DE PILES, Roger, De l'art de peinture de Charles Alphonse Dufresnoy, Paris, Nicolas Langlois, 1668.
La présence de ce dernier texte montre que de Piles connaissait le manuscrit de Dufresnoy, daté de 1649, dont il s'est également largement servi pour la traduction du poème latin de ce dernier (voir Du Fresnoy, De Arte graphica). Les ajouts de De Piles sont ainsi finalement peu nombreux et ils sont, d’une certaine manière, implicites dans le poème latin qui lui-même parle de magie, de fard, de tromper la vue, de prostitution, non pour diminuer le mérite de la couleur, mais au contraire pour le grandir. L’intérêt de De Piles pour ce texte devient alors tout à fait évident et compréhensible, et les termes sont traduits fidèlement. Le contenu du poème porte en germe des questions que De Piles développe dans ses Remarques, et reprendra dans ses publications ultérieures.
Plusieurs éditions se succèdent en France. La première, de 1673 (Paris, Nicolas Langlois) est importante par l'adjonction du Dialogue sur le coloris de Roger De Piles. Les éditions se succèdent ensuite en 1684 (Paris, Nicolas Langlois) et 1751 (Paris, Charles-Antoine Jombert) puis en 1767 et 1783. Simultanément ou presque à ces éditions de Roger De Piles, Anne-Gabrielle Meusnier de Querlon publie le texte sous le titre de L’Ecole d’Uranie, ou l’art de peinture, traduit du Latin d'Alphonse Dufresnoy et de M. l'abbé de Marsy, avec les Remarques. édition revue et corrigée, Paris, P.G. Lemercier, 1753 (d'après l'édition latine éditée par l'abbé Marsy en 1736 et rééditée en 1740). Claude-Henri Watelet ajoute à la nouvelle édition de son Art de peindre. Poëme avec des Reflexions sur les differentes Parties de la Peinture, (publié d'abord à Paris, Imprimerie H.L. Guerin , L.F. Delatour, 1760), les Deux Poëmes sur l'Art de peindre de M. C.A. Dufresnoy et de Mr. l'abbé de Marsy (Amsterdam, aux Dépens de la Compagnie, 1761). D’autres éditions se succèdent à lla fin du XVIIIe siècle (rééditions des écrits de De Piles, éditions d'Antoine Renou, Paris, 1789) ; cette vague d'éditions se poursuit tout au long du XIXe siècle.
A l'étranger également l'ouvrage est abondamment traduit. La première traduction anglaise est publiée en 1695 à Londres par John Dryden (avec quatre éditions successives en 1716, 1750, 1769), puis d'autres suivent dont celle de William Mason (Londres, 1783) avec des annotations de Sir Joshua Reynolds. Les éditions furent également nombreuses dans le reste de l'Europe. En Allemagne, la première traduction est publiée sans les Remarques de De Piles par Samuel Theodor Gericke, directeur de l'Académie de Berlin (Berlin, Johann Michael Rüdiger, 1699) ; en 1763, l'édition suivante associera Watelet à Dufresnoy. Le De Arte Graphica est également le seul ouvrage français traduit à Vienne en Autriche dans le milieu académique en 1731. La première édition italienne est dédiée à Charles Errard, Directeur de l'Académie de Rome, elle sera suivie de plusieurs tout au long du XVIIIe siècle. Aux Pays-Bas également, plusieurs traductions sont éditées à Amsterdam en 1722, 1733.
Michèle-Caroline Heck
Dedication
Illustrissimo clarossimoque Domino D. Joanni Baptistae Colbert
Table des préceptes at n.p.
Épître(s) at n.p.
Préface at n.p.
Explication des mots et termes de la peinture at n.p.
DE PILES, Roger, L’Art de Peinture de C.-A. Dufresnoy, Paris, Nicolas Langlois, 1673.
DE PILES, Roger, L’Art de Peinture de C.-A. Dufresnoy, Paris, Nicolas Langlois, 1684.
DE PILES, Roger, Œuvres diverses de M. de Piles, Amsterdam - Leipzig - Paris, Arkstée & Merkus - Charles-Antoine Jombert, 1767, 5.
BOYER, Jean-Claude (éd.), « Les deux premières éditions du De arte graphica », Actes de colloque, Paris, Louvre, Paris, La Documentation française.
MIROT, Léon, Roger de Piles, peintre, amateur, membre de l’Académie de peinture (1635-1709), Paris, J. Schemit, 1924.
TEYSSÈDRE, Bernard, Roger de Piles et les débats sur le coloris au siècle de Louis XIV, Paris, La Bibliothèque des arts, 1965.
PUTTFARKEN, Thomas, Roger de Piles’ Theory of Art, New Haven - London, Yale University Press, 1985.
ALLEN, Christopher, HASKELL, Yasmin et MURKE, Frances, De Arte Graphica (Paris, 1668), Genève, Droz, 2005.
HECK, Michèle-Caroline, « Des 'Observations sur la peinture' de Charles-Alphonse Dufresnoy aux 'Remarques' de Roger de Piles : continuité ou rupture ? », dans HECK, Michèle-Caroline, FREYSSINET, Marianne et TROUVÉ, Stéphanie (éd.), Lexicographie artistique : formes, usages et enjeux dans l'Europe moderne, Actes du colloque de Montpellier et Paris, Montpellier, PULM, 2018, p. 91-102 [En ligne : dx.doi.org/10.26530/OAPEN_644313 consulté le 15/03/2018].
HECK, Michèle-Caroline, « Les pérégrinations d'un texte au XVIIème siècle: le De Arte graphica de Charles-Alphonse Dufresnoy », dans GUERDAT, Pamela, HURLEY, Cecilia, KOBI, Valérie et SAGARDOYBURU, Dora (éd.), Pèlerin sans frontières, Mélanges en l'honneur de Pascal Griener. Recueil de travaux publiés par la Faculté des Lettres et Sciences humaines, université de Neuchâtel, vol. 60 , Genève, Droz, 2020.
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QUOTATIONS
*La Peinture & la Poësie sont deux Sœurs qui se ressemblent si fort en toutes choses, qu’elles se prestent alternativement l’une à l’autre leur office & leur nom. On appelle la premiere une Poësie muette, & l’autre une Peinture parlante.
Je [ndr : C.-A. Dufresnoy] ne veux pas non plus étoufer le Genie par un amas de Regles, ny éteindre le feu d’une veine qui est vive & abondante : mais plûtost faire en sorte que l’Art fortifié par la connoissance des choses, passe en nature peu à peu & comme par degrez, & qu’en suite il devienne un pur Genie, capable de bien choisir le Vray, & de sçavoir faire le discernement du beau Naturel d’avec le bas & le mesquin, & que le Genie par l’exercice & par l’habitude s’acquiere parfaitement toutes les regles & tous les secrets de l’Art.
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{I. Precepte. Du Beau}
*La principale & la plus importante partie de la Peinture, est de sçavoir connoistre ce que la Nature a fait de plus beau & de plus convenable à cet Art ; *dont le choix s’en doit faire selon le Goust & la Maniere des Anciens […]
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{I. Precepte. Du Beau.}
Cependant vous ne devez pas vous attendre que la fortune & le hazard vous donnent infailliblement les belles choses ; quoy que celles que nous voyons soient vrayes & naturelles, elles ne sont pas toûjours pour la bienséance & pour l’ornement : ce n’est pas assez d’imiter de point en point d’une maniere basse toute sorte de Nature ; mais il faut que le Peintre en prenne ce qui est de plus beau, *comme l’Arbitre souverain de son Art, & que par le progrès qu’il y aura fait, il en sçache reparer les defauts, & n’en laisse point échapper les beautez* fuyantes & passageres. […]
{II. Precepte. De la Theorie & de la Pratique.}
*De mesme que la seule Pratique destituée des lumieres de l’Art, est toûjours preste de tomber dans le precipice comme une aveugle, sans pouvoir rien produire qui contribuë à une solide reputation ; ainsi la Theorie sans l’aide de la main, ne peut jamais atteindre à la perfection qu’elle s’est proposée : […]
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{II. Precepte. De la Theorie & de la Pratique.}
Quoy qu’il y ait dans la Peinture plusieurs choses, dont on ne puisse pas donner de regles si precises (*veu que les plus belles choses ne se peuvent souvent exprimer faute de termes) je ne laisseray pourtant pas d’en donner quelques unes que j’ay choisies parmy les plus belles que nous avons receuës de la Nature cette sçavante maistresse, apres l’avoir examinée à fonds, aussi-bien que ces chefs-d’œuvres de l’Antiquité *les premiers Exemplaires de l’Art. Et c'est par ce moyen que l'esprit & la disposition naturelle se cultivent , & que la science perfectionne le génie […]
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{III. Precepte. Du Sujet.}
Cela posé, il faudra choisir *un Sujet beau, & noble, qui estant de soy-mesme capable de toutes les graces & de tous les charmes que peuvent recevoir les Couleurs & l’élégance du Dessein, donne ensuite à l’Art parfait & consommé un beau champ & une matiere ample de montrer tout ce qu’il peut, & de faire voir quelque chose de fin & de judicieux, *qui soit plein de sel, & qui soit propre à instruire & à éclairer les esprits.
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{INVENTION premiere partie de la Peinture.}
Enfin j’entre en matiere, & je trouve d’abord une toile nüe : *où il faut disposer toute la Machine (pour ainsi dire) de vostre Tableau, & la pensée d’un Genie facile & puissant, *qui est justement ce que nous appellons Invention.
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{IV. Disposition ou œconomie de tout l’ouvrage}
*Il est fort à propos, en cherchant les Attitudes, de prevoir l’effet & l’harmonie des Lumieres & des Ombres avec les Couleurs qui doivent entrer dans le Tout, prenant des unes & des autres ce qui doit contribuer davantage à produire un bel effet.
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{V. Fidélité du sujet}
*Que vos compositions soient conformes au texte des anciens Autheurs, aux coûtumes & aux temps.
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{VI. Qu’il faut rejetter ce qui affadit le Sujet.}
*Donnez-vous de garde que ce qui ne fait rien au Sujet & qui n'y est que peu convenable, entre dans vostre Tableau, & en occupe la principale place : Mais imitez en cecy la Tragedie, Sœur de la Peinture, qui déploye toutes les forces de son Art où le fort de l’action se passe.
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{VI. Qu’il faut rejetter ce qui affadit le Sujet.}
*Cette partie [ndr : l'invention] si rare & si difficile ne s'acquiert point, ny par le travail, ny par les preceptes des Maistres : car il n'y a que ceux, qui ont receu en naissant quelque partie de ce feu celeste *[…] qui soient capables de recevoir ces divins presens […].
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{DESSEIN, seconde partie de la Peinture. VII. Attitude.}
*C’est donc dans leur Goust [ndr : celui des statues antiques] qu’on choisira une ATTITUDE, *dont les membres soient Grands, *Amples, *Inégaux dans leur position, en sorte que ceux de devant contrastent les autres qui vont en arriere, & soient tous également balancez sur leur centre.
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{DESSEIN, seconde partie de la Peinture. VII. Attitude.}
*Les Parties [ndr : des figures] doivent avoir leurs Contours en ondes, & ressembler en cela à la flâme, ou au serpent lors qu’il rampe sur la terre. Ces Contours seront coulans, grands, & presque imperceptibles au toucher, comme s’il n’y avoit ny eminences ny cavitez. Qu’ils soient conduits de loin sans interruption, pour en éviter le grand nombre. Que les Muscles soient bien inserez & liez, *selon la connoissance qu’en donne l’Anatomie. Qu’ils soient *desseignez à la Grecque, & qu’ils ne paroissent que peu, comme nous le montrent les Figures Antiques. Qu'il y ait enfin un entier* accord des Parties avec leur Tout, & qu'elles soient parfaitement bien ensemble.
Antiques
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{VII. Attitude.}
Que la Partie qui en produit une autre, soit plus puissante que celle qu’elle produit, & qu’on voye le Tout d’un mesme point de veuë : *quoy que la Perspective ne puisse pas estre appellée une Regle certaine ou un acheminement de la Peinture ; mais un grand secours dans l’Art, & un moyen facile pour agir, tombant assez souvent dans l’erreur, & nous faisant voir des choses sous un faux aspect : car les corps ne sont pas toûjours representez selon le plan Geometral, mais tels qu’ils sont veus.
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{VIII. Variété dans les Figures.}
La forme des visages, l’âge, ny la couleur ne doivent se ressembler dans toutes les Figures, non plus que les cheveux : parce que les hommes sont aussi differens que les regions sont differentes.
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{IX. Convenance des Membres avec les Draperies.}
*Que chaque Membre soit fait pour sa Teste qu’il s’accorde avec elle, & que tous ensemble ne composent qu’un Corps avec les Draperies qui luy sont propres & convenables ;
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{XI. La Principale Figure du Sujet.}
*Que la Principale Figure du Sujet paroisse au milieu du Tableau sous la principale lumiere ; qu’elle ayt quelque chose qui la fasse remarquer par-dessus les autres, & que les figures qui l’accompagnent, ne la dérobent point à la veuë.
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{XII. Grouppes de Figures.}
*Que les Membres soient agrouppez de mesme que les Figures, c’est à dire, accouplez & ramassez ensemble, & que les Grouppes soient separez d’un vuide, pour éviter un papillotage confus, qui venant des parties dispersées mal à propos, fourmillantes & embarassées les unes dans les autres, divise la veuë en plusieurs rayons, & luy cause une confusion desagreable.
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{XIII. Diversité d'attitudes dans les grouppes}
* Il ne faut pas que dans les grouppes les figures se ressemblent dans leurs mouvements […] mais qu'elles se contrastent […]
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{XIV. Equilibre du Tableau.}
*Que l’un des costez du Tableau ne demeure pas vuide, pendant que l’autre est rempli jusqu’en haut ; mais que l’on dispose si bien les choses, que si d’un costé le Tableau est rempli, l’on prenne occasion de remplir l’autre ; en sorte qu’ils paroissent en quelque façon égaux, soit qu’il y ait beaucoup de Figures, ou qu’elles y soient en petit nombre.
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{XV. Du nombre des Figures.}
*De mesme que la Comedie est rarement bonne dans laquelle le nombre des Acteurs est trop grand, ainsi est-il bien rare & quasi comme impossible de faire un Tableau parfait, dans lequel il se trouve une grande quantité de Figures […] : parce que tant de choses dispersées apportent une confusion, & ostent une majesté grave & un silence doux, qui font la beauté du Tableau & la satisfaction des yeux ; mais si vous y estes contraint par le Sujet, il faudra concevoir le Tout ensemble & l’effet de l’Ouvrage comme tout d’une veuë, & non pas chaque chose en particulier.
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{XVIII. Ce qu’il faut éviter dans la distribution des Figures.}
Fuyez les veuës difficiles à trouver & qui sont peu naturelles, les mouvemens & les actions forcées, avec toutes les Parties desagreables à voir, comme sont les Racourcis.
*Fuyez encore les lignes & les contours égaux, qui font des paralleles, & d'autres figures aiguës & Geometrales, comme des quarrez, des triangles, & toutes celles qui pour estre trop comptées, vous font une certaine symmetrie ingrate, qui ne produit aucun bon effet ; mais, comme nous avons déja dit, les principales lignes se doivent contraster l'une l'autre : C'est pourquoy dans ces contours vous aurez principalement égard au Tout-ensemble ; car c'est de luy que vient la beauté & la force des Parties.