Work of Art

PRESENTATION

POUSSIN, Nicolas, La Manne ou les israélites recueillant la Manne dans le désert, 1637 - 1639, huile sur toile, 149 x 200, Paris, Musée du Louvre, Inv. 7275 .

Quotation

A cela on repartit qu’il n’en est pas de la Peinture comme de l’Histoire : qu’un Historien se fait entendre par un arangement de paroles, & une suite de discours qui forme une image des choses, & represente successivement telle action qu’il luy plaist ; mais le Peintre n’ayant qu’un instant dans lequel il doit prendre la chose qu’il veut figurer sur une toile, il est quelquefois necessaire qu’il joigne ensemble beaucoup d’incidens qui ayent précédé, afin de faire comprendre le sujet qu’il expose, sans quoy ceux qui verroient son ouvrage ne seroient pas mieux instruits de l’action qu’il represente que si un Historien, au lieu de rapporter tout le sujet de son histoire, se contentoit d’en dire seulement la fin.

Quotation

Pour ce qui est d’avoir representé des personnes, dont les unes sont dans la misere & d’autres qui semblent avoir receû du soulagement, c’est en quoy ce sçavant homme montre qu’il n’estoit pas ignorant de l’art poëtique, ayant composé son ouvrage dans les regles qu’on doit observer aux pieces de theatre. Car pour peindre parfaitement l’histoire qu’il traite, il avoit besoin des parties necessaires à un poëme, afin de passer de l’infortune au bonheur. L’on voit que ces groupes de differentes personnes qui font diverses actions, sont comme autant d’episodes qui servent à ce que l’on nomme peripeties, ou de moyens pour faire connoistre le changement arrivé aux Israélites qui sortent d’une extréme misere, & rentrent dans un estat plus heureux : ainsi leur infortune est marquée par ces personnes languissantes et abbatuës.

Quotation

On remarqua particulierement en chaque groupe un judicieux Contraste ; & nonobstant la diversité des mouvemens un concours admirable à l’expression du sujet. Enfin pour ce qui regarde le plan perspectif on tomba d’accord qu’il ne ce pouvoit rien voir de plus regulier, chaque choses étant proportionnée suivant les regles de la situation naturelle, de sorte que l’Auteur de cet ouvrage avoit dans un sujet de desordre trouvé le moyen de faire paroître beaucoup de monde bien ordonné & sans aucune confusion, ayant pû sur tout placer son Heraut en un lieu eminant où la vûë est conduite par les actions de toutes les figures.

Quotation

Toutes ces observations, […] furent jugées tres dignes d’être établies en forme de Preceptes certains & octorisez, mais on conclu neanmoins qu’il n’étoit pas possible de prescrire des regles sur la forme des Ordonnances, parce que chacun y doit agir selon la disposition & la force de son genie, & dans toute la liberté de ses propres conceptions & de son esprit, que cette partie depandoit donc d’un talent surnaturel, & que le conseil qu’on pouvoit donner aux Etudians se reduisoit à ces trois chefs, à sçavoir premierement de bien étudier les Histoires dans les meilleurs Auteurs, afin d’en bien comprendre l’idée principale & les circonstances essentielles : Secondement de menager discretement le Contraste en toutes les parties de son Dessein, pour en former comme un agreable harmonie à la vûe, & enfin s’attacher aux beaux exemples des plus excellens Ouvrages afin de se remplir l’esprit des belles idées pour s’en servir dans la construction des Ordonnances.

Quotation

Quand au troisiéme Tableau [ndr : Nicolas Poussin, Les Israélites recueillant la manne dans le désert], l’on fit remarquer que cette partie de l’Ordonnance comprenoit trois choses : 1. La conception du lieu : 2. La disposition des figures : 3. Le plan perspectif. Dans la premiere l’on considera, que le Poussain y avoit formé de grandes terraces pour servir de fond aux figures de devant & pousser le lointain, des Rochers grands & terribles qui donne l’idée d’un affreux desert, […] ; que quand à la disposition des figures, divers groupes détachez les uns des autres composoient de grandes parties si distinctes, que la vûe s’y peut promener sans peine, & pourtant si bien liés l’un à l’autre qu’ils s’unissent pour faire un beau tout ensemble.

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A l’égard du raport qui peut y avoir entre une seule tête & l’ordonnance de plusieurs figures ensemble, il consiste en l’effet du jour & de l’ombre, en l’unité du point perspectif, au fuyant ou diminution des parties reculées & dans la conformité qu’elles doivent avoir pour concourir en l’expression d’une même passion comme à l’idée d’un seul sujet. C’est à quoi aussi ce peut fort bien rapporter la comparaison qu’on fait ordinairement d’une grape de Raisin à l’Ordonnance d’un Tableau, tant pour la disposition des groupes & des figures que pour la distribution de la lumiere ; les groupes étant en l’Ordonnance comme des petites branches ou grapilions, qui bien qu’ils soient distincts & comme separés s’unisent neanmoins comme pour ne faire qu’un tout ensemble : ainsi la lumiere doit jetter son principal éclat en un seul endroit, & aller toûjours en diminuant sur les parties qui s’en éloignent.

Quotation

Cette multitude de monde répanduë en divers endroits, partage agréablement la veûë, & ne l’empesche point de se promener dans toute l’étenduë de ce desert. Cependant, afin que les yeux ne soient pas toûjours errans, & emportez dans un si grand espace de païs, ils se trouvent arrestez par les groupes de figures qui ne séparent point le sujet principal, mais servent à le lier, & à le faire mieux comprendre. On y trouve un contraste judicieux dans les differentes dispositions des figures dont la position & les attitudes conformes à l’histoire engendrent l’unité d’action, & la belle harmonie que l’on voit dans ce Tableau.

Quotation

A l’égard du raport qui peut y avoir entre une seule tête & l’ordonnance de plusieurs figures ensemble, il consiste en l’effet du jour & de l’ombre, en l’unité du point perspectif, au fuyant ou diminution des parties reculées & dans la conformité qu’elles doivent avoir pour concourir en l’expression d’une même passion comme à l’idée d’un seul sujet. C’est à quoi aussi ce peut fort bien rapporter la comparaison qu’on fait ordinairement d’une grape de Raisin à l’Ordonnance d’un Tableau, tant pour la disposition des groupes & des figures que pour la distribution de la lumiere ; les groupes étant en l’Ordonnance comme des petites branches ou grapilions, qui bien qu’ils soient distincts & comme separés s’unisent neanmoins comme pour ne faire qu’un tout ensemble : ainsi la lumiere doit jetter son principal éclat en un seul endroit, & aller toûjours en diminuant sur les parties qui s’en éloignent.

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Quand au troisiéme Tableau [ndr : Nicolas Poussin, Les Israélites recueillant la manne dans le désert], l’on fit remarquer que cette partie de l’Ordonnance comprenoit trois choses : 1. La conception du lieu : 2. La disposition des figures : 3. Le plan perspectif. Dans la premiere l’on considera, que le Poussain y avoit formé de grandes terraces pour servir de fond aux figures de devant & pousser le lointain, des Rochers grands & terribles qui donne l’idée d’un affreux desert, […] ; que quand à la disposition des figures, divers groupes détachez les uns des autres composoient de grandes parties si distinctes, que la vûe s’y peut promener sans peine, & pourtant si bien liés l’un à l’autre qu’ils s’unissent pour faire un beau tout ensemble. On remarqua particulierement en chaque groupe un judicieux Contraste ; & nonobstant la diversité des mouvemens un concours admirable à l’expression du sujet. Enfin pour ce qui regarde le plan perspectif on tomba d’accord qu’il ne ce pouvoit rien voir de plus regulier, chaque choses étant proportionnée suivant les regles de la situation naturelle, de sorte que l’Auteur de cet ouvrage avoit dans un sujet de desordre trouvé le moyen de faire paroître beaucoup de monde bien ordonné & sans aucune confusion, ayant pû sur tout placer son Heraut en un lieu eminant où la vûë est conduite par les actions de toutes les figures.

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Pareillement dans la disposition des habits on observa trois choses ; premierement la qualité des personnes que le Peintre [ndr : Nicolas Poussin dans le tableau Les Israélites recueillant la manne dans le désert] a voulu rendre reconnoisables par la majesté & la grandeur des habillemens, dont les draperies quoi que tres-amples forment des plis si bien rangez qu’ils marquent precisement la jointure des membres, & ne forment que de grandes parties. Secondement en donnant à ces figures non des morceaux d’étoffes jettés au hazard, qui ne paroitroient que des lambeaux, si les figures changeoient d’action ou d’aspect, mais un veritable habit quoi que de differante façon suivant la licence que les Peintres prennent de découvrir quelqu’un des membres pour la varieté des objets, & pour faire connoître leur capacité & leur étude. En troisiéme lieu, le menagement de la pudeur du sexe, par la distinction du vêtement des femmes d’avec celui des hommes, donnant aux uns des habillements plus amples & plus longs, & aux autres des draperies plus troussées & plus serrées.

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Cette multitude de monde répanduë en divers endroits, partage agréablement la veûë, & ne l’empesche point de se promener dans toute l’étenduë de ce desert. Cependant, afin que les yeux ne soient pas toûjours errans, & emportez dans un si grand espace de païs, ils se trouvent arrestez par les groupes de figures qui ne séparent point le sujet principal, mais servent à le lier, & à le faire mieux comprendre. On y trouve un contraste judicieux dans les differentes dispositions des figures dont la position & les attitudes conformes à l’histoire engendrent l’unité d’action, & la belle harmonie que l’on voit dans ce Tableau.

Quotation

On considera mesme dans les effets du jour trois parties dignes d’estre remarquées. La premiere, une lumiere souveraine, qui est celle qui frape davantage ; la seconde, une lumiere glissante sur les objets ; & la troisième, une lumiere perduë, & qui se confond par l’épaisseur de l’air.

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A l’égard du raport qui peut y avoir entre une seule tête & l’ordonnance de plusieurs figures ensemble, il consiste en l’effet du jour & de l’ombre, en l’unité du point perspectif, au fuyant ou diminution des parties reculées & dans la conformité qu’elles doivent avoir pour concourir en l’expression d’une même passion comme à l’idée d’un seul sujet. C’est à quoi aussi ce peut fort bien rapporter la comparaison qu’on fait ordinairement d’une grape de Raisin à l’Ordonnance d’un Tableau, tant pour la disposition des groupes & des figures que pour la distribution de la lumiere ; les groupes étant en l’Ordonnance comme des petites branches ou grapilions, qui bien qu’ils soient distincts & comme separés s’unisent neanmoins comme pour ne faire qu’un tout ensemble : ainsi la lumiere doit jetter son principal éclat en un seul endroit, & aller toûjours en diminuant sur les parties qui s’en éloignent.

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Cette multitude de monde répanduë en divers endroits, partage agréablement la veûë, & ne l’empesche point de se promener dans toute l’étenduë de ce desert. Cependant, afin que les yeux ne soient pas toûjours errans, & emportez dans un si grand espace de païs, ils se trouvent arrestez par les groupes de figures qui ne séparent point le sujet principal, mais servent à le lier, & à le faire mieux comprendre. On y trouve un contraste judicieux dans les differentes dispositions des figures dont la position & les attitudes conformes à l’histoire engendrent l’unité d’action, & la belle harmonie que l’on voit dans ce Tableau.

Quotation

A l’égard du raport qui peut y avoir entre une seule tête & l’ordonnance de plusieurs figures ensemble, il consiste en l’effet du jour & de l’ombre, en l’unité du point perspectif, au fuyant ou diminution des parties reculées & dans la conformité qu’elles doivent avoir pour concourir en l’expression d’une même passion comme à l’idée d’un seul sujet. C’est à quoi aussi ce peut fort bien rapporter la comparaison qu’on fait ordinairement d’une grape de Raisin à l’Ordonnance d’un Tableau, tant pour la disposition des groupes & des figures que pour la distribution de la lumiere ; les groupes étant en l’Ordonnance comme des petites branches ou grapilions, qui bien qu’ils soient distincts & comme separés s’unisent neanmoins comme pour ne faire qu’un tout ensemble : ainsi la lumiere doit jetter son principal éclat en un seul endroit, & aller toûjours en diminuant sur les parties qui s’en éloignent.

Quotation

Quand au troisiéme Tableau [ndr : Nicolas Poussin, Les Israélites recueillant la manne dans le désert], l’on fit remarquer que cette partie de l’Ordonnance comprenoit trois choses : 1. La conception du lieu : 2. La disposition des figures : 3. Le plan perspectif. Dans la premiere l’on considera, que le Poussain y avoit formé de grandes terraces pour servir de fond aux figures de devant & pousser le lointain, des Rochers grands & terribles qui donne l’idée d’un affreux desert, […] ; que quand à la disposition des figures, divers groupes détachez les uns des autres composoient de grandes parties si distinctes, que la vûe s’y peut promener sans peine, & pourtant si bien liés l’un à l’autre qu’ils s’unissent pour faire un beau tout ensemble. On remarqua particulierement en chaque groupe un judicieux Contraste ; & nonobstant la diversité des mouvemens un concours admirable à l’expression du sujet. Enfin pour ce qui regarde le plan perspectif on tomba d’accord qu’il ne ce pouvoit rien voir de plus regulier, chaque choses étant proportionnée suivant les regles de la situation naturelle, de sorte que l’Auteur de cet ouvrage avoit dans un sujet de desordre trouvé le moyen de faire paroître beaucoup de monde bien ordonné & sans aucune confusion, ayant pû sur tout placer son Heraut en un lieu eminant où la vûë est conduite par les actions de toutes les figures.

Quotation

Pour ce qui est d’avoir representé des personnes, dont les unes sont dans la misere & d’autres qui semblent avoir receû du soulagement, c’est en quoy ce sçavant homme montre qu’il n’estoit pas ignorant de l’art poëtique, ayant composé son ouvrage dans les regles qu’on doit observer aux pieces de theatre. Car pour peindre parfaitement l’histoire qu’il traite, il avoit besoin des parties necessaires à un poëme, afin de passer de l’infortune au bonheur. L’on voit que ces groupes de differentes personnes qui font diverses actions, sont comme autant d’episodes qui servent à ce que l’on nomme peripeties, ou de moyens pour faire connoistre le changement arrivé aux Israélites qui sortent d’une extréme misere, & rentrent dans un estat plus heureux : ainsi leur infortune est marquée par ces personnes languissantes et abbatuës.

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Pour ce qui est d’avoir representé des personnes, dont les unes sont dans la misere & d’autres qui semblent avoir receû du soulagement, c’est en quoy ce sçavant homme montre qu’il n’estoit pas ignorant de l’art poëtique, ayant composé son ouvrage dans les regles qu’on doit observer aux pieces de theatre. Car pour peindre parfaitement l’histoire qu’il traite, il avoit besoin des parties necessaires à un poëme, afin de passer de l’infortune au bonheur. L’on voit que ces groupes de differentes personnes qui font diverses actions, sont comme autant d’episodes qui servent à ce que l’on nomme peripeties, ou de moyens pour faire connoistre le changement arrivé aux Israélites qui sortent d’une extréme misere, & rentrent dans un estat plus heureux : ainsi leur infortune est marquée par ces personnes languissantes et abbatuës.

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Quand au troisiéme Tableau [ndr : Nicolas Poussin, Les Israélites recueillant la manne dans le désert], l’on fit remarquer que cette partie de l’Ordonnance comprenoit trois choses : 1. La conception du lieu : 2. La disposition des figures : 3. Le plan perspectif. Dans la premiere l’on considera, que le Poussain y avoit formé de grandes terraces pour servir de fond aux figures de devant & pousser le lointain, des Rochers grands & terribles qui donne l’idée d’un affreux desert, […] ; que quand à la disposition des figures, divers groupes détachez les uns des autres composoient de grandes parties si distinctes, que la vûe s’y peut promener sans peine, & pourtant si bien liés l’un à l’autre qu’ils s’unissent pour faire un beau tout ensemble. On remarqua particulierement en chaque groupe un judicieux Contraste ; & nonobstant la diversité des mouvemens un concours admirable à l’expression du sujet. Enfin pour ce qui regarde le plan perspectif on tomba d’accord qu’il ne ce pouvoit rien voir de plus regulier, chaque choses étant proportionnée suivant les regles de la situation naturelle, de sorte que l’Auteur de cet ouvrage avoit dans un sujet de desordre trouvé le moyen de faire paroître beaucoup de monde bien ordonné & sans aucune confusion, ayant pû sur tout placer son Heraut en un lieu eminant où la vûë est conduite par les actions de toutes les figures.

Quotation

Cette multitude de monde répanduë en divers endroits, partage agréablement la veûë, & ne l’empesche point de se promener dans toute l’étenduë de ce desert. Cependant, afin que les yeux ne soient pas toûjours errans, & emportez dans un si grand espace de païs, ils se trouvent arrestez par les groupes de figures qui ne séparent point le sujet principal, mais servent à le lier, & à le faire mieux comprendre. On y trouve un contraste judicieux dans les differentes dispositions des figures dont la position & les attitudes conformes à l’histoire engendrent l’unité d’action, & la belle harmonie que l’on voit dans ce Tableau.

Quotation

Quelque autre personne ajousta à toutes ces raisons, que si par les regles du theatre, il est permis aux Poëtes de joindre ensemble plusieurs évenemens arrivez en divers temps pour en faire une seule action, pourveû qu’il n’y ait rien qui se contrarie, & que la vraysemblance y soit exactement observée ; il est encore bien plus juste que les Peintres prennent cette license, puis que sans cela leurs ouvrages demeureroient privez de ce qui en rend la composition admirable, & fait connoistre davantage la beauté du génie de leur auteur. Que dans cette rencontre l’on ne pouvoit pas accuser le Poussin d’avoir mis dans son Tableau aucune chose qui empesche l’unité d’action, & qui ne soit vraysemblable, n’y ayant rien qui ne concourre à un mesme sujet.

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Quand au troisiéme Tableau [ndr : Nicolas Poussin, Les Israélites recueillant la manne dans le désert], l’on fit remarquer que cette partie de l’Ordonnance comprenoit trois choses : 1. La conception du lieu : 2. La disposition des figures : 3. Le plan perspectif. Dans la premiere l’on considera, que le Poussain y avoit formé de grandes terraces pour servir de fond aux figures de devant & pousser le lointain, des Rochers grands & terribles qui donne l’idée d’un affreux desert, […] ; que quand à la disposition des figures, divers groupes détachez les uns des autres composoient de grandes parties si distinctes, que la vûe s’y peut promener sans peine, & pourtant si bien liés l’un à l’autre qu’ils s’unissent pour faire un beau tout ensemble. On remarqua particulierement en chaque groupe un judicieux Contraste ; & nonobstant la diversité des mouvemens un concours admirable à l’expression du sujet. Enfin pour ce qui regarde le plan perspectif on tomba d’accord qu’il ne ce pouvoit rien voir de plus regulier, chaque choses étant proportionnée suivant les regles de la situation naturelle, de sorte que l’Auteur de cet ouvrage avoit dans un sujet de desordre trouvé le moyen de faire paroître beaucoup de monde bien ordonné & sans aucune confusion, ayant pû sur tout placer son Heraut en un lieu eminant où la vûë est conduite par les actions de toutes les figures.

Quotation

Cette multitude de monde répanduë en divers endroits, partage agréablement la veûë, & ne l’empesche point de se promener dans toute l’étenduë de ce desert. Cependant, afin que les yeux ne soient pas toûjours errans, & emportez dans un si grand espace de païs, ils se trouvent arrestez par les groupes de figures qui ne séparent point le sujet principal, mais servent à le lier, & à le faire mieux comprendre. On y trouve un contraste judicieux dans les differentes dispositions des figures dont la position & les attitudes conformes à l’histoire engendrent l’unité d’action, & la belle harmonie que l’on voit dans ce Tableau.

Quotation

On considera mesme dans les effets du jour trois parties dignes d’estre remarquées. La premiere, une lumiere souveraine, qui est celle qui frape davantage ; la seconde, une lumiere glissante sur les objets ; & la troisième, une lumiere perduë, & qui se confond par l’épaisseur de l’air.

Quotation

A cela on repartit qu’il n’en est pas de la Peinture comme de l’Histoire : qu’un Historien se fait entendre par un arangement de paroles, & une suite de discours qui forme une image des choses, & represente successivement telle action qu’il luy plaist ; mais le Peintre n’ayant qu’un instant dans lequel il doit prendre la chose qu’il veut figurer sur une toile, il est quelquefois necessaire qu’il joigne ensemble beaucoup d’incidens qui ayent précédé, afin de faire comprendre le sujet qu’il expose, sans quoy ceux qui verroient son ouvrage ne seroient pas mieux instruits de l’action qu’il represente que si un Historien, au lieu de rapporter tout le sujet de son histoire, se contentoit d’en dire seulement la fin.

Quotation

Quelque autre personne ajousta à toutes ces raisons, que si par les regles du theatre, il est permis aux Poëtes de joindre ensemble plusieurs évenemens arrivez en divers temps pour en faire une seule action, pourveû qu’il n’y ait rien qui se contrarie, & que la vraysemblance y soit exactement observée ; il est encore bien plus juste que les Peintres prennent cette license, puis que sans cela leurs ouvrages demeureroient privez de ce qui en rend la composition admirable, & fait connoistre davantage la beauté du génie de leur auteur. Que dans cette rencontre l’on ne pouvoit pas accuser le Poussin d’avoir mis dans son Tableau aucune chose qui empesche l’unité d’action, & qui ne soit vraysemblable, n’y ayant rien qui ne concourre à un mesme sujet.

Quotation

Pour ce qui est d’avoir representé des personnes, dont les unes sont dans la misere & d’autres qui semblent avoir receû du soulagement, c’est en quoy ce sçavant homme montre qu’il n’estoit pas ignorant de l’art poëtique, ayant composé son ouvrage dans les regles qu’on doit observer aux pieces de theatre. Car pour peindre parfaitement l’histoire qu’il traite, il avoit besoin des parties necessaires à un poëme, afin de passer de l’infortune au bonheur. L’on voit que ces groupes de differentes personnes qui font diverses actions, sont comme autant d’episodes qui servent à ce que l’on nomme peripeties, ou de moyens pour faire connoistre le changement arrivé aux Israélites qui sortent d’une extréme misere, & rentrent dans un estat plus heureux : ainsi leur infortune est marquée par ces personnes languissantes et abbatuës.

Quotation

A l’égard du raport qui peut y avoir entre une seule tête & l’ordonnance de plusieurs figures ensemble, il consiste en l’effet du jour & de l’ombre, en l’unité du point perspectif, au fuyant ou diminution des parties reculées & dans la conformité qu’elles doivent avoir pour concourir en l’expression d’une même passion comme à l’idée d’un seul sujet. C’est à quoi aussi ce peut fort bien rapporter la comparaison qu’on fait ordinairement d’une grape de Raisin à l’Ordonnance d’un Tableau, tant pour la disposition des groupes & des figures que pour la distribution de la lumiere ; les groupes étant en l’Ordonnance comme des petites branches ou grapilions, qui bien qu’ils soient distincts & comme separés s’unisent neanmoins comme pour ne faire qu’un tout ensemble : ainsi la lumiere doit jetter son principal éclat en un seul endroit, & aller toûjours en diminuant sur les parties qui s’en éloignent.

Quotation

Toutes ces observations, […] furent jugées tres dignes d’être établies en forme de Preceptes certains & octorisez, mais on conclu neanmoins qu’il n’étoit pas possible de prescrire des regles sur la forme des Ordonnances, parce que chacun y doit agir selon la disposition & la force de son genie, & dans toute la liberté de ses propres conceptions & de son esprit, que cette partie depandoit donc d’un talent surnaturel, & que le conseil qu’on pouvoit donner aux Etudians se reduisoit à ces trois chefs, à sçavoir premierement de bien étudier les Histoires dans les meilleurs Auteurs, afin d’en bien comprendre l’idée principale & les circonstances essentielles : Secondement de menager discretement le Contraste en toutes les parties de son Dessein, pour en former comme un agreable harmonie à la vûe, & enfin s’attacher aux beaux exemples des plus excellens Ouvrages afin de se remplir l’esprit des belles idées pour s’en servir dans la construction des Ordonnances.