BATTEUX, Charles, Les Beaux-Arts réduits à un même principe, Paris, Durand, 1746.

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L'Abbé Charles Batteux (1713-1780), érudit, polygraphe, est élu à l'Académie française en 1761. Il participe au mouvement d'unification des arts - poésie, peinture et sculpture, musique et danse - en un Art unique, au nom du principe d'imitation de la belle Nature qui les fonde : « Si les arts sont essentiellement imitateurs de la belle nature, il s'ensuit que le goût de la belle nature doit être essentiellement le bon goût dans les arts ». Tous ont le plaisir comme fin. 
Qualifiés de « somme esthétique du demi-siècle » par Annie Becq, Les Beaux-Arts réduits à un même principe tout comme les Réflexions critiques de Du Bos, apparaissent comme les premières formulations d'une pensée esthétique autonome qui, autour des notions de sentiment et de belle Nature, fondent le discours sur l'art [BECQ, Annie, Genèse de l'esthétique française moderne 1680-1814, Paris, 1994 (1ère éd. 1984), p. 425].
Le discours de Batteux s'articule autour de la notion de goût et de l'importance du sentiment comme perception sensible, tous deux essentiels pour juger une œuvre d'art. Au cœur de sa conception de l'imitation et de l'activité artistique, il place le génie et l'enthousiasme qui associent le cœur et l'esprit dans une démarche commune pour représenter la belle nature.


De  nombreuses traductions ont été faites en Allemagne contribuant à la diffusion de la pensée de Batteux. Le texte a cependant suscité des critiques de la part de son traducteur Schlegel, mais aussi d'auteurs comme Lessing et Herder [RIALLAND Nicolas, « Le discours poétique en France à l'épreuve de sa critique par Lessing : l'exemple de la fable », dans C. Michel, C. Magnusson, Penser l'art dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle : théorie, critique, philosophie, histoire, Rome, 2013, p. 383-400].

Flore César
in-8 french

Dedication
A Monseigneur le Dauphin

Structure
Table des chapitres at
Dédicace(s) at n.p.
Avant-propos at

BATTEUX, Charles, Les Beaux arts réduits à un même principe, Paris, Durand, 1747.

BATTEUX, Charles, Cours de Belles-Lettres ou Principes de la littérature, Paris, Desaint & Saillant - Durand, 1753, 4 vol.

BATTEUX, Charles, Principes de littérature, Göttingen - Leiden, Elie Luzac fils, 1755, 2 vol.

BATTEUX, Charles, Principes de la littérature, Göttingen - Leiden - Paris, Elie Luzac fils - Desaint & Saillant, 1764, 4 vol.

BATTEUX, Charles, Les Beaux arts réduits à un même principe, Paris, Saillant & Nyon, 1773.

BATTEUX, Charles, Principes de la littérature, Paris, Saillant & Nyon, 1774 - 1775, 5 vol.

BATTEUX, Charles, Principes de la littérature, Lyon, Amable Leroy, 1800, 6 vol.

BATTEUX, Charles, Principes de la littérature, Lyon, Amable Leroy, 1802, 6 vol.

BATTEUX, Charles, Les Beaux arts réduits à un même principe, Paris, Delalain, 1824.

BATTEUX, Charles, Principes de la littérature, Genève, Slatkine Reprints, 1967.

BATTEUX, Charles, Les Beaux arts réduits à un même principe, MANTION, Jean-Rémy (éd.), Paris, Aux Amateurs de livre, 1989.

BATTEUX, Charles, Einschränkung der schönen Künste auf einen einzigen Grundsatz aus dem französischen übersetzt, und mit einem anhange einiger eignen abhandlungen versehen, trad. par SCHLEGEL, Johann Adolf, Leipzig, Weidmann, 1751.

BATTEUX, Charles, Auszug aus des Herrn Batteux, öffentlichen Lehrers der Redekunst zu Paris, Schönen Künsten aus dem einzigen Grundsatze der Nachahmung hergeleitet, trad. par GOTTSCHED, Johann Christoph, Leipzig, Bernhard Christoph Breitkopf, 1754.

BATTEUX, Charles, The fine Arts reduced to a single principle, YOUNG, James O. (éd.), trad. par YOUNG, James O., Oxford, Oxford University Press, 2015.

MORGAN, David, « Concepts of Abstraction in French Art Theory from the Enlightenment to Modernism », Journal of the History of Ideas, 53/4, p. 669-685 [En ligne : http://www.jstor.org/stable/2709943 consulté le 30/03/2018].

DANCKELMANN, Eberhard von, Charles Batteux, sein Leben und sein aesthetisches Lehrgebäude, Rostock, Gebel, 1903.

LÜHE, Irmela von der, Natur und Nachahmung in der ästhetischen Theorie zwischen Aufklärung und Sturm und Drang: Untersuchungen zur Batteux-Rezeption in Deutschland, Bonn, Bouvier, 1979.

KINERET, Jaffe S., « The Concept of Genius: Its Changing Role in Eighteenth-Century French Aesthetics », Journal of the History of Ideas, 41/4, 1980 [En ligne : http://www.jstor.org/stable/2709275 consulté le 30/03/2018].

TAVERNIER, Ludwig, « L’imitation de la belle nature : zum Verständnis des Künstlers in der Nachahmungstheorie von Charles Batteux », dans TAVERNIER, Ludwig (éd.), Hildesheim, Olms, 1986, p. 49-98.

KREMER, Nathalie, Préliminaires à la théorie esthétique du XVIIIe siècle, Paris, Kimé, 2008.

GUÉDRON, Martial, « Physiologie du bon goût. La hiérarchie des sens dans les discours sur l’art en France au XVIIIe siècle », dans DEKONINCK, Ralph, GUIDERDONI-BRUSLÉ, Agnès et KREMER, Nathalie (éd.), Aux limites de l’imitation. L’ut pictura poesis à l’épreuve de la matière (XVIe-XVIIIe siècles), Amsterdam - New York, Rodopi, 2009, p. 39-50.

KREMER, Nathalie, Vraisemblance et représentation au XVIIIe siècle, Paris, Champion, 2011.

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QUOTATIONS

Cependant le principe de l’imitation, que le Philosophe Grec établit pour les beaux ars, m’avoit frappé. J’en avois senti la justesse pour la Peinture, qui est une poësie muette. J’en rapprochai les idées d’Horace, de Boileau, de quelques autres grands Maîtres. J’y joignis plusieurs traits échappés à d’autres Auteurs sur cette matière : la maxime d’Horace se trouva vérifiée par l’examen : ut pictura Poësis. Il se trouva que la Poësie étoit en tout une imitation, de même que la Peinture.

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PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts

Il règne peu d’ordre dans la manière de traiter les beaux Arts. Jugeons-en par la Poësie. On croit en donner des idées justes en disant qu’elle embrasse tous les Arts : c’est, dit-on, un composé de Peinture, de Musique & d’Eloquence.
Comme l’Eloquence, elle parle : elle prouve : elle raconte. Comme la Musique, elle a une marche réglée, des tons, des cadences dont le mêlange forme une sorte de concert. Comme la Peinture, elle dessine les objets : elle y répand les couleurs : elle y fond toutes les nuances de la Nature : en un mot, elle fait usage des couleurs & du pinceau : elle emploie la mélodie & les accords : elle montre la vérité, & fait la faire aimer.

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PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts

[…] Les autres [ndr : arts] ont pour objet le plaisir. Ceux-ci n’ont pu naître que dans le sein de la joie & des sentimens que produise l’abondance & la tranquillité : on les appelle les beaux Arts par excellence. Tels sont la Musique, la Poësie, la Peinture, la Sculpture, & l’art du Geste ou la Danse.
[…] Les arts de la premiere espéce [ndr : les arts mécaniques] employent la Nature telle qu’elle est, uniquement pour l’usage & pour l’agrément. Les beaux Arts ne l’employent point, ils ne font que l’imiter chacun à leur manière.

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PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts

Premièrement, que le Génie, qui est le père des Arts, doit imiter la Nature. Secondement, qu’il ne doit l’imiter telle qu’elle est. Troisièmement, que le Goût pour qui les Arts sont faits & qui en est le Juge, doit être satisfait quand la Nature est bien choisie & bien imitée par les Arts. Ainsi, toutes nos preuves doivent tendre à établir l’imitation de la belle Nature. I° Par la nature & la conduite du Génie qui les produit. 2° Par celle du Goût qui en est l’arbitre. C’est la matière des deux premieres Parties.

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CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination

Conceptual field(s)

SPECTATEUR → jugement

Le Génie qui travaille pour plaire, ne doit donc, ni peut sortir des bornes de la Nature même. Sa fonction consiste, non à imaginer ce qui ne peut être, mais à trouver ce qui est. Inventer dans les Arts, n’est point donner l’être à un objet, c’est le reconnoître où il est, & comme il est. Et les hommes de génie qui creusent le plus, ne découvrent que ce qui existoit auparavant. Ils ne sont créateurs que pour avoir observé, & réciproquement, ils ne sont observateurs que pour être en état de créer. Les objets les appellent. Ils s’y livrent : parce qu’ils en emportent toujours de nouvelles connoissances qui étendent le fonds de leur esprit, & en préparent la fécondité. Le Génie est comme la terre qui ne produit rien qu’elle n’en ait reçu la semence. […]

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination
L’ARTISTE → qualités

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination
L’ARTISTE → qualités

Le Génie doit donc avoir un appui pour s’élever & se soutenir, & cet appui est la nature. Il ne peut la créer, il ne doit point la détruire ; il ne peut donc que la suivre & l’imiter, & par conséquent tout ce qu’il produit ne peut être qu’imitation.

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Le Génie doit donc avoir un appui pour s’élever & se soutenir, & cet appui est la nature. Il ne peut la créer, il ne doit point la détruire ; il ne peut donc que la suivre & l’imiter, & par conséquent tout ce qu’il produit ne peut être qu’imitation.
Imiter, c’est copier un modèle. Ce terme contient deux idées. I° le Prototype qui porte les traits qu’on veut imiter. 2° la Copie qui les représente. La Nature, c’est-à-dire tout ce qui est, ou comme nous concevons aisément comme possible, voilà le prototype ou le modèle des Arts. Il faut, comme nous venons de le dire, que l’industrieux imitateur ait toujours les yeux attachés sur elle, qu’il la contemple sans cesse : Pourquoi ? C’est qu’elle renferme tous les plans des ouvrages réguliers, & les desseins de tous les ornemens qui peuvent nous plaire. Les Arts ne créent point leurs règles : elles sont indépendants de leur caprice, & invariablement tracées dans l’exemple de la Nature.
Quelles sont donc les fonctions des Arts ? C’est de transposer les traits qui sont dans la Nature, & de les présenter dans des objets à qui ils ne sont point naturels. C’est ainsi que le ciseau du statuaire montre un héros dans un bloc de marbre. Le peintre par ses couleurs, fait sortir de la toile tous les objets visibles.

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai
L’ARTISTE → qualités

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai
L’ARTISTE → règles et préceptes

Quelles sont donc les fonctions des Arts ? C’est de transposer les traits qui sont dans la Nature, & de les présenter dans des objets à qui ils ne sont point naturels. C’est ainsi que le ciseau du statuaire montre un héros dans un bloc de marbre. Le peintre par ses couleurs, fait sortir de la toile tous les objets visibles.

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

D’où je conclus, que les Arts, dans ce qui est proprement Art, ne sont que des imitations, des ressemblances qui ne font point la Nature, mais qui paroissent l’être ; & qu’ainsi la matière des beaux Arts n‘est point le vrai, mais seulement le vrai-semblable. […]
Qu’est-ce que la Peinture ? Une imitation des objets visibles. Elle n’a rien de réel, rien de vrai, tout est phantôme chez elle, & sa perfection ne dépend que de sa ressemblance avec la réalité.

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

ressemblance

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

imitation

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

imitation

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

imitation · ressemblance

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Ainsi tous les Arts dans tout ce qu’ils ont de vraiment artificiel, ne sont que des choses imaginaires, des êtres feints, copiés & imités d’après les véritables. C’est pour cela qu’on met sans cesse l’Art en opposition avec la Nature : qu’on n’entend partout que ce cri, que c’est la Nature qu’il faut imiter : que l’Art est parfait quand il la représente parfaitement : enfin que les chefs-d’œuvres de l’Art, sont ceux qui imitent si bien la Nature, qu’on les prend pour la Nature elle-même.
Et cette imitation pour laquelle nous avons tous une disposition si naturelle, puisque c’est l’exemple qui instruit & qui règle le genre humain,
Vivimus ad exempla, cette imitation, dis-je, est une des principales sources du plaisir que causent les Arts. L’esprit s’exerce dans la comparaison du modèle avec le portrait, & le jugement qu’il en porte, fait sur lui une impression d’autant plus agréable, qu’elle lui est un témoignage de sa pénétration & de son intelligence.
Et cette doctrine n’est pas nouvelle.
On la trouve par-tout chez les anciens. Aristote commence sa Poëtique par ce principe : que la Musique, la Danse, la Poësie, la Peinture, sont des Arts imitateurs (a). [...]
(a) […] M. Remond de S. Mard qui a beaucoup réfléchi sur l’essence de la Poësie & qui n’écrivant que pour les plus délicats n’a dû prendre que la fleur de son sujet, dit formellement dans une de ses Notes que les beaux Arts ne consistent que dans l’imitation. Voici ses termes : On n’y songe pas assez, la Poësie, la Musique, la Peinture sont trois Arts consacrés au plaisir, tous trois faits pour imiter la nature, tous trois destinés à imiter les mouvemens de l’ame : les tirer de là, c’est les deshonorer, c’est les montrer par leur endroit foible. […]

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts

De tout ce que nous venons de dire, il résulte que la Poësie ne subsiste que par l’imitation. Il en est de même de la Peinture, de la Danse, de la Musique : rien n’est réel dans leurs Ouvrages : tout y est imaginé, feint, copié, artificiel. C’est ce qui fait leur caractere essentiel par opposition à la nature.

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CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

[…] si les Arts sont imitateurs de la Nature ; ce doit être une imitation sage & éclairée, qui ne la copie pas servilement ; mais qui choisissant les objets & les traits, les présente avec toute la perfection dont ils sont susceptibles. En un mot, une imitation, où on voye la Nature, non telle qu’elle est en elle-même, mais telle qu’elle peut être, & qu’on peut la concevoir par l’esprit.
Que fit Zeuxis quand il voulut peindre une beauté parfaite ? Fit-il le portrait de quelque beauté particulière, dont sa peinture fût l’histoire ? Non, il rassembla les traits séparés de plusieurs beautés existantes. Il se forma dans l’esprit une idée factice qui résulta de tous ces traits réunis : & cette idée fut le prototype, ou le modèle de son tableau, qui fut vraisemblablement & poëtique dans sa totalité, & ne fut vrai & historique que dans ses parties prises séparément. Voilà l’exemple donné à tous les Artistes : voilà la route qu’ils doivent suivre, & c’est la pratique de tous les grands Maîtres sans exception.

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

prototype

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition

modèle

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition

Ces deux exemples suffisent pour donner, en attendant, une idée claire & distincte de ce qu’on appelle la belle Nature. Ce n’est pas le vrai qui est ; mais le vrai qui peut être, le beau vrai, qui est représenté comme s’il existoit réellement, & avec toutes les perfections qu’il peut recevoir.

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Il y a donc des momens heureux pour le génie, lorsque l’ame enflammée comme d’un feu divin se représente toute la nature, & répand sur tous les objets cet esprit de vie qui les anime, ces traits touchants qui nous séduisent ou nous ravissent.
Cette situation de l’ame se nomme
Enthousiasme, terme que tout le monde entend assez, & que presque personne ne définit. Les idées qu’en donnent la plupart des Auteurs paroissent sortir plutôt d’une imagination étonnée & frappée d’enthousiasme elle-même, que d’un esprit qui ait pensé ou réfléchi. Tantôt c’est une vision céleste, une influence divine, un esprit prophétique : tantôt c’est une yvresse, une extase, une joie mêlée de trouble & d’admiration en présence de la Divinité. Avoient-ils dessein par ce langage emphatique de relever les Arts, & de dérober aux Prophanes les Mystères des Muses ?
Pour nous qui cherchons à éclaircir nos idées, écartons tout ce faste allégorique qui nous offusque. Considerons l’Enthousiasme comme un Philosophe considere les Grands, sans aucun égard pour ce vain étalage qui l’environne & qui le cache.
La Divinité qui inspire les Auteurs excellens quand ils composent est semblable à celle qui anime les Héros dans les combats :
Sua cuique Deus fit dira Cupido
Dans les uns, c’est l’audace, l’intrépidité naturelle animée par la présence même du danger. Dans les autres, c’est un grand fonds de génie, une justesse d’esprit exquise, une imagination féconde, & surtout un cœur plein d’un feu noble, & qui s’allume aisément à la vue des objets. Ces ames privilégiées prennent fortement l’empreinte des choses qu’elles conçoivent, & ne manquent jamais de les reproduire avec un nouveau caractere d’agrément & de force qu’elles leur communiquent.
Voilà la source & le principe de l’Enthousiasme. […]

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CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination

C’est pour le même effet que ce même enthousiasme est nécessaire aux Peintres & aux Musiciens. Ils doivent oublier leur état, sortir d’eux-mêmes, & se mettre au milieu des choses qu’ils veulent représenter. S’ils veulent peindre une bataille ; ils se transportent, de même que le Poëte, au milieu de la mêlée ; ils entendent le fracas des armes, les cris des mourans : ils voient la fureur, le carnage, le sang. Ils excitent eux-mêmes leur imagination jusqu’à qu’ils se sentent émus, saisis, effrayés, […]

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination

Mais qu’est-ce que l’Enthousiasme ? Il ne contient que deux choses : une vive représentation de l’objet dans l’esprit, & une émotion du cœur proportionnée à cet objet (a)
(a) Dans les sujets qui demandent l’enthousiasme, le Dieu n’enleve pas le Poëte, dit Plutarque, il ne fait que lui donner des idées vives, lesquelles idées produisent des sentimens qui leur repondent […]

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CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination

Jusqu’ici on a tâché de montrer que les Arts consistoient dans l’imitation ; & que l’objet de cette imitation étoit la belle Nature représentée à l’esprit dans l’enthousiasme. Il ne reste plus qu’à exposer la manière dont cette imitation se fait.
On peut diviser la Nature par rapport aux beaux Arts en deux parties : l’une qu’on saisit par les yeux, & l’autre, par le ministere des oreilles : car les autres sens sont stériles pour les beaux Arts. La premiere partie est l’objet de la Peinture qui représentent sur un plan tout ce qui est visible. […]
Ainsi la Peinture imite la belle Nature par les couleurs, la Sculpture par les reliefs, la Danse par les mouvements par les attitudes du corps. La Musique l’imite par les sons inarticulés, & la Poësie enfin par la parole mesurée. Voilà les caracteres distinctifs des Arts principaux. […]

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts

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CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

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PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts

On définira la Peinture, la Sculpture, la Danse, une imitation de la belle Nature exprimée par les couleurs, par le relief, par les attitudes.

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PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts

Le Génie & le Goût ont le même objet dans les Arts. L’un le crée, l’autre en juge. Ainsi, s’il est vrai que le Génie produit les ouvrages de l’Art par l’imitation de la belle Nature, comme on vient de le prouver ; le Goût qui juge des productions du Génie, ne doit être satisfait que quand la belle Nature est bien imitée.

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CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination
SPECTATEUR → jugement

C’est donc au goût seul qu’il appartient de faire des chefs-d’œuvres, & de donner aux ouvrages de l’Art, cet air de liberté & d’aisance qui en fait toujours le plus grand mérite.

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PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

C’est donc au goût seul qu’il appartient de faire des chefs-d’œuvres, & de donner aux ouvrages de l’Art, cet air de liberté & d’aisance qui en fait toujours le plus grand mérite.
[…]
Le Goût est dans les Arts ce que l’Intelligence est dans les Sciences. Leurs objets sont différens à la vérité ; mais leurs fonctions ont entre elles une si grande analogie, que l’une peut servir à expliquer l’autre.
Le vrai est l’objet des Sciences. Celui des Arts est le bon & le beau. Deux termes qui rentrent presque dans la même signification, quand on les examine de près.
L’intelligence considere ce que les objets sont en eux-mêmes, selon leur essence, sans aucun rapport avec nous. Le Goût au contraire ne s’occupe de ces mêmes objets que par rapport à nous. […] Une intelligence est donc parfaite, quand elle voit sans nuage, & qu’elle distingue sans erreur le vrai d’avec le faux, la probabilité d’avec l’évidence. De même le Goût est parfait aussi, quand, par une impression distincte, il sent le bon & le mauvais, l’excellent & le médiocre, sans jamais les confonde, ni les prendre l’un pour l’autre.
Je puis donc définir l’Intelligence : la facilité de connoître le vrai & le faux, & de les distinguer l’un de l’autre. Et le Goût : la facilité de sentir le bon, le mauvais, le médiocre, & de les distinguer avec certitude. […]

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SPECTATEUR → jugement
L’ARTISTE → qualités

Le Goût est dans les Arts ce que l’Intelligence est dans les Sciences. Leurs objets sont différens à la vérité ; mais leurs fonctions ont entre elles une si grande analogie, que l’une peut servir à expliquer l’autre.
Le vrai est l’objet des Sciences. Celui des Arts est le bon & le beau. Deux termes qui rentrent presque dans la même signification, quand on les examine de près.
L’intelligence considere ce que les objets sont en eux-mêmes, selon leur essence, sans aucun rapport avec nous. Le Goût au contraire ne s’occupe de ces mêmes objets que par rapport à nous. […] Une intelligence est donc parfaite, quand elle voit sans nuage, & qu’elle distingue sans erreur le vrai d’avec le faux, la probabilité d’avec l’évidence. De même le Goût est parfait aussi, quand, par une impression distincte, il sent le bon & le mauvais, l’excellent & le médiocre, sans jamais les confonde, ni les prendre l’un pour l’autre.
Je puis donc définir l’Intelligence : la facilité de connoître le vrai & le faux, & de les distinguer l’un de l’autre. Et le Goût : la facilité de sentir le bon, le mauvais, le médiocre, & de les distinguer avec certitude. […]

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CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

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CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

goût

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SPECTATEUR → jugement

[…] La connoissance est une lumiere répandue dans notre ame : le sentiment est un mouvement qui l’agite. L’une éclaire : l’autre échauffe. L’une nous fait voir l’objet : l’autre nous y porte, ou nous en détourne.
Le Goût est donc un sentiment. Et comme, dans la matière dont il s’agit ici, ce sentiment a pour objet les Ouvrages de l’Art ; & que les Arts, comme nous l’avons prouvé, ne sont que des imitations de la belle Nature ; le Goût doit être un sentiment qui nous avertit si la belle Nature est bien ou mal imitée. […]

Conceptual field(s)

SPECTATEUR → connaissance
SPECTATEUR → jugement

Conceptual field(s)

SPECTATEUR → jugement

[…] Le Goût qui s’exerce sur les Arts n’est point un Gout factice. C’est une partie de nous-même qui est née avec nous, & dont l’office est de nous porter à ce qui est bon. La connoissance le précede : c’est le flambeau. Mais que nous serviroit-il de connoître, s’il nous étoit indifférent de jouir ? La Nature étoit trop sage pour séparer ces deux parties : & nous en donnant la faculté de connoître, elle ne pouvoit nous refuser celle de sentir le rapport de l’objet connu avec notre utilité, & d’y être attiré par ce sentiment. C’est ce sentiment qu’on appelle le Goût naturel, parce que c’est la Nature qui nous l’a donné. Mais pourquoi nous l’a-t’elle donné ? Etoit-ce pour juger des Arts qu’elle n’a point faits ? Non : c’étoit pour juger des choses naturelles par rapport à nos plaisirs ou à nos besoins.
L’industrie humaine ayant ensuite inventé les beaux Arts sur le modèle de la Nature, & ces Arts ayant eu pour objet l’agrément & le plaisir, qui sont, dans la vie, un second ordre de besoins ; la ressemblance des Arts avec la Nature, la conformité de leur but, sembloient exiger que le Goût naturel fût aussi le Juge des Arts : c’est ce qui arriva. Il fut reconnu, sans nulle contradiction : les Arts devinrent pour lui de nouveaux Sujets, si j’ose parler ainsi, qui se rangerent paisiblement sous sa Juridiction, sans l’obliger de faire pour eux le moindre changement à ses loix. Le Goût resta le même constamment : & il ne promit aux Arts son approbation, que quand ils lui feroient éprouver la même impression que la Nature elle-même ; & les chefs-d’œuvres des Arts ne l’obtinrent jamais qu’à ce prix.
Mais cette perfection n’a rien changé dans son essence. Il est toujours tel qu’il etoit auparavant : indépendant du caprice. Son objet est toujours essentiellement le bon. Que ce soît l’Art qui le lui présente, ou la Nature, il ne lui importe, pourvu qu’il jouisse. C’est sa fonction.

goût

Conceptual field(s)

SPECTATEUR → jugement
SPECTATEUR → connaissance

Conceptual field(s)

SPECTATEUR → jugement

sentiment

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SPECTATEUR → jugement

goût

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SPECTATEUR → jugement
SPECTATEUR → connaissance

goût

Conceptual field(s)

SPECTATEUR → jugement

L’industrie humaine ayant ensuite inventé les beaux Arts sur le modèle de la Nature, & ces Arts ayant eu pour objet l’agrément & le plaisir, qui sont, dans la vie, un second ordre de besoins ; la ressemblance des Arts avec la Nature, la conformité de leur but, sembloient exiger que le Goût naturel fût aussi le Juge des Arts : c’est ce qui arriva. Il fut reconnu, sans nulle contradiction : les Arts devinrent pour lui de nouveaux Sujets, si j’ose parler ainsi, qui se rangerent paisiblement sous sa Juridiction, sans l’obliger de faire pour eux le moindre changement à ses loix. Le Goût resta le même constamment : & il ne promit aux Arts son approbation, que quand ils lui feroient éprouver la même impression que la Nature elle-même ; & les chefs-d’œuvres des Arts ne l’obtinrent jamais qu’à ce prix.
Mais cette perfection n’a rien changé dans son essence. Il est toujours tel qu’il etoit auparavant : indépendant du caprice. Son objet est toujours essentiellement le bon. Que ce soît l’Art qui le lui présente, ou la Nature, il ne lui importe, pourvu qu’il jouisse. C’est sa fonction.

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts

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SPECTATEUR → jugement
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

caprice

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SPECTATEUR → jugement
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

Le Goût est donc comme le Génie, une faculté naturelle qui ne peut avoir pour objet légitime que la Nature elle-même, ou ce qui lui ressemble. Transportons-le maintenant au milieu des Arts & voyons quelles sont les loix qu’il peut leur dicter.

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CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination

Le Goût est donc comme le Génie, une faculté naturelle qui ne peut avoir pour objet légitime que la Nature elle-même, ou ce qui lui ressemble. Transportons-le maintenant au milieu des Arts & voyons quelles sont les loix qu’il peut leur dicter.
I. Loi générale du Goût
Imiter la belle Nature
Le Goût est la voix de l’amour propre. Fait uniquement pour jouir, il est avide de tout ce qui peut lui procurer quelque sentiment agréable. Or, comme il n’y a rien qui nous flatte plus que ce qui nous approche de notre perfection, ou qui peut nous la faire espérer ; il s’ensuit, que notre Goût n’est jamais plus satisfait que quand on nous présente des objets, dans un dégré de perfection, qui ajoute à nos idées, & semble nous promettre des impressions d’un caractère ou d’un dégré nouveau, qui tirent notre cœur de cette espèce d’engourdissement où le laissent les objets auxquels il est accoutumé. […]

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SPECTATEUR → jugement

[…] c’est la belle Nature que le Goût demande ; mais encore que la belle Nature est, selon le Goût, celle qui a 1°. Le plus de rapport avec notre propre perfection, notre avantage, notre intérêt. 2° Celle qui est en même-tems la plus parfaite en soi. Je suis cet ordre, parce que c’est le Goût qui nous méne dans cette matiere : Id generatim pulcrum est, quod tume ipsius naturae, tum nostrae convenit.
Supposons que les règles n’existent point : & qu’un Artiste philosophe soit chargé de les reconnoître & de les établir pour la premiere fois. Le point d’où il part est une idée nette & précise de ce dont il veut donner des régles. Supposons encore que cette idée se trouve dans la définition des Arts, telle que nous l’avons donnée : Les Arts sont l’imitation de la belle Nature. Il se demandera ensuite, quelle est la fin de cette imitation ? Il sentira aisément que c’est de plaire, de remuer, de toucher, en un mot le plaisir. Il sait d’où il part : il sait où il va : il lui est aisé de régler sa marche.

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CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Supposons que les règles n’existent point : & qu’un Artiste philosophe soit chargé de les reconnoître & de les établir pour la premiere fois. Le point d’où il part est une idée nette & précise de ce dont il veut donner des régles. Supposons encore que cette idée se trouve dans la définition des Arts, telle que nous l’avons donnée : Les Arts sont l’imitation de la belle Nature. Il se demandera ensuite, quelle est la fin de cette imitation ? Il sentira aisément que c’est de plaire, de remuer, de toucher, en un mot le plaisir. Il sait d’où il part : il sait où il va : il lui est aisé de régler sa marche.

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CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

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PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts

[…] Notre ame est un composé de force & de foiblesse. Elle veut s’élever, s’agrandir ; mais elle veut le faire aisément. Il faut l’exercer, mais ne pas l’exercer trop. C’est le double avantage qu’elle tire de la perfection des objets que les Arts lui présente.
Elle y trouve d’abord la variété, qui suppose le nombre & la différence des parties, présentées à la fois, avec des positions, des gradations, des contrastes piquans. (Il ne s’agit point de prouver aux hommes les charmes de la variété) L’esprit est remué par l’impression des différentes parties qui le frappent toutes ensembles, & chacune en particulier, & qui multiplient ainsi ses sentimens & ses idées. […]

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CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition

L’unité & la variété produisent la symétrie & la proportion : deux qualités qui supposent la distinction & la différence des parties, & en même-tems un certain rapport de conformité entr’elles. La symétrie partage, pour ainsi dire, l’objet en deux, place au milieu les parties uniques, & à côté celles qui sont répétées : ce qui forme une sorte de balance & d’équilibre qui donne de l’ordre, de la liberté, de la grace à l’objet. La proportion va plus loin, elle entre dans le détail des parties qu’elle compare entr’elles & avec le tout, & présente sous un même point de vue l’unité, la variété & le concert agréable de ces deux qualités entr’elles. Telle est l’étendue de la loi du Goût par rapport au choix & à l’arrangement des parties des objets.

unité · variété · symétrie

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CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition

proportion · unité · variété

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CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition

variété · symétrie · proportion

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CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition

symétrie · proportion · unité

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CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition

D’où il faut conclure que la belle Nature, telle qu’elle doit être présentée dans les Arts, renferme toutes les qualités du beau & du bon. Elle doit nous flatter du côté de l’esprit, en nous offrant des objets parfaits en eux-mêmes, qui étendent & perfectionnent nos idées ; c’est le beau. Elle doit flatter notre cœur en nous montrant dans ces mêmes objets des intérêts qui nous soient chers, qui tiennent à la conservation ou à la perfection de notre être, qui nous fassent sentir agréablement notre propre existence : & c’est le bon, qui, se réunissant avec le beau dans un même objet présenté, lui donne toutes les qualités dont il a besoin pour exercer & perfectionner à la fois notre cœur & notre esprit.

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CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

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CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

[…] L’imitation, pour être aussi parfaite qu’elle peut l’être, doit avoir deux qualités : l’exactitude & la liberté. L’une règle l’imitation, & l’autre l’anime.

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CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

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CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

[…] L’imitation, pour être aussi parfaite qu’elle peut l’être, doit avoir deux qualités : l’exactitude & la liberté. L’une règle l’imitation, & l’autre l’anime. […] Ainsi tout est presque fini pour l’exactitude, quand le tableau ideal est parfaitement formé. Mais il n’en est pas de même de la liberté, qui est d’autant plus difficile à atteindre, qu’elle paroît opposée à l’exactitude. Souvent l’une n’excelle qu’aux dépens de l’autre. Il semble que la Nature se soit réservée à elle seule de les concilier, pour faire par-là reconnoître sa supériorité. Elle marche sans étude & sans réflexion, parce qu’elle est libre. Au lieu que les Arts liés à un modèle portent presque toujours les marques de leur servitude.

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CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

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CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

C’est pour atteindre à cette liberté que les grands Peintres laissent quelquefois jouer leur pinceau sur la toile : tantôt, c’est une symétrie rompue ; tantôt, un désordre affecté dans quelque petite partie ; ici, c’est un ornement négligé ; là, un défaut même, laissé à dessein : c’est la loi de l’imitation qui le veut :
               A ces petits défauts marqués dans la Peinture,
               L’esprit avec plaisir reconnoît la Nature

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CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination

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CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

[…] nous venons de dire que les Arts affectoient des négligences pour paroître plus naturels & plus vrais. Mais ce rafinement ne suffit pas encore, pour qu’ils nous trompent au point de nous les faire prendre pour la Nature elle-même. Quelque vrai soit le tableau, le cadre seul le trahit : in omni re procùl dubio vincit imitationem veritas. […]

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PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

Pour que les objets plaisent à notre esprit, il suffit qu’ils soient parfaits en eux-mêmes. Il les envisage sans intérêt ; & pourvu qu’il y trouve de la régularité, de la hardiesse, de l’élégance, il est satisfait. Il n’en est pas de même du cœur. Il n’est touché des objets que selon le rapport qu’ils ont avec son avantage propre. C’est ce qui règle son amour ou sa haine. De-là il s’ensuit, que l’esprit doit être plus satisfait des ouvrages de l’Art, qui lui offre le beau ; qu’il ne l’est ordinairement de ceux de la Nature, qui a toujours quelque chose d’imparfait : & que le cœur au contraire, doit s’intéresser moins aux objets artificiels qu’aux objets naturels, parce qu’il a moins d’avantage à en attendre. Il faut développer cette seconde conséquence.

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CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Nous avons dit que la vérité l’emportoit toujours sur l’imitation. Par conséquent, quelque soigneusement que soit imitée la Nature, l’Art s’échappe toujours, & avertit le cœur, que ce qu’on lui présente n’est qu’un fantôme, qu’une apparence ; & qu’ainsi il ne peut lui apporter rien de réel. C’est ce qui revêt d’agrément dans les Arts les objets qui étoient désagréables dans la Nature. Dans la Nature ils nous faisoient craindre notre destruction, ils nous causoient une émotion accompagnée de la vue d’un réel danger : & comme l’émotion nous plaît par elle-même, & que la réalité du danger nous déplaît, il s’agissoit de séparer ces deux parties de la même impression. C’est à quoi l’Art a réussi : en nous présentant l’objet qui nous effraye, & en se laissant voir en même-tems lui-même, pour nous rassurer & nous donner, par ce moyen, le plaisir de l’émotion, sans aucun mélange désagréable. Et s’il arrive par un heureux effort de l’Art, qu’il soit pris un moment pour la Nature elle-même, qu’il peigne par exemple un Serpent, assez bien pour nous causer les allarmes d’un danger véritable ; cette terreur est aussitôt suivie d’un retour gracieux, où l’ame jouit de sa délivrance comme d’un bonheur réel. Ainsi l’imitation est toujours la source de l’agrément. C’est elle qui tempere l’émotion, dont l’excès seroit désagréable. C’est elle qui dédommage le cœur, quand il en a souffert l’excès.

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts

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CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

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CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

le goût est une connoissance des regles par le sentiment. Cette maniere de les connoître est beaucoup plus fine & plus sure que celle de l’esprit : & même sans elle, toutes les lumieres de l’esprit sont presque inutiles à quiconque veut composer.

connoissance

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SPECTATEUR → jugement
SPECTATEUR → connaissance

connoissance

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SPECTATEUR → jugement

Vous avez fait un excellent ouvrage : les Connoisseurs l’ont approuvé : l’esprit & le coeur ont été également contents. Est-ce assez ? Sera-ce un modèle pour un autre ouvrage ? Non : la matiere est changée. Là, Œdipe mouroit de douleur : ici, Oreste vangé revit par la joie. Vous retiendrez seulement les points fondamentaux, qui sont, l’ordre & la symétrie. Mais il vous faut une autre disposition un autre ton, d’autres règles particulières, qui soient tirées du fonds même du sujet. Le Génie peut les trouver, les présenter à l’Artiste : mais qui les choisira, qui les saisira ? Le goût, et le goût seul. C’est lui qui guidera le génie dans l’invention des parties, qui les disposera, qui les unira, qui les polira : c’est lui, en un mot, qui sera l’ordonnateur, & presque l’ouvrier. […]

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L’ARTISTE → qualités

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → qualités

Qu’il n’y a qu’un bon Goût en général, & qu’il peut y en avoir plusieurs en particulier
[…] La nature est le seul objet du goût : donc il n’y a qu’un seul bon goût, qui est celui de la nature. Les arts mêmes ne peuvent être parfaits qu’en représentant la nature : donc le goût qui régne dans les arts mêmes, doit être encore celui de la nature. Ainsi il ne peut y avoir en général qu’un seul bon goût, qui est celui qui approuve la belle nature : & tous ceux qui ne l’approuvent point, ont nécessairement le goût mauvais.

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CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

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L’ARTISTE → qualités

On ne veut point dire ici que tout le mérite d’un portrait consiste dans la ressemblance avec son modèle : à moins que le mot de ressemblance ne comprenne non seulement les principaux traits, qui font dire qu’un portrait ressemble ; mais encore tout ce que l’art du Peintre employe ou peut employer, afin que son ouvrage soit pris pour la nature même.

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GENRES PICTURAUX → portrait

 […] cet ouvrage a des défauts : c’est un jugement qui est à la portée de la plupart. Mais, cet ouvrage n’a pas toutes les beautés dont il est susceptible : c’en est un autre, qui n’est réservé qu’aux esprits du premier ordre. On sent, après ce qu’on vient de dire, la raison de l’un & de l’autre. Pour porter le premier jugement, il suffit de comparer ce qui a été fait, avec les idées ordinaires qui sont toujours avec nous, quand nous voulons juger des arts, & qui nous offrent des plans, au moins ébauchés, où nous pouvons reconnoître les principales fautes de l’exécution. Au lieu que pour le second, il faut avoir compris toute l’étendue possible de l’art, dans le sujet choisi par l’auteur. Ce qui est à peine accordé aux plus grands génies.

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SPECTATEUR → jugement
CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination

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SPECTATEUR → jugement

Il y a une autre espèce de comparaison, qui n’est point de l’art avec la belle nature. C’est celle des différentes impressions que produisent en nous les différens ouvrages du même art, dans la même espèce. C’est une comparaison qui se fait par le goût seul : au lieu que l’autre se fait par l’esprit. & comme la décision du goût, aussi-bien que celle de l’esprit, dépend de l’imitation, & de la qualité des objets qu’on imite ; on a dans cette décision du goût, celle de l’esprit même.

Conceptual field(s)

SPECTATEUR → jugement

Conceptual field(s)

SPECTATEUR → jugement

(a) Nous prenons ici le Goût de même que dans le chapitre précédent, c’est-à-dire dans sa plus grande étendue ; comme un sentiment qui nous porte à ce qui nous paroît bon, ou nous détourne de ce qui nous paroît mauvais. En ce sens il peut s’appeler, Goût, dans ses commencemens ; Passion, dans ses progrès ; & Fureur ou Folie, sans ses excés.

goût · fureur

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SPECTATEUR → jugement

goût · folie

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SPECTATEUR → jugement

passion · fureur · folie

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SPECTATEUR → jugement

goût

Conceptual field(s)

SPECTATEUR → jugement

Le bon goût est un amour habituel de l’ordre. Il s’étend, comme nous venons de le dire, sur les mœurs aussi bien que sur les ouvrages d’esprit. La symmétrie des parties entr’elles & avec le tout, est aussi nécessaire dans la conduite d’une action morale que dans un tableau. Cet amour est une vertu de l’ame qui se porte à tous les objets, qui ont rapport à nous, & qui prend le nom de goût dans les choses d’agrément, et retient celui de vertu lorsqu’il s’agit des mœurs. Quand cette partie est négligée dans l’âge le plus tendre, on sent assez quelles en doivent être les suites.

Conceptual field(s)

SPECTATEUR → jugement
L’ARTISTE → qualités

Les Arts ont deux parties : la Spéculation & la Pratique, l’une peut aller avant l’autre, pourvu qu’on ne les sépare point pour toujours.

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PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts

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PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts

[…] c’est le succès qui nourrit le goût : & le succès & le goût annoncent le talent.

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → qualités

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → qualités

Cet article sera fort court, parce que le principe de l’imitation de la belle Nature, surtout après en avoir fait l’application à la Poësie, s’applique presque de lui-même à la Peinture. Ces deux Arts ont entr’eux une si grande conformité ; qu’il ne s’agit, pour les avoir traités tous les deux à la foi, que de changer les noms, & de mettre Peinture, Desseing, Coloris, à la place de Poësie, de Fable, de Versification. C’est le même Génie qui crée dans l’une & dans l’autre : le même goût qui dirige l’Artiste dans le choix, la disposition, l’assortiment des grandes & des petites parties : qui fait les groupes & les contrastes : qui pose, & qui nuance les couleurs : en un mot, qui règle la Composition, le Desseing, le Coloris. Ainsi, nous n’avons qu’un mot à dire sur les moyens, dont se sert la Peinture pour imiter & exprimer la Nature.

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → qualités
CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → qualités
CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → comparaison entre les arts
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

A quoi se réduisent toutes les régles de la Peinture ? à tromper les yeux par la ressemblance, à nous faire croire que l’objet est réel, tandis que ce n’est qu’une image. Cela est évident.

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L’ARTISTE → règles et préceptes

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CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

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CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

En supposant que le tableau idéal a été conçu selon les régles du Beau, dans l’imagination du Peintre : sa première opération pour l’exprimer ou le faire naître, est le trait : c’est ce qui commence à donner un être réel & indépendant de l’esprit, à l’objet qu’on veut peindre, qui lui détermine un espace juste, & le renferme dans ses bornes légitimes : c’est le Desseing. La seconde opération, est de poser les Ombres & les jours, pour donner de la rondeur, de la saillie, du relief aux objets, pour les lier ensemble, les détacher du plan, les approcher, ou les éloigner du Spectateur : c’est le Clair-obscur. La troisième est d’y répandre les couleurs, telles que ces objets les porteroient dans la Nature, d’unir ces couleurs, de les nuancer, de les dégrader selon le besoin, pour les faire paroître naturelles : c’est le Coloris. Voilà les trois degrés de l’expression pittoresque : & ils sont si clairement renfermés dans le principe général de l’imitation, qu’ils ne laissent lieu à aucune difficulté même apparente. A quoi se réduisent toutes les régles de la Peinture ? à tromper les yeux par la ressemblance, à nous faire croire que l’objet est réel, tandis que ce n’est qu’une image. Cela est évident.

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CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination

Conceptual field(s)

PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

En supposant que le tableau idéal a été conçu selon les régles du Beau, dans l’imagination du Peintre : sa première opération pour l’exprimer ou le faire naître, est le trait : c’est ce qui commence à donner un être réel & indépendant de l’esprit, à l’objet qu’on veut peindre, qui lui détermine un espace juste, & le renferme dans ses bornes légitimes : c’est le Desseing. La seconde opération, est de poser les Ombres & les jours, pour donner de la rondeur, de la saillie, du relief aux objets, pour les lier ensemble, les détacher du plan, les approcher, ou les éloigner du Spectateur : c’est le Clair-obscur. La troisième est d’y répandre les couleurs, telles que ces objets les porteroient dans la Nature, d’unir ces couleurs, de les nuancer, de les dégrader selon le besoin, pour les faire paroître naturelles : c’est le Coloris. Voilà les trois degrés de l’expression pittoresque : & ils sont si clairement renfermés dans le principe général de l’imitation, qu’ils ne laissent lieu à aucune difficulté même apparente. A quoi se réduisent toutes les régles de la Peinture ? à tromper les yeux par la ressemblance, à nous faire croire que l’objet est réel, tandis que ce n’est qu’une image. Cela est évident.

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CONCEPTION DE LA PEINTURE → lumière

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CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur

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CONCEPTION DE LA PEINTURE → dessin

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PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai
CONCEPTION DE LA PEINTURE → dessin
CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTION DE LA PEINTURE → lumière

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → dessin
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture