BAILLET DE SAINT-JULIEN, Louis-Guillaume, Lettres sur la peinture à un amateur, Genève, s.n., 1750.
Au début de la première lettre, Baillet déclare abandonner l’ordre de l’exposition pour ne plus suivre que celui de sa mémoire. Il précise également le plan de l’ouvrage. Celui-ci comporte deux parties, la première étant consacrée aux meilleurs tableaux et la seconde, aux « médiocres ». L’auteur déclare ainsi exclure les tableaux qui sont « absolument mauvais » : « ce qui est indigne d’attention et n’est pas digne de la critique » (p. 5).
Nathalie Manceau constate qu’à partir de 1753, Baillet de Saint-Julien s’éloigne progressivement de la critique de salon et de l’évaluation des œuvres particulières pour donner à son propos un tour critique et théorique plus général. Ainsi, dans l’Ode de Milord Telliab, il s’attache à dégager les talents particuliers des artistes exposant au salon. Dans la Lettre à M. Ch. [Chardin] sur les caractères de la peinture, il développe une réflexion sur l’état de la peinture, où il ne cite plus aucun nom (voir Manceau, p. 353). Enfin, dans la La peinture – poème, il traite de l’histoire et des principes de la peinture (Manceau p. 357). À nos yeux, cet intérêt théorique émerge déjà dans la brochure de 1750. Le vocabulaire en témoigne. En effet, les définitions, rares dans les Réflexions augmentent dans les Lettres.
Mathilde Bert
- [1ere lettre, commence sous le titre « Lettres sur la peinture à M. *** »], p. 3-15
- II. Lettre sur la peinture, p. 16-32
- III. Lettre sur le même sujet, p. 33-42
- Addition, p. 43-4
BAILLET DE SAINT-JULIEN, Louis-Guillaume, Réflexions sur quelques circonstances présentes contenant deux lettres sur l’exposition des tableaux au Louvre cette année 1748, Lettre sur la peinture, la sculpture et l’architecture, Lettres sur la peinture à un amateur, Lettre à Mr. Ch. (Chardin) sur les caractères en peinture, La peinture : poème suivi des caractères des peintres actuellement vivants, Genève, Minkoff Reprint, 1972.
ZMIJEWSKA, Hélène, « La critique des Salons en France avant Diderot », Gazette des Beaux-Arts, LXXVI, 1970, p. 1-144.
MANCEAU, Nathalie, « De la critique d’art à la collection : Baillet de Saint-Julien ou le parcours d’un amateur », Diderot Studies, 2009, p. 345-367 [En ligne : http://www.jstor.org/stable/23390538 consulté le 15/02/2018].
MANCEAU, Nathalie, « Baillet de Saint-Julien, la théorie d'une peinture pour un spectateur exigeant », dans MICHEL, Christian et MAGNUSSON, Carl (éd.), Penser l’art dans la seconde moitié du XVIIIe siècle : théorie, critique, philosophie, histoire, Actes du colloque de Lausanne, Paris, Somogy, 2013, p. 221-234.
MANCEAU, Nathalie, Guillaume Baillet de Saint-Julien, 1726-1795 : un amateur d’art au XVIIIe siècle, Paris, Honoré Champion, 2014.
FILTERS
QUOTATIONS
[…] j’examinerai les médiocres [ndr : tableaux] ; & je le ferai avec tous les égards & le ménagement possibles. Nous devons toujours une sorte d’attention à leurs Auteurs, malgré la subordination de leurs talens. Il seroit trop injuste de la leur refuser, surtout dans le tems où elle leur est le plus nécessaire. Il y a un commencement & une fin à tout. Ceux qui atteignent l’une ont nécessairement passé par l’autre. Il ne faut que du tems & des conseils pour y parvenir. Nous ne devons point les leur épargner ; c’est à nous d’abreger la carriere des Arts, d’en applanir les difficultés autant qu’il est possible ; & d’encourager par nos applaudissemens ceux qui y courent, &c. Je ne dirai rien des Tableaux qui seront absolument mauvais, parce que ce qui est indigne d’attention n’est pas digne de la critique.
Ce tableau [ndr : Le Triomphe de Bacchus de Nattoire] est savant & des mieux ordonnés ; les figures y sont multipliées, mais sans confusion.
[...] Je n’ai pas besoin de vous vanter le dessin de M. Nattoire, vous savez trop bien sa supériorité sur cet article ; mais je suis fâché qu’il ne soit pas aussi louable dans son coloris, toujours plombé et livide ; & qui dépare entierement les plus beaux ouvrages.
M. Boucher s’est distingué cette année, à son ordinaire, dans plusieurs genres. On voit de lui un Tableau de Dévotion, quatre Sujets galands ; & deux Paysages.
Tout est remarquable dans cet ouvrage [ndr : la Nativité de Boucher] : l’air fin & séduisant de la plûpart des figures, l’élégante naiveté de leurs attitudes, & la singuliere variété de leurs caracteres. Sa couleur semble le disputer à son dessin, & acheve d’en faire un tout parfait, par l’union admirable & l’entente qu’on y remarque.
Tout est remarquable dans cet ouvrage [ndr : la Nativité de Boucher] : l’air fin & séduisant de la plûpart des figures, l’élégante naiveté de leurs attitudes, & la singuliere variété de leurs caracteres. Sa couleur semble le disputer à son dessin, & acheve d’en faire un tout parfait, par l’union admirable & l’entente qu’on y remarque.
[...] M. Boucher n’en est pas moins admirable dans ses Pastorales : On ne sauroit y mettre plus d’esprit & de goût ; & de ce charme qui lui est tout particulier. Quelqu’un voudra peut-être objecter que ce n’est pas ici la place de l’esprit, & me renverra aux Eclogues de M. de Fontenelle ; où on l’y a trouvé si défectueux, & à juste titre. Mais avec sa permission, ces deux choses me paroissent fort différentes ; & ont besoin d’une courte explication. La Peinture & la Poësie se ressemblent ; mais l’une est muette, l’autre a cent façons de s’exprimer : on juge bien par conséquent que la première ne sauroit trop animer & réveiller ses compositions. Quelque abus qu’un Peintre fasse de son esprit, ses fautes ne seront ni si remarquables, ni si vicieuses que celles du Poëte : il aura beau fatiguer son pinceau, il est bien sur qu’il n’en sortira jamais ni Madrigaux ni Epigrammes.
BOUCHER, François
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BOUCHER, François
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Sa Venus au bain [ndr : de Vanlo] est tout à fait intéressante ; de même que la Vestale ; quoique ce dernier tableau soit un peu sec. On sent bien que M. Vanlo a voulu y fatiguer ses chairs le moins qu’il lui étoit possible, pour mieux exprimer le caractere de virginité qui étoit de son sujet ; mais on s’apperçoit en même-tems que la nature ne lui a pu servir en cette occasion ; & qu’il n’a pu peindre cet objet que d’idée, & comme un beau fantôme, que lui retraçoit son imagination. La question étoit de chercher un beau modele de Vierge, quelque part ; mais en bonne vérité où le trouver !
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Un Peintre habile doit rectifier la nature en l’imitant ; surtout quand il s’en est rendu maître comme M. Vanlo. Il doit retrancher adroitement ce qu’elle a de trop, & ajouter à ce qui lui manque. Il faut qu’il songe à peindre toujours en beau, autant qu’il lui est possible, & que l’occasion semble le permettre : les Peintres et les Poëtes sont les panégyristes de la Nature.
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[...] On voit deux Tableaux de cet Auteur [ndr : M. Restout], tous deux un peu durs, un peu chargés, & un peu verdâtres ; particulierement celui dont le sujet est une Translation. Celui qui représente la continence de Scipion semble un peu mieux colorié […].
RESTOUT, Jean, dit Jean II Restout, Invention et translation des corps de Saint Gervais et de Saint Protais, 1750, huile sur toile, 194 x 145 , Auvergne, Riom, Église Saint-Amable.
RESTOUT, Jean, dit Jean II Restout, La Continence de Scipion, 1728, huile sur toile, 130 x 196,7, Berlin, Staaliche Museen, Ident.Nr. 83.3.
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RESTOUT, Jean, dit Jean II Restout, Invention et translation des corps de Saint Gervais et de Saint Protais, 1750, huile sur toile, 194 x 145 , Auvergne, Riom, Église Saint-Amable.
RESTOUT, Jean, dit Jean II Restout, La Continence de Scipion, 1728, huile sur toile, 130 x 196,7, Berlin, Staaliche Museen, Ident.Nr. 83.3.
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RESTOUT, Jean, dit Jean II Restout, Invention et translation des corps de Saint Gervais et de Saint Protais, 1750, huile sur toile, 194 x 145 , Auvergne, Riom, Église Saint-Amable.
RESTOUT, Jean, dit Jean II Restout, La Continence de Scipion, 1728, huile sur toile, 130 x 196,7, Berlin, Staaliche Museen, Ident.Nr. 83.3.
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RESTOUT, Jean, dit Jean II Restout, Invention et translation des corps de Saint Gervais et de Saint Protais, 1750, huile sur toile, 194 x 145 , Auvergne, Riom, Église Saint-Amable.
RESTOUT, Jean, dit Jean II Restout, La Continence de Scipion, 1728, huile sur toile, 130 x 196,7, Berlin, Staaliche Museen, Ident.Nr. 83.3.
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Celui qui représente la continence de Scipion semble un peu mieux colorié ; mais pour le coup, M. Restout me permettra de lui dire que ce sujet ne lui convenait en rien. Il s’agissoit d’y caractériser dans tout son éclat, une personne célebre par la beauté dont les charmes étoient si forts & si puissans qu’il étoit comme impossible d’y résister : On relevoit parlà adroitement, le mérite de Scipion qui eut le courage prodigieux d’en triompher ? Point du tout ; on se contente de nous croquer ici séchement une matrone de la plus mauvaise grâce du monde ; & qui n’est remarquable uniquement que par sa laideur. Ce n’est point là ce qu’il falloit encore une fois, mais M. Restout ne pouvoit pas mieux faire dans ce genre. Cet Auteur devroit bien s’étudier à mieux connoitre ce qui lui est propre. Comment pouvoit-il nous donner quelque idée de la beauté, lui qui n’a pu, encore atteindre à nous représenter des caracteres simples & ordinaires ? Je n’en veux pour exemple que ses Tableaux de Dévotion, qui sont comme on sait le fort de cet Auteur. Cependant quelles attitudes dures & forcées n’y voit-on pas ? Quelles grimaces pour des expressions ? Quels airs de tête effrayans & bizarres !