Illustration

PRESENTATION

TESTELIN, Henry, Table seconde des préceptes de la peinture sur les proportions, estampe, dans TESTELIN, Henry, Sentimens des plus habiles peintres du tems, sur la pratique de la peinture et sculpture, Recueillis & mis en Tables de Preceptes. Avec six discours academiques, Extraits des Conferences tenuës en l’Académie Royale desdits Arts & prononcés en presence de deffunt Monsieur Colbert, Conseiller du Roi en tous ses Conseils, Controleur General des Finances, Surintendant & Ordonnateur des Bâtiments du Roi, Jardins, Arts & Manufactures de France, protecteur de ladite Academie, assemblée generalement en des jours solemnels pour la delivrance du Prix Royal, par Henry Testelin, Peintre du Roi, Professeur & Secretaire en ladite Academie, La Haye, Matthieu Rogguet, s.d. [1693 ou 1694], n.p. [après p. 12].

Les originaux des six Tables de Testelin sont aujourd'hui perdus. Leur première lecture auprès de l'Académie s'est échelonnée entre 1675 et 1679 et a ensuite donné lieu à une première édition en 1680 des Tables seules, intitulée Sentiments des plus habiles peintres du temps sur la pratique de la peinture (Paris, 1680). Les discours rédigés par Testelin n'ont quant à eux été rédigés et publiés qu'ultérieurement, d'abord vers 1693-1694 (La Haye, M. Rogguet) puis en 1696 (Paris, Vve Mabre-Cramoisy) avec leurs Tables respectives reproduites. Dès 1683, Sandrart a également traduit en latin les Tables de Testelin dans son Academia nobilissimae artis pictoriae. Comme l'indique une mention au bas de la planche, la Table sur les proportions présentée ici a été lue par Testelin le 2 octobre 1678. Dans l'édition de ses discours, il y a également adjoint une planche d'Exemples touchant les proportions et les contours (comportant des copies d'antiques).

Quotation

On fit remarquer que les figures qui sont d'une belle proportion, font ordinairement des actions grandes & majestueuses par la relation qu'il y a entre la forme des corps & la disposition des esprits qui les animent, que la Noblesse & la Majesté des actions consistent en la grandeur & en la liberté des parties, que les belles proportions sont toûjours accompagnées de force & d'agilité, que la force d'un homme paroit à avoir la poitrine large, les épaules grosses & pleines, les bras puissants, dont les muscles soient ressentis & les articles bien noüez, que l'agilité se remarque par les hanches étroites, les genoux & les chevilles des pieds resserrés, le gras de la jambe troussé & peu charnu [...].

Quotation

L'on fit remarquer, que lors qu'un muscle fait son action, il se grossit en se retirant vers son principe, cependant qu'il diminue & defaut à la fin, c'est ce qui cause l'inégalité & la beauté des contours. [...] d'où l'on infera que la connoissance du mouvement des muscles étoit d'autant plus necessaire aux Etudiants du Dessein, qu'elle sert à leur apprendre la juste proportion du Corps humain, & ses veritables contours, qu'au contraire l'ignorance de ces choses les portoit à beaucoup d'erreurs

Quotation

On a dit en d'autres entrêtiens, que cette difference des proportions pouvoit être causée par la diversité des exercices, celui qui travaille son corps en des mouvemens libres & forts, [...], ce qui les rend beaucoup plus marqués que ceux qui vivent en un doux repos & dans l'oisiveté. [...] L'on representa que toutes les differences remarquées dans les proportions ce doivent aussi observer à l'égard des contours, puisque c'est par leur moyen que l'on peut former leur diversité. Ce qui fit considérer de quatre sortes de sujets qui forment autant de difference de proportions & de contours, que l'on nomma vulgaires, Pastoralles & Champestres, dont on dit que les contours doivent être grossiers, ondoyants & incertains, appellant ondoyants la maniere de dessigner, où l'on ne voit aucuns muscles, qui commande à lautre, mais qui s'entresuivent également, que les grossiers & incertains sont tels, que les muscles paroissent confondus avec les tendons & les artères, & où rien n'est articulé, ce qui est pour des sujets simples & des gens grossiers.
En des sujets serieux, où la nature doit être representée belle & agreable, les contours doivent être nobles & certains, passant doucement de l'un à l'autre, en formant les parties grandes & precises, comme il paroît aux figures des jeunes hommes & des filles, où l'on ne voit rien d'aigu, mais au contraire les contours bien coulants.
La troisiéme sorte de contours que l'on a nommé grands, forts, resolus & arrêtés sont ceux auxquels ne se trouvent rien de douteux, [...] où il n'y a rien de choisi & de bien ordonné, ce qui est propre à representer des Heros  qui ne doivent avoir rien que de parfait, car comme les Poëtes leur ont attribué, des vertus surnaturelles, les Peintres & Sculpteurs de l'Antiquité en avoient fait de même, choisissant en plusieurs corps, ce qu'il y avoit de plus beau pour en composer un, qui fût propre à de telles expressions & capable d'entrer en des sujets heroïques & extraordinaires.
En quatriéme lieu, l'on considera une maniere de contours artistes excedants le naturel, que l'on nomma puissans, austeres & terribles, puissans pour ce qu'ils font paroître les figures grandes & majestueuses, & qu'ils forment de grandes parties ; austeres parce qu'ils n'ont rien que de solide & de necessaire & qu'ils ne soustrent point de choses inutiles, [...], cette manière n'étant propre qu'à representer des divinités, que c'étoit ce que les anciens avoient soigneusement pratiqué [...].

Les contours terribles sont pour les Ouvrages éloignés de la vûë, & pour representer des geans.

[...] un Peintre doit éviter autant qu'il sera possible les contours petits & chetifs, à moins d'y être obligé par la necessité des sujets & la varieté du contraste, que l'oeconomie des contours doit servir à dégager la taille & la proportion, [...]. L'on trouva dans le Tableau de Raphaël un illustre exemple [...], qui fit dire que les proportions & les contours ont du rapport avec le mouvement des esprits, qui donna lieu de parler de lexpression, [...]

Quotation

L'on fit remarquer, que lors qu'un muscle fait son action, il se grossit en se retirant vers son principe, cependant qu'il diminue & defaut à la fin, c'est ce qui cause l'inégalité & la beauté des contours. [...] d'où l'on infera que la connoissance du mouvement des muscles étoit d'autant plus necessaire aux Etudiants du Dessein, qu'elle sert à leur apprendre la juste proportion du Corps humain, & ses veritables contours, qu'au contraire l'ignorance de ces choses les portoit à beaucoup d'erreurs, ne pouvants representer les organes dans leurs veritables offices, & que les jeunes gens suivants aveuglement les manieres qui flattent leurs inclinations font paroître les muscles dans la contraction également comme dans la relaxation, & les contours toûjours semblables, enfin que cette connoissance aprend à éviter la rencontre ou parallellité des contours, laquelle ne peut arriver aux articles, puisque les muscles opposés les uns aux autres sont dissemblables en forme & en action. Quelqu'un repartit à cela, qu'il ne suffisoit pas de sçavoir exactement les noms des muscles, leurs situations, & leurs formes, que le principal étoit d'en connoître les effets exterieurs, ce que l'on ne pouvoit apprendre que sur un naturel vivant & animé, & qu'il ne falloit pas trop s'arrêter l'esprit à l'étude de l'Anatomie, ni s'y engager trop avant, parce qu'il ny a rien de certain que la mesure des proportions, qu'on ne peut prendre que sur l'Ostollogie, [...].

Quotation

On fit remarquer que les figures qui sont d'une belle proportion, font ordinairement des actions grandes & majestueuses par la relation qu'il y a entre la forme des corps & la disposition des esprits qui les animent, que la Noblesse & la Majesté des actions consistent en la grandeur & en la liberté des parties, que les belles proportions sont toûjours accompagnées de force & d'agilité, que la force d'un homme paroit à avoir la poitrine large, les épaules grosses & pleines, les bras puissants, dont les muscles soient ressentis & les articles bien noüez, que l'agilité se remarque par les hanches étroites, les genoux & les chevilles des pieds resserrés, le gras de la jambe troussé & peu charnu [...].

Quotation

On fit remarquer que les figures qui sont d'une belle proportion, font ordinairement des actions grandes & majestueuses par la relation qu'il y a entre la forme des corps & la disposition des esprits qui les animent, que la Noblesse & la Majesté des actions consistent en la grandeur & en la liberté des parties, que les belles proportions sont toûjours accompagnées de force & d'agilité, que la force d'un homme paroit à avoir la poitrine large, les épaules grosses & pleines, les bras puissants, dont les muscles soient ressentis & les articles bien noüez, que l'agilité se remarque par les hanches étroites, les genoux & les chevilles des pieds resserrés, le gras de la jambe troussé & peu charnu [...].

Quotation

On fit remarquer que les figures qui sont d'une belle proportion, font ordinairement des actions grandes & majestueuses par la relation qu'il y a entre la forme des corps & la disposition des esprits qui les animent, que la Noblesse & la Majesté des actions consistent en la grandeur & en la liberté des parties, que les belles proportions sont toûjours accompagnées de force & d'agilité, que la force d'un homme paroit à avoir la poitrine large, les épaules grosses & pleines, les bras puissants, dont les muscles soient ressentis & les articles bien noüez, que l'agilité se remarque par les hanches étroites, les genoux & les chevilles des pieds resserrés, le gras de la jambe troussé & peu charnu [...].

Quotation

Ce qui fit considérer de quatre sortes de sujets qui forment autant de difference de proportions & de contours, que l'on nomma vulgaires, Pastoralles & Champestres, dont on dit que les contours doivent être grossiers, ondoyants & incertains, appellant ondoyants la maniere de dessigner, où l'on ne voit aucuns muscles, qui commande à lautre, mais qui s'entresuivent également, que les grossiers & incertains sont tels, que les muscles paroissent confondus avec les tendons & les artères, & où rien n'est articulé, ce qui est pour des sujets simples & des gens grossiers.
En des sujets serieux, où la nature doit être representée belle & agreable, les contours doivent être nobles & certains, passant doucement de l'un à l'autre, en formant les parties grandes & precises, comme il paroît aux figures des jeunes hommes & des filles, où l'on ne voit rien d'aigu, mais au contraire les contours bien coulants.
La troisiéme sorte de contours que l'on a nommé grands, forts, resolus & arrêtés sont ceux auxquels ne se trouvent rien de douteux, [...] où il n'y a rien de choisi & de bien ordonné, ce qui est propre à representer des Heros  qui ne doivent avoir rien que de parfait, car comme les Poëtes leur ont attribué, des vertus surnaturelles, les Peintres & Sculpteurs de l'Antiquité en avoient fait de même, choisissant en plusieurs corps, ce qu'il y avoit de plus beau pour en composer un, qui fût propre à de telles expressions & capable d'entrer en des sujets heroïques & extraordinaires.
En quatriéme lieu, l'on considera une maniere de contours artistes excedants le naturel, que l'on nomma puissans, austeres & terribles, puissans pour ce qu'ils font paroître les figures grandes & majestueuses, & qu'ils forment de grandes parties ; austeres parce qu'ils n'ont rien que de solide & de necessaire & qu'ils ne soustrent point de choses inutiles, [...], cette manière n'étant propre qu'à representer des divinités, que c'étoit ce que les anciens avoient soigneusement pratiqué [...].

Les contours terribles sont pour les Ouvrages éloignés de la vûë, & pour representer des geans.

Quotation

[...] il fut agité si on pouvoit fonder quelque certitude sur ces mesures là, & si les Anciens les avoient suivies dans leurs Ouvrages comme une regle infaillible, sur quoi on dit [...], qu'il est certain que les Antiques avoient observé cette proportion que même Vitruve, qui vivoit de leur tems, a écrit qu'il prenoit toutes ses mesures sur la faces de l'homme, qu'a la verité la maniere d'en diviser les parties n'étoit point prescrite, parce qu'il laissoit au jugement de chacun d'en faire telle division qu'il jugeroit à propos, qu'il sembleroit que le front devroit être la partie la plus propre pour en regler les mesures, puisque c'est l'endroit où étoit plus specialement marqué les Traits de la belle Physionomie, mais que les Anciens avoient plûtôt choisi la grandeur du nez [...], que cet usage de mesurer est observé dans l'Architecture, [...].
L'on remarqua ensuite, que la pratique de la mesure étoit plus propre à la Sculpture qu'à la Peinture, parce que le Peintre ne peut pas mesurer facilement à cause du racourci qu'il ne peut pas éviter de faire en quelque partie, pour peu de mouvement que fasse un Corps animé, [...], tellement qu'un Peintre qui voudroit s'assujettir aux mesures par l'observation des regles, [...], il feroit toûjours un Ouvrage amorti & sans vivacité, la fatigue du travail éteignant le feu de l'esprit, c'est pourquoi il doit se remplir l'entendement de la precision des Regles, & les imprimer fortement dans la memoire, pour en travaillant de jugement, en avoir toûjours les idées presentes, afin qu'elles puissent precisement le conduire avec justesse dans ses ouvrages, au lieu que dans la Sculpture il est très-aisé de mesurer toutes les parties d'une figure, ce qui a fait dire que le Sculpteur doit avoir toûjours le Compas à la main, & le Peintre au contraire dans l'oeil. On observa que ceux qui ont fait les belles figures Antiques ont augmenté les mesures selon la distance, dont elles devoient être vûës, se servant des Regles de l'Optique pour les faire paroître en leur legitime grandeur, [...].
En une autre occasion l'on tomba sur le même sujet, ayant exposé la figure du Laocoon, on y representa, que la Geometrie contribuoit beaucoup à perfectionner les Arts de Peinture & de Sculpture, donnant des moyens necessaires pour bien reprensenter toutes les apparences des objets de la nature, étant certain, que quand un Ouvrage seroit très-beau en toutes les autres parties, si les mesures n'y étoient pas justes ce qui lui feroit une très grande defectuosité.

Quotation

On fit remarquer que les figures qui sont d'une belle proportion, font ordinairement des actions grandes & majestueuses par la relation qu'il y a entre la forme des corps & la disposition des esprits qui les animent, que la Noblesse & la Majesté des actions consistent en la grandeur & en la liberté des parties, que les belles proportions sont toûjours accompagnées de force & d'agilité, que la force d'un homme paroit à avoir la poitrine large, les épaules grosses & pleines, les bras puissants, dont les muscles soient ressentis & les articles bien noüez, que l'agilité se remarque par les hanches étroites, les genoux & les chevilles des pieds resserrés, le gras de la jambe troussé & peu charnu [...].

Quotation

L'on remarqua ensuite, que la pratique de la mesure étoit plus propre à la Sculpture qu'à la Peinture, parce que le Peintre ne peut pas mesurer facilement à cause du racourci qu'il ne peut pas éviter de faire en quelque partie, pour peu de mouvement que fasse un Corps animé, [...], tellement qu'un Peintre qui voudroit s'assujettir aux mesures par l'observation des regles, [...], il feroit toûjours un Ouvrage amorti & sans vivacité, la fatigue du travail éteignant le feu de l'esprit, c'est pourquoi il doit se remplir l'entendement de la precision des Regles, & les imprimer fortement dans la memoire, pour en travaillant de jugement, en avoir toûjours les idées presentes, afin qu'elles puissent precisement le conduire avec justesse dans ses ouvrages, au lieu que dans la Sculpture il est très-aisé de mesurer toutes les parties d'une figure, ce qui a fait dire que le Sculpteur doit avoir toûjours le Compas à la main, & le Peintre au contraire dans l'oeil. On observa que ceux qui ont fait les belles figures Antiques ont augmenté les mesures selon la distance, dont elles devoient être vûës, se servant des Regles de l'Optique pour les faire paroître en leur legitime grandeur, [...].

Quotation

L'on remarqua ensuite, que la pratique de la mesure étoit plus propre à la Sculpture qu'à la Peinture, parce que le Peintre ne peut pas mesurer facilement à cause du racourci qu'il ne peut pas éviter de faire en quelque partie, pour peu de mouvement que fasse un Corps animé, [...] [...] En une autre occasion l'on tomba sur le même sujet, ayant exposé la figure du Laocoon, on y representa, que la Geometrie contribuoit beaucoup à perfectionner les Arts de Peinture & de Sculpture, donnant des moyens necessaires pour bien reprensenter toutes les apparences des objets de la nature, étant certain, que quand un Ouvrage seroit très-beau en toutes les autres parties, si les mesures n'y étoient pas justes ce qui lui feroit une très grande defectuosité.

Quotation

[...] il fut agité si on pouvoit fonder quelque certitude sur ces mesures là, & si les Anciens les avoient suivies dans leurs Ouvrages comme une regle infaillible, sur quoi on dit [...], qu'il est certain que les Antiques avoient observé cette proportion que même Vitruve, qui vivoit de leur tems, a écrit qu'il prenoit toutes ses mesures sur la faces de l'homme, qu'a la verité la maniere d'en diviser les parties n'étoit point prescrite, parce qu'il laissoit au jugement de chacun d'en faire telle division qu'il jugeroit à propos, qu'il sembleroit que le front devroit être la partie la plus propre pour en regler les mesures, puisque c'est l'endroit où étoit plus specialement marqué les Traits de la belle Physionomie, mais que les Anciens avoient plûtôt choisi la grandeur du nez [...], que cet usage de mesurer est observé dans l'Architecture, [...].

Quotation

[...] On remarqua que les Proportions consistent en hauteur, largeur, & grosseur, qu'elles ne peuvent être sans le Corps, dont elles sont les mesures, ni dans une partie imparfaite ; qu'elle se distinguoit naturellement par le sexe, par l'âge, & par la condition. L'on en considera de quatre sortes, suivant la difference des qualités & du temperament, les unes grosses & courtes, d'autres delicates & sweltes, des fortes & puissantes, des grelles & deliées, sur lesquelles l'on proposa des mesures tirées tant sur le naturel que sur les belles figures Antiques. [...] l'on considera les divers dégrez de l'enfance & de la jeunesse, les proportions de l'homme en son âge viril, & pour éviter les repetitions ennuyeuses des diverses mesures : On en examina seulement de deux sortes, l'une pour les figures Nobles & Heroïques, l'autre pour les hommes Rustiques & Paysans, ne faisant mention des autres que pour faire connoître en quoi elles sont differentes.
L'on choisit pour la première sorte la figure Antique d'Apollon, [...]. Pour la seconde sorte de Proportion, l'on prit la figure Antique du jeune Faune [...].

Quotation

[...] il fut agité si on pouvoit fonder quelque certitude sur ces mesures là, & si les Anciens les avoient suivies dans leurs Ouvrages comme une regle infaillible, sur quoi on dit [...], qu'il est certain que les Antiques avoient observé cette proportion que même Vitruve, qui vivoit de leur tems, a écrit qu'il prenoit toutes ses mesures sur la faces de l'homme, qu'a la verité la maniere d'en diviser les parties n'étoit point prescrite, parce qu'il laissoit au jugement de chacun d'en faire telle division qu'il jugeroit à propos, qu'il sembleroit que le front devroit être la partie la plus propre pour en regler les mesures, puisque c'est l'endroit où étoit plus specialement marqué les Traits de la belle Physionomie, mais que les Anciens avoient plûtôt choisi la grandeur du nez [...], que cet usage de mesurer est observé dans l'Architecture, [...].

Quotation

L'on fit remarquer, que lors qu'un muscle fait son action, il se grossit en se retirant vers son principe, cependant qu'il diminue & defaut à la fin, c'est ce qui cause l'inégalité & la beauté des contours. [...] d'où l'on infera que la connoissance du mouvement des muscles étoit d'autant plus necessaire aux Etudiants du Dessein, qu'elle sert à leur apprendre la juste proportion du Corps humain, & ses veritables contours, qu'au contraire l'ignorance de ces choses les portoit à beaucoup d'erreurs, ne pouvants representer les organes dans leurs veritables offices, & que les jeunes gens suivants aveuglement les manieres qui flattent leurs inclinations font paroître les muscles dans la contraction également comme dans la relaxation, & les contours toûjours semblables, enfin que cette connoissance aprend à éviter la rencontre ou parallellité des contours, laquelle ne peut arriver aux articles, puisque les muscles opposés les uns aux autres sont dissemblables en forme & en action. Quelqu'un repartit à cela, qu'il ne suffisoit pas de sçavoir exactement les noms des muscles, leurs situations, & leurs formes, que le principal étoit d'en connoître les effets exterieurs, ce que l'on ne pouvoit apprendre que sur un naturel vivant & animé, & qu'il ne falloit pas trop s'arrêter l'esprit à l'étude de l'Anatomie, ni s'y engager trop avant, parce qu'il ny a rien de certain que la mesure des proportions, qu'on ne peut prendre que sur l'Ostollogie, [...]. On fit remarquer que les figures qui sont d'une belle proportion, font ordinairement des actions grandes & majestueuses par la relation qu'il y a entre la forme des corps & la disposition des esprits qui les animent, que la Noblesse & la Majesté des actions consistent en la grandeur & en la liberté des parties, que les belles proportions sont toûjours accompagnées de force & d'agilité, que la force d'un homme paroit à avoir la poitrine large, les épaules grosses & pleines, les bras puissants, dont les muscles soient ressentis & les articles bien noüez, que l'agilité se remarque par les hanches étroites, les genoux & les chevilles des pieds resserrés, le gras de la jambe troussé & peu charnu [...].

Quotation

On a dit en d'autres entrêtiens, que cette difference des proportions pouvoit être causée par la diversité des exercices, celui qui travaille son corps en des mouvemens libres & forts, [...], ce qui les rend beaucoup plus marqués que ceux qui vivent en un doux repos & dans l'oisiveté. [...] L'on representa que toutes les differences remarquées dans les proportions ce doivent aussi observer à l'égard des contours, puisque c'est par leur moyen que l'on peut former leur diversité. Ce qui fit considérer de quatre sortes de sujets qui forment autant de difference de proportions & de contours, [...] [...] un Peintre doit éviter autant qu'il sera possible les contours petits & chetifs, à moins d'y être obligé par la necessité des sujets & la varieté du contraste, que l'oeconomie des contours doit servir à dégager la taille & la proportion, [...]. L'on trouva dans le Tableau de Raphaël un illustre exemple [...], qui fit dire que les proportions & les contours ont du rapport avec le mouvement des esprits, qui donna lieu de parler de lexpression, [...].

Quotation

L'on remarqua pour la fin, qu'il n'est pas possible, de prescrire precisement toutes les marques des differentes passions, à cause de la diversité, de la forme, & du temperament : [...] qu'ainsi le Peintre doit avoir égard à toutes ces differences, pour conformer les expressions passions au caractere des figures, à la proportion & aux contours.
L'on rapporta à ce propos, ce que quelques naturalistes ont écrit de la physionomie, à sçavoir, que les affections de l'ame suivent le temperament du corps, & que les marques exterieures sont des signes certains des affections de l'ame [...] 

Quotation

[...], tellement qu'un Peintre qui voudroit s'assujettir aux mesures par l'observation des regles, [...], il feroit toûjours un Ouvrage amorti & sans vivacité, la fatigue du travail éteignant le feu de l'esprit, c'est pourquoi il doit se remplir l'entendement de la precision des Regles, & les imprimer fortement dans la memoire, pour en travaillant de jugement, en avoir toûjours les idées presentes, afin qu'elles puissent precisement le conduire avec justesse dans ses ouvrages, au lieu que dans la Sculpture il est très-aisé de mesurer toutes les parties d'une figure, ce qui a fait dire que le Sculpteur doit avoir toûjours le Compas à la main, & le Peintre au contraire dans l'oeil. On observa que ceux qui ont fait les belles figures Antiques ont augmenté les mesures selon la distance, dont elles devoient être vûës, se servant des Regles de l'Optique pour les faire paroître en leur legitime grandeur, [...].

Quotation

L'on representa que toutes les differences remarquées dans les proportions ce doivent aussi observer à l'égard des contours, puisque c'est par leur moyen que l'on peut former leur diversité. Ce qui fit considérer de quatre sortes de sujets qui forment autant de difference de proportions & de contours, que l'on nomma vulgaires, Pastoralles & Champestres, dont on dit que les contours doivent être grossiers, ondoyants & incertains, appellant ondoyants la maniere de dessigner, où l'on ne voit aucuns muscles, qui commande à lautre, mais qui s'entresuivent également, que les grossiers & incertains sont tels, que les muscles paroissent confondus avec les tendons & les artères, & où rien n'est articulé, ce qui est pour des sujets simples & des gens grossiers.
En des sujets serieux, où la nature doit être representée belle & agreable, les contours doivent être nobles & certains, passant doucement de l'un à l'autre, en formant les parties grandes & precises, comme il paroît aux figures des jeunes hommes & des filles, où l'on ne voit rien d'aigu, mais au contraire les contours bien coulants.
La troisiéme sorte de contours que l'on a nommé grands, forts, resolus & arrêtés sont ceux auxquels ne se trouvent rien de douteux, [...] où il n'y a rien de choisi & de bien ordonné, ce qui est propre à representer des Heros  qui ne doivent avoir rien que de parfait, car comme les Poëtes leur ont attribué, des vertus surnaturelles, les Peintres & Sculpteurs de l'Antiquité en avoient fait de même, choisissant en plusieurs corps, ce qu'il y avoit de plus beau pour en composer un, qui fût propre à de telles expressions & capable d'entrer en des sujets heroïques & extraordinaires.
En quatriéme lieu, l'on considera une maniere de contours artistes excedants le naturel, que l'on nomma puissans, austeres & terribles, puissans pour ce qu'ils font paroître les figures grandes & majestueuses, & qu'ils forment de grandes parties ; austeres parce qu'ils n'ont rien que de solide & de necessaire & qu'ils ne soustrent point de choses inutiles, [...], cette manière n'étant propre qu'à representer des divinités, que c'étoit ce que les anciens avoient soigneusement pratiqué [...].