NATURE (n. f.)
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Preface au Lecteur de la Peinture, p. 301
Mais il save [ndr. le peintre] tromper l'œil ou tout n'y vaut rien ; il faut qu'on croye que cela est creux & enfoncé, cela enflé & boursoufflé, cecy hors d'œuvre, & qui se jette entierement hors du Tableau, cecy esloigné d'une bonne lieuë, cela d'une haute extréme, cela percé à jour, cecy tout vif & plein de mouvement, que ce cheval court & escume à force de souffler, que ce chien jappe voirement, que ce sang coule de la playe, que les nuées tonnent en effet, & que les nuages sont tous decousus à force d'esclairs qu'on void sortir coup sur coup, que cet homme rend l'esprit & que l'on void l'ame sur ses levres, que les oyseaux bequettent ces raisins & se cassent le bec, qu'on crie haut qu'il faut oster le rideau afin de voir ce qui est caché, cependant il n'y a rien de tout cela, car tout cela est plat, pres, bas, mort & contrefait si artistement qu'il semble que la nature se soit couché là dessus pour aider le peintre à nous tromper finement, & se moquer de nostre bestise.
De là vient qu'un d'eux [ndr. les peintres] escrit en ses ouvrages, Res ipsa, c'est la chose mesme, non pas la Peinture; & l'autre, Fecit Apelles, ce qu'il mit en trois pieces où il surmonta l'art, la nature, & soy-mesme. Aux autres il mettoit Faciebat, c'est à dire, il faisait, & à dessein n'a point voulu achever de peur de faire rougir la nature qui se fut confessée vaincue par l'esprit & par l'art.
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La Platte Peinture. Chapitre XXXIX, p. 314
La façon de parler des beaux Tableaux
1. Cela n'est pas Peinture, mais nature, & ces personnages là regardent tous ceux qui les regardent, mais d'une œillade si naïve, que vous jureriez qu'ils sont en vie.
2. Voyez ces poissons là, si vous versez dessus de l'eau ils nageront, car rien ne leur manque. Et ces oiseaux s'ils n'estoient attachez ils prendroient l'air, & fendroient le Ciel tant ils sont bien faits.
3. Comment est-il possible que le pinceau ait couché tant de douceurs sous des traits si rudes, sous des couleurs si dures, & que parmy tant de nonchalance, on ait caché tant d'attraits.
4. Quand la Peinture était encore au berceau, & à son premier lait, le pinceau estoit si niais, les ouvrages si lourds, qu'il falloit escrire dessus, c'est un bœuf, c'est un Asne, autrement vous eussiez pris cela pour un quartier de veau, maintenant il faut mettre dessous, qu'un tel peignoit, de peur qu'on ne creut que ce sont des morts qu'on a collé sur la toile, & des personnes vivantes sans vie tant le tout est bien fait.
5. Pour parler des riches Peintures il en faut parler comme si les choses estoient vrayes, non pas peintes. […]
6. Apelles peignoit ce qui ne se pouvoit peindre, on oyait craquer les tonnerres, & le tintamarre des nuées esclatantes & toutes trenchées d'esclairs.
7. Voyez comme ce drap est bien plissé, voyez ces mains de neige où les veines s'enflent […] tout le corps est aussi bien fait que si nature l'avoit façonné de ses mains. Mais encore est-ce Peinture ou nature, vérité ou artifice.
8. Mon amy pourquoy avez-vous donné une bride à ce cheval qui court de toute sa puissance, & jette son escume à gros boüillons, & est hors d'haleine ? je l'ay fait à dessein, car en deux bonds il se fut jetté hors de la carrière & hors de la toile, il l'a fallu retenir par force, voyez comme par dépit il s'en cabre.
9. Mon Dieu que ce fonds est haché bien menu, & treillissé de bonne grace, vous jureriez que c'est une chose creuse, & bien profonde.
10. Voyez comme ces fontaines sourdent des crouppes de ces montagnes, comme la main du Peintre meine ces ruisseaux aussi bien que sçauroit faire la nature […]; voyez comme ces canards se coulent parmy ces herbes, & cornillent, voyez-là comme ils se plongent boursoufflans contre-mont de petits brins & filets d'eau, retirez-vous un peu à l'escart de peur qu'ils ne vous aspergent, & moüillent, en frétillant ainsi des pattes & battant l'eau.
11. Philostrate en ses Tableaux est excellent en cecy, & vous fera riche en cette matiere.
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Le genre donc de la Peinture est l’Art : & qu’elle soit Art, il se prouve par la definition d’iceluy, lequel n’est autre, en un mot, qu’une raison droite & bien reglée des choses qui se doivent faire. De plus, il se prouve encore, parce que toutes les choses naturelles sont la regle & la mesure de la pluspart des Sciences & des Arts qui sont au monde […] ; C’est pourquoy elles peuvent estre la droite regle des choses artificielles. D’où s’ensuit que la Peinture est Art, puis qu’elle prend pour sa regle les susdites choses naturelles, & qu’elle est imitatrice, ou pour mieux dire, singe de la mesme nature, taschant tousjours d’imiter sa quantité, relief, & couleur. Ce qu’elle fait par l’ayde de la Geometrie, Arithmetique, Perspective, & Philosophie naturelle, avec une si grande & parfaite raison, qu’il ne se peut davantage.
La nature comme modèle à imiter. Terme traduit par NATURA dans Lomazzo, 1585, p. 19.
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[…] le Peintre doit user de ces lignes proportionnés par une certaine methode, & regle qui n’est autre que celle dont use la nature pour faire un de ses composez ; où premierement elle presuppose la matiere qui est une chose sans forme, sans beauté, & sans bornes, & dans cette matiere, elle introduit la forme qui est une chose belle & terminé. Le Peintre fait de mesme, lequel prend une table ou une toile, qui n’a en sa face qu’une superficie ou un plan sans beauté, les parties duquel n’ont ny terme ny fin, & il l’embellit & termine designant sur iceluy les lineamens d’un homme, d’un cheval, ou d’une colomne ; & formant ou polissant tous ces contours : & en fin imitant par les lignes la nature de la chose qu’il peint, tant en la longueur qu’en la largeur, corpulence, & grosseur.
Terme traduit par NATURA dans Lomazzo, 1585, p. 22.
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UN Tableau Original peut estre composé de toutes sortes de Corps visibles de la Nature, ou du moins de la plus grande partie, soit que celuy qui le peut avoir fait, les ait imitez apres le Naturel, ou bien faits de son genie ou invention, tant à veuë d’œil, que par regle de Perspective : Ledit Tableau peut aussi n’estre composé que d’un seul desdits Corps ou Objets, & fait de l’une ou de l’autre de ces deux sortes de pratique, soit à veuë d’œil ou par regle.
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Ainsi ladite regle de la Perspective donnera la connoissance universelle à celuy qui sera exercé à celle du trait & proportion des Corps visibles de la Nature, & aussi d’en composer de son Invention, ensemble au maniement du Pinceau & alliage des Couleurs, à Fraisq, à Destrempe, ou à Huile, de representer tous les Corps imaginables de la Nature, tant en general qu’en particulier, afin que la Copie ou Tableau qui s’en fera, fasse aux yeux de ceux qui le regarderont autant que l’Art & la capacité de l’Ouvrier le peut permettre, la mesme sentation ou vision que feroient lesdits Corps ; Et pour ce faire elle vous donnera non seulement la precision de la place des Contours ou Traits de la plus grande partie desdits Corps ; Mais aussi celle de leurs Jours, Ombres, Ombrages, ensemble l’endroit de la Force & Foiblesse de leurs Touches, Teintes ou Couleurs
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Qu’il ne faut pas qu’un peintre en imite un autre.
Un peintre ne doit jamais imiter la manière d’un autre peintre, parce qu’il ne seroit appelé que le nepveu, & non pas le fils de la nature, laquelle est si abondante & si feconde en ses productions, qu’on doit plustost recourir à elle-mesme qu’aux peintres qui ne sont que ses disciples.
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Que les petites figures ne doivent pas par raison estre trop finies
Je dis que les choses qui paroistront plus petites que leur naturel, cela leur arrivera pour estres esloignées de l’œil ; de sorte qu’estant ainsi, il est necessaire qu’entre l’œil & son object, il se trouve beaucoup d’air interposé, & cette quantité d’air empesche de voir distinctement la forme des choses, tellement que les petites parties des corps deviennent imperceptibles, & ne peuvent estre remarquées ; donc le peintre devra toucher ces figures que legerement, & en esquisser seulement l’idée, s’il fait autrement ce sera contre l’exemple de la nature sa maitresse : car comme je viens de dire, une chose ne devient petite que par la grande distance qui est entre l’œil & son object, la grande distance enferme en soy beaucoup d’air, la quantité d’air cause une grande opacité qui offusque l’œil, & luy oste le moyen de discerner les particules de son object.
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Pour bien Peindre il te faut suivre le naturel
Marchant sur un chemin droit et continuel.
Le F. Me faut-il simplement imiter la nature
Pour devenir fameux en l’Art de la Peinture ?
{2. Precepte très important}
Le P. Il la faut imiter, mais c’est adroitement ;
Car il ne suffit pas d’imiter simplement ;
Puis qu’il n’est rien de beau, rare, charmant, & juste
Qui n’ai quelque defaut, & que l’Art ne l’ajuste.
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Correge corrigeant tous les deffauts des corps
Obligea la nature à de pareils efforts,
Nature le Cœur gros de dépit et de honte
De voir qu’un seul mortel ses ouvrages surmonte
Par d’imparfaits desseins à des parfaits Tableaux
Soûleve lâchement un deluge de maux,
Mais contre leur attaque, il sçeut bien se deffendre
Et sortit du Combat comme un autre Alexandre.
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[ndr : LE PEINTRE]
Depuis nous avons eu les Carraces, & sur tous Anibal, le Dominicain, le Guide, & autres Excellens Naturalistes, lesquels quoy qu’ils n’ayent pas tout à fait donné comme Raphaël dans ce grand goust de l’antique, ils n’ont pas laissé de choisir de tres-belles natures, & telles seront toûjours bien cheries, estimées & suivies.
Mais comme un recit plus étendu sur toutes ces belles natures, & manieres de dessiner & peindre de ces grands hommes, feroit bien un tres-gros Volume ; je parleray de nostre moderne Raphaël, l’incomparable feu Monsieur le Poussin de nostre nation ; lequel sans contredit est celuy qui a le plus donné dans ce Goust & diversité des proportions antiques, airs de testes, & expressions de ses figures & Architectures suivant l’histoire; non seulement par celles des yeux & du toucher, mais par l’oüye & le sentiment du cœur et de l’ame ; je diray encore, qu’il a esté le plus universel en representation de tous les objets de la belle nature, le plus égal & le plus achevé sans contredit qu’aucun dont on puisse voir des ouvrages.
CARRACCI, Annibale
CARRACCI, les
IL DOMENICHINO (Domenico Zampieri)
POUSSIN, Nicolas
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
RENI, Guido
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Quotation
LE DISCIPLE.
Monsieur, je vous prie de me dire, ce que vous entendez par ce mot de Manieriste.
LE PEINTRE.
C’est que plusieurs Etudians, qui ayant pris ou la maniere de leurs Maistres, ou celle des Peintres, dont nous avons parlé, va tout premierement ou à une composition & proportion ou à un agencement de Drapperies, & Coloris composé contre l’ordre de cette nature ; & de plus, qui font que la pluspart de leurs figures se ressemblent en proportion de corps, les unes estant courtes & les autres trop Gresles, & toûjours d’un mesme Coloris, soit aussi des ombres trop foibles, & d’autres trop fortes ou brunes, bref en une infinité de manieres, qui font dire, voilà de la maniere d’un tel, & d’un tel.
Car à bien le prendre, lors qu’il ne s’agit que de representer purement en Peinture un objet naturel, au point que cette representation fasse à l’œil toute la mesme vision que luy, on n’en doit point connoistre la maniere.
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DE PILES, Roger, De l'art de peinture de Charles Alphonse Dufresnoy, Paris, Nicolas Langlois, 1668.
3 quotationsQuotation
{I. Precepte. Du Beau}
*La principale & la plus importante partie de la Peinture, est de sçavoir connoistre ce que la Nature a fait de plus beau & de plus convenable à cet Art ; *dont le choix s’en doit faire selon le Goust & la Maniere des Anciens […]
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{XIX. Qu’il ne faut pas trop s’attacher à la Nature, mais l’accommoder à son Genie.}
*Ne soyez pas si fort attaché à la Nature, que vous ne donniez rien à vos estudes ny à vostre Genie : mais aussi ne croyez pas que vostre Genie & la seule memoire des choses que vous avez veuës vous fournissent assez pour faire un beau tableau, sans l’aide de cette incomparable maistresse la Nature, *que vous devez toûjours avoir presente comme un témoin de la verité.
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{LXXI. La Nature & l’Expérience perfectionnent l’Art.}
C’est un grand moyen pour profiter beaucoup, que de copier avec soin les excellens Tableaux & les beaux Desseins : mais la Nature presente devant les yeux vous en apprendra encore davantage ; parce qu’elle augmente la force du Genie : & c’est d’elle que l’Art tire sa plus grande perfection par le moyen de l’Experience.
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177. [Ne soyez pas si fort attaché à la Nature, &c.] Ce Precepte est contre deux sortes de Peintres. Premierement contre ceux qui sont tellement attachez à la Nature, qu’ils ne peuvent rien sans elle, qui la copient comme ils la croyent voir, sans y rien adjoûter ny en retrancher la moindre chose, soit pour le Nud, ou pour les Draperies ; Et secondement il est contre ceux qui peignent toutes choses de Pratique, sans pouvoir s’assujettir à rien retoucher ny examiner sur le Naturel. Ces derniers sont proprement des Libertins de Peinture, comme il y en a de Religion, lesquels n’ont pas d’autre Loy que l’impetuosité de leurs inclinations, qu’ils ne veulent pas vaincre, de mesme que les Libertins de Peinture n’ont point d’autre Modele, que la boutade d’un Genie mal reglé, qui les emporte. Quoy que ces deux sortes de Peintres soient & l’un & l’autre dans des extremitez vitieuses, toutefois les premiers me semblent moins insupportables ; parce que s’ils n’imitent pas la Nature accompagnée de toutes ses beautez & de toutes ses graces, au moins imitent-ils une Nature qui nous est connuë, & que nous voyons tous les jours : au lieu que les autres nous en font voir une toute sauvage, que nous ne connoissons point, & qui semble estre d’une creation toute nouvelle.
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Parce que nous n’avons pas de clair assez vif pour imiter la Nature, il faut employer le plus proprement qu’il se peut celuy que nous avons, pour ne point le ternir par un mélange indiscret. Et puis, nous faisons nos demy-teintes un peu fortes, & quelquefois nous mettons des bruns, comme nous voulons represener la lumiere du Soleil ou celle d’un Flambeau ; nous opposons alors à ces grands clairs, des bruns plus forts que la Nature ne nous les represente, afin de ménager la finesse de l’Art avec la portée de nos Couleurs, qui défaillent en ces rencontres & n’expriment qu’imparfaitement les vivacitez de la Nature.
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Le naturel a toujours quelque chose de vif, & de remuant, qui tempère cette immobilité des Figures antiques : & ceux qui prennent trop de soin de les imiter, sans prendre garde aux grâces particulières qui accompagnent la Nature vivante, tombent toujours dans la sécheresse.
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Le Peintre qui doit aller plus avant & qui est un parfait imitateur de la Nature, ne doit pas seulement demeurer dans cette partie comme dans son terme: (car il ne seroit jamais Peintre) mais il doit en avoir une habitudes consommée pour n'estre point embarrassé dans la recherche des parties qui le font Peintre, & pour manier a son gré la couleur : car c'est elle qui trompe les yeux, qui donne la derniere perfection à ses Ouvrages.
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II est constant que la nature & le génie sont au dessus des règles, & sont ce qui contribüe davantage à faire un habile homme ; & que si tous ceux, qui ont eu le plus de connoissance d'un Art, & qui mesme en ont escrit, n'ont pas fait les plus beaux Ouvrages, ce n'est pas pour avoir ignoré ; les règles mais pour avoir manqué de génie. II faut donc une ame qui ait les mouvemens prompts & faciles, qui ait du feu pour inventer, & de la fermeté dans l'execution. Et ces choses qui sont un présent de la nature, ne sont pas toujours données avec une mesure si juste, qu'elles n' ayent besoin de règles pour se contenir dans des bornes raisonnables.
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Il [ndr : Rubens] estoit si fort persuadé que la fin du Peintre estoit d'imiter parfaitement la nature, qu'il n'a rien fait sans la consulter, & qu'il n'y a point eu de Peintre qui ait observé & qui ait sceu mieux que luy donner aux objets le véritable caractere qui les distingue.
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J'aymerois encore mieux n'y point aller [ndr : à Rome], repartit Leonidas, que d'en rapporter un goust artificiel comme font la pluspart de ceux qui en reviennent, & qui apres avoir oüi fort estimer les fresques de ce païs-là, sans distinction de ce qui y est estimable d'avec ce qui ne l'est pas, taschent de se dépoüiller de leur goust naturel pour les estimer aussi. Ils les voyent souvent, & à force de faire violence à leur bon sens, ils accoustument leurs yeux aux manières grises & sèches, lesquelles leur servent ensuite de règle pour juger de la Peinture. Ils content cette habitude comme un mystère qui leur avoit esté caché jusques alors, & croyent qu'il faut laisser aux âmes vulgaires l'admiration des tableaux.
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[...] s'il [ndr : Rubens] ne s'est pas si fort arresté au goust de l'Antique, ce n'est point par impuissance, c'est qu'il n'y trouvoit pas assez la vérité du naturel dont il vouloir estre un parfait imitateur : Il estoit bien persuadé, comme il est vray, que la diversité de la Nature est une de ses plus grandes beautez, & il ne trouvoit pas qu'en s'attachant aux Statües & aux Bas-reliefs, il pût se satisfaire assez pleinement.
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S'estant donc proposé la Nature comme l'objet de ses [ndr : Rubens] études & de ses reflexions, il a observé exactement & avec un jugement admirable le véritable caractère des choses, ce qui les distingue les unes des autres, & qui les fait paroistre ce qu'elles sont à nos yeux : Et il a poussé cette connoissance si loin, qu'avec une hardie, mais sage & sçavante exagération de ce caractere, il a rendu la Peinture plus vivante & plus naturelle, pour ainsi dire, que le Naturel mesme. C'est dans la veuë de cet heureux succès qu'il ne s'est pas mis si fort en peine de se remplir l'idée des contours Antiques, dont la pluspart estant imitez avec trop d'affectation, portent avec eux une idée de pierre qu'ils communiquent infailliblement aux Ouvrages de ceux qui s'y sont trop attachez, au lieu que les contours de Rubens donnent au nud un véritable caractère de chair, telle qu'il l'a voulu representer selon les âges, les sexes & les conditions. Car on voit cette diversité dans les sujets qui la demandent ; [...].
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Le Peintre qui est un parfait imitateur de la Nature, doit donc considérer la couleur comme son objet principal ; puis qu'il ne regarde cette mesme Nature que comme imitable, qu'elle ne luy est imitable que parce qu'elle est visible, & qu'elle n'est visible que parce qu'elle est colorée.
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C'est tres-peu de chose qu'un Peintre qui imite précisément les objets comme il les voit dans la Nature, ils y font presque toujours imparfaits & sans ornement. Son Art ne doit pas servir à les imiter seulement, mais à les bien choisir; & il est impossible de les bien choisir qu'il n'ait une idée de leur perfection.
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Et s'il n'en [ndr : des objets] trouve point qui réponde à son idée, reprit Damon, faut-il qu'il se contente de ceux qui seront présents à sa veüe? Non, repondit Philarque, car il doit les corriger & les rendre conformes à la perfection qu'il a conçeuë dans toutes les parties de la Peinture, en conservant neantmoins la vérité & la diversité de la Nature; la vérité, de peur de tomber dans le sauvage, & la diversité pour éviter la répétition.
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Avec l’instruction pour le mélange des Couleurs, à donner la force aux Figures, qui sont sur le devant du Tableau, pour faire fuïr celles du derriere, à faire les teintes, les Jours & les Ombres si tendres, qu’on ne puisse connoistre leur conjonction, qui est ce que les Romains nomment Clair-obscur. La manière de bien préparer les couleurs pour imiter la Nature, qui est le sujet de cet Art.
Or comme le Dessein est l’ame de la Peinture, les couleurs en sont le corps qui produisent d’agreables effets, estant touchées d’une artiste main ; si bien que le mélange des Jours & des Ombres, c’est à dire une conjonction d’un Clair-Obscur qui est imperceptible, & qui est difficile à connoistre, comme il se voit en plusieurs Tableaux, & comme on a vû dans un Tableau de Titin [Titien], où il a fait une Danaé couchée sur le dos, son sein découvert au grand jour, qui paroissoit rond, sans qu’on apperçoive aucun ombre, c’est une chose assez surprenante.
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Que celuy qui commence ne se haste pas tant d’estudier d’après nature, tout ce qu’il sera, qu’il ne sçache auparavant les proportions, l’attachement des parties, & leurs contours ; qu’il n’aye bien examiné les bons originaux, & qu’il se soit instruit des douces tromperies de l’Art qu’il aura apprises d’un sçavant maistre, plustost par la pratique, & en le voyant faire, qu’en l’écoutant seulement parler.
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Il est vray, repris-je qu’un sçavant homme peut donner à ses figures par le beau choix de la forme, & l’intelligence des couleurs, plus de beauté & de grace que l’on n’en voit d’ordinaire dans les belles personnes, parce que quelques belles qu’elles soient, elles ne seront jamais si accomplies que le peut estre une figure d’un excellent Peintre. Neanmoins quelque effort que puisse faire ce sçavant homme, il n’y aura point dans ses Tableaux tant de relief qu’on en voit dans le naturel, à cause que la force des couleurs est limitée, & ne peut faire paroistre à la veuë une rondeur pareille à celle que l’on voit dans la Nature.
Je voudrois bien, interrompit Pymandre, que vous voulussiez m’en dire la raison.
C’est premièrement, luy répondis-je, que les Peintres n’ont qu’un blanc & un noir pour la lumière & les ombres ; & ce blanc & ce noir ne peuvent point imiter parfaitement la Nature, parce que le blanc quelque blanc qu’il soit n’a point assez d’éclat pour representer les corps lumineux & le brillant des corps luisans ; & le noir, quelque noir qu’il soit, ne peut imiter qu’imparfaitement les ombres, qui dans la Nature sont des privations de lumiere. Car les noirs d’un Tableau font des matières qui ne peuvent estre privées de la lumiere qui les éclaire aussi bien que les autres couleurs qui sont étenduës sur la superficie de la toile.
Secondement c’est que nous voyons le naturel d’une autre façon que les Tableaux, parce que les rayons qui partent de nos yeux vont embrasser les tournants des corps qui sont de relief, ce qui ne se fait pas de mesme à l’égard des superficies plates, sur lesquelles les rayons visuels demeurent arrestez. C’est ce que Leonard de Vinci remarque dans son traité de la Peinture, où il fait voir que si nous regardons les choses peintes avec un seul œil, elles nous sembleront plus vrayes, & paroistront avoir plus de rondeur, quoyqu’il y ait toujours bien de la difference entre une chose peinte & le naturel, à cause, comme je viens de dire, qu’il y a dans les corps naturels une lumière & des ombres que la Peinture n’a pas force de bien representer.
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C’est pourquoy le Titien s’est rendu considerable, & s’est eslevé au dessus de tous les autres pour avoir si bien sçeu connoistre la couleur de toutes les choses qu’il a voulu peindre, n’ayant point eu de maniere particuliere ; mais ayant tellement imité la belle Nature, qu’il a toujours representé la chair comme une véritable chair ; le bois comme du bois ; la terre comme de la terre, & ainsi tout ce qu’il a voulu peindre.
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[...] Car comment pourra-t-il representer les choses, desquelles il ne connoistra pas la nature, les proprietés, les causes & les effets ; comment peindra-t-il les Elemens, les Metheores, les Cieux, les Astres, & cette infinité, pour ainsi dire, de choses admirables que nous voyons dans la Nature ? Quelle image fera-t-il de la Tristesse, de la Joye, du Plaisir, de la Douleur & des autres passions ? Enfin, de quelle couleur peindra-t-il le Vice & la Vertu, sans la connoissance de ces sciences ? Quelle idée pourra-t-il former d’un malade & des diverses maladies d’un mourant, & de la Mort-même, s’il n’en connoist pas les symptomes ? Comment representera-t-il le corps humain, & les autres animaux dans leurs mouvemens divers, & tous les accidens qui s’y rencontrent, s’il n’en connoist la disposition par le moyen de l’Anatomie ; ainsi des autres choses qu’il aura à representer ? Et l’on voit tous les jours dans les ouvrages des faux Peintres, & de ceux même que l’on estime parmi le beau monde, que les deffauts qu’ils y commettent ne procedent que de l’ignorance de toutes ces choses, comme vous l’avez pû voir, lorsque vous avez passé parmi les Cacopeintres & les Cabalistes.
La Musique ne lui doit pas estre inconnuë, pour le grand raport quelle a avec la Peinture ; car si l’une a pour objet l’harmonie des sons, l’autre a l’harmonie des proportions des corps & des couleurs, fondée sur les mêmes principes.
Le but de la peinture est de représenter l’homme en action
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[...] C’est en cet Ouvrage [ndr : groupe sculpté par Phidias représentant le Parnasse] que l’on peut dire que l’Art a égalé la Nature ; car ce sçavant Sculpteur [ndr : Phidias] avoit mis tant de grace, de beauté, de guayté dans toutes ces Figures, qu’il sembloit avoir fait vivre le marbre, & qu’il n’y manquoit que la parole.
Le but l’art est d’imiter la nature et d’insuffler la vie aux figures représentées
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Cela paroît d’abord fort aisé : car puisque toute la perfection de l’Art consiste à bien imiter la nature, il semble qu’il ne faille point consulter d’autre Maistre, & qu’on n’ait qu’à travailler d’aprés les modelles vivans ; toutefois si l’on veut approfondir la chose, on verra qu’il ne se trouve que peu ou point d’hommes dont toutes les parties soient dans leur juste proportion sans aucun défaut. Il faut donc choisir ce qu’il y a de beau dans chacun, & ne prendre que ce qu’on nomme communément la belle nature. Mais qui osera presumer d’avoir le discernement assez juste pour ne se point tromper dans un tel choix ?
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On peut avancer hardiment qu’ils [n.d.r. les sculpteurs antiques] ont en quelque sorte surpassé la nature ; car bien qu’il soit vray de dire qu’ils n’ont fait veritablement que l’imiter cela s’entend pour chaque partie en particulier, mais jamais pour le tout ensemble, & il ne s’est point trouvé d’homme aussi parfait en toutes ses parties que le sont quelques-unes de leurs Figures. Ils [n.d.r. les sculpteurs antiques] ont imité les bras de l’un, les jambes de l’autre, ramassant ainsi dans une seule Figure toutes les beautez qui pouvoient convenir au sujet qu’ils representoient, comme nous voyons qu’ils ont rassemblé dans l’Hercule tous les traits qui marquent la force, & dans la Venus toute la délicatesse & toutes les graces qui peuvent former une beauté achevée.
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C’est ce qu’on a veû souvent dans des portraits de sa main [ndr : à Sébastien Bourdon] : car bien qu’il prist tous les soins possibles à faire une teste achevée, on remarquoit que plus il vouloit approcher du naturel & de la ressemblance, plus il s’éloignoit, faute de connoistre assez les principes de son art : semblable en cela à plusieurs autres Peintres, qui pour bien peindre une teste vont cherchant hors de leur sujet des moyens pour faire paroistre la ressemblance, & bien exprimer le naturel. Au lieu qu’un sçavant homme ne se sert que de la nature mesme pour en imiter tous les traits, & ne songe à mettre sur sa toile que l’image de ce qu’il voit, sans rappeler dans sa memoire les idées de quelques autres portraits pour en suivre les manieres ; ni croire que par le secours de certaines maximes, & de quelques observations qu’il aura faites sur les ouvrages d’autres Peintres, il puisse arriver à faire quelque chose plus parfait que ce que la nature, qu’il a presente, luy enseigne elle-mesme.
C’estoit souvent ce souvenir de quantité de Tableau que Bourdon avoit veûs, & qu’il vouloit imiter, qui affoiblissoit ses ouvrages. Car qu’un Peintre ait l’esprit plein de plusieurs choses qu’il aura veûës, ou mesme que son imagination luy fournisse un grand nombre de pensées, s’il n’a assez d’esprit & de jugement pour les bien ordonner, tout son ouvrage sera rempli de confusion.
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Fouquieres, repris-je, peignoit agreablement, & representoit parfaitement bien la Nature ; & quoy-que ce soit le principal devoir du Peintre de s’étudier à la bien imiter, il y en a eû neanmoins depuis luy qui ont méprisé cette étude, pour suivre certaines pratiques de peindre qui ne sont point naturelles ni dans les Païsages ni dans les figures.
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Car de tous les Arts que l’esprit de l’homme possede, y en a-t-il un plus admirable que celuy de la Peinture, par le moyen duquel on sçait representer la nature mesme, & faire voir par le mélange des couleurs l’image de toutes les choses qui tombent sous les sens. Que si c’est un grand avantage à l’homme de comprendre dans son esprit les images des corps animez & inanimez, combien est-ce une chose digne d’admiration d’en pouvoir tracer la ressemblance, & encore plus de se former une idée de toutes les beautez de la Nature pour en faire une plus parfaite, telle qu’estoit cette figure de Pirrha qui surpassoit toutes les plus belles femmes ? Mais comme il est rare de trouver une personne parfaitement belle, aussi est-il extrémement difficile de faire l’image d’une beauté accomplie. C’est pourquoy les plus sçavans hommes de l’antiquité, pour avoir part à la gloire d’un Art si merveilleux, non seulement ont eû une estime toute particulière pour la Peinture, mais encore ont voulu peindre eux-mesmes.
Anciens (les)
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Quotation
Cette conclusion déplut à ceux qui étoient engagés dans l’amour de la couleur, tellement, qu’il s’en émeut une contestation, celui qui entreprit le parti proposa ces trois choses. Primo, que la couleur est aussi necessaire que le dessein. Secundo, qu’en diminuant le merite de la couleur, on diminuë celui du Peintre. Tertio, que la couleur a merité des loüanges en tous tems : pour soûtenir sa premiere proposition, il dit, qu’il falloit examiner, quelle est la fin en general, que le Peintre se doit proposer, & lequel du dessein ou de la couleur le conduit plus directement à cette fin ; que de dire que la fin de la Peinture est d’imiter la nature, ce n’est pas assez, puisque plusieurs autres arts se proposent la même chose ; de dire que ce soit pour tromper les yeux, cela ne suffiroit pas encore, si on y ajoutoit que cela se fait par le moyen des couleurs. [...] L’on ajoûta que le dessein étoit commun avec les sculpteurs & Graveurs, mais que la couleur est le propre du Peintre, & que l’on ne pouvoit prendre cette qualité qu’à cause de l’emploi des couleurs, qui sont capables de tromper les yeux en imitant les choses naturelles ; qu’étant donc la chose qui le distingue d’avec les autres Artisans, elle devoit être considerée d’une façon singuliere
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Enfin pour bien reussir, il est absolument necessaire d’étudier le naturel : d’apprendre de la nature méme tous les diferens mouvements, qu’elle peut faire dans le corps d’un homme vivant, & les diferens éfets des Muscles. Il ne s’agit pas pourtant de copier la Nature tantôt seche, tantôt petite, ou grande : Mesquine, ou estravagante : Il faut composer une belle figure sur un corps, qui ne sera pas également beau. Et s’il y a quelque chose de beau, il le faut savoir choisir en supleant au reste, s’il manque.
Tous les corps en éfet ont du beau dans quelques parties & du Mesquin en quelques autres : La nature ne formant que rarement des ouvrages acomplis. On voit souvent qu’elle ôte à l’un, ce qu’elle donne à l’autre : De sorte qu’il faudroit plusieurs modeles, pour en faire un qui fut parfait : Mais comme j’ay dit, la Sience consiste à supléer, où la nature s’est négligé.
Quand je dis que la nature manque, ou qu’elle se neglige, je ne pretens pas dire qu’elle ne fasse tous ses ouvrages parfait dans leurs proportions, pour toutes les fonctions naturelles : Mais je veux dire, que toutes les parties ne sont pas également bien formée, pour plaire aux Yeux.
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Mais que sert-il, reprit Damon, de sçavoir cette amitié & cette antipathie des Couleurs, puisqu'il n'y a qu'à imiter par le mélange des Couleurs artificielles celles qui sont naturelles à l'objet qui est devant nos yeux.
La nature, repartit Pamphile, n'est pas toûjours bonne à imiter ; il faut que le Peintre la choisisse selon les regles de son Art ; & s'il ne la trouve pas telle qu'il la cherche, il faut qu'il corrige celle qui luy est presente. Et de mesme que celuy qui dessine n'imite pas tout ce qu'il voit dans un modele defectueux, & qu'au contraire, il change en des proportions & des contours avantageux les défauts qu'il y trouve : ainsi le Peintre ne doit pas imiter toutes les couleurs qui se presentent indifferemment, il ne doit choisir que celles qui luy conviennent, ausquelles (s'il le juge à propos) il en ajoûte d'autres qui puissent produire un effet tel qu'il l'imagine pour la beauté de son Ouvrage : il songe non seulement à rendre ses objets en particulier beaux, naturels & véritables : mais encore il a soin de l'union du Tout-ensemble : tantost il diminuë de la vivacité du Naturel, & tantost il encherit sur l’éclat & sur la force des couleurs qu'il y trouve.
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Cependant il n’y a point dans la Peinture de partie où la Nature soit toujours bonne à imiter telle que le hazard la presente. Cette maîtresse des Arts nous conduit rarement par le plus beau chemin, elle nous empêche seulement de nous égarer. Il faut que le Peintre la choisisse selon les régles de son Art ; & s’il ne la trouve pas telle qu’il la cherche, il doit corriger celle qui lui est présentée.
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L’on sait assez que la peinture n’est qu’un fard, qu’il est de son essence de tromper, & que le plus grand trompeur en cet Art, est le plus grand Peintre. La Nature est ingrate d’elle-même, & qui s’attacheroit à la copier simplement comme elle est & sans artifice, feroit toujours quelque chose de pauvre & de très-petit goût. Ce que l’on nomme Exageration dans les couleurs & dans les lumieres, est l’effet d’une profonde connoissance de la valeur des couleurs, & une admirable industrie qui fait paroître les objets peints plus vrais (s’il faut ainsi dire) que les veritables mêmes. C’est dans ce sens que l’on peut dire, que dans les Tableaux de Rubens l’Art est audessus de la Nature, laquelle semble en cette occasion n’être que la copie des ouvrages de ce grand Peintre : & quand les choses, après avoir été bien examinées, ne se trouveroient pas justes, comme on les suppose, qu’importe après tout, pourvû qu’elles le paroissent ; puisque la fin de la Peinture n’est pas tant de convaincre l’esprit que de tromper les yeux.
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{Le Dessin. II. Partie} Que le Peintre dessine correctement d’un bon goût & d’un style varié, tantôt héroïque & tantôt champêtre, selon le caractére des Figures que l’on introduit : Car l’élegance des contours qui convient aux Divinités, par exemple, ne convient nullement aux gens du commun ; les Héros & les soldats, les forts & les faibles, les jeunes & les vieillards doivent avoir chacun leurs diverses formes ; sans compter que la Nature, qui se trouve differente dans toutes ses productions demande du Peintre une varieté convenable.
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Dans les Attitudes, la Pondération & le Contraste sont fondés dans la Nature. Elle ne fait aucune action qu’elle ne fasse voir ces deux parties ; & si elle y manquoit, elle seroit, ou privée de mouvement, ou contrainte dans son action.
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Si la peinture est une espèce de création, elle en donne des marques encore plus sensibles dans les Tableaux de Païsage que dans les autres. On y voit plus generalement la Nature sortie de son cahos & les Elemens plus débrouillés ; [...] Mais quelque terminé que soit un Païsage, si la comparaison des objets ne les fait valoir, & ne conserve leur caractére, si les sites n'y sont bien choisis, ou n'y sont suppléés par une belle intelligence du Clair-obscur, si les touches n'y sont spirituelles, si l'on n'y rend les lieux animés par des Figures, par des Animaux, ou par d'autres objets, qui sont d'ordinaire en mouvement, & l'on n'y joint au bon Goût de Couleur & aux sensations extraordinaires la vérité & la naïveté de la Nature, le Tableau n’aura jamais d’entrée dans l’estime, non plus que dans le Cabinet des véritables Connoisseurs.
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On voit des Curieux qui se font une idée d'un Maître sur trois ou quatre Tableaux qu'ils en auront vûs, & qui croient après cela avoir un titre suffisant pour décider sur sa maniére, sans faire réflexion aux soins plus ou moins grands que le Peintre aura pris à les faire, ni à l'âge auquel il les aura faits. Ce n'est pas sur les Tableaux particuliers du Peintre : mais sur le général de ses Ouvrages qu'il faut juger de son mérite. Car il n'y a point de Peintre qui n'ait fait quelques bons & quelques mauvais Tableaux […]. Il n'y en a point aussi qui n'ai eu son commencement, son progrès & sa fin ; c'est-à-dire, trois maniéres : la première, qui tient à celle de son Maître; la seconde, qui s'est formée selon son Goût, & dans laquelle réside la mesure de ses talens, & de son Génie; & la troisième, qui dégénère ordinairement en ce qu'on appelle maniére : parce qu'un Peintre, après avoir étudié long-tems d'après la Nature, veut jouir, sans la consulter davantage, de l'habitude qu'il s'en est faite.
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Il m’a paru que je devois commencer par lui démontrer que la Peinture n’aïant pour objet que la parfaite imitation de la nature, tout homme de bon sens & d’esprit, sans avoir étudié les misteres de cet art, est à portée de sentir les grandes beautez d’un tableau, & de faire souvent même d’excellentes critiques.
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Are. [...] Le peintre doit donc s’appliquer non seulement à imiter, mais aussi à surpasser la nature ; je dis surpasser en partie ; car au reste ce seroit un prodige, non pas s’il arrivoit à l’imiter, mais meme s’il en approchoit : ce qui consiste à faire paroitre par le moien de l’art dans un seul corps toutes les perfections de la beauté, qu’a peine la nature a coutume de faire voir en mille. Parcequ’il ne se trouve point de corps humain de si parfaite beauté, qu’il ne lui en manque quelque partie. Aussi avons nous l’exemple de Zeuxis, qui aiant à peindre Helene dans le temple des Crotoniates, choisit cinq jeunes filles qu’il vit toutes nûes, & prenant les belles parties de l’une, qui manquoient à l’autre, reduisit son Helene au point de perfection que la renomée en subsiste encore aujourdhui. Ce qui peut aussi servir d’avis pour ceux qui ont la temerité de faire tous leurs ouvrages de pratique. Mais si les peintres veulent trouver sans peine le parfait modelle d’une belle femme, ils n’ont qu’a lire les stances dans les quelles l’Arioste decrit admirablement les beautés de la Fée Alcine. Il [sic] verront en même tems, combien les bons poetes sont aussi bons peintres. [...]
Elle etoit aussi bien faite que les plus industrieux peintres eussent sû la representer.
Voila pour la proportion que l’ingenieux Arioste etablit 1, la plus exacte que les plus excellents peintres puissent former : il se sert de l’epithete industrieux, pour marquer le soin, qui convient un excellent ouvrier. [...]
Avec une blonde chevelure longue & nouée :
Il n’y a point d’or qui eclatte & brille davantage.
De la meme façon que l’Arioste a dit tresse blonde, il pouvoit dire tresse d’or : mais peut etre crut-il, que l’expression auroit trop senti son poete : d’ou on peut conclure que le peintre doit imiter l’or, & non pas l’emploier dans sa peinture comme font ceux qui peignent en mignature, ensorte qu’on puisse dire ces cheveux ne sont pas d’or, & cependant ils semblent briller comme l’or. Je suis bien aise d’avoir touché ce point, quand meme la chose ne meriteroit pas qu’on y fit reflexion. […] On doit conclure de là, que le peintre est obligé d’imiter les proprietés de chaque chose avec les distinctions qui leur conviennent.
1 On a encore ici prophetisé, plus pour ce tems ici, que pour aucun autre qui ce soit passè.
Utilisation du lieu communu de Zeuxis peigant Hélène à partir de cinq jeunes filles pour expliquer que le peintre ne doit pas seulement imiter la nature mais choisir ce qu'il y a de plus beau dans la nature pour atteindre la perfection.
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Quotation
Are. D’ou tirez vous la regle de juger de ces beautés ?
Fab. Je crois, comme vous l’avez dit, qu’on la doit tirer d’aprés nature, & d’aprés les statues antiques.
Are. Vous avoüerez donc que les nuds de Rafael ont toutes les parties belles, & achevées ; car rarement fit-il aucun ouvrage sans imiter le naturel, ou l’antique : c’est de la qu’on voit dans ses figures, têtes, jambes, torses, bras, pieds, & mains étonnantes.
Fab. Il ne fit point voir les os, les muscles, certains petits nerfs, & autres parties menûes autant que Michel Ange.
Are. Are. Il a fait voir ces parties dans les figures qui l’exigeoient, autant qu’il etoit a propos, Michel Ange (soit dit sans l’offenser) les fait voir quelque fois plus qu’il ne convient. Ce qui est si evident qu’il est inutil d’en dire davantage sur ce point. De plus vous devez vous ressouvenir, que je vous ai dit, qu’il est bien plus important de couvrir les os d’une chair pleine & tendre, que de les ecorcher : & pour preuve de cette verité, je vous replique, que pour la plus grande partie les anciens, ont fait leurs figures tendres, & avec peu de recherche […]. Mais il ne s’attacha pas beaucoup à cette maniere, parcequ’il avoit pris pour son but principal de plaire (come en effet c’est la premiere qualité du peintre) & cherchant a se procurer plutôt le surnom d’agreable, que de terrible, il en acquit un autre qui fut celui de gracieux. Car outre l’invention , outre le dessein, outre la diversité, outre que tous ses ouvrages remuent infiniment ; on y trouve de plus la prerogative qu’avoient, à ce qu’ecrit Pline, les figures d’Apelles ; c’est a dire l’agrement, qui est ce je ne sçai quoi, qui ravit ordinairement dans les peintres, comme dans les poetes : de sorte qu’il remplit les esprits d’un plaisir infini, quoiqu’on ne puisse decouvrir de quel coté vient, ce qui nous plait si fort.
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Quotation
Au contraire les Peintres qui travaillent aujourd'hui, tirent plus de secours de l'Art, que Raphaël & ses contemporains n'en pouvoient tirer. Depuis Raphaël, l'art & la nature se sont perfectionnez, […]. L'Ecole Lombarde a apporté le coloris à une perfection où il n'avoit pas encore atteint du vivant de Raphaël. L'Ecole d'Anvers a fait encore depuis lui plusieurs découvertes sur la magie du clair-obscur. Michel-Ange de Caravage & ses imitateurs ont aussi fait sur cette partie de la Peinture, des découvertes excellentes, quoiqu'on puisse leur reprocher d'en avoir été trop amoureux. Enfin depuis Raphaël, la nature s'est embellie. Expliquons ce Paradoxe.
Nos Peintres connoissent présentement une nature d'arbres & une nature d'animaux plus belle & plus parfaite que celle qui fut connuë aux devanciers de Raphaël et à Raphaël lui-même. […] Ce n'est qu'après lui que ces parties du monde [ndr : Asie orientale, Amérique, Brésil] ont été découvertes pour les Peintres, & qu'on en a rapporté les desseins des plantes, des fruits & des animaux rares qui s'y trouvent, & qui peuvent servir à l'embellissement des tableaux.
[…]
Il est vrai que Raphaël & ses contemporains n'étudioient pas la nature seulement dans la nature elle-même. Ils l'étudiaient encore dans les ouvrages des anciens. Mais les anciens eux-mêmes ne connoissoient pas les arbres [ndr.: des Pays-Bas] et les animaux [ndr.: d'Angleterre]. L'idée de belle nature que les anciens s'étaient formée sur certains arbres & sur certains animaux, en prenant pour modeles les arbres & les animaux de la Grece et de l'Italie, n'approche pas de ce que la nature produit en ce genre-là dans d'autres contrées.
[…]
Il faudrait connoître le monde presqu'aussi bien que l'intelligence qui l'a créé, & qui a décidé de son arrangement, pour imaginer la perfection où la nature est capable d'arriver. […] Les connaissances des hommes sur la conformation de l'Univers, étant aussi bornées qu'elles le sont, ils ne peuvent, en prêtant à la nature les beautés qu'ils imaginent, l'annoblir dans leurs inventions, autant qu'elle sçait l'annoblir elle-même à la faveur de certaines conjectures. Souvent leur imagination la gâte au lieu de la perfectionner.
Anciens (les)
CARAVAGGIO (Michelangelo Merisi da Caravaggio)
école d'Anvers
École lombarde
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
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Quotation
Je crois que le pouvoir de la Peinture est plus grand sur les hommes que celui de la Poësie, & j'appuie mon sentiment sur deux raisons. La premiere est que la Peinture agit sur nous par le moïen du sens de la vûë. La seconde est que la Peinture n'emploïe pas des signes artificiels ainsi que le fait la Poësie, mais bien des signes naturels. C'est avec des signes naturels que la peinture fait ses imitations.
La Peinture se sert de l'œil pour nous émouvoir. [...] La vûë a plus d'empire sur l'ame que les autres sens. La vûë est celui des sens en qui l'ame, par un instinct que l'expérience fortifie, a le plus de confiance […]
En second lieu, les signes que la Peinture emploïe pour nous parler, ne sont pas des signes arbitraires & instituez, tels que sont les mots dont la Poësie se sert. La Peinture emploïe des signes naturels dont l'énergie ne dépend pas de l'éducation. Ils tirent leur force du rapport que la nature elle-même a pris soin de mettre entre les objets extérieurs & nos organes, afin de procurer notre conservation. Je parle peut-être mal, quand je dis que la Peinture emploïe des signes. C'est la nature elle-même que la Peinture met sous nos yeux. Si notre esprit n'y est pas trompé, nos sens du moins y sont abusez. La figure des objets, leur couleur, les reflais de lumière, les ombres, enfin tout ce que l'œil peut apercevoir, se trouve dans un tableau, comme nous le voïons dans la nature. Elle se présente dans un tableau sous la même forme où nous la voïons réellement. Il semble même que l'œil ébloüi par l'ouvrage d'un Grand Peintre, croïe quelquefois apercevoir du mouvement dans ses figures.
Les vers les plus touchans ne sçauroient nous émouvoir que par degrez & en faisant jouer plusieurs ressorts de notre machine les uns après les autres. Les mots doivent d'abord réveiller les idées dont ils ne sont que des signes arbitraires. Il faut ensuite que ces idées s'arrangent dans l'imagination, & qu'elles y forment ces tableaux qui nous touchent, & ces peintures qui nous intéressent. Toutes ces opérations, il est vrai, sont bientôt faites ; mais il est un principe incontestable dans la mécanique, c'est que la multiplicité des ressorts affoiblit toujours le mouvement, parce qu'un ressort ne communique jamais à un autre tout le mouvement qu'il a reçu. D'ailleurs il est une de ces opérations, celle qui se fait quand le mot réveille l'idée dont il est le signe, qui ne se fait pas en vertu des loix de la nature. Elle est artificielle en partie.
Ainsi les objets que les tableaux nous présentent agissant en qualité de signes naturels, ils doivent agir plus promptement. L'impression qu'ils font sur nous, doit être plus prompte & plus soudaine que celle que les vers peuvent faire.[…] Nous voïons alors en un instant ce que les vers nous font seulement imaginer, & cela même en plusieurs instants.
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les manieres se forment de la différente façon dont l’esprit humain est capable de concevoir une même chose, qui est l’imitation de la nature. Les plus habiles peintres ont leur manière, sans néanmoins être manierés. La manière s’entend de la façon d’opérer ; c’est le faire d’un peintre, c’est son style ; au lieu que manieré veut dire ce qui sort de la nature & du vrai [...] On ne devroit imiter que la nature & l’antique, sans s’attacher à la manière de personne [...] Au reste la nature n’a point de manière, elle n’a point de touche, tout y paroît d’un fondu & d’un accord parfait.
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NATURE, NATUREL. On dit peindre sur le naturel, dessiner sur le naturel, figures grandes comme le naturel, plus grandes que le naturel, peindre d’après nature.
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Le Génie doit donc avoir un appui pour s’élever & se soutenir, & cet appui est la nature. Il ne peut la créer, il ne doit point la détruire ; il ne peut donc que la suivre & l’imiter, & par conséquent tout ce qu’il produit ne peut être qu’imitation.
Imiter, c’est copier un modèle. Ce terme contient deux idées. I° le Prototype qui porte les traits qu’on veut imiter. 2° la Copie qui les représente. La Nature, c’est-à-dire tout ce qui est, ou comme nous concevons aisément comme possible, voilà le prototype ou le modèle des Arts. Il faut, comme nous venons de le dire, que l’industrieux imitateur ait toujours les yeux attachés sur elle, qu’il la contemple sans cesse : Pourquoi ? C’est qu’elle renferme tous les plans des ouvrages réguliers, & les desseins de tous les ornemens qui peuvent nous plaire. Les Arts ne créent point leurs règles : elles sont indépendants de leur caprice, & invariablement tracées dans l’exemple de la Nature.
Quelles sont donc les fonctions des Arts ? C’est de transposer les traits qui sont dans la Nature, & de les présenter dans des objets à qui ils ne sont point naturels. C’est ainsi que le ciseau du statuaire montre un héros dans un bloc de marbre. Le peintre par ses couleurs, fait sortir de la toile tous les objets visibles.
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Ainsi tous les Arts dans tout ce qu’ils ont de vraiment artificiel, ne sont que des choses imaginaires, des êtres feints, copiés & imités d’après les véritables. C’est pour cela qu’on met sans cesse l’Art en opposition avec la Nature : qu’on n’entend partout que ce cri, que c’est la Nature qu’il faut imiter : que l’Art est parfait quand il la représente parfaitement : enfin que les chefs-d’œuvres de l’Art, sont ceux qui imitent si bien la Nature, qu’on les prend pour la Nature elle-même.
Et cette imitation pour laquelle nous avons tous une disposition si naturelle, puisque c’est l’exemple qui instruit & qui règle le genre humain, Vivimus ad exempla, cette imitation, dis-je, est une des principales sources du plaisir que causent les Arts. L’esprit s’exerce dans la comparaison du modèle avec le portrait, & le jugement qu’il en porte, fait sur lui une impression d’autant plus agréable, qu’elle lui est un témoignage de sa pénétration & de son intelligence.
Et cette doctrine n’est pas nouvelle.
On la trouve par-tout chez les anciens. Aristote commence sa Poëtique par ce principe : que la Musique, la Danse, la Poësie, la Peinture, sont des Arts imitateurs (a). [...]
(a) […] M. Remond de S. Mard qui a beaucoup réfléchi sur l’essence de la Poësie & qui n’écrivant que pour les plus délicats n’a dû prendre que la fleur de son sujet, dit formellement dans une de ses Notes que les beaux Arts ne consistent que dans l’imitation. Voici ses termes : On n’y songe pas assez, la Poësie, la Musique, la Peinture sont trois Arts consacrés au plaisir, tous trois faits pour imiter la nature, tous trois destinés à imiter les mouvemens de l’ame : les tirer de là, c’est les deshonorer, c’est les montrer par leur endroit foible. […]
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De tout ce que nous venons de dire, il résulte que la Poësie ne subsiste que par l’imitation. Il en est de même de la Peinture, de la Danse, de la Musique : rien n’est réel dans leurs Ouvrages : tout y est imaginé, feint, copié, artificiel. C’est ce qui fait leur caractere essentiel par opposition à la nature.
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Ces deux exemples suffisent pour donner, en attendant, une idée claire & distincte de ce qu’on appelle la belle Nature. Ce n’est pas le vrai qui est ; mais le vrai qui peut être, le beau vrai, qui est représenté comme s’il existoit réellement, & avec toutes les perfections qu’il peut recevoir.
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Jusqu’ici on a tâché de montrer que les Arts consistoient dans l’imitation ; & que l’objet de cette imitation étoit la belle Nature représentée à l’esprit dans l’enthousiasme. Il ne reste plus qu’à exposer la manière dont cette imitation se fait.
On peut diviser la Nature par rapport aux beaux Arts en deux parties : l’une qu’on saisit par les yeux, & l’autre, par le ministere des oreilles : car les autres sens sont stériles pour les beaux Arts. La premiere partie est l’objet de la Peinture qui représentent sur un plan tout ce qui est visible. […]
Ainsi la Peinture imite la belle Nature par les couleurs, la Sculpture par les reliefs, la Danse par les mouvements par les attitudes du corps. La Musique l’imite par les sons inarticulés, & la Poësie enfin par la parole mesurée. Voilà les caracteres distinctifs des Arts principaux. […]
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C’est pour atteindre à cette liberté que les grands Peintres laissent quelquefois jouer leur pinceau sur la toile : tantôt, c’est une symétrie rompue ; tantôt, un désordre affecté dans quelque petite partie ; ici, c’est un ornement négligé ; là, un défaut même, laissé à dessein : c’est la loi de l’imitation qui le veut :
A ces petits défauts marqués dans la Peinture,
L’esprit avec plaisir reconnoît la Nature
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BAILLET DE SAINT-JULIEN, Louis-Guillaume, Lettres sur la peinture à un amateur, Genève, s.n., 1750.
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Sa Venus au bain [ndr : de Vanlo] est tout à fait intéressante ; de même que la Vestale ; quoique ce dernier tableau soit un peu sec. On sent bien que M. Vanlo a voulu y fatiguer ses chairs le moins qu’il lui étoit possible, pour mieux exprimer le caractere de virginité qui étoit de son sujet ; mais on s’apperçoit en même-tems que la nature ne lui a pu servir en cette occasion ; & qu’il n’a pu peindre cet objet que d’idée, & comme un beau fantôme, que lui retraçoit son imagination. La question étoit de chercher un beau modele de Vierge, quelque part ; mais en bonne vérité où le trouver !
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Un Peintre habile doit rectifier la nature en l’imitant ; surtout quand il s’en est rendu maître comme M. Vanlo. Il doit retrancher adroitement ce qu’elle a de trop, & ajouter à ce qui lui manque. Il faut qu’il songe à peindre toujours en beau, autant qu’il lui est possible, & que l’occasion semble le permettre : les Peintres et les Poëtes sont les panégyristes de la Nature.
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M. du Mont me semble faire autant d’efforts pour s’éloigner de la nature que quelques autres en prennent pour s’en approcher. Il s’épuise à chercher une maniere qui lui coûte beaucoup ; & qui n’en vaut gueres mieux, puisqu’elle ne ressemble à rien de naturel. Je me plaindrai d’autant plus sur ce sujet, qu’on voit tous les jours des Peintres, qui n’ont pas le méme talent, donner dans le même ridicule. Tout [sic] y visent grands & petits ; c’est proprement le péché originel, en Peinture. On va voir ce qu’a produit cette affectation. M. du Mont a exposé cette année deux Tableaux, extrêmement travaillés, dessinés & peints tous deux avec la même sévérité ; & où on le reconnoît enfin, pour tout dire.
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Je crois pouvoir vous parler, après lui, d’un jeune homme qui a donné quelques essais dans le même genre, & qui à mon gré a beaucoup de talent. Il se nomme M. Bachelier. S’il y a quelque chose de répréhensible dans ses ouvrages, c’est le trop grand soin qu’il y apporte. On compte le poil & la plume des Animaux qu’il représente. Il peut défier toute la Flandre & la Hollande en exactitude. Cette trop grande attention dégénère nécessairement en froid quand on peint surtout, comme il a fait ici, la nature morte. M. Bachelier doit savoir que le grand fini n’est pas ce qui touche le plus en peinture ; qu’au contraire le goût a toujours réprouvé ce scrupule & cette exactitude. Vous aurez beau faire & lécher votre Tableau, vous aider pour cela de toute la patience de Gerad-dow, & de leurs verres convexes ; vous ne parviendrez jamais à être aussi exacts que la nature, je vous en défie. Je laisserai là votre Tableau ; & je considérerai l’objet que vous aurez imité qui sera toujours plus parfait. D’ailleurs ce n’est nullement l’objet imité qui plait en peinture, c’est son imitation. […] On ne se familiarise point avec la nature du premier coup : il faut auparavant beaucoup de recherche, une longue application, & une pratique mûre & raisonnée. Il est certain que si cet Auteur peut atteindre à un peu plus de chaleur, il sera encore plus vrai que M. Oudry.