Work of Art

PRESENTATION

LE BRUN, Charles, La tente de Darius ou les reines de Perse aux pieds d'Alexandre, v. 1660 - v. 1661, huile sur toile, 298 x 453, Versailles, Château de Versailles, MV 6165.

Cycle d'Alexandre réalisé par Charles Le Brun entre 1665 et 1673, ayant fait l'objet de modèles de tapisseries produits à la manufacture des Gobelins. Plusieurs de ces modèles se reconnaissent également dans les têtes d'expression dessinées par Le Brun et présentées à l'Académie (le 28 mars 1671 et le 9 février 1678 notamment), dont on retrouve par ailleurs des copies dans plusieurs ouvrages de théorie (Testelin, Conférence sur l'Expression de Le Brun).

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LE PRESIDENT. Quoy donc le saint Michel & la sainte famille que nous venons de voir, ne seront pas comparables aux tableaux de Monsieur le Brun. [...] L' ABBE. Cela ne conclut pas. Je demeure d'accord que ces deux tableaux, & plusieurs autres Maistres anciens, excellent tellement dans les parties principales de la peinture, qu'à tout prendre ils peuvent estre preferez à ceux d'aujourd'huy, mais je soutiens que ces grands hommes ont tous manqué en de certaines parties, où nos excellens Maistres ne manquent plus. Raphaël par exemple a si peu connu la degradation des lumieres, & cet affoiblissement des couleurs que cause l'interposition de l’air en un mot ce qu'on appelle la perspective aérienne, que les figures du fond du tableau sont presque aussi marquées que celles du devant, […]. [...] Car il y a dans les ouvrages de peinture comme dans les viandes nouvellement tuées ou dans les fruits fraischement cueillis, une certaine crudité & une certaine âpreté, que le temps seul peut cuire & adoucir en amortissant ce qui est trop vif, en affoiblissant ce qui est trop fort, & en noyant les extremitez des couleurs les unes dans les autres : Qui sçait le degré de beauté qu'aquerrera la Famille de Darius, le Triomphe d'Alexandre, la deffaite de Porus & les autres grands tableaux de cette force, quand le Temps aura achevé de les peindre, & y aura mis les mesmes beautez dont il a enrichi le saint Michel & la sainte Famille.

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Der dritte Discours von der Mahlerey. Das III. Capitel. Worauf über dieses in HISTORIEN-Gemählden besonders zu sehen, p. 68 
[Ist ferner nöthig auf folgende Stücke mit Achtung zu geben]
4. Auf die besondern Affecten einer jeden Person/ daß aus ihrem Gesichte/ und aus ihrer Action könne geschlossen werden/ was die Person andeuten und vorstellen solle. Auch in diesem Stück kan
le Brun, sonderlich aber das jenige Stück/ da er Alexandrum und Ephestion gemahlet/ wie sie zu des Darius Familie in das Gezelt kommen/ vor ein Haupt exempel dienen. Doch hat ihn Rubens noch darinnen übertroffen.

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D'ailleurs quelle beauté & quelle diversité dans les airs de teste de ce tableau [ndr : La tente de Darius de Le Brun] ; ils sont tous grands, tous nobles, & si cela se peut dire, tous heroïques en leur maniere, de mesme que les vestemens, que le Peintre a recherchez avec un soin & une étude inconcevable. Dans le tableau des Pelerins toutes les testes & toutes les draperies, hors celles du Christ & des deux disciples qui ont quelque noblesse ; sont prises sur des hommes & des femmes de la connoissance du Peintre, ce qui avilit extremement la composition de ce tableau, & fait un mélange aussi mal assorti, que si dans une Tragedie des plus sublimes on mesloit quelques Scenes d'un stile bas & comique.

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Der dritte Discours von der Mahlerey. Das III. Capitel. Worauf über dieses in HISTORIEN-Gemählden besonders zu sehen, p. 68 
[Ist ferner nöthig auf folgende Stücke mit Achtung zu geben]
4. Auf die besondern Affecten einer jeden Person/ daß aus ihrem Gesichte/ und aus ihrer Action könne geschlossen werden/ was die Person andeuten und vorstellen solle. Auch in diesem Stück kan
le Brun, sonderlich aber das jenige Stück/ da er Alexandrum und Ephestion gemahlet/ wie sie zu des Darius Familie in das Gezelt kommen/ vor ein Haupt exempel dienen. Doch hat ihn Rubens noch darinnen übertroffen.

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Ainsi la grande difficulté n'est pas de prouver qu'on l'emporte aujourd'huy sur Zeuxis, sur les Timantes & sur les Appelles, mais de faire voir qu’on a encore quelque avantage sur les Raphaels, sur les Titiens, sur les Pauls Veroneses, & sur les autres grands Peintres du dernier siecle. Cependant j'ose avancer qu'à regarder l'Art en luy-mesme, entant qu’il est un amas & une collection de preceptes, on trouvera qu'il est plus accompli & plus parfait presentement qu'il ne l'estoit du temps de ces grands Maistres.

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Der dritte Discours von der Mahlerey. Das III. Capitel. Worauf über dieses in HISTORIEN-Gemählden besonders zu sehen, p. 68 
[Ist ferner nöthig auf folgende Stücke mit Achtung zu geben]
2. Auf das
Decorum, daß die Bilder solche Kleidung/ die Bäume solch Laub/ die Gebäude solche Ordonnance und Verzierung bekommen/ als sie in dem Land zu der Zeit gehabt/ da die Geschicht passiret. Dieses hat le Brun in seinen Gemählden von Alexandro, welche theils auf dem Louvre, theils zu Versailles sind/ wohl in Acht genommen.

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Ainsi à regarder la peinture en elle-mesme & entant qu'elle est un amas de preceptes pour bien peindre, elle est aujourd’huy plus parfaite & plus accomplie qu’elle ne l'a jamais esté dans tous les autres siecles. Je diray mesme que je ne suis pas bien ferme dans le jugement que je fais en faveur des tableaux de ces anciens Maistres, non seulement à cause du respect dont je suis prevenu pour leur ancienneté, mais aussi à cause de la beauté réelle & effective que cette ancienneté leur donne. Car il y a dans les ouvrages de peinture comme dans les viandes nouvellement tuées ou dans les fruits fraischement cueillis, une certaine crudité & une certaine âpreté, que le temps seul peut cuire & adoucir en amortissant ce qui est trop vif, en affoiblissant ce qui est trop fort, & en noyant les extremitez des couleurs les unes dans les autres : Qui sçait le degré de beauté qu'aquerrera la Famille de Darius, le Triomphe d'Alexandre, la deffaite de Porus & les autres grands tableaux de cette force, quand le Temps aura achevé de les peindre, & y aura mis les mesmes beautez dont il a enrichi le saint Michel & la sainte Famille. Car je remarque que ces grands tableaux de Monsieur le Brun se peignent & s'embellissent tous les jours, & que le Temps en y adoucissant ce que le pinceau judicieux luy a donné pour estre adouci & pour amuser son activité, qui sans cela s'attaqueroit à la substance de l’ouvrage, y ajoûte mille nouvelles graces, qu’il n’y a que luy seul qui puisse donner.

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L’ABBE. J'en conviens, mais quelle necessité & quelle bienseance y a-t’il que ces personnages parlent, & que cette femme vienne montrer là sa chair ? [...] Cela est vray, si vous renfermez la qualité de Peintre à représenter naïvement quelque objet, sans se mettre en peine s'il y a de la vray-semblance, de la bien-seance & du bon sens dans la composition ; mais je ne croy pas que les Peintres vueillent renoncer à l'obligation d'observer des conditions justes & si necessaires dans tout un ouvrage. Quoyqu'il en soit, je soûtiens qu'en qualité de Peintre il [ndr : Véronèse] n'a pas mieux gardé l'unité qui doit estre dans la composition d’un sujet, qu'il l'a fait en qualité d'historien, puisqu'il a mis deux points de veuë dans son tableau, l’un pour le Païsage, & l'autre pour la Chambre, où le Sauveur est assis à table avec ses Disciples ; car l’horison du Païsage est plus bas que cette table dont on voit le dessus qui tend à un autre point de veuë beaucoup plus élevé ; faute de perspective qu'on ne pardonneroit pas aujourd’huy à un Ecolier de quinze jours. Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées. L'unité d'action, c'est Alexandre qui entre dans la tente de Darius. L'unité de lieu, c'est cette tente où il n'y a que les personnes qui s'y doivent trouver. L'unité de temps c'est le moment où Alexandre dit qu'on ne s'est pas beaucoup trompé en prenant Ephestion pour luy, parce que Ephestion est un autre luy-mesme.

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LE CHEVALIER. Je vous avoue que le tableau de la famille Darius m'a toûjours semblé le chef-d’œuvre de Monsieur le Brun ; & peut-estre que l'honneur qu'il a eu de le peindre sous les yeux du Roy, est cause qu'il s'y est surpassé luy-mesme ; car il le fit à Fontainebleau, où Sa Majesté prenoit une extreme plaisir tous les jours à le voir travailler.
LE PRESIDENT. Quoy donc le saint Michel & la sainte famille que nous venons de voir, ne seront pas comparables aux tableaux de Monsieur le Brun.
L’ABBE. Je serois bien faschée d'avoir avancé une telle proposition, ce sont deux chef-d'œuvres incomparables, & qui surpassent comme je l'ay déja dit, tout ce que l'Italie a de plus beau. Il y a quelque chose de si grand & de si noble dans l'attitude & dans l'air de teste du saint Michel ; la correction du dessein y est si juste, & le mélange des couleurs si parfait, que ce qui peut y estre desiré comme un peu moins de force dans l'extremité des parties ombrées, n’empesche pas qu'il ne soit le premier tableau du monde, à moins qu'on ne luy fasse disputer ce rang par le tableau de la sainte Famille.

LE PRESIDENT. Vous passez donc condamnation pour ces deux tableaux ; & voila le siecle de Raphaël au dessus du nôtre.
L' ABBE. Cela ne conclut pas.

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Quoyqu'il en soit, je soûtiens qu'en qualité de Peintre il [ndr : Véronèse] n'a pas mieux gardé l'unité qui doit estre dans la composition d’un sujet, qu'il l'a fait en qualité d'historien, puisqu'il a mis deux points de veuë dans son tableau, l’un pour le Païsage, & l'autre pour la Chambre, où le Sauveur est assis à table avec ses Disciples ; car l’horison du Païsage est plus bas que cette table dont on voit le dessus qui tend à un autre point de veuë beaucoup plus élevé ; faute de perspective qu'on ne pardonneroit pas aujourd’huy à un Ecolier de quinze jours. Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées.

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LE PRESIDENT. Quoy donc le saint Michel & la sainte famille que nous venons de voir, ne seront pas comparables aux tableaux de Monsieur le Brun.
L’ABBE. Je serois bien faschée d'avoir avancé une telle proposition, ce sont deux chef-d'œuvres incomparables, & qui surpassent comme je l'ay déja dit, tout ce que l'Italie a de plus beau. Il y a quelque chose de si grand & de si noble dans l'attitude & dans l'air de teste du saint Michel ; la correction du dessein y est si juste, & le mélange des couleurs si parfait, que ce qui peut y estre desiré comme un peu moins de force dans l'extremité des parties ombrées, n’empesche pas qu'il ne soit le premier tableau du monde, à moins qu'on ne luy fasse disputer ce rang par le tableau de la sainte Famille.

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Der dritte Discours von der Mahlerey. Das III. Capitel. Worauf über dieses in HISTORIEN-Gemählden besonders zu sehen, p. 68 
[Ist ferner nöthig auf folgende Stücke mit Achtung zu geben]
2. Auf das
Decorum, daß die Bilder solche Kleidung/ die Bäume solch Laub/ die Gebäude solche Ordonnance und Verzierung bekommen/ als sie in dem Land zu der Zeit gehabt/ da die Geschicht passiret. Dieses hat le Brun in seinen Gemählden von Alexandro, welche theils auf dem Louvre, theils zu Versailles sind/ wohl in Acht genommen.

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LE PRESIDENT. Quoy donc le saint Michel & la sainte famille que nous venons de voir, ne seront pas comparables aux tableaux de Monsieur le Brun. [...] L' ABBE. Cela ne conclut pas. Je demeure d'accord que ces deux tableaux, & plusieurs autres Maistres anciens, excellent tellement dans les parties principales de la peinture, qu'à tout prendre ils peuvent estre preferez à ceux d'aujourd'huy, mais je soutiens que ces grands hommes ont tous manqué en de certaines parties, où nos excellens Maistres ne manquent plus. Raphaël par exemple a si peu connu la degradation des lumieres, & cet affoiblissement des couleurs que cause l'interposition de l’air en un mot ce qu'on appelle la perspective aérienne, que les figures du fond du tableau sont presque aussi marquées que celles du devant, […].

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i l'on regarde avec quel soin on a fait tendre toutes choses à un seul but, rien n'est de plus lié, de plus reuni, & de plus un, si cela se peut dire, que la representation de cette histoire ; & rien en même temps n'est plus divers & plus varié si l'on considère les différentes attitudes des personnages, & les expressions particulieres de leurs passions. Tout ne va qu'à representer l'étonnement, l'admiration, la surprise & la crainte que cause l'arrivée du plus celebre Conquerant de la Terre, & si ces passions qui n'ont toutes qu'un mesme objet le trouvent différemment exprimées dans les diverses personnes qui les ressentent. La Mere de Darius abbatuë sous le poids de sa douleur & de son âge, [...]. [...] D'ailleurs quelle beauté & quelle diversité dans les airs de teste de ce tableau [ndr : La tente de Darius de Le Brun] ; ils sont tous grands, tous nobles, & si cela se peut dire, tous heroïques en leur maniere, de mesme que les vestemens, que le Peintre a recherchez avec un soin & une étude inconcevable. Dans le tableau des Pelerins toutes les testes & toutes les draperies, hors celles du Christ & des deux disciples qui ont quelque noblesse ; sont prises sur des hommes & des femmes de la connoissance du Peintre, ce qui avilit extremement la composition de ce tableau, & fait un mélange aussi mal assorti, que si dans une Tragedie des plus sublimes on mesloit quelques Scenes d'un stile bas & comique.

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Si nous voulons présentement entrer dans ce qui est du pur Art de la peinture, nous trouverons que non seulement la Perspective y est partout bien observée, mais que rien ne se peut ajoûter à la belle œconomie du tout ensemble, les figures qui semblent participer presque également à la mesme lumiere, sont neantmoins tellement degradées, que si on les vouloit changer de place, elles ne pourroient s’accorder ensemble, à cause de la difference de leur teinte, qui semble la mesme dans la situation où elles sont, mais qui paroistroit alors tres-differente. Voila ce qui ne se peut pas dire si positivement du tableau des Pellerins, de Paul Veronese, ny de la plûpart des tableaux de son temps. Ainsi je compare les ouvrages de nos excellens Modernes à des corps animez, dont les parties sont tellement liées les unes avec les autres, qu'elles ne peuvent pas estre mises ailleurs, qu'au lieu où elles sont ; & je compare la plûpart des tableaux anciens à un amas de pierres ou d'autres choses jettées ensemble au hazard, & qui pourroient se ranger autrement qu'elles ne sont sans qu'on s'en apperçust.

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Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées. L'unité d'action, c'est Alexandre qui entre dans la tente de Darius. L'unité de lieu, c'est cette tente où il n'y a que les personnes qui s'y doivent trouver. L'unité de temps c'est le moment où Alexandre dit qu'on ne s'est pas beaucoup trompé en prenant Ephestion pour luy, parce que Ephestion est un autre luy-mesme. Si l'on regarde avec quel soin on a fait tendre toutes choses à un seul but, rien n'est de plus lié, de plus reuni, & de plus un, si cela se peut dire, que la representation de cette histoire ; & rien en même temps n'est plus divers & plus varié si l'on considère les différentes attitudes des personnages, & les expressions particulieres de leurs passions. Tout ne va qu'à representer l'étonnement, l'admiration, la surprise & la crainte que cause l'arrivée du plus celebre Conquerant de la Terre, & si ces passions qui n'ont toutes qu'un mesme objet le trouvent différemment exprimées dans les diverses personnes qui les ressentent. La Mere de Darius abbatuë sous le poids de sa douleur & de son âge, [...].

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Der dritte Discours von der Mahlerey. Das III. Capitel. Worauf über dieses in HISTORIEN-Gemählden besonders zu sehen, p. 68 
[Ist ferner nöthig auf folgende Stücke mit Achtung zu geben]
2. Auf das
Decorum, daß die Bilder solche Kleidung/ die Bäume solch Laub/ die Gebäude solche Ordonnance und Verzierung bekommen/ als sie in dem Land zu der Zeit gehabt/ da die Geschicht passiret. Dieses hat le Brun in seinen Gemählden von Alexandro, welche theils auf dem Louvre, theils zu Versailles sind/ wohl in Acht genommen.

Quotation

Der dritte Discours von der Mahlerey. Das III. Capitel. Worauf über dieses in HISTORIEN-Gemählden besonders zu sehen, p. 68 
[Ist ferner nöthig auf folgende Stücke mit Achtung zu geben]
4. Auf die besondern Affecten einer jeden Person/ daß aus ihrem Gesichte/ und aus ihrer Action könne geschlossen werden/ was die Person andeuten und vorstellen solle. Auch in diesem Stück kan
le Brun, sonderlich aber das jenige Stück/ da er Alexandrum und Ephestion gemahlet/ wie sie zu des Darius Familie in das Gezelt kommen/ vor ein Haupt exempel dienen. Doch hat ihn Rubens noch darinnen übertroffen.

Quotation

Ainsi à regarder la peinture en elle-mesme & entant qu'elle est un amas de preceptes pour bien peindre, elle est aujourd’huy plus parfaite & plus accomplie qu’elle ne l'a jamais esté dans tous les autres siecles. Je diray mesme que je ne suis pas bien ferme dans le jugement que je fais en faveur des tableaux de ces anciens Maistres, non seulement à cause du respect dont je suis prevenu pour leur ancienneté, mais aussi à cause de la beauté réelle & effective que cette ancienneté leur donne. Car il y a dans les ouvrages de peinture comme dans les viandes nouvellement tuées ou dans les fruits fraischement cueillis, une certaine crudité & une certaine âpreté, que le temps seul peut cuire & adoucir en amortissant ce qui est trop vif, en affoiblissant ce qui est trop fort, & en noyant les extremitez des couleurs les unes dans les autres : Qui sçait le degré de beauté qu'aquerrera la Famille de Darius, le Triomphe d'Alexandre, la deffaite de Porus & les autres grands tableaux de cette force, quand le Temps aura achevé de les peindre, & y aura mis les mesmes beautez dont il a enrichi le saint Michel & la sainte Famille. Car je remarque que ces grands tableaux de Monsieur le Brun se peignent & s'embellissent tous les jours, & que le Temps en y adoucissant ce que le pinceau judicieux luy a donné pour estre adouci & pour amuser son activité, qui sans cela s'attaqueroit à la substance de l’ouvrage, y ajoûte mille nouvelles graces, qu’il n’y a que luy seul qui puisse donner.

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Ainsi à regarder la peinture en elle-mesme & entant qu'elle est un amas de preceptes pour bien peindre, elle est aujourd’huy plus parfaite & plus accomplie qu’elle ne l'a jamais esté dans tous les autres siecles. Je diray mesme que je ne suis pas bien ferme dans le jugement que je fais en faveur des tableaux de ces anciens Maistres, non seulement à cause du respect dont je suis prevenu pour leur ancienneté, mais aussi à cause de la beauté réelle & effective que cette ancienneté leur donne. Car il y a dans les ouvrages de peinture comme dans les viandes nouvellement tuées ou dans les fruits fraischement cueillis, une certaine crudité & une certaine âpreté, que le temps seul peut cuire & adoucir en amortissant ce qui est trop vif, en affoiblissant ce qui est trop fort, & en noyant les extremitez des couleurs les unes dans les autres : Qui sçait le degré de beauté qu'aquerrera la Famille de Darius, le Triomphe d'Alexandre, la deffaite de Porus & les autres grands tableaux de cette force, quand le Temps aura achevé de les peindre, & y aura mis les mesmes beautez dont il a enrichi le saint Michel & la sainte Famille. Car je remarque que ces grands tableaux de Monsieur le Brun se peignent & s'embellissent tous les jours, & que le Temps en y adoucissant ce que le pinceau judicieux luy a donné pour estre adouci & pour amuser son activité, qui sans cela s'attaqueroit à la substance de l’ouvrage, y ajoûte mille nouvelles graces, qu’il n’y a que luy seul qui puisse donner.

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LE PRESIDENT. Quoy donc le saint Michel & la sainte famille que nous venons de voir, ne seront pas comparables aux tableaux de Monsieur le Brun.
L’ABBE. Je serois bien faschée d'avoir avancé une telle proposition, ce sont deux chef-d'œuvres incomparables, & qui surpassent comme je l'ay déja dit, tout ce que l'Italie a de plus beau. Il y a quelque chose de si grand & de si noble dans l'attitude & dans l'air de teste du saint Michel ; la correction du dessein y est si juste, & le mélange des couleurs si parfait, que ce qui peut y estre desiré comme un peu moins de force dans l'extremité des parties ombrées, n’empesche pas qu'il ne soit le premier tableau du monde, à moins qu'on ne luy fasse disputer ce rang par le tableau de la sainte Famille.

Quotation

Der dritte Discours von der Mahlerey. Das III. Capitel. Worauf über dieses in HISTORIEN-Gemählden besonders zu sehen, p. 68 
[Ist ferner nöthig auf folgende Stücke mit Achtung zu geben]
2. Auf das
Decorum, daß die Bilder solche Kleidung/ die Bäume solch Laub/ die Gebäude solche Ordonnance und Verzierung bekommen/ als sie in dem Land zu der Zeit gehabt/ da die Geschicht passiret. Dieses hat le Brun in seinen Gemählden von Alexandro, welche theils auf dem Louvre, theils zu Versailles sind/ wohl in Acht genommen.

Quotation

Ainsi à regarder la peinture en elle-mesme & entant qu'elle est un amas de preceptes pour bien peindre, elle est aujourd’huy plus parfaite & plus accomplie qu’elle ne l'a jamais esté dans tous les autres siecles. Je diray mesme que je ne suis pas bien ferme dans le jugement que je fais en faveur des tableaux de ces anciens Maistres, non seulement à cause du respect dont je suis prevenu pour leur ancienneté, mais aussi à cause de la beauté réelle & effective que cette ancienneté leur donne. Car il y a dans les ouvrages de peinture comme dans les viandes nouvellement tuées ou dans les fruits fraischement cueillis, une certaine crudité & une certaine âpreté, que le temps seul peut cuire & adoucir en amortissant ce qui est trop vif, en affoiblissant ce qui est trop fort, & en noyant les extremitez des couleurs les unes dans les autres : Qui sçait le degré de beauté qu'aquerrera la Famille de Darius, le Triomphe d'Alexandre, la deffaite de Porus & les autres grands tableaux de cette force, quand le Temps aura achevé de les peindre, & y aura mis les mesmes beautez dont il a enrichi le saint Michel & la sainte Famille. Car je remarque que ces grands tableaux de Monsieur le Brun se peignent & s'embellissent tous les jours, & que le Temps en y adoucissant ce que le pinceau judicieux luy a donné pour estre adouci & pour amuser son activité, qui sans cela s'attaqueroit à la substance de l’ouvrage, y ajoûte mille nouvelles graces, qu’il n’y a que luy seul qui puisse donner.

Quotation

L’ABBE. J'en conviens, mais quelle necessité & quelle bienseance y a-t’il que ces personnages parlent, & que cette femme vienne montrer là sa chair ?
LE PRESIDENT. C'est un usage si receu de mettre dans des tableaux de pieté ceux qui les font faire, & d’y mettre aussi toute leur famille, que cet assemblage de personnes de differens temps & de differens lieux, ne devroit pas vous étonner.
L'ABBE. Je connois cet usage & je ne le blâme point, quoyque les Peintres n’ayent pas sujet d'en estre fort contens. On voit tous les jours dans des Nativitez, ceux qui ont fait le tableau, mais à genoux & dans l'adoration comme les Bergers. On en voit aussi dans des tableaux de Crucifix, mais prosternez & les yeux levez vers le Sauveur, en sorte que leur action particuliere est liée à l’action principale, & concourt à la mesme fin. Icy les personnages ne semblent pas se voir les uns les autres, & il n'y a que la seule volonté du Peintre qui les ayt fait trouver dans le mesme lieu.
LE PRESIDENT. Tous ces pretendus défauts ne regardent point le Peintre comme Peintre, mais feulement comme Historien.
L’ABBE.
Cela est vray, si vous renfermez la qualité de Peintre à représenter naïvement quelque objet, sans se mettre en peine s'il y a de la vray-semblance, de la bien-seance & du bon sens dans la composition ; mais je ne croy pas que les Peintres vueillent renoncer à l'obligation d'observer des conditions justes & si necessaires dans tout un ouvrage. Quoyqu'il en soit, je soûtiens qu'en qualité de Peintre il [ndr : Véronèse] n'a pas mieux gardé l'unité qui doit estre dans la composition d’un sujet, qu'il l'a fait en qualité d'historien, puisqu'il a mis deux points de veuë dans son tableau, l’un pour le Païsage, & l'autre pour la Chambre, où le Sauveur est assis à table avec ses Disciples ; car l’horison du Païsage est plus bas que cette table dont on voit le dessus qui tend à un autre point de veuë beaucoup plus élevé ; faute de perspective qu'on ne pardonneroit pas aujourd’huy à un Ecolier de quinze jours. Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées.

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Quoyqu'il en soit, je soûtiens qu'en qualité de Peintre il [ndr : Véronèse] n'a pas mieux gardé l'unité qui doit estre dans la composition d’un sujet, qu'il l'a fait en qualité d'historien, puisqu'il a mis deux points de veuë dans son tableau, l’un pour le Païsage, & l'autre pour la Chambre, où le Sauveur est assis à table avec ses Disciples ; car l’horison du Païsage est plus bas que cette table dont on voit le dessus qui tend à un autre point de veuë beaucoup plus élevé ; faute de perspective qu'on ne pardonneroit pas aujourd’huy à un Ecolier de quinze jours. Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées.

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Quoyqu'il en soit, je soûtiens qu'en qualité de Peintre il [ndr : Véronèse] n'a pas mieux gardé l'unité qui doit estre dans la composition d’un sujet, qu'il l'a fait en qualité d'historien, puisqu'il a mis deux points de veuë dans son tableau, l’un pour le Païsage, & l'autre pour la Chambre, où le Sauveur est assis à table avec ses Disciples ; car l’horison du Païsage est plus bas que cette table dont on voit le dessus qui tend à un autre point de veuë beaucoup plus élevé ; faute de perspective qu'on ne pardonneroit pas aujourd’huy à un Ecolier de quinze jours. Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées.

Quotation

Ainsi la grande difficulté n'est pas de prouver qu'on l'emporte aujourd'huy sur Zeuxis, sur les Timantes & sur les Appelles, mais de faire voir qu’on a encore quelque avantage sur les Raphaels, sur les Titiens, sur les Pauls Veroneses, & sur les autres grands Peintres du dernier siecle. Cependant j'ose avancer qu'à regarder l'Art en luy-mesme, entant qu’il est un amas & une collection de preceptes, on trouvera qu'il est plus accompli & plus parfait presentement qu'il ne l'estoit du temps de ces grands Maistres.

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Quoyqu'il en soit, je demeure d'accord que le tableau des Pellerins est un des plus beaux qu'il se voye, les personnages y sont vivans, & l'on croit ne voir pas moins ce qui se passe dans leur pensée que l'action qu'ils font au dehors ; mais comme un tableau est un poëme müet, où l'unité de lieu, de temps & d'action doit estre encore plus religieusement observée que dans un poëme veritable, parce que le lieu y est immuable, le temps indivisible, & l'action momentanée ; Voyons comment cette regle est observée dans ce tableau. [...] Quoyqu'il en soit, je soûtiens qu'en qualité de Peintre il [ndr : Véronèse] n'a pas mieux gardé l'unité qui doit estre dans la composition d’un sujet, qu'il l'a fait en qualité d'historien, puisqu'il a mis deux points de veuë dans son tableau, l’un pour le Païsage, & l'autre pour la Chambre, où le Sauveur est assis à table avec ses Disciples ; car l’horison du Païsage est plus bas que cette table dont on voit le dessus qui tend à un autre point de veuë beaucoup plus élevé ; faute de perspective qu'on ne pardonneroit pas aujourd’huy à un Ecolier de quinze jours. Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées. L'unité d'action, c'est Alexandre qui entre dans la tente de Darius. L'unité de lieu, c'est cette tente où il n'y a que les personnes qui s'y doivent trouver. L'unité de temps c'est le moment où Alexandre dit qu'on ne s'est pas beaucoup trompé en prenant Ephestion pour luy, parce que Ephestion est un autre luy-mesme. Si l'on regarde avec quel soin on a fait tendre toutes choses à un seul but, rien n'est de plus lié, de plus reuni, & de plus un, si cela se peut dire, que la representation de cette histoire ; & rien en même temps n'est plus divers & plus varié si l'on considère les différentes attitudes des personnages, & les expressions particulieres de leurs passions.

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Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées. L'unité d'action, c'est Alexandre qui entre dans la tente de Darius. L'unité de lieu, c'est cette tente où il n'y a que les personnes qui s'y doivent trouver. L'unité de temps c'est le moment où Alexandre dit qu'on ne s'est pas beaucoup trompé en prenant Ephestion pour luy, parce que Ephestion est un autre luy-mesme. Si l'on regarde avec quel soin on a fait tendre toutes choses à un seul but, rien n'est de plus lié, de plus reuni, & de plus un, si cela se peut dire, que la representation de cette histoire ; & rien en même temps n'est plus divers & plus varié si l'on considère les différentes attitudes des personnages, & les expressions particulieres de leurs passions. Tout ne va qu'à representer l'étonnement, l'admiration, la surprise & la crainte que cause l'arrivée du plus celebre Conquerant de la Terre, & si ces passions qui n'ont toutes qu'un mesme objet le trouvent différemment exprimées dans les diverses personnes qui les ressentent. La Mere de Darius abbatuë sous le poids de sa douleur & de son âge, [...]. [...] D'ailleurs quelle beauté & quelle diversité dans les airs de teste de ce tableau [ndr : La tente de Darius de Le Brun] ; ils sont tous grands, tous nobles, & si cela se peut dire, tous heroïques en leur maniere, de mesme que les vestemens, que le Peintre a recherchez avec un soin & une étude inconcevable. Dans le tableau des Pelerins toutes les testes & toutes les draperies, hors celles du Christ & des deux disciples qui ont quelque noblesse ; sont prises sur des hommes & des femmes de la connoissance du Peintre, ce qui avilit extremement la composition de ce tableau, & fait un mélange aussi mal assorti, que si dans une Tragedie des plus sublimes on mesloit quelques Scenes d'un stile bas & comique.

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Si nous voulons présentement entrer dans ce qui est du pur Art de la peinture, nous trouverons que non seulement la Perspective y est partout bien observée, mais que rien ne se peut ajoûter à la belle œconomie du tout ensemble, les figures qui semblent participer presque également à la mesme lumiere, sont neantmoins tellement degradées, que si on les vouloit changer de place, elles ne pourroient s’accorder ensemble, à cause de la difference de leur teinte, qui semble la mesme dans la situation où elles sont, mais qui paroistroit alors tres-differente. Voila ce qui ne se peut pas dire si positivement du tableau des Pellerins, de Paul Veronese, ny de la plûpart des tableaux de son temps. Ainsi je compare les ouvrages de nos excellens Modernes à des corps animez, dont les parties sont tellement liées les unes avec les autres, qu'elles ne peuvent pas estre mises ailleurs, qu'au lieu où elles sont ; & je compare la plûpart des tableaux anciens à un amas de pierres ou d'autres choses jettées ensemble au hazard, & qui pourroient se ranger autrement qu'elles ne sont sans qu'on s'en apperçust.

Quotation

Quoyqu'il en soit, je demeure d'accord que le tableau des Pellerins est un des plus beaux qu'il se voye, les personnages y sont vivans, & l'on croit ne voir pas moins ce qui se passe dans leur pensée que l'action qu'ils font au dehors ; mais comme un tableau est un poëme müet, où l'unité de lieu, de temps & d'action doit estre encore plus religieusement observée que dans un poëme veritable, parce que le lieu y est immuable, le temps indivisible, & l'action momentanée ; Voyons comment cette regle est observée dans ce tableau. [...] Quoyqu'il en soit, je soûtiens qu'en qualité de Peintre il [ndr : Véronèse] n'a pas mieux gardé l'unité qui doit estre dans la composition d’un sujet, qu'il l'a fait en qualité d'historien, puisqu'il a mis deux points de veuë dans son tableau, l’un pour le Païsage, & l'autre pour la Chambre, où le Sauveur est assis à table avec ses Disciples ; car l’horison du Païsage est plus bas que cette table dont on voit le dessus qui tend à un autre point de veuë beaucoup plus élevé ; faute de perspective qu'on ne pardonneroit pas aujourd’huy à un Ecolier de quinze jours. Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées. L'unité d'action, c'est Alexandre qui entre dans la tente de Darius. L'unité de lieu, c'est cette tente où il n'y a que les personnes qui s'y doivent trouver. L'unité de temps c'est le moment où Alexandre dit qu'on ne s'est pas beaucoup trompé en prenant Ephestion pour luy, parce que Ephestion est un autre luy-mesme. Si l'on regarde avec quel soin on a fait tendre toutes choses à un seul but, rien n'est de plus lié, de plus reuni, & de plus un, si cela se peut dire, que la representation de cette histoire ; & rien en même temps n'est plus divers & plus varié si l'on considère les différentes attitudes des personnages, & les expressions particulieres de leurs passions.

Quotation

Der dritte Discours von der Mahlerey. Das III. Capitel. Worauf über dieses in HISTORIEN-Gemählden besonders zu sehen, p. 68 
[Ist ferner nöthig auf folgende Stücke mit Achtung zu geben]
2. Auf das
Decorum, daß die Bilder solche Kleidung/ die Bäume solch Laub/ die Gebäude solche Ordonnance und Verzierung bekommen/ als sie in dem Land zu der Zeit gehabt/ da die Geschicht passiret. Dieses hat le Brun in seinen Gemählden von Alexandro, welche theils auf dem Louvre, theils zu Versailles sind/ wohl in Acht genommen.

Quotation

D'ailleurs quelle beauté & quelle diversité dans les airs de teste de ce tableau [ndr : La tente de Darius de Le Brun] ; ils sont tous grands, tous nobles, & si cela se peut dire, tous heroïques en leur maniere, de mesme que les vestemens, que le Peintre a recherchez avec un soin & une étude inconcevable. Dans le tableau des Pelerins toutes les testes & toutes les draperies, hors celles du Christ & des deux disciples qui ont quelque noblesse ; sont prises sur des hommes & des femmes de la connoissance du Peintre, ce qui avilit extremement la composition de ce tableau, & fait un mélange aussi mal assorti, que si dans une Tragedie des plus sublimes on mesloit quelques Scenes d'un stile bas & comique.

Quotation

Der dritte Discours von der Mahlerey. Das III. Capitel. Worauf über dieses in HISTORIEN-Gemählden besonders zu sehen, p. 68 
[Ist ferner nöthig auf folgende Stücke mit Achtung zu geben]
4. Auf die besondern Affecten einer jeden Person/ daß aus ihrem Gesichte/ und aus ihrer Action könne geschlossen werden/ was die Person andeuten und vorstellen solle. Auch in diesem Stück kan
le Brun, sonderlich aber das jenige Stück/ da er Alexandrum und Ephestion gemahlet/ wie sie zu des Darius Familie in das Gezelt kommen/ vor ein Haupt exempel dienen. Doch hat ihn Rubens noch darinnen übertroffen.

Quotation

Ainsi la grande difficulté n'est pas de prouver qu'on l'emporte aujourd'huy sur Zeuxis, sur les Timantes & sur les Appelles, mais de faire voir qu’on a encore quelque avantage sur les Raphaels, sur les Titiens, sur les Pauls Veroneses, & sur les autres grands Peintres du dernier siecle. Cependant j'ose avancer qu'à regarder l'Art en luy-mesme, entant qu’il est un amas & une collection de preceptes, on trouvera qu'il est plus accompli & plus parfait presentement qu'il ne l'estoit du temps de ces grands Maistres.

Quotation

Quoyqu'il en soit, je demeure d'accord que le tableau des Pellerins est un des plus beaux qu'il se voye, les personnages y sont vivans, & l'on croit ne voir pas moins ce qui se passe dans leur pensée que l'action qu'ils font au dehors ; mais comme un tableau est un poëme müet, où l'unité de lieu, de temps & d'action doit estre encore plus religieusement observée que dans un poëme veritable, parce que le lieu y est immuable, le temps indivisible, & l'action momentanée ; Voyons comment cette regle est observée dans ce tableau. [...] Quoyqu'il en soit, je soûtiens qu'en qualité de Peintre il [ndr : Véronèse] n'a pas mieux gardé l'unité qui doit estre dans la composition d’un sujet, qu'il l'a fait en qualité d'historien, puisqu'il a mis deux points de veuë dans son tableau, l’un pour le Païsage, & l'autre pour la Chambre, où le Sauveur est assis à table avec ses Disciples ; car l’horison du Païsage est plus bas que cette table dont on voit le dessus qui tend à un autre point de veuë beaucoup plus élevé ; faute de perspective qu'on ne pardonneroit pas aujourd’huy à un Ecolier de quinze jours. Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées. L'unité d'action, c'est Alexandre qui entre dans la tente de Darius. L'unité de lieu, c'est cette tente où il n'y a que les personnes qui s'y doivent trouver. L'unité de temps c'est le moment où Alexandre dit qu'on ne s'est pas beaucoup trompé en prenant Ephestion pour luy, parce que Ephestion est un autre luy-mesme. Si l'on regarde avec quel soin on a fait tendre toutes choses à un seul but, rien n'est de plus lié, de plus reuni, & de plus un, si cela se peut dire, que la representation de cette histoire ; & rien en même temps n'est plus divers & plus varié si l'on considère les différentes attitudes des personnages, & les expressions particulieres de leurs passions.

Quotation

L’ABBE. J'en conviens, mais quelle necessité & quelle bienseance y a-t’il que ces personnages parlent, & que cette femme vienne montrer là sa chair ? [...] Cela est vray, si vous renfermez la qualité de Peintre à représenter naïvement quelque objet, sans se mettre en peine s'il y a de la vray-semblance, de la bien-seance & du bon sens dans la composition ; mais je ne croy pas que les Peintres vueillent renoncer à l'obligation d'observer des conditions justes & si necessaires dans tout un ouvrage. Quoyqu'il en soit, je soûtiens qu'en qualité de Peintre il [ndr : Véronèse] n'a pas mieux gardé l'unité qui doit estre dans la composition d’un sujet, qu'il l'a fait en qualité d'historien, puisqu'il a mis deux points de veuë dans son tableau, l’un pour le Païsage, & l'autre pour la Chambre, où le Sauveur est assis à table avec ses Disciples ; car l’horison du Païsage est plus bas que cette table dont on voit le dessus qui tend à un autre point de veuë beaucoup plus élevé ; faute de perspective qu'on ne pardonneroit pas aujourd’huy à un Ecolier de quinze jours. Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées. L'unité d'action, c'est Alexandre qui entre dans la tente de Darius. L'unité de lieu, c'est cette tente où il n'y a que les personnes qui s'y doivent trouver. L'unité de temps c'est le moment où Alexandre dit qu'on ne s'est pas beaucoup trompé en prenant Ephestion pour luy, parce que Ephestion est un autre luy-mesme.

Quotation

L’ABBE. J'en conviens, mais quelle necessité & quelle bienseance y a-t’il que ces personnages parlent, & que cette femme vienne montrer là sa chair ?
LE PRESIDENT. C'est un usage si receu de mettre dans des tableaux de pieté ceux qui les font faire, & d’y mettre aussi toute leur famille, que cet assemblage de personnes de differens temps & de differens lieux, ne devroit pas vous étonner.
L'ABBE. Je connois cet usage & je ne le blâme point, quoyque les Peintres n’ayent pas sujet d'en estre fort contens. On voit tous les jours dans des Nativitez, ceux qui ont fait le tableau, mais à genoux & dans l'adoration comme les Bergers. On en voit aussi dans des tableaux de Crucifix, mais prosternez & les yeux levez vers le Sauveur, en sorte que leur action particuliere est liée à l’action principale, & concourt à la mesme fin. Icy les personnages ne semblent pas se voir les uns les autres, & il n'y a que la seule volonté du Peintre qui les ayt fait trouver dans le mesme lieu.
LE PRESIDENT. Tous ces pretendus défauts ne regardent point le Peintre comme Peintre, mais feulement comme Historien.
L’ABBE.
Cela est vray, si vous renfermez la qualité de Peintre à représenter naïvement quelque objet, sans se mettre en peine s'il y a de la vray-semblance, de la bien-seance & du bon sens dans la composition ; mais je ne croy pas que les Peintres vueillent renoncer à l'obligation d'observer des conditions justes & si necessaires dans tout un ouvrage. Quoyqu'il en soit, je soûtiens qu'en qualité de Peintre il [ndr : Véronèse] n'a pas mieux gardé l'unité qui doit estre dans la composition d’un sujet, qu'il l'a fait en qualité d'historien, puisqu'il a mis deux points de veuë dans son tableau, l’un pour le Païsage, & l'autre pour la Chambre, où le Sauveur est assis à table avec ses Disciples ; car l’horison du Païsage est plus bas que cette table dont on voit le dessus qui tend à un autre point de veuë beaucoup plus élevé ; faute de perspective qu'on ne pardonneroit pas aujourd’huy à un Ecolier de quinze jours. Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées.

Quotation

Quoyqu'il en soit, je soûtiens qu'en qualité de Peintre il [ndr : Véronèse] n'a pas mieux gardé l'unité qui doit estre dans la composition d’un sujet, qu'il l'a fait en qualité d'historien, puisqu'il a mis deux points de veuë dans son tableau, l’un pour le Païsage, & l'autre pour la Chambre, où le Sauveur est assis à table avec ses Disciples ; car l’horison du Païsage est plus bas que cette table dont on voit le dessus qui tend à un autre point de veuë beaucoup plus élevé ; faute de perspective qu'on ne pardonneroit pas aujourd’huy à un Ecolier de quinze jours. Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées.

Quotation

i l'on regarde avec quel soin on a fait tendre toutes choses à un seul but, rien n'est de plus lié, de plus reuni, & de plus un, si cela se peut dire, que la representation de cette histoire ; & rien en même temps n'est plus divers & plus varié si l'on considère les différentes attitudes des personnages, & les expressions particulieres de leurs passions. Tout ne va qu'à representer l'étonnement, l'admiration, la surprise & la crainte que cause l'arrivée du plus celebre Conquerant de la Terre, & si ces passions qui n'ont toutes qu'un mesme objet le trouvent différemment exprimées dans les diverses personnes qui les ressentent. La Mere de Darius abbatuë sous le poids de sa douleur & de son âge, [...]. [...] D'ailleurs quelle beauté & quelle diversité dans les airs de teste de ce tableau [ndr : La tente de Darius de Le Brun] ; ils sont tous grands, tous nobles, & si cela se peut dire, tous heroïques en leur maniere, de mesme que les vestemens, que le Peintre a recherchez avec un soin & une étude inconcevable. Dans le tableau des Pelerins toutes les testes & toutes les draperies, hors celles du Christ & des deux disciples qui ont quelque noblesse ; sont prises sur des hommes & des femmes de la connoissance du Peintre, ce qui avilit extremement la composition de ce tableau, & fait un mélange aussi mal assorti, que si dans une Tragedie des plus sublimes on mesloit quelques Scenes d'un stile bas & comique.

Quotation

Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées. L'unité d'action, c'est Alexandre qui entre dans la tente de Darius. L'unité de lieu, c'est cette tente où il n'y a que les personnes qui s'y doivent trouver. L'unité de temps c'est le moment où Alexandre dit qu'on ne s'est pas beaucoup trompé en prenant Ephestion pour luy, parce que Ephestion est un autre luy-mesme. Si l'on regarde avec quel soin on a fait tendre toutes choses à un seul but, rien n'est de plus lié, de plus reuni, & de plus un, si cela se peut dire, que la representation de cette histoire ; & rien en même temps n'est plus divers & plus varié si l'on considère les différentes attitudes des personnages, & les expressions particulieres de leurs passions. Tout ne va qu'à representer l'étonnement, l'admiration, la surprise & la crainte que cause l'arrivée du plus celebre Conquerant de la Terre, & si ces passions qui n'ont toutes qu'un mesme objet le trouvent différemment exprimées dans les diverses personnes qui les ressentent. La Mere de Darius abbatuë sous le poids de sa douleur & de son âge, [...].

Quotation

Je ne croy pas que nous ayons aucun de ces reproches à faire au tableau de la famille de Darius. C'est un veritable poëme où toutes les regles sont observées. L'unité d'action, c'est Alexandre qui entre dans la tente de Darius. L'unité de lieu, c'est cette tente où il n'y a que les personnes qui s'y doivent trouver. L'unité de temps c'est le moment où Alexandre dit qu'on ne s'est pas beaucoup trompé en prenant Ephestion pour luy, parce que Ephestion est un autre luy-mesme. Si l'on regarde avec quel soin on a fait tendre toutes choses à un seul but, rien n'est de plus lié, de plus reuni, & de plus un, si cela se peut dire, que la representation de cette histoire ; & rien en même temps n'est plus divers & plus varié si l'on considère les différentes attitudes des personnages, & les expressions particulieres de leurs passions. Tout ne va qu'à representer l'étonnement, l'admiration, la surprise & la crainte que cause l'arrivée du plus celebre Conquerant de la Terre, & si ces passions qui n'ont toutes qu'un mesme objet le trouvent différemment exprimées dans les diverses personnes qui les ressentent. La Mere de Darius abbatuë sous le poids de sa douleur & de son âge, [...]. [...] D'ailleurs quelle beauté & quelle diversité dans les airs de teste de ce tableau [ndr : La tente de Darius de Le Brun] ; ils sont tous grands, tous nobles, & si cela se peut dire, tous heroïques en leur maniere, de mesme que les vestemens, que le Peintre a recherchez avec un soin & une étude inconcevable. Dans le tableau des Pelerins toutes les testes & toutes les draperies, hors celles du Christ & des deux disciples qui ont quelque noblesse ; sont prises sur des hommes & des femmes de la connoissance du Peintre, ce qui avilit extremement la composition de ce tableau, & fait un mélange aussi mal assorti, que si dans une Tragedie des plus sublimes on mesloit quelques Scenes d'un stile bas & comique.

Quotation

D'ailleurs quelle beauté & quelle diversité dans les airs de teste de ce tableau [ndr : La tente de Darius de Le Brun] ; ils sont tous grands, tous nobles, & si cela se peut dire, tous heroïques en leur maniere, de mesme que les vestemens, que le Peintre a recherchez avec un soin & une étude inconcevable. Dans le tableau des Pelerins toutes les testes & toutes les draperies, hors celles du Christ & des deux disciples qui ont quelque noblesse ; sont prises sur des hommes & des femmes de la connoissance du Peintre, ce qui avilit extremement la composition de ce tableau, & fait un mélange aussi mal assorti, que si dans une Tragedie des plus sublimes on mesloit quelques Scenes d'un stile bas & comique.

Quotation

Si nous voulons présentement entrer dans ce qui est du pur Art de la peinture, nous trouverons que non seulement la Perspective y est partout bien observée, mais que rien ne se peut ajoûter à la belle œconomie du tout ensemble, les figures qui semblent participer presque également à la mesme lumiere, sont neantmoins tellement degradées, que si on les vouloit changer de place, elles ne pourroient s’accorder ensemble, à cause de la difference de leur teinte, qui semble la mesme dans la situation où elles sont, mais qui paroistroit alors tres-differente. Voila ce qui ne se peut pas dire si positivement du tableau des Pellerins, de Paul Veronese, ny de la plûpart des tableaux de son temps. Ainsi je compare les ouvrages de nos excellens Modernes à des corps animez, dont les parties sont tellement liées les unes avec les autres, qu'elles ne peuvent pas estre mises ailleurs, qu'au lieu où elles sont ; & je compare la plûpart des tableaux anciens à un amas de pierres ou d'autres choses jettées ensemble au hazard, & qui pourroient se ranger autrement qu'elles ne sont sans qu'on s'en apperçust.

Quotation

LE CHEVALIER. Je vous avoue que le tableau de la famille Darius m'a toûjours semblé le chef-d’œuvre de Monsieur le Brun ; & peut-estre que l'honneur qu'il a eu de le peindre sous les yeux du Roy, est cause qu'il s'y est surpassé luy-mesme ; car il le fit à Fontainebleau, où Sa Majesté prenoit une extreme plaisir tous les jours à le voir travailler.
LE PRESIDENT. Quoy donc le saint Michel & la sainte famille que nous venons de voir, ne seront pas comparables aux tableaux de Monsieur le Brun.
L’ABBE. Je serois bien faschée d'avoir avancé une telle proposition, ce sont deux chef-d'œuvres incomparables, & qui surpassent comme je l'ay déja dit, tout ce que l'Italie a de plus beau. Il y a quelque chose de si grand & de si noble dans l'attitude & dans l'air de teste du saint Michel ; la correction du dessein y est si juste, & le mélange des couleurs si parfait, que ce qui peut y estre desiré comme un peu moins de force dans l'extremité des parties ombrées, n’empesche pas qu'il ne soit le premier tableau du monde, à moins qu'on ne luy fasse disputer ce rang par le tableau de la sainte Famille.

LE PRESIDENT. Vous passez donc condamnation pour ces deux tableaux ; & voila le siecle de Raphaël au dessus du nôtre.
L' ABBE. Cela ne conclut pas.

Quotation

LE PRESIDENT. Quoy donc le saint Michel & la sainte famille que nous venons de voir, ne seront pas comparables aux tableaux de Monsieur le Brun. [...] L' ABBE. Cela ne conclut pas. Je demeure d'accord que ces deux tableaux, & plusieurs autres Maistres anciens, excellent tellement dans les parties principales de la peinture, qu'à tout prendre ils peuvent estre preferez à ceux d'aujourd'huy, mais je soutiens que ces grands hommes ont tous manqué en de certaines parties, où nos excellens Maistres ne manquent plus. Raphaël par exemple a si peu connu la degradation des lumieres, & cet affoiblissement des couleurs que cause l'interposition de l’air en un mot ce qu'on appelle la perspective aérienne, que les figures du fond du tableau sont presque aussi marquées que celles du devant, […]. [...] Car il y a dans les ouvrages de peinture comme dans les viandes nouvellement tuées ou dans les fruits fraischement cueillis, une certaine crudité & une certaine âpreté, que le temps seul peut cuire & adoucir en amortissant ce qui est trop vif, en affoiblissant ce qui est trop fort, & en noyant les extremitez des couleurs les unes dans les autres : Qui sçait le degré de beauté qu'aquerrera la Famille de Darius, le Triomphe d'Alexandre, la deffaite de Porus & les autres grands tableaux de cette force, quand le Temps aura achevé de les peindre, & y aura mis les mesmes beautez dont il a enrichi le saint Michel & la sainte Famille.

Quotation

LE PRESIDENT. Quoy donc le saint Michel & la sainte famille que nous venons de voir, ne seront pas comparables aux tableaux de Monsieur le Brun. [...] L' ABBE. Cela ne conclut pas. Je demeure d'accord que ces deux tableaux, & plusieurs autres Maistres anciens, excellent tellement dans les parties principales de la peinture, qu'à tout prendre ils peuvent estre preferez à ceux d'aujourd'huy, mais je soutiens que ces grands hommes ont tous manqué en de certaines parties, où nos excellens Maistres ne manquent plus. Raphaël par exemple a si peu connu la degradation des lumieres, & cet affoiblissement des couleurs que cause l'interposition de l’air en un mot ce qu'on appelle la perspective aérienne, que les figures du fond du tableau sont presque aussi marquées que celles du devant, […].

Quotation

LE PRESIDENT. Quoy donc le saint Michel & la sainte famille que nous venons de voir, ne seront pas comparables aux tableaux de Monsieur le Brun.
L’ABBE. Je serois bien faschée d'avoir avancé une telle proposition, ce sont deux chef-d'œuvres incomparables, & qui surpassent comme je l'ay déja dit, tout ce que l'Italie a de plus beau. Il y a quelque chose de si grand & de si noble dans l'attitude & dans l'air de teste du saint Michel ; la correction du dessein y est si juste, & le mélange des couleurs si parfait, que ce qui peut y estre desiré comme un peu moins de force dans l'extremité des parties ombrées, n’empesche pas qu'il ne soit le premier tableau du monde, à moins qu'on ne luy fasse disputer ce rang par le tableau de la sainte Famille.

Quotation

Ainsi à regarder la peinture en elle-mesme & entant qu'elle est un amas de preceptes pour bien peindre, elle est aujourd’huy plus parfaite & plus accomplie qu’elle ne l'a jamais esté dans tous les autres siecles. Je diray mesme que je ne suis pas bien ferme dans le jugement que je fais en faveur des tableaux de ces anciens Maistres, non seulement à cause du respect dont je suis prevenu pour leur ancienneté, mais aussi à cause de la beauté réelle & effective que cette ancienneté leur donne. Car il y a dans les ouvrages de peinture comme dans les viandes nouvellement tuées ou dans les fruits fraischement cueillis, une certaine crudité & une certaine âpreté, que le temps seul peut cuire & adoucir en amortissant ce qui est trop vif, en affoiblissant ce qui est trop fort, & en noyant les extremitez des couleurs les unes dans les autres : Qui sçait le degré de beauté qu'aquerrera la Famille de Darius, le Triomphe d'Alexandre, la deffaite de Porus & les autres grands tableaux de cette force, quand le Temps aura achevé de les peindre, & y aura mis les mesmes beautez dont il a enrichi le saint Michel & la sainte Famille. Car je remarque que ces grands tableaux de Monsieur le Brun se peignent & s'embellissent tous les jours, & que le Temps en y adoucissant ce que le pinceau judicieux luy a donné pour estre adouci & pour amuser son activité, qui sans cela s'attaqueroit à la substance de l’ouvrage, y ajoûte mille nouvelles graces, qu’il n’y a que luy seul qui puisse donner.