VUE (n. f.)

DOORSIEN (nld.) · DOORZICHT (nld.) · DURCHSICHT (deu.) · GESICHT (deu.) · GEZICHT (nld.) · INSIEN (nld.) · SIGHT (eng.) · VEDUTA (ita.) · VIEW (eng.) · VISTA (eng.) · VISTA (ita.) · ZIEN (nld.)
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EYE (eng.)
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/ · AUGE (deu.) · BETRACHTEN (deu.) · BLICK (deu.) · EYE (eng.) · GEZICHT (nld.) · OCCHIO (ita.) · SENSE OF SEING (eng.) · SIGHT (eng.) · SPECTARE (lat.) · VEDUTA (ita.) · VIEW (eng.) · VISTA (ita.) · VISUS (lat.) · ZIEN (nld.)
HOCHMANN, Michel et JACQUART, Danielle (éd.), Lumière et vision dans les sciences et les arts de l’Antiquité au XVIIe siècle, Actes du colloque de Paris, Genève, Droz, 2010.
HOCHMANN, Michel, « Les reflets colorés  : optique et analyse du coloris du XVIe au XVIIe siècle », dans HOCHMANN, Michel et JACQUART, Danielle (éd.), Lumière et vision dans les sciences et les arts de l’Antiquité au XVIIe siècle, Actes du colloque de Paris, Genève, Droz, 2010, p. 325-339.

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29 quotations

Quotation

[…] 1. La Proportion se divise en deux parties : l’une, s’appelle Proportion propre de la chose que l’on veut representer & peindre : l’autre, s’appelle Proportion selon l’œil & en Perspective. Par exemple, l’homme de mediocre stature a de longueur neuf ou dix faces ; sa proportion est, qu’il faut que son visage ait la neufieme ou disiesme partie de toute sa hauteur, & c’est de cette proportion ou mesure propre & naturelle des choses que je traiteray en ce premier Livre. L’autre proportion est le respect de la veuë, & est diverse ; parce que selon que la chose est esloignée de l’œil, le mesme œil juge de la proportion que la teste a ou la face avec le reste du corps […]. Or le Peintre ne doit pas observer en sa figure ces deux proportions ; car il est impossible qu’il le puisse faire : mais bien doit-il prendre garde, s’il veut devenir parfait, de ne donner jamais à la figure sa proportion propre & naturelle, parce que ce seroit une tres-grande erreur : […] il est necessaire que si l’un & l’autre [ndr : peintre et sculpteur] a dessin de devenir un nouveau Fidias, ou un Apellés, qu’il fasse tousjours sa Peinture ou Sculpture proportionnée selon le lieu où elle doit estre mise, & à l’œil duquel elle doit estre veuë […] parce que l’œil qui verra la jugera proportionnée

Terme traduit par VEDUTA dans Lomazzo, 1585, p. 28.

œil

term translated by VEDUTA

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → perspective
L’ARTISTE → qualités
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → proportion

Quotation

[…] de la proportion suivent & resultent divers & tres-importans effects, le principal desquels est la majesté & la beauté aux corps, que Vitruve appelle Eurithmie. C’est pourquoy lorsqu'on voit une chose qui est bien composée, l'on dit qu'elle est belle : en un mot, on ne doit entendre autre chose par la proportion, que la beauté deuë à toutes les choses, par laquelle les yeux corporels viennent à recevoir tous les plaisirs que l’on peut gouster par le sens de la veuë, & penetrer par l'œil de l'entendement.

œil

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CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection
SPECTATEUR → perception et regard

Quotation

De quelle sorte  le peintre doit voir & desseigner les figures qu’il veut placer dans la composition d’une histoire.  
Il faut tousjours que le peintre considère dans le lieu où son tableau doit estre posé, la hauteur du plan sur lequel il veut placer les figures de son histoire […] & que la hauteur de sa veuë se trouve autant au dessous de la chose qu’il desseigne, que son tableau sera mis plus haut en œuvre que l’œil dont il sera veu, sans quoy sa composition seroit un mauvais effect & seroit blasmable.

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CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition
EFFET PICTURAL → qualité de la composition

Quotation

Dans le riche traité de la proportion [ndr : de Lomazzo]
Expliquant sa Doctrine et son intention,
[ndr : Lomazzo] Nous dit que la prudence des bons Peintres ordonne
{10. Precepte important pour l’optique]
De joindre autant et plus qu’un object abandonne
De sa juste grandeur, par son esloignement ;
Si l’on veut esviter un lourd achoppement ;
Puis qu’a mesme que l’œil s’éloigne d’une chose
L’Angle Pyramidal dont le Conus repose
Au centre de la veuë amoindrit peu a peu,
Tant, que finalement cét object n’est plus veu.

 
La Peinture Parlante
p. 15-16 [PDF 43-44]

{11. Le mouvement seconde classe de la Peinture}
Le P. De la proportion comme du fondement
Il te faudra passer dedans le Mouvement,
Et des secrets ressorts que son secret nous porte
La Figure animer qui s’embloit estre morte.
[…]
L’on s’abuse en effet de donner l’action
Si c’est au detriment de la proportion

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EFFET PICTURAL → perspective

Quotation

{VII. Attitude.}
Que la Partie qui en produit une autre, soit plus puissante que celle qu’elle produit, & qu’on voye le Tout d’un mesme point de veuë : *quoy que la Perspective ne puisse pas estre appellée une Regle certaine ou un acheminement de la Peinture ; mais un grand secours dans l’Art, & un moyen facile pour agir, tombant assez souvent dans l’erreur, & nous faisant voir des choses sous un faux aspect : car les corps ne sont pas toûjours representez selon le plan Geometral, mais tels qu’ils sont veus. 

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EFFET PICTURAL → perspective
SPECTATEUR → perception et regard

Quotation

{XV. Du nombre des Figures.} 
*De mesme que la Comedie est rarement bonne dans laquelle le nombre des Acteurs est trop grand, ainsi est-il bien rare & quasi comme impossible de faire un Tableau parfait, dans lequel il se trouve une grande quantité de Figures […] : parce que tant de choses dispersées apportent une confusion, & ostent une majesté grave & un silence doux, qui font la beauté du Tableau & la satisfaction des yeux ; mais si vous y estes contraint par le Sujet, il faudra concevoir le Tout ensemble & l’effet de l’Ouvrage comme tout d’une veuë, & non pas chaque chose en particulier.

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CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition
EFFET PICTURAL → qualité de la composition
SPECTATEUR → perception et regard

Quotation

{XXXI. Conduite des Tons, des Lumières & des Ombres.} 
Il faut donc que les corps ronds, qui sont veus vis-à-vis en angle droit, soient de couleurs vives & fortes, & que les extremitez tournent en se perdant insensiblement & confusément, sans que le Clair se precipite tout d'un coup dans l'Obscur, ny l'Obscur tout d'un coup dans le Clair : il se fera un passage commun & imperceptible des Clairs dans les Ombres & des Ombres dans les Clairs. Et c’est conformément à ces principes qu’il faut traiter tout un Grouppe de Figures, quoy que composé de plusieurs parties ; de mesme que vous feriez une seule teste, soit qu’il y ait deux Grouppes, ou mesme trois (*ce qui sera tout au plus) si vôtre composition le demande, & prenez garde qu’ils soient détachez les uns des autres : Enfin, vous ménagerez si bien les Couleurs, les Clairs & les Ombres, *que vous fassiez paroître les corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, qui ne luy permettent pas si-tost d’aller plus loing, & qui la font reposer pour quelque temps, & que reciproquement vous rendiez les Ombres sensibles par un Fond éclairé.

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EFFET PICTURAL → qualité de la lumière
SPECTATEUR → perception et regard

Quotation

132. [Que les Membres soient agrouppez de mesme que les Figures, c'est à dire, &c.] Je ne sçaurois vous mieux comparer un Grouppe de Figures, qu'à un Concert de Voix, lesquelles toutes ensemble se soûtenant par leurs différen- tes Parties, font un Accord qui remplit & qui flatte agreablement l'oreille : mais si vous venez à les separer, & qu'elles se fassent entendre aussi haut l'une que l'autre, elles vous étourdiront tellement, que vous croirez avoir les oreilles déchirées. Il en est de mesme des Figures : si vous les assemblez en sorte que les unes soûtiennent & servent à faire paroistre les autres, & que toutes ensemble s'accordent & ne fassent qu'un Tout, vos yeux seront pleinement satisfaits ; que si au contraire vous les separez, vos yeux souffriront pour les voir toutes ensemble dispersées, ou chacune en particulier ; toutes ensemble, parce que les rayons visuels sont multipliez par la multiplicité des Objets ; chacune en particulier, parce que si vous en voulez regarder une, toutes celles qui sont autour fraperont & attireront vostre veuë, qui peine extremement dans cette sorte de separation & de diversité d'Objets. L'œil par exemple est satisfait à la veuë d'un raisin, & se trouve fort embarassé, s’il se veut porter tout d'un coup sur tous les grains ensemble, qui en seront détachez sur une table. Il faut avoir le mesme égard pour les Membres : ils se grouppent & se contrastent de mesme que les Figures. Peu de Peintres ont bien pris garde à ce Precepte, qui est un fondement tres-solide pour l'harmonie du Tableau.

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EFFET PICTURAL → qualité de la composition
SPECTATEUR → perception et regard

Quotation

282. [Que vous fassiez paroistre les Corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, &c.] C’est à dire proprement, qu’apres de grands Clairs il faut de grandes Ombres, qu’on appelle des Repos ; parce que effectivement la veuë seroit fatiguée, si elle estoit attirée par une continuité d’objets petillans. Les Clairs peuvent servir de repos aux Bruns, comme les Bruns en servent aux Clairs. […]
Ces Repos se font de deux manieres, dont l’une est Naturelle, & l’autre Artificielle : La Naturelle se fait par une étenduë de Clairs ou d’Ombres, qui suivent naturellement & necessairement les Corps solides, ou les Masses de plusieurs Figures agrouppées lors que le jour vient à frapper dessus : Et l’Artificielle consiste dans les Corps des Couleurs que le Peintre donne à de certaines choses telles qu’il luy plaist, & les compose de telle sorte, qu’elles ne fassent point de tort aux Objets qui sont auprés d’elles. Une Draperie par exemple que l’on aura fait jaune ou rouge en certain endroit, pourra estre dans un autre de Couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l’effet que l’on demande. L’on doit prendre occasion autant qu’il est possible de se servir de la premiere Maniere, & de trouver les Repos dont nous parlons par le Clair ou par l’Ombre, qui accompagnent naturellement les Corps solides […] 
Ainsi le Peintre qui a de l'intelligence prendra ses avantages de l'une & de l'autre Maniere ; & s'il fait un Dessein qui doive estre gravé, il se souviendra que les Graveurs ne disposent pas des Couleurs, comme font les Peintres, & que par consequent il doit prendre occasion de trouver les Repos de son Dessein dans les Ombres naturelles des Figures, qu'il aura disposées à cet effet. Rubens en donne une parfaite connoissance dans les Estampes qu'il a fait graver ; & je ne croy pas que l'on puisse rien voir de plus beau en ce genre : Toute l'intelligence des Grouppes, du Clair-Obscur & de ces Masses que le Titien appelloit
la Grappe de Raisin, y est si nettement exposée, que la veüe de ces Estampes & l'attention que l'on y apporterait contribueraient beaucoup à faire un Habile-homme. […]
Ce n'est pas que les Graveurs ne puissent & ne doivent imiter les Corps des Couleurs par les degrez du Clair-Obscur, autant qu'ils jugeront que cela doit produire un bel effet ; au contraire il est à mon avis, impossible de donner beaucoup de force à tout ce que l'on gravera d'après les Ouvrages de l'Ecole de Venise, & de tous ceux qui ont eu l'intelligence des Couleurs & du Contraste du Clair-Obscur, sans imiter en quelque façon la Couleur des Objets selon le rapport qu'elle a aux degrez du Blanc & du Noir. […]

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SPECTATEUR → perception et regard

Quotation

Or comme la veuë ne peut se porter sur quantité d'objets à la fois, Rubens a eu pour maxime de faire voir dans ses tableaux où il y a quantité de figures, trois groupes principaux qui dominent fur tout l'Ouvrage ; & comme un seul objet fatigue encore moins les yeux que trois, il a fait en sorte que les groupes des costez le cèdent à celuy du milieu qui estant de couleurs plus fortes & plus brillantes, attire l'oeil au centre de la composition comme si elle n'estoit qu'un seul &. unique objet. Cela se voit merveilleusement bien dans les Innocens, le ravissement des Sabines & les Païsages.

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EFFET PICTURAL → qualité de la composition

Quotation

Or de tous les objets qui peuvent tomber sous le sens de la veuë, il n'y en a point qui luy soit plus agréable que celuy qui est circulaire. Et ce circulaire paroist à nos yeux de deux manières ; ou par dehors en nous présentant la partie convexe, ou par dedans, en présentant la partie concave : les Tableaux que je viens de vous nommer, qui sont les Innocens, les Sabines, le Jugement de Paris, & les Païsages, sont disposez de la première maniere, & ceux du Saint George & des Amazones de la seconde. [...] C'est qu'elle leur fait moins de peine à regarder, répondit Philarque, les autres figures ont des angles, & les angles attirent la veüe & la separent en autant de rayons visuels : Les yeux ne souffrent donc aucune division, & font tous entiers à un simple & seul objet quand leur objet est un rond. Ainsi puisque de toutes les figures la plus parfaite & la plus agréable est la circulaire ; la disposition de quantité d'objets la plus parfaite & la plus agréable sera celle qui approchera davantage de cette figure, soit qu'on la prenne dans sa convexité, ou qu'on la regarde comme concave.

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SPECTATEUR → perception et regard

Quotation

[...] mais si ces mesmes boules font parties d'un tout, & qu'il y ait plusieurs boules ensemble comme en un monceau, pour lors il faut les considérer toutes comme ne faisant qu'une seule boule ou partie d'une seule boule, selon qu'elles seront disposées, & les éclairer dans cette veuë si vous voulez qu'elles fassent plus d'effet. II en est ainsi des parties du corps.

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EFFET PICTURAL → qualité de la composition

Quotation

C'est que les Philosophes définissent le Blanc, une couleur qui dissipe la veuë & qui la sépare; & le Noir, une couleur qui ramasse la veuë & qui la fixe. Si le Noir fixe la veuë, reprit Philarque, ne soyez donc pas étonné que Rubens s'en soit servy dans les endroits qu'il a voulu rendre plus sensibles & plus proches des yeux : & si les objets qu'il a peints conservent une si grande rondeur. Et pour le blanc, repartit Leonidas, qui n'est pas en parfaite amitié avec la veuë, & qui s'en éloigne, pourquoy l'employe-t'on souvent dans les objets qui sont fur le devant du Tableau ? Pour deux raisons, repartit Philarque, l'une parce qu'il rend le noir encore plus sensible par son opposition, & l'autre parce que le blanc est nécessaire pour donner l'idée de quantité d'objets que l'on a souvent occasion de representer sur le devant comme seroit du linge, un cheval blanc, & semblables autres choses dont cette couleur est le corps, ou dont elle fait une grande partie. Mais quand on l'employe ainsi fur les premières lignes du tableau, on observe de raccompagner de couleurs brunes qui le retiennent, ou bien on le place entre deux corps bruns qui renferment comme mal-gré luy, & qui l'empeschent d'entrer dans le tableau, & de se joindre aux objets les plus esloignez. C'est pour cela que Rubens ayant fait ses Déesses claires sur un fond brun, les a accompagnées de draperies beaucoup plus brunes que le fond.

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EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

II [ndr : Rubens] a fait voir par cette figure qu'il fçavoit finir quand il vouloit, & quand il le jugeoit nécessaire : Et par ses autres tableaux que cette grande exactitude estoit inutile, puis qu'ils font tout l'effet qu'on en doit attendre. Mais outre que cette manière de peindre les choses si nettement & avec tant de patience ne convient guéres au tempérament actif de Rubens, ny a son Génie tout de feu, c'est qu'il n'a pas trouvé à propos de se servir de cette conduite dans la pluspart de ses Ouvrages, & en voicy deux raisons que l'on y découvre. La première, que tous les tableaux ne sont point faits pour estre veus de prés, ny pour estre tenus à la main, il suffit qu'ils fassent leur effet du lieu d'où on les regarde ordinairement, si ce n'est que les Connoisseurs aprés les avoir veus d'une distance raisonnable veüillent s'en approcher ensuite pour en voir l'artifice. Car il n'y a point de tableau, qui ne doive avoir son point de distance d'où il doit estre regardé : & il est certain qu'il perdra d'autant plus de sa beauté, que celuy qui le voit sortira de ce point, pour s'en approcher ou pour s'en éloigner. Cela estant, je trouve que c'est une perte de temps, pour ne pas dire un manque d'intelligence, que de faire un travail inutile & qui se perd dans la distance, convenable. Et au contraire il y a beaucoup d'Art & de science en faisant tout ce qui est nécessaire, de ne faire que ce qui est nécessaire.

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EFFET PICTURAL → qualité de la composition
SPECTATEUR → perception et regard

Quotation

Quand au troisiéme Tableau [ndr : Nicolas Poussin, Les Israélites recueillant la manne dans le désert], l’on fit remarquer que cette partie de l’Ordonnance comprenoit trois choses : 1. La conception du lieu : 2. La disposition des figures : 3. Le plan perspectif. Dans la premiere l’on considera, que le Poussain y avoit formé de grandes terraces pour servir de fond aux figures de devant & pousser le lointain, des Rochers grands & terribles qui donne l’idée d’un affreux desert, […] ; que quand à la disposition des figures, divers groupes détachez les uns des autres composoient de grandes parties si distinctes, que la vûe s’y peut promener sans peine, & pourtant si bien liés l’un à l’autre qu’ils s’unissent pour faire un beau tout ensemble. On remarqua particulierement en chaque groupe un judicieux Contraste ; & nonobstant la diversité des mouvemens un concours admirable à l’expression du sujet. Enfin pour ce qui regarde le plan perspectif on tomba d’accord qu’il ne ce pouvoit rien voir de plus regulier, chaque choses étant proportionnée suivant les regles de la situation naturelle, de sorte que l’Auteur de cet ouvrage avoit dans un sujet de desordre trouvé le moyen de faire paroître beaucoup de monde bien ordonné & sans aucune confusion, ayant pû sur tout placer son Heraut en un lieu eminant où la vûë est conduite par les actions de toutes les figures.

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SPECTATEUR → perception et regard
EFFET PICTURAL → qualité de la composition
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → action et attitude

Quotation

Toutes ces observations, […] furent jugées tres dignes d’être établies en forme de Preceptes certains & octorisez, mais on conclu neanmoins qu’il n’étoit pas possible de prescrire des regles sur la forme des Ordonnances, parce que chacun y doit agir selon la disposition & la force de son genie, & dans toute la liberté de ses propres conceptions & de son esprit, que cette partie depandoit donc d’un talent surnaturel, & que le conseil qu’on pouvoit donner aux Etudians se reduisoit à ces trois chefs, à sçavoir premierement de bien étudier les Histoires dans les meilleurs Auteurs, afin d’en bien comprendre l’idée principale & les circonstances essentielles : Secondement de menager discretement le Contraste en toutes les parties de son Dessein, pour en former comme un agreable harmonie à la vûe, & enfin s’attacher aux beaux exemples des plus excellens Ouvrages afin de se remplir l’esprit des belles idées pour s’en servir dans la construction des Ordonnances.

Ce passage de Testelin se retrouve chez Florent Le Comte dans son Cabinet des singularitez (...), plus précisément aux pages 49-50 de son édition de 1699-1700 (Paris, Etienne Picart & Nicolas Le Clerc, tome I, vol. I).

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Quotation

[…] car communement on considere la lumiere par oppostion au tenebres, & ainsi successivement l’un à l’autre. Mais l’Academie a regardé ces deux opposez relativement & proportionnellement dans un seule vûë. C’est en effet un des plus important presceptes qu’on puisse tirer du raisonnement de ces Conferences pour faire en Peinture une juste representation des beaux effets du naturel, car comme on ne sauroit appercevoir les objets que par la lumiere, & qu’il n’y a aucun Corps de quelque forme que ce soit qui ne porte son ombre en soi-même par son propre relief, ou sur quelqu’autre Corps voisin, il est constant qu’on ne sauroit imiter la belle union qui se rencontre naturellement dans l’opposition de ces deux contraires qu’en les regardant perspectivement, c’est à dire d’un seul coup d’œil ; mais pour y réüssir il est necessaire d’y apporter un jugement bien épuré & dégagé de toute affectation pour observer les divers degrez de force entre les teintes & les reflex, tant sur les parties éclairées que sur celles qui sont ombrées, pour cet effet il faut observer les differents effets de la vûe fixée sur des objets opposez à une grande lumiere, ou bien à une forte obscurité (non pas pour dire comme ont fait quelques Traducteurs, qui ont voulu exprimer les sentimens d’un tres sçavant Peintre) que la prunelle s’élargit ou s’étraicit ; […]
Regardant les objets de cette maniere sans varier la vûë, il sera facile de reconnoître qu’il y a un principal éclat qui reside, comme en un seul point dominant sur toute la partie éclairée, de même que dans l’ombre on peut remarquer des endroits plus obscurs, c’est ce que l’on nomme dans l’usage des Peintres, l’éclat du rehaût d’un côté, & d’autre part le renfoncement extréme ; de sorte qu’il demeure constant que ces deux extremitez doivent être uniques dans un Ouvrage de Peinture. Ce fut à ce propos que quelqu’un de la Compagnie proposa pour precepte de ne pas s’attacher à finir les choses qui se rencontrent dans l’ombre, parce que ce travail est non seulement perdu par son inutilité, mais qu’il empêche encore le bel effet du tout ensemble, en distrayant la vûë de son principal, & en l’atirant sur des parties singulieres, qui par ce moyen deviennent trop apparentes.

Conceptual field(s)

SPECTATEUR → perception et regard
CONCEPTION DE LA PEINTURE → lumière
CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition

Quotation

qu’ainsi il étoit d’une trés grande consequence de s’étudier à bien connoître la couleur, & de se rendre ses charmes familiers, afin de ne pas s’y laisser surprendre, & de pouvoir étudier le reste avec plus de liberté : qu’un tableau dessigné mediocrement, où les couleurs seroient en tout leur éclat, feroit plus d’agreables effets à la vuë, qu’un autre où le dessein seroit en sa plus parfaite justesse où la couleur seroit negligée, parce que la couleur en sa perfection representoit toûjours la verité & que le dessein ne pouvoit representer que la possibilité.

Conceptual field(s)

SPECTATEUR → perception et regard

Quotation

L.
L’on fait plusieurs autres Draperies de couleurs sales ; comme de brun rouge, de bistre d’Inde, &c. Et toutes de la mesme maniere. Et d’autres de couleurs rompuës & composées, entre lesquelles il faut toûjours observer l’accord, afin que leur mélange ne fasse rien d’acre à la veuë. Il n’y a point de regle à donner là-dessus : il faut seulement connoistre par experience, & par l’usage, la force et l’effet de vos Couleurs, & travailler sur cette connoissance.

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
SPECTATEUR → perception et regard

Quotation

LXI.
Les habiles Peintres qui entendent la perspective & l’harmonie des couleurs, observent toûjours de placer les couleurs sensibles & brunes sur les devants de leurs Tableaux, & les claires & fuyantes pour les lointains ; & quant à l’union des couleurs, les differens mélanges qu’on en peut faire aprendroit l’amitié ou l’antipathie qu’elles ont ensemble, & sur cela vous prendrez vos mesures pour les placer avec un accord qui plaise à la veuë.

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EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
SPECTATEUR → perception et regard

Quotation

Des Païsages.
LXXXIX.
C’est particulierement pour les Païsages qu’il faut faire valoir l’article 58. & les suivantes de la Nature & des diverses qualitez des couleurs, parce que l’ordre et la distribution qu’on en fait sert beaucoup à faire paroistre ses fuites & ses éloignements, qui trompent la veuë. Et les plus grands Païsagistes ont toûjours observé de placer sur les premieres lignes de leurs Païsages les couleurs les plus terrestres & les plus sensibles, reservant les plus legeres pour les lointains.

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GENRES PICTURAUX → paysage
EFFET PICTURAL → perspective

Quotation

comme des regles sur l’Ordonnance ne se peuvent donner, & qu’il faut que chacun y agisse selon la disposition & la force de son genie ; aussi cette partie dépendant d’un talent surnaturel, le conseil que peuvent donnez les plus sçavans, se reduit à trois chefs, sçavoir
DE BIEN ETUDIER les Histoires dans les meilleurs Auteurs, afin d’en bien comprendre l’idée principale, & les circonstances essentielles, pour se distinguer des Peintres d’un mediocre merite, & qui ne sont pas moins Peintres sans sçavoir à fond ce qui regarde l’Histoire, de même qu’un homme n’est pas moins homme quelque dépourvû qu’il soit de la vertu qui le doit émouvoir à acquerir les sçiences : ne voyons-nous pas que les Peintres du premier ordre agissans en Maîtres se sont donné des licences d’autant plus imperceptibles qu’elles sont judicieusement raisonnées, avantageusement executées, & que les Histoires autorisent.
DE BIEN MENAGER avec discretion, le contraste en toutes les parties de son dessein, pour en faire comme une agreable harmonie à la vûë ; & enfin
DE S’ATTACHER aux Exemples des plus excellens ouvrages, afin de se remplir l’esprit de belles idées pour s’en servir dans la construction des ordonnances ; &
comme vous pouvez avoir eu la curiosité d’apprendre de quelque habile Peintre, ce que c’est que LA COULEUR, & la manière de l’employer, ce ne sera rien de nouveau pour vous, quand je vous diray que les COULEURS se doivent considerer à l’égard de leur employ, soit à huile, ou à l’eau.

Comme de nombreuses autres parties de texte, ce passage de Florent Le Comte est tiré de l'ouvrage "Les Sentimens (...)" de Testelin, plus précisément à la page 29 de l'édition de La Haye (Matthieu Rogguet, vers 1693-1694).

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Quotation

La distribution des objets forme des masses de clair-obscur, lorsque par une industrieuse œconomie on les dispose de maniere que ce qu’ils ont de lumineux se trouve joint ensemble d’un côté, & que ce qu’ils ont d’obscur se trouve lié ensemble d’un autre côté, & que cet amas de lumieres & d’ombres empêche la dissipation de notre vûe. C’est ce que le Titien appelloit la grappe de raisin : parceque les grains de raisin separés les uns des autres auroient chacun sa lumiere & son ombre également ; & partageant ainsi la vûe en plusieurs rayons, lui causeroient de la confusion : au lieu qu’étant tous rassemblés en une grappe, & ne faisant par ce moyen qu’une masse de clair & qu’une masse d’ombre, les yeux les embrassent comme un seul objet. Ce que je dis ici de la grappe de raisin ne doit pas être pris grossierement à la lettre, ni selon l’arrangement, ni selon la forme ; c’est une comparaison sensible qui ne signifie autre chose que la jonction des clairs, & la jonction des ombres.
 

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EFFET PICTURAL → qualité de la lumière
EFFET PICTURAL → qualité de la composition

Quotation

[…] dans les grands ouvrages il faille nécessairement que les masses de clair & les masses d’ombres se prêtent un mutuel secours, cependant il ne faut pas que les masses d’ombres contribuent si fort à faire reposer la vûe, qu’elles la laissent dans une entiere inaction en faveur des masses claires.

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité de la lumière
SPECTATEUR → perception et regard

Quotation

Je crois que le pouvoir de la Peinture est plus grand sur les hommes que celui de la Poësie, & j'appuie mon sentiment sur deux raisons. La premiere est que la Peinture agit sur nous par le moïen du sens de la vûë. La seconde est que la Peinture n'emploïe pas des signes artificiels ainsi que le fait la Poësie, mais bien des signes naturels. C'est avec des signes naturels que la peinture fait ses imitations.
La Peinture se sert de l'œil pour nous émouvoir. [...] La vûë a plus d'empire sur l'ame que les autres sens. La vûë  est celui des sens en qui l'ame, par un instinct que l'expérience fortifie, a le plus de confiance […]
En second lieu, les signes que la Peinture emploïe pour nous parler, ne sont pas des signes arbitraires & instituez, tels que sont les mots dont la Poësie se sert. La Peinture emploïe des signes naturels dont l'énergie ne dépend pas de l'éducation. Ils tirent leur force du rapport que la nature elle-même a pris soin de mettre entre les objets extérieurs & nos organes, afin de procurer notre conservation. Je parle peut-être mal, quand je dis que la Peinture emploïe des signes. C'est la
nature elle-même que la Peinture met sous nos yeux. Si notre esprit n'y est pas trompé, nos sens du moins y sont abusez. La figure des objets, leur couleur, les reflais de lumière, les ombres, enfin tout ce que l'œil peut apercevoir, se trouve dans un tableau, comme nous le voïons dans la nature. Elle se présente dans un tableau sous la même forme où nous la voïons réellement. Il semble même que l'œil ébloüi par l'ouvrage d'un Grand Peintre, croïe quelquefois apercevoir du mouvement dans ses figures. 
Les vers les plus touchans ne sçauroient nous émouvoir que par degrez & en faisant jouer plusieurs ressorts de notre machine les uns après les autres. Les mots doivent d'abord  réveiller les idées dont ils ne sont que des signes arbitraires. Il faut ensuite que ces idées s'arrangent dans l'imagination, & qu'elles y forment ces tableaux qui nous touchent, & ces peintures qui nous intéressent. Toutes ces opérations, il est vrai, sont bientôt faites ; mais il est un principe incontestable dans la mécanique, c'est que la multiplicité des ressorts affoiblit toujours le mouvement, parce qu'un ressort ne communique jamais à un autre tout le mouvement qu'il a reçu. D'ailleurs il est une de ces opérations, celle qui se fait quand le mot réveille l'idée dont il est le signe, qui ne se fait pas en vertu des loix de la nature. Elle est artificielle en  partie.
Ainsi les objets que les tableaux nous présentent agissant en qualité de signes naturels, ils doivent agir plus promptement. L'impression qu'ils font sur nous, doit être plus prompte & plus soudaine que celle que les vers peuvent faire.[…] Nous voïons alors en un instant ce que les vers nous font seulement imaginer, & cela même en plusieurs instants.
 

Conceptual field(s)

SPECTATEUR → perception et regard

Quotation

Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → composition
SPECTATEUR → perception et regard
CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur