PEINTRE (n. m.)
TERM USED AS TRANSLATIONS IN QUOTATION
MASTER (eng.)TERM USED IN EARLY TRANSLATIONS
ANFÄNGER (deu.)FILTERS
LINKED QUOTATIONS
Quotation
Preface au Lecteur de la Peinture, p. 301
Je désire, Lecteur mon grand Amy, vous délivrer […] de la peur qu'on ne se gausse de votre niaiserie, quand vous voudrez parlez de la platte-peinture l'un des nobles artifices du monde. Le plus grand trompeur du monde c'est le meilleur Peintre de l'univers, & le plus excellent ouvrier; car à vray dire l'eminence de ce mestier ne consiste qu'en une tromperie innocente, & toute pleine d'enthouisiasme & de divin esprit.
Conceptual field(s)
Quotation
Preface au Lecteur de la Peinture, p. 301
Les Poëtes ont leurs inspirations dans la teste où est la verue poëtique, & les Peintres au fin bout des doigts, & à la pointe sçavante du pinceau.
Conceptual field(s)
Quotation
La Platte Peinture. Chapitre XXXIX, p. 307
13. Les bons Peintres cachent toujours quelque secrette intelligence dans leurs ouvrages qui vaut plus que le reste, mais les Maistres seuls les recognoissent, & en ont sentiment.
Conceptual field(s)
Quotation
La Platte Peinture. Chapitre XXXIX, p. 313
39. Le profil de Michel-Ange, le coloris de Raphaël, l'invention et la hardiesse du Parmesan, & les nuits du Bassan font un Peintre l'Idée des bons Peintres. Ce sont les quatre elements d'un parfait Peintre.
BASSANO, Jacopo
IL PARMIGIANINO (Girolamo Francesco Maria Mazzola)
MICHELANGELO (Michelangelo Buonarroti)
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
Conceptual field(s)
Quotation
Et nous lisons dans ce beau rapport que fait Quintilien des Peintres excellens aus plus parfait Orateurs, qu’Euphranor avoit conjoint toutes les autres sciences à celle de la Peinture, ce qui oblige Quintilien â luy comparer son grand Maistre Ciceron. Sans mentir l’ouvrage du pinceau depend bien plus de la teste que de la main ; & si l’historien de la Nature à peu dire que les Lamproyes avoient l’ame au bout de la queüe, rien ne doit nous empescher de prononcer que l’esprit des Peintres de reputation semble estre tout entier au bout de leurs doigts
Conceptual field(s)
Quotation
Mais son principal usage [ndr : la peinture] n’est pas seulement en de semblables observations, ny, comme dit Aristote {L. 8. Polit. c. 3.}, à donner une si parfaite connoissance des tableaus qu’on n’y puisse jamais estre trompé, soit pour la main ou la maniere des grands maistres, soit pour le fin discernement des copies d’avec les originaux, soit pour le prix qui depend presque tousjours de la fantaisie. Le plus grand avantage qu’on en tire vient de ce qu’elle nous apprend en quoy consiste la derniere beauté de tout ce qu’elle represente, & sur tout celle du corps humain.
Car il ne faut point douter que les Peintres ne jugent ordinairement mieux que le reste des hommes de la beauté humaine, tant à cause des regles qu’ils ont à l’esgard de la proportion des membres & des couleurs qui leur conviennent, que pource qu’ils exerçent incessamment leur imagination à former des Idées les plus accomplies qui se puissent concevoir.
Conceptual field(s)
Quotation
Or dautant que les graces ont esté partagées de tems immemorial entre ceus de cette profession, comme elles le sont par tout ailleurs, & qu’encore aujourd’huy les Peintres qui excellent en quelque chose, sont surmontez par d’autres qui ont de l’avantage à leur tour, n’arrivant que rarement qu’un seul possede la perfection de son art avec tant d’eminence, qu’il n’y soit devancé par personne de quelque costé qu’on le puisse prendre. […]
Conceptual field(s)
Quotation
[…] le Peintre doit user de ces lignes proportionnés par une certaine methode, & regle qui n’est autre que celle dont use la nature pour faire un de ses composez ; où premierement elle presuppose la matiere qui est une chose sans forme, sans beauté, & sans bornes, & dans cette matiere, elle introduit la forme qui est une chose belle & terminé. Le Peintre fait de mesme, lequel prend une table ou une toile, qui n’a en sa face qu’une superficie ou un plan sans beauté, les parties duquel n’ont ny terme ny fin, & il l’embellit & termine designant sur iceluy les lineamens d’un homme, d’un cheval, ou d’une colomne ; & formant ou polissant tous ces contours : & en fin imitant par les lignes la nature de la chose qu’il peint, tant en la longueur qu’en la largeur, corpulence, & grosseur.
Le peintre est celui qui par le moyen de ligne doit imiter les choses de la nature, donner forme et beauté à la matière. Terme traduit par PITTORE dans Lomazzo, 1585, p. 22.
Conceptual field(s)
Quotation
[...] le Peintre estant Artiste, doit suivre l’ordre, & proceder de la Nature, laquelle, […] presuppose premierement la matiere des choses ; & puis leur donne la forme. Mais parce que de faire & creer la substance des choses, est […] un œuvre de puissance infinie qui ne se trouve en aucune pure creature, il faut que le Peintre prenne quelque chose au lieu de la matiere, & c’est la quantité proportionnée, laquelle est la matiere de la Peinture. Ce que les Peintres doivent bien considerer, car la quantité proportionnée ne veut dire autre chose que le dessein, & le dessein n’est autre que la matiere substantielle de la Peinture. Et partant qu’ils prennent bien garde que pour excellents & merveilleux qu’ils puissent estre au colorit, s’ils n’ont pas de dessein, ils n’ont pas la matiere de la Peinture, & sont privez par consequent de la partie substantielle d’icelle. Je ne nie pourtant pas que la force du colorit ne soit grande. […] si le Peintre desseignoit seulement un homme de proportion juste & égale au naturel, il est certain que cét homme ne sçauroit estre reconnu pour la quantité seule, parce que l’on trouve plusieurs hommes égaux en quantité : Mais lors qu’outre le dessein, & quantité juste, proportionnée & égale, il y joint la couleur semblable ; alors il donne la derniere forme & perfection à la figure, & fait que ceux qui la voyent discernent de quel homme est. […]. Le Peintre donc employera tout son estude pour devenir excellent Coloriste, puis qu’en ce poinct consiste la perfection de l’art. Et pour cette particularité que contient la Peinture, qui est de representer les choses avec des couleurs semblables, elle se rend differente de tous les autres Arts, principalement de la Sculpture, en laquelle la couleur ne s’employe pas, d’où l’on tire encore l’eminence d’icelle Peinture & son excellence sur la Sculpture, puis que le Peintre fait ce que le Sculpteur ne peut parfaitement faire, qui est d’imiter par son Art la nature avec tant de perfection comme le Peintre l’imite.
Terme traduit par PITTORE dans Lomazzo, 1585, p. 14
Conceptual field(s)
Quotation
Et touchant ce que j’ay cy-dessus dit des Tableaux à qui je donne ce nom ou tiltre d’Originaux, c’est de ceux desquels les Figures & autres Corps dont ils sont composez ou formez, sont tellement diversifiez tant en leur air, vestements, & autres dependances, qu’il ne puisse venir aucune Idée d’en avoir veu de semblables ; ainsi, ce sont de tels Desseignateurs & Peintres, que je nomme Sçavants Originaux, qui outre qu’ils sçavent au besoin bien Coppier toutes les choses visibles de la nature, sçavent aussi en inventer de telles.
Car ainsi faisant, ils font de mesme que les Historiens, & Poëtes, lesquels quoy qu’ils ayent diverses Histoires anciennes & modernes, tant véritables que fabuleuses qui leur peuvent servir de sujet pour composer leurs œuvres, ne laissent pas pour faire paroistre la vivacité de leur Esprit, d’en inventer de telles, qu’on n’en ait jamais veu ny fait mention de semblables.
Ainsi un tel Peintre, quoy qu’il ait toutes les choses visibles de la nature presentes à ses yeux, ou descrites & expliquées dans des livres, neantmoins il ne laisse pas pour faire paroistre la force de son imagination, & acquerir reputation, d’en inventer & d’en former d’autres, qui luy seront toutes particulieres.
Conceptual field(s)
Quotation
[...] quoiqu’il se pourroit rencontrer qu’un Copiste qui se seroit tousjours adonné à Copier, sçauroit plus de particularitez qu’un autre qui s’y seroit moins porté, mais neantmoins je croy que le sçavoir de l’Original Peintre l’emporte sur tout cela ; Reste seulement à dire, que le Coppiste qui a eu l’intention de s’attacher à telles circonstances, & qui a l’imagination aucunement forte pour retenir quelques idées de ces choses, peut estre en quelque sorte capable d’en donner des preceptes és occasions.
Conceptual field(s)
Quotation
Mon sentiment est que de tous nos Arts, il n’y en a aucun plus composé & industrieux que celuy à qui on a donné le nom de Pourtraicture & Peinture, & que ceux qui se veulent rendre en quelque sorte parfaits en la pratique d’iceluy, doivent avoir l’esprit bien universel, l’imagination forte, l’œil bon à discerner la forme des Objets en toutes leurs circonstances, & la main libre, pour se la rendre ouvriere & exercée en la pratique d’iceluy ; & de plus avoir connoissance des mesures d’une grande partie des divers corps visibles de la nature, ou du moins de sçavoir prendre lesdites mesures au besoin ;
Et c’est ce qui a fait, que diverses personnes ont dit & escrit, qu’il falloit qu’un Excellent Peintre eust connoissance de tous les autres Arts, puis que le sien doit representer universellement tout ce qui se peut rencontrer de visible à l’œil humain.
Conceptual field(s)
Quotation
Advertissement au peintre
Le peintre doit estre universel en son estude, mais d’une humeur solitaire & speculative, & considerer ce qu’il rencontre, & raisonner en luy-meme, choisissant en chaque espece qu’il void les parties les plus excellentes, faisant en cela comme le miroir lequel se change en autant de formes et de couleurs qu’il y en a dans les choses qu’on luy presente, & ainsi il paroistra en quelques façon estre une seconde nature.
Conceptual field(s)
Quotation
Advis pour un peintre universel
Si un peintre n’ayme esgalement toutes les parties de la peinture, il ne pourra jamais estre universel ; par exemple si quelqu'un n'a point d'inclination aux païsages, il croit que l'estude en est trop basse pour meriter que l'on s'y amuse […].
Conceptual field(s)
Quotation
Comment il faut estudier les mouvements de l’homme
Avant de s’appliquer à l’estude de l’expression des mouvements de l’homme, il faut avoir une connoissance genérale de tous les membres du corps & de ses jointures, en toutes les positions où ils peuvent estre, & puis esquisser legerement à l’occasion l’action des personnes sans qu’ils sçachent que vous les considérez, parce que s’en appercevant ils auront l’esprit distrait, & perdront la naïsveté & la force de l’expression […] ; ce qu’il seroit impossible de representer par un modele auquel on voudroit faire exprimer les effets d’une veritable colere, ou de quelqu’aute passion, comme le rire, le pleurer, le sentiment de douleur, l’admiration, la creinte, & des affections semblables ; de façon vous aurez soin de porter tousjours sur vos tablettes, afin d’y marquer & esquisser legerement ces expressions […], & par ce moyen vous apprendrez à composer les histoires. Et quand vos tablettes seront toutes pleines, conservez-les bien & garder pour en servir à l’occasion ; […] & un bon peintre doit soigneusement observer deux choses principales en sa profession, dont l’une est le contour de sa figure, & l’autre l’expression vive de ce qu’il luy faut representer, ce qui est tres-important.
Conceptual field(s)
Quotation
Du jugement que fera le peintre de ses ouvrages, & de ceux des autres
Quand le jugement du peintre est esgal à son ouvrage, c’est un mauvais signe pour le peintre, & quand l’ouvrage vient à surpasser le jugement, c’est encore pis, comme il arrive à celuy qui s’esmerveille d’avoir bien reüssi à son dessein : mais lors que le jugement passe au-delà de ce qu’il void en son ouvrage, c’est une tres-bonne marque, & le jeune peintre ayant ce talent d’esprit, sans doute il deviendra un excellent ouvrier, neanmoins ses productions seront rares & en petit nombre, mais elles seront aussi de telle valeur qu’elles donneront de l’admiration, & attireront les yeux d'un chacun à les contempler.
Conceptual field(s)
Quotation
Comment un peintre doit examiner & juger luy-mesme de son propre ouvrage
Il est certain qu’on remarque mieux les fautes d’autruy que les siennes propres ; c’est pourquoy le peintre doit commencer par se rendre bon perspectif , & puis s’acquerir une connaissance entière des mesures du corps humain : Il doit estre encore un bon Architecte, pour le moins en ce qui concerne la regularité exterieure d’un edifice & de toutes ses parties, & aux choses dont il n’a pas la pratique, il ne faut point qu’il neglige d’aller voir & desseigner sur le naturel, mais en travaillant il doit tenir devant lui un miroir plat, & considerer souvent son ouvrage dans ce miroir, qui le luy representera tout au rebours, & semblera de la main d’un autre maistre ; de sorte que par ce moyen il pourra mieux remarquer ses fautes : il sera utile encore de quitter souvent son travail, & de s’aller divertir un peu, parce qu’au retour on aura le jugement plus degagé & plus net, comme au contraire la trop grande attache & la contension trop assiduë hebete l’esprit, & le fait tomber en de lourdes fautes.
Conceptual field(s)
Quotation
le Peintre doit estre commode pour avoir les choses qui luy sont necessaires, à sçavoir un lieu humide pour l'Esté, & un chaud pour l'Hiver. Lieux escartez & solitaires, afin que par la distraction des visites, il n'interrompe son estude : Ou avant de commencer son ouvrage il doit conferer avec ceux qui sont entendus en la Peinture, pourvoir si la disposition de son Histoire est noble, & l'arrangement des figures qui la composent tel que l’Art le requiert, & apres avoir examiné leur conseil, le prendre s'il le juge à propos (parce qu'il y a bien souvent des envieux). Le Dessein estant arrêté l’Ouvrier doit commencer, poursuivre & achever son ouvrage en repos, & ne point souffrir qu'on voye son Tableau qu'il ne soit fini, au peril de passer pour fantasque, & capricieux ; autrement il fera contraint d’essuyer mille affronts, mais je dis de si sensibles qu'ils le desgouteront de poursuivre à bien faire.
Conceptual field(s)
Quotation
{5. Divers talents des Peintres}
Quelques-uns au Dessein ont esté consommez ;
Mesmes quand au dessein, les uns par leur addresse
Ont marié la force à la molle tendresse.
D’autres à qui le Ciel versa le haut Talent
D’un genie inventif, resolu, violent,
N’ont manqué d’autre choses en cette promptitude
Que de la temperer par le poids de l’estude :
Et d’un raisonnement prudent, sage, discret
Du Stille plus pompeux attraper le secret.
Conceptual field(s)
Quotation
Or cela n’est pas fort difficile à résoudre, puisqu’avec le seul Traitté de Leonard de Vinci on peut monstrer assez vraisemblablement, qu’un Peintre, ayant esté bien instruit dés sa jeunesse en toutes les connaissances nécessaires à sa profession, par la methode qu’il prescrit au premier chapitre de son livre, il ne peut manquer d’estre habille-homme : mais après cela, si la nature le favorise du Genïe de l’Art, qui est la vivacité et le caprice de l’Invention, et du Talent de la Grace, (que l’estude ne sçauroit donner), il faut par necessité qu’il reussisse excellent et si ses Ouvrages sont précisément conformes à tout ce qui est enseigné dans la suite de cette Dissertation, on en pourra dire les mesmes choses que de ces Chef-d’œuvres d’Apelles, de Zeuxis, et de Parrhasius.
Conceptual field(s)
Quotation
Mais parce qu’il ne suffit pas encore, pour former un peintre, de l’avoir instruit de ces deux parties [Perspective et Geometrie], qui se peuvent acquerir facilement par l’estude, & qu’il a besoin, outre cela de trois ou quatre autres qualitez plus rares, qui ne luy sçauroient venir que d’une saveur singulière de la nature : cela fait que dans cette profession, parmy un grand nombre d’ouvriers, il s’y rencontrent toûjours fort peu de vrays Peintres : si bien qu’on peut dire d’eux, comme des Poëtes, qu’il faut naistre Peintre : car en effet leur genïe est si semblable, qu’il a passé en commun proverbe, que la Peinture est une poësie muette, et la poësie une Peinture parlante. La raison s’en connoistra manifestement des divers Talents d’esprit qui doivent tous necessairement concourir à la formation d’un Peintre parfait.
Conceptual field(s)
Quotation
Mais comme les trois premières Parties sont tres-necessaires à tous les Peintres, cette quatriesme, qui regarde l’expression des mouvemens de l’esprit, est excellente par dessus les autres, et tout à fait admirable : car elle ne donne pas seulement la vie aux Figures par la representation de leurs gestes et de leur passions, mais il semble encore qu’elles parlent et qu’elles raisonnent. Et c’est de là principalement qu’on doit juger ce que vaut un Peintre, puisqu’il est certain qu’il se peint luy-mesme dans ses tableaux, qui sont autant de miroir du tempérament de son humeur, et de son génïe.
Il n’y a personne qui ne remarque facilement, en faisant la comparaison des Compositions et des Figures de Raphael à celles de Michelange, que ce premier estoit la douceur mesme ; au lieu que tout au contraire Michelange estoit si rustique, et si mal-plaisant qu’il n’avoit aucun esgard à la bien-séance. Ce qui se void manifestement dans son grand Ouvrage de la Chapelle du Vatican, où, voulant representer le Jugement universel de la fin du monde, sur l’autel mesme de ce Sanctuaire, il a introduit plusieurs figures en des actions extrement indecentes : au lieu qu’il paroist que Raphael a apporté de la modestie dans les Sujets les plus liencieux.
De là nous pouvons conjecturer combien il est important que cette partie de l’Expression, qui est la plus excellente de la Peinture, soit accompagnée d’un jugement, et d’une circonspection particulière ; puisque c’est par elle que l’on connoist la qualité de l’esprit du Peintre, qui bien loin de s’acquerir de l’honneur par ses Ouvrages, lors qu’il choquera les regles de la bien-seance, sera sans doute blasmé et mesestimé d’un chacun […]
Conceptual field(s)
Quotation
Il faut donc qu’un Peintre qui aspire à quelque degré de gloire en sa Profession, soit fort exact à ce qui regarde le Costûme, et qu’il en fasse pour ainsi dire son capital, parce qu’il est généralement commun à nos cinq principes fondamentaux, et qu’il en compose l’Eurythmie de telle sorte, qu’on doit le considérer comme le Tout de ces cinq parties. Mais il se faut bien garder de croire que pour satisfaire à l’Intention du Costûme, ce soit assez d’eviter ces inepties, et ces lourdes fautes […] si outre cela on ne paroist ingénieux et sçavant dans l’Expression du Sujet qu’on traitte.
Conceptual field(s)
Quotation
Pour l’autre Composition, qui est de nostre Moderne Jules Romain, elle nous monstre en effet, qu’une Imitation ingenieuse peut egaler et mesme passer encore au-dessus de l’Original, et que par consequent, il n’est pas moins glorieux d’imiter ainsi par concurrence d’esprit, la pensée d’un autre, et de l’enrichir comme il a fait, qu’il est honteux à un Peintre de copier mechaniquement figure à figure tout un Tableau, sans y apporter du sien autre chose que la peine et la sujetion d’un simple Ouvrier ; ce travail n’estant pas tant reputé l’Ouvrage d’un peintre, que l’estude d’un apprenty.
Conceptual field(s)
Quotation
et la Delineation perspective, regardant plustost le mechanique de l’Art, que le Spirituel, et n’estant, par manière de dire que les Instruments de la Science de la Peinture : si bien que ceux qui appliquent tout leur esprit à ces Parties-là, travaillent plustost en gens de mestier, qu’ils n’estudient ; Aussi ne sont-ils nommez par les Sçavants, que des Desseignateurs praticiens, et n’auroient jamais esté considérables parmi les Peintres anciens.
Conceptual field(s)
Quotation
Car puisque la Poësie et la Peinture ne sont qu’une mesme Forme de Genïe, et qu’il est certain que, pour estres Poëte, il ne suffit pas de faire des Vers bien mesurez, avec des paroles agreables à l’oreille, si ce qu’on dit n’est encore quelque chose de sçavant et d’ingénieux : il s’ensuit aussi que dans l’Escole de la Peinture, celuy qui n’applique son esprit qu’à desseigner d’après un Modelle, et qui appuye toute son estude sur le Pinceau, ne sera jamais qu’un Ouvrier mechanique, trés-indigne de la Qualité de peintre, comme cét autre ne passe que pour un simple versificateur.
Si bien qu’au service de cette Noble et Glorieuse Princesse des Arts de la Peinture, qui est tout Esprit, il faut avoir des Talents et des Connaissances extraordinaires pour oser pretendre à l’honneur de ses bonnes graces ; et ceux qui par la bassesse et la pesanteur de leur Nature ne se peuvent eslever plus haut que la partie mechanique ressemblent à ces mauvais Courtisans de Penelope lesquels n’ayant pas l’esprit de s’insinuer favorablement sans son entretien particulier, ny assez d’addresse ou de merite pour se rendre considerable auprés d’Elle, demeuroient derrière les plus galants, et estoient reduits à faire la Cour à ses Suivantes.
Conceptual field(s)
Quotation
Car on ne peut bien dire comment il faut donner plus de force, plus de majesté, & plus de grace aux figures ; tout cela dépend de l’excellence du genie du Peintre. On ne peut encore déterminer une mesure asseurée pour les diverses teintes des couleurs, & pour les effets differens de leurs mélanges. C’est par une longue experience, une grande pratique & un raisonnement solide que toutes ces choses s’apprennent. S’il y a un moyen pour faire davantage paroistre les parties d’un Tableau, pour leur donner plus de force, plus de beauté & plus de grace ; c’est un moyen qui ne consiste pas en des regles qu’on puisse enseigner, mais qui se découvre par la lumiere de la raison, & où quelquefois il faut se conduire contre les regles ordinaires de l’Art. [...] Je sçay bien qu’un excellent Peintre n’est pas loüable si dans ses Ouvrages il y laisse des fautes si grossieres, que tout le monde les aperçoive d’abord, & je sçay bien encore que la perspective est si necessaire à cet Art, que l’on peut dire qu’elle est mesme de son essence ; Cependant cette partie n’entre pas en comparaison avec tant d’autres qu’un Peintre doit sçavoir, & qui sont d’une étude bien plus longue & plus penible, puis que se conduisant en celle-là par le moyen de la regle & du compas, la pratique n’en est pas moins facile que les regles en sont aisées à comprendre, n’y ayant guere d’esprits, pour peu intelligens qu’ils soient, qui ne puissent s’y rendre sçavans en tres-peu de temps.
Des gens neanmoins qui n’ont de connoissance qu’en cela, ne laissent pas quelquefois de blâmer hautement un excellent Tableau, & de vouloir diminuer de l’estime du Peintre, parce qu’il aura omis ou négligé quelque chose qui n’ira pas chercher le point de veuë. Et comme ces Censeurs ont facilement appris la Perspective, mais qu’ils ignorent les parties les plus difficiles de la Peinture, ils se récrient sur ce petit defaut, comme s’ils estoient les Juges souverains des plus beaux Ouvrages ; bien qu’à dire vray, il se trouve beaucoup de telles gens qui sont fort peu capables d’en connoistre tout l’art & toute la perfection.
Conceptual field(s)
Quotation
Car pour bien expliquer toutes les choses que j’ay apprises des plus sçavants Peintres, il faudroit faire un Ouvrage dont le corps fust divisé en trois principales parties. La premiere qui traiteroit de la COMPOSITION comprendroit presque toute la theorie de l’Art, à cause que l’operation s’en fait dans l’imagination du Peintre, qui doit avoir disposé tout son Ouvrage dans son esprit & le posseder parfaitement avant que d’en venir à l’execution. Les deux autres parties, qui parleroient du DESSEIN et du COLORIS, ne regardent que la Pratique, & appartiennent à l’Ouvrier ; ce qui les rend moins nobles que la premiere qui est toute libre, & que l’on peut sçavoir sans estre Peintre. Pour bien composer un Tableau le Peintre doit donc avoir une science & generale & particuliere de toutes les parties qui y entrent.
Conceptual field(s)
DE PILES, Roger, De l'art de peinture de Charles Alphonse Dufresnoy, Paris, Nicolas Langlois, 1668.
4 quotationsQuotation
{I. Precepte. Du Beau.}
Cependant vous ne devez pas vous attendre que la fortune & le hazard vous donnent infailliblement les belles choses ; quoy que celles que nous voyons soient vrayes & naturelles, elles ne sont pas toûjours pour la bienséance & pour l’ornement : ce n’est pas assez d’imiter de point en point d’une maniere basse toute sorte de Nature ; mais il faut que le Peintre en prenne ce qui est de plus beau, *comme l’Arbitre souverain de son Art, & que par le progrès qu’il y aura fait, il en sçache reparer les defauts, & n’en laisse point échapper les beautez* fuyantes & passageres. […]
Conceptual field(s)
Quotation
{LVIII. Pour le jeune Peintre.}
[…] Que celuy qui commence ne se haste pas tant d'étudier d'après Nature tout ce qu'il fera, qu'auparavant il ne sçache les Proportions, l'Attachement des Parties, & leurs Contours ; qu'il n'aye bien examiné les excellens Originaux, & qu'il ne soit instruit des douces Tromperies de l'Art, qu'il aura apprises d'un sçavant Maistre plûtost par la Pratique & en le voyant faire, qu'en l'écoutant seulement parler.
Conceptual field(s)
Quotation
{LIX. L’Art sujet au Peintre.}
*Cherchez tout ce qui aide vostre Art & qui luy convient, fuyez tout ce qui luy repugne.
Conceptual field(s)
Quotation
[…] *Les qualitez d’un excellent Peintre sont, d’avoir le Jugement bon, l’Esprit docile, le Cœur noble, le Sens sublime, de la Ferveur, de la Santé, de la Jeunesse, de la Beauté, la commodité des Biens, le Travail, l’Amour pour son Art, & d’estre sous la Discipline d’un sçavant Maistre. Et quelque Sujet que vous puissiez choisir, ou que le hazard & la bonne fortune vous presente, si vous n’avez le Genie ou l’inclination naturelle que demande vostre Art, vous ne parviendrez jamais à sa perfection avec tous ces grands avantages que je viens de dire : car il y a bien loin de ce que peut faire la Main à cette sorte d’intelligence que donne une heureuse Naissance & un beau Genie. […]
Conceptual field(s)
Quotation
50. [comme l’Arbitre souverain de son Art] Ce mot d’Arbitre souverain, presuppose un Peintre pleinement instruit de toutes les Parties de la Peinture ; en sorte que s’estant mis comme au dessus de son Art, il en soit le Maistre & le Souverain : ce qui n’est pas une petite affaire. Ceux de la Profession ont si rarement cette suprême capacité, qu’il s’en trouve bien peu qui puissent estre de bons Juges des Ouvrages, & que je ferois souvent plus d’estat de l’avis d’un homme de bon sens, qui n’auroient jamais manié le Pinceau, que de celuy de la pluspart des Peintres. Tous les peintres peuvent donc estre Arbitres de leur Art ; mais pour estre souverains Arbitres, il n’appartient qu’aux sçavans Peintres.
Conceptual field(s)
Quotation
78. [Il est fort à propos en cherchant, &c.] Voicy le plus important Precepte de tous ceux de la Peinture. Il appartient proprement au Peintre seul, & tous les autres sont empruntez, de belles Lettres, de la Medecine, des Mathematiques, ou enfin des autres Arts : car il suffit d’avoir de l’esprit & des Lettres, pour faire une tres belle Invention : Pour dessiner, il faut de l’Anatomie ; un Mathematicien mettra fort bien les bastimens & autres choses en Perspective, & les autres Arts apporteront de leur costé ce qui est necessaire pour la matiere d’un beau Tableau : Mais pour l’œconomie du Tout-ensemble, il n’y a que le Peintre seul qui l’entende ; parce que la fin du Peintre est de tromper agreablement les yeux : ce qu’il ne fera jamais, si cette Partie lui manque. Un Tableau peut faire un mauvais effet, lequel sera d’une sçavante Invention, d’un Dessein correct, & qui aura les Couleurs les plus belles & les plus fines : Et au contraire, on peut en voir d’autres mal Inventez, mal Dessinez, & peints de Couleurs les plus communes, qui feront un tres-bon effet, & qui tromperont beaucoup davantage. […]
Ce Precepte est proprement l’usage & l’application de tous les autres : c’est pourquoy il demande beaucoup de Jugement. Il faut donc tellement prevoir les choses, que vostre Tableau soit peint dans vostre teste devant que de l’estre sur la toile. […] Il est certain que ceux qui ont cette prevoyance, travaillent avec un plaisir & une facilité incroyable ; & que les autres au contraire, ne font que changer et rechanger leur Ouvrage, qui ne leur laisse au bout du conte que du chagrin.
On peut inferer de ce que je viens de dire, que l'Invention & la Disposition sont deux Parties differentes. En effet, quoy que la derniere dépende de l'autre, & qu'elle y soit communement comprise, il faut cependant bien se garder de les confondre : L'Invention trouve simplement les choses, & en fait un choix convenable à l'Histoire que l'on traite ; & la Disposition les distribuë chacune à sa place quand elles sont inventées, & accommode les Figures & les Grouppes en particulier, & le Tout-ensemble du Tableau en general ; en sorte que cette Œconomie produit le mesme effet pour les yeux, qu'un Concert de Musique pour les oreilles.
Conceptual field(s)
Quotation
177. [Ne soyez pas si fort attaché à la Nature, &c.] Ce Precepte est contre deux sortes de Peintres. Premierement contre ceux qui sont tellement attachez à la Nature, qu’ils ne peuvent rien sans elle, qui la copient comme ils la croyent voir, sans y rien adjoûter ny en retrancher la moindre chose, soit pour le Nud, ou pour les Draperies ; Et secondement il est contre ceux qui peignent toutes choses de Pratique, sans pouvoir s’assujettir à rien retoucher ny examiner sur le Naturel. Ces derniers sont proprement des Libertins de Peinture, comme il y en a de Religion, lesquels n’ont pas d’autre Loy que l’impetuosité de leurs inclinations, qu’ils ne veulent pas vaincre, de mesme que les Libertins de Peinture n’ont point d’autre Modele, que la boutade d’un Genie mal reglé, qui les emporte. Quoy que ces deux sortes de Peintres soient & l’un & l’autre dans des extremitez vitieuses, toutefois les premiers me semblent moins insupportables ; parce que s’ils n’imitent pas la Nature accompagnée de toutes ses beautez & de toutes ses graces, au moins imitent-ils une Nature qui nous est connuë, & que nous voyons tous les jours : au lieu que les autres nous en font voir une toute sauvage, que nous ne connoissons point, & qui semble estre d’une creation toute nouvelle.
Conceptual field(s)
Quotation
215. [Les Marques des Vertus.] C’est à dire, des Sciences & des Arts. Les Italiens appellent Virtuoso un homme qui aime les beaux Arts, & qui s’y connoist : & parmy nos Peintres, le mot de vertueux s’entend mesme assez dans cette signification.
Conceptual field(s)
Quotation
233. [C'est où consiste la plus grande difficulté] pour deux raisons ; & parce qu'il en faut faire une grande étude, tant sur les belles Antiques & sur les beaux Tableaux, que sur la Nature ; & parce que cette Partie dépend presque entierement du Genie, & qu’elle semble estre purement un don du Ciel, que nous avons receu dés nostre naissance […] neantmoins il est à mon avis necessaire que les uns & les autres apprennent parfaitement le Caractère de chaque Passion.
Toutes les actions de l’Appetit sensitif sont appellées Passions, dautant qu’elles agitent l’Ame, & que le Corps y patit & s’y altere sensiblement : Ce sont ces diverses agitations & ces differens mouvemens de tout le Corps en general, & de chacune de ses Parties en particulier, que nostre Excellent Peintre doit connoistre, dont il doit faire son estude, & se former une parfaite Idée. Mais il sera fort à propos de sçavoir d’abord que les Philosophes en admettent onze ; l’Amour, la Haine, le Desir, la Fuïte, la Joye, la Tristesse, l’Esperance, le Desespoir, la Hardiesse, la Crainte, & la Colere. Les Peintres les multiplient non seulement par leurs differens degrez, mais encore par leurs differentes especes : car ils feront par exemple six personnes dans le mesme degré de Crainte, qui exprimeront cette Passion tous differemment ; & c’est cette diversité d’especes qui fait faire la distinction des Peintres qui sont veritablement habiles, d’avec ceux qu’on appelle Manieristes, & qui repetent jusqu’à cinq ou six fois dans un mesme Tableau les mesmes Airs de teste. […]
Antiques (les)
DU FRESNOY, Charles-Alphonse
Conceptual field(s)
Quotation
487. [Les qualitez, &c.] Dans la verité il y en a bien peu qui ayent les qualitez que nostre Auteur demande ; aussi y a-t-il bien peu d’habiles Peintres. […] Ces qualitez sont, d’avoir
Le Jugement bon, pour ne rien faire contre la raison & la vraye-semblance.
L’Esprit docile, pour profiter des enseignemens, & pour recevoir sans arrogance le sentiment d’un chacun, & principalement des gens éclairez.
Le Cœur noble, pour avoir plûtost en veuë la gloire & la reputation que les richesses.
Le Sens sublime, pour concevoir promptement, pour produire de belles idées, & pour traiter les Sujets d’une maniere haute, où l’on puisse remarquer du fin, du delicat, & du precieux.
De la Ferveur, pour arriver au moins jusqu’à un certain degré de perfection, sans se lasser des études que demande la Peinture.
De la Santé, pour resister à la dissipation des esprits, qui se fait dans l’application.
De la Jeunesse, parce que la Peinture demande beaucoup d’experience & de pratique.
De la Beauté, parce que le Peintre se peint toûjours dans ses Tableaux, & que la Nature aime à produire son semblable.
La Commodité des Biens, pour avoir tout le temps d’étudier & de travailler en repos, sans estre troublé de l’image affreuse & terrible de la pauvreté.
Le Travail, parce que la Theorie n’est rien sans la pratique.
L’Amour pour son Art. Nous ne souffrons jamais dans le travail que nous aimons ; & s’il arrive que nous y souffrions, nous y aimons la peine.
Et D’estre sous la Discipline d’un Sçavant Maître ; parce que tout dépend quasi des commencemens, & qu’ordinairement l’on prend la Maniere de son Maistre, & que l’on se fait à son goust. Voyez le Vers 422. & la Remarque que j’ay faite dessus.
Toutes ces belles qualitez seront ingrates & comme inutiles au Peintre, si les dispositions exterieures n’y répondent, je veux dire, le temps favorable, comme est celuy de la Paix, qui est la Nourrice des beaux Arts. Il faut encore l’occasion, pour faire voir par quelque Ouvrage considerable ce que l’on sçait faire, & un Protecteur qui soit une personne d’autorité, qui prenne en quelque façon le soin de nostre fortune, & qui sçache dire du bien de nous en temps & lieu.
Conceptual field(s)
Quotation
Quoy, répliqua Damon, vous voulez qu'un Tableau demeure sans nom, & que les connoisseurs ne le puissent trouver ? Pourquoy non, repartit Pamphile ; il y a eu dans toutes les Ecoles de Peinture quantité d'habiles gens qui ont fait de belles choses, & dont le nom n'est pas venu jusqu'à nous, ou parce qu'ils n'ont pas vécu long-temps, ou parce qu'ils ont demeuré presque toute leur vie chez des Maistres, dont la grande réputation n'a pas permis à leurs Disciples de s'en acquérir une particulière. Et quand on connoistroit toutes les manières, & les noms de tous les Peintres, il y a des Tableaux si douteux, que ce seroit une témérité de vouloir assurer du nom de leur Auteur. La pluspart des habiles Peintres ont passé d'une manière à une autre, & dans ce passage, ils ont fait des Tableaux qui ne tiennent, ny de la première manière, ny de la seconde.
Conceptual field(s)
Quotation
Encore qu'il ne suffise pas que le Peintre ait trouvé toutes les choses qui doivent entrer dans son Tableau, & qui y sont essentielles ; car il faut encore qu'il les dispose d'une manière avantageuse & qui fasse paroistre ce qu'elles ont de plus beau, ou qu'il en néglige quelques-unes pour donner plus d'éclat à d'autres sur qui l'on veut attirer les regards : C'est assez d'avoir de l'esprit pour imaginer tous les objets qui composent un sujet : mais pour les bien disposer, & pour sçavoir l'oeconomie du tout ensemble, il faut estre excellent Peintre.
Conceptual field(s)
Quotation
Les passions qu'il exprime dans les Figures auront de la noblesse s'il a l'esprit eslevé, & tomberont au contraire dans la bassesse & dans la froideur, s'il n'a luy-mesme ny vivacité, ny grandeur d'ame. On ne peut donner que ce que l'on a & c'est par le caractere de ce Génie qu'on reconnoist le Peintre, & qu'il fait son Portrait dans tous ses Ouvrages
Conceptual field(s)
Quotation
II me semble, continua-t'il, que la Peinture enferme tant de connoissances, qu'il est nécessaire qu'un Peintre sçache la Philosophie, la Géométrie, la Perspective, l'Architecture, l'Anatomie, l'Histoire, la Fable, & quelque chose mesme de la Théologie : qu'il sçache les devoir de la vie civile, &; qu'il ait une grande pratique du Dessein, & du Coloris. Ces choies luy conviennent tres-bien, reparut Pamphile, & plusieurs aunes mesme que vous ne nommez point : mais elles ne luy sont pas de la derniere nécessité. D'attribuer à un Peintre tant de Siences, ce n'est point en donner une idée y c'est faire le Portrait d'un homme accompli.
Conceptual field(s)
Quotation
Ainsi quoy que l'Idée parfaite du Peintre dépende du Dessein & du Coloris tout ensemble, il faut se la former spécialement par le dernier, d'autant que par cette différence qui le rend un parfait imitateur de la Nature, on le démelle d’entre les autres Ouvriers dont l'Art ne peut arriver à cette parfaite imitation, & l'on ne peut concevoir qu'un Peintre.
Conceptual field(s)
Quotation
La fin du Peintre &: du Sculpteur est donc l’imitation ; mais ils y arrivent par de différentes voyes, le Sculpteur par la matière solides en imitant la quantité, & le Peintre par la couleur en imitant & la quantité, & la qualité des objets en sorte qu'il est obligé non seulement de plaire aux yeux comme le Sculpteur ; mais encore de les tromper dans tout ce qu’il représente.
Conceptual field(s)
Quotation
Le Peintre est comme l'Orateur, & le Sculpteur comme le Grammerien. Le Grammerien est correct & juste dans ses mots, il s'explique nettement, &. sans ambiguité dans ses discours, comme le Sculpteur fait dans ses Figures, & l'on doit comprendre facilement ce que l'un & l'autre nous représentent. L'Orateur doit être instruit des choses que sait le Grammerien, & le Peintre de celles que sçait le Sculpteur. Elles leurs sont à chacun nécessaires pour communiquer leurs pensées, & pour se faire entendre ; mais & l’orateur, & le Peintre, sont obligez de passer outre. Le Peintre doit persuader les yeux comme tout homme Eloquent doit toucher le coeur. Et de même qu'on ne dit point que l’Orateur pour persuader doit sçavoir la Grammaire, & parier intelligiblement , & avec justesse, puisque cela s'entend assez aussi ne dit-on point qu'un Peintre doit sçavoir dessiner pour imposer aux yeux ; puisqu'on le suppose pareillement, & dans la plus grande correction qu'il est possible.
Conceptual field(s)
Quotation
Les études d’un Peintre pour son Art, sont la Geometrie, l’Orthographie ou élevation des Bastimens sur leur plan, la Senographie ou Perspective ; la Gnomonique ou l’usage des Cadrans Solaires [...].
Il doit sçavoir l’Architecture, les fortifications, la doctrine des Triangles rectilignes & spheriques, pour prendre l’étenduë des lignes droites & sinueuses.
Il doit sçavoir la Geographie, la Corographie & la Topographie.
Il doit bien sçavoir la Sphere & l’usage des Globes, & il ne doit pas ignorer Lidrographie, qui est une étude tres-belle & assez particuliere.
Il faut qu’il sçache parfaitement l’Anatomie, & qu’il connoisse l’effet des Muscles, des Arterres, la situation des Veines, & qu’il imite tant qu’il luy sera possible Michel Lange, qui estoit bon Peintre, bon Sculpteur, & bon Architecte.
Conceptual field(s)
Quotation
Les qualités d’un excellent Peintre, sont, d’avoir le jugement bon, l’esprit docile, le coeur noble, le sens sublime, de la ferveur, de la santé, de la jeunesse, de la beauté, la commodité de biens, le travail, l’amour pour son Art, & d’estre sous la discipline d’un maistre. Et quelque sujet que vous puissiez choisir, ou que le hazard & la bonne fortune vous presentent, si vous n’avez le genie, ou l’inclination naturelle, que demande vostre Art, vous ne parvienderay jamais à sa perfection avec tous ces grands avantages, que je viens de dire : car il y a bien loin de se parfaire la main à cette sorte d’intelligence, que donne une heureuse naissance, & un beau genie.
Conceptual field(s)
Quotation
Les livres qui sont propres aux Peintres, sont la Bible, l’Histoire des Juifs, de Joseph, l’Histoire Romaine, le Tite Live, Homere, l’Histoire Ecclesiastique de Godeau, Baronius, les Metamorphoses d’Ovide de Durier, les tableaux de Philostrate, Plutarque des hommes illustres, Pausanias, la religion des Romains, la Colomne [sic] Trajane, les livres de medailles, les bas Reliefs de Perier, Horace, certains Romans capables d’entretenir le genie, & de fortifier par les belles idées, qu’ils donnent des choses.
Le Peintre peut encore se servir, quand il en aura besoin de la Mitologie des Dieux, les images des Dieux, l’Inconologie [sic], les Fables d’Hyginus, la perspective pratique, Leonard de Vinci Paul Lomasse, Jean Baptiste Armeniny, Franciscus Junius, le Sieur de Cambray, Monsieur Felibien sur le tableau d’Alexandre de la main de Monsieur le Brun.
Voila a peu prés la bibliotheque d’un Peintre qu’il doit lire souvent, à moins qu’il ne veuille se contenter de posseder la peinture, comme le plus sale de tous les Métiers, & non comme le plus noble de tous les Arts.
ARMENINI, Giovanni Battista
BARONIO, Cesare
DA VINCI, Leonardo
FÉLIBIEN, André
FRÉART de CHAMBRAY, Roland
GODEAU, Antoine
HOMEROS
HORATIUS
JUNIUS, Franciscus
LOMAZZO, Giovanni Paolo
OVIDIUS
PAUSANIAS
PLUTARCHOS
TITUS FLAVIUS JOSEPHUS
TITUS LIVIUS
Conceptual field(s)
Quotation
car ce n’est pas seulement la bonté des couleurs qui en fait la beauté dans un Tableau, c’est le travail & la maniere de les employer ; ce qui fait qu’un bon & un mauvais Peintre font des ouvrages bien differents quoy qu’ils se servent des mesmes couleurs. Outre cela, il y a le meslange qui se fait des couleurs principales les unes avec les autres ; qui ne s’apprend bien que par la pratique, & encore ce en seroit pas assez de l’avoir veu faire une ou deux fois, il faut comprendre en travaillant soy-mesme la force & la nature de chaque couleur en particulier, & sçavoir mesme avant que de les employer l’effet qu’elles doivent faire. Car comme les Sciences & les Arts ont quelque ressemblance les uns avec les autres ; les Peintres ont cela de commun avec les Orateurs que de mesme qu’il n’est pas possible, selon le tesmoignage d’Hermogenes, de bien faire une oraison, & de sçavoir comment elle doit estre composée, si l’on ne sçait auparavant quelles sont les choses qui doivent y entrer, aussi est-il difficile à un Peintre de bien colorier les corps qu’il veut representer, s’il ne sçait la force des couleurs qu’il veut employer, & l’effet qu’elles produiront quand elles seront meslées ensemble : comme quand le noir de charbon est meslé avec le blanc, le Peintre doit sçavoir qu’il en naistra une couleur d’un gris bluastre ; & que le jaune & le bleu feront du vert.
Conceptual field(s)
Quotation
La Peinture, luy repartis-je, embrasse, comme je vous ay dit plusieurs fois, tant de parties, dont la moindre demanderoit la vie d’un homme pour la bien étudier, qu’il ne faut pas estre surpris si les plus grands Peintres ne les ont jamais possédées toutes dans une égale perfection. Cependant comme la fin principale du Peintre est de representer la Nature sur une superficie plate ; & que cela ne se fait bien que par le moyen des couleurs, des ombres & des jours conduits judicieusement avec l’aide du dessein, qui doit estre toujours le guide & comme le maistre dans les ateliers des Peintres. Il est certain que ceux qui se sont rendus bons coloristes ont fait un grand progrez, & sont entrez bien avant, s’il faut ainsi dire, dans ce qu’il y a de plus secret & de plus beau dans cet art. C’est ce qui est arrivé au Titien & à ceux de son Escole, & qui leur a fait mériter une gloire toute particuliere.
École lombarde
École romaine
École vénitienne
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
ROMANO, Giulio
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
Conceptual field(s)
Quotation
[...] De sorte, dist Pymandre, que je puis sur cela vous faire une question, & vous demander ce que l’on doit le plus estimer dans un tableau ou le genie du Peintre, ou la force de l’Art.
Comme l’esprit du Peintre paroist dans tout ce qu’il fait, repartis-je, vous pourriez plustost demander lequel est le plus digne d’estime, ou celuy qui sçait tromper par la force de son Art, ou celuy qui montre beaucoup d’invention & de feu dans de grands ouvrages, mais qui ne trompent point comme les autres.
[…] Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir exécuté ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles se voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.
Pour moy, respondit Pymandre, je ne voudrois pas donner mon jugement là dessus ; mais j'ay leu que Zeuxis ayant peint une Centaure, se fascha voyant que l’on en estimoit plustost la nouvelle invention, que l’art qu’il avoit employé à la bien representer, estimant davantage cette derniere partie que la premiere. Et j’ay encore remarqué que les Anciens ont fait beaucoup de cas de plusieurs tableaux qui n’estoient que de peu de figures.
C’est pourquoy, repris-je, ceux qui ont une inclination particuliere pour les Ouvrages du Titien, & des autres Peintres de Lombardie, disent que si les Anciens ont receu beaucoup de loüanges pour des sujets de peu de figures, l’on ne doit pas trouver à redire si le Titien pour les imiter a plustost tasché d’acquerir la partie de bien peindre, que celle qui regarde les grandes dispositions, & la connoissance particuliere de l’Histoire & des Coustumes. Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir executé ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.
Anciens (les)
École lombarde
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
ZEUXIS
Conceptual field(s)
Quotation
Dans la troisième Partie [ndr : de l’ouvrage], est la description de la première Classe des Peintres, ou plûtost de la seule & veritable Peinture. On voit d’abord la necessité de tomber entre les mains d’un bon Maistre, pour aller droit à sa perfection, l’excellence de cette Science, sa difficulté, la fin que le Peintre se doit proposer dans son travail, les qualités & l’étude que doit avoir un Jeune-homme, dont on veut faire un digne Peintre, & la cause pour laquelle il y en a si peu de bons : la description du Palais de la Peinture, son antiquité, sa fondation, son assiette, & la difficulté d’y arriver, qui en détourne les ames lâches.
La « véritable peinture » est celle qui est pratiquée par les peintres de l’Académie
Conceptual field(s)
Quotation
[…] Je passay donc le plus vîte que je pûs quelques autres assemblées, où je vis en passant des Peintres en Mignature & en Email, qui estoient prests d’en venir aux mains avec les Peintres à l’huile, qui leur disputoient la qualité de Maistres-Peintres ; ce qui fist naistre une longue dispute, dont je ne pûs attendre la fin, tan j’estois pressé de sortir.
Restout évoque la dispute entre les différentes spécialités pour revendiquer la qualité de maître-peintre
Conceptual field(s)
Quotation
[…] Un autre enfin me dît d’un air, qui marquoit du déplaisir, qu’il avoit esté nouri dés ses plus tendres années dans la boutique d’un pauvre Peintre, où il n’avoit jamais entendu parler des choses necessaires, pour acquerir la moindre connoissance de la Peinture, & qu’il avoit passé sa jeunesse dans l’abus dont on l’avoit prevenu, que pour estre Peintre, il ne falloit qu’un peu connoistre les couleurs, & les appliquer sans raisonnement sur une toile, & que sa derniere perfection consistoit à copier quelque méchante Estampe, à faire des couleurs luisantes & bien polies, enfin qu’il ne falloit pas plus de science & d’étude pour estre Peintre, que pour estre Cordonnier, ou Tailleur d’habits, & qu’ainsi il se voyoit avec douleur reduit à la honteuse necessité de demeurer dans l’ignorance & l’erreur, s’il ne trouvoit bientost quelque favorable occasion de reprendre le bon chemin.
Conceptual field(s)
Quotation
[....] La Place estoit ornée tout au tour de Statuës, que les Cabalistes avoient fait ériger à leurs Princes, entre lesquelles celle de Michelange occupoit le premier lieu, accompagné de celles du Titien, du Georgion, de Paul Veronese, du Tintoret, des Bassans, du Correge, du Guide, de Rubens, Vandick, Zuccaro, Lanfranc, Joseph Pin, Maistre Rousse, Saint Martin, Ribera, Pietre Teste, Freminet, Tempeste, Blœmaret, P. ….. V ….. B. …. V. … &c toutes posées sur leurs piedestaux, avec chacune une Inscription à leur loüange.
On ne voyait là ny les Apelles, ny les Timanthes, ny les Raphaëls, ny les Poussins, ny les Leonards de Vincy, ny les Jules Romains, ny les autres de ce merite, dont on ne se doit pas étonner, veu qu’ayans tous esté les Antagonistes de ces faux Peintres, les Cabalistes n’avoient garde de leur donner place parmi ceux dont ils ont méprisé les ouvrages & les maximes.
APELLES
BASSANO, les
BLOEMAERT, Abraham
CESARI, Giuseppe (Cavaliere d'Arpino)
DA VINCI, Leonardo
EL ESPAGÑOLETO (José de Ribera)
FRÉMINET, Martin
GIORGIONE (Giorgio da Castelfranco)
IL CORREGGIO (Antonio Allegri)
IL PRIMATICCIO (Francesco Primaticcio)
IL TINTORETTO (Jacopo Robusti)
LANFRANCO, Giovanni
MICHELANGELO (Michelangelo Buonarroti)
POUSSIN, Nicolas
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
RENI, Guido
ROMANO, Giulio
ROSSO FIORENTINO (Giovanni Battista di Jacopo)
RUBENS, Peter Paul
TEMPESTA, Antonio
TESTA, Pietro
TIMANTHES
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
VAN DYCK, Antoon
VERONESE, Paolo (Paolo Caliari)
ZUCCARO, les
Michel Ange est érigé en chef de file des cabalistes, écho à la critique de l’artiste par Fréart de Chambray
Conceptual field(s)
Quotation
[...] On peut dire de la Peinture comme de la Poësie, & s’il faut pour reussir en celle-cy estre nay Poëte, il n’est pas moins necessaire d’estre nay Peintre, pour estre parfait en celle-là. J’entends que le jeune Peintre doit estre pourvû d’un esprit fort & solide, disciplinable, & capable de grandes entreprises, d’une ame courageuse, d’un beau genie, inventif & rempli du beau feu qui fait les galands hommes : Il faut surtout qu’il ait de l’amour pour sa Profession, duquel naistra celui de l’étude & du travail, qui sont les deux aisles desquelles il se doit servir, pour arriver à la perfection de son Art : De plus, il doit avoir une bonne éducation, qui le rende civil, honneste, gracieux & moderé dans ses actions, à quoy il faut encor adjoûter un corps bien fait, une bonne santé, une suffisante commodité des biens de fortune, pour pouvoir étudier librement & sans craindre la necessité, qui oblige ceux qui en ressentent les incommodités, de negliger l’étude, pour penser seulement à gaigner de quoy vivre.
Restout donne ici une définition du peintre savant et reprend le lieu commun de l’Ut pictura poesis
Conceptual field(s)
Quotation
[...] Maintenant quant aux dispositions prochaines d’un homme, qui veut devenir un vray Peintre, il faut suivant l’exemple de ces sçavants Maistres de l’Antiquité, qu’il ait non pas seulement, comme croyent quelques-uns, une legere teinture des humanités, dans lesquelles au contraire il doit estre tres bien versé ; mais encor qu’il soit bon Rethoricien, afin que connoissant l’adresse dont l’Orateur use dans un discours pour persuader, les expressions & l’industrie dont il se sert pour émouvoir, toucher & exciter les passions dans l’ame de ses auditeurs, il s’en serve aussi dans ses ouvrages, qui doivent faire la même impression sur les esprits, feroit un discours étudié, l’un & l’autre ayant également pour but, d’instuire, de divertir & de toucher tout ensemble. Il faut encor qu’il soit Poëte, cet Art & le notre ayant ce raport entr’eux, que la Poësie est une Peinture Parlante, & la Peinture une Poësie muette ; ensorte que ce que l’une écrit sur le papier, l’autre nous le peint sur la toile, se servans toutes deux des mêmes regles pour la composition de leurs Ouvrages. De là s’ensuit, qu’il doit avoir une parfaite connoissance de l’Histoire Sacrée, Profane & Fabuleuse, de l’Astronomie, de la Cosmographie, Geographie, Chronologie ; sur tout de l’Arithmetique, Geometrie & Optique, dont les principes infaillibles sont le fondement de la Peinture.
Il doit encor estre sçavant en l’Architecture, & avoir même la connoissance de la Sculpture, pour le besoin qu’il en aura dans ses ouvrages.
La Philosophie lui est encor absolument necessaire, non pas cette Philosophie pedantesque, qui s’occupe toute en la chicane ; mais celle qui nous conduit avec honneur à la connoissance de la Verité, & entre toutes les autres parties de cette science, qu’il possede sur tout la Physique, qui est la connoissance des choses naturelles, & cette partie de la Morale, qui donne la connoissance des Passions.
Restout donne une définition du vrai peintre et dresse la liste des connaissances qu’il doit avoir. Il reprend le parallèle entre l’art oratoire et la peinture qui partagent le même objectif : émouvoir, toucher et exciter les passions de l’âme
Conceptual field(s)
Quotation
Nos plus grands Maistres s’y trouvent embarassez, & souvent ne conviennent pas entre eux ; ils se forment differentes idées de beauté ; lesquelles ils reglent presque toûjours suivant leur païs & leur tempérament.
Je dis suivant leur païs : car comme tous les hommes, dans leur air & dans leurs manieres, tiennent toûjours beaucoup du climat où ils sont nez, les Peintres se forment des goûts particuliers sur les objets qu’ils voyent sans cesse, dont ils se remplissent tellement l’imagination, qu’ils y conforment toutes leurs Figures.
De là vient qu’il y a des Provinces du nom desquelles on caracterise les peintres en disant c’est du goût de tel Païs, & qu’en effet ce goût se trouve, ou plus ou moins dans tous les Dessignateurs de ces Nations.
Pour ce qui est du temperament, il agit encore plus puissamment en nous. Comme c’est luy qui fait la distinction la plus essentielle d’un homme a un autre, il a part à tout ce que nous faisons. C’est dans ce sens qu’on peut dire qu’un Peintre se peint soy-mesme dans ses Ouvrages, & que si nous avions assez de penetration, nous y pourrions lire ses inclinations dominantes. Un sentiment secret né avec nous, & dont souvent on ne connoît pas la cause, est ordinairement ce qui nous determine dans nostre choix, & nous fait conformer nos figures à l’air des personnes pour qui nous aurions le plus de penchant.
Il y a mesmes des Peintres en qui le temperament est si marqué qu’on ne sçauroit s’y méprendre. Nous en avons eu qui ne se portoient d’eux-mesmes qu’à certains sujets ; les uns à des sujets agreables comme des bains de Diane, des jeux de Nymphes, & choses semblables ; d’autres choisissent toûjours des sujets rudes, des sortileges, des apparitions de morts, & toutes choses naturellement effrayantes.
Si l’on prenoit la peine de les observer suivant cette remarque, on trouveroit que la façon de vivre des uns & des autres répondoit à leurs Ouvrages, & que le caractere de leur esprit y estoit marqué, non seulement dans le choix des sujets, mais encore dans chaque Figure en particulier.
Conceptual field(s)
Quotation
Le Peintre efface, le Sculpteur non. Le dessein du Peintre est perspectif, celui du Sculpteur Geometral. Le Peintre adjoûte, le Sculpteur ôte. Le Peintre doit sçavoir de tout. Tout sert en peinture comme en ménage.
Conceptual field(s)
Quotation
Les mauvais Peintres sont d’un grand secours dans la peinture car ils enseignent comme il ne faut pas faire, leur école est negative & abnutive [sic].
Il s'agit ici du mauvais peintre
Conceptual field(s)
Quotation
On a aussi des peintres en grand ou en petit, des extemporels et des peintres à loisir, des forts & des faibles ; des fariniers, charbonniers, sanguinistes, & herbistes, qui sont tous affectateurs de certaines couleurs. Des Naturalistes et des mutilateurs, qui estropient leurs figures.
Il y a aussi des Arboristes, Artistes, Bataillistes, Baccanalistes, Blasonistes, Cuisinistes, Calotistes, Chiméristes, Capricieux, Deistes, Drapistes, Fleuristes, Forestiers, Gueusaïques, Herbistes, Heroistes, Iconistes, Naufragiens, Païsagistes.
Conceptual field(s)
Quotation
Mais que dirons-nous de ce coup de Maistre du mesme Appelle qui luy acquit le renom du plus grand Peintre de son siecle, de cette adresse admirable avec laquelle il fendit un trait fort délié par un trait plus delié encore.
LE PRESIDENT. Je voy que vous n'entendez pas quel fut le combat d'Appelle & de Protogene. Vous estes dans l'erreur du commun du monde qui croit qu'Appelle ayant fait un trait fort delié sur une toile, pour faire connoistre à Protogene que ce ne pouvoit pas estre un autre Peintre qu'Appelle qui l'estoit venu demander, Protogene avoit fait un trait d'une autre couleur qui fendoit en deux celuy d'Appelle, & qu'Appelle étant revenu il avoit refendu celuy de Protogene d'un trait encore beaucoup plus mince. Mais ce n'est point là la verité de l'Histoire, le combat fut sur la nuance des couleurs digne sujet de dispute & d'émulation entre des peintres, & non pas sur l’adresse de tirer des lignes. [...] Il est donc vray qu'il s'agissoit entre Protogene & Appelle d'une adresse de main, & de voir à qui feroit un trait plus delié. Cette sorte d'adresse a longtemps tenu lieu d'un grand merite parmi les Peintres. L'O de Giotto en est une preuve […].
Mais il y a déja long-temps que ces sortes d'adresses ne sont plus d'aucun merite parmy les Peintres. […] Le Poussin lorsque la main luy trembloit, & qu'à peine il pouvoit placer son pinceau & sa couleur où il vouloit, a fait des tableaux d'une beauté inestimable, pendant que mille Peintres qui auroient fendu en dix le trait le plus delicat du Poussin, n'ont fait que des tableaux tres-mediocres. Ces sortes de proüesses sont des signes évidens de l'enfance de la peinture. Quelques années avant Raphael & le Titien, il s'est fait des tableaux, & nous les avons encore, dont la beauté principale consiste dans cette finesse de lineamens, on y conte tous les poils de la barbe & tous les cheveux de la teste de chaque figure.
Conceptual field(s)
Quotation
L’ABBE. J'en conviens, mais quelle necessité & quelle bienseance y a-t’il que ces personnages parlent, & que cette femme vienne montrer là sa chair ?
LE PRESIDENT. C'est un usage si receu de mettre dans des tableaux de pieté ceux qui les font faire, & d’y mettre aussi toute leur famille, que cet assemblage de personnes de differens temps & de differens lieux, ne devroit pas vous étonner.
L'ABBE. Je connois cet usage & je ne le blâme point, quoyque les Peintres n’ayent pas sujet d'en estre fort contens. On voit tous les jours dans des Nativitez, ceux qui ont fait le tableau, mais à genoux & dans l'adoration comme les Bergers. On en voit aussi dans des tableaux de Crucifix, mais prosternez & les yeux levez vers le Sauveur, en sorte que leur action particuliere est liée à l’action principale, & concourt à la mesme fin. Icy les personnages ne semblent pas se voir les uns les autres, & il n'y a que la seule volonté du Peintre qui les ayt fait trouver dans le mesme lieu.
LE PRESIDENT. Tous ces pretendus défauts ne regardent point le Peintre comme Peintre, mais feulement comme Historien.
L’ABBE. Cela est vray, si vous renfermez la qualité de Peintre à représenter naïvement quelque objet, sans se mettre en peine s'il y a de la vray-semblance, de la bien-seance & du bon sens dans la composition ; mais je ne croy pas que les Peintres vueillent renoncer à l'obligation d'observer des conditions justes & si necessaires dans tout un ouvrage. Quoyqu'il en soit, je soûtiens qu'en qualité de Peintre il [ndr : Véronèse] n'a pas mieux gardé l'unité qui doit estre dans la composition d’un sujet, qu'il l'a fait en qualité d'historien, puisqu'il a mis deux points de veuë dans son tableau, l’un pour le Païsage, & l'autre pour la Chambre, où le Sauveur est assis à table avec ses Disciples ; car l’horison du Païsage est plus bas que cette table dont on voit le dessus qui tend à un autre point de veuë beaucoup plus élevé ; faute de perspective qu'on ne pardonneroit pas aujourd’huy à un Ecolier de quinze jours. Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées.
LE BRUN, Charles, La tente de Darius ou les reines de Perse aux pieds d'Alexandre, v. 1660 - v. 1661, huile sur toile, 298 x 453, Versailles, Château de Versailles, MV 6165.
VERONESE, Paolo (Paolo Caliari), Les Pèlerins d'Emmaüs, v. 1559, 242 x 416, Paris, Musée du Louvre, INV. 146
.
Conceptual field(s)
Quotation
Mais il est vray que quand je considere les Tableaux de cet excellent homme [ndr : Poussin], & ceux de quelques Peintres qui ont eû du merite, je voy qu’il y a une grande difference entre les bons & les sçavans Peintres. J’appelle un bon Peintre celuy qui dans ses ouvrages s’exprime avec ordre, avec beaucoup de force, de grace & de netteté, & qui en imitant bien ce qu’il veut representer, satisfait les esprits ordinaires & plaist aux yeux de tout le monde : Mais celuy-là seul me paroist digne d’estre appelé sçavant, qui non seulement possede toutes ces belles parties, mais encore qui attirant sur ses ouvrages l’admiration des esprits mesme du premier rang, ennoblit les matieres les plus communes par la sublimité de ses pensées, & trouve dans son imagination & dans sa mémoire, comme dans deux sources inépuisables, tout ce qui peut rendre ses Tableaux entierement parfaits.
Conceptual field(s)
Quotation
Car qu’un Peintre ait l’esprit plein de plusieurs choses qu’il aura veûës, ou mesme que son imagination luy fournisse un grand nombre de pensées, s’il n’a assez d’esprit & de jugement pour les bien ordonner, tout son ouvrage sera rempli de confusion.
Conceptual field(s)
Quotation
Apres m’estre arresté, je sçay bien, repris-je, que parmis ceux [ndr : les peintres] dont je viens de parler il y en a que j’aurois pu passer sous silence pour abreger mon discours, bien que je n’en aye dit que peu de chose. Mais ayant commencé à vous marquer l’établissement de l’Académie, j’ay crû devoir rapporter tous ceux qui en ont esté ; car quels qu’ils ayent pu estre, ils ont eû assez de mérite pour estre receûs dans cette assemblée, où, ainsi que dans les autres corps, on peut dire qu’ils ne sont pas tous d’une égale consideration. Il y a mesme une chose à observer ; c’est que tous ceux qui ont esté receûs dans l’Academie, y ont esté admis pour differens talens. Et bien que les Peintres qui traitent des histoires & des sujets les plus nobles, doivent estre plus estimez que ceux qui ne representent que des païsages, ou des animaux, ou des fleurs, ou des fruits, ou des choses encore moins considerables : cependant on ne laisse pas parmi ces derniers d’en rencontrer qui ont tant d’habileté & de sçavoir dans les choses dont ils se meslent que les plus habiles d’entre-eux sont souvent beaucoup plus estimez que d’autres qui travaillent à des ouvrages plus relevez. Par exemple, un excellent Païsagiste, tel que quelqu’un de ceux dont nous avons parlé ; un homme qui fait des Animaux de toutes natures, tel qu’on esté Sncidre & ses Eleves, Nicasius & Vamboule, sera plus consideré qu’un autre qui ne peint que médiocrement des figures. Le Pere Zegre, Mario di Fiori, Baudesson, auront toûjours de la reputation pour les fleurs, de mesme que Michel Ange des batailles, Labrador & de Somme pour toutes sortes de fruits : parce que dans les choses qu’ils ont faites, ils ont acquis un degré de perfection bien plus élevé que celuy où sont parvenus beaucoup de Peintres qui font des Tableaux d’Histoires, ou des Portraits.
N’est ce pas aussi, interrompit Pymandre, qu’il est bien plus facile de representer ces sortes d’objets qu’on peut dire inanimez pour la pluspart, & sans action, que des figures d’hommes où il y a mille expressions differentes de vie, d’action, & de mouvemens ?
N’en doutez pas, repartis-je, car comme il faut un genie plus élevé pour inventer & disposer de grands sujets d’Histoires, les peindre, & les rendre accomplis dans toutes leurs parties. Aussi est-il plus rare de trouver des personnes qui ayent les qualitez necessaires à s’en bien acquiter, qu’il n’est malaisé de trouver des hommes d’un esprit moins sublime qui peuvent representer des choses ordinaires.
Nous avons dit assez souvent combien un Peintre doit avoir de differentes connoissances pour arriver au point où Raphaël, si vous voulez, & le Poussin sont parvenus. Il n’est pas necessaire que je repete ce que j’ay dit en examinant leurs ouvrages ; Mais à l’égard de ceux qui n’ont qu’à bien copier la nature comme sont les derniers dont j’ay parlé, il suffit qu’ils ayent de l’amour pour leur art, de la patience & du jugement, sans quoy leur ouvrage seroit froid, sans beauté & sans choix.
BAUDESSON, Nicolas
BERNAERTS, Nicasius
BOEL, Pieter
FERNANDEZ, Juan (El Labrador)
MICHELANGELO (Michelangelo Buonarroti)
NUZZI, Mario (ou Mario dei Fiori)
POUSSIN, Nicolas
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
SNYDERS, Frans
Conceptual field(s)
Quotation
Les premiers Peintres de l’Antiquité, ont bien pu à l’égard des autres parties de la Peinture surpasser ceux des derniers siècles, parce qu’il est certain que ceux des païs chauds ont plus de feu pour imaginer ; qu’il n’y avoit en ces temps-là que les personnes qui avoient un génie propre pour les arts qui s’y adonnassent : qu’ils avoient, comme je croy vous avoir dit, plus de moyens & d’occasions d’étudier d’après les hommes & les femmes ce qu’il y a de plus beau dans la composition et la forme du corps humain, & qu’ils s’y appliquoient entierement ; au lieu que dans les derniers temps les beaux arts n’ont plus esté cultivez, pour la plus part, que par des personnes qui en font une profession pour vivre, & qui souvent n’ont nulle disposition pour cela.
Anciens (les)
Conceptual field(s)
Quotation
Fouquieres, repris-je, peignoit agreablement, & representoit parfaitement bien la Nature ; & quoy-que ce soit le principal devoir du Peintre de s’étudier à la bien imiter, il y en a eû neanmoins depuis luy qui ont méprisé cette étude, pour suivre certaines pratiques de peindre qui ne sont point naturelles ni dans les Païsages ni dans les figures. C’est pour cela que Lubin Baugin ne peut estre mis au nombre des excellens Peintres, quoy-qu’il ait fait plusieurs grands desseins pour des Tapisseries, & qu’il fust employé en ce temps-là à quantité d’autres ouvrages pour des particuliers.
Conceptual field(s)
Quotation
[...] je ne parlerai presentement que de l'Etablissement de l'Academie Royale que l'on a Erigée en France en leur faveur sous le Regne de Loüis XIV. en 1648. Jusques alors la qualité de Peintres & de Sculpteurs avoit été comprise avec les Barbouilleurs, les Marbriers & Polisseurs de Marbre, en une mecanique Societé, sous le fameux nom de Maîtrise, dont cet Etablissement a heureusement fait la separation. En effet comme les Arts de Peinture & de Sculpture peuvent être considerés en deux parties, la Science & l'Art, l'une Noble & speculative, l'autre pratique ; il a été tres-judicieux de les distinguer en deux Corps, en l'un ordonner des Jurez pour l'examen & preparation des matieres qui s'y employent, d'en regler la disposition selon leurs bonnes ou mauvaises qualités, qui est la fin pour laquelle la Maîtrise a été établie à Paris seulement. A l'égard de la partie Speculative il a aussi été convenable de l'exercer librement & noblement, les genies ne devant point être contrains dans la pratique des beaux Arts : c'est pourquoi ils sont nommez Liberaux.
Conceptual field(s)
Quotation
L'on remarqua ensuite, que la pratique de la mesure étoit plus propre à la Sculpture qu'à la Peinture, parce que le Peintre ne peut pas mesurer facilement à cause du racourci qu'il ne peut pas éviter de faire en quelque partie, pour peu de mouvement que fasse un Corps animé, [...], tellement qu'un Peintre qui voudroit s'assujettir aux mesures par l'observation des regles, [...], il feroit toûjours un Ouvrage amorti & sans vivacité, la fatigue du travail éteignant le feu de l'esprit, c'est pourquoi il doit se remplir l'entendement de la precision des Regles, & les imprimer fortement dans la memoire, pour en travaillant de jugement, en avoir toûjours les idées presentes, afin qu'elles puissent precisement le conduire avec justesse dans ses ouvrages, au lieu que dans la Sculpture il est très-aisé de mesurer toutes les parties d'une figure, ce qui a fait dire que le Sculpteur doit avoir toûjours le Compas à la main, & le Peintre au contraire dans l'oeil. On observa que ceux qui ont fait les belles figures Antiques ont augmenté les mesures selon la distance, dont elles devoient être vûës, se servant des Regles de l'Optique pour les faire paroître en leur legitime grandeur, [...].
TESTELIN, Henry, Exemple touchant les Proportions et les Contours, estampe, dans TESTELIN, Henry, Sentimens des plus habiles peintres du tems, sur la pratique de la peinture et sculpture, Recueillis & mis en Tables de Preceptes. Avec six discours academiques, Extraits des Conferences tenuës en l’Académie Royale desdits Arts & prononcés en presence de deffunt Monsieur Colbert, Conseiller du Roi en tous ses Conseils, Controleur General des Finances, Surintendant & Ordonnateur des Bâtiments du Roi, Jardins, Arts & Manufactures de France, protecteur de ladite Academie, assemblée generalement en des jours solemnels pour la delivrance du Prix Royal, par Henry Testelin, Peintre du Roi, Professeur & Secretaire en ladite Academie, La Haye, Matthieu Rogguet, s.d. [1693 ou 1694], n.p. [après p. 12].
TESTELIN, Henry, Table seconde des préceptes de la peinture sur les proportions, estampe, dans TESTELIN, Henry, Sentimens des plus habiles peintres du tems, sur la pratique de la peinture et sculpture, Recueillis & mis en Tables de Preceptes. Avec six discours academiques, Extraits des Conferences tenuës en l’Académie Royale desdits Arts & prononcés en presence de deffunt Monsieur Colbert, Conseiller du Roi en tous ses Conseils, Controleur General des Finances, Surintendant & Ordonnateur des Bâtiments du Roi, Jardins, Arts & Manufactures de France, protecteur de ladite Academie, assemblée generalement en des jours solemnels pour la delivrance du Prix Royal, par Henry Testelin, Peintre du Roi, Professeur & Secretaire en ladite Academie, La Haye, Matthieu Rogguet, s.d. [1693 ou 1694], n.p. [après p. 12].
Comme de nombreuses autres parties de texte, cette formule de Testelin est reprise par Florent Le Comte dans son Cabinet des singularitez (...), plus précisément à la page 20 de son édition de 1699-1700 (Paris, Etienne Picart & Nicolas Le Clerc, tome I, vol. I).
Conceptual field(s)
Quotation
[...] le Peintre devoit tellement assujettir toutes les parties qui entrent en la composition de son Tableau, qu'elles concourrent ensemble à former une juste idée du sujet, en sorte qu'elles puissent inspirer dans l'esprit des regardans des émotions convenables à cette idée, & que si il se rencontroit dans la narration de l'Histoire même, quelque circonstance qui y fut contraire, on la devoit supprimer ou si fort negliger quelle n'y pût faire aucune interruption, qu'on peut neanmoins prendre une discrette liberté de choisir des incidens favorables, ou quelque allegorie qui convienne au sujet pour la varieté du Contraste, mais que l'on doit éviter de faire paroître ensemble des choses incompatibles ; par exemple la verité des choses Saintes avec les Prophanes, ou paroître ensemble des personnes qui n'ont été qu'en des tems fort éloignés l'un de l'autre. [...] quelqu'un objecta qu'il seroit dangereux d'établir la suppression des circonstances, parce qu'elle porteroit les jeunes Peintres à négliger celles qui doivent accompagner les Histoires [...]. [...] en la Peinture l'on doit comprendre tout d'un coup l'idée du sujet, qu'ainsi un Peintre se doit restreindre à ces trois unités, à sçavoir ce qui arrive en un seul tems ; ce que la vüë peut découvrir d'une seule oeillade ; & ce qui se peut representer dans l'espace d'un Tableau, où l'idée de l'expression se doit rassembler à l'endroit du Heros du sujet comme la Perspective assujettit tout à un seul point ; que le devoir du Peintre est de s'étudier soigneusement à rechercher tout ce qui est essentiel au sujet, & bien examiner ce que les bons Autheurs en ont écrit, & ce qui peu mieux faire paroître le Heros, afin d'en bien exprimer l'image & l'idée, & par ce moyen éviter le défaut que l'on voyoit en beaucoup de Tableaux, méprisés à cet égard, quoi que d'ailleurs très-beaux, comme par exemple en un Tableau du Bassant, où est representé le retour de l'Enfant prodigue en la maison de son Pere, dont les figures principales du sujet sont fort petites, éloignées dans le derriere du Tableau, [...]. En un autre du Breugle en la representation de l'une des plus importantes actions de la Magdeleine, où sont reculées dans le lointain les figures principales pour faire paroître sur le devant du Tableau diverses personnes indifferentes au sujet, [...] Que l'on void même en des representations de la Nativité de Nôtre Sauveur, où l'on met en des places les plus apparentes, un Boeuf & un Ane, qui sont des choses indecentes & profanes, [...] qu'ainsi la representation de ces animaux n'étoit nullement de l'essence du sujet & qu'ils ne conviennent point à l'idée que cette histoire doit inspirer dans l'esprit de ceux qui la contemplent.
BASSANO, Jacopo, Le Retour de l'enfant Prodigue, s.d., huile sur toile, 100 x 122,6, Gironde, Libourne, Inv. D.2004.1.65.
POUSSIN, Nicolas, Eliezer et Rebecca, 1648 , huile sur toile, 118 x 199, Paris, Musée du Louvre, Inv. 7270
.
TESTELIN, Henry, Troisième table des préceptes de la peinture sur l'expression, estampe, dans TESTELIN, Henry, Sentimens des plus habiles peintres du tems, sur la pratique de la peinture et sculpture, Recueillis & mis en Tables de Preceptes. Avec six discours academiques, Extraits des Conferences tenuës en l’Académie Royale desdits Arts & prononcés en presence de deffunt Monsieur Colbert, Conseiller du Roi en tous ses Conseils, Controleur General des Finances, Surintendant & Ordonnateur des Bâtiments du Roi, Jardins, Arts & Manufactures de France, protecteur de ladite Academie, assemblée generalement en des jours solemnels pour la delivrance du Prix Royal, par Henry Testelin, Peintre du Roi, Professeur & Secretaire en ladite Academie, La Haye, Matthieu Rogguet, s.d. [1693 ou 1694], n.p. [après p. 18].
De nombreuses autres œuvres picturales sont citées par Testelin dans ce passage, sans qu’il en précise les auteurs. Nous renvoyons donc directement au texte et à l’édition du texte par Christian Michel et Jacqueline Lichtenstein dans les Conférences de l'Académie royale de Peinture et de Sculpture. Tome 1, Les Conférences au temps d'Henry Testelin 1648-1681, vol. 2. Par ailleurs, une partie de ce passage de Testelin se retrouve chez Florent Le Comte dans son Cabinet des singularitez (...), plus précisément aux pages 41-42 de son édition de 1699-1700 (Paris, Etienne Picart & Nicolas Le Clerc, tome I, vol. I).
Conceptual field(s)
Quotation
L'Academie aprouvant ces raisonnemens determina que le Peintre se doit attacher aux caracteres qui conviennent à l'Idée du sujet & negliger les circonstances qui n'y sont pas absolument essentielles. [...] Que le Peintre pouvoit en certains Tableaux de devotion s'attacher d'avantage à la representation des mysteres qu'aux circonstances historiques ; à quoi l'Academie repartit qu'un Peintre doit être aussi fidelle en ses representations, que l'historien en ses narrations, & tous deux très jaloux de la pureté & verité des histoires sacrées, la Peinture pouvant instruire l'Esprit aussi-bien que le divertir.
A l'égard de l'Allegorie, on dit, qu'il falloit considerer la difference qu'il y a entre des figures des divinités fabuleuses & des figures allegoriques, qu'à la verité, la fable est incompatible avec la verité : mais que ce seroit faire une injustice à un Peintre doüé d'un excellent genie de l'empêcher de joindre l'Allegorie à l'histoire pour en exprimer les mysteres, lors qu'on le peut faire sans nuire à l'intelligence du sujet, qu'il seroit à souhaiter au contraire, que les Peintre en ne negligeant rien de ce qui est essentiel à leur profession, appliquassent leur esprit à bien connoître le sens mystique des histoires aussi bien que le litteral, leurs ouvrages en seroient beaucoup plus considerables & satisferoient d'avantage la curiosité des Amateurs sçavans
Une partie de ce passage de Testelin est repris par Florent Le Comte dans son Cabinet des singularitez (...), plus précisément aux pages 42-43 de son édition de 1699-1700 (Paris, Etienne Picart & Nicolas Le Clerc, tome I, vol. I).
Conceptual field(s)
Quotation
L'on remarqua pour la fin, qu'il n'est pas possible, de prescrire precisement toutes les marques des differentes passions, à cause de la diversité, de la forme, & du temperament : [...] qu'ainsi le Peintre doit avoir égard à toutes ces differences, pour conformer les expressions passions au caractere des figures, à la proportion & aux contours. [...] [...] à propos de se reduire à ce qui pouvoit être necessaire aux Peintres, & on dit qu'encore que le geste de tout le corps soit un des plus considerables signes, qui marque la disposition de l'Esprit, l'on pouvoit neantmoins s'arrêter aux signes qui se rencontrent en la tête, [...].
LE BRUN, Charles et TESTELIN, Henry, [Douze têtes d'expression d'après Le Brun], estampe, dans TESTELIN, Henry, Sentimens des plus habiles peintres du tems, sur la pratique de la peinture et sculpture, Recueillis & mis en Tables de Preceptes. Avec six discours academiques, Extraits des Conferences tenuës en l’Académie Royale desdits Arts & prononcés en presence de deffunt Monsieur Colbert, Conseiller du Roi en tous ses Conseils, Controleur General des Finances, Surintendant & Ordonnateur des Bâtiments du Roi, Jardins, Arts & Manufactures de France, protecteur de ladite Academie, assemblée generalement en des jours solemnels pour la delivrance du Prix Royal, par Henry Testelin, Peintre du Roi, Professeur & Secretaire en ladite Academie, La Haye, Matthieu Rogguet, s.d. [1693 ou 1694], n.p. [après p. 25].
TESTELIN, Henry, Troisième table des préceptes de la peinture sur l'expression, estampe, dans TESTELIN, Henry, Sentimens des plus habiles peintres du tems, sur la pratique de la peinture et sculpture, Recueillis & mis en Tables de Preceptes. Avec six discours academiques, Extraits des Conferences tenuës en l’Académie Royale desdits Arts & prononcés en presence de deffunt Monsieur Colbert, Conseiller du Roi en tous ses Conseils, Controleur General des Finances, Surintendant & Ordonnateur des Bâtiments du Roi, Jardins, Arts & Manufactures de France, protecteur de ladite Academie, assemblée generalement en des jours solemnels pour la delivrance du Prix Royal, par Henry Testelin, Peintre du Roi, Professeur & Secretaire en ladite Academie, La Haye, Matthieu Rogguet, s.d. [1693 ou 1694], n.p. [après p. 18].
Comme de nombreuses autres parties de texte, ce passage de Testelin est en partie repris par Florent Le Comte dans son Cabinet des singularitez (...), plus précisément aux pages 44-45 de son édition de 1699-1700 (Paris, Etienne Picart & Nicolas Le Clerc).
Conceptual field(s)
Quotation
Cette conclusion déplut à ceux qui étoient engagés dans l’amour de la couleur, tellement, qu’il s’en émeut une contestation, celui qui entreprit le parti proposa ces trois choses. Primo, que la couleur est aussi necessaire que le dessein. Secundo, qu’en diminuant le merite de la couleur, on diminuë celui du Peintre. Tertio, que la couleur a merité des loüanges en tous tems : pour soûtenir sa premiere proposition, il dit, qu’il falloit examiner, quelle est la fin en general, que le Peintre se doit proposer, & lequel du dessein ou de la couleur le conduit plus directement à cette fin ; que de dire que la fin de la Peinture est d’imiter la nature, ce n’est pas assez, puisque plusieurs autres arts se proposent la même chose ; de dire que ce soit pour tromper les yeux, cela ne suffiroit pas encore, si on y ajoutoit que cela se fait par le moyen des couleurs. Puis qu’il n y a que cette seule difference qui rende la fin du Peintre particuliere & qui le distingue d’avec les autres arts : car de pretendre que la fin du Peintre soit de plaire & de tromper, en feignant du relief sur une superficie plate, à quoi le dessein juste, & correct, pourroit réussir simplement avec du crayon sans la couleur, s’étoit se tromper sois-même, puisque, si le but est de plaire, c’étoit à la couleur qu’appartient cet avantage [...] L’on ajoûta que le dessein étoit commun avec les sculpteurs & Graveurs, mais que la couleur est le propre du Peintre, & que l’on ne pouvoit prendre cette qualité qu’à cause de l’emploi des couleurs, qui sont capables de tromper les yeux en imitant les choses naturelles ; qu’étant donc la chose qui le distingue d’avec les autres Artisans, elle devoit être considerée d’une façon singuliere, qu’aussi Zeuxis avoit obtenu autant de louanges par l’intelligence des couleurs, qu’Appellés pour la justesse du dessein : que si comparant l’état auquel se trouve maintenant l’une & l’autre, la couleur avoit cet avantage d’être moins d’écheue, mais plûtôt augmentée par l’usage de l’huile, elle devoit par consequent meriter d’autant plus de loüanges, & qu’étant une partie essentielle pour conduire le Peintre à la perfection de son Ouvrage ; elle devoit être considerée aussi necessaire que le dessein.
Conceptual field(s)
Quotation
On repartit à cela, que la qualité de Peintre n’est pas seulement l’usage de la couleur, mais la faculté de representer à la vuë tous les objets visibles de la nature & ceux mêmes dont l’on peut concevoir quelque idée avec leurs formes, leur proportion & couleur ; que celui qui sçaura bien mettre en usage les couleurs, sans les accompagner des autres parties, pourra être tout au plus nommé bon coloriste, mais non pas un sçavant Peintre, & qu’on ne doit pas estimer un ouvrage de Peinture, par l’éclat de la couleur, qui ne charme ordinairement que les esprits du vulgaire, & que la veritable beauté de la couleur consiste, en un ménagement harmonieux conduit par l’oeconomie du dessein
Conceptual field(s)
Quotation
Qu’un Peintre judicieux devoit former son génië, sur les Idées du naturel avec un esprit libre & dégagé, de toute affectation, sans entreprendre d’en vouloir charger les effets pour avantager son ouvrage par des oppositions extravagentes, & par des obscurités excessives en quoi quelques avoient voulu faire conzister la beauté du pinceau.
Conceptual field(s)
Quotation
Quelque liberté que les Peintres & les Poètes ayant pris dans leur Art : Il n'est pas permis aux uns ni aux autres, de s'éloigner de la vraisemblance, dont ils doivent indispensablement garder les règles.
Conceptual field(s)
Quotation
[…] il est indispensable de dessiner à la plume & au crayon, pour devenir Peintre […] pour réüsir à la Peinture […] il faut dessiner incessament au crayon, quoi qu'on puisse commencer par de petits modèles. La sience du dessein a donc précédé la Profession du Peintre & du Statuaire : Ce qui a fait dire joliment à Vazari que la Peinture & la Sculpture sont deux sœurs filles du dessein.
Conceptual field(s)
Quotation
Il y a pourtant quelque distinction parmi les Peintres : ce qui est tres-raisonnable : car ceux qui travaillent d'histoire tiennent le premier rang, les Portraitistes suivent aprés, les Païsagistes, & ceux qui font des fleurs & de fruits, sont les derniers, de tous. Il y a encore de simples Copistes : De là vient la grande diference qu'on fait des originaux d'avec les copies : parce que le prix d'un original se prend de la science, & de la réputation du Peintre, & souvent il est extraordinaire. Au contraire le prix des copies s'estime par le tems qu'il a falu pour le faire, autant que par l'industrie du Copiste.
Conceptual field(s)
Quotation
[…] Le Peintre tâche de plaire aux yeux & d’instruire à méme-tems de son sujet […] se sert adroitement de la richesse de ses inventions, de la varieté de ses couleurs, & enfin de la force de ses expressions.
Conceptual field(s)
Quotation
le Peintre doit avoir sur tout le compas dans l’œil, & le Sculpteur au contraire à la main.
Comme de nombreuses autres parties de texte, ce passage de Florent Le Comte est tiré de l'ouvrage "Les Sentimens (...)" de Testelin, plus précisément à la page 14 de l'édition de La Haye (Matthieu Rogguet, vers 1693-1694).
Conceptual field(s)
Quotation
l’on peut dire que les Peintres & les Sculpteurs sont veritablement imitateurs des ouvrages du Tout-puissant, & se font entendre d’un langage muet, mais neanmoins fort éloquent ; ce qui obligea un des plus grands hommes qui ait éclairé l’Eglise par ses écrits de s’écrier, en achevant l’Oraison Funebre d’un Saint de son Siecle : « Oh quel avantage !
Conceptual field(s)
Quotation
la Peinture comprend tout ce qui se peut representer par le Dessein en quelque manière que ce soit, & que le Coloris n’en est qu’une partie, ce qu’on peut prouver par differens exemples, & particulierement par la Musique, dont les Compositeurs sont appelés Musiciens, encore qu’ils n’ayent ni voix ni instrumens : le Musicien ne peut-il pas sans la voix, avec les instrumens émouvoir les passions qu’il veut toucher ? de même le Peintre peut representer toute sorte d’objets avec du crayon ; mais quand le Musicien veut prononcer les airs avec des paroles, il a besoin de la voix ; ainsi le Peintre a besoin de la Couleur quand il veut rendre ses representations complettes & accomplies. Le Musicien qui chante juste & correct avec une voix mediocre, doit être plus estimé que celuy qui chante faux avec une belle voix ; de même le Peintre bon Dessinateur & correct, qui colorie mediocrement, est plus estimable que celuy qui dessine mal avec un beau Coloris : enfin la belle voix peut charmer les ignorans, bien qu’elle ne soit pas soûtenuë de la justesse ; de même le bel éclat de la Couleur peut faire la même chose, encore que le Dessein soit mauvais.
Comme de nombreuses autres parties de texte, ce passage de Florent Le Comte est tiré de l'ouvrage "Les Sentimens (...)" de Testelin, plus précisément aux pages 36-37 de l'édition de La Haye (Matthieu Rogguet, vers 1693-1694).
Conceptual field(s)
Quotation
Qu'un Tableau est une superficie plate, Que les couleurs n'ont plus leur premiere fraîcheur quelque temps aprés qu'elles sont employées, Qu'enfin la distance du Tableau luy fait perdre de son éclat & de sa force ; & qu'ainsi il est impossible de suppléer à ces trois choses sans artifice. Un habile Peintre ne doit point estre esclave de la Nature, il en doit estre Arbitre, & judicieux imitateur : & pourvû qu'un Tableau fasse son effet, & qu'il impose agreablement aux yeux, c'est tout ce qu'on en peut attendre.
Conceptual field(s)
Quotation
Et lequel de ces deux Peintres aimeriez-vous mieux estre, continuay-je, de Raphaël ou du Titien ?
Vous m’embarassez fort, repondit Pamphile ; attendez que j’y pense un peu.
Je ne croyois pas, repris-je, que vous dûssiez balancer de cette sorte, aprés ce que je viens de vous entendre dire.
J'aimerois mieux estre Raphaël, continua Pamphile, & j'estime que le Titien est un plus grand Peintre.
Je vous entends bien, luy dis-je, c'est à-dire que Raphaël avec la correction de son Dessein, avoit plusieurs autres talens, & que tout cela ensemble vous plaist davantage que le Coloris du Titien.
Je vous avoüe, dit Pamphile, que je suis encore assez irresolu : neantmoins la correction du Dessein de Raphaël, l’élegance de ses contours, sa manière de drapper, ses expressions si touchantes, la facilité de son genie, ses compositions nobles, riches & abondantes, la grandeur, la simplicité & la vray-semblance de ses attitudes ; enfin, les graces qu'il répandoit dans tous ses ouvrages, me l’ont fait preferer au Titien.
Quoy au Titien, s'écria Damon, le plus grand Peintre, selon vous, qui ait jamais esté & qui sera peut-estre jamais.
Je vous l'avoüe, dit Pamphile, mais Raphaël, avec tous les avantages que je viens de vous dire, avoit encore celuy, d’estre entré sur la fin de sa vie dans l’inteligence des Lumieres & des Ombres, & d’avoir déja fait un si grand progrés dans le Coloris, & qu'il auroit bientost possedé cette partie dans sa derniere perfection. Ainsi je me persuade, si j'estois Raphaël, que dans peu de temps je serois encore le Titien.
Conceptual field(s)
Quotation
Les Peintres demi-savans qui se sont engagés dans un mauvais chemin, & la plupart des Savans dans les Lettres, veulent ordinairement soutenir de fausses idées qu’ils ont formées d’abord, & sans connoître, ni Dessein, ni Coloris, ni Raphaël, ni Rubens, parlent de ces deux Peintres sur une ancienne tradition qui bien que beaucoup diminuée par les bonnes réfléxions, a encore laissé des racines dans l’esprit de plusieurs.
Conceptual field(s)
Quotation
Il est Vrai que le Peintre est obligé de savoir l’Anatomie, & les exagérations piquantes qui en dérivent, parce que l’Anatomie est le fondement du Dessein & que les exagérations peuvent conduire à la perfection ceux qui savent en prendre & en laisser autant qu’il en faut, pour accorder la justesse & la simplicité du Dessein avec le bon gout. Ces exagérations sont suportables & souvent agréables dans les Desseins qui ne sont que les pensées des Tableaux ; & le Peintre savant s’en peut servir utilement lorsqu’il commence & qu’il ébauche son Ouvrage : mais il doit les retrancher quand il veut que son Tableau paroisse dans sa perfection, comme un Architecte retranche & rejette le ceintre qui lui a servi à bâtir sa voûte.
Conceptual field(s)
Quotation
Non-seulement toute affectation déplaît, mais la Nature est encore obscurcie par le nuage de la mauvaise habitude que les Peintres appellent Maniere.
Pour bien entendre ce principe, il est bon de savoir qu’il y a deux sortes de Peintres. Quelques-uns qui sont en petit nombre peignent selon les principes de leur Art, & font des Ouvrages où le Vrai se rend assez sensible pour arrêter le Spectateur & lui faire plaisir. D’autres peignent seulement de pratique par une habitude expéditive qu’ils ont contractée d’eux-mêmes sans raisonner ; ou qu’ils ont apprise de leurs Maîtres sans réflechir. Ils font quelquefois bien par hazard ou par reminiscence, & toujours médiocrement quand ils travaillent de leur propre fond.
Conceptual field(s)
Quotation
J'ai observé ailleurs que la fidelité de l'Histoire n'étoit pas de l'essence de la Peinture ; mais une convenance indispensable à cet Art. Et quoique le Peintre ne soit Historien que par accident, c'est toujours une grande faute que de sortir mal de ce que l'on entreprend. J'entens par la fidelité de l'Histoire, l'étroite imitation des choses vraies ou fabuleuses telles qu'elles nous sont connues par les Auteurs, ou par la Tradition. Il est sans doute que cette Imitation donne d'autant plus de force à l'Invention, & releve d'autant plus le prix du Tableau, qu'elle conserve de fidelité.
Mais si le Peintre a l'industrie de mêler dans son sujet quelque marque d'érudition qui réveille l'attention du Spectateur sans détruire la vérité de l'Histoire, s'il peut introduire quelque trait de Poësie dans les faits Historiques qui pourront le souffrir; en un mot, s'il traite ses sujets selon la licence moderée qui est permise aux Peintres & aux Poëtes, il rendra ses Inventions élevées, & s'attirera une grande distinction. La Fidélité est donc la premiere qualité de l'Histoire
Conceptual field(s)
Quotation
Or comme celui qui considere un Ouvrage suit le degré d'élévation qu'il y trouve, le transport d'esprit qui est dans l'Enthousiasme est commun au Peintre & au Spectateur ; avec cette difference neanmoins, que bien que le Peintre ait travaillé à plusieurs reprises pour échauffer son imagination, & pour monter son Ouvrage au degré que demande l'Enthousiasme, le Spectateur au contraire sans entrer dans aucun détail se laisse enlever tout à coup, & comme malgré lui, au degré d'Enthousiasme où le Peintre l'a attiré.
Conceptual field(s)
Quotation
Un habile Peintre ne doit point être esclave de la Nature ; il en doit être arbitre & judicieux imitateur : & pourvû qu’un Tableau fasse son effet, & qu’il impose agréablement aux yeux ; c’est tout ce qu’on en peut attendre à cet égard, & c’est ce que le Peintre ne sauroit faire, s’il néglige le coloris.
Conceptual field(s)
Quotation
La fin du Peintre & du Sculpteur est bien l’imitation ; mais ils y arrivent par differentes voies, le Sculpteur par une matiere solide en imitant la quantité réelle des objets ; & le Peintre en imitant avec des couleurs la quantité & la qualité apparente de tout ce qui est visible : en sorte qu’il est obligé non-seulement de plaire aux yeux, mais encore de les tromper en tout ce qu’il represente.
Conceptual field(s)
Quotation
Le Peintre doit en cela imiter l’Orateur, qui voulant nous attacher à un endroit qu’il a resolu de nous rendre sensible, fait preceder cet endroit par quelque chose qui lui est inferieur, & après avoir attaché son auditeur à l’objet, ce même Orateur le delasse en l’entretenant de quelque chose de moderé, sans le laisser néanmoins sortir de son attention.
Tout de même le Peintre fait briller dans son Tableau ses clairs, & les soutient par des masses brunes, qui en reposant les yeux ne laissent pas de les entretenir par des objets moins sensibles.
Conceptual field(s)
Quotation
A l’égard de ce que dit Aristote, que les Arts qui se servent du secours de la main sont les moins nobles, & de ce que l’on ajoûte, que la Poësie est toute spirituelle, au lieu que la Peinture est en partie spirituelle & en partie materielle ; on répond, que la main n’est à la Peinture que ce que la parole est à la Poësie. Elles sont les Ministres de l’esprit & le canal par où les pensées se communiquent. Pour ce qui est de l’esprit, il est égal dans ces deux Arts. Le même Horace qui nous a donné des Regles si excellentes de la Poësie dit, (a) qu’un Tableau tient également en suspend les yeux du corps & ceux de l’esprit.
Ce qu’on veut appeller partie matérielle dans la Peinture, n’est autre chose que l’execution de la partie spirituelle qu’on lui accorde, & qui est proprement l’effet de la pensée du Peintre, comme la déclamation est l’effet de la pensée du Poëte.
Mais il faut bien un autre Art pour executer la pensée d’un Tableau que pour déclamer une Tragédie. […] Mais le Peintre ne doit pas seulement entrer dans son sujet, quand il l’exécute, il faut encore qu’il ait, comme nous l’avons dit, une grande connoissance du Dessein & du Coloris, & qu’il exprime finement les différentes physionomies, & les différens mouvemens des passions.
(a) Suspendit picta vultum mentemque Tabella. Epist. 1. lib. 2.
Conceptual field(s)
Quotation
Voici quel est l’usage que je fais de ma Balance.
Je divise mon poids en vingt degrés, le vingtiéme est le plus haut, & je l’attribue à la souveraine perfection que nous ne connaissons pas dans toute son étendue. Le dix-neuviéme est pour le plus haut degré de perfection que nous connoissons, auquel personne néanmoins n’est encore arrivé. Et le dix-huitiéme est pour ceux qui à notre jugement ont le plus approché de la perfection, comme les plus bas chiffres sont pour ceux qui en paroissent les plus éloignés.
Je n’ai porté mon jugement que sur les Peintres les plus connus, & j’ai divisé la Peinture en quatre colonnes, comme en ses parties les plus essentielles, sçavoir, la Composition, le Dessein, le Coloris, & l’Expression. Ce que j’entens par le mot d’Expression, n’est pas le caractere de chaque objet, mais la pensée du cœur humain. On verra par l’ordre de cette division à quel degré je mets chaque Peintre dont le nom répond au chiffre de chaque colonne.
[…]
Or comme les parties essentielles de la Peinture sont composées de plusieurs autres parties que les mêmes Peintres n’ont pas également possedées, il est raisonnable de compenser l’une par l’autre pour en faire un jugement équitable. Par exemple, la Composition résulte de deux parties ; sçavoir, de l’Invention & de la Disposition. […] Dans le Dessein il y a le Gout & la Correction, l’un peut se trouver dans un Tableau sans être accompagné de l’autre, ou bien ils peuvent se trouver joints ensemble en differens degrés & par la compensation qu’on doit faire, on peut juger de ce que vaut le tout.
[…] j’avertis que pour critiquer judicieusement il faut avoir une parfaite connoissance de toutes les parties qui composent l’ouvrage & des raisons qui en font un bon tout. Car plusieurs jugent d’un Tableau par la partie seulement qu’ils aiment, & ne comptent pour rien celles qu’ils ne connoissent ou qu’ils n’aiment pas.
Conceptual field(s)
Quotation
{Le Coloris. III Partie} Que dans le Coloris, qui comprend deux choses, la Couleur locale & le Clair-obscur ; le Peintre ait grand soin de s'instruire de l'une & de l'autre : c’est ce qui le distingue des artisans qui ont de commun avec lui les mesures & les proportions ; & c’est encore ce qui le rend le plus véritable & le plus parfait imitateur de la Nature.
Conceptual field(s)
Quotation
Il est vrai cependant que le Peintre est obligé d’être fidéle dans l’Histoire qu’il représente, & que par la recherche curieuse des circonstances qui l’accompagnent, il augmente la Beauté & le prix de son Tableau : mais cette obligation n’est pas de l’essence de la Peinture, elle est seulement une bienséance indispensable, comme la Vertu & la Science le sont dans l’Homme.
Conceptual field(s)
Quotation
Les Expressions sont la pierre de touche de l’esprit du Peintre. Il montre par la justesse dont il les distribue, sa pénétration & son discernement : mais il faut le même esprit dans le Spectateur pour les bien apercevoir, que dans le Peintre pour les bien executer. On doit considérer un Tableau comme une Scene, où chaque Figure joue son rôle. Les Figures bien dessinées & bien coloriées sont admirables à la vérité, mais la plûpart des gens d’esprit, qui n’ont pas encore une Idée bien juste de la Peinture, ne sont sensibles à ces parties, qu’autant qu’elles sont accompagnées de la vivacité, de la justesse & de la délicatesse des Expressions. Elles sont un des plus rare talens de la Peinture, & celui qui est assez heureux pour les bien traiter, y intéresse non-seulement les Parties du visage, mais encore toutes celles du corps, & fait concourir à l’Expression générale du sujet, les objets même les plus inanimés, par la manière dont il les expose.
Conceptual field(s)
Quotation
On voit des Curieux qui se font une idée d'un Maître sur trois ou quatre Tableaux qu'ils en auront vûs, & qui croient après cela avoir un titre suffisant pour décider sur sa maniére, sans faire réflexion aux soins plus ou moins grands que le Peintre aura pris à les faire, ni à l'âge auquel il les aura faits. Ce n'est pas sur les Tableaux particuliers du Peintre : mais sur le général de ses Ouvrages qu'il faut juger de son mérite. Car il n'y a point de Peintre qui n'ait fait quelques bons & quelques mauvais Tableaux […]. Il n'y en a point aussi qui n'ai eu son commencement, son progrès & sa fin ; c'est-à-dire, trois maniéres : la première, qui tient à celle de son Maître; la seconde, qui s'est formée selon son Goût, & dans laquelle réside la mesure de ses talens, & de son Génie; & la troisième, qui dégénère ordinairement en ce qu'on appelle maniére : parce qu'un Peintre, après avoir étudié long-tems d'après la Nature, veut jouir, sans la consulter davantage, de l'habitude qu'il s'en est faite.
Conceptual field(s)
Quotation
Ce n'est donc pas assez pour découvrir l'Auteur d'un Tableau, de connoître le mouvement du Pinceau, si l'on ne pénétre dans celui de l'Esprit: & bien que ce soit beaucoup d'avoir une idée juste du Goût que le Peintre a dans son Dessein, il faut encore entrer dans le caractére de son Génie, & dans le tour qu'il est capable de donner à ses conceptions.
Conceptual field(s)
Quotation
[…] Mais lui direz-vous, il me semble que le Peintre qui a voulu representer dans ce tableau une Venus, lui a donné un air désagréable, qui ne convient point à cette Déesse. Eh que dites-vous, répondra-t-il, cette tête est divine ! Regardez-moi cette fonte, cette moële, ce tour pittoresque, cette touche hardie ; comme cet endroit est soufflé ! quelle fabrique dans ces cheveux... Mais, mais, Monsieur, le caractere... Le caractere, Monsieur, le caractere ; voyez comme ces sourcils sont frappez, ce front heurté, & peint à pleine couleur, puis retouché à gras, pouf, pouf, pouf, comme ces gens là faisoient rouler leur pinceau ! comme cela est foüetté !
Conceptual field(s)
Quotation
ALCIPE. J’en conviens : mais sçachez que l’action ne peut être parfaitement renduë, qu’autant que ces parties s’y trouvent : les regles du contraste étant établies pour donner du mouvement à la scene, celle des groupes pour lier le sujet, & celles du clair-obscur, pour porter la vûë & l’arrêter sur les principaux objets ; & pour que ces regles soient bien mises en œuvre, il ne faut pas qu’on s’aperçoive que le Peintre y ait pensé, ou du moins qu’elles lui aient rien coûté à observer : il faut qu’il paroisse que le tableau a dû donner l’idée des regles de la composition, & non pas que les regles aient fait faire le tableau.
Conceptual field(s)
Quotation
Are. Peut etre bien de quelques ignorants, qui sans s’y connoitre, autrement, courent apres les sentiments d’autrui, comme font les moutons l’un apres l’autre, ou bien de quelques miserables peintres, qui sont les singes de Michel Ange.
Fab. Non pas, mais de savants, & de gens, qui s’y connoissent.
Are. Je sais bien qu’à Rome du tems que Rafael vivoit, le plus grand nombre des gens de lettres, & des amateurs des beaux arts le mettoit au dessus de Michel Ange pour la peinture ; & que ceux qui tenoient pour ce dernier etoient pour la plus part des Sculpteurs, qui n’avoient de gout, que pour son dessein, & le terrible de ses figures, s’imaginant que la maniere gracieuse, & agreable de Rafael, etoit trop facile, & par consequent moins etudiée ; ne connoissant pas que la facilité est ce qu’il y a de plus beau dans tous les arts, le plus difficile à acquérir, & à s’approprier ; & en un mot c’est un grand art de cacher l’art.
Vleughels traduit "pittorucci" par "misérables peintres"
Conceptual field(s)
Quotation
Are. Il est donc l’essence du peintre de representer par son art toutes choses si semblables aux operations de la nature, qu’elles paroissent vraies, & celui à qui cette faculté manque, n’est nullement peintre.
Conceptual field(s)
Quotation
Fab. Premierement je voudrois que vous m’apprissiés si une persone, qui n’est pas peintre, est capable de juger de peinture ? Il est bien vrai que j’en trouve l’exemple chez vous, qui sans avoir jamais touché pinceau, étes, comme je l’ai dit, un juge tres delicat dans cette profession : aussi n’y a t-il qu’un Aretin au monde : & je souhaiterois apprendre par votre discours ce qu’on doit penser de certains peintres, qui ont coutume de rire, lorsqu’ils entendent quelques savants raisonner de peinture.
Are. Ces peintres doivent etre mis au rang de ceux, qui n’en ont que le nom ; car s’ils avoient une etincelle de jugement, ils connoitroient que les savants sont peintres ; que peinture est la poesie ; que peinture est l’histoire ; & qu’enfin toute composition d’habiles gens est peinture : c’est par cette raison que notre Petrarque nomme Homere
Conceptual field(s)
Quotation
Je ne nie pas que le peintre ne puisse avoir connoissance de certaines minuties, que ceux qui ne sont pas de la profession peuvent ignorer, mais quoiqu’elles soient peut etre importantes pour operer, elles seront toujours peu necessaires pour bien juger. Je crois (par ce peu de paroles) avoir suffisament demontré, que tout homme qui a bon esprit, & qui y aura joint de la pratique, peut juger de peinture ; & encore plus, s’il s’est familiarisé avec les antiques, & les tableaux des bons maitres, parce qu’aiant ramassé dans son idée une certaine image de la perfection, il lui sera facile de connoitre combien les ouvrages, qu’il verra, s’en eloignent, ou s’en approchent.
Conceptual field(s)
Quotation
Fab. C’est avec justice qu’on a toujours estimé les peintres, parce qu’ils semblent surpasser en esprit, & en courage les autres hommes ; puisqu’ils osent par leur art imiter ce que Dieu a fait, & le representer de maniere qu’il semble vrai : c’est ce qui fait que je ne m’etonne pas que les Grecs, qui connoissoient le sublime de la peinture, deffendissent aux esclaves de la professer. Aussi Aristote se garde bien de confondre cet art parmi les mecaniques, disant qu’on devroit etablir des ecoles publiques dans les villes, ou les enfants allassent apprendre.
Conceptual field(s)
Quotation
Are. J’ai encore quelque chose à dire au sujet de l’invention, come par exemple, que chaque figure represente bien son action. Ainsi si elle est assise, qu’elle paroisse assise commodement : si elle est debout, qu’elle appuie la plante des piés si surement, qu’on ne puisse pas croire qu’elle chancele : & si elle marche, que son mouvement soit aisé, & acompagné des circonstances que je rapporterai plus bas. Or il est impossible que le peintre possede bien toutes les parties, qui conviennent à l’invention tant par rapport à l’histoire, que par rapport à ce qui convient aux tems, & aux personnes, s’il n’est bien fondé dans la connoissance de l’histoire & des fables des poetes. Ainsi comme c’est un tres grand avantage à un savant de savoir dessiner, pour le bien des choses qui sont renfermées dans son emploi d’auteur & d’ecrivain ; de meme celui qui embrasse l’art de la peinture tireroit un profit considerable de la connoissance des belles lettres. Mais enfin si le Peintre n’a pas toute la litterature requise, qu’il sache au moins, comme j’ai dit, l’histoire, & qu’il ait quelque connoissance de la poesie ; qu’il ait commerce avec les poetes.
Conceptual field(s)
Quotation
Are. Il arrive aussi que les figures entieres, ou quelqu’une des parties se voient en racourci, ce qui ne se doit faire qu’avec beaucoup de jugement, de discretion ; & à mon avis, on ne doit les emploier que rarement, parceque plus les racourcis sont rares, & plus il [sic] causent d’etonnement, & beaucoup plus encore lorsque le peintre forcé par la petitesse de la place est obligé de se servir de racourci, pour y faire paroitre une grande figure ; il peut aussi quelque fois s’en servir, pour montrer qu’il sait les faire.
Fab. J’ai oüi dire que les racourcis sont une des plus grandes difficultés de l’art, ainsi j’aurois crû, que celui qui les mettroit plus souvent en œuvre, meriteroit plus de louange.
Are. Il faut que vous sachiez que le peintre ne doit pas rechercher les louanges, & l’estime par une seule partie, mais par toutes celles qui concourent à la peinture, & sur tout par celles qui plaisent davantage, & augmentent dans l’esprit des lecteurs l’envie de repasser de nouveau ce qu’ils ont deja lû. Les racourcis sont connus de peu de personnes, ainsi ils plaisent à peu de gens, & quelque fois meme ils font plus de peine, que de plaisir à ceux qui s’y connoissent. Je dirai pourtant que lorsqu’ils sont bien placés, ils trompent les yeux des spectateurs ; car souvent celui qui regarde croit que telle partie qui n’a pas un pied de long, a sa juste mesure, & sa proportion.
Conceptual field(s)
Quotation
Are. […] Or puisqu’atteindre à la perfection de l’excellence de la peinture, à la quelle tant de parties sont necessaires, est une entreprise difficile, pleine de fatigue ; & une grace que la liberalité des cieux n’a accordée qu’à tres peu de persones (car il faut en verité etre né peintre, aussi bien que poete, & que l’un & l’autre soient fils de la nature.) Il n’est pas croiable, come j’ai dit des le commencement, qu’il n’y ait qu’une seule maniere de peindre parfaitement. Au contraire les complexions & les humeurs des hommes etant differentes, il s’ensuit que les manieres doivent etre differentes : & chacun suit celle à la quelle il panche naturellement. De là sont venus divers genies, les uns agreables, d’autres terribles, ceux ci tendres, & gracieux, & ceux là pleins de grandeur, & de majesté. Ce que nous voions tout de même se rencontrer dans les historiens, les poetes, & les orateurs.
Conceptual field(s)
Quotation
Are. D’ou tirez vous la regle de juger de ces beautés ?
Fab. Je crois, comme vous l’avez dit, qu’on la doit tirer d’aprés nature, & d’aprés les statues antiques.
Are. Vous avoüerez donc que les nuds de Rafael ont toutes les parties belles, & achevées ; car rarement fit-il aucun ouvrage sans imiter le naturel, ou l’antique : c’est de la qu’on voit dans ses figures, têtes, jambes, torses, bras, pieds, & mains étonnantes.
Fab. Il ne fit point voir les os, les muscles, certains petits nerfs, & autres parties menûes autant que Michel Ange.
Are. Are. Il a fait voir ces parties dans les figures qui l’exigeoient, autant qu’il etoit a propos, Michel Ange (soit dit sans l’offenser) les fait voir quelque fois plus qu’il ne convient. Ce qui est si evident qu’il est inutil d’en dire davantage sur ce point. De plus vous devez vous ressouvenir, que je vous ai dit, qu’il est bien plus important de couvrir les os d’une chair pleine & tendre, que de les ecorcher : & pour preuve de cette verité, je vous replique, que pour la plus grande partie les anciens, ont fait leurs figures tendres, & avec peu de recherche […]. Mais il ne s’attacha pas beaucoup à cette maniere, parcequ’il avoit pris pour son but principal de plaire (come en effet c’est la premiere qualité du peintre) & cherchant a se procurer plutôt le surnom d’agreable, que de terrible, il en acquit un autre qui fut celui de gracieux. Car outre l’invention , outre le dessein, outre la diversité, outre que tous ses ouvrages remuent infiniment ; on y trouve de plus la prerogative qu’avoient, à ce qu’ecrit Pline, les figures d’Apelles ; c’est a dire l’agrement, qui est ce je ne sçai quoi, qui ravit ordinairement dans les peintres, comme dans les poetes : de sorte qu’il remplit les esprits d’un plaisir infini, quoiqu’on ne puisse decouvrir de quel coté vient, ce qui nous plait si fort.
Conceptual field(s)
Quotation
Si cet enthousiasme divin, qui rend les Peintres Poëtes, & les Poëtes Peintres, manque à nos Artisans, s'ils n'ont pas, comme le dit Monsieur Perrault (a),
ce feu, cette divine flâme,
l'Esprit de notre esprit, & l'Ame de notre ame.
les uns & les autres restent toute leur vie de vils ouvriers, & des manœuvres, dont il faut païer les journées, mais qui ne méritent pas la consideration & les récompenses que les Nations polies doivent aux Artisans illustres. Ils sont de ces gens dont Ciceron dit : (b) Quorum opera non quorum artes emuntur. Ce qu'ils sçavent de leur profession, n'est qu'une routine qui se peut apprendre comme on apprend les autres métiers. Les esprits les plus communs, sont capables d'être des Peintres & des Poëtes médiocres.On appelle génie, l'aptitude qu'un homme a reçu de la nature, pour faire bien & facilement certaines choses, que les autres ne sçauroient faire que très-mal, même en prenant beaucoup de peine. Nous apprenons à faire les choses pour lesquelles nous avons du génie, avec autant de facilité que nous en avons à parler notre langue naturelle.
(a) Êpitre du génie à M. Fontenelle
(b) De Officiis lib. prim.
Conceptual field(s)
Quotation
Tout devient palettes & pinceaux entre les mains d'un enfant doüé du génie de la Peinture. Ils fait connoître aux autres pour ce qu'il est, quand lui-même ne le sçait pas encore. Les Annalistes de la Peinture rapportent une infinité de faits qui confirment ce que j'avance. La plûpart des grands Peintres ne sont pas nez dans les atteliers. Très-peu sont des fils de Peintres, qui, suivant l'usage ordinaire, auroient été élevez dans la profession de leurs peres. Parmi les Artisans illustres qui font tant d'honneur aux deux derniers siècles, le seul Raphaël, autant qu'il m'en souvient, fut le fils d'un Peintre. Le pere du Georgeon & celui du Titien, ne manierent jamais ni pinceaux ni cizeaux, Leonard De Vinci, & Paul Veronése, n'eurent point de Peintres pour peres. Les parens de Michel-Ange vivoient, comme on dit, noblement, c'est-à-dire, sans exercer aucune profession lucrative. André Del Sarte étoit fils d'un Tailleur, & Le Tintoret d'un Tinturier. Le pere des Caraches, n'étoit pas d'une profession où l'on manie le craïon. Michel-Ange De Caravage étoit fils d'un Masson, & Le Correge fils d'un Laboureur. Le Guide étoit fils d'un Musicien, Le Dominiquin d'un Cordonnier, & L'Albane d'un Marchand de Soïe. Lanfranc étoit un enfant trouvé, à qui son génie enseigna la peinture, à peu près comme le génie de M Pascal lui enseigna les Mathématiques. Le pere de Rubens, qui étoit dans la Magistrature d'Anvers, n'avoit ni attelier ni boutique dans sa maison. Le pere de Vandick n'étoit ni Peintre ni Sculpteur. Du Fresnoy, dont nous avons un poëme sur la Peinture, qui a mérité d'être traduit & commenté par M. De Piles, & dont nous avons aussi des tableaux au-dessus du médiocre, avoit étudié pour être Médecin. Les peres des quatre meilleurs Peintres François du dernier siècle, Le Valentin, Le Sueur, Le Poussin & Le Brun, n'étoient pas des peintres. C'est le génie de ces grands hommes qui les a été chercher, pour ainsi dire, dans la maison de leurs parens, afin de les conduire sur le Parnasse. Les Peintres montent sur le Parnasse, aussi-bien que les Poëtes.
ALBANI, Francesco
CARAVAGGIO (Michelangelo Merisi da Caravaggio)
CARRACCI, les
DA VINCI, Leonardo
DEL SARTO, Andrea
DE PILES, Roger
DU FRESNOY, Charles-Alphonse
GIORGIONE (Giorgio da Castelfranco)
IL CORREGGIO (Antonio Allegri)
IL DOMENICHINO (Domenico Zampieri)
IL TINTORETTO (Jacopo Robusti)
LE BRUN, Charles
LE SUEUR, Eustache
LE VALENTIN (Valentin de Boulogne)
MICHELANGELO (Michelangelo Buonarroti)
PASCAL, Blaise
POUSSIN, Nicolas
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
RENI, Guido
RUBENS, Peter Paul
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
VAN DYCK, Antoon
VERONESE, Paolo (Paolo Caliari)
Les peintres dotés de génie ne l'ont pas hérité de leur père.
Conceptual field(s)
Quotation
C'est en vain qu'un pareil sujet fait son apprentissage sous le meilleur maître, il ne sçauroit faire dans une pareille école les mêmes progrès qu'un homme de génie fait dans l'école d'un maître médiocre. Celui qui enseigne, comme le dit Quintilien, ne sçauroit communiquer à son disciple le talent de produire & l'art d'inventer, qui font le plus grand mérite des Peintres & des Orateurs. [...] Le Peintre peut donc faire part des secrets de sa pratique, mais il ne sçauroit faire part de ses talens pour la composition & pour l'expression. Souvent même l'Eleve dépourvu du génie, ne peut atteindre la perfection où son maître est parvenu dans la mécanique de l'art. L'imitateur servile doit demeurer au-dessous de son modele, parce qu'il joint ses propres défauts aux défauts de celui qu'il imite. D'ailleurs si le maître est homme de génie, il se dégoûte bien-tôt d'enseigner un pareil sujet. Il est au supplice quand il voit que son éleve n'entend qu'avec peine ce qu'il comprenoit d'abord, lorsque lui-même il étoit Eleve. [...]
On ne trouve rien de nouveau dans les compositions des peintres sans génie, on ne voit rien de singulier dans leurs expressions. Ils sont si stériles qu'après avoir long-temps copié les autres, ils en viennent enfin à se copier eux-mêmes ; & quand on sçait le tableau qu'ils ont promis, on devine la plus grande partie des figures de l'ouvrage.
Conceptual field(s)
Quotation
Ceux des Peintres qui ont excellé à peindre l'ame des hommes, & à bien exprimer toutes les passions, ont été des Coloristes médiocres. D'autres ont fait circuler le sang dans la chair de leurs figures ; mais ils n'ont pas sçu l'art des expressions aussi-bien que les Ouvriers médiocres de l'Ecole romaine. Nous avons vu plusieurs Peintres Hollandois, doüez de génie pour la mécanique de leur art, & surtout d’un talent merveilleux pour imiter les effets du clair-obscur dans un petit espace renfermé, talent, dont ils avoient l'obligation à une patience d'esprit singuliere, laquelle leur permettoit de se clouer long-temps sur un même ouvrage, sans être dégoûtez par ce dépit qui s'excite dans les hommes d'un temperament plus vif, quand ils voïent leurs efforts avorter plusieurs fois de suite. Ces Peintres flegmatiques ont donc eu la persévérance de chercher par un nombre infini de tentatives, souvent réïterées sans fruit, les teintes, les demi-teintes, enfin toutes les diminutions de couleurs nécessaires pour dégrader la couleur des objets, & ils sont ainsi parvenus à peindre la lumiere même. On est enchanté par la magie de leur clair-obscur. Les nuances ne sont pas mieux fonduës dans la nature que dans leurs tableaux. Mais ces Peintres ont mal réussi dans les autres parties de l'art, qui ne sont pas les moins importantes. Sans invention dans leurs expressions : incapables de s'élever au-dessus de la nature qu'ils avoient devant les yeux, ils n'ont peint que des passions basses & une nature ignoble. La Scene de leurs tableaux est une boutique, un corps de garde, ou la cuisine d'un païsan : leurs heros sont des faquins. Ceux des Peintres Hollandois, dont je parle, qui ont osé faire des tableaux d'histoire, ont peint des ouvrages admirables pour le clair-obscur, mais ridicules pour le reste. Les vêtemens de leurs personnages sont extravagans, & les expressions de ces personnages sont encore basses & comiques. Ces Peintres peignent Ulisse sans finesse, Susanne sans pudeur, & Scipion sans aucun trait de noblesse ni de courage. Le pinceau de ces froids Artisans, fait perdre à toutes les têtes illustres leur caractere connu. Nos Hollandois, au nombre desquels on voit bien que je ne comprens pas ici les peintres de l'école d'Anvers, ont bien connu la valeur des couleurs locales, mais ils n'en ont pas sçû tirer le même avantage que les peintres de l'école venitienne. Le talent de colorier, comme l'a fait Le Titien, demande de l'invention, & il dépend plus d'une imagination fertile en expedients pour le mêlange des couleurs, que d'une perséverance opiniâtre à refaire dix fois la même chose.
[...]
École d'Anvers
École hollandaise
École romaine
École vénitienne
TENIERS, David
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
Conceptual field(s)
Quotation
D’ailleurs les Peintres & les Poètes s’occupent à des imitations comme d’un travail au lieu que les autres hommes ne les regardent que comme des objets intéressans. Ainsi le sujet de l'imitation, c'est-à-dire, les événements de la tragédie et les expressions du tableau, font une impression légère sur les peintres et sur les poètes sans génie, qui sont ceux dont je parle. Ils sont en habitude d'être émus si faiblement, qu'ils ne s'aperçoivent presque pas si l'ouvrage les touche ou s'il ne les touche point. Leur attention se porte toute entière sur l'exécution mécanique, et c'est par là qu'ils jugent de tout l'ouvrage. La poësie du tableau de Monsieur Coypel, qui représente le sacrifice de la fille de Jephté, ne les saisit point, & ils l'examinent avec autant d'indifférence que s'il représentoit une danse de païsans, ou quelque sujet incapable de nous émouvoir. […].
Conceptual field(s)
Quotation
Au contraire rien n'est plus facile au Peintre intelligent que de nous faire connoître l'âge, le temperament, le sexe, la profession, & même la patrie de ses personnages, en se servant des habillemens, de la couleur des chairs, de celle de la barbe et des cheveux, de leur longueur et de leur épaisseur, comme de leur tournure naturelle, de l'habitude du corps, de la contenance, de la figure de la tête, de la physionomie, du feu, du mouvement & de la couleur des yeux, et de plusieurs autres choses qui rendent le caractere d'un personnage reconnoissable par sentiment. La nature a mis en nous un instinct, pour faire le discernement du caractere des hommes, qui va plus vîte & plus loin que ne peuvent aller nos réflexions sur les indices et sur les signes sensibles de ces caracteres. Or cette diversité d'expression imite merveilleusement la nature qui, nonobstant son uniformité, est toujours marquée dans chaque sujet à un coin particulier. Où je ne trouve pas cette diversité, je ne vois plus la nature et je reconnois l'Art. Le tableau dans lequel plusieurs têtes & plusieurs expressions sont les mêmes, ne fut jamais fait d'après la nature.
Le peintre ne trouve donc aucune opposition du côté de la mécanique de son Art à mettre dans chaque expression un caractere particulier. Il arrive même souvent que le Peintre, en operant comme Poëte, se suggere à lui-même comme coloriste & comme dessinateur des beautez qu'il n'auroit point rencontrées s'il n'avoit point eu des idées Poëtiques à exprimer. Une invention en fait éclore une autre.
Conceptual field(s)
Quotation
Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.
Conceptual field(s)
Quotation
Le peintre en effet est l’homme de tous les talens, c’est un poëte, un historien, un fidèle imitateur, ou plutôt un rival de la nature ; ne sçait-on pas que c’est elle seule qui forme les peintres ainsi que les poëtes ? Ils montent, si l’on en croit un (a) moderne, également sur le Parnasse ; leurs arts dépendent du génie, ils ont pour objet commun d’émouvoir les passions & de plaire. Tous deux sont dans l’obligation de représenter des images plus riches, plus riantes, plus belles que celles que l’on voit ordinairement, c’est par ce moyen que l’on irrite plus vivement les passions, & que par le plaisir qu’elles procurent, le spectateur participe de l’enthousiasme qui les a fait naître. Son art est une (b) poësie, une expression (c) muette, qui secondée des couleurs, parle aux yeux, à l’esprit & au cœur. Qui peut douter qu’un tableau ne soit un vrai poëme ?
(a) Reflexions critiques sur la poesie & sur la peinture, par l’Abbé du Bos. Tom. 2 p. 27.
(b) Ut pictura poësis erit. Hor. de arte poet.
(c) Muta poësis. D. Fresnoy. De arte graphica.
Conceptual field(s)
Quotation
PEINDRE, PEINTRE, PEINTURE. Peindre, c’est representer une chose avec des couleurs ; la Peinture est cette représentation ; le Peintre est celui qui la fait. Peindre en huile ; peindre en détrempe ; peindre à fraisque ; peindre en pastel ; peindre en miniature ; peindre en émail ; peindre sur verre, sur bois, sur cuivre, &c. Peindre l’Histoire, le Païsage, le Portrait, les Animaux, les Fleurs, les Grotesques, &c.
M. de Piles définit ainsi la peinture.
C’est un Art, dit-il, qui par le moyen du dessein & la couleur, imite sur une superficie plate tous les objets visibles.
La Peinture, suivant la division commune, renferme trois parties, la composition, le dessein & le coloris.
On peut, comme je l’ai remarqué, y ajouter l’expression. Voyez EXPRESSION.
Il est naturel de penser que l’ombre de l’homme a fait naître la premiere idée de la Peinture. [...]
Felibien ne nous apprend rien de nouveau lorsqu’il dit dans son Vocabulaire [car c’est tout le nom que mérite son dictionnaire imparfait, où il a obmis les trois quarts des termes de l’Art] qu’il faut dire peindre, & non pas peinturer.
Peinturer est un mot barbare que Menage a essayé en vain de soutenir, & que l’usage, l’arbitre souverain des langues a proscrit. On est surpris de le trouver dans les Dictionnaires estimés, & de n’y point trouver d’autres termes qui sont dans la bouche de tous les Peintres.
Les meilleurs Auteurs qui ayent écrit sur la Peinture, sont Leonard de Vinci, M. de Chambrai, Vazari, Felibien, de Piles, & M. Coypel.
Nous avons deux Poëmes latins sur la Peinture, l’un d’Alphonse du Fresnoy, intitulé, de Arte Graphica l’autre de Mr l’Abbé de M. qui a pour titre Pictura : l’un & l’autre ont été traduits en François, & imprimés plusieurs fois.
Nous avons aussi deux Poëmes François sur le même sujet, l’un de Perrault & l’autre de Moliere. Celui de Perrault n’a pas fait plus de fortune que ses paralleles.
COYPEL, Charles-Antoine
DA VINCI, Leonardo
DE PILES, Roger
DU FRESNOY, Charles-Alphonse
FÉLIBIEN, André
FRÉART de CHAMBRAY, Roland
PERRAULT, Claude
POQUELIN, Jean-Baptiste, dit Molière
VASARI, Giorgio
Conceptual field(s)
Quotation
De tous les genres de la Peinture, le premier sans difficulté est celui de l'Histoire. Le Peintre Historien est seul le Peintre de l'ame, les autres ne peignent que pour les ïeux. Lui seul peut mettre en œuvre cet enthousiasme, ce feu divin qui lui fait concevoir ses Sujets d'une manière forte & sublime : lui seul peut former des Héros à la postérité, par les grandes actions et les vertus des hommes célèbres qu'il présente à leurs ïeux, non par une froide lecture, mais par la vuë même des faits & des acteurs.
Conceptual field(s)
Quotation
Il restoit encore aux Sujets de Fable ou d'Histoire un champ fertile & favorable au Génie du grand Peintre dans la sience des percés, & des raccourcis, & où tout l'art magique de la Perspective pouvoit être mis en œuvre, & c'étoient les Plat-fonds.
Conceptual field(s)
Quotation
Mais la plûpart de nos Peintres sont peu inventeurs, parce qu’ils sont peu studieux & rares lecteurs ; l’Ignorance est fille de la Paresse, & la compagne chérie de la médiocrité. Ennemie de l’émulation, elle rétrecit les talens, & laisse tranquillement à ses rivaux laborieux la gloire de l’Invention, contente de ramper obscurément dans la foule des copistes des pensées d’autrui […].
Conceptual field(s)
Quotation
Mais je vous avoue en même tems les sentimens de douleur que m'a causé cette année-ci le déclin de nos Peintres d'Histoire, à l'exposition des Tableaux pour S. M. Douleur qui a été vivement augmentée par les plaintes du Public, tant de la stérilité, & du défaut de génie dans le choix des Sujets, que de la froideur & de la médiocrité dans l'exécution.
Conceptual field(s)
Quotation
L'on sait que le Peintre inventeur & original est autant que le grand Poëte, susceptible de ce beau feu, de cet enthousiasme, auquel on ne commande point, & dont il faut attendre l'inspiration. Mais n'auroient-ils pas eu assez de loisir pour chercher des traits d'Histoire ou de la Fable plus intéressans & moins usés, ou qui n'eussent pas été traités divinement par nos plus grands Maîtres ? C'est en ce cas qu'un Peintre estimé, en repétant & en affoiblissant nécessairement par la répétition une pensée excellemment rendue, & au-dessus de laquelle il ne sauroit s'élever, tombe en ce moment dans le rang abject du Plagiaire, & an-dessous de son mérite personnel, par la comparaison. D'autant plus imprudent de lutter avec des Peintres du premier ordre, qu'il sentira moins l'inégalité de force dans le génie, & qu'il lui manquera cette impression naturelle du grand beau, & de ce pathétique qui frape & qui émeut par les mouvemens & les positions éloquentes de ses Figures. Son pinceau n'aura pas même la faculté de former ces phisionomies de caractére, qui donnent la vie aux Personnages, & les font parler à nos regards par leur noblesse, leur décence, & ce qui est bien essentiel, par le jeu des traits du visage relatif à leur rolle, & convenable à leur place. Enfin par cette expression d'ame & de sentiment qui doit suppléer à la parole, & sans laquelle tout Tableau d'Histoire n'est que de la toile & des couleurs.
Conceptual field(s)
BAILLET DE SAINT-JULIEN, Louis-Guillaume, Lettres sur la peinture à un amateur, Genève, s.n., 1750.
1 quotationsQuotation
Un Peintre habile doit rectifier la nature en l’imitant ; surtout quand il s’en est rendu maître comme M. Vanlo. Il doit retrancher adroitement ce qu’elle a de trop, & ajouter à ce qui lui manque. Il faut qu’il songe à peindre toujours en beau, autant qu’il lui est possible, & que l’occasion semble le permettre : les Peintres et les Poëtes sont les panégyristes de la Nature.