POUSSIN, Nicolas ( 1594-1665 )

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Soo veel als’er tot noch toe de naam van Konstkenders en beminnaars met waarheyd gedragen hebben, zijn doorgaans van oordeel geweest, dat de Oude overblijffselen der goede statu-Beelden en Half ronden en ’t geen in de bloey-tijd der Schilder en Bootseer-kunde gemaakt is voor de Schoonste in de Konst, en voor de Leerlingen de beste en volmaaktste Voor-beelden te houden sijn. Welke waarheyd van de neerstigen Heer Jan de Bisschop, aangemerkt zijnde, hem ook opentlijk in de Opdragt van sijn vijftig eerst uytgegeven statu-Beelden, heeft doen belijden; dat hy door lange ervarentheyd, in dat gevoelen meer en meer bevestigt was. Want het zy, segt hy, dat we onse meeninge bouwen op d’agting en hoogen prijs, welke voor dusdanige Konstbeelden, al van ouden tijden is betaald geworden, (waar van Cicero, Plinius en andere mannen van kennis; Beneffens de daaglijxse ervarentheyd getuygen konnen zijn:) of dat wy Raphael d’Urbijn, of Michel Angelo en sulke Meesters, ’t selve niet alleen met woorden, maar ook met der daat sien bevestigen; wy sullen bevinden datse hun geheele oeffening dar na gerigt hebben. En voor soo ver, veel eer Roovers dan Navolgers geworden zijn. Waarlijk seyd hy vorder, daar is geen andere reden, dat Vrankrijk, nu in der daat de Kroon spannende, het nu soo ver gebracht heeft, als dat het te Roomen met goede opmerking, de Oude Pronkbeelden wel doorsien, en der selver navolger Poussijn met veel Eer ontfangen, en seer hoog geagt heeft.

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Commençons, si vous voulez, par ce qu’il [ndr : Poussin] dit, Que la matiere doit estre prise noble ; qu’elle n’ait receü aucune qualité de l’ouvrier ; & que pour donner lieu au Peintre de montrer son esprit & son industrie, il faut la prendre capable de recevoir la plus excellente forme.
Il n’est pas necessaire de vous marquer qu’il parle d’abord du choix des sujets.
Il [ndr : Poussin] veut qu’ils soient nobles, c’est à dire, qu’ils ne traittent que de choses grandes, & non pas de simples representations de personnes, ou d’actions ordinaires & basses. Car bien que l’art de peindre s’étende à imiter tout ce qui est visible, comme il le dit luy-mesme ; il fait néanmoins consister l’excellence de cét art, & le grand sçavoir d’un Peintre dans le beau choix des actions héroïques & extraordinaires. Il veut que lors qu’il vient à mettre la main à l’œuvre, il le fasse d’une maniere qui n’ait point encore esté exécutée par un autre, afin que son ouvrage paroisse comme une chose unique & nouvelle, & que si l’on connoist la grandeur de ses idées, & la beauté de son genie dans la forme extraordinaire qu’il luy donnera, on remarque aussi la netteté & la force de son jugement dans le sujet qu’il aura choisi. C’est par cette haute idée que le Poussin avoit des choses grandes & relevées, qu’il ne pouvoit souffrir les sujets bas, & les peintures qui ne representent que des actions communes ; & qu’il avoit mesme du mépris pour ceux qui ne sçavent que copier simplement la nature telle qu’ils la voyent.

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A cela on repartit qu’il n’en est pas de la Peinture comme de l’Histoire : qu’un Historien se fait entendre par un arangement de paroles, & une suite de discours qui forme une image des choses, & represente successivement telle action qu’il luy plaist ; mais le Peintre n’ayant qu’un instant dans lequel il doit prendre la chose qu’il veut figurer sur une toile, il est quelquefois necessaire qu’il joigne ensemble beaucoup d’incidens qui ayent précédé, afin de faire comprendre le sujet qu’il expose, sans quoy ceux qui verroient son ouvrage ne seroient pas mieux instruits de l’action qu’il represente que si un Historien, au lieu de rapporter tout le sujet de son histoire, se contentoit d’en dire seulement la fin.

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Pour ce qui est d’avoir representé des personnes, dont les unes sont dans la misere & d’autres qui semblent avoir receû du soulagement, c’est en quoy ce sçavant homme montre qu’il n’estoit pas ignorant de l’art poëtique, ayant composé son ouvrage dans les regles qu’on doit observer aux pieces de theatre. Car pour peindre parfaitement l’histoire qu’il traite, il avoit besoin des parties necessaires à un poëme, afin de passer de l’infortune au bonheur. L’on voit que ces groupes de differentes personnes qui font diverses actions, sont comme autant d’episodes qui servent à ce que l’on nomme peripeties, ou de moyens pour faire connoistre le changement arrivé aux Israélites qui sortent d’une extréme misere, & rentrent dans un estat plus heureux : ainsi leur infortune est marquée par ces personnes languissantes et abbatuës.

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Mais que dirons-nous de ce coup de Maistre du mesme Appelle qui luy acquit le renom du plus grand Peintre de son siecle, de cette adresse admirable avec laquelle il fendit un trait fort délié par un trait plus delié encore.
LE PRESIDENT. Je voy que vous n'entendez pas quel fut le combat d'Appelle & de Protogene. Vous estes dans l'erreur du commun du monde qui croit qu'Appelle ayant fait un trait fort delié sur une toile, pour faire connoistre à Protogene que ce ne pouvoit pas estre un autre Peintre qu'Appelle qui l'estoit venu demander, Protogene avoit fait un trait d'une autre couleur qui fendoit en deux celuy d'Appelle, & qu'Appelle étant revenu il avoit refendu celuy de Protogene d'un trait encore beaucoup plus mince.
[...] Il est donc vray qu'il s'agissoit entre Protogene & Appelle d'une adresse de main, & de voir à qui feroit un trait plus delié. Cette sorte d'adresse a longtemps tenu lieu d'un grand merite  parmi les Peintres. L'O de Giotto en est une preuve […].
Mais il y a déja long-temps que ces sortes d'adresses ne sont plus d'aucun merite parmy les Peintres. […] Le Poussin lorsque la main luy trembloit, & qu'à peine il pouvoit placer son pinceau & sa couleur où il vouloit, a fait des tableaux d'une beauté inestimable, pendant que mille Peintres qui auroient fendu en dix le trait le plus delicat du Poussin, n'ont fait que des tableaux tres-mediocres. Ces sortes de proüesses sont des signes évidens de l'enfance de la peinture. Quelques années avant Raphael & le Titien, il s'est fait des tableaux, & nous les avons encore, dont la beauté principale consiste dans cette finesse de lineamens, on y conte tous les poils de la barbe & tous les cheveux de la teste de chaque figure.

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[...] c’est improprement que l’on appelle Perspective aërienne ce qui regarde la diminution des couleurs, & ce n’est que par analogie qu’on la nomme ainsi ; parce que la vraye Perspective pratique n’est que des figures dont la grandeur diminuë selon l’éloignement, & se represente par des lignes que l’on tire : au lieu que la diminution des couleurs ne va que dans le plus ou le moins de la lumiere, dont l’on ne peut donner de regles.

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[...] Comme de bien placer sur lesdits Corps, & avec raison, la place du Jour, des Ombres, & Ombrages, ensemble celle de Touches, Teintes ou Couleurs, selon leur degré de force ou d’affoiblissement, qui est ce que j’ay ouy nommer à ce grand Peintre dit, N. Poussin, La Perspective Aerienne, ou de L’air. 
A cette occasion diverses personnes ont dit, & d’autres écrit, qu’il estoit impossible de donner une regle dudit affoiblissement & fortifiement autre que par le moyen de la veuë ; Il en est bien quelque chose, Mais je nie absolument qu’on aye jamais trouvé que la seule veuë aye determiné une telle Couleur, devoir estre moins forte de tant ou de tant à l’égard d’une autre plus ou moins éloignées de la baze ou bas du Tableau, ou selon la distance dudit œil à iceluy.

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Quelque beauté de coloris qu’un Peintre donne à son ouvrage, quelque amitié de couleurs qu’il observe pour le rendre aimable & plaisant à la veûë ; quelques jours & quelques lumieres qu’il y répande pour l’éclairer, de quelques ombres dont il tasche de le fortifier & d’en relever l’eclat, si tout cela n’est soustenu du dessein, il n’y a rien, pour beau & riche qu’il soit, qui puisse subsister. On doit prendre garde sur tout à ne se pas laisser surprendre par les charmes du coloris ; car la Couleur n’est pas seulement un agrément que la nature ait répandu sur les corps pour en relever la beauté & leur donner plus d’éclat, mais elle est aussi dans les ouvrages de l’art un moyen merveilleux pour les rendre agréables, & donner plus de plaisir à la veûë. Et de vray, comme nous voyons que les couleurs de l’arc-en-Ciel, qui ne marquent rien de particulier, ne laissent pas de faire regarder avec admiration : aussi les diverses couleurs qui brillent dans un Tableau, quoy-que privé des autres parties de la peinture, ne laissent pas de fraper les yeux, & mesme d’émouvoir l’ame, qui se laisse remuer par les sens avec lesquels elle a une si grande liaison, que d’abord elle ne pense, s’il faut ainsi dire, qu’à prendre part au plaisir qu’ils reçoivent, sans examiner les choses par la raison. 
C’est pourquoy je croy vous avoir fait observer sur le sujet des tableaux du Poussin, que ce Peintre dans le coloris de ses figures s’étudioit à les representer telles qu’elles paroissent dans le naturel, lors que par la distance qui se trouve entre-elles & celuy qui les voit, l’air qui est interposé les rend plus grises, & fait que la carnation n’est pas si vive & si agréable.

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The Composition is unexceptionable [ndr : dans Poussin, Tancrède et Herminie] : There are innumerable Instances of Beautiful Contrasts ; Of this kind are the several Characters of the Persons, (all which are Excellent in their several kinds) and the several Habits : Tancred is half Naked : Erminia’s Sex distinguishes Her from all the rest ; as Vafrino’s Armour, and Helmet shews Him to be Inferiour to Tancred, (His lying by him) and Argante’s Armour differs from both of them. The various positions of the Limbs in all the Figures are also finely Contrasted, and altogether have a lovely effect ; Nor did I ever see a greater Harmony, nor more Art to produce it in any Picture of what Master soever, whether as to the Easy Gradation from the Principal, to the Subordinate Parts, the Connection of one with another, by the degrees of the Lights, and Shadows, and the Tincts of the Colours.
And These too are Good throughout ; They are not Glaring, as the Subject, and the Time of the Story (which was after Sun-set) requires : Nor is the Colouring like that of
Titian, Corregio, Rubens, or those fine Colourists, But ‘tis Warm, and Mellow, ‘tis Agreeable, and of a Taste which none but a Great Man could fall into : And without considering it as a Story, or the Imitation of any thing in Nature the Tout-ensemble of the Colours is a Beautiful, and Delightful Object.

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Quelque beauté de coloris qu’un Peintre donne à son ouvrage, quelque amitié de couleurs qu’il observe pour le rendre aimable & plaisant à la veûë ; quelques jours & quelques lumieres qu’il y répande pour l’éclairer, de quelques ombres dont il tasche de le fortifier & d’en relever l’eclat, si tout cela n’est soustenu du dessein, il n’y a rien, pour beau & riche qu’il soit, qui puisse subsister. On doit prendre garde sur tout à ne se pas laisser surprendre par les charmes du coloris ; car la Couleur n’est pas seulement un agrément que la nature ait répandu sur les corps pour en relever la beauté & leur donner plus d’éclat, mais elle est aussi dans les ouvrages de l’art un moyen merveilleux pour les rendre agréables, & donner plus de plaisir à la veûë. [...] De sorte qu’il faut mettre de la différence entre le jugement que l’œil fait d’un Tableau, & celuy que la raison en donne. L’un se contente de l’agrément, & l’autre recherche la vérité & la vraysemblance.

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LE PEINTRE.
Je ne croy pas, Monsieur, les [ndr : « les » renvoie aux « œuvres de feu Monsieur le Poussin », cf. la question posée par Ariste au peintre] pouvoir assez estimer, à moins d’avoir les mesmes lumieres que luy, mais autant que Dieu m’en a départy, je diray n’avoir jamais veu de Peintre si également universel & corect, ny qui eust un si grand & bon Goust que luy ; & de plus, le don de mieux exprimer l’air, les actions, & passions de ses figures ; ny enfin qui s’écartast plus du Goust moderne, & qui suivit mieux l’histoire tant sacrée que profane.

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[...] Comme de bien placer sur lesdits Corps, & avec raison, la place du Jour, des Ombres, & Ombrages, ensemble celle de Touches, Teintes ou Couleurs, selon leur degré de force ou d’affoiblissement, qui est ce que j’ay ouy nommer à ce grand Peintre dit, N. Poussin, La Perspective Aerienne, ou de L’air. 
A cette occasion diverses personnes ont dit, & d’autres écrit, qu’il estoit impossible de donner une regle dudit affoiblissement & fortifiement autre que par le moyen de la veuë ; Il en est bien quelque chose, Mais je nie absolument qu’on aye jamais trouvé que la seule veuë aye determiné une telle Couleur, devoir estre moins forte de tant ou de tant à l’égard d’une autre plus ou moins éloignées de la baze ou bas du Tableau, ou selon la distance dudit œil à iceluy.

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[...] c’est improprement que l’on appelle Perspective aërienne ce qui regarde la diminution des couleurs, & ce n’est que par analogie qu’on la nomme ainsi ; parce que la vraye Perspective pratique n’est que des figures dont la grandeur diminuë selon l’éloignement, & se represente par des lignes que l’on tire : au lieu que la diminution des couleurs ne va que dans le plus ou le moins de la lumiere, dont l’on ne peut donner de regles.
 
[...] Pour la bien pratiquer on doit prendre garde qu’encore que l’air soit un corps diaphane, au travers duquel la lumière du Soleil passe avant que de se repandre sur les autres corps, on ne peut considerer les effets de la lumière du Soleil, sans concevoir l’impression qu’elle reçoit en passant au travers de l’air, qui est susceptible de plusieurs changemens, estant plus épais dans des temps & dans des lieux qu’en d’autres.
 
[…] Pour ce qui est de la Perspective aërienne il faut concevoir que l’air est comme je viens de dire un corps diaphane, parce qu’il est coloré, au travers duquel on voit les objets, qui prenant davantage de la couleur de ce corps à mesure qu’ils s’éloignent, viennent peu à peu à se perdre & à se confondre. [...] Tout de mesme quand les images des objets passent au travers de l’air, ils diminuent & s’affoiblissent à proportion de la quantité d’air qui est entre eux & l’œil qui les voit.
Mais parce que l’air n’est pas toujours également pur par tout :
qu’il peut recevoir des lumières particulières, comme quand on voit une tour qui paroist le matin au lever du soleil environnée d’une legere vapeur dans la partie la plus proche de la terre, & dont le haut au contraire est éclairé du Soleil, ce que le Poussin & Claude le Lorrain ont parfaitement bien représenté dans des païsages. Et parce encore que les objets peuvent aussi estre plus ou moins susceptibles de la couleur de l’air, & d’eux-mesmes plus sensibles à la veuë les uns que les autres, il y a diverses choses qu’il faut observer dans la Nature, & dont l’on ne peut faire des regles assurées.
Par exemple le vert & le rouge mis dans une mesme distance feront une sensation differente à nostre veuë, non seulement par les qualitez propres de ces deux couleurs ; mais parce que le vert estant plus capable de prendre la couleur de l’air, qui est bleuë, que non pas le rouge, il paroistra plus éloigné, puisqu’il pert davantage de se veritable couleur, qui se confond plus aisément que le rouge avec celles de l’air.
Voilà quant à la qualité des couleurs dans un mesme air & dans une mesme distance. Voyons ce que fait une mesme couleur dans une mesme distance, mais dans deux situations differentes où l’air soit plus espais en l’une qu’en l’autre. Si une personne vestuë de blanc ou une figure de marbre ou de plastre, si vous voulez, est posée dans un lieu où l’air soit purifié, il est certain qu’elle paroistra plus blanche & plus proche qu’une autre qui sera dans un air plus épais, quoy qu’elles soient dans une égale distance, & de pareille grandeur & blancheur, parce que la grande épaisseur de l’air où elle se trouve esteindra son blanc, & la fera paroistre plus bluastre. C’est pourquoi il est fort difficile de donner des moyens asseurez pour affoiblir les couleurs selon la perspective, puisque cela dépend de la disposition de l’air, de la lumiere qui les éclaire, & encore de la force mesme des couleurs.

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Quand il [ndr : Poussin] envoya à M. de Chantelou ce Tableau de la Vierge dont je viens de parler, il voulut luy-mesme prévenir le jugement que l’on en feroit, & témoigner qu’il sçavoit bien qu’on n’y trouveroit pas tous les charmes du coloris & du pinceau. C’est pourquoy il écrivit à M. de Chantelou, de luy en mander librement son avis. Mais qu’il le prioit de considerer que tous les talens de la peinture ne sont pas donnez à un seul homme : qu’ainsi il ne faut point chercher dans son ouvrage ceux qu’il n’a pas receüs. Qu’il sçait bien que toutes les personnes qui le verront ne seront pas d’un mesme sentiment, parce que les goust des amateurs de la peinture ne sont pas moins differents que ceux des Peintres ; & cette difference de gousts est la cause de la diversité qui se trouve dans les travaux des uns & dans les jugemens des autres.

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DE verscheidene lichten in een Stuk oordeelen zommige dat onmogelyk wel konnen staan: want, zeggen zy, indien het goed was, zo zouden Raphaël, Carats, Titiaan, Poussyn, en andere braave Meesters meer die manier wel voor goed gekeurd, en niet verworpen hebben. Ja de Fransche Academisten, voegen zy'er by, die tot zulk een hoogen top gereezen zyn, besluiten eenpaariglyk, dat men niet als een eenig licht in 't algemeen zal gebruiken; verwerpende een Schildery dat meer als een licht vertoond. By gevolg oordeelen zy, dat de gezegde lichten maar een vinding zyn van Hollandsche Meesters, die het Antiek niet verstaan, welke maar alleen de natuurlykheid beoogen, om de onkundigen aan te lokken. Waar op ik zeg, dat, hoewel Raphaël, Poussyn, en andere groote Konstenaars het zelve in hunne Werken niet getoond, maar zich enkelyk aan een algemeen licht gehouden hebben, zulks niet en spruit uit een verachting of verwerping van het zelve, als of het tegen de natuur en konst zoude stryden; maar alleen dat zy 'er toen noch niet om gedagt, of 'er van geweeten hebben: alzo de Konst toenmaals in die deelen haare volmaaktheid noch niet had bereikt of verkreegen. Niet dat ik zeg, dat zulk een Stuk met verscheidene lichten beter is, als met een alleen 't geen natuurlyk is verbeeld; maar wel dat, als het zo te pas komt en konstig uitgewerkt is, het een schildery een veranderlyke welstand byzet [...]Met deze voorbeelden meen ik genoegsaam verklaard te hebben de natuur en werking van verscheidene lichten; als mede hoe voordeelig de kennis daar van is, zo wel in zon-als gemeen licht, ten opzichte van de veranderlykheid, zo wel in Landschappen als in andere verkiezingen; daar en boven de overvloedige middelen, die daar uit voortkomen, tot verrykinge onzer Ordinantien, en boven de gemeene trant.

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C’estoit une histoire Angloise, dont il avoit habillé les figures à la Grecque & à la Romaine, ouvrage au reste, qui ne meritoit que le feu ou la bouë ; & lorsque je voulus lui demander raison de cent choses qui choquoient la raison, l’histoire, l’Art, la Nature & le bon sens, il me fist des réponses si remplies d’ignorance & de superbe, que je le laissay là avec ces sots admirateurs.
[…] A peine pûs-je échapper des mains de ces importuns, & lorsque je pensois estre hors de danger de telles rencontres, je me trouvay au milieu d’une troupe de Damoiseaux, qui après avoir apris deux ou trois mois à mal dessigner sous un Maistre ignorant, venoient là faire les Critiques & les Arbitres de la Peinture. Ce fut une scene assés facésieuse, de les entendre vanter leur affection pour cet Art si merveilleux.

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[…] je considerois avec un soin tout particulier, comment il [ndr : Poussin] mesloit les couleurs ensemble pour donner cette diminution de teintes necessaire à arondir les corps, à faire paroistre les jours & les ombres, & à produire ces divers degrez d’éloignement qui font fuïr ou avancer toutes les parties d’un Tableau, ce qu’il a sceu executer avec tant d’art & de beauté.

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Entre les Tableaux qu’il [ndr : Poussin] avoit déjà envoyé à Paris, il y avoit quatre Baccanales pour le Cardinal de Richelieu, un Triomphe de Neptune qui paroist dans son char tiré par quatre chevaux marins, & accompagné d’une fuite de Tritons & de Néréides. Ces sujets travaillez poëtiquement avec ce beau feu & cet art admirable qu’on peut dire si conforme à l’esprit des Poëtes, des Peintres, & des Sculpteurs anciens, & tant d’autres ouvrages de luy répandus quasi par toute l’Europe, rendoient célèbre de nom du Poussin.

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Nous aprenons de Felibien dans la vie de Poussin, que ce Peintre consulté sur la Peinture, par un de ses amis, luy avoit écrit, qu'elle est une imitation faite avec lignes & couleurs, en quelque superficie, de tout ce qui se voit sous le Soleil, dont la fin est la delectation. Quoique cette définition parte de la main d'un des plus excellens Peintres qui ont paru dans ces derniers siecles : Il semble pourtant qu'on y pourroit ajouter quelque circonstance, pour en faire une description achevée : parce que l'étude des Peintres ne se borne pas seulement à l'imitation des choses visibles : Ils les doivent encore representer, dans la plus parfaite idée qu'elles peuvent donner ; Et la fin de cet Art n'est pas de plaire uniquement aux yeux : Mais d'avertir, d'enseigner, & de plaire à même tems.

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We will only observe further the different Idea given by the Painter, and the Poet [ndr : dans Poussin, Tancrède et Herminie et le Tasse, dans le passage de la Jérusalem céleste s’y rapportant]. A Reader of Tasso that thought less finely than Poussin would form in his Imagination a Picture, but not Such a one as This. He would see a Man of a less Lovely, and Beautiful Aspect, Pale, and all cut, and mangled, his Body, and Garments smear’d with Blood : He would see Erminia, not such a one as Poussin has made her ; and a thousand to one with a pair of Scissars in her hand, but certainly not with Tancred’s Sword : The two Amoretto’s would never enter into his Mind : Horses he would see, and let ‘em be the finest he had ever seen they would be less fine than These, and so of the rest. The Painter has made a finer Story than the Poet, tho’ his Readers were Equal to himself, but without all Comparison much finer than it can appear to the Generality of them. And he has moreover not only known how to make use of the Advantages This Art has over that of his Competitor, but in what it is Defective in the Comparison he has supply’d it with such Address that one cannot but rejoyce in the Defect which occasion’d such a Beautiful Expedient.

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Que les sujets des Tableaux qu’il fait pour luy, doivent estre representez d’une autre maniere ; & que c’est en cela que consiste l’artifice de la Peinture. Que c’est juger avec trop de précipitation de ses ouvrages ; qu’estant difficile de donner son jugement si l’on n’a une grande pratique & la theorie jointes ensemble, les sens seuls ne doivent pas le faire, mais y appeler la raison.

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Comme les Peintres parlent tous, pour ainsi dire, la même langue, ils ne peuvent pas emploïer les traits célebres, dont un autre Peintre s'est déjà servi, lorsque les ouvrages de ce Peintre subsistent encore. Le Poussin a pû se servir de l'idée du Peintre Grec qui avoit présenté Agamemnon la tête voilée au sacrifice d'Iphigénie, pour mieux donner à comprendre à l'excès de la douleur du pere de la victime. Le Poussin a pû se servir de ce trait pour exprimer la même chose, en réprésentant Agrippine qui se cache le visage avec les mains dans le tableau de la mort de Germanicus. Le tableau du Peintre grec ne subsistoit plus, quand le peintre François fit le sien. Mais le Poussin auroit été blâmé d'avoir volé ce trait, s'il se fût trouvé dans un tableau, ou de Raphaël, ou de Carrache.
Comme il n'y a point de mérite à dérober une tête à Raphaël ou une figure au Dominiquin ; comme le larcin se fait sans grand travail, il est défendu sous peine du mépris public. Mais comme il faut du talent et du travail pour animer le marbre d'une figure antique, & pour faire d'une statue un personnage vivant, & qui concourre à une action avec d'autres personnages, on est loué de l'avoir fait. […] 
Il y a bien de la difference entre emporter d'une gallerie l'art du peintre, entre se rendre propre la maniere d'operer de l'Artisan qu'on vient d'admirer, & remporter dans son portefeüille une partie de ses figures. Un homme sans génie n'est point capable de convertir en sa propre substance, comme le fit Raphaël, ce qu'on y remarque de grand & de singulier. Sans saisir les principes géneraux, il se contente de copier ce qu'il a dessous les yeux. Il emportera donc une des figures, mais il n'apprendra point à traiter dans le même goût une figure qui seroit de son invention. L'homme de génie devine comment l'ouvrier a fait. Il le voit travailler, pour ainsi dire, en regardant son ouvrage & saisissant sa maniere, c'est dans l'imagination qu'il remporte son butin.

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L'art de Peinture est si difficile, il nous attaque par un sens, dont l'empire sur notre ame est si grand qu'un tableau peut plaire par les seuls charmes de l'exécution, indépendamment de l'objet qu'il représente : mais je l'ai déjà dit, notre attention & notre estime sont alors uniquement pour l'art de l'imitateur qui sçait nous plaire, même sans nous toucher. Nous admirons le pinceau qui a sçu contrefaire si bien la nature. Nous examinons comment l'Artisan a fait pour tromper nos yeux, au point de leur faire prendre des couleurs couchées sur une superficie pour de véritables fruits. Un Peintre peut donc passer pour un grand Artisan, en qualité de dessinateur élégant, ou de coloriste rival de la nature, quand même il ne sçauroit pas faire usage de ses talents pour représenter des objets touchans & pour mettre ses tableaux dans l'ame & la vraisemblance qui se font sentir dans ceux de Raphaël et de Poussin. […]

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“Il faut sçavoir, dit-il [ndr : Poussin], qu’il y a deux manieres de voir les objets, l’une en les voyant simplement, & l’autre en les considerant avec attention. Voir simplement n’est autre chose que recevoir naturellement dans l’œil la forme & la ressemblance de la chose veûë. Mais voir un objet en le considerant, c’est qu’outre la simple & naturelle réception de la forme de l’œil, l’on cherche avec une application particuliere les moyens de bien connoistre ce mesme objet : Ainsi on peut dire que le simple aspect est une operation naturelle, & que ce que je nomme le Prospect est un office de raison qui dépend de trois choses, sçavoir de l’œil, du rayon visuel, & de la distance de l’œil à l’objet : & c’est de cette connoissance dont il seroit à souhaiter que ceux qui se meslent de donner leur jugement fussent bien instruits.”

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[…] J’entendis là de jeunes écervelés vanter leurs ouvrages, & se donner de l’encens avec une arrogance que j’eus peine à suporter. L’un couroit çà & là, montrant avec ostentation un ouvrage digne de risée, l’autre méprisoit son voisin, & se vantoit d’avoir seul la veritable science de la Peinture : Je vis même avec douleur des laquais & des faquins s’ériger en Censeurs, prendre la qualité de Maistres-Peintres, & mépriser avec une insolence enragée, les Raphaëls, les Poussins & leurs semblables, & proposer pour deffi leurs effroyables barboüilleries, entre lesquelles un de ces Cacopeintres tardif & fantasque au possible s’écria tout d’un coup : Laissez, Messieurs, ces ignorans, & si vous voulez voir des Tableaux dignes de votre estime, considerez ceux-cy tous de mon invention, dans lesquels vous trouverez je m’asseure, autant de sujets d’admiration que de figures ; je ne doute pas que plusieurs de mes competiteurs n’y portent envie, mais je sçay bien que tres-peu les pourroient imiter.

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L’on est entré sur la consideration du merite de la couleur à l’occasion d’un Tableau du Titien, qui par l’adveu, unanime de tous les sçavants en cette profession, est le Peintre qui a le plus excellé en cette partie là. [...] & l’on témoigna du Regret de ce qu’un talent si accompli [ndr : Titien] n’étoit pas accompagné de ceux qui sont les plus considerables en la Peinture à sçavoir la correction du dessein & des proportions ; on representa qu’il se trouvoit beaucoup moins de Peintres posseder cette correction, que ceux qui ont un beaufaire en traitant les couleurs, parce qu’outre que ce dernier est plus facile, on se laisse naturellement charmer à ce bel éclat exterieur ; l’on avoüa bien que cette partie est très necessaire, mais l’on dit qu’il ne s’y falloit pas tant attacher qu’au principal ; que d’en faire toute son étude, c’étoit se laisser éblouïr par l’apparence d’un beau corps sans considérer ce qui le doit animer, que Monsieur Poussain si celebre en l’une & en l’autre de ces parties, ayant donné quelque temps à l’étude particuliere de la couleur en revint si fort, que depuis il disoit hautement, que cette application singuliere n’étoit qu’un obstacle, pour empêcher de parvenir au veritable but de la Peinture, & celui qui s’attache au principal ; acquiert en pratiquant une assez belle maniere de peindre.

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CHOSES
Qui ne s’apprennent point, & qui sont parties essentielles à la Peinture.
PREMIEREMENT pour ce qui est de la matiere, elle doit estre noble, qui n’ait receü aucune qualité de l’ouvrier. Et pour donner lieu au Peintre de montrer son esprit & son industrie, il faut la prendre capable de recevoir la plus excellente forme. Il faut commencer par la disposition, puis par l’ornement, le décore, la beauté, la grace, la vivacité, le costume, la vraysemblance, & le jugement par tout. Ces dernieres parties sont du Peintre, & ne se peuvent enseigner. C’est le rameau d’or de Virgile, que nul ne peut trouver ni cueïllir, s’il n’est conduit par le Destin. Ces neuf parties contiennent plusieurs choses dignes d’estre écrites par de bonnes & sçavantes mains.

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Quelle beauté, quel décore, quelle grace dans le Tableau de Rébecca ? L’on ne peut pas dire du Poussin ce qu’Apelle disoit à un de ses disciples, que n’ayant pû peindre Helene belle, il l’avoit representée riche {Clem. Alex.}. Car dans ce Tableau du Poussin la beauté éclate bien plus que tous les ornemens, qui sont simples & convenables au sujet. Il a parfaitement observé ce qu’il appelle décore ou bienseance, & sur tout la grace, cette qualité si précieuse & si rare dans les ouvrages de l’art aussi-bien que dans ceux de la nature.

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Mais il y a déja long-temps que ces sortes d'adresses ne sont plus d'aucun merite parmy les Peintres. […] Le Poussin lorsque la main luy trembloit, & qu'à peine il pouvoit placer son pinceau & sa couleur où il vouloit, a fait des tableaux d'une beauté inestimable, pendant que mille Peintres qui auroient fendu en dix le trait le plus delicat du Poussin, n'ont fait que des tableaux tres-mediocres. Ces sortes de proüesses sont des signes évidens de l'enfance de la peinture. Quelques années avant Raphael & le Titien, il s'est fait des tableaux, & nous les avons encore, dont la beauté principale consiste dans cette finesse de lineamens, on y conte tous les poils de la barbe & tous les cheveux de la teste de chaque figure.

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The Composition is unexceptionable [ndr : dans Poussin, Tancrède et Herminie] : There are innumerable Instances of Beautiful Contrasts ; Of this kind are the several Characters of the Persons, (all which are Excellent in their several kinds) and the several Habits : Tancred is half Naked : Erminia’s Sex distinguishes Her from all the rest ; as Vafrino’s Armour, and Helmet shews Him to be Inferiour to Tancred, (His lying by him) and Argante’s Armour differs from both of them. The various positions of the Limbs in all the Figures are also finely Contrasted, and altogether have a lovely effect ; Nor did I ever see a greater Harmony, nor more Art to produce it in any Picture of what Master soever, whether as to the Easy Gradation from the Principal, to the Subordinate Parts, the Connection of one with another, by the degrees of the Lights, and Shadows, and the Tincts of the Colours.
And These too are Good throughout ; They are not Glaring, as the Subject, and the Time of the Story (which was after Sun-set) requires : Nor is the Colouring like that of
Titian, Corregio, Rubens, or those fine Colourists, But ‘tis Warm, and Mellow, ‘tis Agreeable, and of a Taste which none but a Great Man could fall into : And without considering it as a Story, or the Imitation of any thing in Nature the Tout-ensemble of the Colours is a Beautiful, and Delightful Object.

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’T en is oock niet geraden, seght Franciscus Iunius, dat wy ons selven tot eenen Meester alleen overgeven, om die in alle dingen te volgen: Apelles was ongetwijffelt den aldervermaersten, nochtans hebben hem wel eenige in ’t een of ’t ander deel te boven gegaen: Hy wiert wel van d’Oude Meesters gepresen, maer niet dat hy alleen behoorde na-gevolght te worden. {Hoemen van verscheyde Meesters het beste moet kiesen ende t’samen voegen.} ’t Soude wel Goet zijn als Apelles te werden, maer wat kan ’t schaden datmen tot de bevalligheyt van Apelles toevoeght de Geluck-stoutigheyt van Zeuxis, d’onvermoeyde neerstigheydt van Protogenes, de kloecke diepzinnigheydt van Nicophanes; ende andere hare deughden meer aen te namen. Soo seggen wy nu oock, wat kan het hinderen soo wy Raphel Vrbijn als een lichtende Fackel in fraye ordineeringhe, zedige besigheyt der Beelden, ende grootse gedachten willen navolgen, dat wy daer by soecken te krijgen de wisse Teyckeningh en vaste omtrecken van Carats, Testa ende andere; de bevalligheydt, cierlijcke playsantie, ende rijcke Majesteyt van Pietro de Cortone, de verstandige waernemingh der vlacke schaduwen en dagen, Crokeringh ende natuerlijcke Coloreeringh van Poussijn, Barotius, Symon Vouet, ende watmen meer na sijn humeur en gave oordeelt, in andere Meesters, navolgenswaerdigh te zijn.

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Voor myn besluit zal ik hier nog iets aanmerken, weegens vierderly byzondere manieren der Oude Antiken.
D’eerste Stark, Kloek, en Robust; dezelve is naagevolgt, door Michel Angelo, Karats, en ’t heele School van Boulogne; welke manier eigentlyk , van de Stad Atheenen oorspronkelyk is.
De tweede, Swak en Vrouwagtig, welke waargenomen wierd door Jan de Boullogne, en meer anderen; die men oordeeld van Korinthen afkomstig te zyn.
De derde, vol van Teeder en Bevalligheid; die men voorgeeft dat Apelles, Phidias en Praxitieles gevolgt hebben, welke manier in zeer groote agtinge gehouden wierd, en vast steld van Rhodes oorspronkelyk te weezen.
Met de vierde, wijst ons aan een grootse ommetrek, als mede Natuurlyk, Seedig en Korrekt; zynde naagevolgt door Raphaël, Pousyn, &c. en is afkomstig van Siconien, een stad uit Peloponnesen: is eygenthlyk zo tot volmaaktheid geraakt, om dat uit ieder manier het beste gekoozen is, en by een gevoegt is.

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’T en is oock niet geraden, seght Franciscus Iunius, dat wy ons selven tot eenen Meester alleen overgeven, om die in alle dingen te volgen: Apelles was ongetwijffelt den aldervermaersten, nochtans hebben hem wel eenige in ’t een of ’t ander deel te boven gegaen: Hy wiert wel van d’Oude Meesters gepresen, maer niet dat hy alleen behoorde na-gevolght te worden. {Hoemen van verscheyde Meesters het beste moet kiesen ende t’samen voegen.} ’t Soude wel Goet zijn als Apelles te werden, maer wat kan ’t schaden datmen tot de bevalligheyt van Apelles toevoeght de Geluck-stoutigheyt van Zeuxis, d’onvermoeyde neerstigheydt van Protogenes, de kloecke diepzinnigheydt van Nicophanes; ende andere hare deughden meer aen te namen. Soo seggen wy nu oock, wat kan het hinderen soo wy Raphel Vrbijn als een lichtende Fackel in fraye ordineeringhe, zedige besigheyt der Beelden, ende grootse gedachten willen navolgen, dat wy daer by soecken te krijgen de wisse Teyckeningh en vaste omtrecken van Carats, Testa ende andere; de bevalligheydt, cierlijcke playsantie, ende rijcke Majesteyt van Pietro de Cortone, de verstandige waernemingh der vlacke schaduwen en dagen, Crokeringh ende natuerlijcke Coloreeringh van Poussijn, Barotius, Symon Vouet, ende watmen meer na sijn humeur en gave oordeelt, in andere Meesters, navolgenswaerdigh te zijn.

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La face de la Vierge [ndr : peinte par Nicolas Poussin] invite le Chrestien
D’admirer de son corps le pudique maintien ;
Puis que ce rare ouvrier l’a mise avec aisance,
Sans que rien soit forcé, dedans la bien-seance.
Le manteau qu’elle porte a droit de nous charmer ;
Non parce qu’il paroist coloré d’Outremer,
Ma d’autant que les plis sont faits avec adresse,
Et font voir tout à coup, la force et la tendresse.
Certes c’est un chef-d’œuvre, et ce chef-d’œuvre est tel
Qu’il merite à bon droit qu’on l’ait mis sur l’Autel ;
Il n’est point de Tableau, qui d’abord ne luy cede
Et les beautés de cent luy tout seul les possede.

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Quelle beauté, quel décore, quelle grace dans le Tableau de Rébecca ? L’on ne peut pas dire du Poussin ce qu’Apelle disoit à un de ses disciples, que n’ayant pû peindre Helene belle, il l’avoit representée riche {Clem. Alex.}. Car dans ce Tableau du Poussin la beauté éclate bien plus que tous les ornemens, qui sont simples & convenables au sujet. Il a parfaitement observé ce qu’il appelle décore ou bienseance, & sur tout la grace, cette qualité si précieuse & si rare dans les ouvrages de l’art aussi-bien que dans ceux de la nature.

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[…] parce que la chose est tres-importante, je ne puis m’empécher de luy [le disciple] apprendre l’invention du fameux M. Poussin […]
Cet homme admirable & divin inventa une planche barlongue, comme nous l’appelons, qu’il faisoit selon la forme qu’il vouloit donner à son sujet, dans laquelle il faisoit certaine quantité de trous où il mettoit des chevilles, pour tenir ses manequins dans une assiéte ferme & asseurée, & les ayant placés dans leur scituation propre et naturelle, il les habilloit d’habits convenables aux figures qu’il vouloit peindre, formant les draperies avec la pointe d’un petit bâton, […] & leur faisant la teste, les pieds, les mains & le corps nud, comme on fait les Anges, les elevations des Païsages, les pieces d’Architecture, & les autres ornemens avec de la cire molle, qu’il manioit avec adresse & avec une tranquilité singuliere : En ayant exprimé ses Idées de cette manière, il dressoit une boëtte Cube, ou plus longue que large, selon la forme de sa planche, qui servoit d’assiette à son Tableau, laquelles boëtte il bouchoit bien de tous costés, hormis celuy par où il ouvroit toute sa planche qui soutenoit ses Figures, la posant de sorte que les extremités de la boëtte tomboient sur celles de la planche, entourant ainsi & embrassant, pour ainsi dire, toute cette grande machine.
Ces choses estant preparées de la façon, il consideroit la disposition du lieu où son Tableau devoit estre mis. Si c’estoit dans une Eglise, il regardoit la quantité de fenestres, & remarquoit celles qui donnoient plus de jour à l’endroit destiné pour le metre, si le jour venoit par devant, par le côté, ou par le haut, s’il y venait de plusieurs côtés, ou lequel dominait davantage sur les autres. Et après toutes ces reflections si judicieuses, il arrestoit l’endroit où son Tableau devoit recevoir son veritable jour, & ainsi il ne manquoit jamais de trouver la place la plus avantageuse pour faire des trous à sa boëtte, en la mesme disposition des fenestres de l’Eglise, & pour donner tous les jours & les demy-jours necessaires à son dessein. Et enfin il faisoit une petite ouverture au devant de sa boëtte, pour voir toute la face de son Tableau à l’endroit de la distance ; & et il pratiquait cette ouverture si sagement, qu’elle ne causoit aucun jour étranger, parce qu’il la fermoit avec son œil, en regardant par là pour designer son Tableau sur le papier dans toutes ses aptitudes, ce qu’il faisait sans oublier le moindre trait ny la moindre circonstance, & et l’ayant esquissé ensuite sur sa toile, il y mettoit la derniere main, après l’avoir bien peint & repeint.

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Il est inutile de dire que le Dessein est le fondement de cet Art, & qu’il est nécessaire qu’un Graveur sache dessiner correctement, car sans cela il ne pourra jamais bien imiter aucun Tableau ni Dessein, parce que son [p. 98 152] ouvrage ne sera fait qu’en tâtonnant : il pourra même être fait avec soin & d’une gravûre fort douce, mais sans esprit, sans art & sans intelligence.

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The Goût is a mixture of Poussin’s usual Manner [ndr : il s’agit ici du Tancrède et Herminie, réalisé par Poussin], and (what is very rare) a great deal of Guilio, particulary in the Head, and Attitude of the Lady, and both the Horses ; Tancred is naked to the Wast having been stripp’d by Erminia and his ’Squire to search for his Wounds, he has a piece of loose Drapery which is Yellow, bearing upon the Red in the Middle Tincts, and Shadows, this is thrown over his Belly, and Thighs, and lyes a good length upon the ground ; ’twas doubtless painted by the Life, and is intirely of a Modern Taste. And that nothing might be shocking, or disagreeable, the wounds are much hid, nor is his Body, or Garment stain’d with Blood, only some appears here, and there upon the ground just below the Drapery, as if it flow’d from some Wounds which That cover’d ;

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[....] La Place estoit ornée tout au tour de Statuës, que les Cabalistes avoient fait ériger à leurs Princes, entre lesquelles celle de Michelange occupoit le premier lieu, accompagné de celles du Titien, du Georgion, de Paul Veronese, du Tintoret, des Bassans, du Correge, du Guide, de Rubens, Vandick, Zuccaro, Lanfranc, Joseph Pin, Maistre Rousse, Saint Martin, Ribera, Pietre Teste, Freminet, Tempeste, Blœmaret, P. ….. V ….. B. …. V. … &c toutes posées sur leurs piedestaux, avec chacune une Inscription à leur loüange.
On ne voyait là ny les Apelles, ny les Timanthes, ny les Raphaëls, ny les Poussins, ny les Leonards de Vincy, ny les Jules Romains, ny les autres de ce merite, dont on ne se doit pas étonner, veu qu’ayans tous esté les Antagonistes de ces faux Peintres, les Cabalistes n’avoient garde de leur donner place parmi ceux dont ils ont méprisé les ouvrages & les maximes.

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[…] J’entendis là de jeunes écervelés vanter leurs ouvrages, & se donner de l’encens avec une arrogance que j’eus peine à suporter. L’un couroit çà & là, montrant avec ostentation un ouvrage digne de risée, l’autre méprisoit son voisin, & se vantoit d’avoir seul la veritable science de la Peinture : Je vis même avec douleur des laquais & des faquins s’ériger en Censeurs, prendre la qualité de Maistres-Peintres, & mépriser avec une insolence enragée, les Raphaëls, les Poussins & leurs semblables, & proposer pour deffi leurs effroyables barboüilleries, entre lesquelles un de ces Cacopeintres tardif & fantasque au possible s’écria tout d’un coup : Laissez, Messieurs, ces ignorans, & si vous voulez voir des Tableaux dignes de votre estime, considerez ceux-cy tous de mon invention, dans lesquels vous trouverez je m’asseure, autant de sujets d’admiration que de figures ; je ne doute pas que plusieurs de mes competiteurs n’y portent envie, mais je sçay bien que tres-peu les pourroient imiter.

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[…] J’entendis là de jeunes écervelés vanter leurs ouvrages, & se donner de l’encens avec une arrogance que j’eus peine à suporter. L’un couroit çà & là, montrant avec ostentation un ouvrage digne de risée, l’autre méprisoit son voisin, & se vantoit d’avoir seul la veritable science de la Peinture : Je vis même avec douleur des laquais & des faquins s’ériger en Censeurs, prendre la qualité de Maistres-Peintres, & mépriser avec une insolence enragée, les Raphaëls, les Poussins & leurs semblables, & proposer pour deffi leurs effroyables barboüilleries, entre lesquelles un de ces Cacopeintres tardif & fantasque au possible s’écria tout d’un coup : Laissez, Messieurs, ces ignorans, & si vous voulez voir des Tableaux dignes de votre estime, considerez ceux-cy tous de mon invention, dans lesquels vous trouverez je m’asseure, autant de sujets d’admiration que de figures ; je ne doute pas que plusieurs de mes competiteurs n’y portent envie, mais je sçay bien que tres-peu les pourroient imiter.

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[…] Tous ceux-cy plus enclins à la censûre, qu’à la loüange, commencerent à blâmer les plus Illustres, sans épargner ny Raphaël, ny le Poussin, ausquels ils prefererent, avec une effronterie insuportable, des gens indignes du nom de Peintre. Le mépris des Regles passoit chez eux pour une hardiesse & une liberté, qu’ils appeloient admirable, & traitoient de peu Pratiqués & de faineans, ceux qui s’y attachent avec scrupule ; plusieurs même ne croyent pas qu’il y en dûst avoir d’autres, que celles que leur caprice leur dictoit : les ingenieuses Compositions passoient pour des extravagances & des énigmes faites à plaisir, la belle union & la charmante harmonie des Couleurs pour des Peintures Sales, enfumeés & desagreables, & toutes les sçavantes beautés que l’on admire dans les ouvrages des Maistres de l’Art, pour des pertes de temps.

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l’on témoigna du Regret de ce qu’un talent si accompli [ndr : Titien] n’étoit pas accompagné de ceux qui sont les plus considerables en la Peinture à sçavoir la correction du dessein & des proportions ; on representa qu’il se trouvoit beaucoup moins de Peintres posseder cette correction, que ceux qui ont un beaufaire en traitant les couleurs, parce qu’outre que ce dernier est plus facile, on se laisse naturellement charmer à ce bel éclat exterieur ; l’on avoüa bien que cette partie est très necessaire, mais l’on dit qu’il ne s’y falloit pas tant attacher qu’au principal ; que d’en faire toute son étude, c’étoit se laisser éblouïr par l’apparence d’un beau corps sans considérer ce qui le doit animer, que Monsieur Poussain si celebre en l’une & en l’autre de ces parties, ayant donné quelque temps à l’étude particuliere de la couleur en revint si fort, que depuis il disoit hautement, que cette application singuliere n’étoit qu’un obstacle, pour empêcher de parvenir au veritable but de la Peinture, & celui qui s’attache au principal ; acquiert en pratiquant une assez belle maniere de peindre.

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La face de la Vierge [ndr : peinte par Nicolas Poussin] invite le Chrestien
D’admirer de son corps le pudique maintien ;
Puis que ce rare ouvrier l’a mise avec aisance,
Sans que rien soit forcé, dedans la bien-seance.
Le manteau qu’elle porte a droit de nous charmer ;
Non parce qu’il paroist coloré d’Outremer,
Ma d’autant que les plis sont faits avec adresse,
Et font voir tout à coup, la force et la tendresse.
Certes c’est un chef-d’œuvre, et ce chef-d’œuvre est tel
Qu’il merite à bon droit qu’on l’ait mis sur l’Autel ;
Il n’est point de Tableau, qui d’abord ne luy cede
Et les beautés de cent luy tout seul les possede.

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Commençons, si vous voulez, par ce qu’il [ndr : Poussin] dit, Que la matiere doit estre prise noble ; qu’elle n’ait receü aucune qualité de l’ouvrier ; & que pour donner lieu au Peintre de montrer son esprit & son industrie, il faut la prendre capable de recevoir la plus excellente forme.
Il n’est pas necessaire de vous marquer qu’il parle d’abord du choix des sujets.
Il [ndr : Poussin] veut qu’ils soient nobles, c’est à dire, qu’ils ne traittent que de choses grandes, & non pas de simples representations de personnes, ou d’actions ordinaires & basses. Car bien que l’art de peindre s’étende à imiter tout ce qui est visible, comme il le dit luy-mesme ; il fait néanmoins consister l’excellence de cét art, & le grand sçavoir d’un Peintre dans le beau choix des actions héroïques & extraordinaires. Il veut que lors qu’il vient à mettre la main à l’œuvre, il le fasse d’une maniere qui n’ait point encore esté exécutée par un autre, afin que son ouvrage paroisse comme une chose unique & nouvelle, & que si l’on connoist la grandeur de ses idées, & la beauté de son genie dans la forme extraordinaire qu’il luy donnera, on remarque aussi la netteté & la force de son jugement dans le sujet qu’il aura choisi. C’est par cette haute idée que le Poussin avoit des choses grandes & relevées, qu’il ne pouvoit souffrir les sujets bas, & les peintures qui ne representent que des actions communes ; & qu’il avoit mesme du mépris pour ceux qui ne sçavent que copier simplement la nature telle qu’ils la voyent.

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Quelque beauté de coloris qu’un Peintre donne à son ouvrage, quelque amitié de couleurs qu’il observe pour le rendre aimable & plaisant à la veûë ; quelques jours & quelques lumieres qu’il y répande pour l’éclairer, de quelques ombres dont il tasche de le fortifier & d’en relever l’eclat, si tout cela n’est soustenu du dessein, il n’y a rien, pour beau & riche qu’il soit, qui puisse subsister. On doit prendre garde sur tout à ne se pas laisser surprendre par les charmes du coloris ; car la Couleur n’est pas seulement un agrément que la nature ait répandu sur les corps pour en relever la beauté & leur donner plus d’éclat, mais elle est aussi dans les ouvrages de l’art un moyen merveilleux pour les rendre agréables, & donner plus de plaisir à la veûë. Et de vray, comme nous voyons que les couleurs de l’arc-en-Ciel, qui ne marquent rien de particulier, ne laissent pas de faire regarder avec admiration : aussi les diverses couleurs qui brillent dans un Tableau, quoy-que privé des autres parties de la peinture, ne laissent pas de fraper les yeux, & mesme d’émouvoir l’ame, qui se laisse remuer par les sens avec lesquels elle a une si grande liaison, que d’abord elle ne pense, s’il faut ainsi dire, qu’à prendre part au plaisir qu’ils reçoivent, sans examiner les choses par la raison. 
C’est pourquoy je croy vous avoir fait observer sur le sujet des tableaux du Poussin, que ce Peintre dans le coloris de ses figures s’étudioit à les representer telles qu’elles paroissent dans le naturel, lors que par la distance qui se trouve entre-elles & celuy qui les voit, l’air qui est interposé les rend plus grises, & fait que la carnation n’est pas si vive & si agréable.

Quotation

Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

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The Composition is unexceptionable [ndr : dans Poussin, Tancrède et Herminie] : There are innumerable Instances of Beautiful Contrasts ; Of this kind are the several Characters of the Persons, (all which are Excellent in their several kinds) and the several Habits : Tancred is half Naked : Erminia’s Sex distinguishes Her from all the rest ; as Vafrino’s Armour, and Helmet shews Him to be Inferiour to Tancred, (His lying by him) and Argante’s Armour differs from both of them. The various positions of the Limbs in all the Figures are also finely Contrasted, and altogether have a lovely effect ; Nor did I ever see a greater Harmony, nor more Art to produce it in any Picture of what Master soever, whether as to the Easy Gradation from the Principal, to the Subordinate Parts, the Connection of one with another, by the degrees of the Lights, and Shadows, and the Tincts of the Colours.
And These too are Good throughout ; They are not Glaring, as the Subject, and the Time of the Story (which was after Sun-set) requires : Nor is the Colouring like that of
Titian, Corregio, Rubens, or those fine Colourists, But ‘tis Warm, and Mellow, ‘tis Agreeable, and of a Taste which none but a Great Man could fall into : And without considering it as a Story, or the Imitation of any thing in Nature the Tout-ensemble of the Colours is a Beautiful, and Delightful Object.

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Thus Aglaphontes us’d but one Colour, no more did Nitia the Athenian Painter ; and it was this Relievo also for which the famous Zeuxis became so renound’d : not to insist on Heredices the Corinthian, and Thelophanes the Sicyonian, who were both of them but Monochromists ; and, ‘till Cleophanes came amongst them, no dissemblers, as owning no other Colours but those eminent Contraries ; that is, the lights and the shades, in the true managing whereof, so many wonders are to be produc’d by this Art, and even a certain splendor, and beauty in the touches of the Burin, so as the very Union and colouring it self may be conceiv’d without any force upon the imagination, as we have before observed in these excellent Gravings of Natalis, Rouslet, and Poisly, after Bourdon ; and in what Greuter, Blomart, and some others have done after Monsieur Poussin, Guido Rhene, Cortoon, &c.

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The Composition is unexceptionable [ndr : dans Poussin, Tancrède et Herminie] : There are innumerable Instances of Beautiful Contrasts ; Of this kind are the several Characters of the Persons, (all which are Excellent in their several kinds) and the several Habits : Tancred is half Naked : Erminia’s Sex distinguishes Her from all the rest ; as Vafrino’s Armour, and Helmet shews Him to be Inferiour to Tancred, (His lying by him) and Argante’s Armour differs from both of them. The various positions of the Limbs in all the Figures are also finely Contrasted, and altogether have a lovely effect ; Nor did I ever see a greater Harmony, nor more Art to produce it in any Picture of what Master soever, whether as to the Easy Gradation from the Principal, to the Subordinate Parts, the Connection of one with another, by the degrees of the Lights, and Shadows, and the Tincts of the Colours.
And These too are Good throughout ; They are not Glaring, as the Subject, and the Time of the Story (which was after Sun-set) requires : Nor is the Colouring like that of
Titian, Corregio, Rubens, or those fine Colourists, But ‘tis Warm, and Mellow, ‘tis Agreeable, and of a Taste which none but a Great Man could fall into : And without considering it as a Story, or the Imitation of any thing in Nature the Tout-ensemble of the Colours is a Beautiful, and Delightful Object.

Quotation

C'est pourquoi Mr. le Poussain qui sçavoit bien choisir les circonstances, & les approprier aux sujets qu'il traitoit, s'en faisoit une regle, disant ordinairement qu'il donnoit à ses Tableaux un mode Frigien ; pour dire qu'il suivoit la seule idée du sujet principal, c'est ce qui se remarque aussi en tous ses Ouvrages, notamment en celui dont on venoit de parler [ndr : Eliézer et Rebecca] [...] ; voilà l'idée du sujet qu'il s'est proposé en cette action, à quoi il a tellement assujetti toutes les parties qui entrent en la composition de cet excellent Ouvrage, qu'il n'y a rien mis qui ne convienne à un sujet Nuptial, tout y est gay, riant, plaisant, & agreable, ayant affecté de ne mêler point en cette compagnie de vieilles femmes, mais seulement de jeunes filles ajustées très proprement & de parfaitement bonne grace, dont les Draperies forment des plis delicats, les couleurs belles, les proportions sweltes, qu'on pouvoit dire qu'il avoit disposé ce Tableau dans le mode Corinthien, comme il disoit souvent, faisant allusion à la pratique des Architectes, lesquels en construisants quelque edifice font dependre de l'ordre qu'ils auront choisi toutes les parties jusqu'au moindre ornement. [...] Que suivant ces exemples & de tous ceux des grands hommes qui ont excellé dans les beaux Arts, comme les Poetes dans leurs fictions & dans leurs Vers, les Orateurs, les Musiciens, lesquels assujettissent toutes les parties de leur composition à l'idée generale de leur sujet, & leur donnent un air si convenable, que tout ensemble exprime une passion ; qu'ainsi les habilles Peintres de l'Antiquité l'avoient pratiqué de même, selon le témoignage de Pline, qui en décrivant un Tableau des amours d'Alexandre de la main dAppelles, [...].

Quotation

Je croy qu’il n’y a jamais eû de Peintre [ndr : Poussin] qui ait eû plus de lumieres naturelles, & qui ait plus travaillé que luy pour aquerir toutes les belles connoissances qui peuvent servir à perfectionner un Peintre. Aussi sçavoit-il toutes les parties qui doivent entrer necessairement dans la composition & dans l’ordonnance d’un Tableau ; celles qui sont inutiles, & qui peuvent causer de la confusion : de quelle sorte il faut faire paroistre avantageusement les principales figures ; ne rien donner aux autres qui les rendent trop considerables, soit par la majesté ou par la noblesse des actions, soit par la richesse des habits & des accomodemens, & faire en sorte que dans la representation d’une histoire, il n’y ait ni trop peu de figures ; qu’elles soient agreablement placées, sans que les unes nuisent aux autres, & que toutes expriment parfaitement l’action qu’elles doivent faire. C’est ce que l’on voit dans ces beaux Tableaux du frapement de roche, & dans les sept Sacremens, où toutes les parties concourent à la perfection de l’ordonnance & à la belle disposition des figures, comme les membres bien proportionnez servent à rendre un corps parfaitement beau.

Quotation

The Composition is unexceptionable [ndr : dans Poussin, Tancrède et Herminie] : There are innumerable Instances of Beautiful Contrasts ; Of this kind are the several Characters of the Persons, (all which are Excellent in their several kinds) and the several Habits : Tancred is half Naked : Erminia’s Sex distinguishes Her from all the rest ; as Vafrino’s Armour, and Helmet shews Him to be Inferiour to Tancred, (His lying by him) and Argante’s Armour differs from both of them. The various positions of the Limbs in all the Figures are also finely Contrasted, and altogether have a lovely effect ; Nor did I ever see a greater Harmony, nor more Art to produce it in any Picture of what Master soever, whether as to the Easy Gradation from the Principal, to the Subordinate Parts, the Connection of one with another, by the degrees of the Lights, and Shadows, and the Tincts of the Colours.

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CONDUIRE, CONDUITE. 
Conduire signifie diriger, ménager, distribuer.
Des jours & des ombres
conduits judicieusement. Felibien a dit ; un tableau bien conduit de couleurs, c’est-à-dire, où les couleurs sont ménagées, & distribuées avec Art. Il y a beaucoup de conduite dans les compositions du Poussin, c’est-à-dire, beaucoup d’entente & d’ordonnance.

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The Composition is unexceptionable [ndr : dans Poussin, Tancrède et Herminie] : There are innumerable Instances of Beautiful Contrasts ; Of this kind are the several Characters of the Persons, (all which are Excellent in their several kinds) and the several Habits : Tancred is half Naked : Erminia’s Sex distinguishes Her from all the rest ; as Vafrino’s Armour, and Helmet shews Him to be Inferiour to Tancred, (His lying by him) and Argante’s Armour differs from both of them. The various positions of the Limbs in all the Figures are also finely Contrasted, and altogether have a lovely effect ; Nor did I ever see a greater Harmony, nor more Art to produce it in any Picture of what Master soever, whether as to the Easy Gradation from the Principal, to the Subordinate Parts, the Connection of one with another, by the degrees of the Lights, and Shadows, and the Tincts of the Colours.

Quotation

[...] le Peintre devoit tellement assujettir toutes les parties qui entrent en la composition de son Tableau, qu'elles concourrent ensemble à former une juste idée du sujet, en sorte qu'elles puissent inspirer dans l'esprit des regardans des émotions convenables à cette idée, & que si il se rencontroit dans la narration de l'Histoire même, quelque circonstance qui y fut contraire, on la devoit supprimer ou si fort negliger quelle n'y pût faire aucune interruption, qu'on peut neanmoins prendre une discrette liberté de choisir des incidens favorables, ou quelque allegorie qui convienne au sujet pour la varieté du Contraste, mais que l'on doit éviter de faire paroître ensemble des choses incompatibles ; par exemple la verité des choses Saintes avec les Prophanes, ou paroître ensemble des personnes qui n'ont été qu'en des tems fort éloignés l'un de l'autre.

Quotation

On remarqua particulierement en chaque groupe un judicieux Contraste ; & nonobstant la diversité des mouvemens un concours admirable à l’expression du sujet. Enfin pour ce qui regarde le plan perspectif on tomba d’accord qu’il ne ce pouvoit rien voir de plus regulier, chaque choses étant proportionnée suivant les regles de la situation naturelle, de sorte que l’Auteur de cet ouvrage avoit dans un sujet de desordre trouvé le moyen de faire paroître beaucoup de monde bien ordonné & sans aucune confusion, ayant pû sur tout placer son Heraut en un lieu eminant où la vûë est conduite par les actions de toutes les figures.

Quotation

Dans les deux Tableaux du frapement de roche combien de differentes actions noblement representées! On peut encore dans ces mesmes tableaux remarquer ce qu’il dit du costume, c’est à dire, ce qui regarde la convenance dans toutes les choses qui doivent accompagner une histoire.

Quotation

[...] le Peintre devoit tellement assujettir toutes les parties qui entrent en la composition de son Tableau, qu'elles concourrent ensemble à former une juste idée du sujet, en sorte qu'elles puissent inspirer dans l'esprit des regardans des émotions convenables à cette idée, & que si il se rencontroit dans la narration de l'Histoire même, quelque circonstance qui y fut contraire, on la devoit supprimer ou si fort negliger quelle n'y pût faire aucune interruption, qu'on peut neanmoins prendre une discrette liberté de choisir des incidens favorables, ou quelque allegorie qui convienne au sujet pour la varieté du Contraste, mais que l'on doit éviter de faire paroître ensemble des choses incompatibles ; [...] le devoir du Peintre est de s'étudier soigneusement à rechercher tout ce qui est essentiel au sujet, & bien examiner ce que les bons Autheurs en ont écrit, & ce qui peu mieux faire paroître le Heros, afin d'en bien exprimer l'image & l'idée, & par ce moyen éviter le défaut que l'on voyoit en beaucoup de Tableaux, méprisés à cet égard, quoi que d'ailleurs très-beaux, comme par exemple en un Tableau du Bassant, où est representé le retour de l'Enfant prodigue en la maison de son Pere, dont les figures principales du sujet sont fort petites, éloignées dans le derriere du Tableau, [...]. En un autre du Breugle en la representation de l'une des plus importantes actions de la Magdeleine, où sont reculées dans le lointain les figures principales pour faire paroître sur le devant du Tableau diverses personnes indifferentes au sujet, [...] Que l'on void même en des representations de la Nativité de Nôtre Sauveur, où l'on met en des places les plus apparentes, un Boeuf & un Ane, qui sont des choses indecentes & profanes, [...] qu'ainsi la representation de ces animaux n'étoit nullement de l'essence du sujet & qu'ils ne conviennent point à l'idée que cette histoire doit inspirer dans l'esprit de ceux qui la contemplent.

Quotation

C'est pourquoi Mr. le Poussain qui sçavoit bien choisir les circonstances, & les approprier aux sujets qu'il traitoit, s'en faisoit une regle, disant ordinairement qu'il donnoit à ses Tableaux un mode Frigien ; pour dire qu'il suivoit la seule idée du sujet principal, c'est ce qui se remarque aussi en tous ses Ouvrages, notamment en celui dont on venoit de parler [ndr : Eliézer et Rebecca] [...] ; voilà l'idée du sujet qu'il s'est proposé en cette action, à quoi il a tellement assujetti toutes les parties qui entrent en la composition de cet excellent Ouvrage, qu'il n'y a rien mis qui ne convienne à un sujet Nuptial, tout y est gay, riant, plaisant, & agreable, ayant affecté de ne mêler point en cette compagnie de vieilles femmes, mais seulement de jeunes filles ajustées très proprement & de parfaitement bonne grace, dont les Draperies forment des plis delicats, les couleurs belles, les proportions sweltes, qu'on pouvoit dire qu'il avoit disposé ce Tableau dans le mode Corinthien, comme il disoit souvent, faisant allusion à la pratique des Architectes, lesquels en construisants quelque edifice font dependre de l'ordre qu'ils auront choisi toutes les parties jusqu'au moindre ornement. [...] On peut encore remarquer l'observation de cette maxime de Mr. le Poussain dans un Tableau du Miracle de Nôtre-Seigneur, en guerissant deux aveugles [ndr : Les Aveugles de Jéricho ou Le Christ guérissant les aveugles], où tout ce qui accompagne cette expression est grand, majestueux, & serieux, tant dans les actions que dans les habillemens des figures, les couleurs & la disposition du Paysage ; [...] mais pour ne rien obmettre de ce qui étoit essentiel au sujet, il avoit exprimé dans le petit nombre de figures qui accompagnent Nôtre-Seigneur tous les mouvemens & les passions qui pouvoient convenir en cette rencontre, l'incredulité & l'indifference des Juifs, la curiosité, la derision, & la mocquerie des Pharisiens, la foi, l'admiration & le zele des Disciples, le respect, la devotion & le grand desir des affligés.

Quotation

Mais lorsqu’il s’agit de copier les Tableaux des grands Maîtres, il faut que le Graveur se détache entierement de la propre maniere qu’il pourroit avoir de dessiner, pour se conformer à celle des ouvrages qu’il veut imiter & s’y conserver le caractere qui fait distinguer les manieres les unes des autres : & pour cet effet l’on doit beaucoup dessiner & bien du soin d’après les peintures de Rapahaël, des Carraches, du Dominiquain, du Poussin, &c. que si l’occasion ne se présente pas de pouvoir copier ces ouvrages, & qu’on ne puisse que les voir, il faut en remarquer toutes les beautés & les saisir dans la mémoire par une forte application d’esprit, & s’efforcer de reconnoître la différence de chacun dans la manière de tracer les contours.
Il est très-nécessaire qu’un Graveur sache l’Architecture & la Perspective. L’Architecture pour [p. 99 153] garder les proportions que les habiles Peintres quelquefois ne se donnent pas la peine de terminer dans leurs desseins ; surtout quand on grave d’après des croquis ou des tableaux peu finis. La Perspective, par les dégradations du fort au foible, lui donnera beaucoup de facilité pour faire fuir ou avancer les figures & autres corps représentés dans le Tableau qu’il doit imiter.

Quotation

Voor myn besluit zal ik hier nog iets aanmerken, weegens vierderly byzondere manieren der Oude Antiken.
D’eerste Stark, Kloek, en Robust; dezelve is naagevolgt, door Michel Angelo, Karats, en ’t heele School van Boulogne; welke manier eigentlyk , van de Stad Atheenen oorspronkelyk is.
De tweede, Swak en Vrouwagtig, welke waargenomen wierd door Jan de Boullogne, en meer anderen; die men oordeeld van Korinthen afkomstig te zyn.
De derde, vol van Teeder en Bevalligheid; die men voorgeeft dat Apelles, Phidias en Praxitieles gevolgt hebben, welke manier in zeer groote agtinge gehouden wierd, en vast steld van Rhodes oorspronkelyk te weezen.
Met de vierde, wijst ons aan een grootse ommetrek, als mede Natuurlyk, Seedig en Korrekt; zynde naagevolgt door Raphaël, Pousyn, &c. en is afkomstig van Siconien, een stad uit Peloponnesen: is eygenthlyk zo tot volmaaktheid geraakt, om dat uit ieder manier het beste gekoozen is, en by een gevoegt is.

Quotation

LE PEINTRE.
Je ne croy pas, Monsieur, les [ndr : « les » renvoie aux « œuvres de feu Monsieur le Poussin », cf. la question posée par Ariste au peintre] pouvoir assez estimer, à moins d’avoir les mesmes lumieres que luy, mais autant que Dieu m’en a départy, je diray n’avoir jamais veu de Peintre si également universel & corect, ny qui eust un si grand & bon Goust que luy ; & de plus, le don de mieux exprimer l’air, les actions, & passions de ses figures ; ny enfin qui s’écartast plus du Goust moderne, & qui suivit mieux l’histoire tant sacrée que profane.

Quotation

CORRECT, CORRECTION, CORRECTEMENT, se disent en parlant du dessein. 
Un dessein
correct, bien arrêté. Le Titien n’étoit pas toujours correct dans les desseins. Le Poussin dessinoit correctement. Aucun Peintre n’étoit comparable à Raphael pour la correction  du dessein. 
La
correction du dessein dépend de la justesse des proportions, & cette justesse dépend principalement de la connoissance de l’Anatomie, & du corps humain.

Quotation

CORRECT, CORRECTION, CORRECTEMENT, se disent en parlant du dessein. 
Un dessein
correct, bien arrêté. Le Titien n’étoit pas toujours correct dans les desseins. Le Poussin dessinoit correctement. Aucun Peintre n’étoit comparable à Raphael pour la correction  du dessein. 
La
correction du dessein dépend de la justesse des proportions, & cette justesse dépend principalement de la connoissance de l’Anatomie, & du corps humain.

Quotation

J’avouë que vous embarasseriez fort la plus grande partie des Peintres si vous portiez le compas sur leurs Ouvrages dans tous les endroits qui se peuvent mesurer : plusieurs se sauvent à la faveur des graces de la Peinture, mais ne nous flatons point, ni la vivacité du coloris, ni la richesse des dispositions, ni les expressions les plus fortes, ne formeront jamais un beau tout, & ne seront que de fausses apparences de beauté, si elles ne sont pas soutenuës de la correction du dessein.

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CORRECT, CORRECTION, CORRECTEMENT, se disent en parlant du dessein. 
Un dessein
correct, bien arrêté. Le Titien n’étoit pas toujours correct dans les desseins. Le Poussin dessinoit correctement. Aucun Peintre n’étoit comparable à Raphael pour la correction  du dessein. 
La
correction du dessein dépend de la justesse des proportions, & cette justesse dépend principalement de la connoissance de l’Anatomie, & du corps humain.

Quotation

CHOSES
Qui ne s’apprennent point, & qui sont parties essentielles à la Peinture.
PREMIEREMENT pour ce qui est de la matiere, elle doit estre noble, qui n’ait receü aucune qualité de l’ouvrier. Et pour donner lieu au Peintre de montrer son esprit & son industrie, il faut la prendre capable de recevoir la plus excellente forme. Il faut commencer par la disposition, puis par l’ornement, le décore, la beauté, la grace, la vivacité, le costume, la vraysemblance, & le jugement par tout. Ces dernieres parties sont du Peintre, & ne se peuvent enseigner. C’est le rameau d’or de Virgile, que nul ne peut trouver ni cueïllir, s’il n’est conduit par le Destin. Ces neuf parties contiennent plusieurs choses dignes d’estre écrites par de bonnes & sçavantes mains.

Quotation

Dans les deux Tableaux du frapement de roche combien de differentes actions noblement representées! On peut encore dans ces mesmes tableaux remarquer ce qu’il dit du costume, c’est à dire, ce qui regarde la convenance dans toutes les choses qui doivent accompagner une histoire.

Quotation

La vrai-semblance poëtique consiste encore dans l'observation des regles que nous comprenons, ainsi que les Italiens, sous le mot de Costumé : observation qui donne un si grand mérite aux tableaux du Poussin. Suivant ces regles, il faut représenter les lieux où l'action s'est passée tels qu'ils ont été si nous en avons connoissance, & quand il n'en est pas demeuré de notion précise, il faut, en imaginant leur disposition, prendre garde à ne se point trouver en contradiction avec ce qu'on en peut sçavoir. Les mêmes regles veulent encore qu'on donne aux differentes Nations qui paroissent ordinairement sur la scene des tableaux, la couleur de visage & l'habitude de corps que l'histoire a remarqué leur être propres. Il est même beau de pousser la vrai-semblance jusques à suivre ce que nous sçavons de particulier des animaux de chaque païs, quand nous représentons un évenement arrivé dans ce païs-là. Le Poussin qui a traité plusieurs actions, dont la scene est en Egypte, met presque toujours dans ses tableaux des bâtimens, des arbres ou des animaux, qui par differentes raisons, sont regardez comme étant particuliers à ce païs.

Quotation

L’on est entré sur la consideration du merite de la couleur à l’occasion d’un Tableau du Titien, qui par l’adveu, unanime de tous les sçavants en cette profession, est le Peintre qui a le plus excellé en cette partie là. Mais après avoir remarqué dans cet ouvrage que ce grand homme possedoit si admirablement la connoissance, des effets de la couleur & en faisoit un si bon usage, que non-obstant la vivacité des éclats de lumieres, qu’il faisoit paroître, dans le ciel de ses paysages, les carnations des figures qui y étoient opposées, ne laissoient pas de paroître plus avantageusement que beaucoup d’autres coloris, qui sont favorisés par des fonds bruns, que l’on voyoit dans les ouvrages de beaucoup d’autres Autheurs : qu’ainsi cet excellent Peintre avoit tiré avantage, de ce que les autres évitent ordinairement, & l’on témoigna du Regret de ce qu’un talent si accompli [ndr : Titien] n’étoit pas accompagné de ceux qui sont les plus considerables en la Peinture à sçavoir la correction du dessein & des proportions ; on representa qu’il se trouvoit beaucoup moins de Peintres posseder cette correction, que ceux qui ont un beaufaire en traitant les couleurs, parce qu’outre que ce dernier est plus facile, on se laisse naturellement charmer à ce bel éclat exterieur ; l’on avoüa bien que cette partie est très necessaire, mais l’on dit qu’il ne s’y falloit pas tant attacher qu’au principal ; que d’en faire toute son étude, c’étoit se laisser éblouïr par l’apparence d’un beau corps sans considérer ce qui le doit animer, que Monsieur Poussain si celebre en l’une & en l’autre de ces parties, ayant donné quelque temps à l’étude particuliere de la couleur en revint si fort, que depuis il disoit hautement, que cette application singuliere n’étoit qu’un obstacle, pour empêcher de parvenir au veritable but de la Peinture, & celui qui s’attache au principal ; acquiert en pratiquant une assez belle maniere de peindre.

Quotation

PRINCIPES
Que tout homme capable de raison peut apprendre
Il ne se donne point de visible sans lumiere.
Il ne se donne point de visible sans forme.
Il ne se donne point de visible sans couleur.
Il ne se donne point de visible sans distance.
Il ne se donne point de visible sans instrument.

Quotation

Quelque beauté de coloris qu’un Peintre donne à son ouvrage, quelque amitié de couleurs qu’il observe pour le rendre aimable & plaisant à la veûë ; quelques jours & quelques lumieres qu’il y répande pour l’éclairer, de quelques ombres dont il tasche de le fortifier & d’en relever l’eclat, si tout cela n’est soustenu du dessein, il n’y a rien, pour beau & riche qu’il soit, qui puisse subsister. On doit prendre garde sur tout à ne se pas laisser surprendre par les charmes du coloris ; car la Couleur n’est pas seulement un agrément que la nature ait répandu sur les corps pour en relever la beauté & leur donner plus d’éclat, mais elle est aussi dans les ouvrages de l’art un moyen merveilleux pour les rendre agréables, & donner plus de plaisir à la veûë. Et de vray, comme nous voyons que les couleurs de l’arc-en-Ciel, qui ne marquent rien de particulier, ne laissent pas de faire regarder avec admiration : aussi les diverses couleurs qui brillent dans un Tableau, quoy-que privé des autres parties de la peinture, ne laissent pas de fraper les yeux, & mesme d’émouvoir l’ame, qui se laisse remuer par les sens avec lesquels elle a une si grande liaison, que d’abord elle ne pense, s’il faut ainsi dire, qu’à prendre part au plaisir qu’ils reçoivent, sans examiner les choses par la raison. 
C’est pourquoy je croy vous avoir fait observer sur le sujet des tableaux du Poussin, que ce Peintre dans le coloris de ses figures s’étudioit à les representer telles qu’elles paroissent dans le naturel, lors que par la distance qui se trouve entre-elles & celuy qui les voit, l’air qui est interposé les rend plus grises, & fait que la carnation n’est pas si vive & si agréable. 
Cependant quoy-que la raison fasse voir que c’est une regle qu’on doit observer, il est vray neanmoins que les Peintres qui ne l’ont pas suivie, & qui s’en sont dispensez, tels que le Titien, Paul Veronese, & ceux de l’école du Lombardie, ont esté plus agréables que les autres dans leurs carnations, parce que l’œil ne se soucie pas toûjours que les choses soient conduites par les regles de la raison pourveû qu’elles luy plaisent.
Et de mesme que les lunettes de longue veûë luy font discerner & mieux connoistre les objets éloignez, ainsi le Peintre en fortifiant ses couleurs, & les rendant plus sensibles, fait un effet semblable, & luy represente des choses plûtost belles & agréables que régulières.

Quotation

Nous aprenons de Felibien dans la vie de Poussin, que ce Peintre consulté sur la Peinture, par un de ses amis, luy avoit écrit, qu'elle est une imitation faite avec lignes & couleurs, en quelque superficie, de tout ce qui se voit sous le Soleil, dont la fin est la delectation. Quoique cette définition parte de la main d'un des plus excellens Peintres qui ont paru dans ces derniers siecles : Il semble pourtant qu'on y pourroit ajouter quelque circonstance, pour en faire une description achevée : parce que l'étude des Peintres ne se borne pas seulement à l'imitation des choses visibles : Ils les doivent encore representer, dans la plus parfaite idée qu'elles peuvent donner ; Et la fin de cet Art n'est pas de plaire uniquement aux yeux : Mais d'avertir, d'enseigner, & de plaire à même tems.

Quotation

[…] Pour ce qui est de la Perspective aërienne il faut concevoir que l’air est comme je viens de dire un corps diaphane, parce qu’il est coloré, au travers duquel on voit les objets, qui prenant davantage de la couleur de ce corps à mesure qu’ils s’éloignent, viennent peu à peu à se perdre & à se confondre. Je ne puis me servir d’un exemple plus propre à ce sujet que ce qui nous paroist tous les jours dans l’eau. Si nous jettons les yeux sur quelque lac ou sur quelque riviere pour regarder au fond ; & qu’il y ait des poissons qui nagent, alors nous voyons distinctement dans ceux qui s’approchent le plus prés de la surface de l’eau, leur forme & la couleur de leurs écailles. Ceux qui seront plus bas nous sembleront moins colorez ; & à mesure qu’ils s’enfoncent plus avant & qu’ils s’éloigneront de nous, ils prendront davantage de la couleur de l’eau, jusques-là qu’on en verra quelques-uns qui ne paroistront que des ombres, d’autres qui seront comme l’eau mesme ; enfin quoy qu’il y en ait, nous ne verrons plus rien, si ce n’est qu’il nous semblera qu’il doit y en avoir encore. Tout de mesme quand les images des objets passent au travers de l’air, ils diminuent & s’affoiblissent à proportion de la quantité d’air qui est entre eux & l’œil qui les voit.
Mais parce que l’air n’est pas toujours également pur par tout :
qu’il peut recevoir des lumières particulières, comme quand on voit une tour qui paroist le matin au lever du soleil environnée d’une legere vapeur dans la partie la plus proche de la terre, & dont le haut au contraire est éclairé du Soleil, ce que le Poussin & Claude le Lorrain ont parfaitement bien représenté dans des païsages. Et parce encore que les objets peuvent aussi estre plus ou moins susceptibles de la couleur de l’air, & d’eux-mesmes plus sensibles à la veuë les uns que les autres, il y a diverses choses qu’il faut observer dans la Nature, & dont l’on ne peut faire des regles assurées.
Par exemple le vert & le rouge mis dans une mesme distance feront une sensation differente à nostre veuë, non seulement par les qualitez propres de ces deux couleurs ; mais parce que le vert estant plus capable de prendre la couleur de l’air, qui est bleuë, que non pas le rouge, il paroistra plus éloigné, puisqu’il pert davantage de se veritable couleur, qui se confond plus aisément que le rouge avec celles de l’air.
Voilà quant à la qualité des couleurs dans un mesme air & dans une mesme distance. Voyons ce que fait une mesme couleur dans une mesme distance, mais dans deux situations differentes où l’air soit plus espais en l’une qu’en l’autre. Si une personne vestuë de blanc ou une figure de marbre ou de plastre, si vous voulez, est posée dans un lieu où l’air soit purifié, il est certain qu’elle paroistra plus blanche & plus proche qu’une autre qui sera dans un air plus épais, quoy qu’elles soient dans une égale distance, & de pareille grandeur & blancheur, parce que la grande épaisseur de l’air où elle se trouve esteindra son blanc, & la fera paroistre plus bluastre. C’est pourquoi il est fort difficile de donner des moyens asseurez pour affoiblir les couleurs selon la perspective, puisque cela dépend de la disposition de l’air, de la lumiere qui les éclaire, & encore de la force mesme des couleurs.
 
C’est pourquoi il est fort difficile de donner des moyens asseurez pour affoiblir les couleurs selon la perspective, puisque cela dépend de la disposition de l’air, de la lumiere qui les éclaire, & encore de la force mesme des couleurs.
Cependant comme tous les objets se monstrent à nous par des lignes qui forment une Pyramide dont la pointe est dans notre œil & la base sur la surface des corps, il faut que le Peintre s’imagine qu’il sort un nombre infini de lignes de tous les corps, lesquelles luy en apportent la figure & la couleur. Que plus ces lignes sont longues, c’est à dire plus l’objet est éloigné de l’œil, & plus elles sont teintes & chargées de la couleur de l’air, qui diminuë la couleur naturelle de l’objet ; Outre cela ces mesmes lignes se communiquent les unes aux autres les couleurs qui sont particulieres à chacunes d’elles, ce qui se fait si insensiblement qu’on ne s’apperçoit d’aucun changement, ainsi que vous le disiez tout à l’heure en parlant de la nuance des couleurs de l’Arc-en-Ciel. Et c’est ce qui est cause que plus les corps sont éloignez, & moins nous en découvrons les veritables couleurs, & la vraye forme des contours, parceque les uns & les autres s’unissent ou à d’autres corps qui en sont plus proches, ou mesme à l’air qui passe à costé qui en diminuë & altere quelque partie : ce qui doit obliger le Peintre à faire en sorte que ses figures tiennent toujours de la couleur du champ où elles sont, principalement dans leurs extremitez.

Mais si les corps se changent par la nature de leur propre couleur selon les airs & les distances differentes, ils reçoivent encore du changement selon leurs diverses figures. Car ceux qui sont spheriques ou concaves, prennent d’autres apparences que ceux qui sont plats & uniformes, selon la position de la lumiere, ou de l’œil qui les regarde.
Et parce qu’il est certain que les couleurs changent principalement par le moyen des lumieres ; & que dans l’ombre elles ne paroissent point à l’œil comme quand elles sont exposées dans un grand jour, il faut considerer de quelle maniere l’ombre cache & offusque la couleur, & de quelle sorte le jour la découvre & luy rend son lustre 

Quotation

Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

Quotation

C’estoit une histoire Angloise, dont il avoit habillé les figures à la Grecque & à la Romaine, ouvrage au reste, qui ne meritoit que le feu ou la bouë ; & lorsque je voulus lui demander raison de cent choses qui choquoient la raison, l’histoire, l’Art, la Nature & le bon sens, il me fist des réponses si remplies d’ignorance & de superbe, que je le laissay là avec ces sots admirateurs.
[…] A peine pûs-je échapper des mains de ces importuns, & lorsque je pensois estre hors de danger de telles rencontres, je me trouvay au milieu d’une troupe de Damoiseaux, qui après avoir apris deux ou trois mois à mal dessigner sous un Maistre ignorant, venoient là faire les Critiques & les Arbitres de la Peinture. Ce fut une scene assés facésieuse, de les entendre vanter leur affection pour cet Art si merveilleux.

Quotation

’T en is oock niet geraden, seght Franciscus Iunius, dat wy ons selven tot eenen Meester alleen overgeven, om die in alle dingen te volgen: Apelles was ongetwijffelt den aldervermaersten, nochtans hebben hem wel eenige in ’t een of ’t ander deel te boven gegaen: Hy wiert wel van d’Oude Meesters gepresen, maer niet dat hy alleen behoorde na-gevolght te worden. {Hoemen van verscheyde Meesters het beste moet kiesen ende t’samen voegen.} ’t Soude wel Goet zijn als Apelles te werden, maer wat kan ’t schaden datmen tot de bevalligheyt van Apelles toevoeght de Geluck-stoutigheyt van Zeuxis, d’onvermoeyde neerstigheydt van Protogenes, de kloecke diepzinnigheydt van Nicophanes; ende andere hare deughden meer aen te namen. Soo seggen wy nu oock, wat kan het hinderen soo wy Raphel Vrbijn als een lichtende Fackel in fraye ordineeringhe, zedige besigheyt der Beelden, ende grootse gedachten willen navolgen, dat wy daer by soecken te krijgen de wisse Teyckeningh en vaste omtrecken van Carats, Testa ende andere; de bevalligheydt, cierlijcke playsantie, ende rijcke Majesteyt van Pietro de Cortone, de verstandige waernemingh der vlacke schaduwen en dagen, Crokeringh ende natuerlijcke Coloreeringh van Poussijn, Barotius, Symon Vouet, ende watmen meer na sijn humeur en gave oordeelt, in andere Meesters, navolgenswaerdigh te zijn.

Quotation

CHOSES
Qui ne s’apprennent point, & qui sont parties essentielles à la Peinture.
PREMIEREMENT pour ce qui est de la matiere, elle doit estre noble, qui n’ait receü aucune qualité de l’ouvrier. Et pour donner lieu au Peintre de montrer son esprit & son industrie, il faut la prendre capable de recevoir la plus excellente forme. Il faut commencer par la disposition, puis par l’ornement, le décore, la beauté, la grace, la vivacité, le costume, la vraysemblance, & le jugement par tout. Ces dernieres parties sont du Peintre, & ne se peuvent enseigner. C’est le rameau d’or de Virgile, que nul ne peut trouver ni cueïllir, s’il n’est conduit par le Destin. Ces neuf parties contiennent plusieurs choses dignes d’estre écrites par de bonnes & sçavantes mains.

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Quelle beauté, quel décore, quelle grace dans le Tableau de Rébecca ? L’on ne peut pas dire du Poussin ce qu’Apelle disoit à un de ses disciples, que n’ayant pû peindre Helene belle, il l’avoit representée riche {Clem. Alex.}. Car dans ce Tableau du Poussin la beauté éclate bien plus que tous les ornemens, qui sont simples & convenables au sujet. Il a parfaitement observé ce qu’il appelle décore ou bienseance, & sur tout la grace, cette qualité si précieuse & si rare dans les ouvrages de l’art aussi-bien que dans ceux de la nature.

Quotation

Wie nu het gezegde wel overweegd, moet met my toestaan, dat de deftigheid en welgemanierdheid twee uitneemende zaaken zyn, aan welke zo veel gelegen is, dat wanneer het in een schildery ontbreekt, men het zelve niet voor goed kan keuren: ja ik oordeel het de ziel van een konstig schildery te zyn. Het is met de schoone pronkzieraaden niet te doen, maar als een deftige en eedele ziel in een welgesteld lichchaam werkt, zyn alle die dingen [NDR : pronkzieraaden] onnut om de waare deftigheid uit te drukken; wanneer men met verstand, dan het zelve noch oppronkt, zo krygt het wel een grooter luyster, maar niet het wezen der zaak aangebragt, ook maakt zulks geen der hertstochten in de wezens. Rafaël, Poussyn, Dominiquin, noch Barotius, hebben daar niet van gehouden, en echter door hunne eenvoudigheid, de ongemeene deftigheid en grootsheid in hunne beelden vertoond.

Quotation

Nous aprenons de Felibien dans la vie de Poussin, que ce Peintre consulté sur la Peinture, par un de ses amis, luy avoit écrit, qu'elle est une imitation faite avec lignes & couleurs, en quelque superficie, de tout ce qui se voit sous le Soleil, dont la fin est la delectation. Quoique cette définition parte de la main d'un des plus excellens Peintres qui ont paru dans ces derniers siecles : Il semble pourtant qu'on y pourroit ajouter quelque circonstance, pour en faire une description achevée : parce que l'étude des Peintres ne se borne pas seulement à l'imitation des choses visibles : Ils les doivent encore representer, dans la plus parfaite idée qu'elles peuvent donner ; Et la fin de cet Art n'est pas de plaire uniquement aux yeux : Mais d'avertir, d'enseigner, & de plaire à même tems.

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The Composition is unexceptionable [ndr : dans Poussin, Tancrède et Herminie] : There are innumerable Instances of Beautiful Contrasts ; Of this kind are the several Characters of the Persons, (all which are Excellent in their several kinds) and the several Habits : Tancred is half Naked : Erminia’s Sex distinguishes Her from all the rest ; as Vafrino’s Armour, and Helmet shews Him to be Inferiour to Tancred, (His lying by him) and Argante’s Armour differs from both of them. The various positions of the Limbs in all the Figures are also finely Contrasted, and altogether have a lovely effect ; Nor did I ever see a greater Harmony, nor more Art to produce it in any Picture of what Master soever, whether as to the Easy Gradation from the Principal, to the Subordinate Parts, the Connection of one with another, by the degrees of the Lights, and Shadows, and the Tincts of the Colours.
And These too are Good throughout ; They are not Glaring, as the Subject, and the Time of the Story (which was after Sun-set) requires : Nor is the Colouring like that of
Titian, Corregio, Rubens, or those fine Colourists, But ‘tis Warm, and Mellow, ‘tis Agreeable, and of a Taste which none but a Great Man could fall into : And without considering it as a Story, or the Imitation of any thing in Nature the Tout-ensemble of the Colours is a Beautiful, and Delightful Object.

Quotation

L’on est entré sur la consideration du merite de la couleur à l’occasion d’un Tableau du Titien, qui par l’adveu, unanime de tous les sçavants en cette profession, est le Peintre qui a le plus excellé en cette partie là. Mais après avoir remarqué dans cet ouvrage que ce grand homme possedoit si admirablement la connoissance, des effets de la couleur & en faisoit un si bon usage, que non-obstant la vivacité des éclats de lumieres, qu’il faisoit paroître, dans le ciel de ses paysages, les carnations des figures qui y étoient opposées, ne laissoient pas de paroître plus avantageusement que beaucoup d’autres coloris, qui sont favorisés par des fonds bruns, que l’on voyoit dans les ouvrages de beaucoup d’autres Autheurs : qu’ainsi cet excellent Peintre avoit tiré avantage, de ce que les autres évitent ordinairement, & l’on témoigna du Regret de ce qu’un talent si accompli [ndr : Titien] n’étoit pas accompagné de ceux qui sont les plus considerables en la Peinture à sçavoir la correction du dessein & des proportions ; on representa qu’il se trouvoit beaucoup moins de Peintres posseder cette correction, que ceux qui ont un beaufaire en traitant les couleurs, parce qu’outre que ce dernier est plus facile, on se laisse naturellement charmer à ce bel éclat exterieur ; l’on avoüa bien que cette partie est très necessaire, mais l’on dit qu’il ne s’y falloit pas tant attacher qu’au principal ; que d’en faire toute son étude, c’étoit se laisser éblouïr par l’apparence d’un beau corps sans considérer ce qui le doit animer, que Monsieur Poussain si celebre en l’une & en l’autre de ces parties, ayant donné quelque temps à l’étude particuliere de la couleur en revint si fort, que depuis il disoit hautement, que cette application singuliere n’étoit qu’un obstacle, pour empêcher de parvenir au veritable but de la Peinture, & celui qui s’attache au principal ; acquiert en pratiquant une assez belle maniere de peindre.

Quotation

’T en is oock niet geraden, seght Franciscus Iunius, dat wy ons selven tot eenen Meester alleen overgeven, om die in alle dingen te volgen: Apelles was ongetwijffelt den aldervermaersten, nochtans hebben hem wel eenige in ’t een of ’t ander deel te boven gegaen: Hy wiert wel van d’Oude Meesters gepresen, maer niet dat hy alleen behoorde na-gevolght te worden. {Hoemen van verscheyde Meesters het beste moet kiesen ende t’samen voegen.} ’t Soude wel Goet zijn als Apelles te werden, maer wat kan ’t schaden datmen tot de bevalligheyt van Apelles toevoeght de Geluck-stoutigheyt van Zeuxis, d’onvermoeyde neerstigheydt van Protogenes, de kloecke diepzinnigheydt van Nicophanes; ende andere hare deughden meer aen te namen. Soo seggen wy nu oock, wat kan het hinderen soo wy Raphel Vrbijn als een lichtende Fackel in fraye ordineeringhe, zedige besigheyt der Beelden, ende grootse gedachten willen navolgen, dat wy daer by soecken te krijgen de wisse Teyckeningh en vaste omtrecken van Carats, Testa ende andere; de bevalligheydt, cierlijcke playsantie, ende rijcke Majesteyt van Pietro de Cortone, de verstandige waernemingh der vlacke schaduwen en dagen, Crokeringh ende natuerlijcke Coloreeringh van Poussijn, Barotius, Symon Vouet, ende watmen meer na sijn humeur en gave oordeelt, in andere Meesters, navolgenswaerdigh te zijn.

Quotation

[…] je considerois avec un soin tout particulier, comment il [ndr : Poussin] mesloit les couleurs ensemble pour donner cette diminution de teintes necessaire à arondir les corps, à faire paroistre les jours & les ombres, & à produire ces divers degrez d’éloignement qui font fuïr ou avancer toutes les parties d’un Tableau, ce qu’il a sceu executer avec tant d’art & de beauté.

Quotation

[...] c’est improprement que l’on appelle Perspective aërienne ce qui regarde la diminution des couleurs, & ce n’est que par analogie qu’on la nomme ainsi ; parce que la vraye Perspective pratique n’est que des figures dont la grandeur diminuë selon l’éloignement, & se represente par des lignes que l’on tire : au lieu que la diminution des couleurs ne va que dans le plus ou le moins de la lumiere, dont l’on ne peut donner de regles.
 
[...] Pour la bien pratiquer on doit prendre garde qu’encore que l’air soit un corps diaphane, au travers duquel la lumière du Soleil passe avant que de se repandre sur les autres corps, on ne peut considerer les effets de la lumière du Soleil, sans concevoir l’impression qu’elle reçoit en passant au travers de l’air, qui est susceptible de plusieurs changemens, estant plus épais dans des temps & dans des lieux qu’en d’autres.
 
[…] Pour ce qui est de la Perspective aërienne il faut concevoir que l’air est comme je viens de dire un corps diaphane, parce qu’il est coloré, au travers duquel on voit les objets, qui prenant davantage de la couleur de ce corps à mesure qu’ils s’éloignent, viennent peu à peu à se perdre & à se confondre. [...] Tout de mesme quand les images des objets passent au travers de l’air, ils diminuent & s’affoiblissent à proportion de la quantité d’air qui est entre eux & l’œil qui les voit.

Quotation

The Goût is a mixture of Poussin’s usual Manner [ndr : il s’agit ici du Tancrède et Herminie, réalisé par Poussin], and (what is very rare) a great deal of Guilio, particulary in the Head, and Attitude of the Lady, and both the Horses ; Tancred is naked to the Wast having been stripp’d by Erminia and his ’Squire to search for his Wounds, he has a piece of loose Drapery which is Yellow, bearing upon the Red in the Middle Tincts, and Shadows, this is thrown over his Belly, and Thighs, and lyes a good length upon the ground ; ’twas doubtless painted by the Life, and is intirely of a Modern Taste. And that nothing might be shocking, or disagreeable, the wounds are much hid, nor is his Body, or Garment stain’d with Blood, only some appears here, and there upon the ground just below the Drapery, as if it flow’d from some Wounds which That cover’d ;

Quotation

CHOSES
Qui ne s’apprennent point, & qui sont parties essentielles à la Peinture.
PREMIEREMENT pour ce qui est de la matiere, elle doit estre noble, qui n’ait receü aucune qualité de l’ouvrier. Et pour donner lieu au Peintre de montrer son esprit & son industrie, il faut la prendre capable de recevoir la plus excellente forme. Il faut commencer par la disposition, puis par l’ornement, le décore, la beauté, la grace, la vivacité, le costume, la vraysemblance, & le jugement par tout. Ces dernieres parties sont du Peintre, & ne se peuvent enseigner. C’est le rameau d’or de Virgile, que nul ne peut trouver ni cueïllir, s’il n’est conduit par le Destin. Ces neuf parties contiennent plusieurs choses dignes d’estre écrites par de bonnes & sçavantes mains.

Quotation

Je croy qu’il n’y a jamais eû de Peintre [ndr : Poussin] qui ait eû plus de lumieres naturelles, & qui ait plus travaillé que luy pour aquerir toutes les belles connoissances qui peuvent servir à perfectionner un Peintre. Aussi sçavoit-il toutes les parties qui doivent entrer necessairement dans la composition & dans l’ordonnance d’un Tableau ; celles qui sont inutiles, & qui peuvent causer de la confusion : de quelle sorte il faut faire paroistre avantageusement les principales figures ; ne rien donner aux autres qui les rendent trop considerables, soit par la majesté ou par la noblesse des actions, soit par la richesse des habits & des accomodemens, & faire en sorte que dans la representation d’une histoire, il n’y ait ni trop peu de figures ; qu’elles soient agreablement placées, sans que les unes nuisent aux autres, & que toutes expriment parfaitement l’action qu’elles doivent faire. C’est ce que l’on voit dans ces beaux Tableaux du frapement de roche, & dans les sept Sacremens, où toutes les parties concourent à la perfection de l’ordonnance & à la belle disposition des figures, comme les membres bien proportionnez servent à rendre un corps parfaitement beau.

Quotation

L’autre maxime du Poussin admirablement observée dans cet ouvrage [ndr : Éliezer et Rébecca], consiste dans la belle disposition des groupes qui le composent. Il faudroit que vous le vissiez pour mieux comprendre ce que je ne puis assez vous exprimer par des paroles. Je vous diray seulement que la raison qui oblige les Peintres à traiter les grands sujets de cette maniere, & a disposer leurs figures par groupes, est tirée de ce que nous voyons tous les jours devant nos yeux, & de ce qui se passe quand plusieurs personnes se trouvent ensemble. Car on peut remarquer, comme a fait Leonard de Vinci, que d’abord elles s’attroupent separément selon la conformité des âges, des conditions & des inclinations naturelles qu’elles ont les unes pour les autres, & qu’ainsi une grande compagnie se divise en plusieurs autres ; ce que les Peintres appellent groupes. De sorte que la nature en cela comme en toute autre chose, est leur maistresse qui leur enseigne à suivre cette méthode dans les grandes ordonnances, afin d’éviter l’embarras & la confusion. C’est un effet de l’habileté du Peintre de bien disposer ces groupes, de les varier tant par les attitudes & les actions des figures, que par les effets des lumieres & des ombres ; mais d’une maniere où le jugement agisse toujoûrs, pour ne pas outrer les actions, ni rendre son sujet desagréable par des ombres trop fortes & de grands éclats de lumieres donnez mal-à-propos.

Quotation

PRINCIPES
Que tout homme capable de raison peut apprendre
Il ne se donne point de visible sans lumiere.
Il ne se donne point de visible sans forme.
Il ne se donne point de visible sans couleur.
Il ne se donne point de visible sans distance.
Il ne se donne point de visible sans instrument.

Quotation

J’ay veu de ses Tableaux [ndr : de Nicolas Poussin], et voudrois bien sçavoir
Si pour la draperie il faut tout sans rien voir ;
Ou si le Manequin propre à tant de postures
Luy sert de prototype à drapper ses figures.
{16. Le Manequin inutile à draper les figures qui sont dans des postures agitées.}
[…]
Car bien qu’un manequin, sur les jointures roule
À la faveur des Vis qui serrent chaque boule :
Si nous voyons pourtant malgré tous leurs efforts
Que les gestes qu’il fait sont languissants et morts.

[…]
Et puis qu’un bon ouvrier le grand secret attrape,
Et les ruses de l’art, quand sa figure il drape,
S’il marque par les plis la rare nudité,
Esvitant du faux jour la fiere Crudité ;
N’est-on pas dans l’abus, alors qu’on se figure
De bien marquer le Nû, apres telle figure.

Quotation

The Habits are not those of the Age in which the Scene of the Fable is laid, These must have been Gothick, and Disagreeable, it being at the latter end of the 11th, or the beginning of the 12th Century [ndr : il s’agit ici du Tancrède et Herminie, réalisé par Poussin]. Erminia is clad in Blue, admirably folded, and in a great Style, something like that of Giulio, but more upon the Antique, or, Raffaelle ; one of her feet is seen which is very Gentile, and Artfully dispos’d ; her Sandal is very particular, for ‘tis a little rais’d under the Heel as our Children’s Shoes. Vafrino has a Helmet on with a large, bent Plate of Gold instead, and something with the turn of a Feather. We don’t remember any thing like it in the Antique ; There is no such thing in the Column of Trajan, nor that of Antonine (as ‘tis usually call’d tho’ ‘tis now known to be of M. Aurelius) nor (I believe) in the Works of Raffaelle, Guilio, or Polydore when they have imitated the Ancients, tho’ These, especially the two former have taken like Liberties, and departing from the Simplicity of their Great Masters have in these Instances given a little into the Gothick tast : This is probably Poussin’s own Invention, and has such an effect that I cannot imagine any thing else could possibly have been so well. The Figure is in Armour, not with Labells, but Scarlet Drapery where those usually are which also is Antique.

Quotation

The Composition is unexceptionable [ndr : dans Poussin, Tancrède et Herminie] : There are innumerable Instances of Beautiful Contrasts ; [...] You know (Sir) [ndr : ce passage est la retranscription d’une lettre de Richardson, père et fils, à un « gentleman at Rotterdam] the Drawing of Poussin who have several Admirable Pictures of his hand, This we believe is not Inferiour to any to be seen of him. But there is an Oversight, or two in the Perspective ; the Sword Erminia holds appears by the Pommel of it to incline with the point going off, but by the Blade it seems to be upright ; the other is not worth mentioning.
The Picture is highly finish’d, even in the parts the most inconsiderable, but in once, or two places there is a little heaviness of Hand ; The Drawing is firmly pronounc’d, and Sometimes, chiefly in the Faces, Hands and Feet ‘tis mark’d more than ordinary with the point of the Pencil.

Quotation

l’on témoigna du Regret de ce qu’un talent si accompli [ndr : Titien] n’étoit pas accompagné de ceux qui sont les plus considerables en la Peinture à sçavoir la correction du dessein & des proportions ; on representa qu’il se trouvoit beaucoup moins de Peintres posseder cette correction, que ceux qui ont un beaufaire en traitant les couleurs, parce qu’outre que ce dernier est plus facile, on se laisse naturellement charmer à ce bel éclat exterieur ; l’on avoüa bien que cette partie est très necessaire, mais l’on dit qu’il ne s’y falloit pas tant attacher qu’au principal ; que d’en faire toute son étude, c’étoit se laisser éblouïr par l’apparence d’un beau corps sans considérer ce qui le doit animer, que Monsieur Poussain si celebre en l’une & en l’autre de ces parties, ayant donné quelque temps à l’étude particuliere de la couleur en revint si fort, que depuis il disoit hautement, que cette application singuliere n’étoit qu’un obstacle, pour empêcher de parvenir au veritable but de la Peinture, & celui qui s’attache au principal ; acquiert en pratiquant une assez belle maniere de peindre.

Quotation

Wie nu het gezegde wel overweegd, moet met my toestaan, dat de deftigheid en welgemanierdheid twee uitneemende zaaken zyn, aan welke zo veel gelegen is, dat wanneer het in een schildery ontbreekt, men het zelve niet voor goed kan keuren: ja ik oordeel het de ziel van een konstig schildery te zyn. Het is met de schoone pronkzieraaden niet te doen, maar als een deftige en eedele ziel in een welgesteld lichchaam werkt, zyn alle die dingen [NDR : pronkzieraaden] onnut om de waare deftigheid uit te drukken; wanneer men met verstand, dan het zelve noch oppronkt, zo krygt het wel een grooter luyster, maar niet het wezen der zaak aangebragt, ook maakt zulks geen der hertstochten in de wezens. Rafaël, Poussyn, Dominiquin, noch Barotius, hebben daar niet van gehouden, en echter door hunne eenvoudigheid, de ongemeene deftigheid en grootsheid in hunne beelden vertoond.

Quotation

Depuis Rubens jusqu'à Coypel, le sujet du crucifiment a été traité plusieurs fois. Cependant ce dernier Peintre a rendu sa composition nouvelle. Son tableau représente le moment où la nature s'émut d'horreur à la mort de J. C. le moment où le Soleil s'éclipsa sans l'interposition de la lune, & où les morts sortirent de leurs sépulcres. Dans l'un des côtez du tableau l'on voit des hommes saisis d'une peur mêlée d'étonnement à l'aspect du désordre nouveau, où paroît le Ciel, sur lequel leurs regards sont attachez. Leur épouvante fait un contraste avec une crainte mêlée d'horreur, dont sont frappez d'autres spectateurs, au milieu desquels un mort sort tout-à-coup de son tombeau. Cette pensée très-convenable à la situation des personnages, et qui montre des accidens differens de la même passion, va jusques au sublime ; mais elle paroît si naturelle en même-tems, que chacun s'imagine qu'il l'auroit trouvée, s'il eût traité le même sujet. La Bible qui est celui de tous les livres qu'on lit le plus, ne nous apprend-elle pas que la nature s'émût d'horreur à la mort de Jesus-Christ, & que les morts sortirent de leurs tombeaux ? Comment, dirions-nous, a-t-on pû faire un seul tableau du crucifiment, sans y emploïer ces accidens terribles, & capables de produire un si grand effet ? Cependant le Poussin introduit dans son tableau du crucifiment un mort sortant du sepulchre, sans tirer de l'apparition de ce mort le trait de poësie, que Monsieur Coypel en a tiré. Mais c'est le caractere propre de ces inventions sublimes que le génie seul fait trouver, que de paroître tellement liées avec le sujet, qu'il semble qu'elles aïent dû être les premieres idées qui se soient présentées aux Artisans, qui ont traité ce sujet. On suë vainement, dit Horace, quand on veut trouver des inventions du même genre sans avoir un génie pareil à celui du Poëte, dont on veut imiter le naturel et la simplicité.

Quotation

Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 25-26
Die Griechen haben die Mahler-Kunst in fünff Theile getheilet/ und ob schon der berühmte Nicolaus Poussin/ selbige in neun/ der gelehrte Felibien in drey/ und die Französische
Academie in sechs Theile theilet/ so werde ich doch dessen ungeacht/ heute und nahero immerdar/ beym Examine eines Gemähldes/ der Griechischen Eintheilung mich bedienen :Dann ob gleich ich die Ordnung und Eintheilung der Französische Academie, was die Erlernung der Kunst betrifft/ vor unverbesserlich halte/ so muß sie doch bey Verfertigung  eines Kunst-Gemähldes (und folglich auch bey Examine desselben) der Griechischen Eintheilung weichen.
Die Ordnung und Namen der Griechischen Eintheilung aber seind. Erstlich
Inventio, Zweytens Proportio, Drittens Expressio, Vierdtens Colorit, und Fünfftens Perspectiv

Quotation

La mécanique de la Peinture est très-pénible, mais elle n'est pas rebutante pour ceux qui sont nez avec le génie de l'art. Ils sont soutenus contre le dégoût par l'attrait d'une profession à laquelle ils se sentent propres, & par le progrès sensible qu'ils font dans leurs études. Les Eleves trouvent encore partout des Maîtres qui leur abregent le chemin. Que ces Maîtres soient de grands hommes ou des ouvriers médiocres, il n'importe, l'Eleve qui aura du génie, profitera toujours de leurs enseignements. Il lui suffit que ces Maîtres lui puissent enseigner une pratique, qu'on ne sçauroit ignorer, quand on a professé cet art durant dix ou douze années. Un Eleve qui a du génie, apprend à bien faire, en voïant son Maître faire mal. La force du génie change en bonne nourriture les préceptes les plus mal digerez. Ce qu'un homme né avec du génie, fait de mieux, est ce que personne ne lui a montré à faire. […]

Quotation

Au lieu que les Artisans sans génie, qui sont aussi propres à être les Eleves du Poussin que du Titien, demeurent durant toute leur vie dans la route où le hazard les peut avoir engagez, les Artisans doüez de génie, s'apperçoivent, quand le hazard les égare, que la route qu'ils ont prise n'est point celle qui leur convient. Ils l'abandonnent pour en prendre une autre ; ils quittent celle de leur maître pour s'en faire une nouvelle. Par maître, j'entends ici les ouvrages aussi bien que les personnes.Raphaël, mort depuis deux cens ans, peut encore faire des Eleves. Notre jeune Artisan, doüé de génie, se forme donc lui-même une pratique pour imiter la nature, & il forme cette pratique des maximes résultantes de la réflexion qu'il fait sur son travail & sur le travail des autres. Chaque jour ajoûte ainsi de nouvelles lumieres à celles qu'il avoit acquises précedemment. […] Le génie est dans les hommes, ce qui vieillit le dernier. […] Plusieurs témoins oculaires m'ont raconté, que le Poussin avoit été jusques à la fin de sa vie un jeune Peintre du côté de l'imagination. Son mérite avoit survécu à la dextérité de sa main, & il inventoit encore, quand il n'avoit plus les talens nécessaires à l'exécution de ses inventions.

Quotation

[…] je considerois avec un soin tout particulier, comment il [ndr : Poussin] mesloit les couleurs ensemble pour donner cette diminution de teintes necessaire à arondir les corps, à faire paroistre les jours & les ombres, & à produire ces divers degrez d’éloignement qui font fuïr ou avancer toutes les parties d’un Tableau, ce qu’il a sceu executer avec tant d’art & de beauté.

Quotation

{Des Nudités}
Lors qu’il [ndr : Nicolas Poussin] fait des Vénus nos sens sont interdits :
Par le raport des yeux il charme nos esprits,
Une vertu secrette incontinent enflame
Le sang plus espuré qui sert de loge à l’ame.
Que si ses nudités causent l’émotion,
Il nous porte d’ailleurs à la devotion,

Et le mesme lien qu’il employe au martyre,
Nous esloignant du monde, au firmament nous tire.
{Des Tableaux de Devotion.}
S’il represente un Christ environné de Juifs,
Les secrets mouvemens d’une telle peinture
Portent dans nostre sein une saincte pointure 

Quotation

Le style Heroïque est une composition d’objets qui dans leur genre tirent de l’Art & de la Nature tout ce que l’un & l'autre peuvent produire de grand & d’extraordinaire. Les sites en sont tout agreables & tout surprenans : les fabriques n’y sont que temples, que pyramides, que sepultures antiques, qu’autels consacrés aux divinités, que maisons de plaisance d’une reguliere architecture ; & si la Nature n’y est pas exprimée comme le hazard nous la fait voir tous les jours, elle y est du moins representée comme on s’imagine qu’elle devroit être. Ce style est une agreable illusion, & une espece d’enchantement quand il part d’un beau genie & d’un bon esprit, comme étoit celui du Poussin : lui qui s’y est si bien exprimé. Mais ceux qui voudront suivre ce genre de Peinture, & qui n’auront pas le talent de soûtenir le sublime qu’il demande, courent souvent le risque de tomber dans le puerile.

Quotation

[…] L'enthousiasme qui fait les Peintres & les Poetes, ne consiste pas dans l'invention des mysteres allégoriques, mais bien dans le talent d'enrichir ses compositions par tous les ornemens que la vrai-semblance du sujet peut permettre, ainsi qu'à donner de la vie à tous ses personnages par l'expression des passions. Telle est la Poësie de Raphaël ; telle est la Poësie du Poussin, & de Le Sueur ; & telle fut souvent celle de Monsieur Le Brun & de Rubens. 

Quotation

Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 25-26
Die Griechen haben die Mahler-Kunst in fünff Theile getheilet/ und ob schon der berühmte Nicolaus Poussin/ selbige in neun/ der gelehrte Felibien in drey/ und die Französische
Academie in sechs Theile theilet/ so werde ich doch dessen ungeacht/ heute und nahero immerdar/ beym Examine eines Gemähldes/ der Griechischen Eintheilung mich bedienen :Dann ob gleich ich die Ordnung und Eintheilung der Französische Academie, was die Erlernung der Kunst betrifft/ vor unverbesserlich halte/ so muß sie doch bey Verfertigung  eines Kunst-Gemähldes (und folglich auch bey Examine desselben) der Griechischen Eintheilung weichen.
Die Ordnung und Namen der Griechischen Eintheilung aber seind. Erstlich
Inventio, Zweytens Proportio, Drittens Expressio, Vierdtens Colorit, und Fünfftens Perspectiv

Quotation

Het is myn vast gevoelen dat de Oeffening der plooijen niet volkomen geleerd kan worden, zonder de Leeman te gebruiken; Want wat baat het dat men zich uitmergeld met kleêren uit de Geest te Teikenen als wy ’t leeven voor ons kunnen hebben, zonder welke het onmogelyk is de natuur der Stoffe te doorgronden: daar zich, in tegendeel, veele niet anders oeffenen dan naar de Statuaas en fraaiste printen der beroemste meesters, welke hier in uitgemunt hebben: als Raphaël, Barotius, Guido, Albaan, Pousyn &c; denkende uit dezelfde reeds een gebaande weg te hebben gevonden, om tot genoegzame volkomentheid te geraken, en hun oogmerk te bereiken. Daar men nochtans weet, dat Raphaël voornaamentlyk, die gelegentheid niet gehad hebbende, echter in zyn tyd, de fraayste dingen voor den dag gekomen zyn. Nu zoude men mogen vragen, waarom eenige andere vermaarde Meesters, als Titiaan, Tintoret, Paulo Veronees, Julio Romano, Michel Angelo, Dominiquin, Bassan &c, zo goed daar in niet geoordeeld werden? de reeden is deeze, dat Raphaël het leeven gebruikt heeft, wel te verstaan een Leeman, waar door hy de natuur en eigenschap der Stoffe grondig heeft leeren onderzoeken: alhoewel men hem nogtans zou kunnen beschuldigen dat hy zyn beelden de meesten tyd met eenderly Stoffe kleeden, in voorvallen, daar de verandering genoegzaam verschillende kon geweest hebben. Evenwel moet men bekennen dat ‘er voor, noch naderhand, geen zo ervaren en Konstryk in dezelve geweest is, dan een alleen, te weten Nikolas Poussyn; echter is dit geen wonder; dewyl hy het Natuurlyke leeven onderzocht en gebruikten gelyk hem bewust was dat Raphaël gedaan had, en niet gelyk anderen die alleen zyn werk navolgden: daarom zyn zy ook slegter geweest, hebben minder kennis gehad, en meenigmaal niet van de natuur der stoffe of plooijen geweeten.

Quotation

CHOSES
Qui ne s’apprennent point, & qui sont parties essentielles à la Peinture.
PREMIEREMENT pour ce qui est de la matiere, elle doit estre noble, qui n’ait receü aucune qualité de l’ouvrier. Et pour donner lieu au Peintre de montrer son esprit & son industrie, il faut la prendre capable de recevoir la plus excellente forme. Il faut commencer par la disposition, puis par l’ornement, le décore, la beauté, la grace, la vivacité, le costume, la vraysemblance, & le jugement par tout. Ces dernieres parties sont du Peintre, & ne se peuvent enseigner. C’est le rameau d’or de Virgile, que nul ne peut trouver ni cueïllir, s’il n’est conduit par le Destin. Ces neuf parties contiennent plusieurs choses dignes d’estre écrites par de bonnes & sçavantes mains.

Quotation

Vous pouvez remarquer, repartis-je, qu’il [ndr : Poussin] ne dit rien des choses qui regardent la pratique, & qu’il ne s’attache qu’à la theorie, ou plûtost à ce qui dépend seulement du génie & de la force de l’esprit : ce qu’il faut particulierement considerer dans le Poussin, qui par là s’est si fort élevé au dessus des autres Peintres.

Quotation

Toutes ces observations, […] furent jugées tres dignes d’être établies en forme de Preceptes certains & octorisez, mais on conclu neanmoins qu’il n’étoit pas possible de prescrire des regles sur la forme des Ordonnances, parce que chacun y doit agir selon la disposition & la force de son genie, & dans toute la liberté de ses propres conceptions & de son esprit, que cette partie depandoit donc d’un talent surnaturel, & que le conseil qu’on pouvoit donner aux Etudians se reduisoit à ces trois chefs, à sçavoir premierement de bien étudier les Histoires dans les meilleurs Auteurs, afin d’en bien comprendre l’idée principale & les circonstances essentielles : Secondement de menager discretement le Contraste en toutes les parties de son Dessein, pour en former comme un agreable harmonie à la vûe, & enfin s’attacher aux beaux exemples des plus excellens Ouvrages afin de se remplir l’esprit des belles idées pour s’en servir dans la construction des Ordonnances.

Quotation

[...] en la Peinture l'on doit comprendre tout d'un coup l'idée du sujet, qu'ainsi un Peintre se doit restreindre à ces trois unités, à sçavoir ce qui arrive en un seul tems ; ce que la vüë peut découvrir d'une seule oeillade ; & ce qui se peut representer dans l'espace d'un Tableau, où l'idée de l'expression se doit rassembler à l'endroit du Heros du sujet comme la Perspective assujettit tout à un seul point ; que le devoir du Peintre est de s'étudier soigneusement à rechercher tout ce qui est essentiel au sujet, & bien examiner ce que les bons Autheurs en ont écrit, & ce qui peu mieux faire paroître le Heros, afin d'en bien exprimer l'image & l'idée, & par ce moyen éviter le défaut que l'on voyoit en beaucoup de Tableaux, méprisés à cet égard, quoi que d'ailleurs très-beaux, comme par exemple en un Tableau du Bassant, où est representé le retour de l'Enfant prodigue en la maison de son Pere, dont les figures principales du sujet sont fort petites, éloignées dans le derriere du Tableau, [...].

Quotation

On peut encore remarquer l'observation de cette maxime de Mr. le Poussain dans un Tableau du Miracle de Nôtre-Seigneur, en guerissant deux aveugles [ndr : Les Aveugles de Jéricho ou Le Christ guérissant les aveugles], où tout ce qui accompagne cette expression est grand, majestueux, & serieux, tant dans les actions que dans les habillemens des figures, les couleurs & la disposition du Paysage ; [...] mais pour ne rien obmettre de ce qui étoit essentiel au sujet, il avoit exprimé dans le petit nombre de figures qui accompagnent Nôtre-Seigneur tous les mouvemens & les passions qui pouvoient convenir en cette rencontre, l'incredulité & l'indifference des Juifs, la curiosité, la derision, & la mocquerie des Pharisiens, la foi, l'admiration & le zele des Disciples, le respect, la devotion & le grand desir des affligés. [...] d'où l'on conclut qu'un Peintre peut bien accompagner l'expression de son sujet de quelques figures allegoriques pour marquer & citer le lieu, où il se rencontre, mais comme par des statuës qui n'ont nulle part aux mouvements des figures qui expriment le sujet, que n'ayant que cette sorte de langage pour exprimer ses belles conceptions, il ne seroit pas juste de lui en ôter la liberté, c'est ce qui a fait dire que la Peinture est une Poesie muette, & la Rhetorique des Peintres.

Quotation

Par la vivacité dont il [ndr : Poussin] parle, il entend cette vie & cette forte expression qu’il a si bien sceû donner à ses figures, quand il a voulu representer les divers mouvemens du corps, & les differentes passions de l’ame. Il faudroit trop de temps pour parcourir les principaux ouvrages où il a fait voir son grand sçavoir dans cette partie. Trouve-t-on ailleurs des expressions de douleur, de tristesse, de joye & d’admiration plus belles, plus fortes & plus naturelles que celles qui se voyent dans ce merveilleux Tableau de Saint François Xavier qui est au Noviciat des Jésuites ? Dans les deux Tableaux du frapement de roche combien de differentes actions noblement representées! On peut encore dans ces mesmes tableaux remarquer ce qu’il dit du costume, c’est à dire, ce qui regarde la convenance dans toutes les choses qui doivent accompagner une histoire. C’est en quoy l’on peut dire qu’il a surpassé tous les autres Peintres, & qu’il s’est distingué d’une maniere qui est d’autant plus considerable, que dans le temps qu’elle fait voir la science de l’ouvrier, elle divertit par la nouveauté, & enseigne une infinité de choses qui satisfont l’esprit, & plaisent à la veûë.

Quotation

Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

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[…] L'enthousiasme qui fait les Peintres & les Poetes, ne consiste pas dans l'invention des mysteres allégoriques, mais bien dans le talent d'enrichir ses compositions par tous les ornemens que la vrai-semblance du sujet peut permettre, ainsi qu'à donner de la vie à tous ses personnages par l'expression des passions. Telle est la Poësie de Raphaël ; telle est la Poësie du Poussin, & de Le Sueur ; & telle fut souvent celle de Monsieur Le Brun & de Rubens. 

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Les Fabriques en géneral sont d’un grand ornement dans le Païsage, quand même elles seroient gothiques, ou qu’elles paroîtroient inhabitées & à moitié ruinées : elles élevent la pensée par l’usage auquel on s’imagine qu’elles ont été destinées […]
Le Poussin a peint dans ses ouvrages des fabriques Romaines d’une grande élegance, & Bourdon des fabriques gothiques qui toutes gothiques qu’elles sont, ne laissent pas de jetter un air sublime dans ses Païsages. Le petit Bernard en a inventé dans son Histoire sainte d’un goût Babylonien […]

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Entre les Tableaux qu’il [ndr : Poussin] avoit déjà envoyé à Paris, il y avoit quatre Baccanales pour le Cardinal de Richelieu, un Triomphe de Neptune qui paroist dans son char tiré par quatre chevaux marins, & accompagné d’une fuite de Tritons & de Néréides. Ces sujets travaillez poëtiquement avec ce beau feu & cet art admirable qu’on peut dire si conforme à l’esprit des Poëtes, des Peintres, & des Sculpteurs anciens, & tant d’autres ouvrages de luy répandus quasi par toute l’Europe, rendoient célèbre de nom du Poussin.

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D’autres [ndr : Peintres] encore, qui ont eû des considérations plus raisonnables, ont connu qu’ils réussissoient mieux dans les grandes choses que dans les petites, comme il est ordinaire à ceux qui ont beaucoup de feu & de facilité à executer leurs pensées. Telles estoient les qualitez de Pierre de Cortone. Quand il travailloit à de grands Tableaux, la vivacité de son esprit, & une émotion violente qui animoit sa main, & qui luy estoit comme naturelle, l’échaufoit, & l’emportoit hors de luy-mesme : ce qui faisoit que ses productions estoient pleines de chaleur & de vehemence ; au lieu que quand recueïlli dans son cabinet il prenoit le pinceau pour travailler avec plus de repos, cette émotion qui comme un vent impetueux l’agitoit dans les grand lieux, se trouvant plus resserré, affoiblissait le feu de son imagination, & ses pensées demeurant sans vigueur, devenoient laguissantes.
Il n’en est pas de mesme de ceux qui se sont étudiez à travailler avec tranquillité d’une maniere plus correcte & plus arrestée : leur jugement les accompagne toûjours ; ils agissent en toutes choses avec les mesmes lumieres, & par ce moyen conservent une force égale & un semblable caractere, soit qu’ils travaillent à de grands Tableaux, soit qu’ils en peignent de plus petits, soit mesme qu’ils ne fassent que de simples desseins.
Comme l’esprit ne peut estre continuellement dans un mesme degré de chaleur, lors que cette chaleur vient à diminuer, il faut que la force, & si j’ose le dire, toute la flamme d’un Peintre s’éteigne. De sorte que c’est seulement dans les grandes productions du Cortone qu’on découvre la beauté de son imagination ; comme au contraire on apperçoit également dans tous les Tableaux du Poussin cette force d’esprit, cette science solide, & ce profond raisonnement qui l’ont rendu superieur à tant d’autres.

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[…] & après avoir reconnu combien il estoit judicieux dans le choix de sa matiere, & habile à en bien relever le prix, voyons comment il a disposé ses sujets, puis que selon ses propres maximes, c’est par où le Peintre doit commencer son travail.
Je ne feindray point de vous dire ce que je pense sur cela du Poussin.
Je croy qu’il n’y a jamais eû de Peintre [ndr : Poussin] qui ait eû plus de lumieres naturelles, & qui ait plus travaillé que luy pour aquerir toutes les belles connoissances qui peuvent servir à perfectionner un Peintre. Aussi sçavoit-il toutes les parties qui doivent entrer necessairement dans la composition & dans l’ordonnance d’un Tableau ; celles qui sont inutiles, & qui peuvent causer de la confusion : de quelle sorte il faut faire paroistre avantageusement les principales figures ; ne rien donner aux autres qui les rendent trop considerables, soit par la majesté ou par la noblesse des actions, soit par la richesse des habits & des accomodemens, & faire en sorte que dans la representation d’une histoire, il n’y ait ni trop peu de figures ; qu’elles soient agreablement placées, sans que les unes nuisent aux autres, & que toutes expriment parfaitement l’action qu’elles doivent faire. C’est ce que l’on voit dans ces beaux Tableaux du frapement de roche, & dans les sept Sacremens, où toutes les parties concourent à la perfection de l’ordonnance & à la belle disposition des figures, comme les membres bien proportionnez servent à rendre un corps parfaitement beau.

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L’autre maxime du Poussin admirablement observée dans cet ouvrage [ndr : Éliezer et Rébecca], consiste dans la belle disposition des groupes qui le composent. Il faudroit que vous le vissiez pour mieux comprendre ce que je ne puis assez vous exprimer par des paroles. Je vous diray seulement que la raison qui oblige les Peintres à traiter les grands sujets de cette maniere, & a disposer leurs figures par groupes, est tirée de ce que nous voyons tous les jours devant nos yeux, & de ce qui se passe quand plusieurs personnes se trouvent ensemble. Car on peut remarquer, comme a fait Leonard de Vinci, que d’abord elles s’attroupent separément selon la conformité des âges, des conditions & des inclinations naturelles qu’elles ont les unes pour les autres, & qu’ainsi une grande compagnie se divise en plusieurs autres ; ce que les Peintres appellent groupes. De sorte que la nature en cela comme en toute autre chose, est leur maistresse qui leur enseigne à suivre cette méthode dans les grandes ordonnances, afin d’éviter l’embarras & la confusion. C’est un effet de l’habileté du Peintre de bien disposer ces groupes, de les varier tant par les attitudes & les actions des figures, que par les effets des lumieres & des ombres ; mais d’une maniere où le jugement agisse toujoûrs, pour ne pas outrer les actions, ni rendre son sujet desagréable par des ombres trop fortes & de grands éclats de lumieres donnez mal-à-propos.

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[...] & la verité est que dans la plûpart des Païsages, les figures sont plutôt faites pour les accompagner, que pour leur convenir.
Je sai qu’il y a des Païsages dont les sites & les dispositions ne demandent que de simples figures passageres, & que plusieurs bons maîtres ont introduites dans leurs Tableaux chacun dans son style, comme a fait Poussin dans son Heroïque, & Fouquier dans son Champêtre avec toute la vraisemblance & la grace possible. Je sai aussi qu’il y a des figures de repos qui paroissent interieurement occupées ; & l’on ne peut trouver à redire à ces deux façons de traiter les figures, parce qu’elles agissent également quoique differemment. L’inaction est plutôt ce que l’on pourroit blâmer dans les figures : car par cet état qui leur ôte toute liaison avec le Païsage, elles y paroîtroient toujours postiches, mais sans vouloir ôter là-dessus la liberté du Peintre ; je suis persuadé que le meilleur moyen de faire valoir les figures, est de les accorder tellement au caractere du Païsage, qu’il semble que le Païsage n’ait été fait que pour les figures. Je voudrois […] qu’elles representassent quelque petit sujet pour reveiller l’attention du spectateur, ou du moins pour donner un nom au Tableau, & le distinguer d’entre les autres parmi les curieux.

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The Habits are not those of the Age in which the Scene of the Fable is laid, These must have been Gothick, and Disagreeable, it being at the latter end of the 11th, or the beginning of the 12th Century [ndr : il s’agit ici du Tancrède et Herminie, réalisé par Poussin]. Erminia is clad in Blue, admirably folded, and in a great Style, something like that of Giulio, but more upon the Antique, or, Raffaelle ;

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Quand au troisiéme Tableau [ndr : Nicolas Poussin, Les Israélites recueillant la manne dans le désert], l’on fit remarquer que cette partie de l’Ordonnance comprenoit trois choses : 1. La conception du lieu : 2. La disposition des figures : 3. Le plan perspectif. Dans la premiere l’on considera, que le Poussain y avoit formé de grandes terraces pour servir de fond aux figures de devant & pousser le lointain, des Rochers grands & terribles qui donne l’idée d’un affreux desert, […] ; que quand à la disposition des figures, divers groupes détachez les uns des autres composoient de grandes parties si distinctes, que la vûe s’y peut promener sans peine, & pourtant si bien liés l’un à l’autre qu’ils s’unissent pour faire un beau tout ensemble.

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PRINCIPES
Que tout homme capable de raison peut apprendre
Il ne se donne point de visible sans lumiere.
Il ne se donne point de visible sans forme.
Il ne se donne point de visible sans couleur.
Il ne se donne point de visible sans distance.
Il ne se donne point de visible sans instrument.

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CHOSES
Qui ne s’apprennent point, & qui sont parties essentielles à la Peinture.
PREMIEREMENT pour ce qui est de la matiere, elle doit estre noble, qui n’ait receü aucune qualité de l’ouvrier. Et pour donner lieu au Peintre de montrer son esprit & son industrie, il faut la prendre capable de recevoir la plus excellente forme. Il faut commencer par la disposition, puis par l’ornement, le décore, la beauté, la grace, la vivacité, le costume, la vraysemblance, & le jugement par tout. Ces dernieres parties sont du Peintre, & ne se peuvent enseigner. C’est le rameau d’or de Virgile, que nul ne peut trouver ni cueïllir, s’il n’est conduit par le Destin. Ces neuf parties contiennent plusieurs choses dignes d’estre écrites par de bonnes & sçavantes mains.

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[...] Comme de bien placer sur lesdits Corps, & avec raison, la place du Jour, des Ombres, & Ombrages, ensemble celle de Touches, Teintes ou Couleurs, selon leur degré de force ou d’affoiblissement, qui est ce que j’ay ouy nommer à ce grand Peintre dit, N. Poussin, La Perspective Aerienne, ou de L’air. 
A cette occasion diverses personnes ont dit, & d’autres écrit, qu’il estoit impossible de donner une regle dudit affoiblissement & fortifiement autre que par le moyen de la veuë ; Il en est bien quelque chose, Mais je nie absolument qu’on aye jamais trouvé que la seule veuë aye determiné une telle Couleur, devoir estre moins forte de tant ou de tant à l’égard d’une autre plus ou moins éloignées de la baze ou bas du Tableau, ou selon la distance dudit œil à iceluy.

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T: […] Maar zeg eens wat is Konst, en waar in bestaat uw oeffening?
S: Alles dat my voor komt te Schilderen, wat vraagen is dat?
T: Uyt de Geest ook?
S: Wat uyt de geest, wisje wasje, neen het Leeven, de Naarbootsinge der algemeene Natuur is myn Studie.
T: Hebt gy wel naar Playster leeren Teekenen?
S: Drie jaar heb ik geteekend, maar ‘k weet van geen playster, heb ook by myn patroon niets daar van gezien, maar na fraaje printen van Blommert, Berchem, Breugel, Rubens, en andere braave Konstenaars.
T: Naar Raphael, Karats, en Pousyn ook?
S: ‘k Geloof van ja, ik heb’er zoo naauw niet opgelet. Maar wel na Teekeningen van myn Meester.
T: Hebt gy meede op ’t Kollegie naar het Naakt Model geteekent?
S: Neen.
T: Wat meent gy dan met het Leeven te Schilderen?
S: Na Leevendige menschen, Man, Vrou, Kind, Schaapen, Ossen, Koeyen, Stoelen, Kassen; ja alles dat te pas komt.

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Vous pouvez remarquer, repartis-je, qu’il [ndr : Poussin] ne dit rien des choses qui regardent la pratique, & qu’il ne s’attache qu’à la theorie, ou plûtost à ce qui dépend seulement du génie & de la force de l’esprit : ce qu’il faut particulierement considerer dans le Poussin, qui par là s’est si fort élevé au dessus des autres Peintres.

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Commençons, si vous voulez, par ce qu’il [ndr : Poussin] dit, Que la matiere doit estre prise noble ; qu’elle n’ait receü aucune qualité de l’ouvrier ; & que pour donner lieu au Peintre de montrer son esprit & son industrie, il faut la prendre capable de recevoir la plus excellente forme.
Il n’est pas necessaire de vous marquer qu’il parle d’abord du choix des sujets.
Il [ndr : Poussin] veut qu’ils soient nobles, c’est à dire, qu’ils ne traittent que de choses grandes, & non pas de simples representations de personnes, ou d’actions ordinaires & basses. Car bien que l’art de peindre s’étende à imiter tout ce qui est visible, comme il le dit luy-mesme ; il fait néanmoins consister l’excellence de cét art, & le grand sçavoir d’un Peintre dans le beau choix des actions héroïques & extraordinaires. Il veut que lors qu’il vient à mettre la main à l’œuvre, il le fasse d’une maniere qui n’ait point encore esté exécutée par un autre, afin que son ouvrage paroisse comme une chose unique & nouvelle, & que si l’on connoist la grandeur de ses idées, & la beauté de son genie dans la forme extraordinaire qu’il luy donnera, on remarque aussi la netteté & la force de son jugement dans le sujet qu’il aura choisi. C’est par cette haute idée que le Poussin avoit des choses grandes & relevées, qu’il ne pouvoit souffrir les sujets bas, & les peintures qui ne representent que des actions communes ; & qu’il avoit mesme du mépris pour ceux qui ne sçavent que copier simplement la nature telle qu’ils la voyent.

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La mécanique de la Peinture est très-pénible, mais elle n'est pas rebutante pour ceux qui sont nez avec le génie de l'art. Ils sont soutenus contre le dégoût par l'attrait d'une profession à laquelle ils se sentent propres, & par le progrès sensible qu'ils font dans leurs études. Les Eleves trouvent encore partout des Maîtres qui leur abregent le chemin. Que ces Maîtres soient de grands hommes ou des ouvriers médiocres, il n'importe, l'Eleve qui aura du génie, profitera toujours de leurs enseignements. Il lui suffit que ces Maîtres lui puissent enseigner une pratique, qu'on ne sçauroit ignorer, quand on a professé cet art durant dix ou douze années. Un Eleve qui a du génie, apprend à bien faire, en voïant son Maître faire mal. La force du génie change en bonne nourriture les préceptes les plus mal digerez. Ce qu'un homme né avec du génie, fait de mieux, est ce que personne ne lui a montré à faire. […]

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Tout devient palettes & pinceaux entre les mains d'un enfant doüé du génie de la Peinture. Ils fait connoître aux autres pour ce qu'il est, quand lui-même ne le sçait pas encore. Les Annalistes de la Peinture rapportent une infinité de faits qui confirment ce que j'avance. La plûpart des grands Peintres ne sont pas nez dans les atteliers. Très-peu sont des fils de Peintres, qui, suivant l'usage ordinaire, auroient été élevez dans la profession de leurs peres. Parmi les Artisans illustres qui font tant d'honneur aux deux derniers siècles, le seul Raphaël, autant qu'il m'en souvient, fut le fils d'un Peintre. Le pere du Georgeon & celui du Titien, ne manierent jamais ni pinceaux ni cizeaux, Leonard De Vinci, & Paul Veronése, n'eurent point de Peintres pour peres. Les parens de Michel-Ange vivoient, comme on dit, noblement, c'est-à-dire, sans exercer aucune profession lucrative. André Del Sarte étoit fils d'un Tailleur, & Le Tintoret d'un Tinturier. Le pere des Caraches, n'étoit pas d'une profession où l'on manie le craïon. Michel-Ange De Caravage étoit fils d'un Masson, & Le Correge fils d'un Laboureur. Le Guide étoit fils d'un Musicien, Le Dominiquin d'un Cordonnier, & L'Albane d'un Marchand de Soïe. Lanfranc étoit un enfant trouvé, à qui son génie enseigna la peinture, à peu près comme le génie de M Pascal lui enseigna les Mathématiques. Le pere de Rubens, qui étoit dans la Magistrature d'Anvers, n'avoit ni attelier ni boutique dans sa maison. Le pere de Vandick n'étoit ni Peintre ni Sculpteur. Du Fresnoy, dont nous avons un poëme sur la Peinture, qui a mérité d'être traduit & commenté par M. De Piles, & dont nous avons aussi des tableaux au-dessus du médiocre, avoit étudié pour être Médecin. Les peres des quatre meilleurs Peintres François du dernier siècle, Le Valentin, Le Sueur, Le Poussin & Le Brun, n'étoient pas des peintres. C'est le génie de ces grands hommes qui les a été chercher, pour ainsi dire, dans la maison de leurs parens, afin de les conduire sur le Parnasse. Les Peintres montent sur le Parnasse, aussi-bien que les Poëtes.

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Comme les Peintres parlent tous, pour ainsi dire, la même langue, ils ne peuvent pas emploïer les traits célebres, dont un autre Peintre s'est déjà servi, lorsque les ouvrages de ce Peintre subsistent encore. Le Poussin a pû se servir de l'idée du Peintre Grec qui avoit présenté Agamemnon la tête voilée au sacrifice d'Iphigénie, pour mieux donner à comprendre à l'excès de la douleur du pere de la victime. Le Poussin a pû se servir de ce trait pour exprimer la même chose, en réprésentant Agrippine qui se cache le visage avec les mains dans le tableau de la mort de Germanicus. Le tableau du Peintre grec ne subsistoit plus, quand le peintre François fit le sien. Mais le Poussin auroit été blâmé d'avoir volé ce trait, s'il se fût trouvé dans un tableau, ou de Raphaël, ou de Carrache.
Comme il n'y a point de mérite à dérober une tête à Raphaël ou une figure au Dominiquin ; comme le larcin se fait sans grand travail, il est défendu sous peine du mépris public. Mais comme il faut du talent et du travail pour animer le marbre d'une figure antique, & pour faire d'une statue un personnage vivant, & qui concourre à une action avec d'autres personnages, on est loué de l'avoir fait. […] 
Il y a bien de la difference entre emporter d'une gallerie l'art du peintre, entre se rendre propre la maniere d'operer de l'Artisan qu'on vient d'admirer, & remporter dans son portefeüille une partie de ses figures. Un homme sans génie n'est point capable de convertir en sa propre substance, comme le fit Raphaël, ce qu'on y remarque de grand & de singulier. Sans saisir les principes géneraux, il se contente de copier ce qu'il a dessous les yeux. Il emportera donc une des figures, mais il n'apprendra point à traiter dans le même goût une figure qui seroit de son invention. L'homme de génie devine comment l'ouvrier a fait. Il le voit travailler, pour ainsi dire, en regardant son ouvrage & saisissant sa maniere, c'est dans l'imagination qu'il remporte son butin.
 

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Au lieu que les Artisans sans génie, qui sont aussi propres à être les Eleves du Poussin que du Titien, demeurent durant toute leur vie dans la route où le hazard les peut avoir engagez, les Artisans doüez de génie, s'apperçoivent, quand le hazard les égare, que la route qu'ils ont prise n'est point celle qui leur convient. Ils l'abandonnent pour en prendre une autre ; ils quittent celle de leur maître pour s'en faire une nouvelle. Par maître, j'entends ici les ouvrages aussi bien que les personnes.Raphaël, mort depuis deux cens ans, peut encore faire des Eleves. Notre jeune Artisan, doüé de génie, se forme donc lui-même une pratique pour imiter la nature, & il forme cette pratique des maximes résultantes de la réflexion qu'il fait sur son travail & sur le travail des autres. Chaque jour ajoûte ainsi de nouvelles lumieres à celles qu'il avoit acquises précedemment. […] Le génie est dans les hommes, ce qui vieillit le dernier. […] Plusieurs témoins oculaires m'ont raconté, que le Poussin avoit été jusques à la fin de sa vie un jeune Peintre du côté de l'imagination. Son mérite avoit survécu à la dextérité de sa main, & il inventoit encore, quand il n'avoit plus les talens nécessaires à l'exécution de ses inventions.

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Depuis Rubens jusqu'à Coypel, le sujet du crucifiment a été traité plusieurs fois. Cependant ce dernier Peintre a rendu sa composition nouvelle. Son tableau représente le moment où la nature s'émut d'horreur à la mort de J. C. le moment où le Soleil s'éclipsa sans l'interposition de la lune, & où les morts sortirent de leurs sépulcres. Dans l'un des côtez du tableau l'on voit des hommes saisis d'une peur mêlée d'étonnement à l'aspect du désordre nouveau, où paroît le Ciel, sur lequel leurs regards sont attachez. Leur épouvante fait un contraste avec une crainte mêlée d'horreur, dont sont frappez d'autres spectateurs, au milieu desquels un mort sort tout-à-coup de son tombeau. Cette pensée très-convenable à la situation des personnages, et qui montre des accidens differens de la même passion, va jusques au sublime ; mais elle paroît si naturelle en même-tems, que chacun s'imagine qu'il l'auroit trouvée, s'il eût traité le même sujet. La Bible qui est celui de tous les livres qu'on lit le plus, ne nous apprend-elle pas que la nature s'émût d'horreur à la mort de Jesus-Christ, & que les morts sortirent de leurs tombeaux ? Comment, dirions-nous, a-t-on pû faire un seul tableau du crucifiment, sans y emploïer ces accidens terribles, & capables de produire un si grand effet ? Cependant le Poussin introduit dans son tableau du crucifiment un mort sortant du sepulchre, sans tirer de l'apparition de ce mort le trait de poësie, que Monsieur Coypel en a tiré. Mais c'est le caractere propre de ces inventions sublimes que le génie seul fait trouver, que de paroître tellement liées avec le sujet, qu'il semble qu'elles aïent dû être les premieres idées qui se soient présentées aux Artisans, qui ont traité ce sujet. On suë vainement, dit Horace, quand on veut trouver des inventions du même genre sans avoir un génie pareil à celui du Poëte, dont on veut imiter le naturel et la simplicité.

Quotation

Le style Heroïque est une composition d’objets qui dans leur genre tirent de l’Art & de la Nature tout ce que l’un & l'autre peuvent produire de grand & d’extraordinaire. Les sites en sont tout agreables & tout surprenans : les fabriques n’y sont que temples, que pyramides, que sepultures antiques, qu’autels consacrés aux divinités, que maisons de plaisance d’une reguliere architecture ; & si la Nature n’y est pas exprimée comme le hazard nous la fait voir tous les jours, elle y est du moins representée comme on s’imagine qu’elle devroit être. Ce style est une agreable illusion, & une espece d’enchantement quand il part d’un beau genie & d’un bon esprit, comme étoit celui du Poussin : lui qui s’y est si bien exprimé. Mais ceux qui voudront suivre ce genre de Peinture, & qui n’auront pas le talent de soûtenir le sublime qu’il demande, courent souvent le risque de tomber dans le puerile.

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LE PEINTRE.
Je ne croy pas, Monsieur, les [ndr : « les » renvoie aux « œuvres de feu Monsieur le Poussin », cf. la question posée par Ariste au peintre] pouvoir assez estimer, à moins d’avoir les mesmes lumieres que luy, mais autant que Dieu m’en a départy, je diray n’avoir jamais veu de Peintre si également universel & corect, ny qui eust un si grand & bon Goust que luy ; & de plus, le don de mieux exprimer l’air, les actions, & passions de ses figures ; ny enfin qui s’écartast plus du Goust moderne, & qui suivit mieux l’histoire tant sacrée que profane.

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[...] l’un François nommé N. Poussin de present à Rome, & l’autre Italien dit P. Bertin de Cortonne, ou Cortonneze, qui sans contredit & sans faire tort à aucuns, tiennent à present le plus haut degré d’excellence en cét Art, quoy que differents en Gousts ou maniere ; l’un, sur ceux qui sont touchez du Goust du bel Antique & du Raphaël ; L’autre, sur une bonne partie des autres Gousts ou manieres. 

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Quand il [ndr : Poussin] envoya à M. de Chantelou ce Tableau de la Vierge dont je viens de parler, il voulut luy-mesme prévenir le jugement que l’on en feroit, & témoigner qu’il sçavoit bien qu’on n’y trouveroit pas tous les charmes du coloris & du pinceau. C’est pourquoy il écrivit à M. de Chantelou, de luy en mander librement son avis. Mais qu’il le prioit de considerer que tous les talens de la peinture ne sont pas donnez à un seul homme : qu’ainsi il ne faut point chercher dans son ouvrage ceux qu’il n’a pas receüs. Qu’il sçait bien que toutes les personnes qui le verront ne seront pas d’un mesme sentiment, parce que les goust des amateurs de la peinture ne sont pas moins differents que ceux des Peintres ; & cette difference de gousts est la cause de la diversité qui se trouve dans les travaux des uns & dans les jugemens des autres.

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Quand il [ndr : Poussin] envoya à M. de Chantelou ce Tableau de la Vierge dont je viens de parler, il voulut luy-mesme prévenir le jugement que l’on en feroit, & témoigner qu’il sçavoit bien qu’on n’y trouveroit pas tous les charmes du coloris & du pinceau. C’est pourquoy il écrivit à M. de Chantelou, de luy en mander librement son avis. Mais qu’il le prioit de considerer que tous les talens de la peinture ne sont pas donnez à un seul homme : qu’ainsi il ne faut point chercher dans son ouvrage ceux qu’il n’a pas receüs. Qu’il sçait bien que toutes les personnes qui le verront ne seront pas d’un mesme sentiment, parce que les goust des amateurs de la peinture ne sont pas moins differents que ceux des Peintres ; & cette difference de gousts est la cause de la diversité qui se trouve dans les travaux des uns & dans les jugemens des autres.

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Mais les hommes croïent naturellement que leur goût est le bon goût, & par consequent ils pensent que les personnes qui ne jugent pas comme eux, ont les organes imparfaits, ou qu'elles se laissent conduire à des prejugez qui les gouvernent, sans qu'elles-mêmes s'apperçoivent du pouvoir de la prévention.
Qu'on change les organes de ceux à qui l'on voudroit faire changer de sentiment sur les choses qui sont purement de goût, ou pour mieux dire, que chacun demeure dans son opinion, sans blâmer l'opinion de l'autre. Vouloir persuader à un homme qui préfère le coloris à l'expression, en suivant son propre sentiment, qu'il a tort, c'est lui vouloir persuader de prendre plus de plaisir à voir les tableaux du Poussin, que ceux du Titien.

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The Goût is a mixture of Poussin’s usual Manner [ndr : il s’agit ici du Tancrède et Herminie, réalisé par Poussin], and (what is very rare) a great deal of Guilio, particulary in the Head, and Attitude of the Lady, and both the Horses ; Tancred is naked to the Wast having been stripp’d by Erminia and his ’Squire to search for his Wounds, he has a piece of loose Drapery which is Yellow, bearing upon the Red in the Middle Tincts, and Shadows, this is thrown over his Belly, and Thighs, and lyes a good length upon the ground ; ’twas doubtless painted by the Life, and is intirely of a Modern Taste. And that nothing might be shocking, or disagreeable, the wounds are much hid, nor is his Body, or Garment stain’d with Blood, only some appears here, and there upon the ground just below the Drapery, as if it flow’d from some Wounds which That cover’d ;

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Pour donner des principes certains de cette connoissance, il faut, en voyant un dessein, faire deux examens, le premier consiste à en connoître le goût, & le second à découvrir le nom & le caractere de celui qui l’a fait.
Le goût du pays dans lequel a été fait le dessein, en constate l’école. On distingue trois sortes de goût : l’Italien, le Flamand, & le François.
Le goût Italien (qui n’est autre chose que l’esprit naturel de la nation) s’est formé sur les ouvrages antiques que l’Italie possede. Il consiste en général dans la correction du dessein, dans une belle ordonnance, dans des contours variés & contrastés, dans un beau choix d’attitudes, dans une expression fine, soutenuë d’un grand coloris. A Rome, à Florence, c’est le dessein qui domine, on est entraîné par cette grande partie de la peinture, sans laquelle les autres ne peuvent exister. En Lombardie & à Venise la couleur attire les artistes, ils la regardent comme le propre du peintre, & ils negligent le dessein pour ne s’attacher qu’à l’imitation parfaite de la nature qui n’est visible que parce qu’elle est colorée.
Le goût Flamand est la nature même, telle qu’elle est, sans  trop de choix & sans s’embarrasser de l’antique ; la couleur secondée d’une touche moëlleuse est son objet principal : on reconnoît toujours ce goût à une lourde façon de dessiner. Les Allemans tiennent plus du gothique, ils prennent la nature sans choix ; ils en copient même jusqu’aux défauts (a).
            (a) Decepit exemplar vitiis imitabile,
Hor. epist. 19, lib. I.
Le goût François, si l’on étoit moins enivré de l’Italie, pourroit le disputer aux deux autres. La correction, l’élévation de la pensée, l’allégorie, la poëtique, l’expression des passions, & même la couleur s’y trouvent souvent rassemblées. Les François en géneral ont moins de touche que les Flamans ; le choix des attitudes & des figures est moins élégant que celui des Italiens ; il faut cependant en excepter nos grands peintres, tels que Vouët, le Poussin, le Sueur, Bourdon, le Brun, Jouvenet & le Moine.
Toutes ces nations quand elles étudient l’antique & les ouvrages des grands maîtres, réforment souvent leur goût de terroir, & le rendent infiniment meilleur.
Il naîtra de ces remarques une connoissance naturelle du goût des nations. En voyant un dessein, on le rapportera sur le champ à l’école dont il approche le plus, & l’on dira : il est dans un tel goût. Ainsi l’on sçaura le pays dans lequel le dessein a été fait, & par conséquent l’école du maître.

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CHOSES
Qui ne s’apprennent point, & qui sont parties essentielles à la Peinture.
PREMIEREMENT pour ce qui est de la matiere, elle doit estre noble, qui n’ait receü aucune qualité de l’ouvrier. Et pour donner lieu au Peintre de montrer son esprit & son industrie, il faut la prendre capable de recevoir la plus excellente forme. Il faut commencer par la disposition, puis par l’ornement, le décore, la beauté, la grace, la vivacité, le costume, la vraysemblance, & le jugement par tout. Ces dernieres parties sont du Peintre, & ne se peuvent enseigner. C’est le rameau d’or de Virgile, que nul ne peut trouver ni cueïllir, s’il n’est conduit par le Destin. Ces neuf parties contiennent plusieurs choses dignes d’estre écrites par de bonnes & sçavantes mains.

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Quelle beauté, quel décore, quelle grace dans le Tableau de Rébecca ? L’on ne peut pas dire du Poussin ce qu’Apelle disoit à un de ses disciples, que n’ayant pû peindre Helene belle, il l’avoit representée riche {Clem. Alex.}. Car dans ce Tableau du Poussin la beauté éclate bien plus que tous les ornemens, qui sont simples & convenables au sujet. Il a parfaitement observé ce qu’il appelle décore ou bienseance, & sur tout la grace, cette qualité si précieuse & si rare dans les ouvrages de l’art aussi-bien que dans ceux de la nature.

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The Composition is unexceptionable [ndr : dans Poussin, Tancrède et Herminie] : There are innumerable Instances of Beautiful Contrasts ; Of this kind are the several Characters of the Persons, (all which are Excellent in their several kinds) and the several Habits : Tancred is half Naked : Erminia’s Sex distinguishes Her from all the rest ; as Vafrino’s Armour, and Helmet shews Him to be Inferiour to Tancred, (His lying by him) and Argante’s Armour differs from both of them. The various positions of the Limbs in all the Figures are also finely Contrasted, and altogether have a lovely effect ; Nor did I ever see a greater Harmony, nor more Art to produce it in any Picture of what Master soever, whether as to the Easy Gradation from the Principal, to the Subordinate Parts, the Connection of one with another, by the degrees of the Lights, and Shadows, and the Tincts of the Colours.

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D’autres [ndr : Peintres] encore, qui ont eû des considérations plus raisonnables, ont connu qu’ils réussissoient mieux dans les grandes choses que dans les petites, comme il est ordinaire à ceux qui ont beaucoup de feu & de facilité à executer leurs pensées. Telles estoient les qualitez de Pierre de Cortone. Quand il travailloit à de grands Tableaux, la vivacité de son esprit, & une émotion violente qui animoit sa main, & qui luy estoit comme naturelle, l’échaufoit, & l’emportoit hors de luy-mesme : ce qui faisoit que ses productions estoient pleines de chaleur & de vehemence ; au lieu que quand recueïlli dans son cabinet il prenoit le pinceau pour travailler avec plus de repos, cette émotion qui comme un vent impetueux l’agitoit dans les grand lieux, se trouvant plus resserré, affoiblissait le feu de son imagination, & ses pensées demeurant sans vigueur, devenoient laguissantes.
Il n’en est pas de mesme de ceux qui se sont étudiez à travailler avec tranquillité d’une maniere plus correcte & plus arrestée : leur jugement les accompagne toûjours ; ils agissent en toutes choses avec les mesmes lumieres, & par ce moyen conservent une force égale & un semblable caractere, soit qu’ils travaillent à de grands Tableaux, soit qu’ils en peignent de plus petits, soit mesme qu’ils ne fassent que de simples desseins.
Comme l’esprit ne peut estre continuellement dans un mesme degré de chaleur, lors que cette chaleur vient à diminuer, il faut que la force, & si j’ose le dire, toute la flamme d’un Peintre s’éteigne. De sorte que c’est seulement dans les grandes productions du Cortone qu’on découvre la beauté de son imagination ; comme au contraire on apperçoit également dans tous les Tableaux du Poussin cette force d’esprit, cette science solide, & ce profond raisonnement qui l’ont rendu superieur à tant d’autres.

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Le style Heroïque est une composition d’objets qui dans leur genre tirent de l’Art & de la Nature tout ce que l’un & l'autre peuvent produire de grand & d’extraordinaire. Les sites en sont tout agreables & tout surprenans : les fabriques n’y sont que temples, que pyramides, que sepultures antiques, qu’autels consacrés aux divinités, que maisons de plaisance d’une reguliere architecture ; & si la Nature n’y est pas exprimée comme le hazard nous la fait voir tous les jours, elle y est du moins representée comme on s’imagine qu’elle devroit être. Ce style est une agreable illusion, & une espece d’enchantement quand il part d’un beau genie & d’un bon esprit, comme étoit celui du Poussin : lui qui s’y est si bien exprimé. Mais ceux qui voudront suivre ce genre de Peinture, & qui n’auront pas le talent de soûtenir le sublime qu’il demande, courent souvent le risque de tomber dans le puerile.

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A l’égard du raport qui peut y avoir entre une seule tête & l’ordonnance de plusieurs figures ensemble, il consiste en l’effet du jour & de l’ombre, en l’unité du point perspectif, au fuyant ou diminution des parties reculées & dans la conformité qu’elles doivent avoir pour concourir en l’expression d’une même passion comme à l’idée d’un seul sujet. C’est à quoi aussi ce peut fort bien rapporter la comparaison qu’on fait ordinairement d’une grape de Raisin à l’Ordonnance d’un Tableau, tant pour la disposition des groupes & des figures que pour la distribution de la lumiere ; les groupes étant en l’Ordonnance comme des petites branches ou grapilions, qui bien qu’ils soient distincts & comme separés s’unisent neanmoins comme pour ne faire qu’un tout ensemble : ainsi la lumiere doit jetter son principal éclat en un seul endroit, & aller toûjours en diminuant sur les parties qui s’en éloignent.

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Principes de la Gravûre au Burin.
Il est inutile de dire que le Dessein est le fondement de cet Art, & qu’il est nécessaire qu’un Graveur sache dessiner correctement, car sans cela il ne pourra jamais bien imiter aucun Tableau ni Dessein, parce que son [p. 98 152] ouvrage ne sera fait qu’en tâtonnant : il pourra même être fait avec soin & d’une gravûre fort douce, mais sans esprit, sans art & sans intelligence.
On passe sous silence la maniere de dessiner du Graveur, qui doit être la même que celle du Peintre : on dira seulement qu’il doit s’appliquer fortement à dessiner long-tems des pieds & des mains d’après l’antique, sur le naturel, & d’après les Tableaux & les Desseins d’habiles gens, & qu’il ne doit point négliger de voir les Estampes gravées d’Augustin Carrache, & de Villamene, qui ont parfaitement & facilement dessiné ces extrémités.
Je dis ceci afin que le Graveur se donne par ce moyen une liberté de les faire de bon goût pour s’en servir dans des occasions qui se rencontrent quelquefois de travailler d’après des Peintres médiocres, ou des Desseins qui ne sont pas finis.
Mais lorsqu’il s’agit de copier les Tableaux des grands Maîtres, il faut que le Graveur se détache entierement de la propre maniere qu’il pourroit avoir de dessiner, pour se conformer à celle des ouvrages qu’il veut imiter & s’y conserver le caractere qui fait distinguer les manieres les unes des autres : & pour cet effet l’on doit beaucoup dessiner & bien du soin d’après les peintures de Rapahaël, des Carraches, du Dominiquain, du Poussin, &c. que si l’occasion ne se présente pas de pouvoir copier ces ouvrages, & qu’on ne puisse que les voir, il faut en remarquer toutes les beautés & les saisir dans la mémoire par une forte application d’esprit, & s’efforcer de reconnoître la différence de chacun dans la manière de tracer les contours.

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Wie nu het gezegde wel overweegd, moet met my toestaan, dat de deftigheid en welgemanierdheid twee uitneemende zaaken zyn, aan welke zo veel gelegen is, dat wanneer het in een schildery ontbreekt, men het zelve niet voor goed kan keuren: ja ik oordeel het de ziel van een konstig schildery te zyn. Het is met de schoone pronkzieraaden niet te doen, maar als een deftige en eedele ziel in een welgesteld lichchaam werkt, zyn alle die dingen [NDR : pronkzieraaden] onnut om de waare deftigheid uit te drukken; wanneer men met verstand, dan het zelve noch oppronkt, zo krygt het wel een grooter luyster, maar niet het wezen der zaak aangebragt, ook maakt zulks geen der hertstochten in de wezens. Rafaël, Poussyn, Dominiquin, noch Barotius, hebben daar niet van gehouden, en echter door hunne eenvoudigheid, de ongemeene deftigheid en grootsheid in hunne beelden vertoond.

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A l’égard du raport qui peut y avoir entre une seule tête & l’ordonnance de plusieurs figures ensemble, il consiste en l’effet du jour & de l’ombre, en l’unité du point perspectif, au fuyant ou diminution des parties reculées & dans la conformité qu’elles doivent avoir pour concourir en l’expression d’une même passion comme à l’idée d’un seul sujet. C’est à quoi aussi ce peut fort bien rapporter la comparaison qu’on fait ordinairement d’une grape de Raisin à l’Ordonnance d’un Tableau, tant pour la disposition des groupes & des figures que pour la distribution de la lumiere ; les groupes étant en l’Ordonnance comme des petites branches ou grapilions, qui bien qu’ils soient distincts & comme separés s’unisent neanmoins comme pour ne faire qu’un tout ensemble : ainsi la lumiere doit jetter son principal éclat en un seul endroit, & aller toûjours en diminuant sur les parties qui s’en éloignent.

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Quand au troisiéme Tableau [ndr : Nicolas Poussin, Les Israélites recueillant la manne dans le désert], l’on fit remarquer que cette partie de l’Ordonnance comprenoit trois choses : 1. La conception du lieu : 2. La disposition des figures : 3. Le plan perspectif. Dans la premiere l’on considera, que le Poussain y avoit formé de grandes terraces pour servir de fond aux figures de devant & pousser le lointain, des Rochers grands & terribles qui donne l’idée d’un affreux desert, […] ; que quand à la disposition des figures, divers groupes détachez les uns des autres composoient de grandes parties si distinctes, que la vûe s’y peut promener sans peine, & pourtant si bien liés l’un à l’autre qu’ils s’unissent pour faire un beau tout ensemble. On remarqua particulierement en chaque groupe un judicieux Contraste ; & nonobstant la diversité des mouvemens un concours admirable à l’expression du sujet. Enfin pour ce qui regarde le plan perspectif on tomba d’accord qu’il ne ce pouvoit rien voir de plus regulier, chaque choses étant proportionnée suivant les regles de la situation naturelle, de sorte que l’Auteur de cet ouvrage avoit dans un sujet de desordre trouvé le moyen de faire paroître beaucoup de monde bien ordonné & sans aucune confusion, ayant pû sur tout placer son Heraut en un lieu eminant où la vûë est conduite par les actions de toutes les figures.

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L’autre maxime du Poussin admirablement observée dans cet ouvrage [ndr : Éliezer et Rébecca], consiste dans la belle disposition des groupes qui le composent. Il faudroit que vous le vissiez pour mieux comprendre ce que je ne puis assez vous exprimer par des paroles. Je vous diray seulement que la raison qui oblige les Peintres à traiter les grands sujets de cette maniere, & a disposer leurs figures par groupes, est tirée de ce que nous voyons tous les jours devant nos yeux, & de ce qui se passe quand plusieurs personnes se trouvent ensemble. Car on peut remarquer, comme a fait Leonard de Vinci, que d’abord elles s’attroupent separément selon la conformité des âges, des conditions & des inclinations naturelles qu’elles ont les unes pour les autres, & qu’ainsi une grande compagnie se divise en plusieurs autres ; ce que les Peintres appellent groupes. De sorte que la nature en cela comme en toute autre chose, est leur maistresse qui leur enseigne à suivre cette méthode dans les grandes ordonnances, afin d’éviter l’embarras & la confusion. C’est un effet de l’habileté du Peintre de bien disposer ces groupes, de les varier tant par les attitudes & les actions des figures, que par les effets des lumieres & des ombres ; mais d’une maniere où le jugement agisse toujoûrs, pour ne pas outrer les actions, ni rendre son sujet desagréable par des ombres trop fortes & de grands éclats de lumieres donnez mal-à-propos.

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Cette multitude de monde répanduë en divers endroits, partage agréablement la veûë, & ne l’empesche point de se promener dans toute l’étenduë de ce desert. Cependant, afin que les yeux ne soient pas toûjours errans, & emportez dans un si grand espace de païs, ils se trouvent arrestez par les groupes de figures qui ne séparent point le sujet principal, mais servent à le lier, & à le faire mieux comprendre. On y trouve un contraste judicieux dans les differentes dispositions des figures dont la position & les attitudes conformes à l’histoire engendrent l’unité d’action, & la belle harmonie que l’on voit dans ce Tableau.

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Pareillement dans la disposition des habits on observa trois choses ; premierement la qualité des personnes que le Peintre [ndr : Nicolas Poussin dans le tableau Les Israélites recueillant la manne dans le désert] a voulu rendre reconnoisables par la majesté & la grandeur des habillemens, dont les draperies quoi que tres-amples forment des plis si bien rangez qu’ils marquent precisement la jointure des membres, & ne forment que de grandes parties. Secondement en donnant à ces figures non des morceaux d’étoffes jettés au hazard, qui ne paroitroient que des lambeaux, si les figures changeoient d’action ou d’aspect, mais un veritable habit quoi que de differante façon suivant la licence que les Peintres prennent de découvrir quelqu’un des membres pour la varieté des objets, & pour faire connoître leur capacité & leur étude. En troisiéme lieu, le menagement de la pudeur du sexe, par la distinction du vêtement des femmes d’avec celui des hommes, donnant aux uns des habillements plus amples & plus longs, & aux autres des draperies plus troussées & plus serrées.

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The Habits are not those of the Age in which the Scene of the Fable is laid, These must have been Gothick, and Disagreeable, it being at the latter end of the 11th, or the beginning of the 12th Century [ndr : il s’agit ici du Tancrède et Herminie, réalisé par Poussin]. Erminia is clad in Blue, admirably folded, and in a great Style, something like that of Giulio, but more upon the Antique, or, Raffaelle ; one of her feet is seen which is very Gentile, and Artfully dispos’d ; her Sandal is very particular, for ‘tis a little rais’d under the Heel as our Children’s Shoes. Vafrino has a Helmet on with a large, bent Plate of Gold instead, and something with the turn of a Feather. We don’t remember any thing like it in the Antique ; There is no such thing in the Column of Trajan, nor that of Antonine (as ‘tis usually call’d tho’ ‘tis now known to be of M. Aurelius) nor (I believe) in the Works of Raffaelle, Guilio, or Polydore when they have imitated the Ancients, tho’ These, especially the two former have taken like Liberties, and departing from the Simplicity of their Great Masters have in these Instances given a little into the Gothick tast : This is probably Poussin’s own Invention, and has such an effect that I cannot imagine any thing else could possibly have been so well. The Figure is in Armour, not with Labells, but Scarlet Drapery where those usually are which also is Antique. The two Cupidons are admirably well dispos’d, and enrich, and enliven the Picture ; as does the Helmet, Shield, and Armour of Tancred which lyes at his Feet. The Attitudes of the Horses are exceeding fine, One of them turns his head backwards with great Spirit, the other has his Hinder part rais’d, which not only has a Noble effect in the Picture, but helps to tell what kind of place it was, which was rough, and unfrequented.

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The Composition is unexceptionable [ndr : dans Poussin, Tancrède et Herminie] : There are innumerable Instances of Beautiful Contrasts ; [...] VI. And Whether the Colours are laid on Thick, or Finely Wrought it must appear to be done by a Light, and Accurate Hand. [...] The Picture is highly finish’d, even in the parts the most inconsiderable, but in once, or two places there is a little heaviness of Hand ; The Drawing is firmly pronounc’d, and Sometimes, chiefly in the Faces, Hands and Feet ‘tis mark’d more than ordinary with the point of the Pencil.

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Cette multitude de monde répanduë en divers endroits, partage agréablement la veûë, & ne l’empesche point de se promener dans toute l’étenduë de ce desert. Cependant, afin que les yeux ne soient pas toûjours errans, & emportez dans un si grand espace de païs, ils se trouvent arrestez par les groupes de figures qui ne séparent point le sujet principal, mais servent à le lier, & à le faire mieux comprendre. On y trouve un contraste judicieux dans les differentes dispositions des figures dont la position & les attitudes conformes à l’histoire engendrent l’unité d’action, & la belle harmonie que l’on voit dans ce Tableau.

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Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

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The Composition is unexceptionable [ndr : dans Poussin, Tancrède et Herminie] : There are innumerable Instances of Beautiful Contrasts ; Of this kind are the several Characters of the Persons, (all which are Excellent in their several kinds) and the several Habits : Tancred is half Naked : Erminia’s Sex distinguishes Her from all the rest ; as Vafrino’s Armour, and Helmet shews Him to be Inferiour to Tancred, (His lying by him) and Argante’s Armour differs from both of them. The various positions of the Limbs in all the Figures are also finely Contrasted, and altogether have a lovely effect ; Nor did I ever see a greater Harmony, nor more Art to produce it in any Picture of what Master soever, whether as to the Easy Gradation from the Principal, to the Subordinate Parts, the Connection of one with another, by the degrees of the Lights, and Shadows, and the Tincts of the Colours.

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The Composition is unexceptionable [ndr : dans Poussin, Tancrède et Herminie] : There are innumerable Instances of Beautiful Contrasts ; [...] The Picture is highly finish’d, even in the parts the most inconsiderable, but in once, or two places there is a little heaviness of Hand ; The Drawing is firmly pronounc’d, and Sometimes, chiefly in the Faces, Hands and Feet ‘tis mark’d more than ordinary with the point of the Pencil.

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[ndr : LE PEINTRE]
[...] outre ces beaux & divers airs & proportions de ces figures & Bas-reliefs antiques, qu’il faut bien sinculquer dans l’imagination ou dans l’esprit, qu’il y a encore celles de l’agencement de leurs Drapperies ou vestemens, & autre choses d’usage.
Mais sur cela, il y a à mon avis plusieurs particularitez à décider, afin que le Peintre soit pleinement assuré de ce qu’il doit faire, depuis le commencement jusques à la fin : Premierement de considerer ou sçavoir, que tout ce que l’on fait du Travail de Peinture & tel autre, est de sujettion ou de volonté, de sorte que si on prescrit à un Dessinateur & à un Peintre, le sujet où [ndr : sic] l’histoire qu’il doit faire, & toutes les dépendances d’icelle, jusques aux vestemens ou drapperies des figures, forme de Bastimens, Païsages, Animaux, &c. il est obligé de suivre cette prescription
 : Si il a aussi à faire un autre sujet, & qu’on luy en laisse la pleine liberté sans aucune contrainte, il en peut user comme il luy plaira ; toutefois si c’est une Histoire Romaine ou Grecque ou d’autre nation, il me semble que ce que luy doit estre en quelque sorte une sujettion, puisque sans contredit il doit rechercher de donner à ces figures l’air de la Nation, leurs formes de vestemens & autres choses de leur mode ou usage, & mesme de leurs Bastimens & Païsages, en cas que l’action se soit passée en leur mesme pays.
Car si ce sont des actions, des Faits, ou des Exploits de Conquerans, ce sera un mélange de plusieurs figures & vestemens, mais non de Païsage & Bastimens ; & comme souvent il arrive, que les Peintres prenent des sujets si anciens ou éloignez de nous, qu’ils ne peuvent avoir aucuns memoires ny vestiges des airs de Testes, Figures, Coloris, Vestemens, & choses d’usages, & de sorte qu’ils tombent dans les fautes de ceux dont nous avons parlé, qui donnent des airs à leurs figures de Venitiens & Venitiennes, ou de Flamans & Flamandes, &c. à des histoires anciennes, saintes, profanes, & autres.

Mais les judicieux & bien avisez, qui ont leu les Histoires, tâchent de tout leur pouvoir de les suivre ponctuellement, ou si ils ne le peuvent ainsi que j’ay dit, à cause qu’ils n’en ont aucuns vestiges, enseignemens, ny memoires, ils se doivent détacher de toutes ces idées, qui leur peuvent venir dans l’esprit, qui ressemblent non seulement aux modernes, mais aux Grecques, aux Romains & autres, qui ne leur conviennent pas.
C’est en quoy a parfaitement bien reüssi le grand Raphaël, & son éleve Jules Romain & tels autres, & sur tout depuis peu nostre merveilleux & universel Peintre feu Monsieur le Poussin, ainsi que je l’ay dit cy devant.

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[...] le Peintre devoit tellement assujettir toutes les parties qui entrent en la composition de son Tableau, qu'elles concourrent ensemble à former une juste idée du sujet, en sorte qu'elles puissent inspirer dans l'esprit des regardans des émotions convenables à cette idée, & que si il se rencontroit dans la narration de l'Histoire même, quelque circonstance qui y fut contraire, on la devoit supprimer ou si fort negliger quelle n'y pût faire aucune interruption, qu'on peut neanmoins prendre une discrette liberté de choisir des incidens favorables, ou quelque allegorie qui convienne au sujet pour la varieté du Contraste, mais que l'on doit éviter de faire paroître ensemble des choses incompatibles ; par exemple la verité des choses Saintes avec les Prophanes, ou paroître ensemble des personnes qui n'ont été qu'en des tems fort éloignés l'un de l'autre. [...] quelqu'un objecta qu'il seroit dangereux d'établir la suppression des circonstances, parce qu'elle porteroit les jeunes Peintres à négliger celles qui doivent accompagner les Histoires [...]. [...] Que les Histoires Saintes sont d'écrites pour exciter en nous des pensées & des émotions de pieté, par les bons exemples quelles nous proposent, & que ce doit aussi être l'effet de la Peinture, ce qui seroit detourné par des circonstances qui porteroient des caracteres differens ou opposez à l'idée du sujet.

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Mais parce qu’il y a quatre humeurs principales qui dominent dans l’homme, & qui sont la cause de ses differentes inclinations, le Peintre doit tascher de connoistre & de remarquer celle qui a le plus de force sur chaque corps, afin que sçachant quel est son temperamment, il puisse juger des choses ausquelles il sera naturellement porté.
La premiere marque, à mon avis, & la plus generale que la nature nous en donne, est dans la couleur qu’elle répand sur tout le corps. Elle fait voir la difference qu’il y a d’un homme sanguin à un homme mélancholique ; & comme le mélange des humeurs est la cause de la diversités des inclinations, on tasche de les connoistre chacune par quelques apparences exterieures & quelques signes qu’on en voit sur le corps : de sorte que si dans une personne la couleur dominante est violette, plombée, & livide, comme elle marque une bile noire, elle signifie l’inclination d’un homme à estre colere, envieux, & sujet à d’autres actions mauvaises qui procedent pour l’ordinaire d’un tel temperament.

Quotation

Que suivant ces exemples & de tous ceux des grands hommes qui ont excellé dans les beaux Arts, comme les Poetes dans leurs fictions & dans leurs Vers, les Orateurs, les Musiciens, lesquels assujettissent toutes les parties de leur composition à l'idée generale de leur sujet, & leur donnent un air si convenable, que tout ensemble exprime une passion ; qu'ainsi les habilles Peintres de l'Antiquité l'avoient pratiqué de même, selon le témoignage de Pline, qui en décrivant un Tableau des amours d'Alexandre de la main dAppelles, [...].
L'Academie aprouvant ces raisonnemens determina que le Peintre se doit attacher aux caracteres qui conviennent à l'Idée du sujet & negliger les circonstances qui n'y sont pas absolument essentielles.

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Le style Heroïque est une composition d’objets qui dans leur genre tirent de l’Art & de la Nature tout ce que l’un & l'autre peuvent produire de grand & d’extraordinaire. Les sites en sont tout agreables & tout surprenans : les fabriques n’y sont que temples, que pyramides, que sepultures antiques, qu’autels consacrés aux divinités, que maisons de plaisance d’une reguliere architecture ; & si la Nature n’y est pas exprimée comme le hazard nous la fait voir tous les jours, elle y est du moins representée comme on s’imagine qu’elle devroit être. Ce style est une agreable illusion, & une espece d’enchantement quand il part d’un beau genie & d’un bon esprit, comme étoit celui du Poussin : lui qui s’y est si bien exprimé. Mais ceux qui voudront suivre ce genre de Peinture, & qui n’auront pas le talent de soûtenir le sublime qu’il demande, courent souvent le risque de tomber dans le puerile.

Quotation

Thus Aglaphontes us’d but one Colour, no more did Nitia the Athenian Painter ; and it was this Relievo also for which the famous Zeuxis became so renound’d : not to insist on Heredices the Corinthian, and Thelophanes the Sicyonian, who were both of them but Monochromists ; and, ‘till Cleophanes came amongst them, no dissemblers, as owning no other Colours but those eminent Contraries ; that is, the lights and the shades, in the true managing whereof, so many wonders are to be produc’d by this Art, and even a certain splendor, and beauty in the touches of the Burin, so as the very Union and colouring it self may be conceiv’d without any force upon the imagination, as we have before observed in these excellent Gravings of Natalis, Rouslet, and Poisly, after Bourdon ; and in what Greuter, Blomart, and some others have done after Monsieur Poussin, Guido Rhene, Cortoon, &c.

Quotation

Comme l’esprit ne peut estre continuellement dans un mesme degré de chaleur, lors que cette chaleur vient à diminuer, il faut que la force, & si j’ose le dire, toute la flamme d’un Peintre s’éteigne. De sorte que c’est seulement dans les grandes productions du Cortone qu’on découvre la beauté de son imagination ; comme au contraire on apperçoit également dans tous les Tableaux du Poussin cette force d’esprit, cette science solide, & ce profond raisonnement qui l’ont rendu superieur à tant d’autres.

Quotation

Les Peintres sont Poëtes, mais leur Poësie ne consiste pas tant à inventer des chimeres ou des jeux d'esprit, qu'à bien imaginer quelles passions & quels sentimens l'on doit donner aux personnages suivant leur caractere & la situation où l'on les suppose, comme à trouver les expressions propres à rendre ces passions sensibles et à faire deviner ces sentimens. Je ne me souviens pas que Raphael ni le Poussin aïent jamais fait l'usage vicieux des personnages allégoriques que j'ose critiquer dans le tableau de Rubens.

Quotation

Après avoir consideré la division que fait le Seigneur François Junius des parties de ce bel art, j’ay osé mettre icy brievement ce que j’en ay appris. Il est necessaire premierement de sçavoir ce que c’est que cette sorte d’imitation & de la définir.
DEFINITION
C’est une imitation faite avec ligne & couleurs en quelque superficie, de tout ce qui se voit sous le Soleil. Sa fin est la délectation.

Quotation

Nous aprenons de Felibien dans la vie de Poussin, que ce Peintre consulté sur la Peinture, par un de ses amis, luy avoit écrit, qu'elle est une imitation faite avec lignes & couleurs, en quelque superficie, de tout ce qui se voit sous le Soleil, dont la fin est la delectation. Quoique cette définition parte de la main d'un des plus excellens Peintres qui ont paru dans ces derniers siecles : Il semble pourtant qu'on y pourroit ajouter quelque circonstance, pour en faire une description achevée : parce que l'étude des Peintres ne se borne pas seulement à l'imitation des choses visibles : Ils les doivent encore representer, dans la plus parfaite idée qu'elles peuvent donner ; Et la fin de cet Art n'est pas de plaire uniquement aux yeux : Mais d'avertir, d'enseigner, & de plaire à même tems.

Quotation

Mais lorsqu’il s’agit de copier les Tableaux des grands Maîtres, il faut que le Graveur se détache entierement de la propre maniere qu’il pourroit avoir de dessiner, pour se conformer à celle des ouvrages qu’il veut imiter & s’y conserver le caractere qui fait distinguer les manieres les unes des autres : & pour cet effet l’on doit beaucoup dessiner & bien du soin d’après les peintures de Rapahaël, des Carraches, du Dominiquain, du Poussin, &c. que si l’occasion ne se présente pas de pouvoir copier ces ouvrages, & qu’on ne puisse que les voir, il faut en remarquer toutes les beautés & les saisir dans la mémoire par une forte application d’esprit, & s’efforcer de reconnoître la différence de chacun dans la manière de tracer les contours.
Il est très-nécessaire qu’un Graveur sache l’Architecture & la Perspective. L’Architecture pour [p. 99 153] garder les proportions que les habiles Peintres quelquefois ne se donnent pas la peine de terminer dans leurs desseins ; surtout quand on grave d’après des croquis ou des tableaux peu finis. La Perspective, par les dégradations du fort au foible, lui donnera beaucoup de facilité pour faire fuir ou avancer les figures & autres corps représentés dans le Tableau qu’il doit imiter.

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CHOSES
Qui ne s’apprennent point, & qui sont parties essentielles à la Peinture.
PREMIEREMENT pour ce qui est de la matiere, elle doit estre noble, qui n’ait receü aucune qualité de l’ouvrier. Et pour donner lieu au Peintre de montrer son esprit & son industrie, il faut la prendre capable de recevoir la plus excellente forme. Il faut commencer par la disposition, puis par l’ornement, le décore, la beauté, la grace, la vivacité, le costume, la vraysemblance, & le jugement par tout. Ces dernieres parties sont du Peintre, & ne se peuvent enseigner. C’est le rameau d’or de Virgile, que nul ne peut trouver ni cueïllir, s’il n’est conduit par le Destin. Ces neuf parties contiennent plusieurs choses dignes d’estre écrites par de bonnes & sçavantes mains.

Quotation

PRINCIPES
Que tout homme capable de raison peut apprendre
Il ne se donne point de visible sans lumiere.
Il ne se donne point de visible sans forme.
Il ne se donne point de visible sans couleur.
Il ne se donne point de visible sans distance.
Il ne se donne point de visible sans instrument.

Quotation

Les Peintres sont Poëtes, mais leur Poësie ne consiste pas tant à inventer des chimeres ou des jeux d'esprit, qu'à bien imaginer quelles passions & quels sentimens l'on doit donner aux personnages suivant leur caractere & la situation où l'on les suppose, comme à trouver les expressions propres à rendre ces passions sensibles et à faire deviner ces sentimens. Je ne me souviens pas que Raphael ni le Poussin aïent jamais fait l'usage vicieux des personnages allégoriques que j'ose critiquer dans le tableau de Rubens.

Quotation

Ainsi vous pouvez sçavoir à present que pour bien juger d’un Tableau & du génie de celuy qui l’a fait, il faut regarder d’abord quelle est l’Invention de ce Tableau ; si elle est nouvelle, noble, & agréable. La Disposition du sujet vous fera connoistre si l’Ouvrier a du jugement, & s’il a de l’ordre dans ses pensées.

Quotation

[…] je considerois avec un soin tout particulier, comment il [ndr : Poussin] mesloit les couleurs ensemble pour donner cette diminution de teintes necessaire à arondir les corps, à faire paroistre les jours & les ombres, & à produire ces divers degrez d’éloignement qui font fuïr ou avancer toutes les parties d’un Tableau, ce qu’il a sceu executer avec tant d’art & de beauté.

Quotation

Que c’est juger avec trop de précipitation de ses ouvrages ; qu’estant difficile de donner son jugement si l’on n’a une grande pratique & la theorie jointes ensemble, les sens seuls ne doivent pas le faire, mais y appeler la raison.

Quotation

Que c’est juger avec trop de précipitation de ses ouvrages ; qu’estant difficile de donner son jugement si l’on n’a une grande pratique & la theorie jointes ensemble, les sens seuls ne doivent pas le faire, mais y appeler la raison.

Quotation

CHOSES
Qui ne s’apprennent point, & qui sont parties essentielles à la Peinture.
PREMIEREMENT pour ce qui est de la matiere, elle doit estre noble, qui n’ait receü aucune qualité de l’ouvrier. Et pour donner lieu au Peintre de montrer son esprit & son industrie, il faut la prendre capable de recevoir la plus excellente forme. Il faut commencer par la disposition, puis par l’ornement, le décore, la beauté, la grace, la vivacité, le costume, la vraysemblance, & le jugement par tout. Ces dernieres parties sont du Peintre, & ne se peuvent enseigner. C’est le rameau d’or de Virgile, que nul ne peut trouver ni cueïllir, s’il n’est conduit par le Destin. Ces neuf parties contiennent plusieurs choses dignes d’estre écrites par de bonnes & sçavantes mains.

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Il [ndr : Poussin] veut qu’ils soient nobles, c’est à dire, qu’ils ne traittent que de choses grandes, & non pas de simples representations de personnes, ou d’actions ordinaires & basses. Car bien que l’art de peindre s’étende à imiter tout ce qui est visible, comme il le dit luy-mesme ; il fait néanmoins consister l’excellence de cét art, & le grand sçavoir d’un Peintre dans le beau choix des actions héroïques & extraordinaires. Il veut que lors qu’il vient à mettre la main à l’œuvre, il le fasse d’une maniere qui n’ait point encore esté exécutée par un autre, afin que son ouvrage paroisse comme une chose unique & nouvelle, & que si l’on connoist la grandeur de ses idées, & la beauté de son genie dans la forme extraordinaire qu’il luy donnera, on remarque aussi la netteté & la force de son jugement dans le sujet qu’il aura choisi.

Quotation

Non seulement je vous ay nommé les plus celebres Peintres Italiens, mais encore ceux des autres Nations qui ont travaillé avec quelque estime. Je vous ay marqué leurs differens talens & le merite de leurs ouvrages. C’est en voyant ces ouvrages que je vous ay parlé des qualitez necessaires à former un sçavant Peintre. Ainsi vous pouvez sçavoir à present que pour bien juger d’un Tableau & du génie de celuy qui l’a fait, il faut regarder d’abord quelle est l’Invention de ce Tableau ; si elle est nouvelle, noble, & agréable. La Disposition du sujet vous fera connoistre si l’Ouvrier a du jugement, & s’il a de l’ordre dans ses pensées. 
C’est dans le Dessein que le Peintre fait paroistre la force de son esprit, sa science, & le fruit de ses études. Par le dessein il donne de la proportion, de la grace, & de la majesté à ses figures ; il en marque toutes les beautez ; il exprime les differentes actions du corps, & les divers mouvemens de l’ame. Enfin le dessein est comme la base & le fondement de toutes les autres parties.
Quelque beauté de coloris qu’un Peintre donne à son ouvrage, quelque amitié de couleurs qu’il observe pour le rendre aimable & plaisant à la veûë ; quelques jours & quelques lumieres qu’il y répande pour l’éclairer, de quelques ombres dont il tasche de le fortifier & d’en relever l’eclat, si tout cela n’est soustenu du dessein, il n’y a rien, pour beau & riche qu’il soit, qui puisse subsister. On doit prendre garde sur tout à ne se pas laisser surprendre par les charmes du coloris ; car la Couleur n’est pas seulement un agrément que la nature ait répandu sur les corps pour en relever la beauté & leur donner plus d’éclat, mais elle est aussi dans les ouvrages de l’art un moyen merveilleux pour les rendre agréables, & donner plus de plaisir à la veûë. [...] De sorte qu’il faut mettre de la différence entre le jugement que l’œil fait d’un Tableau, & celuy que la raison en donne. L’un se contente de l’agrément, & l’autre recherche la vérité & la vraysemblance. Et par là vous voyez que la lumiere de la raison doit conduire toutes les operations de l’esprit, comme la lumiere de l’œil les operations de la main, & qu’il est besoin d’une grande prudence & d’un grand discernement pour distribuer toutes choses selon qu’il est necessaire pour la perfection d’un ouvrage, lors qu’on veut satisfaire également les yeux & la raison. Et c’est ce discernement & cette prudence qu’il faut beaucoup estimer dans les Ouvriers & dans leurs ouvrages.

Quotation

Non seulement je vous ay nommé les plus celebres Peintres Italiens, mais encore ceux des autres Nations qui ont travaillé avec quelque estime. Je vous ay marqué leurs differens talens & le merite de leurs ouvrages. C’est en voyant ces ouvrages que je vous ay parlé des qualitez necessaires à former un sçavant Peintre. Ainsi vous pouvez sçavoir à present que pour bien juger d’un Tableau & du génie de celuy qui l’a fait, il faut regarder d’abord quelle est l’Invention de ce Tableau ; si elle est nouvelle, noble, & agréable. La Disposition du sujet vous fera connoistre si l’Ouvrier a du jugement, & s’il a de l’ordre dans ses pensées. 
C’est dans le Dessein que le Peintre fait paroistre la force de son esprit, sa science, & le fruit de ses études. Par le dessein il donne de la proportion, de la grace, & de la majesté à ses figures ; il en marque toutes les beautez ; il exprime les differentes actions du corps, & les divers mouvemens de l’ame. Enfin le dessein est comme la base & le fondement de toutes les autres parties.
Quelque beauté de coloris qu’un Peintre donne à son ouvrage, quelque amitié de couleurs qu’il observe pour le rendre aimable & plaisant à la veûë ; quelques jours & quelques lumieres qu’il y répande pour l’éclairer, de quelques ombres dont il tasche de le fortifier & d’en relever l’eclat, si tout cela n’est soustenu du dessein, il n’y a rien, pour beau & riche qu’il soit, qui puisse subsister. On doit prendre garde sur tout à ne se pas laisser surprendre par les charmes du coloris ; car la Couleur n’est pas seulement un agrément que la nature ait répandu sur les corps pour en relever la beauté & leur donner plus d’éclat, mais elle est aussi dans les ouvrages de l’art un moyen merveilleux pour les rendre agréables, & donner plus de plaisir à la veûë. [...] De sorte qu’il faut mettre de la différence entre le jugement que l’œil fait d’un Tableau, & celuy que la raison en donne. L’un se contente de l’agrément, & l’autre recherche la vérité & la vraysemblance. Et par là vous voyez que la lumiere de la raison doit conduire toutes les operations de l’esprit, comme la lumiere de l’œil les operations de la main, & qu’il est besoin d’une grande prudence & d’un grand discernement pour distribuer toutes choses selon qu’il est necessaire pour la perfection d’un ouvrage, lors qu’on veut satisfaire également les yeux & la raison. Et c’est ce discernement & cette prudence qu’il faut beaucoup estimer dans les Ouvriers & dans leurs ouvrages.

Quotation

Mais les hommes croïent naturellement que leur goût est le bon goût, & par consequent ils pensent que les personnes qui ne jugent pas comme eux, ont les organes imparfaits, ou qu'elles se laissent conduire à des prejugez qui les gouvernent, sans qu'elles-mêmes s'apperçoivent du pouvoir de la prévention.
Qu'on change les organes de ceux à qui l'on voudroit faire changer de sentiment sur les choses qui sont purement de goût, ou pour mieux dire, que chacun demeure dans son opinion, sans blâmer l'opinion de l'autre. Vouloir persuader à un homme qui préfère le coloris à l'expression, en suivant son propre sentiment, qu'il a tort, c'est lui vouloir persuader de prendre plus de plaisir à voir les tableaux du Poussin, que ceux du Titien.

Quotation

De kleedingen, die met een schoon beloop van plooijen zedig en wel geschikt zyn, zodanig dat de beelden zich daar door onverhinderd met welstandigheid konnen beweegen, zyn zekerlyk de beste; gelyk de doorluchtige Raphaël, Poussyn, en meer andere, die het zuiver Antiek hebben nagevolgd, genoegsaam in hunne Konstwerken hebben doen blyken.

Quotation

’T en is oock niet geraden, seght Franciscus Iunius, dat wy ons selven tot eenen Meester alleen overgeven, om die in alle dingen te volgen: Apelles was ongetwijffelt den aldervermaersten, nochtans hebben hem wel eenige in ’t een of ’t ander deel te boven gegaen: Hy wiert wel van d’Oude Meesters gepresen, maer niet dat hy alleen behoorde na-gevolght te worden. {Hoemen van verscheyde Meesters het beste moet kiesen ende t’samen voegen.} ’t Soude wel Goet zijn als Apelles te werden, maer wat kan ’t schaden datmen tot de bevalligheyt van Apelles toevoeght de Geluck-stoutigheyt van Zeuxis, d’onvermoeyde neerstigheydt van Protogenes, de kloecke diepzinnigheydt van Nicophanes; ende andere hare deughden meer aen te namen. Soo seggen wy nu oock, wat kan het hinderen soo wy Raphel Vrbijn als een lichtende Fackel in fraye ordineeringhe, zedige besigheyt der Beelden, ende grootse gedachten willen navolgen, dat wy daer by soecken te krijgen de wisse Teyckeningh en vaste omtrecken van Carats, Testa ende andere; de bevalligheydt, cierlijcke playsantie, ende rijcke Majesteyt van Pietro de Cortone, de verstandige waernemingh der vlacke schaduwen en dagen, Crokeringh ende natuerlijcke Coloreeringh van Poussijn, Barotius, Symon Vouet, ende watmen meer na sijn humeur en gave oordeelt, in andere Meesters, navolgenswaerdigh te zijn.

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Voor myn besluit zal ik hier nog iets aanmerken, weegens vierderly byzondere manieren der Oude Antiken.
D’eerste Stark, Kloek, en Robust; dezelve is naagevolgt, door Michel Angelo, Karats, en ’t heele School van Boulogne; welke manier eigentlyk , van de Stad Atheenen oorspronkelyk is.
De tweede, Swak en Vrouwagtig, welke waargenomen wierd door Jan de Boullogne, en meer anderen; die men oordeeld van Korinthen afkomstig te zyn.
De derde, vol van Teeder en Bevalligheid; die men voorgeeft dat Apelles, Phidias en Praxitieles gevolgt hebben, welke manier in zeer groote agtinge gehouden wierd, en vast steld van Rhodes oorspronkelyk te weezen.
Met de vierde, wijst ons aan een grootse ommetrek, als mede Natuurlyk, Seedig en Korrekt; zynde naagevolgt door Raphaël, Pousyn, &c. en is afkomstig van Siconien, een stad uit Peloponnesen: is eygenthlyk zo tot volmaaktheid geraakt, om dat uit ieder manier het beste gekoozen is, en by een gevoegt is.

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’T en is oock niet geraden, seght Franciscus Iunius, dat wy ons selven tot eenen Meester alleen overgeven, om die in alle dingen te volgen: Apelles was ongetwijffelt den aldervermaersten, nochtans hebben hem wel eenige in ’t een of ’t ander deel te boven gegaen: Hy wiert wel van d’Oude Meesters gepresen, maer niet dat hy alleen behoorde na-gevolght te worden. {Hoemen van verscheyde Meesters het beste moet kiesen ende t’samen voegen.} ’t Soude wel Goet zijn als Apelles te werden, maer wat kan ’t schaden datmen tot de bevalligheyt van Apelles toevoeght de Geluck-stoutigheyt van Zeuxis, d’onvermoeyde neerstigheydt van Protogenes, de kloecke diepzinnigheydt van Nicophanes; ende andere hare deughden meer aen te namen. Soo seggen wy nu oock, wat kan het hinderen soo wy Raphel Vrbijn als een lichtende Fackel in fraye ordineeringhe, zedige besigheyt der Beelden, ende grootse gedachten willen navolgen, dat wy daer by soecken te krijgen de wisse Teyckeningh en vaste omtrecken van Carats, Testa ende andere; de bevalligheydt, cierlijcke playsantie, ende rijcke Majesteyt van Pietro de Cortone, de verstandige waernemingh der vlacke schaduwen en dagen, Crokeringh ende natuerlijcke Coloreeringh van Poussijn, Barotius, Symon Vouet, ende watmen meer na sijn humeur en gave oordeelt, in andere Meesters, navolgenswaerdigh te zijn.

Quotation

DE verscheidene lichten in een Stuk oordeelen zommige dat onmogelyk wel konnen staan: want, zeggen zy, indien het goed was, zo zouden Raphaël, Carats, Titiaan, Poussyn, en andere braave Meesters meer die manier wel voor goed gekeurd, en niet verworpen hebben. Ja de Fransche Academisten, voegen zy'er by, die tot zulk een hoogen top gereezen zyn, besluiten eenpaariglyk, dat men niet als een eenig licht in 't algemeen zal gebruiken; verwerpende een Schildery dat meer als een licht vertoond. By gevolg oordeelen zy, dat de gezegde lichten maar een vinding zyn van Hollandsche Meesters, die het Antiek niet verstaan, welke maar alleen de natuurlykheid beoogen, om de onkundigen aan te lokken. Waar op ik zeg, dat, hoewel Raphaël, Poussyn, en andere groote Konstenaars het zelve in hunne Werken niet getoond, maar zich enkelyk aan een algemeen licht gehouden hebben, zulks niet en spruit uit een verachting of verwerping van het zelve, als of het tegen de natuur en konst zoude stryden; maar alleen dat zy 'er toen noch niet om gedagt, of 'er van geweeten hebben: alzo de Konst toenmaals in die deelen haare volmaaktheid noch niet had bereikt of verkreegen. Niet dat ik zeg, dat zulk een Stuk met verscheidene lichten beter is, als met een alleen 't geen natuurlyk is verbeeld; maar wel dat, als het zo te pas komt en konstig uitgewerkt is, het een schildery een veranderlyke welstand byzet [...]Met deze voorbeelden meen ik genoegsaam verklaard te hebben de natuur en werking van verscheidene lichten; als mede hoe voordeelig de kennis daar van is, zo wel in zon-als gemeen licht, ten opzichte van de veranderlykheid, zo wel in Landschappen als in andere verkiezingen; daar en boven de overvloedige middelen, die daar uit voortkomen, tot verrykinge onzer Ordinantien, en boven de gemeene trant.

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Wie nu het gezegde wel overweegd, moet met my toestaan, dat de deftigheid en welgemanierdheid twee uitneemende zaaken zyn, aan welke zo veel gelegen is, dat wanneer het in een schildery ontbreekt, men het zelve niet voor goed kan keuren: ja ik oordeel het de ziel van een konstig schildery te zyn. Het is met de schoone pronkzieraaden niet te doen, maar als een deftige en eedele ziel in een welgesteld lichchaam werkt, zyn alle die dingen [NDR : pronkzieraaden] onnut om de waare deftigheid uit te drukken; wanneer men met verstand, dan het zelve noch oppronkt, zo krygt het wel een grooter luyster, maar niet het wezen der zaak aangebragt, ook maakt zulks geen der hertstochten in de wezens. Rafaël, Poussyn, Dominiquin, noch Barotius, hebben daar niet van gehouden, en echter door hunne eenvoudigheid, de ongemeene deftigheid en grootsheid in hunne beelden vertoond.

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DE verscheidene lichten in een Stuk oordeelen zommige dat onmogelyk wel konnen staan: want, zeggen zy, indien het goed was, zo zouden Raphaël, Carats, Titiaan, Poussyn, en andere braave Meesters meer die manier wel voor goed gekeurd, en niet verworpen hebben. Ja de Fransche Academisten, voegen zy'er by, die tot zulk een hoogen top gereezen zyn, besluiten eenpaariglyk, dat men niet als een eenig licht in 't algemeen zal gebruiken; verwerpende een Schildery dat meer als een licht vertoond. By gevolg oordeelen zy, dat de gezegde lichten maar een vinding zyn van Hollandsche Meesters, die het Antiek niet verstaan, welke maar alleen de natuurlykheid beoogen, om de onkundigen aan te lokken. Waar op ik zeg, dat, hoewel Raphaël, Poussyn, en andere groote Konstenaars het zelve in hunne Werken niet getoond, maar zich enkelyk aan een algemeen licht gehouden hebben, zulks niet en spruit uit een verachting of verwerping van het zelve, als of het tegen de natuur en konst zoude stryden; maar alleen dat zy 'er toen noch niet om gedagt, of 'er van geweeten hebben: alzo de Konst toenmaals in die deelen haare volmaaktheid noch niet had bereikt of verkreegen. Niet dat ik zeg, dat zulk een Stuk met verscheidene lichten beter is, als met een alleen 't geen natuurlyk is verbeeld; maar wel dat, als het zo te pas komt en konstig uitgewerkt is, het een schildery een veranderlyke welstand byzet [...]Met deze voorbeelden meen ik genoegsaam verklaard te hebben de natuur en werking van verscheidene lichten; als mede hoe voordeelig de kennis daar van is, zo wel in zon-als gemeen licht, ten opzichte van de veranderlykheid, zo wel in Landschappen als in andere verkiezingen; daar en boven de overvloedige middelen, die daar uit voortkomen, tot verrykinge onzer Ordinantien, en boven de gemeene trant.

Quotation

Soo veel als’er tot noch toe de naam van Konstkenders en beminnaars met waarheyd gedragen hebben, zijn doorgaans van oordeel geweest, dat de Oude overblijffselen der goede statu-Beelden en Half ronden en ’t geen in de bloey-tijd der Schilder en Bootseer-kunde gemaakt is voor de Schoonste in de Konst, en voor de Leerlingen de beste en volmaaktste Voor-beelden te houden sijn. Welke waarheyd van de neerstigen Heer Jan de Bisschop, aangemerkt zijnde, hem ook opentlijk in de Opdragt van sijn vijftig eerst uytgegeven statu-Beelden, heeft doen belijden; dat hy door lange ervarentheyd, in dat gevoelen meer en meer bevestigt was. Want het zy, segt hy, dat we onse meeninge bouwen op d’agting en hoogen prijs, welke voor dusdanige Konstbeelden, al van ouden tijden is betaald geworden, (waar van Cicero, Plinius en andere mannen van kennis; Beneffens de daaglijxse ervarentheyd getuygen konnen zijn:) of dat wy Raphael d’Urbijn, of Michel Angelo en sulke Meesters, ’t selve niet alleen met woorden, maar ook met der daat sien bevestigen; wy sullen bevinden datse hun geheele oeffening dar na gerigt hebben. En voor soo ver, veel eer Roovers dan Navolgers geworden zijn. Waarlijk seyd hy vorder, daar is geen andere reden, dat Vrankrijk, nu in der daat de Kroon spannende, het nu soo ver gebracht heeft, als dat het te Roomen met goede opmerking, de Oude Pronkbeelden wel doorsien, en der selver navolger Poussijn met veel Eer ontfangen, en seer hoog geagt heeft.

Quotation

Het is myn vast gevoelen dat de Oeffening der plooijen niet volkomen geleerd kan worden, zonder de Leeman te gebruiken; Want wat baat het dat men zich uitmergeld met kleêren uit de Geest te Teikenen als wy ’t leeven voor ons kunnen hebben, zonder welke het onmogelyk is de natuur der Stoffe te doorgronden: daar zich, in tegendeel, veele niet anders oeffenen dan naar de Statuaas en fraaiste printen der beroemste meesters, welke hier in uitgemunt hebben: als Raphaël, Barotius, Guido, Albaan, Pousyn &c; denkende uit dezelfde reeds een gebaande weg te hebben gevonden, om tot genoegzame volkomentheid te geraken, en hun oogmerk te bereiken. Daar men nochtans weet, dat Raphaël voornaamentlyk, die gelegentheid niet gehad hebbende, echter in zyn tyd, de fraayste dingen voor den dag gekomen zyn. Nu zoude men mogen vragen, waarom eenige andere vermaarde Meesters, als Titiaan, Tintoret, Paulo Veronees, Julio Romano, Michel Angelo, Dominiquin, Bassan &c, zo goed daar in niet geoordeeld werden? de reeden is deeze, dat Raphaël het leeven gebruikt heeft, wel te verstaan een Leeman, waar door hy de natuur en eigenschap der Stoffe grondig heeft leeren onderzoeken: alhoewel men hem nogtans zou kunnen beschuldigen dat hy zyn beelden de meesten tyd met eenderly Stoffe kleeden, in voorvallen, daar de verandering genoegzaam verschillende kon geweest hebben. Evenwel moet men bekennen dat ‘er voor, noch naderhand, geen zo ervaren en Konstryk in dezelve geweest is, dan een alleen, te weten Nikolas Poussyn; echter is dit geen wonder; dewyl hy het Natuurlyke leeven onderzocht en gebruikten gelyk hem bewust was dat Raphaël gedaan had, en niet gelyk anderen die alleen zyn werk navolgden: daarom zyn zy ook slegter geweest, hebben minder kennis gehad, en meenigmaal niet van de natuur der stoffe of plooijen geweeten.

Quotation

Het is myn vast gevoelen dat de Oeffening der plooijen niet volkomen geleerd kan worden, zonder de Leeman te gebruiken; Want wat baat het dat men zich uitmergeld met kleêren uit de Geest te Teikenen als wy ’t leeven voor ons kunnen hebben, zonder welke het onmogelyk is de natuur der Stoffe te doorgronden: daar zich, in tegendeel, veele niet anders oeffenen dan naar de Statuaas en fraaiste printen der beroemste meesters, welke hier in uitgemunt hebben: als Raphaël, Barotius, Guido, Albaan, Pousyn &c; denkende uit dezelfde reeds een gebaande weg te hebben gevonden, om tot genoegzame volkomentheid te geraken, en hun oogmerk te bereiken. Daar men nochtans weet, dat Raphaël voornaamentlyk, die gelegentheid niet gehad hebbende, echter in zyn tyd, de fraayste dingen voor den dag gekomen zyn. Nu zoude men mogen vragen, waarom eenige andere vermaarde Meesters, als Titiaan, Tintoret, Paulo Veronees, Julio Romano, Michel Angelo, Dominiquin, Bassan &c, zo goed daar in niet geoordeeld werden? de reeden is deeze, dat Raphaël het leeven gebruikt heeft, wel te verstaan een Leeman, waar door hy de natuur en eigenschap der Stoffe grondig heeft leeren onderzoeken: alhoewel men hem nogtans zou kunnen beschuldigen dat hy zyn beelden de meesten tyd met eenderly Stoffe kleeden, in voorvallen, daar de verandering genoegzaam verschillende kon geweest hebben. Evenwel moet men bekennen dat ‘er voor, noch naderhand, geen zo ervaren en Konstryk in dezelve geweest is, dan een alleen, te weten Nikolas Poussyn; echter is dit geen wonder; dewyl hy het Natuurlyke leeven onderzocht en gebruikten gelyk hem bewust was dat Raphaël gedaan had, en niet gelyk anderen die alleen zyn werk navolgden: daarom zyn zy ook slegter geweest, hebben minder kennis gehad, en meenigmaal niet van de natuur der stoffe of plooijen geweeten.

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Soo veel als’er tot noch toe de naam van Konstkenders en beminnaars met waarheyd gedragen hebben, zijn doorgaans van oordeel geweest, dat de Oude overblijffselen der goede statu-Beelden en Half ronden en ’t geen in de bloey-tijd der Schilder en Bootseer-kunde gemaakt is voor de Schoonste in de Konst, en voor de Leerlingen de beste en volmaaktste Voor-beelden te houden sijn. Welke waarheyd van de neerstigen Heer Jan de Bisschop, aangemerkt zijnde, hem ook opentlijk in de Opdragt van sijn vijftig eerst uytgegeven statu-Beelden, heeft doen belijden; dat hy door lange ervarentheyd, in dat gevoelen meer en meer bevestigt was. Want het zy, segt hy, dat we onse meeninge bouwen op d’agting en hoogen prijs, welke voor dusdanige Konstbeelden, al van ouden tijden is betaald geworden, (waar van Cicero, Plinius en andere mannen van kennis; Beneffens de daaglijxse ervarentheyd getuygen konnen zijn:) of dat wy Raphael d’Urbijn, of Michel Angelo en sulke Meesters, ’t selve niet alleen met woorden, maar ook met der daat sien bevestigen; wy sullen bevinden datse hun geheele oeffening dar na gerigt hebben. En voor soo ver, veel eer Roovers dan Navolgers geworden zijn. Waarlijk seyd hy vorder, daar is geen andere reden, dat Vrankrijk, nu in der daat de Kroon spannende, het nu soo ver gebracht heeft, als dat het te Roomen met goede opmerking, de Oude Pronkbeelden wel doorsien, en der selver navolger Poussijn met veel Eer ontfangen, en seer hoog geagt heeft.

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Het is myn vast gevoelen dat de Oeffening der plooijen niet volkomen geleerd kan worden, zonder de Leeman te gebruiken; Want wat baat het dat men zich uitmergeld met kleêren uit de Geest te Teikenen als wy ’t leeven voor ons kunnen hebben, zonder welke het onmogelyk is de natuur der Stoffe te doorgronden: daar zich, in tegendeel, veele niet anders oeffenen dan naar de Statuaas en fraaiste printen der beroemste meesters, welke hier in uitgemunt hebben: als Raphaël, Barotius, Guido, Albaan, Pousyn &c; denkende uit dezelfde reeds een gebaande weg te hebben gevonden, om tot genoegzame volkomentheid te geraken, en hun oogmerk te bereiken. Daar men nochtans weet, dat Raphaël voornaamentlyk, die gelegentheid niet gehad hebbende, echter in zyn tyd, de fraayste dingen voor den dag gekomen zyn. Nu zoude men mogen vragen, waarom eenige andere vermaarde Meesters, als Titiaan, Tintoret, Paulo Veronees, Julio Romano, Michel Angelo, Dominiquin, Bassan &c, zo goed daar in niet geoordeeld werden? de reeden is deeze, dat Raphaël het leeven gebruikt heeft, wel te verstaan een Leeman, waar door hy de natuur en eigenschap der Stoffe grondig heeft leeren onderzoeken: alhoewel men hem nogtans zou kunnen beschuldigen dat hy zyn beelden de meesten tyd met eenderly Stoffe kleeden, in voorvallen, daar de verandering genoegzaam verschillende kon geweest hebben. Evenwel moet men bekennen dat ‘er voor, noch naderhand, geen zo ervaren en Konstryk in dezelve geweest is, dan een alleen, te weten Nikolas Poussyn; echter is dit geen wonder; dewyl hy het Natuurlyke leeven onderzocht en gebruikten gelyk hem bewust was dat Raphaël gedaan had, en niet gelyk anderen die alleen zyn werk navolgden: daarom zyn zy ook slegter geweest, hebben minder kennis gehad, en meenigmaal niet van de natuur der stoffe of plooijen geweeten.

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[...] le Peintre devoit tellement assujettir toutes les parties qui entrent en la composition de son Tableau, qu'elles concourrent ensemble à former une juste idée du sujet, en sorte qu'elles puissent inspirer dans l'esprit des regardans des émotions convenables à cette idée, & que si il se rencontroit dans la narration de l'Histoire même, quelque circonstance qui y fut contraire, on la devoit supprimer ou si fort negliger quelle n'y pût faire aucune interruption, qu'on peut neanmoins prendre une discrette liberté de choisir des incidens favorables, ou quelque allegorie qui convienne au sujet pour la varieté du Contraste, mais que l'on doit éviter de faire paroître ensemble des choses incompatibles ; par exemple la verité des choses Saintes avec les Prophanes, ou paroître ensemble des personnes qui n'ont été qu'en des tems fort éloignés l'un de l'autre.

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‘Tis observable that tho’ Tasso says only Erminia cuts off her hair, Poussin was forc’d to explain what she cut it off withal, and he has given her her Lover’s Sword [ndr : Poussin, Herminie et Tancrède]. We don’t at all question but there will be those who will fancy they have here discover’d a notorious Absurdity in Poussin, it being impossible to cut Hair with a Sword ; but though it be, a Pair of Scissars instead of it, though much the sitter for the purpose, had spoil’d the Picture ; Painting, and Poetry equally disdain such low, and common things. This is a Lycence much of the same kind with that of Raffael in the Carton of the Draught of Fishes, where the Boat is by much too little for the Figures that are in it ; or with the Laacon, who is naked, whereas being a Priest in his Sacerdotal Office, he must have been suppos’d to have been clad : But we need not tell you, Sir [ndr : ce passage est la retranscription d’une lettre de Richardson, père et fils, à un « gentleman at Rotterdam »], why those Noble pieces of Painting, and Sculpture were so managed.

Quotation

DE verscheidene lichten in een Stuk oordeelen zommige dat onmogelyk wel konnen staan: want, zeggen zy, indien het goed was, zo zouden Raphaël, Carats, Titiaan, Poussyn, en andere braave Meesters meer die manier wel voor goed gekeurd, en niet verworpen hebben. Ja de Fransche Academisten, voegen zy'er by, die tot zulk een hoogen top gereezen zyn, besluiten eenpaariglyk, dat men niet als een eenig licht in 't algemeen zal gebruiken; verwerpende een Schildery dat meer als een licht vertoond. By gevolg oordeelen zy, dat de gezegde lichten maar een vinding zyn van Hollandsche Meesters, die het Antiek niet verstaan, welke maar alleen de natuurlykheid beoogen, om de onkundigen aan te lokken. Waar op ik zeg, dat, hoewel Raphaël, Poussyn, en andere groote Konstenaars het zelve in hunne Werken niet getoond, maar zich enkelyk aan een algemeen licht gehouden hebben, zulks niet en spruit uit een verachting of verwerping van het zelve, als of het tegen de natuur en konst zoude stryden; maar alleen dat zy 'er toen noch niet om gedagt, of 'er van geweeten hebben: alzo de Konst toenmaals in die deelen haare volmaaktheid noch niet had bereikt of verkreegen. Niet dat ik zeg, dat zulk een Stuk met verscheidene lichten beter is, als met een alleen 't geen natuurlyk is verbeeld; maar wel dat, als het zo te pas komt en konstig uitgewerkt is, het een schildery een veranderlyke welstand byzet [...]Met deze voorbeelden meen ik genoegsaam verklaard te hebben de natuur en werking van verscheidene lichten; als mede hoe voordeelig de kennis daar van is, zo wel in zon-als gemeen licht, ten opzichte van de veranderlykheid, zo wel in Landschappen als in andere verkiezingen; daar en boven de overvloedige middelen, die daar uit voortkomen, tot verrykinge onzer Ordinantien, en boven de gemeene trant.

Quotation

Thus Aglaphontes us’d but one Colour, no more did Nitia the Athenian Painter ; and it was this Relievo also for which the famous Zeuxis became so renound’d : not to insist on Heredices the Corinthian, and Thelophanes the Sicyonian, who were both of them but Monochromists ; and, ‘till Cleophanes came amongst them, no dissemblers, as owning no other Colours but those eminent Contraries ; that is, the lights and the shades, in the true managing whereof, so many wonders are to be produc’d by this Art, and even a certain splendor, and beauty in the touches of the Burin, so as the very Union and colouring it self may be conceiv’d without any force upon the imagination, as we have before observed in these excellent Gravings of Natalis, Rouslet, and Poisly, after Bourdon ; and in what Greuter, Blomart, and some others have done after Monsieur Poussin, Guido Rhene, Cortoon, &c.

Quotation

Nous aprenons de Felibien dans la vie de Poussin, que ce Peintre consulté sur la Peinture, par un de ses amis, luy avoit écrit, qu'elle est une imitation faite avec lignes & couleurs, en quelque superficie, de tout ce qui se voit sous le Soleil, dont la fin est la delectation.

Quotation

Wie nu het gezegde wel overweegd, moet met my toestaan, dat de deftigheid en welgemanierdheid twee uitneemende zaaken zyn, aan welke zo veel gelegen is, dat wanneer het in een schildery ontbreekt, men het zelve niet voor goed kan keuren: ja ik oordeel het de ziel van een konstig schildery te zyn. Het is met de schoone pronkzieraaden niet te doen, maar als een deftige en eedele ziel in een welgesteld lichchaam werkt, zyn alle die dingen [NDR : pronkzieraaden] onnut om de waare deftigheid uit te drukken; wanneer men met verstand, dan het zelve noch oppronkt, zo krygt het wel een grooter luyster, maar niet het wezen der zaak aangebragt, ook maakt zulks geen der hertstochten in de wezens. Rafaël, Poussyn, Dominiquin, noch Barotius, hebben daar niet van gehouden, en echter door hunne eenvoudigheid, de ongemeene deftigheid en grootsheid in hunne beelden vertoond.

Quotation

A l’égard du raport qui peut y avoir entre une seule tête & l’ordonnance de plusieurs figures ensemble, il consiste en l’effet du jour & de l’ombre, en l’unité du point perspectif, au fuyant ou diminution des parties reculées & dans la conformité qu’elles doivent avoir pour concourir en l’expression d’une même passion comme à l’idée d’un seul sujet. C’est à quoi aussi ce peut fort bien rapporter la comparaison qu’on fait ordinairement d’une grape de Raisin à l’Ordonnance d’un Tableau, tant pour la disposition des groupes & des figures que pour la distribution de la lumiere ; les groupes étant en l’Ordonnance comme des petites branches ou grapilions, qui bien qu’ils soient distincts & comme separés s’unisent neanmoins comme pour ne faire qu’un tout ensemble : ainsi la lumiere doit jetter son principal éclat en un seul endroit, & aller toûjours en diminuant sur les parties qui s’en éloignent.

Quotation

PRINCIPES
Que tout homme capable de raison peut apprendre
Il ne se donne point de visible sans lumiere.
Il ne se donne point de visible sans forme.
Il ne se donne point de visible sans couleur.
Il ne se donne point de visible sans distance.
Il ne se donne point de visible sans instrument.

Quotation

On considera mesme dans les effets du jour trois parties dignes d’estre remarquées. La premiere, une lumiere souveraine, qui est celle qui frape davantage ; la seconde, une lumiere glissante sur les objets ; & la troisième, une lumiere perduë, & qui se confond par l’épaisseur de l’air.

Quotation

C’est un effet de l’habileté du Peintre de bien disposer ces groupes, de les varier tant par les attitudes & les actions des figures, que par les effets des lumieres & des ombres ; mais d’une maniere où le jugement agisse toujoûrs, pour ne pas outrer les actions, ni rendre son sujet desagréable par des ombres trop fortes & de grands éclats de lumieres donnez mal-à-propos.

Quotation

Il est donc vray qu'il s'agissoit entre Protogene & Appelle d'une adresse de main, & de voir à qui feroit un trait plus delié. Cette sorte d'adresse a longtemps tenu lieu d'un grand merite  parmi les Peintres. L'O de Giotto en est une preuve […].
Mais il y a déja long-temps que ces sortes d'adresses ne sont plus d'aucun merite parmy les Peintres. […] Le Poussin lorsque la main luy trembloit, & qu'à peine il pouvoit placer son pinceau & sa couleur où il vouloit, a fait des tableaux d'une beauté inestimable, pendant que mille Peintres qui auroient fendu en dix le trait le plus delicat du Poussin, n'ont fait que des tableaux tres-mediocres. Ces sortes de proüesses sont des signes évidens de l'enfance de la peinture. Quelques années avant Raphael & le Titien, il s'est fait des tableaux, & nous les avons encore, dont la beauté principale consiste dans cette finesse de lineamens, on y conte tous les poils de la barbe & tous les cheveux de la teste de chaque figure.

Quotation

La mécanique de la Peinture est très-pénible, mais elle n'est pas rebutante pour ceux qui sont nez avec le génie de l'art. Ils sont soutenus contre le dégoût par l'attrait d'une profession à laquelle ils se sentent propres, & par le progrès sensible qu'ils font dans leurs études. Les Eleves trouvent encore partout des Maîtres qui leur abregent le chemin. Que ces Maîtres soient de grands hommes ou des ouvriers médiocres, il n'importe, l'Eleve qui aura du génie, profitera toujours de leurs enseignements. Il lui suffit que ces Maîtres lui puissent enseigner une pratique, qu'on ne sçauroit ignorer, quand on a professé cet art durant dix ou douze années. Un Eleve qui a du génie, apprend à bien faire, en voïant son Maître faire mal. La force du génie change en bonne nourriture les préceptes les plus mal digerez. Ce qu'un homme né avec du génie, fait de mieux, est ce que personne ne lui a montré à faire. […]

Quotation

Au lieu que les Artisans sans génie, qui sont aussi propres à être les Eleves du Poussin que du Titien, demeurent durant toute leur vie dans la route où le hazard les peut avoir engagez, les Artisans doüez de génie, s'apperçoivent, quand le hazard les égare, que la route qu'ils ont prise n'est point celle qui leur convient. Ils l'abandonnent pour en prendre une autre ; ils quittent celle de leur maître pour s'en faire une nouvelle. Par maître, j'entends ici les ouvrages aussi bien que les personnes.Raphaël, mort depuis deux cens ans, peut encore faire des Eleves. Notre jeune Artisan, doüé de génie, se forme donc lui-même une pratique pour imiter la nature, & il forme cette pratique des maximes résultantes de la réflexion qu'il fait sur son travail & sur le travail des autres. Chaque jour ajoûte ainsi de nouvelles lumieres à celles qu'il avoit acquises précedemment. […] Le génie est dans les hommes, ce qui vieillit le dernier. […] Plusieurs témoins oculaires m'ont raconté, que le Poussin avoit été jusques à la fin de sa vie un jeune Peintre du côté de l'imagination. Son mérite avoit survécu à la dextérité de sa main, & il inventoit encore, quand il n'avoit plus les talens nécessaires à l'exécution de ses inventions.

Quotation

Les Restaurateurs de la Peinture : ces Heros des derniers siècles : Je veux dire ceux qui ont rétabli la connoissance du Dessein dans la perfection où elle est maintenant […]. Le premier maître qu’on consulte étant à Rome, c’est Raphaël Santio, qui est en possession de la premiere place […] personne ne l’a pû surpasser depuis : En un mot, la Noblesse, les graces, la delicatesse du contour, son le partage de Raphaël. […] Michel-Ange est un oracle : mais un Oracle que peu de Peintres ont seu developper, qui pourtant est très favorable à ceux qui peuvent comprendre. La fierté, la grandeur sont son caractere : les attachemens des os, la fonction & la situation des muscles sa sience. […] Jule Romain au reste a des conceptions surprenantes, & est grand imitateur de l’antiquité. […] Annibal Carache […] on y trouve de la force, de la grace, & tout ce qu’on remarque dans les plus belles antiquité, dont il a donné le caractere à ses ouvrages. […] Un grand nombre d’amateurs de cét Art, particulierement en France regardent nôtre celebre Poussin comme l’Auteur d’une nouvelle école : parce qu’on remarque dans ses ouvrages une belle varieté de proportions, suivant le diferent caractere des personnes, depuis l’enfance jusqu’à la vieillesse.

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’T en is oock niet geraden, seght Franciscus Iunius, dat wy ons selven tot eenen Meester alleen overgeven, om die in alle dingen te volgen: Apelles was ongetwijffelt den aldervermaersten, nochtans hebben hem wel eenige in ’t een of ’t ander deel te boven gegaen: Hy wiert wel van d’Oude Meesters gepresen, maer niet dat hy alleen behoorde na-gevolght te worden. {Hoemen van verscheyde Meesters het beste moet kiesen ende t’samen voegen.} ’t Soude wel Goet zijn als Apelles te werden, maer wat kan ’t schaden datmen tot de bevalligheyt van Apelles toevoeght de Geluck-stoutigheyt van Zeuxis, d’onvermoeyde neerstigheydt van Protogenes, de kloecke diepzinnigheydt van Nicophanes; ende andere hare deughden meer aen te namen. Soo seggen wy nu oock, wat kan het hinderen soo wy Raphel Vrbijn als een lichtende Fackel in fraye ordineeringhe, zedige besigheyt der Beelden, ende grootse gedachten willen navolgen, dat wy daer by soecken te krijgen de wisse Teyckeningh en vaste omtrecken van Carats, Testa ende andere; de bevalligheydt, cierlijcke playsantie, ende rijcke Majesteyt van Pietro de Cortone, de verstandige waernemingh der vlacke schaduwen en dagen, Crokeringh ende natuerlijcke Coloreeringh van Poussijn, Barotius, Symon Vouet, ende watmen meer na sijn humeur en gave oordeelt, in andere Meesters, navolgenswaerdigh te zijn.

Quotation

Voor myn besluit zal ik hier nog iets aanmerken, weegens vierderly byzondere manieren der Oude Antiken.
D’eerste Stark, Kloek, en Robust; dezelve is naagevolgt, door Michel Angelo, Karats, en ’t heele School van Boulogne; welke manier eigentlyk , van de Stad Atheenen oorspronkelyk is.
De tweede, Swak en Vrouwagtig, welke waargenomen wierd door Jan de Boullogne, en meer anderen; die men oordeeld van Korinthen afkomstig te zyn.
De derde, vol van Teeder en Bevalligheid; die men voorgeeft dat Apelles, Phidias en Praxitieles gevolgt hebben, welke manier in zeer groote agtinge gehouden wierd, en vast steld van Rhodes oorspronkelyk te weezen.
Met de vierde, wijst ons aan een grootse ommetrek, als mede Natuurlyk, Seedig en Korrekt; zynde naagevolgt door Raphaël, Pousyn, &c. en is afkomstig van Siconien, een stad uit Peloponnesen: is eygenthlyk zo tot volmaaktheid geraakt, om dat uit ieder manier het beste gekoozen is, en by een gevoegt is.

Quotation

MANIERE, MANIERISTE, MANIERÉ. Maniere en terme de Peinture est la même chose que style en terme de littérature : ainsi la maniere d’un Peintre est la façon particuliere de dessiner, de colorier, de composer, d’exprimer ; selon que cette maniere approche plus ou moins de la nature & du beau : on l’appelle bonne ou mauvaise maniere
C’est à la
maniere qu’on reconnoît les ouvrages d’un Peintre, dont on aura déja vû quelque tableau. 
La
maniere dégénere en défaut lorsqu’elle est trop uniforme, & qu’un Peintre se copie continuellement lui-même, dans ses attitudes, dans les airs de tête, dans les autres expressions : c’est ce que les Peintres appellent tomber dans la maniere
Ceux qui tombent dans ce défaut, s’appellent
manieristes. Un dessein manieré
Les desseins du
Teste sont manierés
On distingue ordinairement trois
manieres dans un même Peintre. La premiere, qu’il s’est formée sur le goût de son maître : ainsi Raphaël travailla d’abord dans la maniere du Perugin son maître, & s’abandonna à son propre génie. La troisiéme qui dégénere ordinairement dans ce qu’on appelle proprement maniere, c’est le défaut dont je viens de parler, & c’est celui de presque tous les Peintres, qui par sterilité, ou par paresse, contractent la mauvaise habitude de se répéter. De Piles.
Maniere ne se dit qu’au singulier. La maniere du Poussin, & non pas les manieres du Poussin. Il faut en excepter deux cas : 1°. lorsqu’on parle de plusieurs Peintres : connoître les manieres, c’est distinguer parmi plusieurs tableaux, l’Auteur de chacun en particulier. 2°. Lorsqu’on parle des différentes manieres d’un Peintre ; Raphaël a eu plusieurs manieres.

Quotation

[...] l’un François nommé N. Poussin de present à Rome, & l’autre Italien dit P. Bertin de Cortonne, ou Cortonneze, qui sans contredit & sans faire tort à aucuns, tiennent à present le plus haut degré d’excellence en cét Art, quoy que differents en Gousts ou maniere ; l’un, sur ceux qui sont touchez du Goust du bel Antique & du Raphaël ; L’autre, sur une bonne partie des autres Gousts ou manieres. 

Quotation

Mais lorsqu’il s’agit de copier les Tableaux des grands Maîtres, il faut que le Graveur se détache entierement de la propre maniere qu’il pourroit avoir de dessiner, pour se conformer à celle des ouvrages qu’il veut imiter & s’y conserver le caractere qui fait distinguer les manieres les unes des autres : & pour cet effet l’on doit beaucoup dessiner & bien du soin d’après les peintures de Rapahaël, des Carraches, du Dominiquain, du Poussin, &c. que si l’occasion ne se présente pas de pouvoir copier ces ouvrages, & qu’on ne puisse que les voir, il faut en remarquer toutes les beautés & les saisir dans la mémoire par une forte application d’esprit, & s’efforcer de reconnoître la différence de chacun dans la manière de tracer les contours.

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MANIERE, MANIERISTE, MANIERÉ. Maniere en terme de Peinture est la même chose que style en terme de littérature : ainsi la maniere d’un Peintre est la façon particuliere de dessiner, de colorier, de composer, d’exprimer ; selon que cette maniere approche plus ou moins de la nature & du beau : on l’appelle bonne ou mauvaise maniere
C’est à la
maniere qu’on reconnoît les ouvrages d’un Peintre, dont on aura déja vû quelque tableau. 
La
maniere dégénere en défaut lorsqu’elle est trop uniforme, & qu’un Peintre se copie continuellement lui-même, dans ses attitudes, dans les airs de tête, dans les autres expressions : c’est ce que les Peintres appellent tomber dans la maniere
Ceux qui tombent dans ce défaut, s’appellent
manieristes. Un dessein manieré
Les desseins du
Teste sont manierés
On distingue ordinairement trois
manieres dans un même Peintre. La premiere, qu’il s’est formée sur le goût de son maître : ainsi Raphaël travailla d’abord dans la maniere du Perugin son maître, & s’abandonna à son propre génie. La troisiéme qui dégénere ordinairement dans ce qu’on appelle proprement maniere, c’est le défaut dont je viens de parler, & c’est celui de presque tous les Peintres, qui par sterilité, ou par paresse, contractent la mauvaise habitude de se répéter. De Piles.
Maniere ne se dit qu’au singulier. La maniere du Poussin, & non pas les manieres du Poussin. Il faut en excepter deux cas : 1°. lorsqu’on parle de plusieurs Peintres : connoître les manieres, c’est distinguer parmi plusieurs tableaux, l’Auteur de chacun en particulier. 2°. Lorsqu’on parle des différentes manieres d’un Peintre ; Raphaël a eu plusieurs manieres.

Quotation

MANIERE, MANIERISTE, MANIERÉ. Maniere en terme de Peinture est la même chose que style en terme de littérature : ainsi la maniere d’un Peintre est la façon particuliere de dessiner, de colorier, de composer, d’exprimer ; selon que cette maniere approche plus ou moins de la nature & du beau : on l’appelle bonne ou mauvaise maniere
C’est à la
maniere qu’on reconnoît les ouvrages d’un Peintre, dont on aura déja vû quelque tableau. 
La
maniere dégénere en défaut lorsqu’elle est trop uniforme, & qu’un Peintre se copie continuellement lui-même, dans ses attitudes, dans les airs de tête, dans les autres expressions : c’est ce que les Peintres appellent tomber dans la maniere
Ceux qui tombent dans ce défaut, s’appellent
manieristes. Un dessein manieré
Les desseins du
Teste sont manierés
On distingue ordinairement trois
manieres dans un même Peintre. La premiere, qu’il s’est formée sur le goût de son maître : ainsi Raphaël travailla d’abord dans la maniere du Perugin son maître, & s’abandonna à son propre génie. La troisiéme qui dégénere ordinairement dans ce qu’on appelle proprement maniere, c’est le défaut dont je viens de parler, & c’est celui de presque tous les Peintres, qui par sterilité, ou par paresse, contractent la mauvaise habitude de se répéter. De Piles.
Maniere ne se dit qu’au singulier. La maniere du Poussin, & non pas les manieres du Poussin. Il faut en excepter deux cas : 1°. lorsqu’on parle de plusieurs Peintres : connoître les manieres, c’est distinguer parmi plusieurs tableaux, l’Auteur de chacun en particulier. 2°. Lorsqu’on parle des différentes manieres d’un Peintre ; Raphaël a eu plusieurs manieres.

Quotation

J’ay veu de ses Tableaux [ndr : de Nicolas Poussin], et voudrois bien sçavoir
Si pour la draperie il faut tout sans rien voir ;
Ou si le Manequin propre à tant de postures
Luy sert de prototype à drapper ses figures.
{16. Le Manequin inutile à draper les figures qui sont dans des postures agitées.}
[…]
Car bien qu’un manequin, sur les jointures roule
À la faveur des Vis qui serrent chaque boule :
Si nous voyons pourtant malgré tous leurs efforts
Que les gestes qu’il fait sont languissants et morts.

Quotation

[…] parce que la chose est tres-importante, je ne puis m’empécher de luy [le disciple] apprendre l’invention du fameux M. Poussin […]
Cet homme admirable & divin inventa une planche barlongue, comme nous l’appelons, qu’il faisoit selon la forme qu’il vouloit donner à son sujet, dans laquelle il faisoit certaine quantité de trous où il mettoit des chevilles, pour tenir ses manequins dans une assiéte ferme & asseurée, & les ayant placés dans leur scituation propre et naturelle, il les habilloit d’habits convenables aux figures qu’il vouloit peindre, formant les draperies avec la pointe d’un petit bâton, […] & leur faisant la teste, les pieds, les mains & le corps nud, comme on fait les Anges, les elevations des Païsages, les pieces d’Architecture, & les autres ornemens avec de la cire molle, qu’il manioit avec adresse & avec une tranquilité singuliere : En ayant exprimé ses Idées de cette manière, il dressoit une boëtte Cube, ou plus longue que large, selon la forme de sa planche, qui servoit d’assiette à son Tableau, laquelles boëtte il bouchoit bien de tous costés, hormis celuy par où il ouvroit toute sa planche qui soutenoit ses Figures, la posant de sorte que les extremités de la boëtte tomboient sur celles de la planche, entourant ainsi & embrassant, pour ainsi dire, toute cette grande machine.
Ces choses estant preparées de la façon, il consideroit la disposition du lieu où son Tableau devoit estre mis. Si c’estoit dans une Eglise, il regardoit la quantité de fenestres, & remarquoit celles qui donnoient plus de jour à l’endroit destiné pour le metre, si le jour venoit par devant, par le côté, ou par le haut, s’il y venait de plusieurs côtés, ou lequel dominait davantage sur les autres. Et après toutes ces reflections si judicieuses, il arrestoit l’endroit où son Tableau devoit recevoir son veritable jour, & ainsi il ne manquoit jamais de trouver la place la plus avantageuse pour faire des trous à sa boëtte, en la mesme disposition des fenestres de l’Eglise, & pour donner tous les jours & les demy-jours necessaires à son dessein. Et enfin il faisoit une petite ouverture au devant de sa boëtte, pour voir toute la face de son Tableau à l’endroit de la distance ; & et il pratiquait cette ouverture si sagement, qu’elle ne causoit aucun jour étranger, parce qu’il la fermoit avec son œil, en regardant par là pour designer son Tableau sur le papier dans toutes ses aptitudes, ce qu’il faisait sans oublier le moindre trait ny la moindre circonstance, & et l’ayant esquissé ensuite sur sa toile, il y mettoit la derniere main, après l’avoir bien peint & repeint.

Quotation

The Composition is unexceptionable [ndr : dans Poussin, Tancrède et Herminie] : There are innumerable Instances of Beautiful Contrasts ; [...] The Picture is highly finish’d, even in the parts the most inconsiderable, but in once, or two places there is a little heaviness of Hand ; The Drawing is firmly pronounc’d, and Sometimes, chiefly in the Faces, Hands and Feet ‘tis mark’d more than ordinary with the point of the Pencil.

Quotation

CHOSES
Qui ne s’apprennent point, & qui sont parties essentielles à la Peinture.
PREMIEREMENT pour ce qui est de la matiere, elle doit estre noble, qui n’ait receü aucune qualité de l’ouvrier. Et pour donner lieu au Peintre de montrer son esprit & son industrie, il faut la prendre capable de recevoir la plus excellente forme. Il faut commencer par la disposition, puis par l’ornement, le décore, la beauté, la grace, la vivacité, le costume, la vraysemblance, & le jugement par tout. Ces dernieres parties sont du Peintre, & ne se peuvent enseigner. C’est le rameau d’or de Virgile, que nul ne peut trouver ni cueïllir, s’il n’est conduit par le Destin. Ces neuf parties contiennent plusieurs choses dignes d’estre écrites par de bonnes & sçavantes mains.

Quotation

Commençons, si vous voulez, par ce qu’il [ndr : Poussin] dit, Que la matiere doit estre prise noble ; qu’elle n’ait receü aucune qualité de l’ouvrier ; & que pour donner lieu au Peintre de montrer son esprit & son industrie, il faut la prendre capable de recevoir la plus excellente forme.
Il n’est pas necessaire de vous marquer qu’il parle d’abord du choix des sujets.
Il [ndr : Poussin] veut qu’ils soient nobles, c’est à dire, qu’ils ne traittent que de choses grandes, & non pas de simples representations de personnes, ou d’actions ordinaires & basses. Car bien que l’art de peindre s’étende à imiter tout ce qui est visible, comme il le dit luy-mesme ; il fait néanmoins consister l’excellence de cét art, & le grand sçavoir d’un Peintre dans le beau choix des actions héroïques & extraordinaires. Il veut que lors qu’il vient à mettre la main à l’œuvre, il le fasse d’une maniere qui n’ait point encore esté exécutée par un autre, afin que son ouvrage paroisse comme une chose unique & nouvelle, & que si l’on connoist la grandeur de ses idées, & la beauté de son genie dans la forme extraordinaire qu’il luy donnera, on remarque aussi la netteté & la force de son jugement dans le sujet qu’il aura choisi. C’est par cette haute idée que le Poussin avoit des choses grandes & relevées, qu’il ne pouvoit souffrir les sujets bas, & les peintures qui ne representent que des actions communes ; & qu’il avoit mesme du mépris pour ceux qui ne sçavent que copier simplement la nature telle qu’ils la voyent.