipatique au bleu : Il y a encore un second moyen de produire & faire naistre la grace aux couleurs par l’
union & l’assortissement de celles qui ont de la sympathie ensemble, comme l’azur avec le jaune qui est fort pasle, ou avec le blanc, & d’autres semblables […]

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

De la couleur qui ne monstre point de varieté (c’est-à dire, qui paroist tousjours de mesme force sans alteration) quoy que placée en un air plus ou moins espais, ou en diverses distances 
 Il se peut faire que quelquesfois la mesme couleur ne recevra aucun changement, quoy qu'elle soit veüe en des distances diverses […]

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Comment aucune chose ne monstre sa veritable couleur, si elle n’est exclairée d’une autre couleur semblable
On ne sçauroit jamais voir la propre & vraye couleur d’aucune chose, si la lumiere qui l’esclaire n’est entierement de sa couleur mesme : cela se remarque sensiblement dans les couleurs des estoffes, dont les plis esclairez jettant des reflects, ou donnant quelque lumiere aux autres plis opposez, les font paroistre de leur veritable couleur : les feuilles d’or ont le mesme effet, lors qu’elles reflechissent reciproquement leur jour l’une à l’autre, mais si leur clarté venoit d’une autre couleur, l’effet en seroit bien different.

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité de la lumière
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Comme il semble qu’une couleur vienne à recevoir quelque alteration par la rencontre & le parangon de celle qui luy sert de champ,.
Aucune couleur ne paroistra jamais uniforme en ses contours & extremitez, si elle ne se termine sur un champ de sa couleur mesme : cela se void clairement lors que le noir vient à confiner sur un fond blanc, car pour lors chaque couleur prend un plus beau lustre par l’opposition de son contraire, qu’elle ne faisait en son milieu.

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

Que toute couleur qui n’a point de lustre est plus belle en ses parties lumineuses que dans les ombres
Toute couleur est plus belle en ses parties lumineuses que dans les ombres ; & la raison est que la lumière donne la vie, & fait connoistre la qualité des couleurs, au lieu que l’ombre les esteint & offusque leur naturelle beauté, & empêche qu’on ne les discerne: & si on objecte que le noir est plus parfaict dans son ombre que dans sa lumière ; on respondra que le noir n'est pas estimé une couleur.

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Quelle partie de la couleur raisonnablement doit estre plus belle
[…] 
Comme le plus beau doit estre place dans les lumières
Puisque nous voyons que la qualité des couleurs est reconnuë par le moyen de la lumiere : on doit prejuger qu’où il y a plus de lumiere on discerne le mieux la veritable couleur du corps esclairé: & où il y a advantage d’obscurité, que la couleur se va perdant en celle des ombres ; c’est pourquoi le peintre se souviendra de coucher tousjours la plus belle teinte de sa couleur sur les parties esclairées.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

De la varieté qui se remarque en une couleur, selon qu’elle est plus ou moins esloignée de l’œil
Entre les couleurs de mesme nature, celle-là reçoit moins de changement laquelle est moins esloignée de l’œil : la preuve en est, parce que l’air qui se trouve interposé entre l’œil & la chose veuë, l’altere tousjours en quelque maniere, & s’il arrive qu’il y ait l’air en quantité, pour lors la couleur de l’air fort vive fait une forte impression sur la chose veuë, mais n’ayant que peu d’air l’object en sera peu alteré.

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

Des couleurs des choses qui sont esloignées de l’œil
L'air va imprimant sa teinte avec plus de force sur l'object qu'il separe de l'œil, selon qu'il a plus de corps ; tellement que l'air ayant esloigné de l'œil un objet obscur à l'estenduë de deux mille pas, il le teint plus vivement que celuy de mille. Quelqu'un respondra icy, et dira que dans les païsages les arbres de mesme espece se montrent plus sombres de loin que de prés […]

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Des couleurs des ombres 
Souvent il arrive que les ombres dans les corps ombreux ne se continuent pas dans la même teinte de leurs lumieres, et que les ombres seront verdastres, et les lumieres rougeastres, bien que le corps soit de couleurs esgales et uniformes […]

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTION DE LA PEINTURE → lumière

Quotation

De la couleur des montagnes
La montagne qui est esloigné[e] de l'œil se monstera d'un plus bel azur laquelle sera de soy d'une couleur plus obscure, et la plus obscure sera la plus haute et la plus couverte de bois, [...] cette lueur qui se trouve interposée entre l'œil et le noir, laquelle sera plus espurée vers la haute cime, sera d'un azur plus noir et plus excellent, et de mesme du contraire ; [...] et d'un objet blanc le costé qui approchera plus prés des confins du noir paroistra plus blanc ; de mesme paroistront moins blancs, lesquels seront plus esloignez de l'obscur, et l'endroit du noir se monstrera plus obscur, lequel sera plus voisin du blanc […]

Conceptual field(s)

GENRES PICTURAUX → paysage

Quotation

Des apparences superficielles qui sont les premieres à disparoistre par les distances 
La pemiere chose des couleurs qui disparoist dans l’esloignement, c’est le lustre leur plus subtile partie, & comme l’esclat dans les lumieres : la seconde est la lumiere, parce qu’elle est moindre en quantité que ne l’est l’ombre : la troisiesme sont les ombres principales : & pour la derniere, il ne demeure qu’une obscurité mediocre & confuse.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTION DE LA PEINTURE → lumière

Quotation

Divers preceptes touchant la peinture
La superficie de tout corps opaque tient de la couleur de son milieu transparent, qui se trouve interposé entre l'œil et cette même superficie […]. Les termes des corps opaques seront moins sensibles, à proportion qu’ils seront plus loin de l’œil qui les void. La partie du corps opaque sera plus ombrée & plus esclairée, selon qu’elle se trouvera plus voisine, ou du corps ombreux qui l’obscurcit, ou du lumineux qui l’esclaire. La superficie de tout corps opaque participe de la couleur de son object, mais plus ou moins selon que l’object en est plus proche ou plus esloigné ou qu'il fait son impression avec plus ou moins de force. Les choses veuës entre la lumiere et l'ombre, se monstreront d'un plus grand relief que celles qui sont dans l'ombre ou dans la lumiere. Lorsque dans les grands esloignements vous peindrez les choses distinctes & bien terminées, ces choses au lieu de paroistre loin se montreront proches ; c'est pourquoy en vos tableaux faites que les choses y soient peintes avec une telle discrétion qu’elles donnent à connoistre leur esloignement, & si l’objet que vous imitez paroist confus & irrésolu en ses termes, contournez-le aussi de mesme en votre dessein. […]
Il n’est pas besoin de profiler toutes les extremitez d’un corps auquel un autre sert de champ, mais seulement il devra s’en détacher de luy-mesme. […] Une chose se montrera d’autant plus distante & plus destachée d’une autre, qu’elle aura un champ plus different de sa couleur. […]
Entre les choses d’égale hauteur qui soient placées au dessus de l’œil, celle qui sera plus loin de l’œil paroistra plus basse, & de plusieurs qui seront placées plus bas que l’œil, la plus prés de l’œil se monstrera la plus basse, & les paralleles sur les costez iront concourir au poinct de veuë. […] L’air espaissi par quelques broüillards qui s’interposent entre l’œil & son object, en rend les contours douteux & confus, & fait que ce mesme object paroist plus grand qu’il n’est en effect : cela provient de ce que la perspective lineale ne diminue poinct l’angle visuel qui porte à l’œil ses especes, & la perspective des couleurs le pousse & renvoye dans une distance apparente plus grande que la veritable : de sorte que l’une fait retirer loin de l’œil, & l’autre conserve toujoûrs sa grandeur réelle.
C’est une agréable chose à voir que le soleil quand il est à son couchant […], tellement que vous devez prendre de la couleur mesme dont vous peignez le soleil, & la mesler dans les teintes de tous les rehauts des autres corps que vous feignez en estre allumez. 
Il arrive encore assez souvent qu’un nuage paroistra obscur sans recevoir aucune ombre d’un autre nuage destaché de luy […]. Il peut arriver aussi par un effet de la perspective aërée, qu’un nuage obscur vous semblera estre plus haut & plus esloigneé qu’un autre nuage clair & fortement allumé vers l’horizon par les rayons du soleil levant ou couchant.

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → règles et préceptes
CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

[…] je n’ignore pas que dans la Peinture les choses se rendent fort voyantes en deux façons, par la grandeur & par la couleur ; car bien qu’une tâche noire se rende fort visible sur le blanc, les deux couleurs estant entierement differentes, neantmoins si la quantité Geometrique n’y est jointe, l’on aura peine d’en faire le discernement, […] si bien que pour la rendre visible, il faut la grandeur & la couleur […]

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Cru, C'est lors que les corps sont allumez d'un grand jour & que neantmoins l'Ouvrier fait les ombres extrêmement fortes, & qui coupent contre les lumières, sans cet arrondissement & meslange imperceptible qui cause l'agréement a l'œil, aussi telles manieres de peindre offensent la veüe des spectateurs. Il ne se faut pas mesprendre quand on parle des Tableaux & croire que Sec & Crû, soit la mesme chose ; Veu que la maniere seiche est non seulement celle qui a le Dessein descharné, mais qui de surcroit n'est pas chargée de couleurs, le Tableau ayant esté peu couvert de couleurs, avec des stompes (qui sont des Pinceaux esmoussez,) & des broüesses courtes : Où la maniere crue peut estre dite telle, quoy que bien nourrie de couleurs, le deffaut provenait de l'intelligence des lumieres & des ombres.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

D’autres [ndr : peintres] pour les couleurs devenus Idolastres
Ont cherché des Vernis, des Pastels et des Plastres
Non jamais pratiqués et sous ce faux esclat
Ont fait passer pour riche un dessein assez plat

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Mille et mille Tableaux d’excessive valeur
Ont pour fondement, l’esclat de la couleur :
Qui n’est qu’un accident qui peut, ou ne peut estre
En un mesme sujet sans qu’il change son estre […]
{La seule couleur ne suffit pas pour exprimer les passions.}

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

Ils [ndr : les peintres modernes] se sont fait une nouvelle Maistresse, coquette & badine, qui ne leur demande que du fard & des couleurs, pour agreer à la première rencontre, sans se soucier si elle plaira long-temps

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

Par cette troisiesme partie, qui est la Couleur, on ne doit pas seulement entendre le Coloris ; car ce Talent, quoy que fort considerable en un Peintre cede neanmoins à la science des ombres, et des lumières, laquelle est en quelque sorte une branche de la perspective, où le centre du corps lumineux représente l’œil ; et la section qui se fait des rayons sur le plan, ou sur toute autre superficie, exprime precisément le vray contour, et la forme mesme du corps esclairé.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

Quant au Corege sa maniere est differente de celle du Titien, en ce qu’il n’a pas sceu cette harmonie de couleurs, cette belle conduite de lumieres, & cette fraischeur de teintes si admirable qu’on remarque dans les Tableaux du Titien, où il semble qu’on voye du sang dans ses carnations, tant il les represente naturelles. Mais en recompense le Corege a eu l’imagination plus forte, & a desseigné d’un goust beaucoup plus grand & plus exquis ; Et quoy qu’il ne fust pas tout-à-fait correcte dans son dessein, il y a neanmoins de la force & de la noblesse dans tout ce qu’il a fait.

teinte

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

LE DISCIPLE.
[...]
Premierement je dis, au sujet de dessiner correctement à veuë d’œil d’aprés le naturel, une chose que vous sçavez ne devoir estre contestée, (qui est) que les parties d’un objet élevé ou abaissé au dessus de nostre œil ou horizon, & mesme scituées d’un & d’autre costé d’iceluy, apparoissent à l’œil plus petites, & aussi plus foibles en leur force de couleur, d’où resulte que celuy qui n’a eu aucune instruction ny avis, qu’il ne les faut pas ainsi diminuer, ne manquera pas de les diminuer & affoiblir

Il s'agit ici de la capacité du peintre à bien observer les couleurs des objets à représenter, qui peuvent être plus ou moins fortes selon la position de ces derniers par rapport à la ligne d'horizon.

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → qualités

Quotation

LE DISCIPLE.
Je vous diray que j’ay commencé à peindre depuis un an, premierement de Grizazille ou de blanc & noir à l’huile, d’aprés des Sculptures & sujets d’histoires de ma composition ; & ensuitte avec des couleurs depuis huit mois ou environ : pratique en laquelle je me trouve un peu entrepris, non lors qu’il s’agit de copier ou imiter des Tableaux colorez, mais le naturel, & sur tout en grand.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la peinture
L’ARTISTE → apprentissage

Quotation

[ndr : LE DISCIPLE]
Pour donc, Monsieur, en revenir à ce maniement de Peinceau & de Couleurs, afin de bien exprimer cette rondeur de Boule , Monsieur Bosse me fit entendre que pour representer de Peinture une supperficie ou surface platte, on couche d'ordinaire sa Couleur en menant le Peinceau de plat parallellement aux costez d'icelle, du droit tirant vers le gauche, ou de haut vers le bas, & le plus uniement & également noury de Couleur que l'on peut ; mais qu'il n'en estoit pas ainsi d'une Boule ou autre objet, qui tient du courbe ; car supposant comme j'ay dit, que la ligne Horizontale ou du Plan de l’œil, passe environ en la moitié de cette Boule, de force qu'il y ait autant ou approchant au dessus d'icelle ligne, qu'en dessous ; il faut premierement appliquer en sa place la couleur claire, puis celle des demies teintes, teintes, & ombres
; en maniant le Peinceau ou Broisse, du sens Perspectif que vont les Cercles Perspectifs que l'on peut concevoir tracez sur ladite Boule, premierement paralellement à l'horizon puis d'autres verticaux aussi Perspectifs, qui luy soient perpendiculaires en coupes & encore d'autres inclinez comme ceux d'une Sphere ; autrement on auroit trop de peine pour luy faire faire son effet de rondeur, & pour vous témoigner, Monsieur, comme lors que vous regardez cette Boule y jettant le rayon de vostre œil dessus, elle vous semble estre un peu de forme Ovale ou Eliptique, faite en sorte de regarder fixement en cét endroit qui est son veritable point de veuë, & vous verrez qu’elle vous fera l’effet que vous doit faire une Boule naturelle ou de relief veuë de cét endroit.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la peinture
EFFET PICTURAL → perspective

Quotation

BOSSE.
Vous le verrez bien mieux, quand sur cette Table divisée par des quarrez en forme d’Echiquier, j’auray mis dessus à discretion ou de sujettion ces modelles ou objets, & en suitte entre l’œil de celuy qui les regarde & eux, mis aussi cette Glace avec son quadre sur laquelle on peut une fois supposer qu’ils soient peints dessus, ou bien que de ces solides ou modelles, il en part des rayons qui allant chacun en ligne droite rencontrer l’œil du regardant, en passant dans cette Glace sans perdre leur ligne droite & forme piramidale ; ils y traceront dessus la representation perspective de leurs traits ou contours, & la place de leurs jours, ombres & ombrages
, car vous jugez bien, Monsieur, qu’en ce qui concerne la force & foiblesse de leurs couleurs, pour l’expression du relief, que si celle de ces solides couloit aussi du long de ces rayons, & qu’elle s’arrestast sur cette Glace, qu’elle n’y feroit point à l’œil l’effet de relief, puis qu’elle seroit de la force & couleur que la naturelle ; c’est pourquoy, Messieurs, il faut entendre que l’espesseur de l’air qui est plus ou moins grande de l’objet à l’œil, fait que la sensation de la couleur luy apparoist plus ou moins forte ou foible, en ce qui pourtant ne se doit encore regler par la vision qu’en reçoit l’œil, mais sur ce que les couleurs sont plus ou moins éloignées de la Baze du Tableau ou Glace, ayant conçeu le tout reglé par des coupes paralelles au plan ou supperficie du Tableau.
Car de dire qu’il faut que la couleur des objets soit representée plus foible au Tableau selon qu’ils sont plus éloignez de l’œil

Le terme "couleur" est lié à la représentation du relief et de l'éloigenement de l'oeil de objets.

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

{XXXI. Conduite des Tons, des Lumières & des Ombres.} 
Il faut donc que les corps ronds, qui sont veus vis-à-vis en angle droit, soient de couleurs vives & fortes, & que les extremitez tournent en se perdant insensiblement & confusément, sans que le Clair se precipite tout d'un coup dans l'Obscur, ny l'Obscur tout d'un coup dans le Clair : il se fera un passage commun & imperceptible des Clairs dans les Ombres & des Ombres dans les Clairs. Et c’est conformément à ces principes qu’il faut traiter tout un Grouppe de Figures, quoy que composé de plusieurs parties ; de mesme que vous feriez une seule teste, soit qu’il y ait deux Grouppes, ou mesme trois (*ce qui sera tout au plus) si vôtre composition le demande, & prenez garde qu’ils soient détachez les uns des autres : Enfin, vous ménagerez si bien les Couleurs, les Clairs & les Ombres, *que vous fassiez paroître les corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, qui ne luy permettent pas si-tost d’aller plus loing, & qui la font reposer pour quelque temps, & que reciproquement vous rendiez les Ombres sensibles par un Fond éclairé.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → lumière
CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

{XLIII. Le choix de Lumiere.} 
*C’est travailler en vain que de prendre dans les Tableaux un grand Jour de midy, veu que nous n’avons point de Couleurs qui puissent jamais y atteindre : mais il est plus à propos de prendre une Lumiere plus foible, comme celle du Soir, dont le Soleil dore les campagnes, ou celles du Matin, dont la blancheur est moderée, ou celle qui paroist apres une Pluye, lors que le Soleil ne nous la donne qu’au travers des nuages, ou pendant un tonnerre, que les nuées nous la dérobent, & nous la font paroistre rougeastre.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → lumière
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

256. [La Cromatique.] La troisième & derniere Partie de la Peinture s’appelle Cromatique, ou Coloris. Elle a pour objet la Couleur : c’est pourquoy les Lumieres & les Ombres y sont aussi comprises, qui ne sont autre chose que du Blanc & du Brun, & par consequent qui ont rang parmy les Couleurs. […] Disons donc, Que la Cromatique fait ses observations sur les Masses ou Corps des Couleurs, accompagnées de Lumieres & d’Ombres plus ou moins évidentes par degrez de diminution, selon les accidens, premierement du Corps lumineux, comme du Soleil ou d’un flambeau ; secondement du Corps diaphane, qui est entre nous & l’objet, comme l’Air pur ou épais, ou une vitre rouge, &c. 3. du Corps solide illuminé, comme une Statuë de marbre blanc, un arbre vert, un cheval noir, &c. 4. de la part de celuy qui regarde le Corps illuminé le voyant de loin ou de prés, directement en ange droit, ou de biais en angle obtus, de haut en bas, ou de bas en haut. Cette Partie dans la connoissance qu’elle a de la valeur des Couleurs, de l’amitié qu’elles ont ensemble, & de leur antipathie, comprend la Force, le Relief, la Fierté, & ce Precieux que l’on remarque dans les bons Tableaux. Le maniement des Couleurs & le travail dépendent encore de cette derniere Partie.

Conceptual field(s)

Quotation

282. [Que vous fassiez paroistre les Corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, &c.] C’est à dire proprement, qu’apres de grands Clairs il faut de grandes Ombres, qu’on appelle des Repos ; parce que effectivement la veuë seroit fatiguée, si elle estoit attirée par une continuité d’objets petillans. Les Clairs peuvent servir de repos aux Bruns, comme les Bruns en servent aux Clairs. […]
Ces Repos se font de deux manieres, dont l’une est Naturelle, & l’autre Artificielle : La Naturelle se fait par une étenduë de Clairs ou d’Ombres, qui suivent naturellement & necessairement les Corps solides, ou les Masses de plusieurs Figures agrouppées lors que le jour vient à frapper dessus : Et l’Artificielle consiste dans les Corps des Couleurs que le Peintre donne à de certaines choses telles qu’il luy plaist, & les compose de telle sorte, qu’elles ne fassent point de tort aux Objets qui sont auprés d’elles. Une Draperie par exemple que l’on aura fait jaune ou rouge en certain endroit, pourra estre dans un autre de Couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l’effet que l’on demande. L’on doit prendre occasion autant qu’il est possible de se servir de la premiere Maniere, & de trouver les Repos dont nous parlons par le Clair ou par l’Ombre, qui accompagnent naturellement les Corps solides […] 
Ainsi le Peintre qui a de l'intelligence prendra ses avantages de l'une & de l'autre Maniere ; & s'il fait un Dessein qui doive estre gravé, il se souviendra que les Graveurs ne disposent pas des Couleurs, comme font les Peintres, & que par consequent il doit prendre occasion de trouver les Repos de son Dessein dans les Ombres naturelles des Figures, qu'il aura disposées à cet effet. Rubens en donne une parfaite connoissance dans les Estampes qu'il a fait graver ; & je ne croy pas que l'on puisse rien voir de plus beau en ce genre : Toute l'intelligence des Grouppes, du Clair-Obscur & de ces Masses que le Titien appelloit
la Grappe de Raisin, y est si nettement exposée, que la veüe de ces Estampes & l'attention que l'on y apporterait contribueraient beaucoup à faire un Habile-homme. […]
Ce n'est pas que les Graveurs ne puissent & ne doivent imiter les Corps des Couleurs par les degrez du Clair-Obscur, autant qu'ils jugeront que cela doit produire un bel effet ; au contraire il est à mon avis, impossible de donner beaucoup de force à tout ce que l'on gravera d'après les Ouvrages de l'Ecole de Venise, & de tous ceux qui ont eu l'intelligence des Couleurs & du Contraste du Clair-Obscur, sans imiter en quelque façon la Couleur des Objets selon le rapport qu'elle a aux degrez du Blanc & du Noir. […]

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la gravure
CONCEPTION DE LA PEINTURE → dessin

Quotation

332. [Mais pour le Noir tout pur, il n’y a rien qui s’approche davantage.] […] C'est la couleur la plus pesante, la plus terrestre, la plus sensible […] le Noir fait toûjours bon effet sur le devant, quand il est mis fort à propos & avec prudence. Il faut donc tellement disposer les Corps que l'on veut tenir sur le devant du Tableau, que l'on n'y voye point ces sortes de trous, & que les Noirs y soient par Masses & confondus insensiblement. [...]
Ce qui donne le relief à la boule (me dira quelqu’un) est l’éclat ou le Blanc, qui est ce semble sur la partie la plus proche de nous ; & par consequent le Noir est fuyant.
[…] Le Brun que l’on mesle dans les tournans de la boule, les fait fuïr, en les confondant plûtost (pour ainsi dire) qu’en les noircissant. Et ne voyez-vous pas que les Reflets sont un artifice du Peintre, pour rendre les tournans plus legers, & que par ce moyen le plus grand Noir demeure vers le milieu de la boule, pour soûtenir le Blanc, & faire qu’elle nous trompe plus agreablement.
Ce Precept du Blanc & du Noir est de si grande consequence, qu’à moins d’estre exactement pratiqué, il est impossible qu’un Tableau fasse un grand effet : que les Masses en soient débroüillées, & que les Distances d’enfoncement s’y fassent remarquer du premier coup d’œil & sans peine. […]
L’effet d’un Tableau ne vient donc pas seulement du Clair-Obscur, mais encore de la nature des Couleurs. J’ay crû qu’il n’estoit pas hors de propos de dire icy les qualitez de celles dont on se sert ordinairement, & que l’on appelle Couleurs capitales ; parce qu’elles servent à faire la composition de toutes les autres, dont le nombre est infiny.
L’Occre de Rut est une Couleur des plus pesantes.
L’Occre-jaune ne l’est pas tant, parce qu’il est plus clair.
Et le Massicot est fort leger, parce que c’est un Jaune tres-clair & qui approche fort du Blanc.
L’Outremer, ou l’Azur, est une Couleur fort legere & fort douce.
Le Vermillon est entierement opposé à l’Outremer.
La Laque est un milieu entre l’Outremer & le Vermillon, encore est-elle plus douce que rude.
Le Brun-rouge est des plus terrestres & des plus sensibles.
Le Stil de grain est une Couleur indifferente, & qui par le mélange est fort susceptible des qualitez des autres Couleurs : Si vous y meslez du Brun-rouge, vous ferez une Couleur des plus terrestres ; mais si au contraire, vous le joignez avec le Blanc ou le Bleu, vous en aurez une Couleur des plus fuyantes.
La Terre verte est legere ; elle est un milieu entre l’Occre-jaune & l’Outremer.
La Terre d’ombre est extremement sensible & terrestre ; il n’y a que le noir extréme qui luy puisse disputer.
De tous les Noirs celuy-là est le plus terrestre qui s’éloigne le plus du Bleu.
Selon le Principe que nous avons estably du Blanc & du Noir, vous rendrez chacune de ces Couleurs que je viens de nommer, d’autant plus terrestre & plus pesante, que vous y joindrez du Noir, & d’autant plus legere que vous y meslerez de Blanc. […]

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

361. [Que jamais deux extremitez contraires, &c.] Le Sens de la veuë a cela de commun avec tous les autres, qu’il abhorre les extremitez contraires. Et de mesme que les mains qui ont grand froid, souffrent beaucoup lors qu’on les approche tout d’un coup du feu ; ainsi les yeux qui trouvent un extreme Blanc auprés d’un extreme Noir, ou un bel Azur auprés d’un Vermillon ardent, ne sçauroient regarder ces extremitez qu’avec peine, quoy qu’ils y soient toûjours attirez par l’éclat des deux contraires.
Ce Precepte oblige de sçavoir les Couleurs qui ont amitié ensemble, & celles qui sont incompatibles ; ce que l’on pourra aisément découvrir en mélant ensemble les Couleurs dont on veut faire épreuve : & si par ce mélange elles font une Couleur douce & qui ne soit point desagreable aux yeux, c’est une marque qu’il y a de l’union & de la sympathie entr’elles ; si au contraire la Couleur qui sera produite du mélange des deux autres, est rude à la veuë, il faut conclure qu’il y a de la contrarieté & de l’antipathie entre ces deux Couleurs. Le Vert par exemple est une Couleur agreable, qui peut venir du Bleu & du Jaune mélez ensemble, & par consequent le Bleu & le Jaune sont deux Couleurs qui sympathisent. Et tout au contraire le mélange du Bleu & du Vermillon ont une antipathie ensemble ; & ainsi des autres couleurs, dont vous pouvez faire essay, & vous éclaircir une fois pour toutes. […] L’on peut neantmoins passer par dessus ce Precepte, quand on n’a qu’une ou deux Figures à traiter, & que parmy un grand nombre on en veut faire remarquer quelqu’une, qui est des principales du Sujet, & qui autrement ne pourroit se faire remarquer par dessus les autres. Titien dans le Tableau qu’il a fait du Triomphe de Bacchus, ayant placé Ariadne sur l’un des costez du Tableau, & ne pouvant pour cette raison la faire remarquer par les éclats de la lumiere qu’il a voulu conserver dans le milieu, il luy a donné une écharpe de Vermillon sur une Draperie bleuë, tant pour la détacher de son fonds qui est déjà une mer bleuë, qu’à cause que c’est une des principales Figures du Sujet, sur laquelle il veut que l’œil soit attiré. Paul Veronese dans sa Noce de Cana, parce que le Christ, qui est la Principale Figure du Sujet, est un peu enfoncé dans le Tableau, & qu’il n’a pû le faire remarquer par le brillant du Clair-Obscur, il l’a vestu de Bleu & de Vermillon, pour faire que la veuë se portast sur cette Figure.
Les Couleurs ennemies se pourront d’autant plus allier, que vous y meslerez d’autres Couleurs qui auront de la sympathie l’une avec l’autre, & qui s’accorderont avec celles que vous voudrez, pour ainsi dire, reconcilier.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

365. [C’est travailler en vain que de, &c.] Il a dit ailleurs ; Cherchez tout ce qui aide vostre Art & qui luy convient, fuyez tout ce qui luy repugne. C’est le Precepte LIX. Si le Peintre veut arriver à sa fin, qui est de tromper la veüe, il doit faire choix d’une Nature qui s’accorde à la foiblesse de ses Couleurs ; puisque ses Couleurs ne peuvent pas s’accorder à toute sorte de Nature. Ce Precepte doit estre particulierement considerable à ceux qui font des Païsages.

Conceptual field(s)

GENRES PICTURAUX → paysage

Quotation

382. [Que vos Couleurs soient vives, sans pourtant donner, comme on dit, dans la farine.] Donner dans la farine c’est une façon de parler parmy les Peintres, qui exprime parfaitement ce qu’elle veut dire, qui n’est autre chose que de peindre avec Couleurs claires & fades tout ensemble, lesquelles ne donnent non plus de vie aux Figures, que si effectivement elles estoient frottées de farine. Ceux qui font leurs Carnations fort blanches & leurs Ombres grises ou verdastres, tombent dans cette inconvenient. Les Couleurs rousses dans les Ombres des chairs les plus delicates, contribuent merveilleusement à les rendre vives, brillantes & naturelles : mais il en faut user avec la mesme prudence dont le Titien, Paul Ver. Rubens & Vandeik se sont servis.
Pour conserver les Couleurs fraisches, il faut peindre en mettant toûjours des Couleurs, & non pas en frottant apres les avoir couchées sur la toile ; & s’il se pouvoit mesme faire qu’on les mist justement dans leurs places, & que l’on n’y touchast point quand on les y a une fois placées, il seroit encore mieux ; parce que la fraischeur des Couleurs se ternit & se perd à force de les tourmenter en peignant.
Tous ceux qui ont bien colorié, avoient encore une autre Maxime pour maintenir les Couleurs fraisches, vives & fleuries ; c'estoit de se servir de Fonds blancs, sur lesquels ils peignoient, & souvent mesme au premier coup, sans rien retoucher, & sans y employer de nouvelles Couleurs. Rubens s'en servoit toûjours ; & j'ay veu des Tableaux de la main de ce grand Homme faits au premier coup, qui avoient une vivacité merveilleuse. La raison que ces excellens Coloristes avoient de se servir de ces sortes de Fonds, est que le Blanc conserve toûjours un éclat sous le transparant des Couleurs, lesquelles empeschent que l'air n'altere la blancheur du Fonds, de méme que cette blancheur repare le dommage qu'elles reçoivent de l'air ; de maniere que le Fonds & les Couleurs se prestent un mutuel secours, & se conservent l'un l'autre. C'est par cette raison que les Couleurs glacées ont une vivacité qui ne peut jamais estre imitée par les Couleurs les plus vives & les plus brillantes, dont à la maniere ordinaire & commune on couche simplement les differentes teintes, chacune dans leur place les unes apres les autres : tant il est vray que le Blanc avec les autres Couleurs fieres, dont on peint d'abord ce que l'on veut glacer, en sont comme la vie & l'éclat. Les Anciens ont asseurement trouvé que les Fonds blancs estoient beaucoup meilleurs que les autres : puisque nonobstant l'incommodité que leurs yeux recevoient de cette Couleur, ils ne laissoient pas de s'en servir, […] Je ne sçay d'où vient que l'on ne s'en sert pas aujourd'huy, si ce n'est qu'il y a peu de Peintres curieux de bien colorier, ou que l'ébauche commencée sur le Blanc ne se montre pas assez viste, & qu'il faut avoir une patience plus que Françoise, pour attendre qu'elle soit achevée, & que le Fond qui ternit par sa Blancheur l'éclat des autres Couleurs, soit entierement couvert, pour faire paroistre agreablement tout l'Ouvrage.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Je desirois vous dire quelque chose de fixe touchant les Couleurs, & en faire une regle infaillible, pour l’appliquer generalement à la disposition de chaque sujet selon son exigence naturelle, mais comme dans chaque espece les individus sont innombrables, & qu’il est impossible d’en trouver deux qui soient toutafait semblables dans la carnation, dans les traits, & dans les autres parties qui les composent, il faudroit parler d’autant de couleurs differentes dans la Nature. Il faut donc que le Peintre judicieux prenne cette regle de luy-mesme, & qu’il soit son propre maistre en cette occasion.

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → règles et préceptes
MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

[…] les couleurs principalles dont nous nous servons, sont le blanc de plomb, qui est le plus beau de tous, la terre rouge, la terre jaune, la terre verte, la laque, le stil de grum, le noir d’os & de charbon, par le mélange desquelles on fait des teintes admirables qui approchent de la chair. On se sert aussi d’outremer, qui est une couleur excellente, non seulement pour les draperies, mais aussi pour la carnation, ayant la propriété de conserver l’éclat et la vivacité de toutes les autres couleurs, avec quoy on la mesle. La lasque fine & le vermillon sont encore fort bons pour bien imiter la chair, & sur toute la chair des femmes qui est plus fraische et plus delicate que celle des hommes. […]

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Après avoir fait le fonds du Tableau, qui est pour l’ordinaire un Ciel, un Paysage, quelque Drapperie, ou quelque Architecture afin d’unir les figures, notre disciple fera la principale la première, ou bien il commencera par celles qui doivent paroistre les plus éloignées de la veüe prenant garde que les teintes ne soient trop fortes & qu’elles tiennent un peu du fonds, & reservant ses plus vives couleurs pour les figures les plus proches de la veüe, & ses plus riches pour la principale, qui doit donner plus d’éclat au Tableau.
Si les figures les plus proches doivent estre éclairées, il y appliquera son clair plus fort qu’à tout le reste du Tableau ; & si elles doivent estre ombrées, il y employra de mesme son brun le plus fort, & le plus agreable à la veüe, adoucissant cét excez de force avec jugement : car ce n’est ny le grand clair, ny le grand brun, qui font ce bel effet qu’on admire dans les Tableaux, mais le meslange judicieux des couleurs, & la conduite du Peintre à les appliquer selon la convenance naturelle de son sujet.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs
EFFET PICTURAL → perspective

Quotation

Tous ces divers coloris se font avec leurs couleurs propres, en y mélant du blanc pour les clairs, du stil de grum pour les bruns, & de la laque & du noir d’os pour les plus forts des bruns.
Mais remarquez s’il vous plait, que toutes ces Couleurs, c’est à dire la laque, le stil-de-grum, l’inde, le noir d’os, la couleur jaune, la terre rouge, & l’outremer ne se seichent point naturellement, sans y mesler un peu de verdet, ou de l’huile grasse, qui est tres propre & l’unique moyen pour cela. Car le verd-de gris estant tres-pernicieux aux Couleurs, on fera bien de ne s’en servir jamais.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Que pensez-vous [ndr : Pymandre] que soient en comparaison du dessein toutes les autres parties, dont vous avez parlé avec tant d’éclat ; comme la bienséance, c’est à dire, la maniére de traitter l’Histoire avec toute la vraysemblance qu’elle demande ; la Perspective mesme, si vous voulez ; & j’y ajousteray encore les couleurs, & la maniere de traitter les jours et les ombres que j’estime beaucoup ? Toutes ces choses ne sont rien au prix du dessein, parce qu’elles ne subsistent que sur cette premiére partie, sans laquelle un Ouvrage ne peut estre plein que de grands défauts. [...] Voilà en quoy consiste le dessein : c’est luy qui marque exactement toutes les parties du corps humain, qui découvre ce qu’un Peintre sçait dans la science des os, des muscles, & des veines ; c’est luy qui donne la ponderation aux corps pour les mettre en équilibre, & empescher qu’il ne semblent tomber, & ne pas se soustenir sur leur centre ; c’est luy qui fait paroistre dans les bras, dans les jambes, & dans les autres parties, plus ou moins d’effort, selon les actions plus fortes ou plus foibles qu’ils doivent faire ou souffrir ; c’est luy qui marque sur les traits du visage toutes ces differentes expressions qui découvrent les inclinations & les passions de l’ame ; c’est enfin luy qui sçait disposer les vestemens, & placer toutes les choses qui entrent dans une grande ordonnance, avec cette symmetrie, cette belle entente, & cét Art merveilleux, que l’on admire dans les travaux des plus grands hommes, sans que les couleurs mesmes soient necessaires pour faire comprendre ce qu’ils ont voulu representer.

Sans les opposer et tout en indiquant bien qu’il a une grande « estime » pour elles, Félibien place ici les couleurs comme une des parties de la peinture, laissant au seul dessin le statut de fondement.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

Le Coloris a pour objet la couleur, la lumiere & l’ombre ; car c’est en mettant les couleurs qu’on observe l’amitié ou l’antipatie qui est entre elles ; leur union & leur douceur. Qu’on regarde comment il faut donner de la force, du relief, de la fierté, & de la grace aux Tableaux. Qu’on fait des remarques sur les lumieres plus ou moins evidentes, & en degrez de diminution sur les corps accompagnez de lumieres & d’ombres, selon les accidens du lumineux, du diaphane, de la nature du corps illuminé, de l’aspect de celuy qui regarde, & des reflez en differens degrez.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Bonnes Couleurs. Lors qu’on dit d’un Tableau, que les Couleurs en sont bonnes cela ne signifie pas pour l’ordinaire qu’elles soient d’une matiere plus exquise que celle d’un autre ; mais que le choix de la distribution, & la rencontre des unes auprés des autres, en est plus excellent.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Vous voulez bien que je vous demande, interrompit Damon; en quoy consiste la beauté, & la surprise de ce premier coup d'oeil : II consiste, répondit Pamphile, dans une parfaite intelligence des couleurs, des lumières, & des oppositions ; & ce n'est point par ce manque d'intelligence que l'on doit loüer les Ouvrages de Raphaël. J'entens ceux où elle ne se fait point sentir cette intelligence: [...].

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
EFFET PICTURAL → qualité de la lumière
CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Quotation

Je veux dire, continua Leonidas, que la Peinture ayant pour objet toutes les choses visibles, & que les choses n'estant visibles que par la couleur, le Peintre ne doit considérer que la seule couleur, en faire un bon choix, l'a bien imitée, en sçavoir les accords & les oppositions, & s'en servi d'une main libre & aisée.

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → règles et préceptes
L’ARTISTE → qualités
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Le Peintre qui doit aller plus avant & qui est un parfait imitateur de la Nature, ne doit pas seulement demeurer dans cette partie comme dans son terme: (car il ne seroit jamais Peintre) mais il doit en avoir une habitudes consommée pour n'estre point embarrassé dans la recherche des parties qui le font Peintre, & pour manier a son gré la couleur : car c'est elle qui trompe les yeux, qui donne la derniere perfection à ses Ouvrages.

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → règles et préceptes
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai
CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Quotation

La fin du Peintre &: du Sculpteur est donc l’imitation ; mais ils y arrivent par de différentes voyes, le Sculpteur par la matière solides en imitant la quantité, & le Peintre par la couleur en imitant & la quantité, & la qualité des objets en sorte qu'il est obligé non seulement de plaire aux yeux comme le Sculpteur ; mais encore de les tromper dans tout ce qu’il représente.

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → règles et préceptes
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Quotation

Et cela est si vray, que les expressions que vous appeliez l'ame de la Peinture, ne seroient pas tant estimées dans la Chasse aux lions, & dans l' Andromède, si le sang qui est retiré de dessus le visage de ceux qui font attaquez par ces animaux, n'y laissoit voir la peur beaucoup mieux imprimée par la couleur que par le dessin.

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
EFFET PICTURAL → qualité du dessin

Quotation

La derniere partie de la Peinture & celle qui distingue le Peintre d'avec le Sculpteur, est le Coloris, qui n'est autre chose que l'intelligence des couleurs.

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Le Clair-obscur regarde les objets particuliers, les Groupes de & le Tout-ensemble. Rubens avoit pour maxime dans les objets particuliers exposez sous une lumiere ordinaire, d'éclairer d'autant plus les endroits relevez, qu'ils avoient de saillie, & la pluspart des figures qui sont en ces Tableaux ne font le bel effet que vous voyez, que parce que le Peintre les a traitez dans ce principe.

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → règles et préceptes
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Quotation

Apres vous avoir parlé du Clair-obscur qui est le fondement du Coloris, il ne me reste plus qu'à vous dire deux mots de la couleur, laquelle se considère de trois façons : ou dans son unité & par rapport à l'objet qu'elle représente, ou dans sa pluralité & par rapport à l'union que les couleurs doivent avoir les unes avec les autres, ou enfin dans son opposition.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

Dans l'imitation des objets particuliers, le grand secret n'est point de faire en sorte qu'ils ayent leur véritable couleur, mais qu'ils paroissent l'avoir : car les couleurs artificielles ne pouvant atteindre à l'éclat de celles qui sont en la Nature, le Peintre ne peut les faire valoir que par comparaison.

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → règles et préceptes
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Quotation

Ainsi pour loüer les tableaux, qui n'estant que peu travaillez font parfaitement leur effet dans leur distance; ce n'est pas à dire qu'on doive blasmer les Peintres qui ont fini de grands tableaux, comme s'ils devoient estre veus de prés, on peut ignorer les raisons qu'ils ont euës d'en user de la sorte : Pourveu que le Peintre ait la discretion de ne point salir les couleurs à force de les méler ensemble, ou pour parler comme parlent les Peintres, de les tourmenter, & que le Tableau conserve de loin beaucoup de force & de fraischeur, on ne doit luy rien reprocher. La seconde raison est, que pour bien finir il faut lier plusieurs teintes de couleurs différentes, en les peignant & les mêlant ensemble, & que ce mélange diminuë beaucoup de la vivacité & de l'éclat des couleurs, principalement quand le tableau est un peu éloigné, en sorte que ce qui semble de prés estre frais & terminé, se ternit dans une distance raisonnable. La démonstration en est facile à faire. Prenez les couleurs les plus belles, comme un beau rouge, un beau jaune, un beau bleu, un beau verd, & les mettez separément les unes auprès des autres, il est certain qu'elles conserveront leur éclat & leur force en particulier & toutes ensemble : que si vous les mélez vous n'en ferez qu'une couleur de terre. C'est ce qui a fait que Rubens s'est dispensé autant qu'il a pu de noyer ses couleurs, & comme on dit ordinairement, de les tourmenter, se contentant de les mettre en leur place & de ne les méler qu'à proportion de la distance du Tableau, car c'est d'elle de qui il attendoit en cela un fort grand service.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la peinture
CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

Si un Peintre a du génie, repartit Caliste, & qu'il sçache dessiner, il n'a qu'à se moquer du reste. J'ay oui dire à l'un des plus habiles Peintres qui jamais ait esté, que toutes ces intelligences de couleurs & de lumières, n' estoient qu'une pure illusion.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition

Quotation

Ainsi dans un Ouvrage de Peinture ce n'est point assez qu'il y ait du feu & de l'imagination, ny que la justesse du dessin s'y rencontre, il y faut encore beaucoup de conduite au choix des objets, des couleurs & des lumières, si vous desirez qu'on trouve dans les Tableaux comme dans les Poëmes l'imitation de la Nature accompagnée de quelque chose de surprenant & d'extraordinaire; ou plustost ce merveilleux & ce vraysemblable, qui fait toute la beauté de la Peinture & de la Poesie.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai
CONCEPTS ESTHETIQUES → merveilleux et sublime

Quotation

Aussi ne voit on personne qui rétablisse la beauté des couleurs, que les Romains nomment Cromatique, & qui la remettent en vigueur au point que l’a porta Zeuxis, lorsque par cette partie, qui est pleine de charmes & de magie & qui sçait si admirablement tromper la veuë qui se rendit égal au fameux Apelles, le Prince des Peintres, & qu’il merita toûjours la reputation qu’il s’est établie par tout le monde.
Et comme cette partie [ndr la chromatique], que l’on peut dire la fin & le dernier achevement de la Peinture, est une beauté trompeuse, mais flateuse & agreable, on l’accusoit de produire sa sœur, & de nous engager adroitement à l’aimer : Mais tant s’en faut que cette prostitution, ce fard, & cette tromperie l’ayent jamais deshonoré, qu’au contraire elles n’ont servy qu’à sa loüange, & à faire voir son merite ; il sera donc tres avantageux de la connoistre.

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

La lumiere produit toutes sortes de couleurs, & l’ombre n’en donne aucune, plus un corps nous est directement opposé & proche de la lumiere, & plus il est éclairé ; parce que la lumiere s’affoiblit en s’éloignant de sa source.
Plus un corps nous est directement opposé & proche des yeux, d’autant mieux se voit-il, car sa veuë s’affoiblit en s’éloignant des objets.
Il faut donc que les corps ronds, qui sont vis à vis en angle droit, soient de couleurs vives & fortes, & que les extremitez tournent en se perdant insensiblement & confusément, sans que le clair se precipite tout d’un coup dans l’ombre, ny l’obscur tout d’un coup dans le clair ; mais il se fera un passage commun & imperceptible des jours dans les ombres, & des ombres dans les jours, & c’est conformément à ces principes qu’il faut traiter tout un grouppe de figures, quoy que composée de plusieurs parties, de mesme que vous feriez une seule teste, soit qu’il y ait deux grouppes, ou mesme trois. Ce qui sera tout au plus, si vostre composition le demande, & prenez garde qu’ils soient détachez les uns des autres : Enfin vous ménagerez si bien les couleurs, les clairs & les ombres, que vous fassiez paroistre les corps éclairez par des ombres, qui arrestent la veuë, qui ne luy permettent pas si tost d’aller plus loin, & qui la font reposer pour quelque temps.
Et que reciproquement vous rendiez les ombres sensibles par un fond éclairé. Vous donnerez le relief & la rondeur aux corps de la mesme façon que le miroir comme vous le montre, dans lequel nous voyons les figures & toutes les autres choses qui avancent plus fortes & plus vives que le naturel même, & que celles qui tournent soient de couleurs rompuës, comme estant moins distinguées, & plus proches des extremitez qui representent les bords.
Le Peintre & le Sculpteur travaillent donc d’une mesme intention, & avec la mesme conduite, & de mesme dessein.
Car ce que le Sculpteur abbat & arrondit avec le fer, le Peintre le fait de son Pinceau, chassant derriere ce qu’il fait moins paroistre par la diminution & la rupture de ses couleurs, & tirant en dehors par les teintes les plus vives & les ombres les plus fortes. Ce qui est directement opposé à la veuë, comme estant plus sensible & plus distinguée ; & enfin mettant sur la toille nüe les couleurs qu’il empruntera du naturel, qu’il ne doit voir que d’un seul endroit & d’un mesme coup d’œil : en sorte que sans se remuer, il semble tourner autour de la figure qu’il represente.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité de la lumière

Quotation

Valeurs des couleurs.
[ndr voir la liste des prix des pigments et de marchands qui les vendent]

La Fontaine donne ici la liste des prix des pigmants et des marchands qui les vendent

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Il est vray, repris-je qu’un sçavant homme peut donner à ses figures par le beau choix de la forme, & l’intelligence des couleurs, plus de beauté & de grace que l’on n’en voit d’ordinaire dans les belles personnes, parce que quelques belles qu’elles soient, elles ne seront jamais si accomplies que le peut estre une figure d’un excellent Peintre. Neanmoins quelque effort que puisse faire ce sçavant homme, il n’y aura point dans ses Tableaux tant de relief qu’on en voit dans le naturel, à cause que la force des couleurs est limitée, & ne peut faire paroistre à la veuë une rondeur pareille à celle que l’on voit dans la Nature.

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Quotation

Il n’est pas icy question, luy [Pymandre] repartis-je, de discourir des couleurs à la manière des Philosophes, ny de nous arrester à leurs diverses opinions. Nous devons considerer les couleurs de la sorte que les Peintres les considerent. C’est-à-dire qu’il faut parler en premier lieu des couleurs qui s’employent, soit à l’huile, soit à la détrempe, qui sont des matieres réelles, & terrestres : En second lieu de celles qui paroissent dans les objets de la Nature.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Je dis donc que si dans les choses naturelles, c’est la forme qui maintient l’estre, & qui est principe de leur durée, il en est tout autrement dans les ouvrages de l’art, où la matière conserve leur forme, & les fait résister plus ou moins à l’effort des années. C’est pourquoy les Peintres qui veulent que leurs ouvrages se conservent plus long-temps, ne doivent pas negliger de travailler sur des fonds durables, & avec des couleurs qui ne passent point. Il est vray qu’ils n’ont pas toujours la liberté de choisir le fond de leurs Tableaux, estant obligez de travailler, tantost sur des murailles, tantost sur du bois, & souvent sur de la toile ; mais il est toujours dans leur pouvoir d’apporter beaucoup de soin à preparer ces divers fonds, & à chercher les couleurs qui sont les meilleures. Ainsi quand on peint à fraisque, c’est au Peintre à prendre garde que l’enduit soit de bonne chaux & de bon sable, & à faire provision des couleurs propres pour ces sortes d’ouvrages, parceque celles qui servent à peindre à huile n’y sont pas toutes également bonnes. Les plus terrestres & les moins composées sont les vrayes couleurs dont on se doit servir à fraisque. Pour travailler à huile il faut encore user des mesmes precautions.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Voulez-vous, luy repliquay-je, que je vous dise que pour faire un Tableau vous devriez preparer un bon fonds de bois, ou de la toile bien imprimée de couleurs qui ne viennent pas à tuer celles que l’on y mettra ensuite, comme feroit la mine ou la terre d’ombre ; Et que je vous entretienne des incommoditez qu’un Peintre souffre quand sa toile n’est pas bien préparée, & que ses couleurs ne valent rien. Je ne croy pas qu’il soit necessaire de vous instruire de cela, puisque vous ne serez jamais en estat de vous en servir, & que la pratique ne met guere à l’apprendre à ceux qui travaillent. C’est assez que vous sçachiez que les mechantes couleurs sont cause qu’un ouvrage s’efface & perd toute sa force & sa beauté au bout de peu d’années. Je pourrois vous dire sur cela beaucoup de choses, mais quand vous les sçauriez, & que je vous aurois nommé toutes les couleurs dont les Peintres se servent, vous n’en seriez gueres plus sçavant : car ce n’est pas seulement la bonté des couleurs qui en fait la beauté dans un Tableau, c’est le travail & la maniere de les employer ; ce qui fait qu’un bon & un mauvais Peintre font des ouvrages bien differents quoy qu’ils se servent des mesmes couleurs. Outre cela, il y a le meslange qui se fait des couleurs principales les unes avec les autres ; qui ne s’apprend bien que par la pratique, & encore ce en seroit pas assez de l’avoir veu faire une ou deux fois, il faut comprendre en travaillant soy-mesme la force & la nature de chaque couleur en particulier, & sçavoir mesme avant que de les employer l’effet qu’elles doivent faire. Car comme les Sciences & les Arts ont quelque ressemblance les uns avec les autres ; les Peintres ont cela de commun avec les Orateurs que de mesme qu’il n’est pas possible, selon le tesmoignage d’Hermogenes, de bien faire une oraison, & de sçavoir comment elle doit estre composée, si l’on ne sçait auparavant quelles sont les choses qui doivent y entrer, aussi est-il difficile à un Peintre de bien colorier les corps qu’il veut representer, s’il ne sçait la force des couleurs qu’il veut employer, & l’effet qu’elles produiront quand elles seront meslées ensemble : comme quand le noir de charbon est meslé avec le blanc, le Peintre doit sçavoir qu’il en naistra une couleur d’un gris bluastre ; & que le jaune & le bleu feront du vert.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Dans l’art de traiter les couleurs, & dans le meslange que l’on fait des unes avec les autres, il se rencontre beaucoup de choses à considerer. Car il y a le meslange des couleurs qui se fait sur la palette avec le couteau lors que l’on compose les principales teintes dont on croit avoir besoin : Et le meslange qui se fait avec le pinceau sur la palette ou sur le Tableau mesme pour joindre ensemble toutes les couleurs & pour les noyer les unes avec les autres. De tous ces differents meslanges de couleurs s’engendre cette multitude de differentes teintes qui se rencontrent dans les tableaux, sans lesquelles le Peintre ne peut bien imiter, ny les carnations, ny les draperies, ny generallement toutes les autres choses qu’il veut representer. Et comme il doit faire le meslange de ses teintes sur sa palette ou sur son tableau selon les couleurs qui luy paroissent dans le naturel, il faut qu’il soit extraordinairement soigneux d’observer dans la Nature de quelle maniere elles y paroissent : c’est à dire qu’il doit, en considerant les corps des hommes, regarder de quelle façon ils sont colorez ; quelles parties sont plus vives, & quelles parties sont plus claires ; celles qui sont plus rouges & celles qui ont une apparence un peu bluastre, comme sont d’ordinaire les chairs plus délicates ; & prendre bien garde comment toutes ces differentes couleurs s’unissent & se meslent si bien ensemble, qu’il semble qu’une infinité de diverses teintes ne fassent qu’une seule couleur.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs
CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

Mais il y a de la difference de cette manière de passer d’une couleur à une autre, à cette autre union & à ce passage de couleurs dont nous venons de parler. Quoy que ce soit une chose tres-estimable de bien unir ensemble les couleurs pour joindre des corps de differentes especes, ce n’est rien neanmoins en comparaison de sçavoir peindre les contours & les extremitez de tous les corps en general, & faire qu’ils se perdent par une suite & un détour insensible, qui trompe la veuë de telle sorte qu’on ne laisse pas d’y comprendre ce qui ne se voit point. Parrhasius fut celui des Peintres anciens qui posseda parfaitement cette science. Pline, qui en a fait la remarque, considere cette partie comme la plus difficile & la plus importante de la Peinture, parce, dit-il, qu’encore qu’il soit toujours avantageux de bien peindre le milieu des corps, c’est pourtant une chose ou plusieurs ont acquis de la gloire ; mais d’en bien tracer les contours ; les faire fuir, & par le moyen de ces affoiblissemens, faire en sorte qu’il semble qu’on aille voir d’une figure ce qui est caché ; c’est en quoy consiste la perfection de l’art, & ce qui ne s’apprend pas sans beaucoup de peine.
C’est aussi ce qui donne du relief aux corps, & qui dépend non seulement de l’affoiblissement des couleurs, mais encore de celuy des lumieres & des ombres. Les Anciens avoient raison de priser cette partie, parce qu’il faut beaucoup de connoissance pour la posseder. Si vous me demandez quels moyens les Peintres peuvent avoir pour l’acquerir, je vous diray que je n’en voy point de plus propre que les continuelles observations des differens effets de la lumiere & de l’ombre, qu’ils peuvent faire sur le naturel ; & en suitte d’imiter ces effets dans leurs tableaux par le moyen des couleurs & des teintes qu’il faut fortifier ou affoiblir selon qu’ils le jugeront necessaire.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

[…] Pour ce qui est de la Perspective aërienne il faut concevoir que l’air est comme je viens de dire un corps diaphane, parce qu’il est coloré, au travers duquel on voit les objets, qui prenant davantage de la couleur de ce corps à mesure qu’ils s’éloignent, viennent peu à peu à se perdre & à se confondre. Je ne puis me servir d’un exemple plus propre à ce sujet que ce qui nous paroist tous les jours dans l’eau. Si nous jettons les yeux sur quelque lac ou sur quelque riviere pour regarder au fond ; & qu’il y ait des poissons qui nagent, alors nous voyons distinctement dans ceux qui s’approchent le plus prés de la surface de l’eau, leur forme & la couleur de leurs écailles. Ceux qui seront plus bas nous sembleront moins colorez ; & à mesure qu’ils s’enfoncent plus avant & qu’ils s’éloigneront de nous, ils prendront davantage de la couleur de l’eau, jusques-là qu’on en verra quelques-uns qui ne paroistront que des ombres, d’autres qui seront comme l’eau mesme ; enfin quoy qu’il y en ait, nous ne verrons plus rien, si ce n’est qu’il nous semblera qu’il doit y en avoir encore. Tout de mesme quand les images des objets passent au travers de l’air, ils diminuent & s’affoiblissent à proportion de la quantité d’air qui est entre eux & l’œil qui les voit.
Mais parce que l’air n’est pas toujours également pur par tout :
qu’il peut recevoir des lumières particulières, comme quand on voit une tour qui paroist le matin au lever du soleil environnée d’une legere vapeur dans la partie la plus proche de la terre, & dont le haut au contraire est éclairé du Soleil, ce que le Poussin & Claude le Lorrain ont parfaitement bien représenté dans des païsages. Et parce encore que les objets peuvent aussi estre plus ou moins susceptibles de la couleur de l’air, & d’eux-mesmes plus sensibles à la veuë les uns que les autres, il y a diverses choses qu’il faut observer dans la Nature, & dont l’on ne peut faire des regles assurées.
Par exemple le vert & le rouge mis dans une mesme distance feront une sensation differente à nostre veuë, non seulement par les qualitez propres de ces deux couleurs ; mais parce que le vert estant plus capable de prendre la couleur de l’air, qui est bleuë, que non pas le rouge, il paroistra plus éloigné, puisqu’il pert davantage de se veritable couleur, qui se confond plus aisément que le rouge avec celles de l’air.
Voilà quant à la qualité des couleurs dans un mesme air & dans une mesme distance. Voyons ce que fait une mesme couleur dans une mesme distance, mais dans deux situations differentes où l’air soit plus espais en l’une qu’en l’autre. Si une personne vestuë de blanc ou une figure de marbre ou de plastre, si vous voulez, est posée dans un lieu où l’air soit purifié, il est certain qu’elle paroistra plus blanche & plus proche qu’une autre qui sera dans un air plus épais, quoy qu’elles soient dans une égale distance, & de pareille grandeur & blancheur, parce que la grande épaisseur de l’air où elle se trouve esteindra son blanc, & la fera paroistre plus bluastre. C’est pourquoi il est fort difficile de donner des moyens asseurez pour affoiblir les couleurs selon la perspective, puisque cela dépend de la disposition de l’air, de la lumiere qui les éclaire, & encore de la force mesme des couleurs.
 
C’est pourquoi il est fort difficile de donner des moyens asseurez pour affoiblir les couleurs selon la perspective, puisque cela dépend de la disposition de l’air, de la lumiere qui les éclaire, & encore de la force mesme des couleurs.
Cependant comme tous les objets se monstrent à nous par des lignes qui forment une Pyramide dont la pointe est dans notre œil & la base sur la surface des corps, il faut que le Peintre s’imagine qu’il sort un nombre infini de lignes de tous les corps, lesquelles luy en apportent la figure & la couleur. Que plus ces lignes sont longues, c’est à dire plus l’objet est éloigné de l’œil, & plus elles sont teintes & chargées de la couleur de l’air, qui diminuë la couleur naturelle de l’objet ; Outre cela ces mesmes lignes se communiquent les unes aux autres les couleurs qui sont particulieres à chacunes d’elles, ce qui se fait si insensiblement qu’on ne s’apperçoit d’aucun changement, ainsi que vous le disiez tout à l’heure en parlant de la nuance des couleurs de l’Arc-en-Ciel. Et c’est ce qui est cause que plus les corps sont éloignez, & moins nous en découvrons les veritables couleurs, & la vraye forme des contours, parceque les uns & les autres s’unissent ou à d’autres corps qui en sont plus proches, ou mesme à l’air qui passe à costé qui en diminuë & altere quelque partie : ce qui doit obliger le Peintre à faire en sorte que ses figures tiennent toujours de la couleur du champ où elles sont, principalement dans leurs extremitez.

Mais si les corps se changent par la nature de leur propre couleur selon les airs & les distances differentes, ils reçoivent encore du changement selon leurs diverses figures. Car ceux qui sont spheriques ou concaves, prennent d’autres apparences que ceux qui sont plats & uniformes, selon la position de la lumiere, ou de l’œil qui les regarde.
Et parce qu’il est certain que les couleurs changent principalement par le moyen des lumieres ; & que dans l’ombre elles ne paroissent point à l’œil comme quand elles sont exposées dans un grand jour, il faut considerer de quelle maniere l’ombre cache & offusque la couleur, & de quelle sorte le jour la découvre & luy rend son lustre 

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTION DE LA PEINTURE → lumière
EFFET PICTURAL → perspective

Quotation

[...] Il n’est pas besoin de rechercher icy de quelle sorte les couleurs s’engendrent : si c’est du mélange des parties rares ou compactes, qui sont de differentes reflexions ; ou si c’est du mélange de la reflexion & de la réfraction de la lumiere jointe ensemble, qui est l’opinion la plus probable : Car il n’est pas necessaire au Peintre de sçavoir la nature & les causes des couleurs, mais seulement d’observer leurs effets.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTION DE LA PEINTURE → lumière
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

[…] il y a trois couleurs premieres qui ne peuvent estre parfaitement composées d’aucune autre, mais dont toutes les autres sont composées ; sçavoir le jaune, le rouge & le bleu. Car le jaune & le rouge meslez ensemble font l’orengé ; du jaune & du bleu il en naist le vert ; & le pourpre est engendré par le mélange du rouge & du bleu. De sorte que si de toutes ces couleurs l’on en forme une nuance, les unissant doucement les unes avec les autres, il s’en forme une harmonie comme dans la Musique ; Ce que M. de la Chambre a décrit dans un de ses ouvrages : Estant vray qu’il y a une si grande ressemblance entre les tons de Musique & les degrez des couleurs, que du bel arrangement qu’on peut faire de celles-cy, il s’en forme un concert doux à la veuë, qu’un accord de voix peut estre agreable aux oreilles, & c’est cette science qui fait naistre la douceur, la grace, & la force dans les couleurs d’un tableau. Car de mesme qu’il n’y a qu’un certain nombre de consonances dans la Musique, dont on peut, en les assemblant, faire une diversité de modulations & d’harmonies ; aussi par le mélange d’un petit nombre de couleurs, il s’en peut faire des especes sans nombres. Et comme dans la Musique le grave & l’aigu ne font point d’eux mesme de tons, parce qu’ils sont dans tous les tons ; ainsi le blanc & le noir ne sont point des couleurs, parce qu’ils se rencontrent dans toutes les couleurs.
Or supposé qu’il n’y ait que trois couleurs principales dont toutes les autres sont engendrées ; Car le nombre des couleurs importe fort peu à un Peintre, pourveu qu’il ait celles qui luy sont necessaires quand il travaille. Cela supposé, dis-je, il doit prendre garde lors qu’il les employe de quelle sorte il les met les unes auprés des autres pour produire cette harmonie dont nous venons de parler ; parce qu’entre toutes les couleurs, soit qu’elles soient simples, soit qu’elles soient mélangées, il y a une amitié & une convenance qui donne aux ouvrages de Peinture une beauté & une grace toute extraordinaire, lors qu’elles sont bien placées les unes auprés des autres.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Mais il est encore impossible de bien sçavoir l’effet des couleurs, si l’on n’a égard à la lumiere dont elles sont éclairées, & à l’ombre, qui les obscurcit. Car bien que les couleurs des corps solides demeurent stables, & dans leur nature sur les sujets où elles sont adherentes ; comme le blanc d’une statuë, le rouge d’un manteau, le vert d’un arbre, & ainsi du reste ; ces mesmes couleurs neanmoins paroissent tantost plus obscures, selon qu’elles recevront plus ou moins d’ombre & de lumiere.
 
Et parce que les lumieres & les ombres apportent du changement dans les couleurs, il faut donc que le Peintre fasse le plus d’observations qu’il pourra pour remarquer ces sortes d’alterations ; & qu’en premier lieu il se souvienne que la Peinture ne luy fournit que le noir & le blanc pour representer l’ombre & la lumiere, & que c’est avec ces deux couleurs qu’il peut rendre toutes les autres plus ou moins sensibles.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Vous comprenez bien par ce que j’ay dit que le Peintre a deux sortes de couleurs à imiter, sçavoir les couleurs fixes et permanentes des corps, comme le blanc d’un linge, le vert d’un arbre ; Et les couleurs apparentes & passageres, qui ne sont point attachées aux objets, mais qui semblent y estre par le reflechissement des rayons lumineux qui les portent. De sorte que ceux qui travaillent avec science, & qui cherchent un reputation solide, ne se contentent pas quand ils font des Tableaux de mettre les couleurs naturelles à chaque chose représentée, mais ils ont un soin particulier de bien observer les couleurs estrangeres qui peuvent paroistre parmy les veritables & naturelles, & qui peuvent changer […].

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Et lors que la necessité de son sujet l’obligeoit de mettre des couleurs plus foibles sur le devant, il [ndr : Titien] les accompagnoit de quelque chose dont la couleur plus forte servoit à soustenir & à faire avancer les autres. J’ay veu remarquer à des Peintres, que dans le tableau où il a représenté Bacchus & Ariadne, afin de faire approcher davantage une draperie qui est sur le devant, & qui de soy est d’une couleur foible et legere, il a trouvé l’invention de mettre un vase dessus, lequel estant d’une couleur brune & forte, tire le tout en avant.
Est-ce, dit alors Pymandre, que les choses les plus claires s’éloignent & que les plus brunes s’avancent davantage.
C’est ainsi, répondis-je, que les plus sçavans Peintres l’entendent. Ils vous feront remarquer que ce qui est noir a plus de force & s’accroche bien plus que ce qui est blanc.
C’est repliqua Pymandre, ce que je n’aurois pas cru, car il me semble que ce qui est noir perce & fait un trou, & que le blanc vient en avant.
Ainsi, les couleurs qui sont plus claires avancent-elles pas davantage que celles qui le sont moins, & dans un tableau, une draperie d’un bleu clair, ou d’un vert pasle, ne s’approchera-t’elle pas plus qu’un autre vestement qui sera rouge brun, ou d’un jaune orangé.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

[...] Or comme ces sçavans Maistres de la Peinture [ndr : maîtres anciens et modernes reconnus par Restout comme des peintres savants cités dans le paragraphe précédent] ont reconnû & distingué cinq Parties essentielles & fondamentales de cet Art, à sçavoir :
1. L’Invention, ou l’Histoire, qui comprend l’Ordonnance ou Disposition.
2. La Proportion, ou Symetrie, qui comprend le Dessein, le mouvement & l’Equilibre des corps.
3. La Couleur, qui comprend aussi la juste dispensation des Lumières & des Ombres.
4. Le Mouvement, ou l’Expression des passions de l’ame.
5. La Position reguliere des Figures & autres corps dans tout l’Ouvrage, selon les regles de l’Optique ; aussi chacune de ces Classes étoit destinée à l’étude de l’une de ces cinq Parties. {Voyez l’Idée de la Perfection de la Peinture} [ndr : de Fréart de Chambray]

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTION DE LA PEINTURE → lumière
EFFET PICTURAL → qualité de la lumière

Quotation

Comme les Proportions & les mesures des corps sont le fondement de la Peinture, il est necessaire d’en avoir une grande habitude, pour avoir du plaisir à peindre : parce que l’esprit ne sauroit vaquer facilement & avec attention à deux choses tout à la fois ; ainsi pour employer les couleurs avec succès, il faut dessiner sans peine, & mettre chaque partie dans la place & de la grandeur qu’elle doit estre. Et le Coloris mesme ne seroit rien; si voulant faire un homme avec des couleurs, l’on faisoit un monstre, c’est à dire des membres disloquez, mal attachez les uns avec les autres, & mal proportionnez.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

Le Coloris est l’intelligence de toutes les couleurs, des naturelles pour les imiter, & des artificielles pour en faire un mélange juste & des teintes qui puissent representer celles des objets naturels. C’est donc par le Coloris que l’on donne aux corps que l’on veut peindre, les lumieres, les ombres & les couleurs qui leur conviennent, & c’est de cette partie de la Peinture que les Tableaux reçoivent leur dernière perfection : car on suppose, & cela doit estre ainsi, que la justesse du dessein, c’est à dire des proportions y est parfaite.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs
CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Quotation

[…] les couleurs qui servent dans la pratique de la Peinture sont presque de toutes sortes de matieres. Elles sont ou des terres ou des mineraux, ou des extraits & des compositions, ou d’autres choses qui ont passé par le feu. Il y en a qui sont propres pour la peinture à huile, d’autres pour la fresque, d’autres pour d’autres sortes de peinture [...]

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Dans la Peinture à Huile on se sert ordinairement de huit Couleurs capitales, & desquelles presque toutes les autres se font & se composent par le mélange. Elles sont rangées sur la Palette à peu près de cette maniere :
1. Le Blanc-de-plomb : 2. L’Ocre-jaune : 3. Le Brun-rouge : 4. la Laque : 5. Le Stil-de-grain : 6. La Terre-verte : 7. La Terre-d’ombre : 8 : le Noir-d’os.[...]
En voici la Demonstration :
[ndr : shéma d’une palette]


Ces Couleurs se vendent toutes broyées, & pour les avoir bien propres, & les conserver longtems, il faut les faire mettre dans des Vessies de porc
[…]. L’on fait un petit trou à costé de ces Paquets de Couleurs, pour en faire sortir, en pressant la quantité à peu près que l’on veut employer, laquelle on met sur sa Palette. Il y en a d’autres qui se vendent en poudre, & qui se détrempent avec le Couteau, en y mêlant un peu d’huile lors seulement qu’on en a besoin. Ces Couleurs sont l’Outremer, la Cendre bleüe d’Allemagne, le Vermillon, le Massicot, le Noir de Charbon, & d’autre encore, que l’on peut faire pulveriser, lesquelles ne sont pas d’une grande necessité, & que l’usage apprend assez.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs
MATERIALITE DE L’ŒUVRE → outils

Quotation

Pour ce qui regarde le mélange des Couleurs, & ce qu’elles font les unes avec les autres, il n’y a que l’expérience qui vous en puisse instruire. Je vous donne neanmoins avis de ne vous servir que le moins que vous pourrez de Terre d’ombre, elle gaste les autres Couleurs & elle n’est quasi bonne qu’à faire sécher des Fonds bruns, des Draperies brunes, & à employer dans quelques Terrasses.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → dessin
MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

L’On peint à Huile sur toutes sortes de choses, pourvû qu’elles soient préparées, néanmoins les Fonds dont on se sert plus ordinairement sont, le bois, la toile, & le cuivre ; & la preparation qu’on y fait, est, de les rendre unis, en y mettant une ou plusieurs couches de quelque Couleur qui ait du corps, & qui puisse boucher les pores du bois ou de la toile : mais sans se donner tant de peine, on trouve de ces sortes de choses toutes preparées, ou pour parler dans les termes, toutes imprimées. Ceux qui commencent feront bien de se servir de Fonds imprimez à Huile d’une demie-teinte douce, c’est-à-dire entre le Clair & l’Obscur, parce que les Couleurs que l’on y met en peignant font d’abord leur effet : mais quand on sera plus avancé, il sera bon de s'accoûtumer aux toiles d'une couleur plus claire, & tirant sur le gris, parce que les couleurs s'y conservent plus fraîches.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Les Couleurs à huile ont cela pardessus les autres, que les Teintes s'en peuvent mêler facilement par le manîment du Pinceau : mais il est à craindre aussi qu'à force de les tourmenter on n'en fasse perdre la fraicheur surtout dans les Carnations, & qu'elles ne deviennent sales et terrestres. Pour obvier à cela, il y a deux choses à faire ; la première est de s'accoûtumer à peindre & à mêler ses Couleurs avec promptitude & légèreté de Pinceau, en sorte que, s'il y avoit moyen, l'on ne passât point deux fois sur le même endroit, & la seconde est, qu'après avoir ainsi meslé légèrement ses Couleurs ensemble on prenne le soin de retoucher par-dessus avec des Couleurs vierges & fraîches lesquelles conviennent aux endroits où on le met, & soient de même ton que celles qui auront été déjà peintes & mêlées par dessous. Pour apprendre à peindre de cette sorte je ne sais rien de meilleur que de copier d'après le Corrège & Van Dyck pour la légèreté de pinceau, & d'après Paul Veronese & Rubens pour les Teintes vierges.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Quoique l’on vende des Couleurs communes toutes broyées, cependant on ne laisse pas d’avoir affaire d’une Pierre pour broyer certaines Couleurs fines, à mesure que l’on en a besoin ; comme serait la Laque de Venise, le Stil-de-grains de Hollande, la Terre verte de Verone, le Jaune de Naples, le Massicot, quand il est trop gros, &c…Il n’y a que trois sortes de Pierres sur lesquelles on puisse broyer raisonnablement, l’Ecaille de mer, le Porfire & le Serpentin : les deux dernières sont les plus dures & quelques-uns disent qu’à cause de cela elles sont les meilleures ; d’autres au contraire soutiennent que la Pierre d’Ecaille broye beaucoup mieux ; car outre, disent-ils, qu’elle est très dure, elle a un grain propre à bien écraser la Couleur & à la rendre plus fine & plus égale.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Cette peinture [ndr : la peinture à fresque] se travaille sur une Muraille fraîchement enduite de mortier de chaux & sable, les Couleurs en sont détrempées avec de l’eau, & il n’y a que les Terres & les Couleurs qui ont passé par le feu qui puissent y estre employées. Voilà ce qui fait la différence de cette sorte de Peinture avec les autres. Elle a cet avantage qu’elle dure plus long-temps que celle qui est à huile en quelque endroit qu’elle soit exposée : mais elle a ce deffaut que ne pouvant souffrir toutes sortes de couleurs, elle est moins capable d’une parfaite imitation. Les Clairs en sont plus clairs que ceux de la peinture à huile, mais les Bruns n’en sont pas si vigoureux ny si suaves. Sa durée fait qu’on l’emploie plus volontiers dans les lieux Publics & dans ceux qui sont exposés aux injures du temps : & la promptitude avec laquelle elle veut estre travaillée demande une main legere, conduite par une tête savante & pleine de ce beau feu qui est propre à la Peinture.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

L’Esquisse est un petit Tableau qui contient en raccourci dans toutes les Parties de la Peinture, tout ce que l’on peut peindre en grand. C’est proprement le guide de l’Ouvrier & le modele de l’Ouvrage. Le Peintre y doit mettre non seulement tout son feu pour l’Invention, pour la Disposition & pour le Clair-obscur ; mais encore y arrester toutes les couleurs tant pour les objets en particulier, que pour l’union & l’harmonie du tout ensemble.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Les Couleurs composées & artificielles ne peuvent estre employées à Fresque, comme la Laque, le Vermillon, le Stil-de-grain, le Massicot &c. Toutes les Terres sont excellentes, excepté la terre d’ombre qui s’écaille si elle n’a point esté brûlée. Pour le Blanc, on se sert de chaux bien choisie et bien passée. Le Rouge d’Angleterre sert de Laque, & plus l’enduit est frais lorsqu’on emploie cette couleur, plus elle est belle. L‘émail veut pareillement estre employé pendant que l’enduit est le plus frais : & si c’est pour des Draperies il est bon d’y mêler d’abord du Noir, & d’en employer l’Email pur par dessus en finissant. Pour le Noir on se sert de Terre de Cologne ou de Noir de Charbon selon les occasions. Il est à noter que toutes les Couleurs deviennent plus claires à mesure qu’elles viennent à sécher, il est necessaire de faire sur une tuile des essais des teintes que l’on veut employer pour en voir précisément l’effet. […]
Si les Couleurs à Fresque n’ont pas la même force qu’à huile, elles ont du moins cet avantage qu’elles se peignent plus facilement, & qu’on peut les employer les unes sur les autres, quoique très-differentes, quand on le juge à propos : ainsi l’on finit autant que l’on veut & l’on est dans l’obligation de le faire autant qu’on le peut, n’y ayant plus de moyen de retoucher son Ouvrage quand il est sec & surtout quand il est exposé aux injures du temps : car pour celuy qui est à couvert, on en peut retoucher les Bruns avec du jus de figuier & les Clairs avec du pastel : mais le meilleur est de peindre comme si l’on étoit privé de secours.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs
MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la peinture

Quotation

Si les Couleurs à Fresque n’ont pas la même force qu’à huile, elles ont du moins cet avantage qu’elles se peignent plus facilement, & qu’on peut les employer les unes sur les autres, quoique très-differentes, quand on le juge à propos : ainsi l’on finit autant que l’on veut & l’on est dans l’obligation de le faire autant qu’on le peut, n’y ayant plus de moyen de retoucher son Ouvrage quand il est sec & surtout quand il est exposé aux injures du temps : car pour celuy qui est à couvert, on en peut retoucher les Bruns avec du jus de figuier & les Clairs avec du pastel : mais le meilleur est de peindre comme si l’on étoit privé de secours.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Il y a apparence, que cette sorte de Peinture <la détrempe > a esté trouvée la premiere, puisque toutes sortes de Couleurs s’y peuvent employer, & qu’il ne faut que de l’eau & un peu de gomme, pour les détremper. Il est indifférent sur quel Fond on l’employe, pourvû qu’il ne soit point gras, & que ce ne soit point sur un enduit frais, où il y entre de la chaux, ainsi que dans la Fresque. Si l’on travaille en grand, il faudra se servir de colle fondüe, au lieu de gomme, dont il faudrait une trop grande quantité, & travailler fort promptement, à cause que la Couleur qui sèche fort vite ne permet pas d’attendre longtems pour la mêler avec une autre. Cette sorte de peinture dure tres-longtems, pourvû qu’elle soit à couvert, & dans un lieu sec. On peut encore plus facilement qu’à la Fresque employer une Couleur sur une autre sans crainte de les mêler, & la facilité de peindre & de retoucher à sec à la Détrempe fait que non seulement on peut finir beaucoup : mais encore que l’on quitte & que l’on reprend quand on veut. […] La détrempe a ceci de commun avec la Fresque que les Clairs en sont très vifs, mais elle a de plus, que les Bruns en sont plus forts. Les Italiens appellent cette sorte de travail Guazzo, comme font la plûpart des Peintres Français qui ont esté en Italie.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Si la matière dont vous voulez faire du Pastel est trop dure comme l’Inde, il faut le tempérer par quelqu’autre qui soit très-molle & qui aproche de la couleur, comme d’émail mêlé de noir de charbon. […]
4. Qu’il y a des Couleurs dont la matière solide étant d’une consistance telle qu’on peut la désirer, n’ont pas besoin d’estre broyées, mais seulement liées & divisées en Crayons d’une grosseur convenable; comme la grosse laque ; l’Ocre jaune, le Stil-de-grain &c. la Sanguine & la Pierre noire y peuvent servir de cette manière
.
5.
Qu’au lieu de Crayons [ndr : de pastel], il y a des endroits où l’on peut se servir de poudres qui de leur nature s’attachent facilement au papier & l’on se sert pour les employer de la pointe d’un petit papier roulé qu’on appelle estompe.
6. Que la grande difficulté dans la composition des Pastels, est d’en faire de fort bruns, & sur tout d’un brun roux & qui tire sur le bistre, & qu’ainsi c’est à ceux-là principalement qu’il faut aporter plus de soin.

7. Qu’on peut se servir pour Blanc, de Craye de Champagne fine, & pour le Noir le meilleur est celui appellé vulgairement Noir d’Allemagne, dont les Imprimeurs en Taille douce se servent. Le fond sur lequel on peint en Pastel, est du papier dont la couleur la plus avantageuse est d’estre d’un gris un peu roux ; & on pour s’en servir plus commodément il faut le coller sur un ais fait exprès d’un bois léger. […] Car pour ceux dont la pratique dans le Coloris n’est pas excellente, rien n’est plus dangereux que le Pastel, lequel ne peut imiter ainsi que fait la Peinture à huile la force & la vigueur du naturel, & c’est sans doute à cause de cette imperfection, qu’on dit indifferemment dessiner au Pastel & peindre au Pastel.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Il [ndr : Rembrandt] a si bien placé les teintes & les demi-teintes les unes auprés des autres, & si bien entendu les lumieres & les ombres, que ce qu’il a peint, d’une maniere grossiere, & qui mesme ne semble souvent qu’ébauché, ne laisse pas de réüssir, lors, comme je vous ay dit, qu’on n’en est pas trop prés. Car par l’éloignement, les coups de pinceau fortement donnez, & cette épaisseur de couleurs que vous avez remarquée, diminuënt à la veüë, & se noyant & meslant ensemble, font l’effet qu’on souhaite. La distance qu’on demande pour bien voir un tableau, n’est pas seulement afin que les yeux ayent plus d’espace & plus de commodité pour embrasser les objets et pour les mieux voir ensemble : c’est encore afin qu’il se trouve davantage d’air entre l’œil & l’objet.
Vous voulez dire, interrompit Pymandre, que par le moyen d’une plus grande densité d’air, toutes les couleurs d’un tableau paroissent noyées & comme fonduës, s’il faut me servir de vos termes, les unes avec les autres.

Conceptual field(s)

MANIÈRE ET STYLE → le faire et la main
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Car pour servir d’exemple aux autres, il ne suffit pas de sçavoir employer les couleurs avec propreté & délicatesse : il faut bien peindre, & avoir une maniére facile & agréable ; & cela mesme n’est pas encore la perfection du coloris : car les figures les mieux peintes sont fades & languissantes, si la couleur ne contribuë aussi à les animer, & à marquer des expressions vives & naturelles.

Conceptual field(s)

MANIÈRE ET STYLE → le faire et la main
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

PRINCIPES
Que tout homme capable de raison peut apprendre
Il ne se donne point de visible sans lumiere.
Il ne se donne point de visible sans forme.
Il ne se donne point de visible sans couleur.
Il ne se donne point de visible sans distance.
Il ne se donne point de visible sans instrument.

Extrait d’une lettre de Poussin à Fréart de Chambray du 7 mars 1665.

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → apprentissage
L’ARTISTE → règles et préceptes
SPECTATEUR → perception et regard

Quotation

Avec ces couleurs simples ou doubles, cruës ou mélées, entières ou rompuës, illustres ou sublustres, gomées, collées ou huilées, on drape, on fourre, on bastit, on boise, on flame, on fume, &c. Le Titien y mettoit de la grape de raisin, pour assaisonner & temperer les clairs et les bruns.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Mais ce n'est point là la verité de l'Histoire, le combat fut sur la nuance des couleurs digne sujet de dispute & d'émulation entre des peintres, & non pas sur l’adresse de tirer des lignes. Appelle prit un pinceau & fit une nuance si delicate, si douce & si parfaite, qu'à peine pouvoit-on voir le passage d'une couleur à l'autre. Protogene fit sur cette nuance, une autre nuance encore plus fine & plus adoucie. Appelle vint qui encherit tellement sur Protogene par une troisiéme nuance qu'il fit sur les deux autres, que Protogene confessa qu'il ne s'y pouvoit rien ajoûter.
L'ABBÉ. Vous me permettrez de vous dire que vous avez pris ce galimatias dans le Livre de Ludovicus Demontiosius. Comment pouvez-vous concevoir qu'on peigne des nuances de couleurs, les unes sur les autres, & qu'on ne laisse pas de voir que la dernière des trois est la plus delicate ? [...].

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Pour bien me faire entendre, il faut que je distingue trois choses dans la peinture. La representation des figures, l'expression des passions, & la composition du tout ensemble. Dans la representation des figures je comprens non seulement la juste delineation de leurs contours, mais aussi l'application des vraies couleurs qui leur conviennent. Par l'expression des passions, j'entens les differens caracteres des visages & les diverses attitudes des figures qui marquent ce qu'elles veulent faire, ce qu'elles pensent, en un mot ce qui se passe dans le fond de leur ame. Par la composition du tout ensemble j'entens l'assemblage judicieux de toutes ces figures, placées avec entente, & dégradées de couleur selon l'endroit du plan où elles sont posées. 
Ce que je dis icy d'un tableau où il y a plusieurs figures, se doit entendre aussi d'un tableau où il n'y en a qu'une, parce que les différentes parties de cette figure sont entr'elles ce que plusieurs figures sont les unes à l'égard des autres. Comme ceux qui apprennent à peindre commencent par apprendre à designer le contour des figures, & à le remplir de leurs couleurs naturelles ; qu'ensuite ils s'étudient à donner de belles attitudes à leurs figures & à bien exprimer les passions dont ils veulent qu'elles, paroissent animées, mais que ce n'est qu'après un long-temps qu'ils sçavent ce qu'on doit observer pour bien disposer la composition d'un tableau, pour bien distribuer le clair obscur, & pour bien mettre toutes choses dans les regles de la perspective ; tant pour le trait que pour l’affoiblissement des ombres & des lumieres. 
De mesme ceux qui les premiers dans le monde ont commencé à peindre, ne se sont appliquez d'abord qu'à representer naïvement le trait & la couleur des objets, sans desirer autre chose, sinon que ceux qui verroient leurs Ouvrages peussent dire, voila un Homme , voila un Cheval, voila un Arbre, […]. Ensuite ils ont passé à donner de belles attitudes à leurs figures, & à les animer vivement de toutes les passions imaginables : Et voila les deux seules parties de la peinture, où nous sommes obligez de croire que soient parvenus les Appelles & les Zeuxis, si nous en jugeons par la vray-semblance du progrez que leur Art a pû faire, & parce que les Auteurs nous rapportent de leurs Ouvrages ; sans qu'ils ayent jamais connu, si ce n'est tres-imparfaitement, cette troisiéme partie de la peinture qui regarde la composition d'un tableau, suivant les regles & les égards que je viens d'expliquer.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTS ESTHETIQUES → convenance, bienséance

Quotation

Ce n'est que la juste delineation des objets revétus de leurs vrayes couleurs, & sur tout l'expression vive & naturelle des mouvemens de l'ame, qui font de fortes impressions sur ceux qui les regardent. Car il faut remarquer que comme la peinture a trois parties qui la composent, il y a aussi trois parties dans l'homme par où il en est touché, les sens, le cœur & la raison. La juste delineation des objets, accompagnée de leur couleur, frappe agreablement les yeux ; la naïve expression des mouvemens de l’ame va droit au cœur, & imprimant sur luy les mesmes passions qu'il voit representées, luy donne un plaisir tres sensible. Et enfin l'entente qui paroist dans la juste distribution des ombres & des lumieres dans la degradation des figures selon leur plan & dans le bel ordre d'une composition judicieusement ordonnée, plaist à la raison, & luy fait ressentir une joye moins vive à la verité, mais plus spirituelle & plus digne d'un homme. Il en est de mesme des Ouvrages de tous les autres Arts […].

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
SPECTATEUR → perception et regard

Quotation

Comme nous avons dit qu’il y a deux souveraines qualitez dans la Peinture ; l’une de travailler avec science pour instruire, & l’autre de peindre agreablement pour plaire ; & que celuy qui plaist fait un effet bien plus general que celuy qui instruit : on peut dire aussi que la qualité necessaire pour plaire estoit le partage de Pierre de Cortone. Combien de fois avons-nous consideré dans Rome le Salon du Palais Barberin, où nous trouvions tant de graces & de noblesse dans la disposition des figures, tant d’agrément dans leurs attitudes & dans leurs airs de testes ; une si belle union dans les couleurs, & ce que les Italiens nomment Vaguezza ? Quoy-que cet ouvrage soit peint à fraisque, il n’y a pas moins de force & de tendresse que s’il estoit peint à huile. Et bien que le dessein n’en soit pas d’un goust exquis, ni les draperies des figures tout-à-fait bien entendües & naturelles ; cependant il se trouve que le tout ensemble a quelque chose de si gracieux & de si doux à la veûë, qu’il n’y a personne qui ne sente beaucoup de plaisir en le regardant.

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Quelque beauté de coloris qu’un Peintre donne à son ouvrage, quelque amitié de couleurs qu’il observe pour le rendre aimable & plaisant à la veûë ; quelques jours & quelques lumieres qu’il y répande pour l’éclairer, de quelques ombres dont il tasche de le fortifier & d’en relever l’eclat, si tout cela n’est soustenu du dessein, il n’y a rien, pour beau & riche qu’il soit, qui puisse subsister. On doit prendre garde sur tout à ne se pas laisser surprendre par les charmes du coloris ; car la Couleur n’est pas seulement un agrément que la nature ait répandu sur les corps pour en relever la beauté & leur donner plus d’éclat, mais elle est aussi dans les ouvrages de l’art un moyen merveilleux pour les rendre agréables, & donner plus de plaisir à la veûë. Et de vray, comme nous voyons que les couleurs de l’arc-en-Ciel, qui ne marquent rien de particulier, ne laissent pas de faire regarder avec admiration : aussi les diverses couleurs qui brillent dans un Tableau, quoy-que privé des autres parties de la peinture, ne laissent pas de fraper les yeux, & mesme d’émouvoir l’ame, qui se laisse remuer par les sens avec lesquels elle a une si grande liaison, que d’abord elle ne pense, s’il faut ainsi dire, qu’à prendre part au plaisir qu’ils reçoivent, sans examiner les choses par la raison. 
C’est pourquoy je croy vous avoir fait observer sur le sujet des tableaux du Poussin, que ce Peintre dans le coloris de ses figures s’étudioit à les representer telles qu’elles paroissent dans le naturel, lors que par la distance qui se trouve entre-elles & celuy qui les voit, l’air qui est interposé les rend plus grises, & fait que la carnation n’est pas si vive & si agréable. 
Cependant quoy-que la raison fasse voir que c’est une regle qu’on doit observer, il est vray neanmoins que les Peintres qui ne l’ont pas suivie, & qui s’en sont dispensez, tels que le Titien, Paul Veronese, & ceux de l’école du Lombardie, ont esté plus agréables que les autres dans leurs carnations, parce que l’œil ne se soucie pas toûjours que les choses soient conduites par les regles de la raison pourveû qu’elles luy plaisent.
Et de mesme que les lunettes de longue veûë luy font discerner & mieux connoistre les objets éloignez, ainsi le Peintre en fortifiant ses couleurs, & les rendant plus sensibles, fait un effet semblable, & luy represente des choses plûtost belles & agréables que régulières.

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
SPECTATEUR → perception et regard

Quotation

Car de tous les Arts que l’esprit de l’homme possede, y en a-t-il un plus admirable que celuy de la Peinture, par le moyen duquel on sçait representer la nature mesme, & faire voir par le mélange des couleurs l’image de toutes les choses qui tombent sous les sens.

Anciens (les)

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Pour entrer maintenant dans les considerations particulieres des divers endroits où la lumiere fait ces differans effets ; l’on posa premierement une maxime constante à tous ces égards, que ces differens effets recoivent leurs Couleurs proportionnement, & par rapport aux corps lumineux qui les produisent, les rayons du Soleil sont accompagnez d’une teinte jaunâtre, l’air produit une clarté bleuâtre, & la lumiere qui entre dans les lieux fermés dépend de la couleur du vitrage. A l’égard des lumieres artificielles comme elles ne procedent que du feu ou de quelque flambeau, elles portent toûjours une teinte d’un jaune rougâtre, & comme dans les lieux fermez la lumiere est moins forte & plus precipitée, les ombres font plus brunes à proportion, quand aux lumieres diminuées par l’éloignement, il est constant que le clair & l’obscur doivent s’éteindre en s’éloignant sur un plan perspectif proportionnement selon la degradation des régles, & pour cet effet la Compagnie jugea à propos d’observer pour maxime de supposer toûjours, dehors le Tableau, le corps lumineux dont l’on voudra éclairer les premieres figures : n’étant pas possible d’en representer l’éclat avec des couleurs materielles, & pour éviter l’imprudence de quelques Peintres qui l’ont fait paroître en l’Orison, pendant qu’ils ont éclairé les premieres figures du Tableau en devant ; quelqu’un remarqua encore qu’il falloit éviter les repetitions des petites lumieres qui se pourroient rencontrer sur l’étendue des membres, & en interrompre la beauté par une maniere chetive en faisant paroître comme des trous.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → lumière
CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

Quand à l’usage des reflexs provenant d’une clarté rejalie renvoyée par l’éclat d’un grand jour frapant sur quelque objet voisin, porte une lueur proportionnée à la vivacité de la lumiere & de la couleur ; c’est une chose tres necessaire non seulement pour faire paroître le relief des corps, mais aussi contribuer à l’union & concordance du tout ensemble, ce qui oblige le Peintre judicieux à en bien menager tous les dégrez, & les disposer si prudamment qu’ils n’aporte aucune aigreur dans l’Ouvrage.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

L’on est entré sur la consideration du merite de la couleur à l’occasion d’un Tableau du Titien, qui par l’adveu, unanime de tous les sçavants en cette profession, est le Peintre qui a le plus excellé en cette partie là. Mais après avoir remarqué dans cet ouvrage que ce grand homme possedoit si admirablement la connoissance, des effets de la couleur & en faisoit un si bon usage, que non-obstant la vivacité des éclats de lumieres, qu’il faisoit paroître, dans le ciel de ses paysages, les carnations des figures qui y étoient opposées, ne laissoient pas de paroître plus avantageusement que beaucoup d’autres coloris, qui sont favorisés par des fonds bruns, que l’on voyoit dans les ouvrages de beaucoup d’autres Autheurs : qu’ainsi cet excellent Peintre avoit tiré avantage, de ce que les autres évitent ordinairement, & l’on témoigna du Regret de ce qu’un talent si accompli [ndr : Titien] n’étoit pas accompagné de ceux qui sont les plus considerables en la Peinture à sçavoir la correction du dessein & des proportions ; on representa qu’il se trouvoit beaucoup moins de Peintres posseder cette correction, que ceux qui ont un beaufaire en traitant les couleurs, parce qu’outre que ce dernier est plus facile, on se laisse naturellement charmer à ce bel éclat exterieur ; l’on avoüa bien que cette partie est très necessaire, mais l’on dit qu’il ne s’y falloit pas tant attacher qu’au principal ; que d’en faire toute son étude, c’étoit se laisser éblouïr par l’apparence d’un beau corps sans considérer ce qui le doit animer, que Monsieur Poussain si celebre en l’une & en l’autre de ces parties, ayant donné quelque temps à l’étude particuliere de la couleur en revint si fort, que depuis il disoit hautement, que cette application singuliere n’étoit qu’un obstacle, pour empêcher de parvenir au veritable but de la Peinture, & celui qui s’attache au principal ; acquiert en pratiquant une assez belle maniere de peindre.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Cette conclusion déplut à ceux qui étoient engagés dans l’amour de la couleur, tellement, qu’il s’en émeut une contestation, celui qui entreprit le parti proposa ces trois choses. Primo, que la couleur est aussi necessaire que le dessein. Secundo, qu’en diminuant le merite de la couleur, on diminuë celui du Peintre. Tertio, que la couleur a merité des loüanges en tous tems : pour soûtenir sa premiere proposition, il dit, qu’il falloit examiner, quelle est la fin en general, que le Peintre se doit proposer, & lequel du dessein ou de la couleur le conduit plus directement à cette fin ; que de dire que la fin de la Peinture est d’imiter la nature, ce n’est pas assez, puisque plusieurs autres arts se proposent la même chose ; de dire que ce soit pour tromper les yeux, cela ne suffiroit pas encore, si on y ajoutoit que cela se fait par le moyen des couleurs. [...] qu’ainsi il étoit d’une trés grande consequence de s’étudier à bien connoître la couleur, & de se rendre ses charmes familiers, afin de ne pas s’y laisser surprendre, & de pouvoir étudier le reste avec plus de liberté : qu’un tableau dessigné mediocrement, où les couleurs seroient en tout leur éclat, feroit plus d’agreables effets à la vuë, qu’un autre où le dessein seroit en sa plus parfaite justesse où la couleur seroit negligée, parce que la couleur en sa perfection representoit toûjours la verité & que le dessein ne pouvoit representer que la possibilité. L’on ajoûta que le dessein étoit commun avec les sculpteurs & Graveurs, mais que la couleur est le propre du Peintre, & que l’on ne pouvoit prendre cette qualité qu’à cause de l’emploi des couleurs, qui sont capables de tromper les yeux en imitant les choses naturelles ; qu’étant donc la chose qui le distingue d’avec les autres Artisans, elle devoit être considerée d’une façon singuliere, qu’aussi Zeuxis avoit obtenu autant de louanges par l’intelligence des couleurs, qu’Appellés pour la justesse du dessein : que si comparant l’état auquel se trouve maintenant l’une & l’autre, la couleur avoit cet avantage d’être moins d’écheue, mais plûtôt augmentée par l’usage de l’huile, elle devoit par consequent meriter d’autant plus de loüanges, & qu’étant une partie essentielle pour conduire le Peintre à la perfection de son Ouvrage ; elle devoit être considerée aussi necessaire que le dessein.

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CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

C’est pourquoi il ne les [ndr : le dessin et la couleur] falloit pas mettre en paralelle, n’y dire que c’est elle [ndr : la couleur] qui fait la Peinture & le Peintre, puisque c’est du Dessein qu’elle tire tout ce qu’elle a d’éclat & de gloire. […] Que l’on accordoit volontiers que la couleur contribuoit beaucoup pour perfectionner un Ouvrage de Peinture, de même que la beauté du teint acheve de donner la perfection aux beaux traits d’un visage, & qu’elle ne pouvoit pas être ditte parfaite, si la couleur n’y est doctement employée avec oeconomie, ce qui prouvoit encore sa dependance, que si elle avoit l’avantage de plaire aux yeux, le Dessein a celui de satisfaire à l’esprit ; & comme les Tableaux doivent divertir l’un & l’autre, il n’y avoit point de doute que ces deux parties n’y dussent concourir ensemble, & par un agreable accord tenir chacune sa partie & son rang ; que pour cela on ne la devoit pas negliger, mais en bien étudier l’usage conjoinctement avec la lumiere & le dessein, en sorte que ce Pere des Arts en puisse être le Maître & le Conducteur, comme en effet il doit dominer sur toutes les parties de cette Profession.

Comme de nombreuses autres parties de texte, ce passage de Testelin est repris par Florent Le Comte dans son Cabinet des singularitez (...), plus précisément à la page 67 de son édition de 1699-1700 (Paris, Etienne Picart & Nicolas Le Clerc). Le Comte reprend également la Table des Préceptes sur la Couleur aux pages 50-53.

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

Toutes ces considerations sur le merite du dessein & de la couleur ayants été rapportées en une assemblée particuliere, il fut dit qu’il n’étoit pas difficile de les concillier ensemble, mais que le plus important étoit d’expliquer les regles & les preceptes que l’on pouvoit donner aux étudiants, pour faire bon usage de la couleur ; d’autant qu’il y avoit eu beaucoup de Peintres, lesquels pretendans exceller en cette partie là, non seulement avoient négligé le dessein, mais par cette non chalance s’étoient entierement éloignés de l’imitation du naturel aussi bien dans la couleur que dans la forme affectant de faire paroître de fausses obscurités, sous pretexte de donner plus de force & d’éclat à leurs ouvrages, que par cette maniere on voyoit en plusieurs Tableaux des choses aussi contraires à la raison qu’à la verité. Mais que pour bien pratiquer l’usage des couleurs, l’on devoit soigneusement observer deux choses. La premiere ; d’Etudier qu’elles en sont les propriétés naturelles, en reconnoître bien leur valeur & leurs effets pour les pouvoir appliquer avec oeconomie associant celles qui se peuvent marier ensemble, pour produire une agreable union, & opposer celles qui sont propres à se relever l’une l’autre par un doux contraste.
La seconde chose étoit de bien sçavoir menager leur diminution, pour faire enfoncer les objets dans le Tableau, & imiter le plus qu’il est possible, les beaux effets du naturel.
En parlant de la degradation des Couleurs ou Perspectives aërées, on dit que s’il étoit possible d’en fixer ou déterminer un degré principal de lumiere sur la Couleur, on pouvoit venir à donner quelques régles de degrés fuyants, mais qu’outre les difficultés qu’il y a pour atteindre à cette exactitude cela empêcheroit les beaux effets de l’Art ; qui ne se rencontrent jamais si agreablement par une dégradation de couleur suivie, que par les éclats que produisent le different rencontre des choses opposées, que le naturel ne nous paroît si égal que tres rarement, à cause des differants rencontres des nuages opposez qui forment des effets de lumiere differants, mais que le Peintre peut poser sur la premiere ligne de son Tableau une couleur dans son plus parfait éclat, & dans l’éloignement placer de distance en distance, de semblables couleurs diminuées proportionnement selon la perspective du Trait. De plus on doit observer que dans la distance de laquelle on regarde le Tableau, il y a beaucoup d’air qui efface la force & vivacité des couleurs, ce qui oblige le Peintre à les fortifier plus qu’elle ne devroient être si l’Ouvrage étoit regardé de prés ; c’est pourquoi il importe necessairement d’observer la position du Tableau, & de quelle lumiere il doit être éclairé, pour aproprier la douceur ou la force des couleurs.

Comme de nombreuses autres parties de texte, ce passage de Testelin est repris par Florent Le Comte dans son Cabinet des singularitez (...), plus précisément à la page 69 de son édition de 1699-1700 (Paris, Etienne Picart & Nicolas Le Clerc). Le Comte reprend également la Table des Préceptes sur la Couleur aux pages 50-53.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
L’ARTISTE → règles et préceptes

Quotation

on representa, que les anciens au sortir de la pratique de peindre à détrempe tomberent en quelque sorte de dureté par la grande force des ombres, comme on le peut remarquer en quelques ouvrages de Jule Romain, de Raphael, & autres, tant de l’École des Romains, que celles des Lombards qui ont travaille dans ces premiers tems là, où l’usage des reflexs, n’étoit point encore connu, que les reflexs sont d’une grande utilité pour produire l’union dans les couleurs, portants quelque chose des couleurs voisines dans l’ombre des corps, sur lesquels ils rejalissent, ce qui est l’avantage des siecles suivants où les habilles hommes se sont étudiés à la belle oeconomie & dispensation des couleurs, qui est le plus bel effet que peut produire leur raisonnable mariage ; Il faut de plus considerer leur valeur pour les ranger en sorte qu’elles puissent mutuellement s’entre-aider & se faire valoir par un judicieux contraste, leur force, pour les placer aux endroits que l’on veut faire paroître avancés ou reculées, & leur union pour les associer en une agreable correspondance ; mais on considera aussi qu’en s’attachant à ce menagement harmonieux des couleurs, on ne devoit pas negliger le bon choix des matieres & leur application, évitant le mélange de celles qui sont corruptibles avec celles qui sont pures, & l’avoisinement de celles qui peuvent causer quelque aigreur ou dureté à la vuë & sur tout dans leur Emploi, les appliquer proprement, chaque teinte en sa place ne les brouillant & tourmentant que le moins qu’il est possible, sur tout dans les carnations, où à l’imitation du Titien, on doit donner tout l’avantage, & l’éclat, en n’y approchant que des couleurs sales pour les faire paroître d’autant plus vives & plus fraiches ; enfin que dans cette partie de la couleur, l’on doit considerer ces trois choses conjointement pour y exceller, la belle oeconomie des couleurs, la propreté dans leur mêlange & application, & la liberté du Pinceau ; ces trois choses (qui bien souvent font chacune tout le talant d’un homme) ne se doivent jamais separer, encore qu’ils requierent chacun un soin particulier pour imiter la beauté du naturel.

Comme de nombreuses autres parties de texte, ce passage de Testelin est repris par Florent Le Comte dans son Cabinet des singularitez (...), plus précisément aux pages 69-71 de son édition de 1699-1700 (Paris, Etienne Picart & Nicolas Le Clerc). Le Comte reprend également la Table des Préceptes sur la Couleur aux pages 50-53.

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MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la peinture
CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

XVII.
Lors que l’on veut coucher quelque Couleur également forte par tout, comme un Fond, il faut faire vos meslanges dans des Coquilles, & en mettre assez pour ce que vous avez dessein de peindre ; car si elle finit trop-tost il est tres-difficile d’en faire qui ne soit ou plus brune, ou plus claire.

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MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Nous aprenons de Felibien dans la vie de Poussin, que ce Peintre consulté sur la Peinture, par un de ses amis, luy avoit écrit, qu'elle est une imitation faite avec lignes & couleurs, en quelque superficie, de tout ce qui se voit sous le Soleil, dont la fin est la delectation. Quoique cette définition parte de la main d'un des plus excellens Peintres qui ont paru dans ces derniers siecles : Il semble pourtant qu'on y pourroit ajouter quelque circonstance, pour en faire une description achevée : parce que l'étude des Peintres ne se borne pas seulement à l'imitation des choses visibles : Ils les doivent encore representer, dans la plus parfaite idée qu'elles peuvent donner ; Et la fin de cet Art n'est pas de plaire uniquement aux yeux : Mais d'avertir, d'enseigner, & de plaire à même tems.

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

Quotation

dans les divers sujets qu’un Peintre peut avoir à traitter, il doit.
Déterminer la situation du lieu, & à l’égard des actions des figures, se proposer la diversité des mouvemens qui peuvent convenir à son sujet, leur ponderation ou soutien en équilibre, leur position sur un plan perspectif, le contraste, les jours & les ombres ; & enfin les couleurs, puisqu’on doit avoir égard également à toutes ces choses dans le projet qu’on fait de l’ordonnance pour le disposer, de sorte que toutes concourent ensemble à l’expression de la principale idée du sujet.

Comme de nombreuses autres parties de texte, ce passage de Florent Le Comte est tiré de l'ouvrage "Les Sentimens (...)" de Testelin, plus précisément à la page 27 de l'édition de La Haye (Matthieu Rogguet, vers 1693-1694).

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L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix
CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

comme vous pouvez avoir eu la curiosité d’apprendre de quelque habile Peintre, ce que c’est que LA COULEUR, & la manière de l’employer, ce ne sera rien de nouveau pour vous, quand je vous diray que les COULEURS se doivent considerer à l’égard de leur employ, soit à huile, ou à l’eau.
A l’huile, remarquant premierement leur PREPARATION, observant qu’il les faut broyer le plus fin & le plus proprement qu’il est possible, choisissant toûjours les plus belles.
Qu’en les mettant sur la palete, il faut allier d’huile ou autres choses siccatives celles qui ne sechent point d’elles-mêmes.
Qu’il faut détremper les teintes dont l’on aura besoin, en moindre nombre qu’il sera possible, étant plus facile de les trouver avec le pinceau.

Comme de nombreuses autres parties de texte, ce passage de Florent Le Comte est tiré de l'ouvrage "Les Sentimens (...)" de Testelin, plus précisément à sa "Table des préceptes" de l'édition de La Haye (Matthieu Rogguet, vers 1693-1694).

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Le COLORIS, est une des parties de la Peinture, par laquelle le Peintre sçait imiter la couleur de tous les objets naturels, & distribuer aux artificiels, celle qui est la plus avantageuse pour tromper la vûë ; & la couleur n’est autre chose qu’une superficie qui nous rend les objets sensibles à la vûë. Or, comme le Peintre doit considerer deux sortes d’objets, le naturel ou celuy qui est veritable, & l’artificiel, ou celuy qui est peint ; il doit aussi considerer deux sortes de couleurs, la naturelle & l’artificielle. La couleur naturelle est celle qui nous rend actuellement visibles tous les objets qui sont dans la nature, & l’artificielle est une matiere dont tous les Peintres se servent pour imiter les mêmes objets : c’est dans ce sens là qu’on peut appeler artificielles toutes les couleurs qui sont sur la palette du Peintre, dautant que ce n’est que par l’artifice de leur mélange, qu’on peut imiter la couleur des objets naturels.
Le Peintre doit avoir une parfaite connoissance de ces deux sortes de couleurs ; de la naturelle, afin qu’il sçache ce qu’il doit imiter, & de l’artificielle, pour en faire une composition & une teinte capable de representer parfaitement la couleur naturelle.
Il faut qu’il sçache encore que dans la couleur naturelle il y a la couleur veritable de l’objet & la couleur reflechie ; & parmi les couleurs artificielles il doit connoître celles qui ont amitié ensemble (pour ainsi-dire) & celles qui ont antipathie ; il en doit sçavoir les valeurs separément & par comparaison des unes aux autres, & cela parce que la nature n’étant pas toûjours bonne à imiter, s’il ne la trouve pas telle qu’il la cherche, il faut qu’il sçache corriger celle qui luy est presente

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Il faut ajoûter que LA COULEUR dépend tellement du Dessein qu’il luy est impossible de representer quoy que ce soit, sans son ordonnance & sans sa conduite : qu’ainsi il est très-constant que le merite de la Peinture consiste plutôt dans le Dessein que dans la couleur, & puisque ce qui releve le merite des choses est de dépendre moins d’une cause étrangere, il faut donc conclure que celuy du Dessein est infiniment au-dessus de la Couleur. [...] ainsi le Peintre a besoin de la Couleur quand il veut rendre ses representations complettes & accomplies. Le Musicien qui chante juste & correct avec une voix mediocre, doit être plus estimé que celuy qui chante faux avec une belle voix ; de même le Peintre bon Dessinateur & correct, qui colorie mediocrement, est plus estimable que celuy qui dessine mal avec un beau Coloris : enfin la belle voix peut charmer les ignorans, bien qu’elle ne soit pas soûtenuë de la justesse ; de même le bel éclat de la Couleur peut faire la même chose, encore que le Dessein soit mauvais. [...] Or, pour bien pratiquer l’usage des couleurs l’on doit soigneusement observer deux choses. La PREMIERE, d’étudier quelles en sont les proprietez naturelles, reconnoître bien leur valeur, & leurs effets, pour les pouvoir appliquer avec œconomie, associant celles qui se peuvent marier ensemble pour produire une agreable union, & opposer celles qui sont propres à se relever l‘une l’autre par un doux contraste. La SECONDE, de bien menager leur diminution, pour faire enfoncer les objets dans le Tableau, & imiter le plus qu’il est possible les beaux effets du naturel.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Enfin dans cette partie de la Couleur, on doit considerer ces trois choses conjointement pour y exceller. La belle œconomie des couleurs, la propreté dans leur mélange & dans leur application, & la liberté du Pinceau. Ces trois choses qui bien souvent font tout le talent d’un Peintre, chacune en particulier, ne se doivent neanmoins jamais separer, puisqu’elles contribuent également à imiter avec succés la beauté du naturel.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

LA COULEUR. Cette partie ne doit pas seulement s’entendre du Coloris, mais encore de la science des ombres & des lumieres, comme étant une branche de la Perspective, où le centre du corps lumineux represente l’œil, & la section qui se fait de ses rayons sur le plan ou sur une autre superficie, exprime précisément le vray contour & la forme même du corps éclairé ; & les perspectives capricieuses qu’on voit quelquefois sur des surfaces irréguliéres, ne seront plus difficiles à ceux qui en auront le secret & l’intelligence.

Cette citation reprise de Fréart est en contradiction avec ce qu'il dit par ailleurs de la couleur et du coloris.

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → perspective
CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTION DE LA PEINTURE → lumière

Quotation

Et qu’appellez-vous Couleur, continua Damon.
Pour vous répondre en Peintre, dit Pamphile, & laisser là les disputes des Philosophes, sçavoir si c'est quelque chose de réel, ou si c'est seulement la refraction de la lumière avec la modification du corps coloré ; je vous diray que la Couleur est ce qui rend les objets sensibles à la vûë.

term translated by COLEUR

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Le Dessein, repliqua Pamphile, tient fort bien sa place : puisque c'est une partie essentielle de la Peinture, & sans laquelle la Peinture ne peut subsister non plus que le Coloris.
Enfin, vous-voulez, dit Damon, que le Dessein soit le genre de la Peinture, & la Couleur sa difference ?
Cela mesme, répondit Pamphile, car le genre, comme vous sçavez, se communique à plusieurs especes, & c'est pour cela qu'il est moins noble que la difference qui est un bien propre à sa seule espece. Et c'est ainsi que le degré d'animal qui est le genre de l'homme, se communique indifferemment à l’homme & à la beste ; & que le degré de raisonnable qui est la difference de l’homme, ne se communique qu'à l’homme seul.
A quels autres Arts, reprit Damon, voulez-vous que le Dessein se communique ?
A la Sculpture, répondit Pamphile, à la Graveure, à l'Architecture, & aux autres Arts qui donnent des mesures & des proportions.

term translated by COLORIET

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

Je conviens, dit Damon, que le Dessein se communique à plusieurs sortes d'Arts : mais ne pourroit-on pas vous dire que la Couleur se communique aussi de la mesme maniere, & que les Tapissiers & les Teinturiers s'en servent aussi bien que les Peintres.
Pour l’ouvrage des Tapissiers, repliqua Pamphile, je ne trouve pas qu'il soit different de celuy des Peintres ; les Tapissiers representent comme les Peintres, les Couleurs & les formes qui sont dans la Nature. Leurs Couleurs sont attachées aux laines, & celles des Peintres aux terres ou aux mineraux qu'ils employent : & cette difference de matiere, comme vous sçavez, n'est jamais essentielle. Pour l’objection des Teinturiers ; vous pouviez bien vous passer de me la faire, & de mettre en compromis les Peintres avec les Teinturiers : neanmoins il faut vous satisfaire. Il est vray que les Teinturiers entendent quelque chose aux Couleurs ; mais non pas au Coloris dont il est icy question. L'on appelle souvent du nom de Couleur la partie de Peinture qui s'appelle Coloris, l’usage en est assez ordinaire, & cette équivoque vous a fait faire l’objection des Teinturiers : Cependant, il y a grande difference entre Couleur & Coloris, & je vous ay fait voir que le Coloris n'estoit point, ny le blanc, ny le noir, ny le jaune, ny le bleu, ny aucune autre Couleur semblable : mais que c'estoit l’intelligence de ces mesmes Couleurs dont le Peintre se sert pour imiter les objets naturels : ce que n'ont pas les Teinturiers.

term translated by KLEUR (ALGEMEEN)

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

Quotation

Il faut beaucoup plus de Genie pour faire un bon usage des lumieres & des ombres, de l’harmonie des couleurs & de leur justesse pour chaque objet particulier, que pour dessiner correctement une figure.
Le Dessein qui demande tant de tems pour le bien sçavoir, ne consiste presque que dans une habitude de mesures & de contours que l’on repete souvent : mais le Clair-obscur & l’harmonie des couleurs sont un raisonnement continuel, qui exerce le genie, d’une maniere aussi differente que les Tableaux sont composés differemment.

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → qualités
CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination
CONCEPTION DE LA PEINTURE → dessin

Quotation

Cependant il est aisé de voir que ce qui a le plus de part à l’effet qui appelle le Spectateur, c’est le Coloris composé de toutes ses parties qui sont le Clair-obscur, l’harmonie des couleurs, & ces mêmes couleurs que nous appellons Locales, lors qu’elles imitent fidellement chacune en particulier la couleur des objets naturels que le Peintre veut representer.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
SPECTATEUR → perception et regard

Quotation

le Peintre doit considerer que les couleurs des draperies lui donnent un moyen de pratiquer avec adresse l’intelligence du Clair-obscur. Le Titien a mis en usage cet artifice dans la plûpart de ses Tableaux, en se servant de la liberté qu'il avoit de donner à ses draperies la couleur qui lui sembloit la plus convenable, ou pour servir de fond, ou pour étendre la lumiere, ou pour caracteriser les objets par la comparaison.

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → vêtements et plis
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Ceux [ndr : les peintres] au contraire qui sont dans le style Pastoral, s’attachent fortement à la couleur pour représenter plus vivement la verité. L'un & l'autre style ont leurs spectateurs & leurs partisans. […]
Ainsi pour contrebalancer l’élevation des Païsages Heroïques, je croirois qu’il seroit à propos de jetter dans les Païsages champêtres, non seulement un grand caractere de verité, mais encore quelque effet de la Nature piquant, extraordinaire & vraisemblable, comme a toujours fait le Titien.

Conceptual field(s)

GENRES PICTURAUX → paysage
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Quotation

Le Peintre qui est un parfait imitateur de la Nature, pourvû de l’habitude d’un excellent Dessein, comme nous le supposons, doit donc considerer la couleur comme son objet principal, puisqu’il ne regarde cette même Nature que comme imitable, qu’elle ne lui est imitable, que parce qu’elle est visible, & qu'elle n’est visible que parce qu’elle est colorée.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
L’ARTISTE → qualités
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Quotation

[…] une des plus grandes preuves de la simpathie & de l’antipathie qui est entre les couleurs placées l’une auprès de l’autre se tire de la troisiéme couleur qui resulte du mêlange des deux qui l’ont composée ; car si cette troisiéme couleur composée marque par sa saleté la destruction des deux qui la composent, il faut inferer que ces deux couleurs sont antipathiques ; si au contraire leur mélange fait une teinte douce & agréable qui tienne de leur premiere qualité, c’est une marque infaillible de leur harmonie.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Le corps des couleurs est encore un autre principe pour juger de leur destruction par le mélange. Car il y a des couleurs qui ont tant de corps qu’elles ne peuvent souffrir aucune autre couleur, sans la dépouiller presqu’entierement de ses qualités naturelles : telles sont l’occre de Rut, la terre-d’ombre, l’indigo & d’autres à proportion.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

L’on doit raisonner de la même maniere à l’égard de toutes les autres couleurs, où le plus ou le moins de lumiere ne change rien à leur qualité.
Il est constant que cette union & cette opposition se trouvent entre certaines couleurs : mais la difficulté d’en bien expliquer la cause, fait que je renvoie le Peintre studieux à ses propres experiences, & aux solides reflexions qu’il doit faire sur les ouvrages les plus beaux en ce genre, & qui sont très-rares, parce que les Tableaux harmonieux sont en petit nombre

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
L’ARTISTE → règles et préceptes
L’ARTISTE → qualités

Quotation

Après la connoissance des couleurs, vient celle de leur emploi, de leur ménagement, & de leur travail ; & dans l’exercice de ces trois choses consiste la plus grande satisfaction du Peintre.

Conceptual field(s)

MANIÈRE ET STYLE → le faire et la main
L’ARTISTE → qualités
CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Il faut apprendre à bien voir la Nature pour la bien representer. Il y a deux manieres de la colorier, la premiere dépend de l’habitude que ceux qui commencent à Peindre se forment, & l’autre comprend la veritable connoissance des couleurs dont on se sert, ce qu’elles valent l’une auprès de l’autre, & le juste temperament de leur mélange pour imiter les diverses couleurs de la Nature.

Conceptual field(s)

MANIÈRE ET STYLE → le faire et la main
L’ARTISTE → apprentissage
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

La distribution des couleurs contribue aux masses de clairs & masses d’ombres, sans que la lumiere directe y contribue autre chose que de rendre les obscures visibles […]

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
EFFET PICTURAL → qualité de la lumière

Quotation

Et lorsque ces mêmes Couleurs n'ont point été trop agitées, ni trop tourmentées par le mouvement d'une main pesante, & qu'aucontraire [sic] le mouvement en parait libre, prompt & léger; on dit que l'Ouvrage est d'un beau Pinceau. Mais ce Pinceau libre est peu de chose si la tête ne le conduit, & s’il ne sert à faire connoître que le Peintre possède l’intelligence de son Art. En un mot, le beau Pinceau est à la Peinture ce qu’est à la Musique à une belle voix ; l’un & l’autre sont estimés à proportion du grand effet & de l’harmonie qui les accompagne.

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

3°. La couleur ne s’entend pas seulement du coloris, mais aussi de la science des ombres & des lumieres, lesquelles étant dispersées avec justesse, expriment précisément le vrai contour & la forme même du corps éclairé.
Giges l’Indien, selon Pollidore, en son vingt-deuxiéme Chapitre du second Livre des Inventeurs des choses, a trouvé l’invention des couleurs, & Glicera trouva la maniere de les mêler ensemble.

GLICERA
GYGES
VIRGILIO

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTION DE LA PEINTURE → lumière

Quotation

La peinture est composée de tant de parties, que nous ne devons presque jamais nous flatter de ne pas perdre de vûë les unes, en nous attachant à chercher les autres. Il n’est pas moins rare de trouver des amis qui soient également touchez de toutes ces parties. L’un n’est sensible qu’à la couleur, & n’est que peu flatté de l’élégance du dessein ; l’autre au contraire prétend que sans le grand goût, la délicatesse & la pureté du dessein, la Peinture n’est autre qu’une affaire mécanique. L’Homme d’esprit & de sentiment ne s’attachera qu’à l’expression des têtes, & à l’ordonnance. L’homme d’érudition sera satisfait si la coutume est scrupuleusement observé dans un tableau : ainsi des autres.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Je le redis donc encore avec plus de confiance : apprenons à critiquer nos propres ouvrages à la vûë des beautez que nous découvrons dans ceux des autres ; ne rougissons point de chercher à les étudier ; ne craignons point qu’on nous accuse d’être de serviles imitateurs, quand nous aurons l’adresse de nous approprier les parties qui nous manquent, & de les joindre à celles que nous possedons. Le goût de dessein de celui-ci est plus noble & plus délicat que le vôtre, mais votre coloris l’emporte sur le sien ; ne pouvez-vous, sans perdre ce que vous avez acquis dans la couleur, faire votre profit de son heureuse maniere de dessiner ? Raphaël n’a t-il pas ajouté une nouvelle grandeur à la sienne à la vûë des ouvrages de Michel-Ange, sans se dépoüiller de sa sage simplicité & des graces nobles qui le caracterisent. Louis Carrache a-t-il passé pour un plagiaire, pour avoir étudié les tournures naïves & piquantes du Correge ? J’ai entre mes mains des études d’Annibal d’après Raphaël d’une beauté à faire comprendre qu’il étoit déjà digne de sa grande reputation lorsqu’il les a faites. Le Roy possede un Tableau de Vandeik d’après Le Titien, qui n’est point l’ouvrage d’un écolier.

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CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

ALCIPE.  […] Ne croïez pas même qu’ils [ndr : les prétendus connoisseurs] aillent chercher les preuves de l’originalité dans les grandes parties ; non, c’est souvent un petit coin de tableau, la touche d’une plante, d’un nuage, ou le derriere de la toile qui les determinent. D’ailleurs ces gens là n’ignorent aucuns termes de l’art, sçavent exactement la vie des peintres, l’histoire de chaque tableau ; mais ils ne se servent de ces choses, que pour jetter plus d’obscurité dans leur raisonnemens, & donnent aux autres une idée si bizarre de la Peinture, que s’ils ne la regarde pas comme un art purement dépendant du caprice, du moins, ils n’osent plus s’en rapporter à leurs yeux ; ils n’osent enfin loüer la lumiere d’un tableau, parce qu’ils ne scavent pas le mot de clair-obscur ; la beauté des couleurs, parce que le grand terme d’harmonie des couleurs ne leur est pas familier. S’ils voïent par exemple, une belle tête de vieillard, dans laquelle d’heureuses épaisseurs de couleur leur representent des rides, ils n’ignorent pas qu’il y a pour les loüer un terme, dont ils ne peuvent se souvenir ; & faute de se rappeler le beau mot de patroüillis, ils croient devoir se taire.

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EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
SPECTATEUR → perception et regard

Quotation

A l’égard de la couleur, vous êtes à portée de même, & plus encore d’en sentir les beautez, puisqu’il ne s’agit que de comparer le vrai avec l’imitation. Quand vous verrez de la chair qui ressemblera à de la chair, dites hardiment : voilà qui est bien colorié. Lorsqu’au contraire vous verrez dans un tableau de la chair, dans laquelle vous distinguerez le verd, le rouge, le gris ou le jaune ; moquez-vous des grands mots de couleurs brillante, rousse, dorée, suave, precieuse, allez votre chemin : demander la couleur de la chair.

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EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Quotation

Are. Ainsi la principale difficulté du coloris consiste dans l’imitation des chairs, & dans la varieté des teintes, & en la douceur. Il faut ensuite savoir imiter la couleur du drap, de la soye, de l’or, & de chaque espece, si bien qu’on croye en voir la dureté, ou la molesse plus ou moins, selon qu’il convient à la qualité de l’etoffe. Savoir representer la lueur des armes, l’obscurité de la nuit, la clarté du jour, eclairs, feux, lumieres, eau, terre, pierres, herbes, arbres, feüilles, fleurs, fruits, batimens, maisons, animaux, & autres choses semblables, si bien qu’elles aient une certaine vivacité, qui ne rassasie jamais la vûe des spectateurs.

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CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

On dit qu'un dessein a de la couleur & qu'il est chaud, quand il est touché avec feu. tels sont les desseins du Baroche, de Guillaume Baur, du Benedette, du Guerchin, de Rubens, de Vandyck, de Rembran, de la Fosse & autres.

chaud

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MANIÈRE ET STYLE → le faire et la main

Quotation

L’œil doit être satisfait le premier par la couleur qui lui représente le naturel, & l’esprit frappé par les autres beautés secondées par le coloris ne va que le dernier

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EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
SPECTATEUR → perception et regard

Quotation

COULEUR, drogue dont se sert pour peindre. On trouvera dans ce Dictionnaire selon leur rang, le nom des plus communes & des plus usitées. Il y a des couleurs naturelles, il y en a de factices. Il faut préparer les couleurs, les tremper, les broyer, les mêler.
Il y a une grande différence entre
couleur, & coloris : les couleurs sont, comme je l’ai dit, ces matiéres molles & liquides, jaunes, vertes, rouges, bleues, qu’on emploie pour peindre ; le coloris est l’effet qui résulte des couleurs lorsqu’elles sont employées. 
Couleurs tendres.
Couleurs amies.
Couleurs fiéres.
Couleurs fondues. 
Le ton, l’harmonie, l’union & l’amitié des couleurs.
Voyez COLORIS.

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EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

Quotation

Tout est remarquable dans cet ouvrage [ndr : la Nativité de Boucher] : l’air fin & séduisant de la plûpart des figures, l’élégante naiveté de leurs attitudes, & la singuliere variété de leurs caracteres. Sa couleur semble le disputer à son dessin, & acheve d’en faire un tout parfait, par l’union admirable & l’entente qu’on y remarque.

BOUCHER, François

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EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Ces deux derniers [ndr : l’Ecole de l’Amour et Athalante et Méléagre] ainsi que les autres ouvrages de M. Hallé sont d’un assez bon goût de dessin, & exécutés avec hardisse ; mais ils affectent peu pour la grace & la couleur. Dans le premier Venus, l’Amour & Mercure se ressemblent & sont peints tous trois avec la même carnation : vous prendriez Athalante & Méléagre, dans l’autre, pour de véritables Ours qui se léchent.

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EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

[...] J’aime infiniment cette figure massée sur le devant du Tableau ; & qui détache adroitement tout le sujet ; cette autre qui lui est opposée dans le Fond, & qui semble le rapprocher […]. Mais je n’admire pas ainsi la couleur qu’on donne à cette figure [ndr : Sénèque dans La mort de Sénèque par Hallé], qui est moins celle d’un mourant que d’un cadavre froid & inanimé.

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EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

On doit observer de faire la premiere taille forte & nourrie & serrée, la seconde un peu plus déliée, & plus écartée, & la troisième encore plus fine & plus large ou écartée, ce qui se peut faire avec la même pointe en appuyant plus ou moins, ou bien en changeant de pointes de différentes grosseur, si la partie que l’on grave doit être d’un ouvrage pur & d’une belle couleur.

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MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la gravure
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Si l’on veut représenter de la sculpture, l’on ne doit jamais faire l’ouvrage fort noir, parce que comme ces ouvrages sont ordinairement construits de pierre ou de marbre blanc, la couleur réfléchissant de tous côtés ne produit pas des bruns comme en d’autres matieres. Il ne faut pas mettre de points blancs dans la prunelle des yeux des Figures, comme si c’étoit d’après de la peinture, ni représenter les cheveux & la barbe comme le naturel, qui fait voir des [p. 109 163] poils échapés & en l’air : ce seroit faire les choses contre la vérité, parce que la sculpture ne le peut faire.

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MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la gravure
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
EFFET PICTURAL → qualité de la lumière

Quotation

Si l’on travaille d’après des desseins originaux, ils doivent plutôt être gravés avec de grands jours & de grandes ombres, d’autant que quelque [p. 116 169] finis qu’ils puissent être, il n’y a jamais tant de détail que dans des Tableaux peints, qui requierent aussi beaucoup plus de soin & de travail à cause des différentes couleurs.
L’on m’objectera peut-être qu’il est impossible d’imiter les couleurs, vû que l’on n’a que du blanc & du noir. Mais quand je parle de les imiter, je ne prétens [sic] pas faire une distinction du vert au bleu, du jaune au rouge, & ainsi des autres couleurs, mais seulement en imiter les masses comme ont fait avec succès Wostermans, Bolswert, & quelques autres lorsqu’ils ont gravé d’après Rubens.
Il est certain que les ouvrages où cette partie sera traitée par un Graveur sçavant & entendu seront bien plus agréables & feront un plus bel effet. Il faut donc, comme je viens de le dire, que le graveur soit intelligent & habile homme, parce qu’il se rencontre quelquefois des couleurs claires sur d’autres claires, qui ne font d’effet que par leur différence, & qui causent ce que nous appellons un corps percé, accident fort à éviter, parce qu’il ruine l’intelligence du clair-obscur. Il faut aussi prendre garde à ne pas exterminer les principales lumieres, en affectant par trop d’imiter les couleurs, surtout aux Figures de devant, car cela les empêcheroit d’avancer, & romproit entierement l’intention du Peintre.
Nous ne nous étendrons pas davantage sur cette partie de la Gravûre qui elle seule demanderoit un Traité entier, si l’on vouloit entrer dans le détail de toutes ses parties & rendre compte de toutes ses circonstances, mais ce que nous venons d’en dire peut suffire à un homme intelligent, & avec le secours des Estampes des grands Maîtres que nous avons cités dans cet ouvrage, un peu de pratique [p. 117 170] poura le conduire à une plus grande perfection.

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MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la gravure
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

La maniere noire a donné occasion d’inventer une sorte de Gravûre colorée qui imite beaucoup la Peinture. Elle se fait avec plusieurs Planches qui doivent représenter un seul sujet, & qu’on imprime chacune avec sa couleur particuliere, sur le même papier. Ces couleurs par leur différens degrés & leur mélange, produisent des tons approchans des tableaux qui servent d’originaux. On a [p. 124 178] pour cet effet trois planches de cuivre de même grandeur bien égalisées & limées de façon qu’elles se rapportent exactement l’une sur l’autre. Ces trois cuivres sont gravés & préparés comme pour la maniere noire, & l’on calque sur chacun le même dessein. Chaque planche est destinée, comme on vient de le dire, à être imprimée d’une seule couleur : il y en a une pour le rouge, l’autre pour le bleu, & la derniere pour le jaune. On efface sur celle qui doit être imprimée en rouge, toutes les parties où il ne doit point entrer de rouge, comme par exemple la prunelle de l’oeil, ou des étoffes d’une autre couleur, &c. On y forme seulement les parties où le rouge domine comme les lévres, les joues, &c. & dans les autres parties qui ne demandent qu’un oeil roussâtre, comme les masses d’ombre, & en général toute la peau qui doit être vermeille, on y laisse un petit grain tendre, & seulement capable de faire étant imprimée avec les autres couleurs un ton mêlé tel qu’on le désire.

Dans cet ensemble d'extraits (p. 123-128), Charles-Nicolas Cochin évoque la couleur comme effet pictural de l'oeuvre. Pour cela, il cite certains auteurs à l'instar de Le Blon et son ouvrage Il Coloritto, ou l’Harmonie du Coloris dans la Peinture, réduite à des principes infaillibles, & à une pratique méchanique, avec des figures imprimées en couleur pour en faciliter l’intelligence) ; mais également Newton et son Traité d’Optique.

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MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la gravure
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Sur la Planche qui doit être tirée en bleu on efface tout-à-fait les choses qui sont rouges, & l’on ne fait qu’attendrir celles qui doivent participer de ces deux couleurs ; on laisse entierement celles où le bleu doit dominer. On en fait de même sur la planche destinée pour le jaune. L’on imprime ensuite chacue de ces planches sur le même papier avec la couleur qui lui convient. A l’égard de l’ordre que l’on doit suivre pour l’impression de ces trois couleurs, il varie suivant que l’exigent les sujets que l’on veut représenter. On sçaura seulement en général qu’il faut commencer par la couleur qui est la moins apparente dans le Tableau, & réserver la couleur dominante pour être imprimée la derniere. Quelquefois même on est obligé de graver deux [p. 125 179] planches pour la même couleur, pour faire un plus grand effet, & alors la seconde planche de la même couleur, s’imprime la derniere & ne sert qu’à attendrir & glacer les autres couleurs. On se sert aussi de terre d’ombre & même de noir pour former des masses d’ombre & leur donner plus de vigueur. Toutes les couleurs qu’on empoye pour cette impression doivent être transparentes, ensorte que paroissans sur l’épreuve l’un au travers de l’autre, il en résulte un mélange qui imite plus parfaitement le coloris d’un Tableau. Pour conserver plus long-tems ces épreuves & les faire mieux ressembler à la Peinture, on les colle sur toile, & on les tend sur un chassis, pour les encadrer dans une bordure, ensuite l’on passe par-dessus cette impression un beau vernis pareil à celui que l’on met sur les Tableaux.
Au reste cette espece de Peinture réussit assez bien à imiter les choses qui sont de couleur entiere comme les Plantes, les Fruits, & les Anatomies : mais pour les tons de chairs ils sont composés d’un mélange trop difficile pour qu’on puisse en attendre un grand succès. Il en est de même des Paysages & des sujets d’histoire qui ne sont pas propres à être exécutés par ce genre de gravûre.
Cette invention pourroit être portée à un certain degré de perfection, si d’habiles gens vouloient s’y exercer & y mettre leurs soins : cependant elle n’a pas encore produit jusqu’ici que des choses au-dessous du médiocre, excepé quelques portraits gravés par M. le Blon, dont on a parlé ci-dessus. Le deffaut général de presque toutes les Productions de cette espece, qui ont paru depuis la mort de cet Auteur, est qu’elles sont trop bleuës, & que cette couleur y domine de façon à effacer toutes les autres.

Dans cet ensemble d'extraits (p. 123-128), Charles-Nicolas Cochin évoque la couleur comme effet pictural de l'oeuvre. Pour cela, il cite certains auteurs à l'instar de Le Blon et son ouvrage Il Coloritto, ou l’Harmonie du Coloris dans la Peinture, réduite à des principes infaillibles, & à une pratique méchanique, avec des figures imprimées en couleur pour en faciliter l’intelligence) ; mais également Newton et son Traité d’Optique.

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MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la gravure
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
EFFET PICTURAL → qualité de la lumière

Quotation

Principes de la Gravûre & de l’Impression qui imite la Peinture.
Pour dire quelque chose de plus précis & de raisonné sur ce nouvel Art, nous rapporterons ici un extrait d’un Livre devenu extrêmement rare, composé par M. le Blon, & imprimé à Londres, il y a environ quinze ans, en Anglois & en François ; il a pour titre
Il Coloritto, ou l’Harmonie du Coloris dans la Peinture, réduite à des principes infaillibles, & à une pratique méchanique, avec des figures imprimées en couleur pour en faciliter l’intelligence. Par Jacques Christophe le Blon ; in quarto, orné de cinq planches.
M. le blon voulant fixer la véritable harmonie des couleurs dans la Peinture, prouve dans ce Livre que tous les objets peuvent être représentés par trois couleurs primitives, sçavoir le rouge, le jaune, & le bleu. Qu’avec le mêlange de ces trois couleurs on peut composer toutes les autres, & même le noir ; ce qui s’entend des couleurs matérielles dont on se sert dans la Peinture. Car le mélange des couleurs primitives contenues dans les rayons du Soleil, (qu’il appelle couleurs impalpables) produisent au contraire le blanc ; comme M. Newton l’a démontré dans son Traité d’Optique. Ainsi, suivant ce principe, le blanc résulte du mélange des couleurs impalpables & n’est qu’une concentration ou excès de lumiere ; le noir au contraire est une privation ou défaut de lumiere, & est causé par le mélange des couleurs matérielles.

Dans cet ensemble d'extraits (p. 123-128), Charles-Nicolas Cochin évoque la couleur comme effet pictural de l'oeuvre. Pour cela, il cite certains auteurs à l'instar de Le Blon et son ouvrage Il Coloritto, ou l’Harmonie du Coloris dans la Peinture, réduite à des principes infaillibles, & à une pratique méchanique, avec des figures imprimées en couleur pour en faciliter l’intelligence) ; mais également Newton et son Traité d’Optique.

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EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Ces réflexions ont conduit naturellement cet Auteur à la maniere de représenter tous les objets
[p. 127 181] avec leur couleur naturelle, par le moyen de trois planches gravées comme on vient de le dire, & des trois couleurs primitives. C’est ainsi qu’il a fait cette belle découverte, quoique depuis la naissance de l’Impression en Taille-douce on eut fait plusieurs tentatives inutiles pour réussir dans cette pratique ; on l’avoit même estimée impossible, jusqu’à ce que M. le Blon eut trouvé le moyen de la rendre publique il y a près de trente ans, par quelques morceaux de sa façon qu’il fit paroître alors.
Pour cet effet, après avoir déterminé le sujet qu’on veut représenter & avoir distribué les desseins sur chaque planche suivant l’effet qu’elle doit faire étant tirée avec les autres sur le même papier, on grave ces planches presqu’entierement en maniere noire, excepté les ombres un peu fortes & quelquefois les contours qui sont gravés au Burin, à la maniere ordinaire, lorsque la touche en doit être ferme. On ne grave point entierement le sujet sur chaque planche, mais on n’y marque que l’étendue de couleur que chacune doit recevoir pour s’accorder avec les deux autres, & rendre avec elles la Peinture complette.

Dans cet ensemble d'extraits (p. 123-128), Charles-Nicolas Cochin évoque la couleur comme effet pictural de l'oeuvre. Pour cela, il cite certains auteurs à l'instar de Le Blon et son ouvrage Il Coloritto, ou l’Harmonie du Coloris dans la Peinture, réduite à des principes infaillibles, & à une pratique méchanique, avec des figures imprimées en couleur pour en faciliter l’intelligence) ; mais également Newton et son Traité d’Optique.

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EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
EFFET PICTURAL → qualité de la lumière

Quotation

L’Art d’imprimer en couleur se réduit donc I°. A représenter un objet quelconque avec trois couleurs & par le moyen de trois planches qui doivent se rapporter sur le même papier. 2°. A faire les desseins sur chacune des trois planches, de façon que les trois desseins s’accordent exactement. 3°. A graver les trois planches de façon qu’elles ne puissent manquer de se rapporter ensemble. 4°. A trouver les trois vrayes couleurs matérielles primitives, & les préparer de maniere qu’elles puissent s’imprimer, être belles & durer long-tems. 5°. Enfin à tirer les trois planches avec assez d’adresse pour [p. 128 182] qu’on ne s’apperçoive point après l’Impression de la façon dont elles sont tirées.
Le premier de ces articles, qui est le plus considérable, appartient à la théorie de l’invention, & les autres sont absolument nécessaires pour la pratique mécanique ; ils sont même d’une telle importance que si la moindre chose vient à manquer, l’exécution n’a aucun succès. Quelquefois on put employer plus de trois planches, quand la beauté ou la difficulté du sujet l’exige.

Voilà à peu près tout le fin de cet Art, qu’il seroit facile de perfectionner si des personnes sçavantes dans le dessein & dans la Peinture daignoient en prendre la peine ; car sans se restraindre aux trois couleurs primitives que M. le Blon indique, on pourroit y employer différentes terres brunes pour faire des masses d’ombre, comme l’ocre, le brun rouge, la terre d’ombre, le bistre, &c. & les encrer dans l’endroit où il en seroit besoin sur chaque planche, avec un petit tampon fait exprès, & qui ne serviroit que pour cette couleur. Par ce moyen on imiteroit beaucoup mieux la peinture que par le mélange dur & mal entendu de ces trois couleurs employées pures & toutes seules, comme on le fait ordinairement dans ces sortes d’ouvrages.

Dans cet ensemble d'extraits (p. 123-128), Charles-Nicolas Cochin évoque la couleur comme effet pictural de l'oeuvre. Pour cela, il cite certains auteurs à l'instar de Le Blon et son ouvrage Il Coloritto, ou l’Harmonie du Coloris dans la Peinture, réduite à des principes infaillibles, & à une pratique méchanique, avec des figures imprimées en couleur pour en faciliter l’intelligence) ; mais également Newton et son Traité d’Optique.

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MATERIALITE DE L’ŒUVRE → technique de la gravure
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
EFFET PICTURAL → qualité de la lumière