MÉLANGE (n. m.)
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Outre la connoissance des Couleurs qu’il faut imiter [ndr : cf. le passage précédent, à propos de la difficulté à imiter les couleurs en peinture], tant aux carnations, ou chairs & Draperies, qu’és Coloris des autres divers corps, il y a l’union ou beau meslange desdites Couleurs, tant és places des Jours, Teintes & demye Teintes, qu’és Ombres & Ombrages, & de plus que suivant leurs diverses parties, le tout soit bien alié, noyé, ou comme fondu ensemble, chacun en la place ou chaque chose doit s’estendre.
Les Tableaux qui sont d’une maniere finie, fort leschée & pennée, ainsi que plusieurs des vieux que lon voit, & où les poils ou cheveux des figures & autres telles choses deliées, se pourroient en quelque sorte conter & voir, d’autant que lesdits poils & autres parties d’iceux, sont faits avec la pointe du pinceau, semblent estre bien plus faciles à imiter, puis que la pluspart des pinceaux ont pointe, & aussi que les Contours & tournans desdits Corps sont d’ordinaire en quelque sorte coupez & tranchez, mais ce que les Copistes trouvent difficiles parmy plusieurs autres choses, est de pouvoir estendre uniement, tendrement, & également, les Couleurs, principalement lors qu’il faut exprimer des Jours sur les Eminences : Car quand ces choses sont ainsi couchées inegalement, il y paroist des taches blanchastres & grizastres, lesdites grizastres sont celles où il y a peu de Couleur, & les blanchastres où il y en a davantage ; ainsi lors qu’on voit ou remarque en tels Ouvrages de ces inegalitez & de la peine au maniment, application & norissement desdites Couleurs, lon en fait mauvais jugement ;
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Du meslange des couleurs l’une avec l’autre
Bien que le meslange des couleurs l’une avec l’autre soit d’une estendue presque infinie, je ne laisseray par pour cela d’en toucher icy legerement quelque chose, establissant premierement un certain nombre de couleurs simples pour servir de fondement & avec chacune d’elles, meslant chacune des autres une à une, & puis deux à deux, & trois à trois, poursuivant ainsi jusqu’au meslange entier de toutes ensemble : puis je recommencerai à mesler ces couleurs deux avec deux, & tois avec trois, & puis quatre à quatre, continuant ainsi jusqu’à la fin : sur ces deux couleurs on en mettra trois, & à ces trois on y en adjoutera trois, & puis six, allant tousjours augmentant de suite en la mesme proportion : or j’appelle couleurs simples celles qui ne sont point composées, & ne peuvent estres faites ny supplées par aucun meslange des autres couleurs : le noir et le blanc, quoy qu’ils ne soient point contez entre les couleurs, l’un representant les tenebres & l’autre le jour ; c’est à dire, l’un estant une simple privation, & l’autre le producteur : mais pour cela je ne les veux point laisser en arriere, veu qu’en peinture ils sont les plus necessaires, toute la peinture n’estant qu’un effet & une composition des ombres & des lumieres, c’est à dire de clair & d’obscur. Apres le noir & le blanc vient l’azur, puis le verd, & le tanné, ou l’ocre de terre d’ombre, après le morel ou pourpre & le rouge, qui font en tout huit couleurs, & il n’y en a pas advantage dans la nature, desquelles je vays commencer le meslange. Soit premierement le noir & blanc, & puis le noir & le jaune, le noir & le rouge : […]
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Des couleurs qui sont produites par leur meslange des autres couleurs […]
Des couleurs simples la premiere de toutes est le blanc, bien qu’entre les Philosophes le blanc & le noir ne soient point contez parmy les couleurs parce que l’un n’est que la cause productrice des couleurs, & l’autre leur privation ; neanmoins parce que le peintre ne peut s’en passer, nous les admettons au nombre des autres, & donnerons la premiere place au blanc entre les simples de cét ordre ; le jaune aura la seconde, le verd la troisieme, l'azur la quatriesme, le rouge aura la cinquiesme, et la dernière sera pour le noir : nous establirons le blanc comme la lumiere, sans laquelle nulle couleur ne peut estre veuë ; le jaune sert pour représenter la terre ; le verd pour l'eau ; l'azur pour l'air et le rouge pour le feu, et le noir pour les ténèbres qui sont par-dessus l'élément du feu parce qu'il n'y a plus de matiere ou densité dans laquelle les rayons du soleil puissent pénétrer, et s'arrester, ny par conséquent illuminer. Si vous voulez voir bien tost la varieté de toutes les couleurs composées, prenez des quarreaux de verre peints, & au travers de ces verres considerez toutes les couleurs de la campagne : car par ce moyen vous connoistrez que la couleur de chaque chose se trouvera derriere ce verre sera toute falsifiée & meslée avec la teinte qui est sur le verre, & vous pourrez remarquer quelles seront les couleurs qui en recevront une plus nuisible ou advantageuse composition : par exemple si le verre est teint en jaune, je dis que l’espece des objects qu’on void au travers peut aussi tost se gaster comme se perfectionner, & les couleurs qui en recevront plus d’alteration, sont particulierement entre les autres l’azur, le noir & le blanc, & celles qui en tireront quelque advantage pour leur perfection seront principalement le jaune & le verd , & ainsi l’on ira parcourant de l’œil le meslange de ces couleurs, qui sera presque infini, si bien que de cette maniere vous ferez le choix des couleurs, la composition desquelles vous semblera la plus plaisante & plus nouvelle : vous pourrez faire de mesme avec deux verres de diverses teintes, & ainsi de suite avec trois & d’avantage en continuant la mesme methode.
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Lors qu’en Flandre un Peintre [ndr : Van Eyck] qui estoit en assez grande reputation en ce païs-là, & qui se plaisoit dans les secrets de la Chymie, reconnoissant aussi bien que les autres l’incommodité qu’il y avoit de travailler à détrempe, s’apperceut aprés plusieurs essais & diverses experiences, qu’en broyant les couleurs avec de l’huile de noix ou de lin, il s’en faisoit une Peinture solide, qui non seulement resistoit à l’eau, mais encore qui conservoit une vivacité & un lustre qui n’avoit pas besoin de vernix. Il vit de plus, que le mélange & les teintes des couleurs se faisant bien mieux avec de l’huile qu’autrement, les Tableaux avoient beaucoup plus d’union, plus de force & plus de douceur.
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361. [Que jamais deux extremitez contraires, &c.] Le Sens de la veuë a cela de commun avec tous les autres, qu’il abhorre les extremitez contraires. Et de mesme que les mains qui ont grand froid, souffrent beaucoup lors qu’on les approche tout d’un coup du feu ; ainsi les yeux qui trouvent un extreme Blanc auprés d’un extreme Noir, ou un bel Azur auprés d’un Vermillon ardent, ne sçauroient regarder ces extremitez qu’avec peine, quoy qu’ils y soient toûjours attirez par l’éclat des deux contraires.
Ce Precepte oblige de sçavoir les Couleurs qui ont amitié ensemble, & celles qui sont incompatibles ; ce que l’on pourra aisément découvrir en mélant ensemble les Couleurs dont on veut faire épreuve : & si par ce mélange elles font une Couleur douce & qui ne soit point desagreable aux yeux, c’est une marque qu’il y a de l’union & de la sympathie entr’elles ; si au contraire la Couleur qui sera produite du mélange des deux autres, est rude à la veuë, il faut conclure qu’il y a de la contrarieté & de l’antipathie entre ces deux Couleurs. Le Vert par exemple est une Couleur agreable, qui peut venir du Bleu & du Jaune mélez ensemble, & par consequent le Bleu & le Jaune sont deux Couleurs qui sympathisent. Et tout au contraire le mélange du Bleu & du Vermillon ont une antipathie ensemble ; & ainsi des autres couleurs, dont vous pouvez faire essay, & vous éclaircir une fois pour toutes. […] L’on peut neantmoins passer par dessus ce Precepte, quand on n’a qu’une ou deux Figures à traiter, & que parmy un grand nombre on en veut faire remarquer quelqu’une, qui est des principales du Sujet, & qui autrement ne pourroit se faire remarquer par dessus les autres. Titien dans le Tableau qu’il a fait du Triomphe de Bacchus, ayant placé Ariadne sur l’un des costez du Tableau, & ne pouvant pour cette raison la faire remarquer par les éclats de la lumiere qu’il a voulu conserver dans le milieu, il luy a donné une écharpe de Vermillon sur une Draperie bleuë, tant pour la détacher de son fonds qui est déjà une mer bleuë, qu’à cause que c’est une des principales Figures du Sujet, sur laquelle il veut que l’œil soit attiré. Paul Veronese dans sa Noce de Cana, parce que le Christ, qui est la Principale Figure du Sujet, est un peu enfoncé dans le Tableau, & qu’il n’a pû le faire remarquer par le brillant du Clair-Obscur, il l’a vestu de Bleu & de Vermillon, pour faire que la veuë se portast sur cette Figure.
Les Couleurs ennemies se pourront d’autant plus allier, que vous y meslerez d’autres Couleurs qui auront de la sympathie l’une avec l’autre, & qui s’accorderont avec celles que vous voudrez, pour ainsi dire, reconcilier.
TIZIANO (Tiziano Vecellio), Le Triomphe de Bacchus ou Bacchus et Ariane, 1520 - 1523, huile sur toile, 176,5 x 191, London, National Gallery, NG35.
VERONESE, Paolo (Paolo Caliari), Les Noces de Cana, 1563, huile sur toile, 677 x 994, Paris, Musée du Louvre, Inv. 142.
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[…] les couleurs principalles dont nous nous servons, sont le blanc de plomb, qui est le plus beau de tous, la terre rouge, la terre jaune, la terre verte, la laque, le stil de grum, le noir d’os & de charbon, par le mélange desquelles on fait des teintes admirables qui approchent de la chair. On se sert aussi d’outremer, qui est une couleur excellente, non seulement pour les draperies, mais aussi pour la carnation, ayant la propriété de conserver l’éclat et la vivacité de toutes les autres couleurs, avec quoy on la mesle. La lasque fine & le vermillon sont encore fort bons pour bien imiter la chair, & sur toute la chair des femmes qui est plus fraische et plus delicate que celle des hommes. […]
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Si les figures les plus proches doivent estre éclairées, il y appliquera son clair plus fort qu’à tout le reste du Tableau; & si elles doivent estre ombrées, il y employra de mesme son brun le plus fort, & le plus agreable à la veüe, adoucissant cét excez de force avec jugement : car ce n’est ny le grand clair, ny le grand brun, qui font ce bel effet qu’on admire dans les Tableaux, mais le meslange judicieux des couleurs, & la conduit du Peintre à les appliquer selon la convenance naturelle de son sujet.
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Du meslange des couleurs.
L’Effect d’un tableau ne vient donc pas seulement du clair-obscur, mais encore de la nature des couleurs, nous dirons icy les qualitez de celles, dont on se sert ordinairement, que l’on appelle couleurs capitales ; parce qu’elles servent à faire la composition de toutes les autres, dont le nombre est infiny.
[...] [ndr voir cette sous-partie dans son ensemble]
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car ce n’est pas seulement la bonté des couleurs qui en fait la beauté dans un Tableau, c’est le travail & la maniere de les employer ; ce qui fait qu’un bon & un mauvais Peintre font des ouvrages bien differents quoy qu’ils se servent des mesmes couleurs. Outre cela, il y a le meslange qui se fait des couleurs principales les unes avec les autres ; qui ne s’apprend bien que par la pratique, & encore ce en seroit pas assez de l’avoir veu faire une ou deux fois, il faut comprendre en travaillant soy-mesme la force & la nature de chaque couleur en particulier, & sçavoir mesme avant que de les employer l’effet qu’elles doivent faire. Car comme les Sciences & les Arts ont quelque ressemblance les uns avec les autres ; les Peintres ont cela de commun avec les Orateurs que de mesme qu’il n’est pas possible, selon le tesmoignage d’Hermogenes, de bien faire une oraison, & de sçavoir comment elle doit estre composée, si l’on ne sçait auparavant quelles sont les choses qui doivent y entrer, aussi est-il difficile à un Peintre de bien colorier les corps qu’il veut representer, s’il ne sçait la force des couleurs qu’il veut employer, & l’effet qu’elles produiront quand elles seront meslées ensemble : comme quand le noir de charbon est meslé avec le blanc, le Peintre doit sçavoir qu’il en naistra une couleur d’un gris bluastre ; & que le jaune & le bleu feront du vert.
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Dans l’art de traiter les couleurs, & dans le meslange que l’on fait des unes avec les autres, il se rencontre beaucoup de choses à considerer. Car il y a le meslange des couleurs qui se fait sur la palette avec le couteau lors que l’on compose les principales teintes dont on croit avoir besoin : Et le meslange qui se fait avec le pinceau sur la palette ou sur le Tableau mesme pour joindre ensemble toutes les couleurs & pour les noyer les unes avec les autres. De tous ces differents meslanges de couleurs s’engendre cette multitude de differentes teintes qui se rencontrent dans les tableaux, sans lesquelles le Peintre ne peut bien imiter, ny les carnations, ny les draperies, ny generallement toutes les autres choses qu’il veut representer. Et comme il doit faire le meslange de ses teintes sur sa palette ou sur son tableau selon les couleurs qui luy paroissent dans le naturel, il faut qu’il soit extraordinairement soigneux d’observer dans la Nature de quelle maniere elles y paroissent : c’est à dire qu’il doit, en considerant les corps des hommes, regarder de quelle façon ils sont colorez ; quelles parties sont plus vives, & quelles parties sont plus claires ; celles qui sont plus rouges & celles qui ont une apparence un peu bluastre, comme sont d’ordinaire les chairs plus délicates ; & prendre bien garde comment toutes ces differentes couleurs s’unissent & se meslent si bien ensemble, qu’il semble qu’une infinité de diverses teintes ne fassent qu’une seule couleur.
Quand un Peintre sçait mesler ses couleurs, les lier & noyer tendrement, on appelle cela bien peindre ; C’est la partie qu’avoit le Corege, comme je vous ay dit assez de fois, & ce beau meslange de couleurs non seulement se doit faire dans les superficies égales en clarté, mais encore dans la jonction ou nouëment des parties claires avec les brunes.
Ce nouëment, interrompit Pymandre, & ce meslange de couleurs qui se fait avec tendresse, est-ce point ce que Pline appelle commissura & transitus colorum ? Et ce qu’Ovide entend lors qu’il parle des couleurs de l’arc-en-ciel, quand il dit :
In quo diversiniteant cum mille colores,
Transitus ipse tamen spectantia lumina fallit,
Usque adeo quod tangit idem & tamen ultima distant. {Ovid. 6. Meth. v. 65.}
Je ne croy pas qu’on puisse mieux exprimer le passage presqu’insensible qui se fait d’une couleur à une autre. Il me souvient que Philostrate traitant de l’education d’Achilles, observe que ce qui paroissoit de plus merveilleux dans la representation de Chiron peint en Centaure, estoit l’assemblage de la Nature humaine avec celle du cheval, que le Peintre avoit si adroitement jointes ensemble, qu’on ne pouvoit connoistre la separation de l’une d’avec l’autre, ny s’apercevoir où elle commençoit, & où elle finissoit.
Les plus beaux exemples qu’un en voye dans la peinture, repartis-je sont dans la Gallerie de Farnese, où les Caraches ont representé Persée qui change des hommes en pierres : Et dans le Cabinet du Roy, où le Guide a peint le Cantaure Nesse qui enleve Dejanire.
CARRACCI, Annibale, Persée et Phinéas, v. 1597 - 1602, fresque, 220 x 480, Roma, Palazzo Farnese.
RENI, Guido, Déjanire enlevée par le centaure Nessus, 1617 - 1621, huile sur toile, 239 x 193, Paris, Musée du Louvre, Inv. 537.
CARRACCI, Annibale
IL CORREGGIO (Antonio Allegri)
OVIDIUS
PHILOSTRATOS
PLINIUS, L'Ancien
RENI, Guido
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Quand un Peintre sçait mesler ses couleurs, les lier & noyer tendrement, on appelle cela bien peindre ; C’est la partie qu’avoit le Corege, comme je vous ay dit assez de fois, & ce beau meslange de couleurs non seulement se doit faire dans les superficies égales en clarté, mais encore dans la jonction ou nouëment des parties claires avec les brunes.
Ce nouëment, interrompit Pymandre, & ce meslange de couleurs qui se fait avec tendresse, est-ce point ce que Pline appelle commissura & transitus colorum ? Et ce qu’Ovide entend lors qu’il parle des couleurs de l’arc-en-ciel, quand il dit :
In quo diversiniteant cum mille colores,
Transitus ipse tamen spectantia lumina fallit,
Usque adeo quod tangit idem & tamen ultima distant. {Ovid. 6. Meth. v. 65.}
Je ne croy pas qu’on puisse mieux exprimer le passage presqu’insensible qui se fait d’une couleur à une autre. Il me souvient que Philostrate traitant de l’education d’Achilles, observe que ce qui paroissoit de plus merveilleux dans la representation de Chiron peint en Centaure, estoit l’assemblage de la Nature humaine avec celle du cheval, que le Peintre avoit si adroitement jointes ensemble, qu’on ne pouvoit connoistre la separation de l’une d’avec l’autre, ny s’apercevoir où elle commençoit, & où elle finissoit.
Les plus beaux exemples qu’un en voye dans la peinture, repartis-je sont dans la Gallerie de Farnese, où les Caraches ont representé Persée qui change des hommes en pierres : Et dans le Cabinet du Roy, où le Guide a peint le Cantaure Nesse qui enleve Dejanire.
CARRACCI, Annibale, Persée et Phinéas, v. 1597 - 1602, fresque, 220 x 480, Roma, Palazzo Farnese.
RENI, Guido, Déjanire enlevée par le centaure Nessus, 1617 - 1621, huile sur toile, 239 x 193, Paris, Musée du Louvre, Inv. 537.
CARRACCI, Annibale
IL CORREGGIO (Antonio Allegri)
OVIDIUS
PHILOSTRATOS
PLINIUS, L'Ancien
RENI, Guido
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Quand on veut peindre quelque chose, il faut, pour une plus grande facilité faire les Teintes des Couleurs que l’on veut imiter en prenant avec le Couteau des Couleurs simples & capitales qui sont sur la Palette ce qu’il en faut, soit en qualité soit en quantité, & les mêler ensemble, pour en avoir la Teinte que l’on cherche. Les corps naturels ont ordinairement leurs jours, leurs Ombres, & leurs demies teintes ; & c’est pour les imiter en ces trois differens degrez, que le Peintre par le Mélange de ses Couleurs fait des Teintes sur sa Palette.
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[...] Il [ndr : Rembrandt] a si bien placé les teintes & les demi-teintes les unes auprés des autres, & si bien entendu les lumieres & les ombres, que ce qu’il a peint, d’une maniere grossiere, & qui mesme ne semble souvent qu’ébauché, ne laisse pas de réüssir, lors, comme je vous ay dit, qu’on n’en est pas trop prés. Car par l’éloignement, les coups de pinceau fortement donnez, & cette épaisseur de couleurs que vous avez remarquée, diminuënt à la veüë, & se noyant & meslant ensemble, font l’effet qu’on souhaite. La distance qu’on demande pour bien voir un tableau, n’est pas seulement afin que les yeux ayent plus d’espace & plus de commodité pour embrasser les objets et pour les mieux voir ensemble : c’est encore afin qu’il se trouve davantage d’air entre l’œil & l’objet.
Vous voulez dire, interrompit Pymandre, que par le moyen d’une plus grande densité d’air, toutes les couleurs d’un tableau paroissent noyées & comme fonduës, s’il faut me servir de vos termes, les unes avec les autres.
C’est répondis-je, que quelque soin qu’on apporte à bien peindre un ouvrage, toutes ses parties estant composées d’une infinité de differentes teintes, qui demeurent toûjours en quelque façon distinctes & separées, ces teintes n’ont garde d’estre meslées ensemble, de la mesme sorte que sont celles des corps naturels. Il est bien vray que quand un tableau est peint dans la derniere perfection, il peut estre consideré dans une moindre distance ; & il a cet avantage de paroistre avec plus de force & de rondeur, comme sont ceux du Corége. C’est pourquoi je vous ay fait remarquer que la grande union & le mélange des couleurs sert beaucoup à donner aux tableaux plus de force & de vérité ; & qu’aussi plus ou moins de distance contribuë infiniment à cette union.
Je vous diray encore, que c’est par la mesme raison de cette grande union de couleurs, que les excellens tableaux peints à huile, & qui sont faits il y a long-temps, paroissent avec plus de force & de beauté, parce que toutes les couleurs dont ils ont esté peints, ont eu plus de loisir de se mesler & se noyer ou fondre les unes avec les autres, à mesure que ce qu’il y avoit de plus aqueux & de plus humide dans l’huile, s’est seché. C’est ce qui fait que l’on couvre les tableaux avec un vernis qui émousse cette pointe brillante & cette vivacité, qui quelquefois éclate trop & inégalement dans des ouvrages fraîchement faits ; & ce vernis leur donne & plus de force & plus de douceur.
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Mais revenons à la Peinture. Je puis encore prouver le peu de suffisance des Peintres anciens par quelques morceaux de peinture antique qu'on voit à Rome en deux ou trois en-droits ; car quoy que ces ouvrages ne soient pas tout à fait du temps d’Appelle & de Zeuxis, ils sont apparemment dans la mesme manière ; & tout ce qu'il peut y avoir de difference, c'est que les Maistres qui les ont faits estant un peu moins anciens, pourroient avoir sçû quelque chose davantage dans la peinture. J’ay vû celuy des Nopces qui est dans la Vigne Aldobrandine, & celuy qu'on appelle le Tombeau d'Ovide. Les figures en sont bien dessinées, les attitudes sages & naturelles, & il y a beaucoup de noblesse & de dignité dans les airs de teste, mais il y a tres-peu d'entente dans le mélange des couleurs ; & point du tout dans la perspective ny dans l’ordonnance. Toutes les teintes sont aussi fortes les unes que les autres, rien n'avance, rien ne recule dans le tableau, & toutes les figures sont presque sur la mesme ligne, en sorte que c’est bien moins un tableau qu'un bas relief antique coloré, tout y est sec & immobile sans union, sans liaison, & sans cette mollesse des corps vivans qui les distingue du marbre & de la bronze qui les représentent.
ANONYME, Les Noces Aldobrandines, Ier siècle avant J.-C. - Ier siècle après J.-C., fresque, 95 x 255, Vatican, Musei Vaticani, Inv. 79631.
ANONYME, Rape of Proserpina, IIe siècle après J.-C. - IIIe siècle après J.-C., peinture murale, 71 x 98 , London, British Museum, 1883,0505.1.
Il est fort probable que le Tombeau d'Ovide évoqué ici par Perrault soit en réalité celui des Nasonii, retrouvé en 1674 à Rome, et orné de peintures. Parmi elles, on retrouve par exemple L'enlèvement de Proserpine (The Rape of Proserpina) conservé au British Museum. Des reproductions dans Le pitture antiche del sepolcro de Nasonii nella Via Flaminia : disegnate, ed intagliate alla similitudine degli antichi originali de Bellori, paru en 1680, doivent également être signalées (planche XII pour l'oeuvre du British Museum par exemple). À ce sujet, voir notamment, Delphine Burlot. Peintures romaines antiques et faussaires. Sources et techniques. Archéologie et Préhistoire. Université Paris-Sorbonne - Paris IV, 2007, p. 68 et suivantes.
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LE PRESIDENT. Quoy donc le saint Michel & la sainte famille que nous venons de voir, ne seront pas comparables aux tableaux de Monsieur le Brun.
L’ABBE. Je serois bien faschée d'avoir avancé une telle proposition, ce sont deux chef-d'œuvres incomparables, & qui surpassent comme je l'ay déja dit, tout ce que l'Italie a de plus beau. Il y a quelque chose de si grand & de si noble dans l'attitude & dans l'air de teste du saint Michel ; la correction du dessein y est si juste, & le mélange des couleurs si parfait, que ce qui peut y estre desiré comme un peu moins de force dans l'extremité des parties ombrées, n’empesche pas qu'il ne soit le premier tableau du monde, à moins qu'on ne luy fasse disputer ce rang par le tableau de la sainte Famille.
LE BRUN, Charles, La tente de Darius ou les reines de Perse aux pieds d'Alexandre, v. 1660 - v. 1661, huile sur toile, 298 x 453, Versailles, Château de Versailles, MV 6165.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , Saint Michel terrassant le démon dit le Grand Saint Michel, v. 1518, huile sur bois, 268 x 160, Paris, Musée du Louvre, Inv. 610.
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio) , ROMANO, Giulio et DA UDINE, Giovanni, Sainte Famille avec sainte Élisabeth, le petit saint Jean et deux anges dite La Grande Sainte Famille, 1518, huile sur bois, 207 x 140, Paris, Musée du Louvre, Inv. 604.
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Il faut de plus considerer leur valeur pour les ranger en sorte qu’elles puissent mutuellement s’entre-aider & se faire valoir par un judicieux contraste, leur force, pour les placer aux endroits que l’on veut faire paroître avancés ou reculées, & leur union pour les associer en une agreable correspondance ; mais on considera aussi qu’en s’attachant à ce menagement harmonieux des couleurs, on ne devoit pas negliger le bon choix des matieres & leur application, évitant le mélange de celles qui sont corruptibles avec celles qui sont pures, & l’avoisinement de celles qui peuvent causer quelque aigreur ou dureté à la vuë & sur tout dans leur Emploi, les appliquer proprement, chaque teinte en sa place ne les brouillant & tourmentant que le moins qu’il est possible, sur tout dans les carnations, où à l’imitation du Titien, on doit donner tout l’avantage, & l’éclat, en n’y approchant que des couleurs sales pour les faire paroître d’autant plus vives & plus fraiches ; enfin que dans cette partie de la couleur, l’on doit considerer ces trois choses conjointement pour y exceller, la belle oeconomie des couleurs, la propreté dans leur mêlange & application, & la liberté du Pinceau ; ces trois choses (qui bien souvent font chacune tout le talant d’un homme) ne se doivent jamais separer, encore qu’ils requierent chacun un soin particulier pour imiter la beauté du naturel.
École grecque
École romaine
LE COMTE, Florent
RAFFAELLO (Raffaello Sanzio)
ROMANO, Giulio
TIZIANO (Tiziano Vecellio)
Comme de nombreuses autres parties de texte, ce passage de Testelin est repris par Florent Le Comte dans son Cabinet des singularitez (...), plus précisément aux pages 69-71 de son édition de 1699-1700 (Paris, Etienne Picart & Nicolas Le Clerc). Le Comte reprend également la Table des Préceptes sur la Couleur aux pages 50-53.
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[…] la couleur simple est celle qui toute seule ne represente aucun objet comme le blanc pur, c’est-à-dire, sans mélange ; le noir pur, le jaune pur, le rouge pur, le bleu, le verd & les autres couleurs dont le Peintre charge d’abord sa palette, & qui lui servent ensuite à faire les mélanges dont il a besoin pour arriver à une fidéle imitation.
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[…] les couleurs lumineuses sont douces & aëriennes, & qu’en les mêlant ensemble elles s’accordent entr’elles : mais il est constant aussi que certaines couleurs belles, douces & lumineuses bien loin de s’accorder, se détruisent par le mélange ; tel est le bel outremer accompagné de blanc, avec le beau jaune & le beau vermillon. Et quoique ces couleurs seules auprès l’une de l’autre soient d’un grand éclat, elles font lorsqu’elles sont mêlées, une couleur de terre la plus vilaine du monde.
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Le corps des couleurs est encore un autre principe pour juger de leur destruction par le mélange. Car il y a des couleurs qui ont tant de corps qu’elles ne peuvent souffrir aucune autre couleur, sans la dépouiller presqu’entierement de ses qualités naturelles : telles sont l’occre de Rut, la terre-d’ombre, l’indigo & d’autres à proportion.
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Le mélange de certaines couleurs qui en diminue la force, ou qui les met en harmonie avec d’autres, leur donne le nom de couleurs rompues. On peut en faire une infinité de sortes : & Paul Veronese s’y est si heureusement attaché qu’il peut servir d’un bon modéle en cette partie.
Il est à remarquer que pour y réussir, il a affecté de se servir de couleurs lumineuses qu’il a rendues sensibles par des fonds encore plus lumineux.
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Quotation
MESLER, MESLANGE. On mêle les couleurs : on fait des mélanges de couleurs ; d’agréables mélanges ; de mauvais mélanges. Une seule couleur est souvent le composé de plusieurs mélanges : Une seule couleur est souvent le composé de plusieurs mélanges : en mêlant les couleurs, il faut prendre garde de les trop tourmenter.