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PRESENTATION

TESTELIN, Henry, Sixième table des préceptes de la peinture sur la couleur, estampe, dans TESTELIN, Henry, Sentimens des plus habiles peintres du tems, sur la pratique de la peinture et sculpture, Recueillis & mis en Tables de Preceptes. Avec six discours academiques, Extraits des Conferences tenuës en l’Académie Royale desdits Arts & prononcés en presence de deffunt Monsieur Colbert, Conseiller du Roi en tous ses Conseils, Controleur General des Finances, Surintendant & Ordonnateur des Bâtiments du Roi, Jardins, Arts & Manufactures de France, protecteur de ladite Academie, assemblée generalement en des jours solemnels pour la delivrance du Prix Royal, par Henry Testelin, Peintre du Roi, Professeur & Secretaire en ladite Academie, La Haye, Matthieu Rogguet, s.d. [1693 ou 1694], n.p. [après p. 34].

Les originaux des six Tables de Testelin sont aujourd'hui perdus. Leur première lecture auprès de l'Académie s'est échelonnée entre 1675 et 1679 et a ensuite donné lieu à une première édition en 1680 des Tables seules, intitulée Sentiments des plus habiles peintres du temps sur la pratique de la peinture (Paris, 1680). Les discours rédigés par Testelin n'ont quant à eux été rédigés et publiés qu'ultérieurement, d'abord vers 1693-1694 (La Haye, M. Rogguet) puis en 1696 (Paris, Vve Mabre-Cramoisy) avec leurs Tables respectives reproduites. Dès 1683, Sandrart a également traduit en latin les Tables de Testelin dans son Academia nobilissimae artis pictoriae. Comme l'indique une mention au bas de la planche, la Table sur la couleur présentée ici a été lue par Testelin le 4 février 1679.

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Il faut de plus considerer leur valeur pour les ranger en sorte qu’elles puissent mutuellement s’entre-aider & se faire valoir par un judicieux contraste, leur force, pour les placer aux endroits que l’on veut faire paroître avancés ou reculées, & leur union pour les associer en une agreable correspondance ; mais on considera aussi qu’en s’attachant à ce menagement harmonieux des couleurs, on ne devoit pas negliger le bon choix des matieres & leur application, évitant le mélange de celles qui sont corruptibles avec celles qui sont pures, & l’avoisinement de celles qui peuvent causer quelque aigreur ou dureté à la vuë & sur tout dans leur Emploi, les appliquer proprement, chaque teinte en sa place ne les brouillant & tourmentant que le moins qu’il est possible, sur tout dans les carnations, où à l’imitation du Titien, on doit donner tout l’avantage, & l’éclat, en n’y approchant que des couleurs sales pour les faire paroître d’autant plus vives & plus fraiches

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L’on est entré sur la consideration du merite de la couleur à l’occasion d’un Tableau du Titien, qui par l’adveu, unanime de tous les sçavants en cette profession, est le Peintre qui a le plus excellé en cette partie là. [...] & l’on témoigna du Regret de ce qu’un talent si accompli [ndr : Titien] n’étoit pas accompagné de ceux qui sont les plus considerables en la Peinture à sçavoir la correction du dessein & des proportions ; on representa qu’il se trouvoit beaucoup moins de Peintres posseder cette correction, que ceux qui ont un beaufaire en traitant les couleurs, parce qu’outre que ce dernier est plus facile, on se laisse naturellement charmer à ce bel éclat exterieur ; l’on avoüa bien que cette partie est très necessaire, mais l’on dit qu’il ne s’y falloit pas tant attacher qu’au principal ; que d’en faire toute son étude, c’étoit se laisser éblouïr par l’apparence d’un beau corps sans considérer ce qui le doit animer, que Monsieur Poussain si celebre en l’une & en l’autre de ces parties, ayant donné quelque temps à l’étude particuliere de la couleur en revint si fort, que depuis il disoit hautement, que cette application singuliere n’étoit qu’un obstacle, pour empêcher de parvenir au veritable but de la Peinture, & celui qui s’attache au principal ; acquiert en pratiquant une assez belle maniere de peindre.

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qu’on ne doit pas estimer un ouvrage de Peinture, par l’éclat de la couleur, qui ne charme ordinairement que les esprits du vulgaire, & que la veritable beauté de la couleur consiste, en un ménagement harmonieux conduit par l’oeconomie du dessein : ce qui fut appuyé par un discours qui contenoit en substance que le veritable merite de quelque chose consistoit en ce qui se soûtient de soi-même sans emprunter rien d’autrui, que suivant ce principe pour connoître la difference du merite entre le dessein & la couleur, il falloit connoître laquelle de ces choses étoit la plus independante : que l’on representa, que le dessein qui se nomme pratique est produit de l’intellect & de l’imagination qu’il s’exprime par la parole & par la main, & que c’est de cette derniere maniere ; qu’avec un crayon on imite toutes les chose visibles, & donne non seulement la forme & la proportion, mais exprime jusqu’aux mouvemens de l’ame sans avoir besoin de la couleur

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L’on fit observer que chacun voit la nature de differentes façons selon la disposition des organes & du temperament, ce qui fait la diversité des goûts & la difference des manieres. C’est pourquoi on ne pouvoit pas decider de la beauté sur des inclinations particulieres, lesquelles se trouvant differentes dans la diversité des nations & des climats, mais que l’on doit suivant un jugement degagé de toutes preventions faire choix des effets naturels, qui se rapportent mieux aux regles de l’art, se detournant de tout ce qui est manieré, & que pour reconnoître la meilleure des manieres, il falloit non pas les comparer l’une à l’autre, mais confronter celles des plus habiles hommes avec le naturel, pour juger des plus raisonnables. [...] Que la perspective fournissoit des regles universelles pour la representation des objets tant pour la forme que pour la couleur, & pour les degrés de force, des teintes & des ombres, tellement que l’on devoit s’étudier à se rendre trés familieres, afin de les bien mettre en pratique, en observant toûjours de faire un choix avantageux des divers effets de la nature, pour s’efforcer d’atteindre à la beauté & perfection de l’art

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Puis qu’il n y a que cette seule difference qui rende la fin du Peintre particuliere & qui le distingue d’avec les autres arts : car de pretendre que la fin du Peintre soit de plaire & de tromper, en feignant du relief sur une superficie plate, à quoi le dessein juste, & correct, pourroit réussir simplement avec du crayon sans la couleur, s’étoit se tromper sois-même, puisque, si le but est de plaire, c’étoit à la couleur qu’appartient cet avantage ; que le dessein avec toute sa justesse n’étoit connu que de trés peu de personnes, au lieu que la couleur charme tout le monde : que c’étoit peu de chose de plaire aux ignorants, que c’étoit beaucoup de ne plaire qu’aux sçavants ; mais que c’étoit une perfection consommée de plaire à tous universellement ; qu’ainsi il étoit d’une trés grande consequence de s’étudier à bien connoître la couleur, & de se rendre ses charmes familiers, afin de ne pas s’y laisser surprendre, & de pouvoir étudier le reste avec plus de liberté : qu’un tableau dessigné mediocrement, où les couleurs seroient en tout leur éclat, feroit plus d’agreables effets à la vuë, qu’un autre où le dessein seroit en sa plus parfaite justesse où la couleur seroit negligée, parce que la couleur en sa perfection representoit toûjours la verité & que le dessein ne pouvoit representer que la possibilité.

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l’on témoigna du Regret de ce qu’un talent si accompli [ndr : Titien] n’étoit pas accompagné de ceux qui sont les plus considerables en la Peinture à sçavoir la correction du dessein & des proportions ; on representa qu’il se trouvoit beaucoup moins de Peintres posseder cette correction, que ceux qui ont un beaufaire en traitant les couleurs, parce qu’outre que ce dernier est plus facile, on se laisse naturellement charmer à ce bel éclat exterieur ; l’on avoüa bien que cette partie est très necessaire, mais l’on dit qu’il ne s’y falloit pas tant attacher qu’au principal ; que d’en faire toute son étude, c’étoit se laisser éblouïr par l’apparence d’un beau corps sans considérer ce qui le doit animer, que Monsieur Poussain si celebre en l’une & en l’autre de ces parties, ayant donné quelque temps à l’étude particuliere de la couleur en revint si fort, que depuis il disoit hautement, que cette application singuliere n’étoit qu’un obstacle, pour empêcher de parvenir au veritable but de la Peinture, & celui qui s’attache au principal ; acquiert en pratiquant une assez belle maniere de peindre.

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L’autre question fut de sçavoir si l’idée que l’on concevoit du Peintre n’étoit que dans le coloris, & si il étoit inutile de chercher ailleurs cette idée en telle sorte que toute son étude se dût arrêter en cette partie là ; il fut dit là-dessus, qu’à parler proprement, la Peinture comprend tout ce qui se peut representer par le Dessein en quelque maniere que ce soit, & que le coloris n’en est qu’une partie, ce que l’on prouva par divers exemples, & particulierement par la Musique, dont les Compositeurs sont appellés Musiciens, encore qu’ils n’ayent ni Voix ni Instrumens, car comme le Musicien sans la Voix peut avec les Instrumens émouvoir les passions qu’il veut toucher, de même que le Peintre a besoin de la couleur quand il veut rendre ses representations completes & achevées, le Musicien qui chante juste & correct avec une voix mediocre, doit être plus estimé que celui qui chante faux avec une belle voix, de même le Peintre bon dessignateur & correct, qui colorie mediocrement est plus estimable que celui qui avec un beau coloris designe mal. Enfin la belle voix peut charmer les ignorants, quoi qu’elle ne soit pas soûtenuë de la justesse, comme le bel éclat de la couleur peut faire la même chose, encore que le Dessein en soit mauvais.

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On repartit à cela, que la qualité de Peintre n’est pas seulement l’usage de la couleur, mais la faculté de representer à la vuë tous les objets visibles de la nature & ceux mêmes dont l’on peut concevoir quelque idée avec leurs formes, leur proportion & couleur ; que celui qui sçaura bien mettre en usage les couleurs, sans les accompagner des autres parties, pourra être tout au plus nommé bon coloriste, mais non pas un sçavant Peintre, & qu’on ne doit pas estimer un ouvrage de Peinture, par l’éclat de la couleur, qui ne charme ordinairement que les esprits du vulgaire, & que la veritable beauté de la couleur consiste, en un ménagement harmonieux conduit par l’oeconomie du dessein

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Mais que pour bien pratiquer l’usage des couleurs, l’on devoit soigneusement observer deux choses. La premiere ; d’Etudier qu’elles en sont les propriétés naturelles, en reconnoître bien leur valeur & leurs effets pour les pouvoir appliquer avec oeconomie associant celles qui se peuvent marier ensemble, pour produire une agreable union, & opposer celles qui sont propres à se relever l’une l’autre par un doux contraste.

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Il faut de plus considerer leur valeur pour les ranger en sorte qu’elles puissent mutuellement s’entre-aider & se faire valoir par un judicieux contraste, leur force, pour les placer aux endroits que l’on veut faire paroître avancés ou reculées, & leur union pour les associer en une agreable correspondance ; mais on considera aussi qu’en s’attachant à ce menagement harmonieux des couleurs, on ne devoit pas negliger le bon choix des matieres & leur application, évitant le mélange de celles qui sont corruptibles avec celles qui sont pures, & l’avoisinement de celles qui peuvent causer quelque aigreur ou dureté à la vuë & sur tout dans leur Emploi, les appliquer proprement, chaque teinte en sa place ne les brouillant & tourmentant que le moins qu’il est possible, sur tout dans les carnations, où à l’imitation du Titien, on doit donner tout l’avantage, & l’éclat, en n’y approchant que des couleurs sales pour les faire paroître d’autant plus vives & plus fraiches

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L’on est entré sur la consideration du merite de la couleur à l’occasion d’un Tableau du Titien, qui par l’adveu, unanime de tous les sçavants en cette profession, est le Peintre qui a le plus excellé en cette partie là. Mais après avoir remarqué dans cet ouvrage que ce grand homme possedoit si admirablement la connoissance, des effets de la couleur & en faisoit un si bon usage, que non-obstant la vivacité des éclats de lumieres, qu’il faisoit paroître, dans le ciel de ses paysages, les carnations des figures qui y étoient opposées, ne laissoient pas de paroître plus avantageusement que beaucoup d’autres coloris, qui sont favorisés par des fonds bruns, que l’on voyoit dans les ouvrages de beaucoup d’autres Autheurs : qu’ainsi cet excellent Peintre avoit tiré avantage, de ce que les autres évitent ordinairement, & l’on témoigna du Regret de ce qu’un talent si accompli [ndr : Titien] n’étoit pas accompagné de ceux qui sont les plus considerables en la Peinture à sçavoir la correction du dessein & des proportions ; on representa qu’il se trouvoit beaucoup moins de Peintres posseder cette correction, que ceux qui ont un beaufaire en traitant les couleurs, parce qu’outre que ce dernier est plus facile, on se laisse naturellement charmer à ce bel éclat exterieur ; l’on avoüa bien que cette partie est très necessaire, mais l’on dit qu’il ne s’y falloit pas tant attacher qu’au principal ; que d’en faire toute son étude, c’étoit se laisser éblouïr par l’apparence d’un beau corps sans considérer ce qui le doit animer, que Monsieur Poussain si celebre en l’une & en l’autre de ces parties, ayant donné quelque temps à l’étude particuliere de la couleur en revint si fort, que depuis il disoit hautement, que cette application singuliere n’étoit qu’un obstacle, pour empêcher de parvenir au veritable but de la Peinture, & celui qui s’attache au principal ; acquiert en pratiquant une assez belle maniere de peindre.

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Cette conclusion déplut à ceux qui étoient engagés dans l’amour de la couleur, tellement, qu’il s’en émeut une contestation, celui qui entreprit le parti proposa ces trois choses. Primo, que la couleur est aussi necessaire que le dessein. Secundo, qu’en diminuant le merite de la couleur, on diminuë celui du Peintre. Tertio, que la couleur a merité des loüanges en tous tems : pour soûtenir sa premiere proposition, il dit, qu’il falloit examiner, quelle est la fin en general, que le Peintre se doit proposer, & lequel du dessein ou de la couleur le conduit plus directement à cette fin ; que de dire que la fin de la Peinture est d’imiter la nature, ce n’est pas assez, puisque plusieurs autres arts se proposent la même chose ; de dire que ce soit pour tromper les yeux, cela ne suffiroit pas encore, si on y ajoutoit que cela se fait par le moyen des couleurs. [...] qu’ainsi il étoit d’une trés grande consequence de s’étudier à bien connoître la couleur, & de se rendre ses charmes familiers, afin de ne pas s’y laisser surprendre, & de pouvoir étudier le reste avec plus de liberté : qu’un tableau dessigné mediocrement, où les couleurs seroient en tout leur éclat, feroit plus d’agreables effets à la vuë, qu’un autre où le dessein seroit en sa plus parfaite justesse où la couleur seroit negligée, parce que la couleur en sa perfection representoit toûjours la verité & que le dessein ne pouvoit representer que la possibilité. L’on ajoûta que le dessein étoit commun avec les sculpteurs & Graveurs, mais que la couleur est le propre du Peintre, & que l’on ne pouvoit prendre cette qualité qu’à cause de l’emploi des couleurs, qui sont capables de tromper les yeux en imitant les choses naturelles ; qu’étant donc la chose qui le distingue d’avec les autres Artisans, elle devoit être considerée d’une façon singuliere, qu’aussi Zeuxis avoit obtenu autant de louanges par l’intelligence des couleurs, qu’Appellés pour la justesse du dessein : que si comparant l’état auquel se trouve maintenant l’une & l’autre, la couleur avoit cet avantage d’être moins d’écheue, mais plûtôt augmentée par l’usage de l’huile, elle devoit par consequent meriter d’autant plus de loüanges, & qu’étant une partie essentielle pour conduire le Peintre à la perfection de son Ouvrage ; elle devoit être considerée aussi necessaire que le dessein.

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C’est pourquoi il ne les [ndr : le dessin et la couleur] falloit pas mettre en paralelle, n’y dire que c’est elle [ndr : la couleur] qui fait la Peinture & le Peintre, puisque c’est du Dessein qu’elle tire tout ce qu’elle a d’éclat & de gloire. […] Que l’on accordoit volontiers que la couleur contribuoit beaucoup pour perfectionner un Ouvrage de Peinture, de même que la beauté du teint acheve de donner la perfection aux beaux traits d’un visage, & qu’elle ne pouvoit pas être ditte parfaite, si la couleur n’y est doctement employée avec oeconomie, ce qui prouvoit encore sa dependance, que si elle avoit l’avantage de plaire aux yeux, le Dessein a celui de satisfaire à l’esprit ; & comme les Tableaux doivent divertir l’un & l’autre, il n’y avoit point de doute que ces deux parties n’y dussent concourir ensemble, & par un agreable accord tenir chacune sa partie & son rang ; que pour cela on ne la devoit pas negliger, mais en bien étudier l’usage conjoinctement avec la lumiere & le dessein, en sorte que ce Pere des Arts en puisse être le Maître & le Conducteur, comme en effet il doit dominer sur toutes les parties de cette Profession.

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Toutes ces considerations sur le merite du dessein & de la couleur ayants été rapportées en une assemblée particuliere, il fut dit qu’il n’étoit pas difficile de les concillier ensemble, mais que le plus important étoit d’expliquer les regles & les preceptes que l’on pouvoit donner aux étudiants, pour faire bon usage de la couleur ; d’autant qu’il y avoit eu beaucoup de Peintres, lesquels pretendans exceller en cette partie là, non seulement avoient négligé le dessein, mais par cette non chalance s’étoient entierement éloignés de l’imitation du naturel aussi bien dans la couleur que dans la forme affectant de faire paroître de fausses obscurités, sous pretexte de donner plus de force & d’éclat à leurs ouvrages, que par cette maniere on voyoit en plusieurs Tableaux des choses aussi contraires à la raison qu’à la verité. Mais que pour bien pratiquer l’usage des couleurs, l’on devoit soigneusement observer deux choses. La premiere ; d’Etudier qu’elles en sont les propriétés naturelles, en reconnoître bien leur valeur & leurs effets pour les pouvoir appliquer avec oeconomie associant celles qui se peuvent marier ensemble, pour produire une agreable union, & opposer celles qui sont propres à se relever l’une l’autre par un doux contraste.
La seconde chose étoit de bien sçavoir menager leur diminution, pour faire enfoncer les objets dans le Tableau, & imiter le plus qu’il est possible, les beaux effets du naturel.
En parlant de la degradation des Couleurs ou Perspectives aërées, on dit que s’il étoit possible d’en fixer ou déterminer un degré principal de lumiere sur la Couleur, on pouvoit venir à donner quelques régles de degrés fuyants, mais qu’outre les difficultés qu’il y a pour atteindre à cette exactitude cela empêcheroit les beaux effets de l’Art ; qui ne se rencontrent jamais si agreablement par une dégradation de couleur suivie, que par les éclats que produisent le different rencontre des choses opposées, que le naturel ne nous paroît si égal que tres rarement, à cause des differants rencontres des nuages opposez qui forment des effets de lumiere differants, mais que le Peintre peut poser sur la premiere ligne de son Tableau une couleur dans son plus parfait éclat, & dans l’éloignement placer de distance en distance, de semblables couleurs diminuées proportionnement selon la perspective du Trait. De plus on doit observer que dans la distance de laquelle on regarde le Tableau, il y a beaucoup d’air qui efface la force & vivacité des couleurs, ce qui oblige le Peintre à les fortifier plus qu’elle ne devroient être si l’Ouvrage étoit regardé de prés ; c’est pourquoi il importe necessairement d’observer la position du Tableau, & de quelle lumiere il doit être éclairé, pour aproprier la douceur ou la force des couleurs.

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on representa, que les anciens au sortir de la pratique de peindre à détrempe tomberent en quelque sorte de dureté par la grande force des ombres, comme on le peut remarquer en quelques ouvrages de Jule Romain, de Raphael, & autres, tant de l’École des Romains, que celles des Lombards qui ont travaille dans ces premiers tems là, où l’usage des reflexs, n’étoit point encore connu, que les reflexs sont d’une grande utilité pour produire l’union dans les couleurs, portants quelque chose des couleurs voisines dans l’ombre des corps, sur lesquels ils rejalissent, ce qui est l’avantage des siecles suivants où les habilles hommes se sont étudiés à la belle oeconomie & dispensation des couleurs, qui est le plus bel effet que peut produire leur raisonnable mariage ; Il faut de plus considerer leur valeur pour les ranger en sorte qu’elles puissent mutuellement s’entre-aider & se faire valoir par un judicieux contraste, leur force, pour les placer aux endroits que l’on veut faire paroître avancés ou reculées, & leur union pour les associer en une agreable correspondance ; mais on considera aussi qu’en s’attachant à ce menagement harmonieux des couleurs, on ne devoit pas negliger le bon choix des matieres & leur application, évitant le mélange de celles qui sont corruptibles avec celles qui sont pures, & l’avoisinement de celles qui peuvent causer quelque aigreur ou dureté à la vuë & sur tout dans leur Emploi, les appliquer proprement, chaque teinte en sa place ne les brouillant & tourmentant que le moins qu’il est possible, sur tout dans les carnations, où à l’imitation du Titien, on doit donner tout l’avantage, & l’éclat, en n’y approchant que des couleurs sales pour les faire paroître d’autant plus vives & plus fraiches ; enfin que dans cette partie de la couleur, l’on doit considerer ces trois choses conjointement pour y exceller, la belle oeconomie des couleurs, la propreté dans leur mêlange & application, & la liberté du Pinceau ; ces trois choses (qui bien souvent font chacune tout le talant d’un homme) ne se doivent jamais separer, encore qu’ils requierent chacun un soin particulier pour imiter la beauté du naturel.

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on representa, que les anciens au sortir de la pratique de peindre à détrempe tomberent en quelque sorte de dureté par la grande force des ombres, comme on le peut remarquer en quelques ouvrages de Jule Romain, de Raphael, & autres, tant de l’École des Romains, que celles des Lombards qui ont travaille dans ces premiers tems là, où l’usage des reflexs, n’étoit point encore connu, que les reflexs sont d’une grande utilité pour produire l’union dans les couleurs, portants quelque chose des couleurs voisines dans l’ombre des corps, sur lesquels ils rejalissent, ce qui est l’avantage des siecles suivants où les habilles hommes se sont étudiés à la belle oeconomie & dispensation des couleurs, qui est le plus bel effet que peut produire leur raisonnable mariage ; Il faut de plus considerer leur valeur pour les ranger en sorte qu’elles puissent mutuellement s’entre-aider & se faire valoir par un judicieux contraste, leur force, pour les placer aux endroits que l’on veut faire paroître avancés ou reculées, & leur union pour les associer en une agreable correspondance ; mais on considera aussi qu’en s’attachant à ce menagement harmonieux des couleurs, on ne devoit pas negliger le bon choix des matieres & leur application, évitant le mélange de celles qui sont corruptibles avec celles qui sont pures, & l’avoisinement de celles qui peuvent causer quelque aigreur ou dureté à la vuë & sur tout dans leur Emploi, les appliquer proprement, chaque teinte en sa place ne les brouillant & tourmentant que le moins qu’il est possible, sur tout dans les carnations, où à l’imitation du Titien, on doit donner tout l’avantage, & l’éclat, en n’y approchant que des couleurs sales pour les faire paroître d’autant plus vives & plus fraiches ; enfin que dans cette partie de la couleur, l’on doit considerer ces trois choses conjointement pour y exceller, la belle oeconomie des couleurs, la propreté dans leur mêlange & application, & la liberté du Pinceau ; ces trois choses (qui bien souvent font chacune tout le talant d’un homme) ne se doivent jamais separer, encore qu’ils requierent chacun un soin particulier pour imiter la beauté du naturel.

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La seconde chose étoit de bien sçavoir menager leur diminution, pour faire enfoncer les objets dans le Tableau, & imiter le plus qu’il est possible, les beaux effets du naturel.
En parlant de la degradation des Couleurs ou Perspectives aërées, on dit que s’il étoit possible d’en fixer ou déterminer un degré principal de lumiere sur la Couleur, on pouvoit venir à donner quelques régles de degrés fuyants, mais qu’outre les difficultés qu’il y a pour atteindre à cette exactitude cela empêcheroit les beaux effets de l’Art ; qui ne se rencontrent jamais si agreablement par une dégradation de couleur suivie, que par les éclats que produisent le different rencontre des choses opposées, que le naturel ne nous paroît si égal que tres rarement, à cause des differants rencontres des nuages opposez qui forment des effets de lumiere differants, mais que le Peintre peut poser sur la premiere ligne de son Tableau une couleur dans son plus parfait éclat, & dans l’éloignement placer de distance en distance, de semblables couleurs diminuées proportionnement selon la perspective du Trait. De plus on doit observer que dans la distance de laquelle on regarde le Tableau, il y a beaucoup d’air qui efface la force & vivacité des couleurs, ce qui oblige le Peintre à les fortifier plus qu’elle ne devroient être si l’Ouvrage étoit regardé de prés ; c’est pourquoi il importe necessairement d’observer la position du Tableau, & de quelle lumiere il doit être éclairé, pour aproprier la douceur ou la force des couleurs.

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Cette conclusion déplut à ceux qui étoient engagés dans l’amour de la couleur, tellement, qu’il s’en émeut une contestation, celui qui entreprit le parti proposa ces trois choses. Primo, que la couleur est aussi necessaire que le dessein. Secundo, qu’en diminuant le merite de la couleur, on diminuë celui du Peintre. Tertio, que la couleur a merité des loüanges en tous tems : pour soûtenir sa premiere proposition, il dit, qu’il falloit examiner, quelle est la fin en general, que le Peintre se doit proposer, & lequel du dessein ou de la couleur le conduit plus directement à cette fin ; que de dire que la fin de la Peinture est d’imiter la nature, ce n’est pas assez, puisque plusieurs autres arts se proposent la même chose ; de dire que ce soit pour tromper les yeux, cela ne suffiroit pas encore, si on y ajoutoit que cela se fait par le moyen des couleurs. Puis qu’il n y a que cette seule difference qui rende la fin du Peintre particuliere & qui le distingue d’avec les autres arts : car de pretendre que la fin du Peintre soit de plaire & de tromper, en feignant du relief sur une superficie plate, à quoi le dessein juste, & correct, pourroit réussir simplement avec du crayon sans la couleur, s’étoit se tromper sois-même, puisque, si le but est de plaire, c’étoit à la couleur qu’appartient cet avantage ; que le dessein avec toute sa justesse n’étoit connu que de trés peu de personnes, au lieu que la couleur charme tout le monde : que c’étoit peu de chose de plaire aux ignorants, que c’étoit beaucoup de ne plaire qu’aux sçavants ; mais que c’étoit une perfection consommée de plaire à tous universellement ; qu’ainsi il étoit d’une trés grande consequence de s’étudier à bien connoître la couleur, & de se rendre ses charmes familiers, afin de ne pas s’y laisser surprendre, & de pouvoir étudier le reste avec plus de liberté : qu’un tableau dessigné mediocrement, où les couleurs seroient en tout leur éclat, feroit plus d’agreables effets à la vuë, qu’un autre où le dessein seroit en sa plus parfaite justesse où la couleur seroit negligée, parce que la couleur en sa perfection representoit toûjours la verité & que le dessein ne pouvoit representer que la possibilité. L’on ajoûta que le dessein étoit commun avec les sculpteurs & Graveurs, mais que la couleur est le propre du Peintre, & que l’on ne pouvoit prendre cette qualité qu’à cause de l’emploi des couleurs, qui sont capables de tromper les yeux en imitant les choses naturelles ; qu’étant donc la chose qui le distingue d’avec les autres Artisans, elle devoit être considerée d’une façon singuliere, qu’aussi Zeuxis avoit obtenu autant de louanges par l’intelligence des couleurs, qu’Appellés pour la justesse du dessein : que si comparant l’état auquel se trouve maintenant l’une & l’autre, la couleur avoit cet avantage d’être moins d’écheue, mais plûtôt augmentée par l’usage de l’huile, elle devoit par consequent meriter d’autant plus de loüanges, & qu’étant une partie essentielle pour conduire le Peintre à la perfection de son Ouvrage ; elle devoit être considerée aussi necessaire que le dessein.

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chacune de ses manieres de peindre ont leur proprieté & leur advantage, qu’à la verité la détrempe conserve la beauté des couleurs dans sa pureté & que leur matte imite mieux les apparences des choses naturelles, mais qu’il faut aussi tomber d’accord, que la Peinture à l’huile a generalement plus d’avantage pour donner de la force & de l’union & même pour prendre la teinte des objets dans tous les divers effets des lumieres differentes sur les objets éloignés de la vuë, ces considerations contenterent les deux Aveugles, qui s’en retournerent satisfaits, & le Professeur en ayant fait le recit en une assemblée de conference donna par ce moyen occasion de parler sur la couleur, on representa, que les anciens au sortir de la pratique de peindre à détrempe tomberent en quelque sorte de dureté par la grande force des ombres, comme on le peut remarquer en quelques ouvrages de Jule Romain, de Raphael, & autres, tant de l’École des Romains, que celles des Lombards qui ont travaille dans ces premiers tems là, où l’usage des reflexs, n’étoit point encore connu, que les reflexs sont d’une grande utilité pour produire l’union dans les couleurs, portants quelque chose des couleurs voisines dans l’ombre des corps, sur lesquels ils rejalissent, ce qui est l’avantage des siecles suivants où les habilles hommes se sont étudiés à la belle oeconomie & dispensation des couleurs, qui est le plus bel effet que peut produire leur raisonnable mariage

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La seconde chose étoit de bien sçavoir menager leur diminution, pour faire enfoncer les objets dans le Tableau, & imiter le plus qu’il est possible, les beaux effets du naturel.
En parlant de la degradation des Couleurs ou Perspectives aërées, on dit que s’il étoit possible d’en fixer ou déterminer un degré principal de lumiere sur la Couleur, on pouvoit venir à donner quelques régles de degrés fuyants, mais qu’outre les difficultés qu’il y a pour atteindre à cette exactitude cela empêcheroit les beaux effets de l’Art ; qui ne se rencontrent jamais si agreablement par une dégradation de couleur suivie, que par les éclats que produisent le different rencontre des choses opposées, que le naturel ne nous paroît si égal que tres rarement, à cause des differants rencontres des nuages opposez qui forment des effets de lumiere differants, mais que le Peintre peut poser sur la premiere ligne de son Tableau une couleur dans son plus parfait éclat, & dans l’éloignement placer de distance en distance, de semblables couleurs diminuées proportionnement selon la perspective du Trait. De plus on doit observer que dans la distance de laquelle on regarde le Tableau, il y a beaucoup d’air qui efface la force & vivacité des couleurs, ce qui oblige le Peintre à les fortifier plus qu’elle ne devroient être si l’Ouvrage étoit regardé de prés ; c’est pourquoi il importe necessairement d’observer la position du Tableau, & de quelle lumiere il doit être éclairé, pour aproprier la douceur ou la force des couleurs.

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on representa, que les anciens au sortir de la pratique de peindre à détrempe tomberent en quelque sorte de dureté par la grande force des ombres, comme on le peut remarquer en quelques ouvrages de Jule Romain, de Raphael, & autres, tant de l’École des Romains, que celles des Lombards qui ont travaille dans ces premiers tems là, où l’usage des reflexs, n’étoit point encore connu, que les reflexs sont d’une grande utilité pour produire l’union dans les couleurs, portants quelque chose des couleurs voisines dans l’ombre des corps, sur lesquels ils rejalissent, ce qui est l’avantage des siecles suivants où les habilles hommes se sont étudiés à la belle oeconomie & dispensation des couleurs, qui est le plus bel effet que peut produire leur raisonnable mariage ; Il faut de plus considerer leur valeur pour les ranger en sorte qu’elles puissent mutuellement s’entre-aider & se faire valoir par un judicieux contraste, leur force, pour les placer aux endroits que l’on veut faire paroître avancés ou reculées, & leur union pour les associer en une agreable correspondance ; mais on considera aussi qu’en s’attachant à ce menagement harmonieux des couleurs, on ne devoit pas negliger le bon choix des matieres & leur application, évitant le mélange de celles qui sont corruptibles avec celles qui sont pures, & l’avoisinement de celles qui peuvent causer quelque aigreur ou dureté à la vuë & sur tout dans leur Emploi, les appliquer proprement, chaque teinte en sa place ne les brouillant & tourmentant que le moins qu’il est possible, sur tout dans les carnations, où à l’imitation du Titien, on doit donner tout l’avantage, & l’éclat, en n’y approchant que des couleurs sales pour les faire paroître d’autant plus vives & plus fraiches

Quotation

l’on témoigna du Regret de ce qu’un talent si accompli [ndr : Titien] n’étoit pas accompagné de ceux qui sont les plus considerables en la Peinture à sçavoir la correction du dessein & des proportions ; on representa qu’il se trouvoit beaucoup moins de Peintres posseder cette correction, que ceux qui ont un beaufaire en traitant les couleurs, parce qu’outre que ce dernier est plus facile, on se laisse naturellement charmer à ce bel éclat exterieur ; l’on avoüa bien que cette partie est très necessaire, mais l’on dit qu’il ne s’y falloit pas tant attacher qu’au principal ; que d’en faire toute son étude, c’étoit se laisser éblouïr par l’apparence d’un beau corps sans considérer ce qui le doit animer, que Monsieur Poussain si celebre en l’une & en l’autre de ces parties, ayant donné quelque temps à l’étude particuliere de la couleur en revint si fort, que depuis il disoit hautement, que cette application singuliere n’étoit qu’un obstacle, pour empêcher de parvenir au veritable but de la Peinture, & celui qui s’attache au principal ; acquiert en pratiquant une assez belle maniere de peindre.

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on representa, que les anciens au sortir de la pratique de peindre à détrempe tomberent en quelque sorte de dureté par la grande force des ombres, comme on le peut remarquer en quelques ouvrages de Jule Romain, de Raphael, & autres, tant de l’École des Romains, que celles des Lombards qui ont travaille dans ces premiers tems là, où l’usage des reflexs, n’étoit point encore connu, que les reflexs sont d’une grande utilité pour produire l’union dans les couleurs, portants quelque chose des couleurs voisines dans l’ombre des corps, sur lesquels ils rejalissent, ce qui est l’avantage des siecles suivants où les habilles hommes se sont étudiés à la belle oeconomie & dispensation des couleurs, qui est le plus bel effet que peut produire leur raisonnable mariage ; Il faut de plus considerer leur valeur pour les ranger en sorte qu’elles puissent mutuellement s’entre-aider & se faire valoir par un judicieux contraste, leur force, pour les placer aux endroits que l’on veut faire paroître avancés ou reculées, & leur union pour les associer en une agreable correspondance ; mais on considera aussi qu’en s’attachant à ce menagement harmonieux des couleurs, on ne devoit pas negliger le bon choix des matieres & leur application, évitant le mélange de celles qui sont corruptibles avec celles qui sont pures, & l’avoisinement de celles qui peuvent causer quelque aigreur ou dureté à la vuë & sur tout dans leur Emploi, les appliquer proprement, chaque teinte en sa place ne les brouillant & tourmentant que le moins qu’il est possible, sur tout dans les carnations, où à l’imitation du Titien, on doit donner tout l’avantage, & l’éclat, en n’y approchant que des couleurs sales pour les faire paroître d’autant plus vives & plus fraiches ; enfin que dans cette partie de la couleur, l’on doit considerer ces trois choses conjointement pour y exceller, la belle oeconomie des couleurs, la propreté dans leur mêlange & application, & la liberté du Pinceau ; ces trois choses (qui bien souvent font chacune tout le talant d’un homme) ne se doivent jamais separer, encore qu’ils requierent chacun un soin particulier pour imiter la beauté du naturel.

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qu’ainsi il étoit d’une trés grande consequence de s’étudier à bien connoître la couleur, & de se rendre ses charmes familiers, afin de ne pas s’y laisser surprendre, & de pouvoir étudier le reste avec plus de liberté : qu’un tableau dessigné mediocrement, où les couleurs seroient en tout leur éclat, feroit plus d’agreables effets à la vuë, qu’un autre où le dessein seroit en sa plus parfaite justesse où la couleur seroit negligée, parce que la couleur en sa perfection representoit toûjours la verité & que le dessein ne pouvoit representer que la possibilité.

Quotation

Mais que pour bien pratiquer l’usage des couleurs, l’on devoit soigneusement observer deux choses. La premiere ; d’Etudier qu’elles en sont les propriétés naturelles, en reconnoître bien leur valeur & leurs effets pour les pouvoir appliquer avec oeconomie associant celles qui se peuvent marier ensemble, pour produire une agreable union, & opposer celles qui sont propres à se relever l’une l’autre par un doux contraste.

Quotation

Cette conclusion déplut à ceux qui étoient engagés dans l’amour de la couleur, tellement, qu’il s’en émeut une contestation, celui qui entreprit le parti proposa ces trois choses. Primo, que la couleur est aussi necessaire que le dessein. Secundo, qu’en diminuant le merite de la couleur, on diminuë celui du Peintre. Tertio, que la couleur a merité des loüanges en tous tems : pour soûtenir sa premiere proposition, il dit, qu’il falloit examiner, quelle est la fin en general, que le Peintre se doit proposer, & lequel du dessein ou de la couleur le conduit plus directement à cette fin ; que de dire que la fin de la Peinture est d’imiter la nature, ce n’est pas assez, puisque plusieurs autres arts se proposent la même chose ; de dire que ce soit pour tromper les yeux, cela ne suffiroit pas encore, si on y ajoutoit que cela se fait par le moyen des couleurs. Puis qu’il n y a que cette seule difference qui rende la fin du Peintre particuliere & qui le distingue d’avec les autres arts : car de pretendre que la fin du Peintre soit de plaire & de tromper, en feignant du relief sur une superficie plate, à quoi le dessein juste, & correct, pourroit réussir simplement avec du crayon sans la couleur, s’étoit se tromper sois-même, puisque, si le but est de plaire, c’étoit à la couleur qu’appartient cet avantage ; que le dessein avec toute sa justesse n’étoit connu que de trés peu de personnes, au lieu que la couleur charme tout le monde : que c’étoit peu de chose de plaire aux ignorants, que c’étoit beaucoup de ne plaire qu’aux sçavants ; mais que c’étoit une perfection consommée de plaire à tous universellement

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Il faut de plus considerer leur valeur pour les ranger en sorte qu’elles puissent mutuellement s’entre-aider & se faire valoir par un judicieux contraste, leur force, pour les placer aux endroits que l’on veut faire paroître avancés ou reculées, & leur union pour les associer en une agreable correspondance ; mais on considera aussi qu’en s’attachant à ce menagement harmonieux des couleurs, on ne devoit pas negliger le bon choix des matieres & leur application, évitant le mélange de celles qui sont corruptibles avec celles qui sont pures, & l’avoisinement de celles qui peuvent causer quelque aigreur ou dureté à la vuë & sur tout dans leur Emploi, les appliquer proprement, chaque teinte en sa place ne les brouillant & tourmentant que le moins qu’il est possible, sur tout dans les carnations, où à l’imitation du Titien, on doit donner tout l’avantage, & l’éclat, en n’y approchant que des couleurs sales pour les faire paroître d’autant plus vives & plus fraiches

Quotation

Cette conclusion déplut à ceux qui étoient engagés dans l’amour de la couleur, tellement, qu’il s’en émeut une contestation, celui qui entreprit le parti proposa ces trois choses. Primo, que la couleur est aussi necessaire que le dessein. Secundo, qu’en diminuant le merite de la couleur, on diminuë celui du Peintre. Tertio, que la couleur a merité des loüanges en tous tems : pour soûtenir sa premiere proposition, il dit, qu’il falloit examiner, quelle est la fin en general, que le Peintre se doit proposer, & lequel du dessein ou de la couleur le conduit plus directement à cette fin ; que de dire que la fin de la Peinture est d’imiter la nature, ce n’est pas assez, puisque plusieurs autres arts se proposent la même chose ; de dire que ce soit pour tromper les yeux, cela ne suffiroit pas encore, si on y ajoutoit que cela se fait par le moyen des couleurs. [...] L’on ajoûta que le dessein étoit commun avec les sculpteurs & Graveurs, mais que la couleur est le propre du Peintre, & que l’on ne pouvoit prendre cette qualité qu’à cause de l’emploi des couleurs, qui sont capables de tromper les yeux en imitant les choses naturelles ; qu’étant donc la chose qui le distingue d’avec les autres Artisans, elle devoit être considerée d’une façon singuliere

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En parlant de la degradation des Couleurs ou Perspectives aërées, on dit que s’il étoit possible d’en fixer ou déterminer un degré principal de lumiere sur la Couleur, on pouvoit venir à donner quelques régles de degrés fuyants, mais qu’outre les difficultés qu’il y a pour atteindre à cette exactitude cela empêcheroit les beaux effets de l’Art ; qui ne se rencontrent jamais si agreablement par une dégradation de couleur suivie, que par les éclats que produisent le different rencontre des choses opposées, que le naturel ne nous paroît si égal que tres rarement, à cause des differants rencontres des nuages opposez qui forment des effets de lumiere differants, mais que le Peintre peut poser sur la premiere ligne de son Tableau une couleur dans son plus parfait éclat, & dans l’éloignement placer de distance en distance, de semblables couleurs diminuées proportionnement selon la perspective du Trait. De plus on doit observer que dans la distance de laquelle on regarde le Tableau, il y a beaucoup d’air qui efface la force & vivacité des couleurs, ce qui oblige le Peintre à les fortifier plus qu’elle ne devroient être si l’Ouvrage étoit regardé de prés ; c’est pourquoi il importe necessairement d’observer la position du Tableau, & de quelle lumiere il doit être éclairé, pour aproprier la douceur ou la force des couleurs.

Quotation

L’on dit qu’à la verité, l’on ne pouvoit pas avec des couleurs artificielles imiter le grand éclat des lumieres naturelles, que par l’opposition des obscurités n’y faire paroitre le relief, que par les divers degrez des Teintes & des Ombres, mais aussi qu’il y auroit de la temerité d’entreprendre l’impossible : que pour cette raison l’on étoit convenu dans les conferences precedentes de ne point faire paroître en un Tableau le Corps de quelque lumiere que ce soit, & que ne pouvant atteindre à l’éclat du naturel, il se falloit contenter d’en approcher autant par les moyens de l’art le pouvoient permettre proportionnant le brun au clair, & tenant avec une sage mediocrité le milieu, entre les manieres qui sont outrées, comme en l’Ecole des Lombards, & celles qui sont fades & mesquines, ainsi que dans les manieres Gottiques qui affectoient d’éviter les ombres.

Quotation

L’on fit observer que chacun voit la nature de differentes façons selon la disposition des organes & du temperament, ce qui fait la diversité des goûts & la difference des manieres. C’est pourquoi on ne pouvoit pas decider de la beauté sur des inclinations particulieres, lesquelles se trouvant differentes dans la diversité des nations & des climats, mais que l’on doit suivant un jugement degagé de toutes preventions faire choix des effets naturels, qui se rapportent mieux aux regles de l’art, se detournant de tout ce qui est manieré, & que pour reconnoître la meilleure des manieres, il falloit non pas les comparer l’une à l’autre, mais confronter celles des plus habiles hommes avec le naturel, pour juger des plus raisonnables. [...] que pour cette raison l’on étoit convenu dans les conferences precedentes de ne point faire paroître en un Tableau le Corps de quelque lumiere que ce soit, & que ne pouvant atteindre à l’éclat du naturel, il se falloit contenter d’en approcher autant par les moyens de l’art le pouvoient permettre proportionnant le brun au clair, & tenant avec une sage mediocrité le milieu, entre les manieres qui sont outrées, comme en l’Ecole des Lombards, & celles qui sont fades & mesquines, ainsi que dans les manieres Gottiques qui affectoient d’éviter les ombres.

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L’on dit qu’à la verité, l’on ne pouvoit pas avec des couleurs artificielles imiter le grand éclat des lumieres naturelles, que par l’opposition des obscurités n’y faire paroitre le relief, que par les divers degrez des Teintes & des Ombres, mais aussi qu’il y auroit de la temerité d’entreprendre l’impossible : que pour cette raison l’on étoit convenu dans les conferences precedentes de ne point faire paroître en un Tableau le Corps de quelque lumiere que ce soit, & que ne pouvant atteindre à l’éclat du naturel, il se falloit contenter d’en approcher autant par les moyens de l’art le pouvoient permettre proportionnant le brun au clair, & tenant avec une sage mediocrité le milieu, entre les manieres qui sont outrées, comme en l’Ecole des Lombards, & celles qui sont fades & mesquines, ainsi que dans les manieres Gottiques qui affectoient d’éviter les ombres.

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L’on dit qu’à la verité, l’on ne pouvoit pas avec des couleurs artificielles imiter le grand éclat des lumieres naturelles, que par l’opposition des obscurités n’y faire paroitre le relief, que par les divers degrez des Teintes & des Ombres, mais aussi qu’il y auroit de la temerité d’entreprendre l’impossible : que pour cette raison l’on étoit convenu dans les conferences precedentes de ne point faire paroître en un Tableau le Corps de quelque lumiere que ce soit, & que ne pouvant atteindre à l’éclat du naturel, il se falloit contenter d’en approcher autant par les moyens de l’art le pouvoient permettre proportionnant le brun au clair, & tenant avec une sage mediocrité le milieu, entre les manieres qui sont outrées, comme en l’Ecole des Lombards, & celles qui sont fades & mesquines, ainsi que dans les manieres Gottiques qui affectoient d’éviter les ombres.

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Il faut de plus considerer leur valeur pour les ranger en sorte qu’elles puissent mutuellement s’entre-aider & se faire valoir par un judicieux contraste, leur force, pour les placer aux endroits que l’on veut faire paroître avancés ou reculées, & leur union pour les associer en une agreable correspondance ; mais on considera aussi qu’en s’attachant à ce menagement harmonieux des couleurs, on ne devoit pas negliger le bon choix des matieres & leur application, évitant le mélange de celles qui sont corruptibles avec celles qui sont pures, & l’avoisinement de celles qui peuvent causer quelque aigreur ou dureté à la vuë & sur tout dans leur Emploi, les appliquer proprement, chaque teinte en sa place ne les brouillant & tourmentant que le moins qu’il est possible, sur tout dans les carnations, où à l’imitation du Titien, on doit donner tout l’avantage, & l’éclat, en n’y approchant que des couleurs sales pour les faire paroître d’autant plus vives & plus fraiches ; enfin que dans cette partie de la couleur, l’on doit considerer ces trois choses conjointement pour y exceller, la belle oeconomie des couleurs, la propreté dans leur mêlange & application, & la liberté du Pinceau ; ces trois choses (qui bien souvent font chacune tout le talant d’un homme) ne se doivent jamais separer, encore qu’ils requierent chacun un soin particulier pour imiter la beauté du naturel.

Quotation

Cette conclusion déplut à ceux qui étoient engagés dans l’amour de la couleur, tellement, qu’il s’en émeut une contestation, celui qui entreprit le parti proposa ces trois choses. Primo, que la couleur est aussi necessaire que le dessein. Secundo, qu’en diminuant le merite de la couleur, on diminuë celui du Peintre. Tertio, que la couleur a merité des loüanges en tous tems : pour soûtenir sa premiere proposition, il dit, qu’il falloit examiner, quelle est la fin en general, que le Peintre se doit proposer, & lequel du dessein ou de la couleur le conduit plus directement à cette fin ; que de dire que la fin de la Peinture est d’imiter la nature, ce n’est pas assez, puisque plusieurs autres arts se proposent la même chose ; de dire que ce soit pour tromper les yeux, cela ne suffiroit pas encore, si on y ajoutoit que cela se fait par le moyen des couleurs. [...] L’on ajoûta que le dessein étoit commun avec les sculpteurs & Graveurs, mais que la couleur est le propre du Peintre, & que l’on ne pouvoit prendre cette qualité qu’à cause de l’emploi des couleurs, qui sont capables de tromper les yeux en imitant les choses naturelles ; qu’étant donc la chose qui le distingue d’avec les autres Artisans, elle devoit être considerée d’une façon singuliere

Quotation

La seconde chose étoit de bien sçavoir menager leur diminution, pour faire enfoncer les objets dans le Tableau, & imiter le plus qu’il est possible, les beaux effets du naturel.
En parlant de la degradation des Couleurs ou Perspectives aërées, on dit que s’il étoit possible d’en fixer ou déterminer un degré principal de lumiere sur la Couleur, on pouvoit venir à donner quelques régles de degrés fuyants, mais qu’outre les difficultés qu’il y a pour atteindre à cette exactitude cela empêcheroit les beaux effets de l’Art ; qui ne se rencontrent jamais si agreablement par une dégradation de couleur suivie, que par les éclats que produisent le different rencontre des choses opposées, que le naturel ne nous paroît si égal que tres rarement, à cause des differants rencontres des nuages opposez qui forment des effets de lumiere differants, mais que le Peintre peut poser sur la premiere ligne de son Tableau une couleur dans son plus parfait éclat, & dans l’éloignement placer de distance en distance, de semblables couleurs diminuées proportionnement selon la perspective du Trait.

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Qu’un Peintre judicieux devoit former son génië, sur les Idées du naturel avec un esprit libre & dégagé, de toute affectation, sans entreprendre d’en vouloir charger les effets pour avantager son ouvrage par des oppositions extravagentes, & par des obscurités excessives en quoi quelques avoient voulu faire conzister la beauté du pinceau.

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L’on dit qu’à la verité, l’on ne pouvoit pas avec des couleurs artificielles imiter le grand éclat des lumieres naturelles, que par l’opposition des obscurités n’y faire paroitre le relief, que par les divers degrez des Teintes & des Ombres, mais aussi qu’il y auroit de la temerité d’entreprendre l’impossible : que pour cette raison l’on étoit convenu dans les conferences precedentes de ne point faire paroître en un Tableau le Corps de quelque lumiere que ce soit, & que ne pouvant atteindre à l’éclat du naturel, il se falloit contenter d’en approcher autant par les moyens de l’art le pouvoient permettre proportionnant le brun au clair, & tenant avec une sage mediocrité le milieu, entre les manieres qui sont outrées, comme en l’Ecole des Lombards, & celles qui sont fades & mesquines, ainsi que dans les manieres Gottiques qui affectoient d’éviter les ombres.

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Cette conclusion déplut à ceux qui étoient engagés dans l’amour de la couleur, tellement, qu’il s’en émeut une contestation, celui qui entreprit le parti proposa ces trois choses. Primo, que la couleur est aussi necessaire que le dessein. Secundo, qu’en diminuant le merite de la couleur, on diminuë celui du Peintre. Tertio, que la couleur a merité des loüanges en tous tems : pour soûtenir sa premiere proposition, il dit, qu’il falloit examiner, quelle est la fin en general, que le Peintre se doit proposer, & lequel du dessein ou de la couleur le conduit plus directement à cette fin ; que de dire que la fin de la Peinture est d’imiter la nature, ce n’est pas assez, puisque plusieurs autres arts se proposent la même chose ; de dire que ce soit pour tromper les yeux, cela ne suffiroit pas encore, si on y ajoutoit que cela se fait par le moyen des couleurs. Puis qu’il n y a que cette seule difference qui rende la fin du Peintre particuliere & qui le distingue d’avec les autres arts : car de pretendre que la fin du Peintre soit de plaire & de tromper, en feignant du relief sur une superficie plate, à quoi le dessein juste, & correct, pourroit réussir simplement avec du crayon sans la couleur, s’étoit se tromper sois-même, puisque, si le but est de plaire, c’étoit à la couleur qu’appartient cet avantage [...] L’on ajoûta que le dessein étoit commun avec les sculpteurs & Graveurs, mais que la couleur est le propre du Peintre, & que l’on ne pouvoit prendre cette qualité qu’à cause de l’emploi des couleurs, qui sont capables de tromper les yeux en imitant les choses naturelles ; qu’étant donc la chose qui le distingue d’avec les autres Artisans, elle devoit être considerée d’une façon singuliere, qu’aussi Zeuxis avoit obtenu autant de louanges par l’intelligence des couleurs, qu’Appellés pour la justesse du dessein : que si comparant l’état auquel se trouve maintenant l’une & l’autre, la couleur avoit cet avantage d’être moins d’écheue, mais plûtôt augmentée par l’usage de l’huile, elle devoit par consequent meriter d’autant plus de loüanges, & qu’étant une partie essentielle pour conduire le Peintre à la perfection de son Ouvrage ; elle devoit être considerée aussi necessaire que le dessein.

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Cette conclusion déplut à ceux qui étoient engagés dans l’amour de la couleur, tellement, qu’il s’en émeut une contestation, celui qui entreprit le parti proposa ces trois choses. Primo, que la couleur est aussi necessaire que le dessein. Secundo, qu’en diminuant le merite de la couleur, on diminuë celui du Peintre. Tertio, que la couleur a merité des loüanges en tous tems : pour soûtenir sa premiere proposition, il dit, qu’il falloit examiner, quelle est la fin en general, que le Peintre se doit proposer, & lequel du dessein ou de la couleur le conduit plus directement à cette fin ; que de dire que la fin de la Peinture est d’imiter la nature, ce n’est pas assez, puisque plusieurs autres arts se proposent la même chose ; de dire que ce soit pour tromper les yeux, cela ne suffiroit pas encore, si on y ajoutoit que cela se fait par le moyen des couleurs. Puis qu’il n y a que cette seule difference qui rende la fin du Peintre particuliere & qui le distingue d’avec les autres arts : car de pretendre que la fin du Peintre soit de plaire & de tromper, en feignant du relief sur une superficie plate, à quoi le dessein juste, & correct, pourroit réussir simplement avec du crayon sans la couleur, s’étoit se tromper sois-même, puisque, si le but est de plaire, c’étoit à la couleur qu’appartient cet avantage ; que le dessein avec toute sa justesse n’étoit connu que de trés peu de personnes, au lieu que la couleur charme tout le monde : que c’étoit peu de chose de plaire aux ignorants, que c’étoit beaucoup de ne plaire qu’aux sçavants ; mais que c’étoit une perfection consommée de plaire à tous universellement ; qu’ainsi il étoit d’une trés grande consequence de s’étudier à bien connoître la couleur, & de se rendre ses charmes familiers, afin de ne pas s’y laisser surprendre, & de pouvoir étudier le reste avec plus de liberté : qu’un tableau dessigné mediocrement, où les couleurs seroient en tout leur éclat, feroit plus d’agreables effets à la vuë, qu’un autre où le dessein seroit en sa plus parfaite justesse où la couleur seroit negligée, parce que la couleur en sa perfection representoit toûjours la verité & que le dessein ne pouvoit representer que la possibilité. L’on ajoûta que le dessein étoit commun avec les sculpteurs & Graveurs, mais que la couleur est le propre du Peintre, & que l’on ne pouvoit prendre cette qualité qu’à cause de l’emploi des couleurs, qui sont capables de tromper les yeux en imitant les choses naturelles ; qu’étant donc la chose qui le distingue d’avec les autres Artisans, elle devoit être considerée d’une façon singuliere

Quotation

chacune de ses manieres de peindre ont leur proprieté & leur advantage, qu’à la verité la détrempe conserve la beauté des couleurs dans sa pureté & que leur matte imite mieux les apparences des choses naturelles, mais qu’il faut aussi tomber d’accord, que la Peinture à l’huile a generalement plus d’avantage pour donner de la force & de l’union & même pour prendre la teinte des objets dans tous les divers effets des lumieres differentes sur les objets éloignés de la vuë, ces considerations contenterent les deux Aveugles, qui s’en retournerent satisfaits, & le Professeur en ayant fait le recit en une assemblée de conference donna par ce moyen occasion de parler sur la couleur, on representa, que les anciens au sortir de la pratique de peindre à détrempe tomberent en quelque sorte de dureté par la grande force des ombres, comme on le peut remarquer en quelques ouvrages de Jule Romain, de Raphael, & autres, tant de l’École des Romains, que celles des Lombards qui ont travaille dans ces premiers tems là, où l’usage des reflexs, n’étoit point encore connu, que les reflexs sont d’une grande utilité pour produire l’union dans les couleurs, portants quelque chose des couleurs voisines dans l’ombre des corps, sur lesquels ils rejalissent, ce qui est l’avantage des siecles suivants où les habilles hommes se sont étudiés à la belle oeconomie & dispensation des couleurs, qui est le plus bel effet que peut produire leur raisonnable mariage

Quotation

La seconde chose étoit de bien sçavoir menager leur diminution, pour faire enfoncer les objets dans le Tableau, & imiter le plus qu’il est possible, les beaux effets du naturel.
En parlant de la degradation des Couleurs ou Perspectives aërées, on dit que s’il étoit possible d’en fixer ou déterminer un degré principal de lumiere sur la Couleur, on pouvoit venir à donner quelques régles de degrés fuyants, mais qu’outre les difficultés qu’il y a pour atteindre à cette exactitude cela empêcheroit les beaux effets de l’Art ; qui ne se rencontrent jamais si agreablement par une dégradation de couleur suivie, que par les éclats que produisent le different rencontre des choses opposées, que le naturel ne nous paroît si égal que tres rarement, à cause des differants rencontres des nuages opposez qui forment des effets de lumiere differants, mais que le Peintre peut poser sur la premiere ligne de son Tableau une couleur dans son plus parfait éclat, & dans l’éloignement placer de distance en distance, de semblables couleurs diminuées proportionnement selon la perspective du Trait. De plus on doit observer que dans la distance de laquelle on regarde le Tableau, il y a beaucoup d’air qui efface la force & vivacité des couleurs, ce qui oblige le Peintre à les fortifier plus qu’elle ne devroient être si l’Ouvrage étoit regardé de prés ; c’est pourquoi il importe necessairement d’observer la position du Tableau, & de quelle lumiere il doit être éclairé, pour aproprier la douceur ou la force des couleurs.

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que de dire que la fin de la Peinture est d’imiter la nature, ce n’est pas assez, puisque plusieurs autres arts se proposent la même chose ; de dire que ce soit pour tromper les yeux, cela ne suffiroit pas encore, si on y ajoutoit que cela se fait par le moyen des couleurs. Puis qu’il n y a que cette seule difference qui rende la fin du Peintre particuliere & qui le distingue d’avec les autres arts : car de pretendre que la fin du Peintre soit de plaire & de tromper, en feignant du relief sur une superficie plate, à quoi le dessein juste, & correct, pourroit réussir simplement avec du crayon sans la couleur, s’étoit se tromper sois-même, puisque, si le but est de plaire, c’étoit à la couleur qu’appartient cet avantage ; que le dessein avec toute sa justesse n’étoit connu que de trés peu de personnes, au lieu que la couleur charme tout le monde : que c’étoit peu de chose de plaire aux ignorants, que c’étoit beaucoup de ne plaire qu’aux sçavants ; mais que c’étoit une perfection consommée de plaire à tous universellement

Quotation

Toutes ces considerations sur le merite du dessein & de la couleur ayants été rapportées en une assemblée particuliere, il fut dit qu’il n’étoit pas difficile de les concillier ensemble, mais que le plus important étoit d’expliquer les regles & les preceptes que l’on pouvoit donner aux étudiants, pour faire bon usage de la couleur ; d’autant qu’il y avoit eu beaucoup de Peintres, lesquels pretendans exceller en cette partie là, non seulement avoient négligé le dessein, mais par cette non chalance s’étoient entierement éloignés de l’imitation du naturel aussi bien dans la couleur que dans la forme affectant de faire paroître de fausses obscurités, sous pretexte de donner plus de force & d’éclat à leurs ouvrages, que par cette maniere on voyoit en plusieurs Tableaux des choses aussi contraires à la raison qu’à la verité.

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on representa, que les anciens au sortir de la pratique de peindre à détrempe tomberent en quelque sorte de dureté par la grande force des ombres, comme on le peut remarquer en quelques ouvrages de Jule Romain, de Raphael, & autres, tant de l’École des Romains, que celles des Lombards qui ont travaille dans ces premiers tems là, où l’usage des reflexs, n’étoit point encore connu, que les reflexs sont d’une grande utilité pour produire l’union dans les couleurs, portants quelque chose des couleurs voisines dans l’ombre des corps, sur lesquels ils rejalissent, ce qui est l’avantage des siecles suivants où les habilles hommes se sont étudiés à la belle oeconomie & dispensation des couleurs, qui est le plus bel effet que peut produire leur raisonnable mariage

Quotation

Toutes ces considerations sur le merite du dessein & de la couleur ayants été rapportées en une assemblée particuliere, il fut dit qu’il n’étoit pas difficile de les concillier ensemble, mais que le plus important étoit d’expliquer les regles & les preceptes que l’on pouvoit donner aux étudiants, pour faire bon usage de la couleur ; d’autant qu’il y avoit eu beaucoup de Peintres, lesquels pretendans exceller en cette partie là, non seulement avoient négligé le dessein, mais par cette non chalance s’étoient entierement éloignés de l’imitation du naturel aussi bien dans la couleur que dans la forme affectant de faire paroître de fausses obscurités, sous pretexte de donner plus de force & d’éclat à leurs ouvrages, que par cette maniere on voyoit en plusieurs Tableaux des choses aussi contraires à la raison qu’à la verité.

Quotation

Que la perspective fournissoit des regles universelles pour la representation des objets tant pour la forme que pour la couleur, & pour les degrés de force, des teintes & des ombres, tellement que l’on devoit s’étudier à se rendre trés familieres, afin de les bien mettre en pratique, en observant toûjours de faire un choix avantageux des divers effets de la nature, pour s’efforcer d’atteindre à la beauté & perfection de l’art

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L’on dit qu’à la verité, l’on ne pouvoit pas avec des couleurs artificielles imiter le grand éclat des lumieres naturelles, que par l’opposition des obscurités n’y faire paroitre le relief, que par les divers degrez des Teintes & des Ombres, mais aussi qu’il y auroit de la temerité d’entreprendre l’impossible : que pour cette raison l’on étoit convenu dans les conferences precedentes de ne point faire paroître en un Tableau le Corps de quelque lumiere que ce soit, & que ne pouvant atteindre à l’éclat du naturel, il se falloit contenter d’en approcher autant par les moyens de l’art le pouvoient permettre proportionnant le brun au clair, & tenant avec une sage mediocrité le milieu, entre les manieres qui sont outrées, comme en l’Ecole des Lombards, & celles qui sont fades & mesquines, ainsi que dans les manieres Gottiques qui affectoient d’éviter les ombres.

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Puis qu’il n y a que cette seule difference qui rende la fin du Peintre particuliere & qui le distingue d’avec les autres arts : car de pretendre que la fin du Peintre soit de plaire & de tromper, en feignant du relief sur une superficie plate, à quoi le dessein juste, & correct, pourroit réussir simplement avec du crayon sans la couleur, s’étoit se tromper sois-même, puisque, si le but est de plaire, c’étoit à la couleur qu’appartient cet avantage [...] L’on ajoûta que le dessein étoit commun avec les sculpteurs & Graveurs, mais que la couleur est le propre du Peintre, & que l’on ne pouvoit prendre cette qualité qu’à cause de l’emploi des couleurs, qui sont capables de tromper les yeux en imitant les choses naturelles ; qu’étant donc la chose qui le distingue d’avec les autres Artisans, elle devoit être considerée d’une façon singuliere

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Mais que pour bien pratiquer l’usage des couleurs, l’on devoit soigneusement observer deux choses. La premiere ; d’Etudier qu’elles en sont les propriétés naturelles, en reconnoître bien leur valeur & leurs effets pour les pouvoir appliquer avec oeconomie associant celles qui se peuvent marier ensemble, pour produire une agreable union, & opposer celles qui sont propres à se relever l’une l’autre par un doux contraste.

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on representa, que les anciens au sortir de la pratique de peindre à détrempe tomberent en quelque sorte de dureté par la grande force des ombres, comme on le peut remarquer en quelques ouvrages de Jule Romain, de Raphael, & autres, tant de l’École des Romains, que celles des Lombards qui ont travaille dans ces premiers tems là, où l’usage des reflexs, n’étoit point encore connu, que les reflexs sont d’une grande utilité pour produire l’union dans les couleurs, portants quelque chose des couleurs voisines dans l’ombre des corps, sur lesquels ils rejalissent, ce qui est l’avantage des siecles suivants où les habilles hommes se sont étudiés à la belle oeconomie & dispensation des couleurs, qui est le plus bel effet que peut produire leur raisonnable mariage ; Il faut de plus considerer leur valeur pour les ranger en sorte qu’elles puissent mutuellement s’entre-aider & se faire valoir par un judicieux contraste, leur force, pour les placer aux endroits que l’on veut faire paroître avancés ou reculées, & leur union pour les associer en une agreable correspondance ; mais on considera aussi qu’en s’attachant à ce menagement harmonieux des couleurs, on ne devoit pas negliger le bon choix des matieres & leur application, évitant le mélange de celles qui sont corruptibles avec celles qui sont pures, & l’avoisinement de celles qui peuvent causer quelque aigreur ou dureté à la vuë & sur tout dans leur Emploi, les appliquer proprement, chaque teinte en sa place ne les brouillant & tourmentant que le moins qu’il est possible, sur tout dans les carnations, où à l’imitation du Titien, on doit donner tout l’avantage, & l’éclat, en n’y approchant que des couleurs sales pour les faire paroître d’autant plus vives & plus fraiches

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qu’ainsi il étoit d’une trés grande consequence de s’étudier à bien connoître la couleur, & de se rendre ses charmes familiers, afin de ne pas s’y laisser surprendre, & de pouvoir étudier le reste avec plus de liberté : qu’un tableau dessigné mediocrement, où les couleurs seroient en tout leur éclat, feroit plus d’agreables effets à la vuë, qu’un autre où le dessein seroit en sa plus parfaite justesse où la couleur seroit negligée, parce que la couleur en sa perfection representoit toûjours la verité & que le dessein ne pouvoit representer que la possibilité.

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Toutes ces considerations sur le merite du dessein & de la couleur ayants été rapportées en une assemblée particuliere, il fut dit qu’il n’étoit pas difficile de les concillier ensemble, mais que le plus important étoit d’expliquer les regles & les preceptes que l’on pouvoit donner aux étudiants, pour faire bon usage de la couleur ; d’autant qu’il y avoit eu beaucoup de Peintres, lesquels pretendans exceller en cette partie là, non seulement avoient négligé le dessein, mais par cette non chalance s’étoient entierement éloignés de l’imitation du naturel aussi bien dans la couleur que dans la forme affectant de faire paroître de fausses obscurités, sous pretexte de donner plus de force & d’éclat à leurs ouvrages, que par cette maniere on voyoit en plusieurs Tableaux des choses aussi contraires à la raison qu’à la verité.

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qu’ainsi il étoit d’une trés grande consequence de s’étudier à bien connoître la couleur, & de se rendre ses charmes familiers, afin de ne pas s’y laisser surprendre, & de pouvoir étudier le reste avec plus de liberté : qu’un tableau dessigné mediocrement, où les couleurs seroient en tout leur éclat, feroit plus d’agreables effets à la vuë, qu’un autre où le dessein seroit en sa plus parfaite justesse où la couleur seroit negligée, parce que la couleur en sa perfection representoit toûjours la verité & que le dessein ne pouvoit representer que la possibilité.