MANIÈRE (n. f.)
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Quotation
[…] parlons à cette heure de la manière de desseigner
Il faut prendre une sorte de papier soit bleu ou gris, ou couche avec quelque fonds un peu cler soit avec de la suye meslée avec un peu d'ancre bien clerement, couche avec une esponge, ou avec suc de raves rouges bouillies affin que le font sur le papier ne soit trop brun & apres se poser devant le modelle, prendre une ferme veüe, n'estre assis ni trop haut ni trop bas : & les deseigner en gros par un eschize de telle grandeur qu'il vous faut, & par apres marquer principalement les plis les plus notables, nettement avec le charbon, & l'ayant bien deseigné que vous trouverez d'avoir bien imité le modelle effaces tant soit peu le gros trait du charbon, & commences a tirer avec pierre de mine ou quelque charbon huilé, ou bien du sanguin, & marques par apres les plus notables ombres avec vostre crayon doucement mais il faut bien garder de ne brouiller vos jours, mais laissant les tons du papier pour l'ombre la plus douce, & la plus legere, par apres prendras ou de la croye blanche brulee & hausser l'endroit ou vous voyez que le jour donne le plus son esclat : comme vous verres en des divers exemples dans mes figures, imprimees avec des couleurs, & puis adoucies avec une estompe ou morceau de papier entortille fermement, coupe en facon d'une estompe, & quelque fois encore avec le petit doit jusqu'à ce qu'il vienne en perfection, mais il faut avoir egard a se gouverner selon les etoffes, je croy qu'il suffit pour les premiers elemens a la jeunesse.
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Quotation
Vous avez à considerer en la graveure plusieurs choses, sçavoir que vous devez faire plusieurs lignes & hacheures de diverses grosseurs droictes & courbes ; ainsi vous jugez bien que pour en faire de bien deliées il se faut servir d’une pointe deliée, & pour d’autres plus grosses, d’une pointe plus grosse & ainsi des autres ; Mais il est necessaire de faire cette observation, que d’une grosse esguille aiguisée en pointe courte, il est difficile de faire un gros traict autrement que par trois voyes.
La premiere en appuyant bien fort […].
La seconde maniere est en faisant plusieurs traicts extremenent prés les uns des autres, & en grossissant à plusieurs reprises ; mais cela est trop long et dificile.
Et la troisieme, de faire un trait moyennement gros & y laisser long temps l’eau forte dessus […].
Or par l’experience que j’en fais tous les jours je trouve que les eschoppes sont plus propres à faire de gros traicts, que ne sont les pointes […].
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La manière renvoie ici tant au goût (grand goût, bon goût, grande et riche manière), qu'à une façon de faire (manière de peindre, de graver, de contretirer; ...). Bosse différencie également les caractéristiques des différentes manières : finie, croquée, léchée, frottée, libre... Comme le souligne Marianne Le Blanc (2004, p. 156-157), la manière est synonyme de goût dans les "Sentimens" de Bosse, lequel n'aborde pas l'ambiguïté du terme, entre style d'un peintre et le travers qui consiste à sortir du vrai et de la nature : la plus grande difficulté pour un peintre étant d'avoir une manière sans être maniéré. La réflexion menée autour de la manière lui permet de formuler une première théorie de l'éclectisme en France. [FH]
Quotation
Et toutefois je croy qu’un Excellent praticien de bon sens, & doüé de la qualité de bien s’exprimer, pourroit par la confrontation de deux ou trois Originaux de plusieurs Peintres, & d’autant de diverses Coppies sur iceux, en donner de grandes instructions à ceux, qui quoy que non Praticiens, y auroient du genie disposition & inclination, principalement pour la difference ou distinction des manieres, outre ce qui en sera dit dans ce Traitté, & aussi sçait-on bien qu’il y a quantité de personnes, & mesme de Condition, lesquels à force d’avoir veu plusieurs Tableaux d’un mesme Autheur, & aussi frequenté & entretenu sur ce point divers Praticiens, en reconnoissent les manieres & parties du reste.
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Quotation
Davantage plusieurs Excellents Peintres, quoy qu’ils n’ayent entierement eu la connoissance de ce qu’on appelle forte ou grande maniere, où ce grand Goust de l’air & de proportion des beaux Antiques, ont fait des Ouvrages qui peuvent passer en quelques particularitez au delà de celles des Peintres ci-devant nommez [ndr : Titien, Raphaël, Jules Romain] , principalement quand ils ont choisi dans la nature & dans leur imagination, les plus belles Figures humaines & mieux proportionnées qu'ils avoient peu, ainsi qu'on fait les Carraces entr'autres principalement Annibal, duquel on voit entre diverses Tailles Douces ou Stampes à l'eau forte, une d'une Aumosne de Sainct Roc, & une petite Descente de Croix qui veritablement meritent d'estre estimées, & de plus aussi sa maniere de peindre, laquelle est à mes yeux extremement franche, pleine & libre, faisant expression d'une chair ferme, mais non à la vérité si tendre, fraiche, vermeille & delicate, que celle du Titian.
CARRACCI, Annibale
CARRACCI, les
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
ROMANO, Giulio
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
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Quotation
Tous les ouvrages de Pourtraiture & Peinture qui ne sont executez par la regle de la Perspective ne peuvent estre que fautifs, principalement quand ils sont composez de plusieurs Corps, de diverses Formes, & en diverses Situations.
Quand lon entend cette regle, on voit incontinent si les Tableaux ont esté faits par icelle ou non, & s’ils ne l’ont esté, lon sçait bien faire la distinction si ceux qui les ont faits, avoient l’œil bien juste à discerner toutes les particularitez d’un Corps, en un mot s’ils estoient excellents a pratiquer cét Art de la premiere manière cy-devant dite, qui est de n‘avoir pour juge de son Ouvrage que l’œil.
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Quotation
Si tous ceux qui pratiquent ainsi à veuë d’œil cét Art, copioient les mesmes Corps visibles de la Nature en sorte que leurs Ouvrages fissent aux yeux la mesme Sensation ou Vision que feroit le Naturel, il y a apparence que lon ne discerneroit en aucuns d’eux des manieres differentes, ains au contraire une seule qui seroit celle du Naturel.
De plus si de mesme arrivoit à tous ceux qui pratiquent la mesme chose par la regle & mesure Perspective, il n’y auroit non plus de Manieres qu’en celles des autres ; Mais il y a en cela une difference qui est, que deux Peintres estans doüez d’un pareil Esprit, bon Œil, & bonne Main, si l’un venoit à s’exercer de Copier toutes choses par la regle, & l’autre à veuë d’œil, il est très asseuré que le premier fera bien plustot, asseurement, & precisement ses Ouvrages, que l’autre.
Cecy soit dit pour expliquer en gros, que le Naturel estant ainsi bien Copié, il n’y auroit point tant de diverses manieres, car ainsi faisant plusieurs qui Copieroient d’apres Nature une mesme teste communement nommée Pourtrait, & d’une mesme position & distance, il arriveroit que tous ces divers Pourtraits seroient entierement semblables, & qu’on ne pourroit pas dire celuy-là est de la maniere d’un tel, ou d’un tel, & ainsi le mesme des autres Corps visibles de la Nature. [...] Car il est tres-constant que si depuis que cét Art de Pourtraiture est inventé, il eust esté tousjours pratiqué par d’Excellens hommes sçavants en la Perspective & touchez de ce bon Goust, nous ne serions point si empeschez à discerner tant de diverses manieres, du moins dans le gros de l’Ouvrage.
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Quotation
[...] En Italie il y avoit entre plusieurs autres ; Leonard Davinci, André Manteigne, Jean Belin, Correge, Giorgion, Michel Ange, Bonarroti, tres-excellent Sculpteur, mais non si bon Peintre, Polidore de Carravage, André Del Sarte, Le Titian, RAPHAËL D’URBIN, & Jules Romain, la plupart d’iceux & principalement en leurs commencemens avoient des manieres de Peindre fort finies, & souvent de telle sorte que la plus grande partie paroist seiche, dure, tranchée & maigre, causée comme je croy par avoir voulu trop finir & achever, comme si l’on eust deû regarder desdits Ouvrages chaque partie à part, & non le tout d’une seule œillade & d’une raisonnable distance ainsi qu’il se doit.
Leonard Davinci, avoit une maniere de Peindre tres-finie, & les couleurs appliquées & estenduës fort uniement, & tiens avec plusieurs qu’elle luy estoit toute particuliere ; Car à ce que j’en ay peu voir, il semble que les Jours & Ombres, soient par maniere de dire comme souflez, noyez, fondus ou perdus ensemble, & grande partie des Eminences des Corps tres-arrondis, principalement les petites parties, ainsi que cela se peut voir en divers Tableaux qu’il a faits, & mesme en deux, l’un de la Gioconde qui est à Fontainebelle-eau, l’autre d’une Flora qui estoit jadis au Cabinet de la feuë Reyne Mere Marie de Medicis, Toutefois une partie des œuvres que j’ay veuës de luy, tiennent tousjours en quelque sorte de la maniere de P. Perrugin, Jean Bellin, & de plusieurs de ces Anciens cy-devant nommez, neantmoins bien plus excellentes à mon gré.
DA VINCI, Leonardo, Portrait de Lisa Gherardini, épouse de Francesco del Giocondo, dit la Joconde, v. 1503, huile sur bois, 77 x 53, Paris, Musée du Louvre, INV. 779
.
MELZI, Francesco, Flora, v. 1520, huile sur bois transposée sur toile, 76 x 63, Saint-Pétersbourg, Musée de l'Hermitage , ГЭ-107.
BELLINI, Giovanni
DA VINCI, Leonardo
DEL SARTO, Andrea
GIORGIONE (Giorgio da Castelfranco)
IL CORREGGIO (Antonio Allegri)
MANTEGNA, Andrea
MICHELANGELO (Michelangelo Buonarroti)
PERUGINO, Pietro (Pietro di Cristoforo Vannucci)
POLIDORO DA CARAVAGGIO
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
ROMANO, Giulio
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
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Quotation
[...] l’un François nommé N. Poussin de present à Rome, & l’autre Italien dit P. Bertin de Cortonne, ou Cortonneze, qui sans contredit & sans faire tort à aucuns, tiennent à present le plus haut degré d’excellence en cét Art, quoy que differents en Gousts ou maniere ; l’un, sur ceux qui sont touchez du Goust du bel Antique & du Raphaël ; L’autre, sur une bonne partie des autres Gousts ou manieres.
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Quotation
Pour ledit Art de la Graveure, il ne doit estre assujetty ainsi que celuy de la Peinture, à n’avoir point de maniere, d’autant que les œuvres d’icelui, peuvent quoy qu’elles tendent à une mesme fin, estre faites de diverses sortes, & par exemple ; lon sçait que chaque Graveur peut conduire ou mener des hacheures de divers sens, & en plus grand nombre qu’un autre, car l’un exprimera son Ouvrage par une taille ou hacheure seule, en grossissant les traits plus ou moins selon la necessité ; l’autre fera de même par deux hacheures l’une sur l’autre ; Un autre fera la mesme chose par un grand nombre, & mesme y adjoustant en divers endroits, de petits traits, & des points, pour attendrir, noyer ou perdre ensemble, les Ombres, Teintes & demi Teintes ; Et finalement d’autres executeront ces mesmes choses par petites hacheures ou traits, & par un nombre de poinctillemens meslez parmy ; & bien souvent le tout par plusieurs points, gros & menus, pressez & eslargis, selon l’occasion : Or ces choses estant bien executées, il est asseuré qu’elles arriveront à une mesme fin, qui est de bien exprimer la forme des corps & partie contenuës en leur Original.
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Quotation
[...] & encore qu’il semble à le bien prendre, qu’il suffiroit à un Peintre afin de passer pour sçavant en son Art, de sçavoir si bien representer dans ses Tableaux toutes les choses visibles de la Nature, qu’elles fissent les mesmes effects à l’œil cy-devant dits, pource qu’y ayant des Gousts ou Affectations de manieres, de l’air & proportion des Figures, de leurs Habits ou Draperies, & suivant les divers païs & modes, ensemble les Païsages, Bastimens, Meubles, & autre chose d’usage, il n’y auroit qu’à l’advertir de ces distinctions
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Quotation
Car par ce moyen chaque chose representeroit ainsi le vray : Mais d’autant que tout cecy ne suffit pas encore entierement à former un Tableau qui soit ce que les tres-sçavans tiennent pour excellent, qui se nomme à present parmy eux la bonne maniere, autrement le bon ou grand Goust
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Quotation
Je me suis trouvé obligé de rebattre icy, que si ceux qui desirent parvenir autant promptement que leur naturel ou disposition le pourra permettre au but de ce Goust ou maniere du bel Antique cy-devant dite ; qu’il faut absolument ne s’attacher ny mesme en considerer aucune autre ; Car ainsi faisant lon se l’imprimera fortement dans l’imagination ; [...]
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Quotation
Qu’il ne faut pas qu’un peintre en imite un autre.
Un peintre ne doit jamais imiter la manière d’un autre peintre, parce qu’il ne seroit appelé que le nepveu, & non pas le fils de la nature, laquelle est si abondante & si feconde en ses productions, qu’on doit plustost recourir à elle-mesme qu’aux peintres qui ne sont que ses disciples.
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Quotation
Maniere, c’est comme le Stille parmy les Poëtes & comme ils sont divers, les Manieres le sont aussi ; De telle sorte que je trouve qu'il y a grande relation des Peintres aux Poëtes. Le Docte Lomasse fait voir la conformité qui se trouve entre les Ouvrages des plus fameux Peintres d’Italie & les Stiles des plus excellents Poëtes de la mesme nation ; […] En un mot autant de Stiles parmy les Poëtes, autant de manieres entre les Peintres. On dit, je cognois que ce tableau est de telle main par la maniere. Un tel suie la maniere d'un tel, &c.
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Quotation
Qu’on trouve moyen de représenter les choses noblement, ingenieusement, et d’une manière grande et magnifique.
Voilà les quatre Parties principales, qui sont le concert, et pour ainsi dire l’harmonie de la Peinture, par la juste relation qu’elles ont entre elles ; Ce que nos Critiques rechercheront rigoureusement dans l'Ouvrage qu'on leur présente ; où j'ai bien peur qu'ils ne trouvent pas assez leur conte pour le sucés de la pretention de nostre Moderne.
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Quotation
Et c’est à celui-cy [ndr : Masaccio] qu’on donne la gloire d’avoir comme ouvert la porte à ceux qui l’ont suivy, pour les faire entrer dans la bonne & veritable maniere de peindre. Il surmonta ce qu’il y a de plus rude & de plus difficile dans cet art, & fut le premier qui fit paroistre ses figures dans de belles attitudes ; qui leur donna de la force, du mouvement, du relief & de la grace. Il representa aussi les racourcissemens mieux que tous les Peintres qui l’avoient précedé.
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Quotation
Lors qu’en Flandre un Peintre [ndr : Van Eyck] qui estoit en assez grande reputation en ce païs-là, & qui se plaisoit dans les secrets de la Chymie, reconnoissant aussi bien que les autres l’incommodité qu’il y avoit de travailler à détrempe, s’apperceut aprés plusieurs essais & diverses experiences, qu’en broyant les couleurs avec de l’huile de noix ou de lin, il s’en faisoit une Peinture solide, qui non seulement resistoit à l’eau, mais encore qui conservoit une vivacité & un lustre qui n’avoit pas besoin de vernix. Il vit de plus, que le mélange & les teintes des couleurs se faisant bien mieux avec de l’huile qu’autrement, les Tableaux avoient beaucoup plus d’union, plus de force & plus de douceur.
Comme il fut extrémement joyeux d’avoir fait une découverte si utile & si avantageuse, il acheva plusieurs Ouvrages dans cette nouvelle maniere ; entre lesquels il y eut un Tableau qu’il jugea digne d’être présenté à Alfonce I. Roy de Naples. Il estoit composé de plusieurs Figures assez bien travaillées. Mais son coloris tout extraordinaire fut ce qui agrea le plus au Roy, et qui surprit tous les sçavants de ces quartiers-là.
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Quotation
Il me souvient d’avoir veu à Rome dans la Vigne Aldobrandine, une Baccanale que ce mesme Peintre [ndr : Bellini] avoit commencée pour Alfonse I. Duc de Ferrare ; mais sa mort l’ayant empesché de la finir, le Titian y fit un païsage admirable. Il est vray que les Figures de Bellin paroissent d’une maniere fort seiche auprés de l’Ouvrage du Titian, & on voit que Jean n’avoit pas encore acquis cette tendresse & cette belle façon de peindre, qui depuis a rendu la pluspart des Peintres de Lombardie si recommandables.
BELLINI, Giovanni
École lombarde
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
Comme le souligne René Démoris dans sa réédition des Entretiens I et II (Paris, Les Belles Lettres, 1987, p. 234 et p. 342 note 54), le tableau mentionné ici par Félibien est selon toute vraisemblance Le festin des Dieux, conservé à la National Gallery de Washington et effectivement attribué à Bellini et Titien.
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Quotation
Il est vray aussi que ces grandes idées qu’il [ndr : Léonard de Vinci] avoit de la perfection & de la beauté des choses, a esté cause que voulant terminer ses Ouvrages au delà de ce que peut l’Art, il a fait des figures qui ne sont pas tout-à-fait naturelles. Il en marquoit beaucoup les contours, il s’arrestoit à finir les plus petites choses, & mettoit trop de noir dans les ombres ; En cela il ne laissoit pas de faire connoistre sa science dans le dessein & dans l’entente des lumieres, par le moyen desquelles il donnoit à tous les corps un relief qui trompe la veuë.
Mais sa [ndr : Léonard de Vinci] maniere de travailler les carnations ne represente point une veritable chair, comme le Titien faisoit dans ses Tableaux. On voit plûtost qu’à force de finir son Ouvrage & d’y arrester le pinceau trop-longtemps, il a fait des choses si achevées & si polies qu’elles semblent de marbre.
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Quotation
Quant au Corege sa maniere est differente de celle du Titien, en ce qu’il n’a pas sceu cette harmonie de couleurs, cette belle conduite de lumieres, & cette fraischeur de teintes si admirable qu’on remarque dans les Tableaux du Titien, où il semble qu’on voye du sang dans ses carnations, tant il les represente naturelles. Mais en recompense le Corege a eu l’imagination plus forte, & a desseigné d’un goust beaucoup plus grand & plus exquis ; Et quoy qu’il ne fust pas tout-à-fait correcte dans son dessein, il y a neanmoins de la force & de la noblesse dans tout ce qu’il a fait. S’il [ndr : Le Corrège] fust sorti de son pays et qu’il eust esté à Rome, dont l’Ecole estoit beaucoup plus excellente pour le dessein que celle de Lombardie, on ne doute pas qu’il ne se fust formé une maniere qui l’auroit rendu égal à tous les plus grands Peintres de ces temps-là, puis que sans avoir veu ces belles Antiques de Rome, ny profité des exemples que les autres Peintres ont eus, il s’est tellement perfectionné dans son Art, que personne depuis luy n’a si bien peint, ny donné à ses figures tant de rondeur, tant de force, & tant de cette beauté que les Italiens appellent morbidezza, qu’il y en a dans les Peintures qu’il a faites.
École lombarde
École romaine
IL CORREGGIO (Antonio Allegri)
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
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Quotation
LE PEINTRE.
Cela est vray, Monsieur, & ce que je trouve admirable touchant la peinture est cette grande diversité de manières, lesquelles quoy que souvent remplies de deffauts & de contrastes, on ne laisse pas d’y trouver des parties merveilleuses, soit en la composition ou invention des divers objets, & au Coloris & Touches du Peinceau ; & enfin au Goust du bel Antique, mais il y en a peu qui y ayent donne universellement.
Le terme "manière" se rapporte ici à la diversité de styles
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Quotation
[ndr : LE PEINTRE]
[...] Pour celles [ndr : les manières] d’Anibal Carrace & de ses Contemporains que j’ay cy-devant nommez, leur imitation n’a garde d’estre si nuisible à vous détourner de ce bon Goust ; ce qui ne fait pas que l’on ne se doive toûjours tenir sur la deffensive, crainte de tomber aprés dans une pratique Manieriste.
LE DISCIPLE.
Monsieur, je vous prie de me dire, ce que vous entendez par ce mot de Manieriste.
LE PEINTRE.
C’est que plusieurs Etudians, qui ayant pris ou la maniere de leurs Maistres, ou celle des Peintres, dont nous avons parlé, va tout premierement ou à une composition & proportion ou à un agencement de Drapperies, & Coloris composé contre l’ordre de cette nature ; & de plus, qui font que la pluspart de leurs figures se ressemblent en proportion de corps, les unes estant courtes & les autres trop Gresles, & toûjours d’un mesme Coloris, soit aussi des ombres trop foibles, & d’autres trop fortes ou brunes, bref en une infinité de manieres, qui font dire, voilà de la maniere d’un tel, & d’un tel.
Car à bien le prendre, lors qu’il ne s’agit que de representer purement en Peinture un objet naturel, au point que cette representation fasse à l’œil toute la mesme vision que luy, on n’en doit point connoistre la maniere.
Je sçay que plusieurs contesteront cette proposition, mais je sçay bien aussi, que ce sera contre justice ; car j’ay veu trois ou quatre Pourtraits de personnes differentes que nombre de Peintres n’ont pas creu estre d’une mesme main ou maniere, au contraire ont demandé de qui est celuy-cy, puis celuy-là ; mais la cause venoit de ce que ce Peintre avoit tellement imité corectement le naturel d’un châcun, qu’il n’y avoit laissé sur sa Toile aucune trace & maniement de Peinceau qui y formast maniere.
Et comme sur châque naturel qui a servy de modelle à faire ces Pourtraits, il n’y a point de maniere qu’à châcun la sienne (s’il faut parler ainsi) le mesme en doit-il estre de chacune de leurs representations si elles sont bien.
Je puis donc conclure avec raison, que sur un Pourtrait bien fait, il ne s’y doit trouver d’autres manieres que celles de son Naturel ou Original, & ainsi que tant plus il y en a moins, mieux luy doit-il ressembler.
Mais comme il est à propos de parler un peu de la maniere de Peindre & de Colorer, je serois bien content de voir quelque chose de ce que vous en avez fait.
Le terme "manière" se rapporte aux différentes manières des maîtres.
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DE PILES, Roger, De l'art de peinture de Charles Alphonse Dufresnoy, Paris, Nicolas Langlois, 1668.
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{I. Precepte. Du Beau}
*La principale & la plus importante partie de la Peinture, est de sçavoir connoistre ce que la Nature a fait de plus beau & de plus convenable à cet Art ; *dont le choix s’en doit faire selon le Goust & la Maniere des Anciens […]
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MANIERE.
Nous appellons Maniere l'habitude que les Peintres ont prise, non seulement dans le maniement du pinceau, mais encore dans les trois principales parties de la Peinture, Invention, Dessein & Coloris : & selon que cette habitude aura esté contractée avec plus ou moins d'étude & de connoissance du beau Naturel & des belles choses qui se voyent de Peinture & de Sculpture, on l'appelle bonne ou mauvaise maniere. C'est par cette Maniere dont il est icy question que l'on reconnoist l'Ouvrage d'un Peintre dont on a déjà veu quelque Tableau, de mesme que l'on reconnoist l'écriture & le stile d'un homme de qui on a déjà receu quelque lettre. L'on dit mesme, connoistre les Manieres, pour dire connoistre de plusieurs Tableaux l'Ouvrage de chaque Peintre en particulier.
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Il ne sera pas hors de propos de parler icy […] de la maniere de faire des portraits, puisque d’ailleurs notre siècle s’y adonne si fort, & c’est sur tout le goust de nostre France.
Pour faire un Portrait, il faut d’abord placer la personne qu’on veut peindre, dans un jour qui luy soit le plus avantageux, & qui soit plus propre pour la bien voir en la peignant, sans qu’on soit obligé de tourner la teste ny le corps. On la dessigne ensuite sur la toile, que les uns impriment, & les autres l’encollent simplement ; & l’ayant dessignée, on prepare sur la palette toutes les teintes necessaires pour la Carnation, & pour la Draperie, s’il luy faut faire l’habit immediatement aprés la teste. Puis, le Peintre s’étant éloigné d’une distance raisonnable & proportionnée, il commencera à peindre avec toute la recherche & l’application dont il sera capable, pour attraper ce naturel & cette resemblance, qui doivent estre son premier objet & sa fin la plus proche : car c’est proprement cette resemblance qui merite d’estre appelée une Seconde Creation, & qui donne au peintre le Tiltre glorieux, d’Imitateur de Dieu et de la Nature.
Il y a des peintres qui commencent à peindre par les bruns, & il y en a d’autres qui commencent par les clairs. Ces deux manieres sont bonnes, mais il me semble que la meilleure est de commencer par les bruns. En premier lieu, parce qu’on dessigne deux fois son Portrait par ce moyen, & qu’on remarque si les parties sont bien en leur place. En deuxiéme lieu, parce qu’en posant les clairs les premiers, si c’est en Esté, avant qu’ont les ayt tous posés, une partie est demy-seiche, en sorte que lorsqu’on veut peindre par dessus, les teintes s’enlevent & s’écorchent.
Quand la teste est peinte, & qu’on trouve qu’elle ressemble assez à la personne, dans la distance qu’elle a été tirée, mais que neanmoins approchant le portrait de l’Original, on y remarque quelque petite difference lors qu’on les confronte l’un contre l’autre d’un peu plus loing, cette difference vient de ce que les clairs et les sombres ne sont pas assez forts dans les principaux traits du visage, lesquels on n’a pas recherchés d’assez prez. Car l’expérience nous démontre clairement, qu’un visage regardé de prés se fait mieux voir, que lorsqu’on le regarde dans la distance que le Peintre prend pour le peindre, à cause de l’opacité de l’air, & de la foiblesse de la veüe.
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L’habitude que l’on fait en ces trois principales parties [ndr : la composition, le dessein, le coloris] s’appelle Maniere qui est bonne ou mauvaise, selon qu’elle aura esté plus ou moins pratiquée sur le vray, avec connoissance, & estude ; Et le bon ou mauvais choix qu’on en fait, se nomme bon ou mauvais Goust.
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Maniere. On appelle ainsi l’habitude que les Peintres ont prise dans la pratique de toutes les parties de la Peinture, soit dans la Disposition, soit dans le Dessein, soit dans le Coloris.
L’on se fait d’ordinaire une habitude qui a rapport aux Maistres sous lesquels on a esté instruit, & qu’on a voulu imiter. Ainsi on connoist la maniere de Michel-Ange, & de Raphaël dans leurs Eleves. Ce qui fait dire en voyant un Tableau de quelques-uns de leurs disciples, qu’il est de l’Ecole de Raphael ou de Michel-Ange, parce que ces deux grands Maistres ont eu des maximes differentes, que ceux qui les ont imitez ou suivies. Et selon qu’un Peintre s’est formé dans une bonne habitude en travaillant sous de bons maistres, ou par une étude particuliere qu’il a faite luy-mesme après les meilleurs Tableaux & les plus belles Antiques, on appelle sa maniere bonne, ou mauvaise, s’il a fait un bon, ou mauvais choix.
Comme l’on reconnoist le style d’un Auteur, ou l’écriture d’une personne dont on reçoit souvent des lettres, on reconnoist de mesme les ouvrages d’un Peintre dont on a veu souvent des Tableaux ; & on appelle cela connoistre sa maniere. C’est pourquoy il y a plusieurs personnes, qui pour avoir veu beaucoup de Tableaux ; connoissent les differentes manieres, & en nomment aussi-tost les Auteurs ; mais qui pour cela n’en sont pas les plus sçavans, ny capables de bien juger de l’art & de la science de l’Ouvrier.
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Quotation
Quoy, répliqua Damon, vous voulez qu'un Tableau demeure sans nom, & que les connoisseurs ne le puissent trouver ? Pourquoy non, repartit Pamphile ; il y a eu dans toutes les Ecoles de Peinture quantité d'habiles gens qui ont fait de belles choses, & dont le nom n'est pas venu jusqu'à nous, ou parce qu'ils n'ont pas vécu long-temps, ou parce qu'ils ont demeuré presque toute leur vie chez des Maistres, dont la grande réputation n'a pas permis à leurs Disciples de s'en acquérir une particulière. Et quand on connoistroit toutes les manières, & les noms de tous les Peintres, il y a des Tableaux si douteux, que ce seroit une témérité de vouloir assurer du nom de leur Auteur. La pluspart des habiles Peintres ont passé d'une manière à une autre, & dans ce passage, ils ont fait des Tableaux qui ne tiennent, ny de la première manière, ny de la seconde.
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Quotation
En effet, repartit Damon, ce qui me surprend davantage & que je n'ay jamais veu dans les ouvrages d'aucun Peintre, est la diversité de manière que l'on remarque aux Tableaux qui sont en ce cabinet car il semble qu'apres en avoir fait un dans un goust, il [ndr : Rubens] ait changé de génie & pris un autre esprit, pour en faire un autre dans un autre goust. C'est que les autres Peintres, die Philarque, travaillent beaucoup plus de la main que de l'esprit, & que le caractère de l'esprit n'est pas si sensible ny si facile à reconnoitre que celuy de la main. Or comme Rubens n'avoit presque point de faço[n] particulière de manier le pinceau, ny d'habitude d'employer toujours les mesmes teintes & les mesmes couleurs, &qu'il entroit tout entier dans les sujets qu'il avoit à traiter, il se transformoit en autant de caracteres & se faisoit à un nouveau sujet un nouvel homme ; Ainsi ne vous estonnez pas de la diversité qui paroist dans les tableaux que vous voyez.
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Quotation
On a besoin d’avoir l’esprit formé & le jugement meur, pour faire l’application de ses regles sur de bons Tableaux, & pour n’en prendre que le bon : Car il y en a qui s’imaginent que tout ce qui se trouve dans un tableau d’un Maistre qui a de la reputation, doit estre bon. Ces gens-là ne manquent jamais en copiant de s’attacher aux mauvaises choses comme aux bonnes, & les remarquent d’autant plus quelles leurs paroissent extraordinaires, & ensuite de s’en faire une loy & un precepte. Il ne faut pas aussi en prendre le bon d’une maniere creuë & grossiere, en sorte que l’on reconnoisse dans vos Ouvrages, que ce qui est de plus beau vient d’aprés un tel Maistre ; mais imitez en cecy les Abeilles qui vont dans les campagnes cueiller de chaque fleur ce qu’elles trouvent de plus propre pour en faire le miel : Ainsi il faut que le jeune Peintre ramasse de plusieurs Tableaux ce qu’il en trouvera de meilleur, & que de tout cela il se fasse une maniere qui luy soit propre.
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Quotation
Ce que fait, dit Pymandre, que les Tableaux sont si differents les uns des autres dans le coloris, n’est-ce point que les ouvriers n’ont pas une égale connoissance de ce meslange ; car Denis d’Halicarnasse semble s’estonner de ce qu’encore que ceux qui peignent des animaux se servent tous de mesmes couleurs ; il y a cependant toujours beaucoup de difference dans leurs coloris. Or non seulement je remarque cette diversité dans ceux qui font des animaux & qui imitent les choses les plus simples de la Nature, mais aussi dans tous les grands Peintres qui ont représenté le corps humain. Car chacun le peint differemment & d’une maniere particuliere, comme ont fait le Guide, le Dominiquin, Lanfranc & tant d’autres, quoy qu’ils eussent estudié en mesme école, & qu’ils eussent, si vous voulez, un mesme sujet à imiter.
Ce n’est pas, luy respondis-je, le meslange seul des couleurs qui fait cette difference, mais ç’a esté un goust particulier, & une volonté propre à chacun de ces grands hommes qui les a portez à suivre une maniere particuliere selon qu’elle leur a semblé plus vraye & plus forte ; Et ce choix que chacun d’eux en a fait est d’autant plus estimable qu’on voit qu’ils approchent du vray & du beau. De sorte que si dans les Tableaux de ces differents Peintres que vous avez nommez, il y a des carnations qui sont plus grises, d’autres plus rouges, & d’autres plus noires que le naturel, c’est un effet de l’inclination & du differend goust de ces maistres.
DIONYSIOS HALIKARNASSEUS
IL DOMENICHINO (Domenico Zampieri)
LANFRANCO, Giovanni
RENI, Guido
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
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Quotation
[...] Il faut donc, poursuivit-elle [Princesse des cabalistes], s’étudier à la recherche d’une belle Manière de peindre, vague, hardie, & sans contrainte, d’un dessein tendre & coulant, mais libre & de grande maniere, sans s’attacher avec scrupule à cent choses, qui gâtent la majesté d’un ouvrage. Prenez pour exemplaires les ouvrages de l’illustre & fameux Michelange, le Coriphée des Peintres Anciens & Modernes, d’un Titien, d’un Tintoret, d’un Georgion,
BASSANO, les
GIORGIONE (Giorgio da Castelfranco)
IL PRIMATICCIO (Francesco Primaticcio)
IL TINTORETTO (Jacopo Robusti)
MICHELANGELO (Michelangelo Buonarroti)
RENI, Guido
RUBENS, Peter Paul
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
VAN DYCK, Antoon
VERONESE, Paolo (Paolo Caliari)
Ce passage reflète la conception de la peinture selon la « maîtresse des cabalistes » exposée par Restout (p. 48-49), qui s’oppose à celle prônée par Fréart de Chambray dans l’Idée de la Perfection de la peinture
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[...] mon Maistre me fist remarquer bien d’autres beautés que celles que les Cabalistes admirent dans les ouvrages de leurs Chefs : Car outre qu’il n’y manquoit rien de celles-là qui ne regardent que la pratique de l’Art, il m’y fist découvrir tant de science & d’étude, qu’il est presque aussi difficile de les exprimer, que de les imiter, à moins que d’avoir les mêmes connoissances desquelles ces rares Esprits se servoient, pour faire de si excellens Ouvrages.
Il ne me parla point de la Vaguesse du Coloris, de la Morbidesse des Carnations, de la Franchise du Pinceau, ny des autres termes extravagans à la mode de nos Cabalistes ; mais bien de la beauté, diversité, netteté & sublimité des pensées, de cette manière noble & majestueuse de traiter un sujet, de la discretion à le remplir dignement & convenablement à la verité de l’Histoire qu’il represente, & au Mode dans lequel il se rencontre ; de l’exacte & sçavante observation du Costume, dans laquelle ces anciens Maistres faisoient consister tout ce que la Peinture a d’ingenieux & de sublime ; de cette pointe d’esprit & de cet excellent genie, qu’ils faisoient paroistre dans leurs Ouvrages, dont les Ecrivains les ont loüés si hautement : De là suivoit la judicieuse & convenable disposition des lieux & des figures, la force & la diversité des expressions, l’élégance & le beau choix des attitudes, la diligence & l’exactitudes dans le dessein, la beauté & la variété des proportions, la position aisée & naturelle des figures sur leur centre de gravité ou équilibre, & conformément aux regles de la Perspective des Plans, qui est le lien & le soûtien de toutes les beautés de la Peinture, & sans laquelle elle n’est qu’une pure barboüillerie de Couleurs ; mais sur tout, cet agrément & cette grace admirable dans les mouvemens, qui est un talent autant rare qu’il est precieux.
On pouvoit encore admirer la lumiere bien choisie, & répanduë avec discretion sur les objets, selon leur proximité ou éloignement de l’œil, & les accidens du lumineux, du Diaphane & du corps éclairé ; les differens effets des lumieres primitives & derivatives, l’amitié & la charmante harmonie (pour ainsi dire) des Couleurs, par leur degrés proportionnés de force ou d’afoiblissement, suivant les regles de la Perspective aërienne, ou par leur sympatie naturelle : Enfin, cette Eurithmie dans toutes les parties de l’Ouvrage, auquel elle donne son prix & sa valeur.
Voilà une partie des veritables & solides beautés, que mon Maistre me fist observer dans les admirables Ouvrages de ces grands Hommes, qui ont charmé toute l’Antiquité, & dont le seul recit charme encor tous ceux qui l’entendent.
Anciens (les)
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Nos plus grands Maistres s’y trouvent embarassez, & souvent ne conviennent pas entre eux ; ils se forment differentes idées de beauté ; lesquelles ils reglent presque toûjours suivant leur païs & leur tempérament.
Je dis suivant leur païs : car comme tous les hommes, dans leur air & dans leurs manieres, tiennent toûjours beaucoup du climat où ils sont nez, les Peintres se forment des goûts particuliers sur les objets qu’ils voyent sans cesse, dont ils se remplissent tellement l’imagination, qu’ils y conforment toutes leurs Figures.
De là vient qu’il y a des Provinces du nom desquelles on caracterise les peintres en disant c’est du goût de tel Païs, & qu’en effet ce goût se trouve, ou plus ou moins dans tous les Dessignateurs de ces Nations.
Pour ce qui est du temperament, il agit encore plus puissamment en nous. Comme c’est luy qui fait la distinction la plus essentielle d’un homme a un autre, il a part à tout ce que nous faisons. C’est dans ce sens qu’on peut dire qu’un Peintre se peint soy-mesme dans ses Ouvrages, & que si nous avions assez de penetration, nous y pourrions lire ses inclinations dominantes. Un sentiment secret né avec nous, & dont souvent on ne connoît pas la cause, est ordinairement ce qui nous determine dans nostre choix, & nous fait conformer nos figures à l’air des personnes pour qui nous aurions le plus de penchant.
Il y a mesmes des Peintres en qui le temperament est si marqué qu’on ne sçauroit s’y méprendre. Nous en avons eu qui ne se portoient d’eux-mesmes qu’à certains sujets ; les uns à des sujets agreables comme des bains de Diane, des jeux de Nymphes, & choses semblables ; d’autres choisissent toûjours des sujets rudes, des sortileges, des apparitions de morts, & toutes choses naturellement effrayantes.
Si l’on prenoit la peine de les observer suivant cette remarque, on trouveroit que la façon de vivre des uns & des autres répondoit à leurs Ouvrages, & que le caractere de leur esprit y estoit marqué, non seulement dans le choix des sujets, mais encore dans chaque Figure en particulier.
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Ajoûtons à tant de preventions que chacun prend de soy-mesme, celles qui viennent du Maistre, de la maniere duquel on retient presque toûjours quelque chose. Sur quoy, nous pouvons remarquer en passant, que ce qu’on appelle maniere, en Peinture, est communément un defaut, n’estant pour l’ordinaire autre chose que quelque trait agreable où l’on s’est tellement pleu qu’on l’a chargé avec excés ; en quoy l’on a passé le juste poinct de ce Vray que tout le monde cherche, & où il est si difficile de parvenir.
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Et c’est ce qui m’a donné occasion de rapporter cette Histoire plus amplement que je n’aurois fait, pour vous faire voir, que le Peintre vouant traiter son sujet d’une manière poëtique, a crû pouvoir accompagner les principaux personnages, d’autres figures qui servent à l’intelligence de l’Histoire, & qui en mesme temps, luy donnent moyen d’embellir ses tableaux, par des vestemens & des armes antiques, qu’il mesle avec les habits & les armures propres et convenables au temps, & aux personnes qu’il représente.
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Dans le septième tableau le Peintre [ndr : Rubens] a représenté ce mariage, d’une manière poëtique. Le Roy & la Reyne sous les figures de Jupiter & de Junon, sont peints dans le ciel, assis sur des nuages. […]
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Mais revenons à la Peinture. Je puis encore prouver le peu de suffisance des Peintres anciens par quelques morceaux de peinture antique qu'on voit à Rome en deux ou trois en-droits ; car quoy que ces ouvrages ne soient pas tout à fait du temps d’Appelle & de Zeuxis, ils sont apparemment dans la mesme manière ; & tout ce qu'il peut y avoir de difference, c'est que les Maistres qui les ont faits estant un peu moins anciens, pourroient avoir sçû quelque chose davantage dans la peinture. J’ay vû celuy des Nopces qui est dans la Vigne Aldobrandine, & celuy qu'on appelle le Tombeau d'Ovide. Les figures en sont bien dessinées, les attitudes sages & naturelles, & il y a beaucoup de noblesse & de dignité dans les airs de teste, mais il y a tres-peu d'entente dans le mélange des couleurs ; & point du tout dans la perspective ny dans l’ordonnance. Toutes les teintes sont aussi fortes les unes que les autres, rien n'avance, rien ne recule dans le tableau, & toutes les figures sont presque sur la mesme ligne, en sorte que c’est bien moins un tableau qu'un bas relief antique coloré, tout y est sec & immobile sans union, sans liaison, & sans cette mollesse des corps vivans qui les distingue du marbre & de la bronze qui les représentent. Ainsi la grande difficulté n'est pas de prouver qu'on l'emporte aujourd'huy sur Zeuxis, sur les Timantes & sur les Appelles, mais de faire voir qu’on a encore quelque avantage sur les Raphaels, sur les Titiens, sur les Pauls Veroneses, & sur les autres grands Peintres du dernier siecle. Cependant j'ose avancer qu'à regarder l'Art en luy-mesme, entant qu’il est un amas & une collection de preceptes, on trouvera qu'il est plus accompli & plus parfait presentement qu'il ne l'estoit du temps de ces grands Maistres.
ANONYME, Les Noces Aldobrandines, Ier siècle avant J.-C. - Ier siècle après J.-C., fresque, 95 x 255, Vatican, Musei Vaticani, Inv. 79631.
ANONYME, Rape of Proserpina, IIe siècle après J.-C. - IIIe siècle après J.-C., peinture murale, 71 x 98 , London, British Museum, 1883,0505.1.
APELLES
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
TIMANTHES
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
VERONESE, Paolo (Paolo Caliari)
ZEUXIS
Il est fort probable que le Tombeau d'Ovide évoqué ici par Perrault soit en réalité celui des Nasonii, retrouvé en 1674 à Rome, et orné de peintures. Parmi elles, on retrouve par exemple L'enlèvement de Proserpine (The Rape of Proserpina) conservé au British Museum. Des reproductions dans Le pitture antiche del sepolcro de Nasonii nella Via Flaminia : disegnate, ed intagliate alla similitudine degli antichi originali de Bellori, paru en 1680, doivent également être signalées (planche XII pour l'oeuvre du British Museum par exemple). À ce sujet, voir notamment, Delphine Burlot. Peintures romaines antiques et faussaires. Sources et techniques. Archéologie et Préhistoire. Université Paris-Sorbonne - Paris IV, 2007, p. 68 et suivantes.
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Et puis ne vous ay-je pas dit plusieurs fois que les maniéres de peindre sont differentes dans tous ceux qui travaillent, parce que les gousts ne sont point semblables, & que chacun croit voir les choses, & en juger mieux qu’un autre.
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C’est une espece de plaisir de sçavoir les noms des Peintres, de connoistre leurs differentes manieres, & de discerner les originaux des copies : mais c’est un contentement achevé quand on peut juger de l’art & de la science de l’Ouvrier ; qu’on entre dans ses pensées, & que l’on comprend l’artifice dont il s’est servi pour tromper les yeux, & perfectionner son ouvrage.
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Et comme on remarqua sur les Desseins des Etudians une diversité de manieres, les uns imitant le naturel dans la simplicité de sa forme, les autres affectant un embellissement par le renforcement des contours, qu'on appelle charger les contours & y donner le grand goût, cela donna l'occasion à l'Académie de s'entretenir sur ces differentes manieres. Ceux qui oppinoient pour les charges d'agrement alleguoient la beauté des figures Antiques, le grand Dessein de Michel l'Ange, des Caraches, & autres grands peintres de l'Antiquité, & soûtenoient qu'il falloit de bon heure se remplir l'esprit de ces grandes idées, pour se conformer à ces beaux exemples ; et se faire une habitude de ses belles & grandes manières [...]. L'oppinion opposée qu'on appelle naturaliste, parce que qu'ils estiment necessaire l'imitation exacte du naturel en toutes choses, étoit d'assujettir le Dessignateur à imiter les objets avec simplicité & pressisement comme ils sont. Leurs raisons à l'égard des Etudians étoit pour les dresser à une habitude de justesse & de precision ; & pour les avancés une expression nayve & convenable à toute sorte de sujets [...].
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , Saint Michel terrassant le démon dit le Grand Saint Michel, v. 1518, huile sur bois, 268 x 160, Paris, Musée du Louvre, Inv. 610.
TESTELIN, Henry, Exemple touchant les Proportions et les Contours, estampe, dans TESTELIN, Henry, Sentimens des plus habiles peintres du tems, sur la pratique de la peinture et sculpture, Recueillis & mis en Tables de Preceptes. Avec six discours academiques, Extraits des Conferences tenuës en l’Académie Royale desdits Arts & prononcés en presence de deffunt Monsieur Colbert, Conseiller du Roi en tous ses Conseils, Controleur General des Finances, Surintendant & Ordonnateur des Bâtiments du Roi, Jardins, Arts & Manufactures de France, protecteur de ladite Academie, assemblée generalement en des jours solemnels pour la delivrance du Prix Royal, par Henry Testelin, Peintre du Roi, Professeur & Secretaire en ladite Academie, La Haye, Matthieu Rogguet, s.d. [1693 ou 1694], n.p. [après p. 12].
TESTELIN, Henry, [Le Grand Saint Michel d'après Raphaël], estampe, dans TESTELIN, Henry, Sentimens des plus habiles peintres du tems, sur la pratique de la peinture et sculpture, Recueillis & mis en Tables de Preceptes. Avec six discours academiques, Extraits des Conferences tenuës en l’Académie Royale desdits Arts & prononcés en presence de deffunt Monsieur Colbert, Conseiller du Roi en tous ses Conseils, Controleur General des Finances, Surintendant & Ordonnateur des Bâtiments du Roi, Jardins, Arts & Manufactures de France, protecteur de ladite Academie, assemblée generalement en des jours solemnels pour la delivrance du Prix Royal, par Henry Testelin, Peintre du Roi, Professeur & Secretaire en ladite Academie, La Haye, Matthieu Rogguet, s.d. [1693 ou 1694], n.p. [après p. 29].
TESTELIN, Henry, Table première des préceptes de la peinture sur le traict, estampe, dans TESTELIN, Henry, Sentimens des plus habiles peintres du tems, sur la pratique de la peinture et sculpture, Recueillis & mis en Tables de Preceptes. Avec six discours academiques, Extraits des Conferences tenuës en l’Académie Royale desdits Arts & prononcés en presence de deffunt Monsieur Colbert, Conseiller du Roi en tous ses Conseils, Controleur General des Finances, Surintendant & Ordonnateur des Bâtiments du Roi, Jardins, Arts & Manufactures de France, protecteur de ladite Academie, assemblée generalement en des jours solemnels pour la delivrance du Prix Royal, par Henry Testelin, Peintre du Roi, Professeur & Secretaire en ladite Academie, La Haye, Matthieu Rogguet, s.d. [1693 ou 1694], n.p. [après la dédicace à Le Brun].
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Ce qui fit considérer de quatre sortes de sujets qui forment autant de difference de proportions & de contours, que l'on nomma vulgaires, Pastoralles & Champestres, dont on dit que les contours doivent être grossiers, ondoyants & incertains, appellant ondoyants la maniere de dessigner, où l'on ne voit aucuns muscles, qui commande à lautre, mais qui s'entresuivent également, que les grossiers & incertains sont tels, que les muscles paroissent confondus avec les tendons & les artères, & où rien n'est articulé, ce qui est pour des sujets simples & des gens grossiers.
En des sujets serieux, où la nature doit être representée belle & agreable, les contours doivent être nobles & certains, passant doucement de l'un à l'autre, en formant les parties grandes & precises, comme il paroît aux figures des jeunes hommes & des filles, où l'on ne voit rien d'aigu, mais au contraire les contours bien coulants.
La troisiéme sorte de contours que l'on a nommé grands, forts, resolus & arrêtés sont ceux auxquels ne se trouvent rien de douteux, [...] où il n'y a rien de choisi & de bien ordonné, ce qui est propre à representer des Heros qui ne doivent avoir rien que de parfait, car comme les Poëtes leur ont attribué, des vertus surnaturelles, les Peintres & Sculpteurs de l'Antiquité en avoient fait de même, choisissant en plusieurs corps, ce qu'il y avoit de plus beau pour en composer un, qui fût propre à de telles expressions & capable d'entrer en des sujets heroïques & extraordinaires.
En quatriéme lieu, l'on considera une maniere de contours artistes excedants le naturel, que l'on nomma puissans, austeres & terribles, puissans pour ce qu'ils font paroître les figures grandes & majestueuses, & qu'ils forment de grandes parties ; austeres parce qu'ils n'ont rien que de solide & de necessaire & qu'ils ne soustrent point de choses inutiles, [...], cette manière n'étant propre qu'à representer des divinités, que c'étoit ce que les anciens avoient soigneusement pratiqué [...].
Les contours terribles sont pour les Ouvrages éloignés de la vûë, & pour representer des geans.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , Saint Michel terrassant le démon dit le Grand Saint Michel, v. 1518, huile sur bois, 268 x 160, Paris, Musée du Louvre, Inv. 610.
TESTELIN, Henry, [Le Grand Saint Michel d'après Raphaël], estampe, dans TESTELIN, Henry, Sentimens des plus habiles peintres du tems, sur la pratique de la peinture et sculpture, Recueillis & mis en Tables de Preceptes. Avec six discours academiques, Extraits des Conferences tenuës en l’Académie Royale desdits Arts & prononcés en presence de deffunt Monsieur Colbert, Conseiller du Roi en tous ses Conseils, Controleur General des Finances, Surintendant & Ordonnateur des Bâtiments du Roi, Jardins, Arts & Manufactures de France, protecteur de ladite Academie, assemblée generalement en des jours solemnels pour la delivrance du Prix Royal, par Henry Testelin, Peintre du Roi, Professeur & Secretaire en ladite Academie, La Haye, Matthieu Rogguet, s.d. [1693 ou 1694], n.p. [après p. 29].
TESTELIN, Henry, Table première des préceptes de la peinture sur le traict, estampe, dans TESTELIN, Henry, Sentimens des plus habiles peintres du tems, sur la pratique de la peinture et sculpture, Recueillis & mis en Tables de Preceptes. Avec six discours academiques, Extraits des Conferences tenuës en l’Académie Royale desdits Arts & prononcés en presence de deffunt Monsieur Colbert, Conseiller du Roi en tous ses Conseils, Controleur General des Finances, Surintendant & Ordonnateur des Bâtiments du Roi, Jardins, Arts & Manufactures de France, protecteur de ladite Academie, assemblée generalement en des jours solemnels pour la delivrance du Prix Royal, par Henry Testelin, Peintre du Roi, Professeur & Secretaire en ladite Academie, La Haye, Matthieu Rogguet, s.d. [1693 ou 1694], n.p. [après la dédicace à Le Brun].
TESTELIN, Henry, Table seconde des préceptes de la peinture sur les proportions, estampe, dans TESTELIN, Henry, Sentimens des plus habiles peintres du tems, sur la pratique de la peinture et sculpture, Recueillis & mis en Tables de Preceptes. Avec six discours academiques, Extraits des Conferences tenuës en l’Académie Royale desdits Arts & prononcés en presence de deffunt Monsieur Colbert, Conseiller du Roi en tous ses Conseils, Controleur General des Finances, Surintendant & Ordonnateur des Bâtiments du Roi, Jardins, Arts & Manufactures de France, protecteur de ladite Academie, assemblée generalement en des jours solemnels pour la delivrance du Prix Royal, par Henry Testelin, Peintre du Roi, Professeur & Secretaire en ladite Academie, La Haye, Matthieu Rogguet, s.d. [1693 ou 1694], n.p. [après p. 12].
Comme de nombreuses autres parties de texte, ce passage de Testelin est repris par Florent Le Comte dans son Cabinet des singularitez (...), plus précisément aux pages 38-41 de son édition de 1699-1700 (Paris, Etienne Picart & Nicolas Le Clerc, tome I, vol. I).
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L’on fit observer que chacun voit la nature de differentes façons selon la disposition des organes & du temperament, ce qui fait la diversité des goûts & la difference des manieres. C’est pourquoi on ne pouvoit pas decider de la beauté sur des inclinations particulieres, lesquelles se trouvant differentes dans la diversité des nations & des climats, mais que l’on doit suivant un jugement degagé de toutes preventions faire choix des effets naturels, qui se rapportent mieux aux regles de l’art, se detournant de tout ce qui est manieré, & que pour reconnoître la meilleure des manieres, il falloit non pas les comparer l’une à l’autre, mais confronter celles des plus habiles hommes avec le naturel, pour juger des plus raisonnables. [...] que pour cette raison l’on étoit convenu dans les conferences precedentes de ne point faire paroître en un Tableau le Corps de quelque lumiere que ce soit, & que ne pouvant atteindre à l’éclat du naturel, il se falloit contenter d’en approcher autant par les moyens de l’art le pouvoient permettre proportionnant le brun au clair, & tenant avec une sage mediocrité le milieu, entre les manieres qui sont outrées, comme en l’Ecole des Lombards, & celles qui sont fades & mesquines, ainsi que dans les manieres Gottiques qui affectoient d’éviter les ombres.
École lombarde
LE COMTE, Florent
Comme de nombreuses autres parties de texte, ce passage de Testelin est repris par Florent Le Comte dans son Cabinet des singularitez (...), plus précisément aux pages 73-76 de son édition de 1699-1700 (Paris, Etienne Picart & Nicolas Le Clerc). Le Comte reprend également la Table des Préceptes sur la Couleur aux pages 50-53.
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CXXXIII.
N’employez à aucune de ces choses [ndr : les fruits, les poissons, les reptiles, les oiseaux, les animaux, les figures et les fleurs] du Blanc de Plomb, il n’est propre qu’en Huile, & il noircit comme de l’Ancre, n’estant détrempé qu’à la Gomme, partïculierement si vous mettez vostre ouvrage dans un lieu humide ou avec des Parfuns, & la Ceruse de Venise est aussi fine, & d’un aussi grand blanc. De celuy-là, n’en épargnez pas l’usage, sur tout en ébauchant, & faites-en entrer dans tous vos meslanges, afin de leur donner un certain Corps qui empaste vostre ouvrage, & qui le fasse paroistre doux & moileux.
Le goust des Peintres est neanmoins different en ce point, les uns en employent un peu, d’autres point du tout ; mais la maniere de ceux-cy est maigre & seiche, les autres en mettent beaucoup, & c’est sans contredi la meilleure Methode & la plus usitée parmy les habiles Gens ; car outre qu’elle est prompte, c’est que l’on peut en s’en servant (ce qui seroit quasi impossible autrement) copier toutes sortes de Tableaux, nonobstant le sentiment contraire de quelques-uns, qui disent qu’en mignature l’on ne peut donner la Force & toutes les differentes Teintes qu’on void dans les Pieces en Huile, ce qui n’est pas vray, du moins pour les bons Peintres, & les effets le prouvent assez ; car il se void des Figures, des Païsages, des Portraits, & toute autre chose en mignature, touchez d’une aussi grande maniere, aussi vraye & aussi noble, quoy que plus mignonne & delicate qu’en huile.
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Quotation
Il ne nous reste maintenant, qu'à faire l'aplication de toute cette Téorie, sur quelques Ouvrages de Peinture, que nous voyons exposez en public, dans nôtre Ville [Toulouse] : Toute-fois d'une manière qu'on pourra faire la même aplication par tou ailleurs, principalement dans ces climats heureux, où cet Art a fait voir ses plus nobles productions.
Je commenceray par nos Tableaux, qui sont d'une manière obscure & forte. [...]
Les Tableaux de Tournier, sont de la manière du Valentin, sous lequel il avoit apris : Et le Valentin étoit un imitateur ou élève du Caravage : Les plus considerables sont dans la chapelle des Penitents Noirs : Il y en a trois à l’Autel : l’un represente le Crucifix, les autres le portement de Croix & la Sépulture du Sauveur ; Le quatriéme est à un coté de la Nef, & il represente la Bataille de l’Empereur Constantin contre Maxence. Les Figures principalement de ceux de l’Autel, y sont comme dans de niches obscures, & sa Bataille a pour fond quelque bois ou noire terrasse : Car on ne sauroit distinguer ce que c’est, & puis un Ciel bluatre tout uni. Les figures de cette Bataille, ne paroissent pas assez grandes pour ce lieu : & à la reserve de la figure de Constantin, qui petille par sa Draperie rouge, & son Chéval blanc : Ce Tableau est trop uni de tons & de couleurs, & n’a pas d’assez grandes masses de jour & d’ombre : De sorte qu’étant consideré d’un peu loin, il ressemble à quelque espece de Cirage, à quoy les Carnations qui sont fort basanées, contribuent beaucoup.
Au reste, les trois Tableaux de l’Autel, sont les meilleurs dans la maniere de Tournier. La dessente de la Croix qui se voit à coté du Chœur de Saint Etienne, est de méme representée dans une niche tres obscur : Elle est fort estimée, principalement pour le Dessein du Christ. Ce Peintre auroit Peint plus agréablement s’il eut voulu, car on voit à deux ovales de l’Autel des mémes Penitens, du Tafetas changeant, tirant sur la couleur Izabele, qu’il a peint fort naturelle & vague, & avec tant de relief, qu’il y a peu de personnes qui n’y soient trompées. Il y a encore un Tableau de luy, au Mausolée de Saint Thomas, aux Peres Dominicains, où ce Saint est lié d’un Cordon par deux Anges , il est bien peint & le fond n’en est pas noir, comme celui des autres Tableaux : on compte aussi le Crucifix du maître Autel des Peres Minimes, pour un des meilleurs Tableaux de ce Peintre. Tournier du reste copioit bien la couleur naturelle, lors qu’il faisoit des Portraits : Il reüssissoit principalement à des personnes de basse condition.
Après Tournier, le Peintre qui a donné le plus dans le noir, c’est Chalete : Il y a méme de ses ouvrages, qui sont de la maniere du Caravage, comme cette Image de Nôtre-Dame, qui est à l’Hôtel de Ville, sur la porte du grand Consistoire, & le Tableau du Crucifix de la Chapelle, qui sont tres-bien peints. Les deux grands Tableaux de ce Peintre, qu’on voit sous les basses Galeries, & qui representent les deux entrées que fit le Roy LOUIS XIII. dans Toulouse, sont aussi d’un Coloris assez obscur, & le noir y regne beaucoup dans les ombres : Il y a quelques belles Têtes, qui se sont conservées dans leur couleur : Mais on peut remarquer, que celles qui ont de plus grands noirs, n’ont plus la couleur de la chair, que le noir a infecté. Le fond des Tableaux de Chalete, est travaillé, il est plus clair qu’aux ouvrages de Tournier, & la noirceur des ombres, n’empéche pas qu’on n’y distingue tres-bien toutes choses. Ils n’ont pourtant aucune fraîcheur : & comme il a été forcé d’habiller, quelques une de ses principales figures, d’un rouge vif, & d’un noir tres-pur, il lui a été impossible d’unir ces couleurs entre elles, & avec les autres. [...]
CHALETTE, Jean, La Vierge aux prisonniers, v. 1630, huile sur toile, 119 x 159, Toulouse, Musée des Augustins, 2004 1 217.
CHALETTE, Jean, Portrait des capitouls nommés par arrêt du Parlement, le 28 novembre 1622, 1622, huile sur toile, 245 x 375, Toulouse, Musée des Augustins, 2004 1 216.
TOURNIER, Nicolas, Bataille de Constantin contre Maxence, v. 1630 - v. 1639, huile sur toile, 550 x 260, Toulouse, Musée des Augustins, 2004 1 399.
TOURNIER, Nicolas, Le Christ descendu de la croix, v. 1632 - v. 1635, huile sur toile, 183 x 238, Toulouse, Musée des Augustins, 2004 1 285.
TOURNIER, Nicolas, Le Christ en croix, la Vierge, la Madeleine, saint Jean et saint François de Paule, 1628, huile sur toile, 422 x 292, Paris, Musée du Louvre.
TOURNIER, Nicolas, Le Christ porté au tombeau, v. 1630 - v. 1639, huile sur toile, 166 x 314, Toulouse, Musée des Augustins, 2004 1 286.
TOURNIER, Nicolas, Le Portement de croix, v. 1630 - v. 1639, huile sur toile, 220 x 121, Toulouse, Musée des Augustins.
CARAVAGGIO (Michelangelo Merisi da Caravaggio)
CHALETTE, Jean
LE VALENTIN (Valentin de Boulogne)
TOURNIER, Nicolas
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Quotation
Ne peut-on pas dire en parlant du GRAND TORSE que l’on a remarqué entre les excellens Antiques QUATRE SORTES DE MANIERES DIFFERENTES.
L’une que l’on nomme forte & ressentie, laquelle a été suivie de Michel-Ange, du Carache & de toute l’Ecole de Boulogne, & que cette manière avoit été attribuée à la Ville d’Athenes.
La seconde un peu foible & effeminée qu’on tenuë Maître Etienne de Losne, Franqueville, Pilon & même Jean de Boulogne, laquelle avoit été estimée venir de Corinthe.
La troisième, comme de tendresse & de grace, particulièrement pour les choses delicates, que l’on tenoit qu’Apelles, Phidias & Praxitelle ont suivie pour le dessein ; cette manière avoit été fort estimée & l’on tenoit qu’elle venoit de Rhodes.
Mais la quatriéme est douce & correcte, qui marque les contours grands, naturels, coulans & faciles ; cette manière étoit de Sicyone Ville du Peloponnese, d’où étoit Herodote [sic] Auteur de ce Torse, lequel s’est perfectionné en choisissant & joignant ensemble ce qu’il y avoit de plus parfait en chacune de ces manieres. On estimoit aussi que ce rare Sculpteur avoit fait le petit Torse de femme, qui est reconnu de tous les Sçavans pour surpasser en beauté tous les autres Antiques.
APELLES
CARRACCI, Annibale
FRANCQUEVILLE, Pierre de
GIAMBOLOGNA (Jean de Boulogne)
HERODOTOS
LAULNE, Etienne de
MICHELANGELO (Michelangelo Buonarroti)
PHIDIAS
PILON, Germain
PRAXITELES
TESTELIN, Henry
Comme de nombreuses autres parties de texte, ce passage de Florent Le Comte est tiré de l'ouvrage "Les Sentimens (...)" de Testelin, plus précisément aux pages 16-17 de l'édition de La Haye (Matthieu Rogguet, vers 1693-1694).
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Quotation
Non-seulement toute affectation déplaît, mais la Nature est encore obscurcie par le nuage de la mauvaise habitude que les Peintres appellent Maniere.
Pour bien entendre ce principe, il est bon de savoir qu’il y a deux sortes de Peintres. Quelques-uns qui sont en petit nombre peignent selon les principes de leur Art, & font des Ouvrages où le Vrai se rend assez sensible pour arrêter le Spectateur & lui faire plaisir. D’autres peignent seulement de pratique par une habitude expéditive qu’ils ont contractée d’eux-mêmes sans raisonner ; ou qu’ils ont apprise de leurs Maîtres sans réflechir. Ils font quelquefois bien par hazard ou par reminiscence, & toujours médiocrement quand ils travaillent de leur propre fond.
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Quotation
On voit des Curieux qui se font une idée d'un Maître sur trois ou quatre Tableaux qu'ils en auront vûs, & qui croient après cela avoir un titre suffisant pour décider sur sa maniére, sans faire réflexion aux soins plus ou moins grands que le Peintre aura pris à les faire, ni à l'âge auquel il les aura faits. Ce n'est pas sur les Tableaux particuliers du Peintre : mais sur le général de ses Ouvrages qu'il faut juger de son mérite. Car il n'y a point de Peintre qui n'ait fait quelques bons & quelques mauvais Tableaux […]. Il n'y en a point aussi qui n'ai eu son commencement, son progrès & sa fin ; c'est-à-dire, trois maniéres : la première, qui tient à celle de son Maître; la seconde, qui s'est formée selon son Goût, & dans laquelle réside la mesure de ses talens, & de son Génie; & la troisième, qui dégénère ordinairement en ce qu'on appelle maniére : parce qu'un Peintre, après avoir étudié long-tems d'après la Nature, veut jouir, sans la consulter davantage, de l'habitude qu'il s'en est faite.
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Quotation
En effet, il y a des Tableaux faits par des Disciples, qui ont suivi leurs Maîtres de fort près, & dans le savoir, & dans la manière.
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Quotation
Goût en Peinture est une Idée qui suit l’inclination que les Peintres ont pour certaines choses : l’on dit voilà un ouvrage de grand goût, pour dire que tout y est grand & noble, que les parties sont dessinées librement, que les airs de têtes n’ont rien de bas, chacune dans son espece, que les plis des draperies sont amples, & que les jours & les ombres y sont largement étendus : dans cette signification l’on confond souvent goût avec maniere, & l’on dit tout de même : voilà un ouvrage de grande maniére.
Maniére est l’habitude que les Peintres ont prise, non seulement dans le manîment du pinceau, mais encore dans les trois principales parties de la Peinture, invention, dessein & coloris, & selon que cette habitude aura été contractée avec plus ou moins d’étude & de connoissance du beau naturel & des belles choses qui se voyent de Peinture & Sculpture, on l’appelle bonne ou mauvaise maniére ; c’est par cette maniére dont il est ici question, que l’on reconnoît l’ouvrage d’un Peintre, dont on a déjà vû quelque Tableau, de même que l’on reconnoît l’écriture & style d’un homme de qui on a déjà reçû quelque lettre : l’on dit même, connoître les maniéres, pour dire connoître de plusieurs Tableaux, & l’ouvrage de chaque Peintre en particulier.
Ce passage est repris de De Piles (« Remarques sur l'art de peinture de Charles Alphonse Du Fresnoy », in DU FRESNOY, Charles-Alphonse et DE PILES, Roger, 1668, n.p.).
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Quotation
Croïez qu’il y a tel homme d’esprit, qui sera plus capable de sentir les grandes beautez d’un tableau, que quantité de prétendus connoisseurs, qui vous imposent par leur jargon ; de ces gens qui ont passé leur vie à étudier les differentes manieres de tels & tels, sans s’appliquer à connoître quelle partie a rendu celui-ci plus fameux que cet autre. Il leur suffit de reconnoître la touche du Titien, ou du Carrache dans un tableau, pour le declarer merveilleux.
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Quotation
Are. […] Or puisqu’atteindre à la perfection de l’excellence de la peinture, à la quelle tant de parties sont necessaires, est une entreprise difficile, pleine de fatigue ; & une grace que la liberalité des cieux n’a accordée qu’à tres peu de persones (car il faut en verité etre né peintre, aussi bien que poete, & que l’un & l’autre soient fils de la nature.) Il n’est pas croiable, come j’ai dit des le commencement, qu’il n’y ait qu’une seule maniere de peindre parfaitement. Au contraire les complexions & les humeurs des hommes etant differentes, il s’ensuit que les manieres doivent etre differentes : & chacun suit celle à la quelle il panche naturellement. De là sont venus divers genies, les uns agreables, d’autres terribles, ceux ci tendres, & gracieux, & ceux là pleins de grandeur, & de majesté. Ce que nous voions tout de même se rencontrer dans les historiens, les poetes, & les orateurs.
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Quotation
Je confesse que quand à l’homme nud, Michel Ange tient du prodige, du miracle, & a plus que de l’humain : persone ne l’a jamais surpassé, j’entens dans une maniere seule, qui est de faire un nud plein de muscles & recherché, avec des racourcis & des mouvemens fort hardis, qui font voir en detail la difficulté de l’art : & chaque partie du corps, & toutes ensembles sont si excellentes, que j’ose dire qu’on ne peut faire, ni même imaginer une chose plus excellente, ni plus parfaite. Mais dans le reste il est non seulement au dessous de soi même, mais encore au dessous des autres ; parceque ou il ne sait pas, ou il ne veut pas observer les differences des âges & des sexes, que nous avons marquées ci dessus, dans les quelles Rafael est si admirable ; & pour trancher court, qui voit une seule figure de Michel Ange, les voit toutes. Mais il faut prendre garde que dans le nud, Michel Ange a pris la forme la plus terrible, & la plus recherchée ; & Rafael la plus agreable, & la plus gracieuse. C’est là dessus que quelques uns ont comparé Michel Ange à Dante, & Rafael à Petrarque.
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Quotation
Il est inutile, que je vous dise qu’en tous ses ouvrages, il [ndr : Raphaël] emploie une diversité si admirable, qu’il n’y a aucune de ses figures qui se ressemble, ni pour l’air, ni pour le mouvement ; de sorte qu’en ce point, on ne voit pas l’ombre de ce que les peintres modernes appellent mal a propos maniere ; c’est a dire une mauvais coutume qui fait voir les figures, & les visages presque toujours semblables.
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Quotation
Les differentes manieres de dessiner se réduisent à trois : sçavoir, à la plume, au crayon, & au lavis.
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Quotation
Enfin la manière de dessiner d’un peintre se distingue comme le caractère de l’écriture, & mieux que le style d’un auteur. On sçait que les gens de lettres qui ont le tact fin & le goût délicat s’y trompent rarement.
Si les peintres n’avoient point de manieres, il seroit impossible de les distinguer les uns des autres ; les manieres se forment de la différente façon dont l’esprit humain est capable de concevoir une même chose, qui est l’imitation de la nature. Les plus habiles peintres ont leur manière, sans néanmoins être manierés. La manière s’entend de la façon d’opérer ; c’est le faire d’un peintre, c’est son style ; au lieu que manieré veut dire ce qui sort de la nature & du vrai, ce qui ne tient que de la pratique, & qui est un défaut ; ainsi avoir une manière & être manieré sont deux choses très-différentes.
On ne devroit imiter que la nature & l’antique, sans s’attacher à la manière de personne ; les grands génies s’en font une qu’ils empruntent de tous côtés & qui ne ressemble à rien ; ceux dont le génie est moins élevé, choisissent parmi les maîtres celui qui est le plus de leur goût, ils le copient, ils le suivent pas à pas, sans jamais sortir de sa manière, ni l’enrichir. Au reste la nature n’a point de manière, elle n’a point de touche, tout y paroît d’un fondu & d’un accord parfait. [...] N’imitez les grands hommes que dans leur façon de penser ; ne suivez point leur manière de peindre ; c’est le moyen de n’être point manieré ; soyez l’original de votre manière, la nature & l’antique sont d’assez bons guides pour ne vous point égarer.
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Quotation
On connoît dans le second examen le nom & le caractère particulier de chaque peintre, c’est-à-dire, son style & sa manière de s’exprimer sur le papier. Cette manière est comme un genre d’écriture, qui distingue les hommes entr’eux ; de sorte que le caractère de l’un n’est jamais celui de l’autre. Ce genre d’écriture pictoresque se reconnoît toujours par quelques traits particuliers.
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Quotation
Ces caractères du style d’un peintre, ces marques de son écriture veulent encore être accompagnés de sa manière de penser, & d’une certaine touche spirituelle qui le caractérise. Le sublime d’un dessein est ce sel qui est la propre pensée du peintre, laquelle remue notre imagination, & nous représente son véritable caractère ; alors on pourra être sûr de l’école d’un peintre & de son nom.
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Quotation
Il y a encore une observation à faire sur le temps dans lequel le dessein a été fait. On sçait qu’un peintre a trois temps, son commencement, c’est-à-dire, sa première manière qui tient de son maître, le bon temps qui est la force de l’âge, & le temps foible qui en est le déclin ; ainsi un dessein ne laisse pas d’être original, quoique fait dans le temps foible, ou de la premiere & derniere manière.
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Quotation
MANIERE, MANIERISTE, MANIERÉ. Maniere en terme de Peinture est la même chose que style en terme de littérature : ainsi la maniere d’un Peintre est la façon particuliere de dessiner, de colorier, de composer, d’exprimer ; selon que cette maniere approche plus ou moins de la nature & du beau : on l’appelle bonne ou mauvaise maniere.
C’est à la maniere qu’on reconnoît les ouvrages d’un Peintre, dont on aura déja vû quelque tableau.
La maniere dégénere en défaut lorsqu’elle est trop uniforme, & qu’un Peintre se copie continuellement lui-même, dans ses attitudes, dans les airs de tête, dans les autres expressions : c’est ce que les Peintres appellent tomber dans la maniere.
Ceux qui tombent dans ce défaut, s’appellent manieristes. Un dessein manieré.
Les desseins du Teste sont manierés.
On distingue ordinairement trois manieres dans un même Peintre. La premiere, qu’il s’est formée sur le goût de son maître : ainsi Raphaël travailla d’abord dans la maniere du Perugin son maître, & s’abandonna à son propre génie. La troisiéme qui dégénere ordinairement dans ce qu’on appelle proprement maniere, c’est le défaut dont je viens de parler, & c’est celui de presque tous les Peintres, qui par sterilité, ou par paresse, contractent la mauvaise habitude de se répéter. De Piles.
Maniere ne se dit qu’au singulier. La maniere du Poussin, & non pas les manieres du Poussin. Il faut en excepter deux cas : 1°. lorsqu’on parle de plusieurs Peintres : connoître les manieres, c’est distinguer parmi plusieurs tableaux, l’Auteur de chacun en particulier. 2°. Lorsqu’on parle des différentes manieres d’un Peintre ; Raphaël a eu plusieurs manieres.
DE PILES, Roger
PERUGINO, Pietro (Pietro di Cristoforo Vannucci)
POUSSIN, Nicolas
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
TESTA, Pietro
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BAILLET DE SAINT-JULIEN, Louis-Guillaume, Lettres sur la peinture à un amateur, Genève, s.n., 1750.
2 quotationsQuotation
M. du Mont me semble faire autant d’efforts pour s’éloigner de la nature que quelques autres en prennent pour s’en approcher. Il s’épuise à chercher une maniere qui lui coûte beaucoup ; & qui n’en vaut gueres mieux, puisqu’elle ne ressemble à rien de naturel. Je me plaindrai d’autant plus sur ce sujet, qu’on voit tous les jours des Peintres, qui n’ont pas le méme talent, donner dans le même ridicule. Tout [sic] y visent grands & petits ; c’est proprement le péché originel, en Peinture. On va voir ce qu’a produit cette affectation. M. du Mont a exposé cette année deux Tableaux, extrêmement travaillés, dessinés & peints tous deux avec la même sévérité ; & où on le reconnoît enfin, pour tout dire.
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Quotation
Ce Tableau [ndr : une « fin de Chasse au Cerf » de Oudry] est orné de plusieurs figures à cheval, telles que celle du Roi, de M. le Comte de Toulouse, de M. le Prince Charles & de plusieurs autres Seigneurs. Toutes ces figures sont extrêmement nobles & bien ressemblantes. Mais on n’est pas si content des chevaux qui la plûpart sont dessinés d’une maniere roide & un peu contrainte ; & semblent manquer par leur applond. Le fond de ce Tableau en récompense est tout ce qu’on peut de mieux traité. Il représente un partie de la Forêt de S. Germain […].
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Quotation
[...] Il faut aussi accompagner ces traits, soit de quelques points si c’est de la chair, soit de quelques tailles ou hâchures si ce sont des draperies, afin qu’ils ne soit point maigres & secs étans tout seuls. La Gravûre n’est déjà que trop séche par elle même à cause de la nécessité où l’on est de laisser du blanc entre les tailles : c’est pourquoi il faut toujours avoir dans l’esprit de chercher la maniere la plus grasse qu’il est possible. Comme on ne peut pas faire un trait gras & épais qui ne soit en méme tems très-noir, pour imiter le moëlleux du pinceau ou crayon qui les fait larges & neanmoins tendres, on est obligé de se servir de plusieurs traits legers l’un à côté de l’autre, ou de points tendres pour accompagner ce qui est tracé d’une petite épaisseur d’ombre qui l’adoucisse. Il faut observer la même chose dans les touches des ombres, & avoir soin que les tailles du milieu d’une touche soyent plus appuyées que celles des extrémités ; on gravera ensuite les ombres par des hachûres rangées avec égalité.
Manière grasse
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Quotation
Ceci est seulement pour la premiere taille : à l’égard de la seconde, il faut la passer par dessus de maniere qu’elle assure bien les formes conjointement avec la premiere, & par son secours fortifier les ombres & en arrêter les bords d’une maniere un peu méplate, c’est-à-dire, un peu tranchée [p. 70 124] & sans adoucissement.
Manière méplate La gravure comme manière de peindre ou dessiner avec des hachures : imiter la touche du pinceau par des tailles
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Quotation
Quoiqu’il en soit, il faut y éviter surtout les hachûres quarrées qui ne sont bonnes que pour représenter le bois ou la pierre.
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Quotation
Mais ces manieres sont quelque-fois de nature à n’être point susceptibles d’imitation, & pourroient perdre plûtôt que de perfectionner ceux qui voudroient les suivre, parce qu’en dégénerant elles n’ont plus aucun merite, & qu’un servile imitateur, n’y mettant pas la même science, & n’en taisant pour ainsi dire que la charge, peut prendre une mauvaise maniere en suivant un bon original. C’est pourquoi l’on ne sçauroit trop faire d’attention, à en chercher une qui ne soit point vicieuse quand on commence à graver. Telle est par exemple celle de Corneille Vischer, & quoique l’on soit bien éloigné d’atteindre à la perfection des ouvrages de ce grand homme, cependant son imitation conduit toujours à un goût moëlleux & à une maniere excellente.
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Quotation
Mais lorsqu’il s’agit de copier les Tableaux des grands Maîtres, il faut que le Graveur se détache entierement de la propre maniere qu’il pourroit avoir de dessiner, pour se conformer à celle des ouvrages qu’il veut imiter & s’y conserver le caractere qui fait distinguer les manieres les unes des autres : & pour cet effet l’on doit beaucoup dessiner & bien du soin d’après les peintures de Rapahaël, des Carraches, du Dominiquain, du Poussin, &c. que si l’occasion ne se présente pas de pouvoir copier ces ouvrages, & qu’on ne puisse que les voir, il faut en remarquer toutes les beautés & les saisir dans la mémoire par une forte application d’esprit, & s’efforcer de reconnoître la différence de chacun dans la manière de tracer les contours.
CARRACCI, Agostino
CARRACCI, les
IL DOMENICHINO (Domenico Zampieri)
POUSSIN, Nicolas
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
VILLAMENA, Francesco
Cochin évoque ici la manière de copier des tableaux de grands maîtres en gravure, soit la nécessité que le graveur se détache de sa propre manière (gravure d’interprétation)
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Quotation
Des différentes manieres de Graver.
Il y en a qui montrent une grande facilité de Burin, les autres ont une maniere fatiguée ; on en voit qui affectent de croiser leurs tailles fort en lozange, & d’autres les font toutes quarrées. Ces manieres faciles dont j’entends parler, sont celles de Goltzius, Muller, Lucas Kilian, Mellan, & quelques autres, qui semblent en plusieurs recontres ne s’être attachés qu’à faire voir par un tournoyement de tailles, qu’ils étoient maîtres de leur Burin, sans se mettre en peine de la justesse des contours, des expressions, ni de l’effet de clair-obscur qui se trouve dans les desseins & les Tableaux que l’on veut représenter.
Celles que je trouve fatiguées le sont par une infinité de traits et de points confondus les uns dans les autres & sans aucun ordre, qui ressemblent plutôt à un dessein qu’à de la gravûre.
Il ne faut jamais croiser les tailles trop lozanges particulierement dans les chairs, parce qu’elles forment des angles aigus, qui font une piece de treillis tabizé fort désagréable, ce qui ôte à la vûe le repros qu’elle souhaite sur toute sorte d’ouvrages.
On ne doit croiser les tailles si fort en lozange que dans quelques nuages, dans des tempêtes, pour représenter les vagues de la mer, dans les peaux des animaux velus, & cela fait aussi fort bien dans les feuilles des arbres.
La maniere entre quarré & lozange est me semble plus utile & plus agréable aux yeux : aussi est-elle plus difficile à cause que l’inégalité des traits [p. 107 160] s’en remarque davantage, & quand je dis de faire entre les deux, je ne dis point de faire tout à fait quarré, parce que cela tient trop de la pierre.
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De la Gravûre en manière noire
COCHIN, Charles-Nicolas, [Planche 12], estampe, dans BOSSE, Abraham et COCHIN, Charles-Nicolas, De la manière de graver à l'eau forte et au burin : et de la gravûre en manière noire : avec la façon de construire les presses modernes & d'imprimer en taille-douce. Nouvelle edition augmentee de l’impression qui imite les tableaux,de la gravure en maniere de crayon & de celle qui imite le lavis enrichie de vignettes et vingt-une planches en taille-douce, Paris, Charles-Antoine Jombert, 1758, n.p..
COCHIN, Charles-Nicolas, [Planche 13], estampe, dans BOSSE, Abraham et COCHIN, Charles-Nicolas, De la manière de graver à l'eau forte et au burin : et de la gravûre en manière noire : avec la façon de construire les presses modernes & d'imprimer en taille-douce. Nouvelle edition augmentee de l’impression qui imite les tableaux,de la gravure en maniere de crayon & de celle qui imite le lavis enrichie de vignettes et vingt-une planches en taille-douce, Paris, Charles-Antoine Jombert, 1758, n.p..
CASTIGLIONE, Giovanni Benedetto (il Grecchetto)
LE BLON, Jacques-Christophe
REMBRANDT (Rembrandt Harmensz van Rijn)
SMITH, John
TENIERS, David
WHITE, G.
[n. d. r. voir les pages suivantes dans leur ensemble, p. 117 à 128 : De la Gravûre en maniere noire, p. 117 De la préparation du cuivre, p. 118-120 Des outils qui servent à graver en maniere noire, p. 121-122 [n.d.r. : illustration en rapport : planche no. 12] [voir à : berceau, racloir, grattoir, brunissoir] De la facon d'imprimer les planches, p. 123 De l'Impression en plusieurs couleurs, p. 123-125 Principes de la Gravûre et de l'Impression qui imite la Peinture, p. 126-128] Jacques Christoph Le Blond, auteur du livre intitulé Il Coloritto, ou l’Harmonie du Coloris dans la Peinture, réduite à des principes infaillibles, & à une pratique méchanique, avec des figures imprimées en couleur pour en faciliter l’intelligence, cité p. 126 ; p. 126-128 : « Principes de la Gravûre & de l’Impression qui imite la Peinture. (...) » Dans l’ensemble, le jugement porté par Cochin sur cette technique est plutôt négatif. Cochin insiste notamment sur les possibilités qu’offre la manière noire d’imiter la peinture, soit pour rendre des effets de nuit, soit en imprimant en plusieurs couleurs selon la pratique de Jacques Christoph Le Blond
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De la Gravûre en manière noire
Nous finirons ce Traité par une façon de graver particuliere, appellée en maniere noire, qui est devenue fort à la mode depuis quelque tems, surtout dans les Pays Etrangers, & dont personne jusqu’ici, n’a encore parlé, & nous ferons voir ensuite le moyen de contrefaire avec cette espece de Gravûre les Tableaux des grands Maîtres, par une nouvelle maniere d’imprimer en plusieurs couleurs, qui imite beaucoup la peinture. M. le Blon, Anglois, passe pour l’Inventeur de cette découverte, & a gravé plusieurs portraits en grand qui ont fort bien réussi, tels que celui du Roi, du Cardinal Fleuri, de Vandeick, & quelques têtes gravées en petit, qui sont touchées avec beaucoup d’intention & de goût : ce sont sans contredits les meilleurs morceaux qui ayent paru en ce genre de Gravûre.
Manière Noire : technique de gravure à la mode, en particulier à l’étranger