Work of Art

PRESENTATION

ANONYME, Apollon du Belvédère, v. 130 - v. 140, marbre, h. 224, Vatican, Vatican, Museo Pio-Clementino, inv. 1015.

Il s'agit d'une copie en marbre d'après le bronze du IVe siècle avant J.C. attribué au sculpteur grec Léocharès. Datation de cette copie : fin de règne d'Hadrien.

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Il faut aussi remarquer que les figures qui sont d’une belle proportion font ordinairement des actions grandes & majestueuses, par la relation qu’il y a entre la forme des corps & la disposition des esprits qui les animent ; que la noblesse & la majesté des actions consistent dans la grandeur & dans la liberté des parties ; que les belles proportions sont toûjours accompagnées de force & d’agilité ; que la force d’un homme paroît à avoir la poitrine large, les épaules grosses & pleines, les bras puissans, dont les muscles soient ressentis & les articles bien noüés ; que l’agilité se remarque par les hanches étroittes, les genoüils & les chevilles des pieds resserrées, le gras de la jambe troussé & un peu charnu, ce que l’on peut voir sur le naturel par les mouvemens que l’on lui peut faire prendre, & sur les figures antiques de l’APOLLON, du BACCHUS, des LUTTEURS & du GLADIATEUR.

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On fit remarquer que les figures qui sont d'une belle proportion, font ordinairement des actions grandes & majestueuses par la relation qu'il y a entre la forme des corps & la disposition des esprits qui les animent, que la Noblesse & la Majesté des actions consistent en la grandeur & en la liberté des parties, que les belles proportions sont toûjours accompagnées de force & d'agilité, que la force d'un homme paroit à avoir la poitrine large, les épaules grosses & pleines, les bras puissants, dont les muscles soient ressentis & les articles bien noüez, que l'agilité se remarque par les hanches étroites, les genoux & les chevilles des pieds resserrés, le gras de la jambe troussé & peu charnu [...].

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Il faut aussi remarquer que les figures qui sont d’une belle proportion font ordinairement des actions grandes & majestueuses, par la relation qu’il y a entre la forme des corps & la disposition des esprits qui les animent ; que la noblesse & la majesté des actions consistent dans la grandeur & dans la liberté des parties ; que les belles proportions sont toûjours accompagnées de force & d’agilité ; que la force d’un homme paroît à avoir la poitrine large, les épaules grosses & pleines, les bras puissans, dont les muscles soient ressentis & les articles bien noüés ; que l’agilité se remarque par les hanches étroittes, les genoüils & les chevilles des pieds resserrées, le gras de la jambe troussé & un peu charnu, ce que l’on peut voir sur le naturel par les mouvemens que l’on lui peut faire prendre, & sur les figures antiques de l’APOLLON, du BACCHUS, des LUTTEURS & du GLADIATEUR.

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LE PEINTRE.
Cela est vray, Monsieur, & ce que je trouve admirable touchant la peinture est cette grande diversité de manières, lesquelles quoy que souvent remplies de deffauts & de contrastes, on ne laisse pas d’y trouver des parties merveilleuses, soit en la composition ou invention des divers objets, & au Coloris & Touches du Peinceau ; & enfin au Goust du bel Antique, mais il y en a peu qui y ayent donne universellement.

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Comme les Peintres parlent tous, pour ainsi dire, la même langue, ils ne peuvent pas emploïer les traits célebres, dont un autre Peintre s'est déjà servi, lorsque les ouvrages de ce Peintre subsistent encore. Le Poussin a pû se servir de l'idée du Peintre Grec qui avoit présenté Agamemnon la tête voilée au sacrifice d'Iphigénie, pour mieux donner à comprendre à l'excès de la douleur du pere de la victime. Le Poussin a pû se servir de ce trait pour exprimer la même chose, en réprésentant Agrippine qui se cache le visage avec les mains dans le tableau de la mort de Germanicus. Le tableau du Peintre grec ne subsistoit plus, quand le peintre François fit le sien. Mais le Poussin auroit été blâmé d'avoir volé ce trait, s'il se fût trouvé dans un tableau, ou de Raphaël, ou de Carrache.
Comme il n'y a point de mérite à dérober une tête à Raphaël ou une figure au Dominiquin ; comme le larcin se fait sans grand travail, il est défendu sous peine du mépris public. Mais comme il faut du talent et du travail pour animer le marbre d'une figure antique, & pour faire d'une statue un personnage vivant, & qui concourre à une action avec d'autres personnages, on est loué de l'avoir fait. […] 
Il y a bien de la difference entre emporter d'une gallerie l'art du peintre, entre se rendre propre la maniere d'operer de l'Artisan qu'on vient d'admirer, & remporter dans son portefeüille une partie de ses figures. Un homme sans génie n'est point capable de convertir en sa propre substance, comme le fit Raphaël, ce qu'on y remarque de grand & de singulier. Sans saisir les principes géneraux, il se contente de copier ce qu'il a dessous les yeux. Il emportera donc une des figures, mais il n'apprendra point à traiter dans le même goût une figure qui seroit de son invention. L'homme de génie devine comment l'ouvrier a fait. Il le voit travailler, pour ainsi dire, en regardant son ouvrage & saisissant sa maniere, c'est dans l'imagination qu'il remporte son butin.

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La proportion que nous cherchons consiste dans la juste longueur, & grosseur des Membres, & dans le degré naturel de leur mouvement. Pour aprendre le premier, nous nous servons des observations de plusieurs Auteurs qui en ont écrit, ou de nôtre Etude particuliere, en mesurant les Figures antiques qui sont estimées les plus belles, savoir le Laocon, l’Hercule des Farneze, l’Apollon, le Gladiateur, l’Antinoüs, les Enfans de Niobe, la Venus de Médicis, & quelques autres qui sont de la main des plus habiles Grecs. Ceux qui vont étudier à Rome les voïent en marbre : mais on en peut tirer le méme avantage à Paris où elles sont jetées en Plâtre, & par tout ailleurs où il seroit aisé de les faire porter.
Pour ce qui est des regles du mouvement, & des atitudes naturelles, il y a plusieurs observations, qui ont été faites par des Peintres : mais qui dependent du jugement, & de l’œil : de sorte que le plus seur moïen, c’est de les étudier aprés les modele vivant. C’est n’est pas que les longueurs & largeurs ne dependent aussi du jugement & de l’œil de celuy qui dessine ou qui peint : mais il est bon d’en avoir quelques regles, qu’on peut avoir apris des autres, ou par ses propres lumieres.

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A l'égard des plus avancés on les exorta de joindre la Theorie à la Pratique, d'examiner les raisons qu'ont observé les Autheurs des beaux ouvrages Antiques qui se sont servis de la Geometrie pour les proportions, l'Anathomie, pour apprendre l'Ostologie, la situation, la forme & le mouvement des muscles exterieurs seulement, la Perspective, la Physique & la Phisionomie pour connoître les divers caracteres des complections & des passions, car il faut bien sçavoir toutes ses choses pour donner bien à propos ses charges dagremens, en quoi consiste ce que l'on appelle le grand goût, l'on observa que la force des bras procede des muscles forts qui les attachent aux épaules, en laissant les joinctures bien nouées, en quoi les foibles Etudians se peuvent tromper mettant ces grosseurs affectées dans les emboëtemens des bras & des cuisses, au lieu de bien observer la naissance & la fin des plus grands muscles, ce qui fait la veritable beauté des contours, où l'on doit observer que les muscles exterieurs étant agitez par ses mouvemens differens, font un espece de Contraste qui cause une douce opposition dans la rencontre des contours, tellement qu'on ne voit point deux contours enflez ou enfonsés se rencontrer à l'opposite l'un de l'autre, mais ils se coulent comme en ondoyant doucement [...].

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Et comme on remarqua sur les Desseins des Etudians une diversité de manieres, les uns imitant le naturel dans la simplicité de sa forme, les autres affectant un embellissement par le renforcement des contours, qu'on appelle charger les contours & y donner le grand goût, cela donna l'occasion à l'Académie de s'entretenir sur ces differentes manieres. [...] ce qui fait la veritable beauté des contours, où l'on doit observer que les muscles exterieurs étant agitez par ses mouvemens differens, font un espece de Contraste qui cause une douce opposition dans la rencontre des contours, tellement qu'on ne voit point deux contours enflez ou enfonsés se rencontrer à l'opposite l'un de l'autre, mais ils se coulent comme en ondoyant doucement [...]. [...] Toutes ces observations furent demonstrées & authorisées par l'exemple de cet admirable Tableau de Raphaël, où l'on remarqua deux sortes de contours. La premiere en celle de la figure de l'Ange qui paroît comme d'un jeune Heraut, dont les contours sont d'une maniere noble & coulante ; les muscles n'y sont aparans que pour faire connoître la beauté de la forme corporelle ; car encore que son action semble être de vouloir fraper un grand coup, c'est sans donner aucune marque d'émotion paroissant dans une parfaite transquilité, ce qui a beaucoup de raport à la figure Antique de l'Apollon. La seconde, plus grossiere, que ce grand Peintre a judicieusement appliquée à la figure monstrueuse du Demon, dont les contours paroissent plus incertains, les muscles plus gonflez & ondoyans, semblables à la figure Antique appellée le petit Faune.
Les Etudians furent exhortés de s'attacher soigneusement à l'imitation de ce bel exemple prenant garde de former les contours precisement suivant le caractere des personnes, comme a fait ce grand maître, évitant de les faire aigrement tranchés quelque fini que soit l'Ouvrage.

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A l'égard des plus avancés on les exorta de joindre la Theorie à la Pratique, d'examiner les raisons qu'ont observé les Autheurs des beaux ouvrages Antiques qui se sont servis de la Geometrie pour les proportions, l'Anathomie, pour apprendre l'Ostologie, la situation, la forme & le mouvement des muscles exterieurs seulement, la Perspective, la Physique & la Phisionomie pour connoître les divers caracteres des complections & des passions, car il faut bien sçavoir toutes ses choses pour donner bien à propos ses charges dagremens, en quoi consiste ce que l'on appelle le grand goût, l'on observa que la force des bras procede des muscles forts qui les attachent aux épaules, en laissant les joinctures bien nouées, en quoi les foibles Etudians se peuvent tromper mettant ces grosseurs affectées dans les emboëtemens des bras & des cuisses, au lieu de bien observer la naissance & la fin des plus grands muscles, ce qui fait la veritable beauté des contours, où l'on doit observer que les muscles exterieurs étant agitez par ses mouvemens differens, font un espece de Contraste qui cause une douce opposition dans la rencontre des contours, tellement qu'on ne voit point deux contours enflez ou enfonsés se rencontrer à l'opposite l'un de l'autre, mais ils se coulent comme en ondoyant doucement [...].

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La plus grande perfection dans la Peinture, luy repartis-je, c'est de faire que toutes les qualitez du corps conviennent à la personne qu'on veut representer, soit dans la force des membres, soit dans la couleur de la chair. Par exemple, une belle femme, ou un jeune homme de condition, doivent avoir le corps blanc, délicat, & gratieux, comme dans le Tableau de Corege, dont je vous ay déja parlé, où il y a un Saint Jean tout nud, qui s'enfuit du Jardin des Olives, & dans celuy du Titien, qui est à l'Hostel de Sourdis, où Venus retient Adonis. Car si vous remarquez le Coloris de cette Déesse, vous y verrez une grande tendresse, & dans celuy du Chasseur vous y connoistrez comme un homme moins délicat, & qui s'adonne aux exercices penibles, doit avoir la chair plus haute en couleur : Mais un vieillard qui sera representé plus maigre, & plus décharné, doit avoir la chair plus basannée, & plus brune, de mesme qu'un Soldat, & un Marinier, qui sont ordinairement dans le travail, & qui ont le corps nud, & exposé à l'air, & au Soleil : […].

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Comme c’est sur ces Figures que vous devez faire vostre principale Etude, il est bon de vous faire observer que dans les plus belles on remarque des choses qu’on prendroit assurément pour des fautes, si on les voyoit dans les Ouvrages d’un Moderne. Le Laocoon a la jambe gauche plus longue que l’autre de quatre minutes ; L’Apollon a la jambe gauche plus longue que la droite d’environ neuf minutes. La Venus a la jambe qui ploye plus longue presque d’une partie trois minutes que celle qui porte. La jambe droite du grand Enfant de Laocoon est plus longue de prés de neuf minutes que la gauche.
Je ne puis cependant m’empescher d’avoir de la veneration mesmes pour ces fautes apparentes : je croy que les Sculpteurs ont eu leurs raisons, & qu’il y auroit de la temerité à les condamner ; le moyen de penser que ces grands Hommes qui ont fait des Ouvrages qu’on peut dire parfaits, soient tombez dans des fautes aussi grossieres que seroient celles dont nous venons de parler, s’ils ne les avoient pas faites à dessein ?
Entre plusieurs considerations qu’ils ont pû avoir, & que nous n’imaginons pas, il se peut faire qu’ils en ayent usé de la sorte, à cause du raccourcy. [...]

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Comme c’est sur ces Figures que vous devez faire vostre principale Etude, il est bon de vous faire observer que dans les plus belles on remarque des choses qu’on prendroit assurément pour des fautes, si on les voyoit dans les Ouvrages d’un Moderne.

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Inde Worstelaers ende Schermers de krachten daer vereyst, in Laocoön vasten ouderdom in Antinous een swacke swier van Lichaem by na Vrouwelijck; in Apollo een wel-gemaeckten Jongelinck, in Bacchus ront gedraeyde leden, in Satyrs en Faunen beklonckenheyt van vlees, ende in de Vrouwen nu een tenger, ende dan een wel-gevoet en poesel Lichaem uytgebeelt; swijghende vande verscheyden Ouderdom, stant, gebaer, wesen, kleedingh en meer sulcks, kan niet genoegh verwonderen de groote schoonheyt in yder en soo wel onderscheydentheyt in allen, met de meeste eenvoudigheyt ende veel meer andere deughden vergeselschapt:

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Comme les Peintres parlent tous, pour ainsi dire, la même langue, ils ne peuvent pas emploïer les traits célebres, dont un autre Peintre s'est déjà servi, lorsque les ouvrages de ce Peintre subsistent encore. Le Poussin a pû se servir de l'idée du Peintre Grec qui avoit présenté Agamemnon la tête voilée au sacrifice d'Iphigénie, pour mieux donner à comprendre à l'excès de la douleur du pere de la victime. Le Poussin a pû se servir de ce trait pour exprimer la même chose, en réprésentant Agrippine qui se cache le visage avec les mains dans le tableau de la mort de Germanicus. Le tableau du Peintre grec ne subsistoit plus, quand le peintre François fit le sien. Mais le Poussin auroit été blâmé d'avoir volé ce trait, s'il se fût trouvé dans un tableau, ou de Raphaël, ou de Carrache.
Comme il n'y a point de mérite à dérober une tête à Raphaël ou une figure au Dominiquin ; comme le larcin se fait sans grand travail, il est défendu sous peine du mépris public. Mais comme il faut du talent et du travail pour animer le marbre d'une figure antique, & pour faire d'une statue un personnage vivant, & qui concourre à une action avec d'autres personnages, on est loué de l'avoir fait. […] 
Il y a bien de la difference entre emporter d'une gallerie l'art du peintre, entre se rendre propre la maniere d'operer de l'Artisan qu'on vient d'admirer, & remporter dans son portefeüille une partie de ses figures. Un homme sans génie n'est point capable de convertir en sa propre substance, comme le fit Raphaël, ce qu'on y remarque de grand & de singulier. Sans saisir les principes géneraux, il se contente de copier ce qu'il a dessous les yeux. Il emportera donc une des figures, mais il n'apprendra point à traiter dans le même goût une figure qui seroit de son invention. L'homme de génie devine comment l'ouvrier a fait. Il le voit travailler, pour ainsi dire, en regardant son ouvrage & saisissant sa maniere, c'est dans l'imagination qu'il remporte son butin.
 

Quotation

On fit remarquer que les figures qui sont d'une belle proportion, font ordinairement des actions grandes & majestueuses par la relation qu'il y a entre la forme des corps & la disposition des esprits qui les animent, que la Noblesse & la Majesté des actions consistent en la grandeur & en la liberté des parties, que les belles proportions sont toûjours accompagnées de force & d'agilité, que la force d'un homme paroit à avoir la poitrine large, les épaules grosses & pleines, les bras puissants, dont les muscles soient ressentis & les articles bien noüez, que l'agilité se remarque par les hanches étroites, les genoux & les chevilles des pieds resserrés, le gras de la jambe troussé & peu charnu [...].

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Et comme on remarqua sur les Desseins des Etudians une diversité de manieres, les uns imitant le naturel dans la simplicité de sa forme, les autres affectant un embellissement par le renforcement des contours, qu'on appelle charger les contours & y donner le grand goût, cela donna l'occasion à l'Académie de s'entretenir sur ces differentes manieres. Ceux qui oppinoient pour les charges d'agrement alleguoient la beauté des figures Antiques, le grand Dessein de Michel l'Ange, des Caraches, & autres grands peintres de l'Antiquité, & soûtenoient qu'il falloit de bon heure se remplir l'esprit de ces grandes idées, pour se conformer à ces beaux exemples ; et se faire une habitude de ses belles & grandes manières [...]. L'oppinion opposée qu'on appelle naturaliste, parce que qu'ils estiment necessaire l'imitation exacte du naturel en toutes choses, étoit d'assujettir le Dessignateur à imiter les objets avec simplicité & pressisement comme ils sont. Leurs raisons à l'égard des Etudians étoit pour les dresser à une habitude de justesse & de precision ; & pour les avancés une expression nayve & convenable à toute sorte de sujets [...].
[...] l'étude des belles figures Antiques étoit très necessaire dans le commencement, & même plus avantageuse que le naturel, mais l'on assura qu'en l'un & en l'autre on étoit obligé de s'assujettir à imiter exactement son objet pour en receuillir le fruit qu'on en desire, & s'habituer l'oeil & la main à la justesse & precision, ce qui est le fondement de la Pratique de la Peinture [...]. [...] Quant à l'imitation precise des modelles, l'on avoüa enfin que même les plus habiles hommes doivent observer cette regle de dessigner le naturel justement & precisement, comme ils le voient pour ne s'écarter point de la verité, quand ils étudient leurs morceaux sur le naturel ; afin que s'en voulant servir en l'execution de l'Ouvrage, ses Desseins representent la verité du naturel, les laissant dans la liberté de donner à leurs figures tels caracteres de force ou de foiblesse convenables à leurs sujets, ce qui est la principale fin à laquelle toutes leurs études ce doivent raporter.

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La proportion que nous cherchons consiste dans la juste longueur, & grosseur des Membres, & dans le degré naturel de leur mouvement. Pour aprendre le premier, nous nous servons des observations de plusieurs Auteurs qui en ont écrit, ou de nôtre Etude particuliere, en mesurant les Figures antiques qui sont estimées les plus belles, savoir le Laocon, l’Hercule des Farneze, l’Apollon, le Gladiateur, l’Antinoüs, les Enfans de Niobe, la Venus de Médicis, & quelques autres qui sont de la main des plus habiles Grecs. Ceux qui vont étudier à Rome les voïent en marbre : mais on en peut tirer le méme avantage à Paris où elles sont jetées en Plâtre, & par tout ailleurs où il seroit aisé de les faire porter.
Pour ce qui est des regles du mouvement, & des atitudes naturelles, il y a plusieurs observations, qui ont été faites par des Peintres : mais qui dependent du jugement, & de l’œil : de sorte que le plus seur moïen, c’est de les étudier aprés les modele vivant. C’est n’est pas que les longueurs & largeurs ne dependent aussi du jugement & de l’œil de celuy qui dessine ou qui peint : mais il est bon d’en avoir quelques regles, qu’on peut avoir apris des autres, ou par ses propres lumieres.

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Inde Worstelaers ende Schermers de krachten daer vereyst, in Laocoön vasten ouderdom in Antinous een swacke swier van Lichaem by na Vrouwelijck; in Apollo een wel-gemaeckten Jongelinck, in Bacchus ront gedraeyde leden, in Satyrs en Faunen beklonckenheyt van vlees, ende in de Vrouwen nu een tenger, ende dan een wel-gevoet en poesel Lichaem uytgebeelt; swijghende vande verscheyden Ouderdom, stant, gebaer, wesen, kleedingh en meer sulcks, kan niet genoegh verwonderen de groote schoonheyt in yder en soo wel onderscheydentheyt in allen, met de meeste eenvoudigheyt ende veel meer andere deughden vergeselschapt:

Quotation

On fit remarquer que les figures qui sont d'une belle proportion, font ordinairement des actions grandes & majestueuses par la relation qu'il y a entre la forme des corps & la disposition des esprits qui les animent, que la Noblesse & la Majesté des actions consistent en la grandeur & en la liberté des parties, que les belles proportions sont toûjours accompagnées de force & d'agilité, que la force d'un homme paroit à avoir la poitrine large, les épaules grosses & pleines, les bras puissants, dont les muscles soient ressentis & les articles bien noüez, que l'agilité se remarque par les hanches étroites, les genoux & les chevilles des pieds resserrés, le gras de la jambe troussé & peu charnu [...].

Quotation

On fit remarquer que les figures qui sont d'une belle proportion, font ordinairement des actions grandes & majestueuses par la relation qu'il y a entre la forme des corps & la disposition des esprits qui les animent, que la Noblesse & la Majesté des actions consistent en la grandeur & en la liberté des parties, que les belles proportions sont toûjours accompagnées de force & d'agilité, que la force d'un homme paroit à avoir la poitrine large, les épaules grosses & pleines, les bras puissants, dont les muscles soient ressentis & les articles bien noüez, que l'agilité se remarque par les hanches étroites, les genoux & les chevilles des pieds resserrés, le gras de la jambe troussé & peu charnu [...].

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114. [Accord des Parties avec leur Tout.] & estre bien ensemble, c’est la mesme chose. Il [ndr : C.-A. Du Fresnoy] entend icy parler de la justesse des Proportions & de l'harmonie qu'elles font les unes avec les autres. Plusieurs Auteurs celebres en ont traité à fonds, entr’autres Paul Lomasse, dont le premier Livre ne parle d’aucune autre chose, mais il y a tant de subdivisions, qu’il faut avoir bonne teste pour ne s’en pas rebuter. Voicy celles que nostre Auteur a remarquées en general sur les plus belles Antiques : je les croy d’autant meilleures, qu’elles sont conformes à celles que donne Vitruve dans son 3. liv. chap. I. & qu’il dit les avoir apprises des Ouvriers mesmes, puisque dans la Preface de son 7. liv. il fait gloire d’avoir appris des autres, & notamment des Peintres & des Architectes.
Mesures du Corps Humain.
Les Anciens ont pour l’ordinaire donné huit testes à leurs Figures, quoy que quelques-unes n’en ayent que sept. Mais l’on divise la Figure ordinairement en † dix faces, sçavoir depuis le sommet de la Teste jusqu’à la plante des Pieds, en la maniere qui s’ensuit. {† Cela dépend de l’âge & de la qualité des personnes : L’Apollon & la Venus de Medicis ont plus de dix faces.} […] 

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Quant à l'imitation precise des modelles, l'on avoüa enfin que même les plus habiles hommes doivent observer cette regle de dessigner le naturel justement & precisement, comme ils le voient pour ne s'écarter point de la verité, quand ils étudient leurs morceaux sur le naturel ; afin que s'en voulant servir en l'execution de l'Ouvrage, ses Desseins representent la verité du naturel, les laissant dans la liberté de donner à leurs figures tels caracteres de force ou de foiblesse convenables à leurs sujets, ce qui est la principale fin à laquelle toutes leurs études ce doivent raporter.

Quotation

La proportion que nous cherchons consiste dans la juste longueur, & grosseur des Membres, & dans le degré naturel de leur mouvement. Pour aprendre le premier, nous nous servons des observations de plusieurs Auteurs qui en ont écrit, ou de nôtre Etude particuliere, en mesurant les Figures antiques qui sont estimées les plus belles, savoir le Laocon, l’Hercule des Farneze, l’Apollon, le Gladiateur, l’Antinoüs, les Enfans de Niobe, la Venus de Médicis, & quelques autres qui sont de la main des plus habiles Grecs. Ceux qui vont étudier à Rome les voïent en marbre : mais on en peut tirer le méme avantage à Paris où elles sont jetées en Plâtre, & par tout ailleurs où il seroit aisé de les faire porter.
Pour ce qui est des regles du mouvement, & des atitudes naturelles, il y a plusieurs observations, qui ont été faites par des Peintres : mais qui dependent du jugement, & de l’œil : de sorte que le plus seur moïen, c’est de les étudier aprés les modele vivant. C’est n’est pas que les longueurs & largeurs ne dependent aussi du jugement & de l’œil de celuy qui dessine ou qui peint : mais il est bon d’en avoir quelques regles, qu’on peut avoir apris des autres, ou par ses propres lumieres.

Quotation

On fit remarquer que les figures qui sont d'une belle proportion, font ordinairement des actions grandes & majestueuses par la relation qu'il y a entre la forme des corps & la disposition des esprits qui les animent, que la Noblesse & la Majesté des actions consistent en la grandeur & en la liberté des parties, que les belles proportions sont toûjours accompagnées de force & d'agilité, que la force d'un homme paroit à avoir la poitrine large, les épaules grosses & pleines, les bras puissants, dont les muscles soient ressentis & les articles bien noüez, que l'agilité se remarque par les hanches étroites, les genoux & les chevilles des pieds resserrés, le gras de la jambe troussé & peu charnu [...].

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LE PEINTRE.
Vostre pensée estoit fort bonne, car je vous assure, que la pluspart d’entre nous sont differents de Goust pour la proportion de leurs figures, & ainsi chacun estime le sien ; & comme nous nous trouvons à present reduits à parler de ce Goust des proportions, je prie, Monsieur, de ne se point ennuyer ny vous aussi, si ce que j’eu vais dire est un peu long.
ARISTE.
Monsieur, je suis tout preparé à vous entendre raisonner sur cette matiere tant qu’il vous plaira, puisque je sçay qu’elle n’est en partie fondée que sur des divers Gousts ou opinions.
LE PEINTRE.
Comme, Monsieur, a fort bien dit, que la belle proportion des figures humaines, autrement leur beauté, n’est point encore définie, & qu’ainsi tout ce que l’on en peut dire, n’est encore jusques à present que de pure opinion ou goust
 ; neantmoins avec sa permission, je ne laisseray pas d’avancer ; que nombre de personnes de sens, pourroient plûtost donner leur voix à la representation du corps d’un homme nud ou d’une femme, dont on en auroit recherché les proportions telles que je diray, que d’un autre tout contraire.
Car quand nous voyons une fille ou femme, qui nous semble belle de visage & de taille, & une autre toute contrefaite ou opposée à celle-là, nous la rejettons ou méprisons.
Mais afin de tâcher d’établir en gros pour cela quelque proportion aucunement raisonnée ; chacun sçait, que l’on dit communément qu’en fait de jambes, de testes & quelques autres parties du corps humain, que les plus grosses ne sont pas les meilleures.
[...]
Et pour moy je tiens, que comme nous ne sçavons pas bien encore toutes les belles pensées, meditations, & raisonnemens, sur la vision, qu’ont eus ces grands Architectes de l’Antiquité, & de la composition des membres ou parties de leurs Ordres de Colonnes en l’Architecture, sçavoir le Dorique, l’Ionique, & le Corinthien, qu’il en pourroit estre arrivé le mesme de leurs sçavants Sculpteurs sur la proportion de leurs belles figures, tant en Bas-reliefs, qu’en rondes Bosses.
Et pour moy, la pensée m’est venuë en voyant les excellens morceaux qui nous en restent, principalement à Rome ; que outre la belle & agreable proportion que l’on voit à la Venus de Medicis, à celle de Belvedere, à la Flore, au Commode, à l’Hercule de Farneze, au Meleagre, à l’Apollon, & au Lentin, puis en ce merveilleux ouvrage du l’Aocoom & de ses deux enfans, & à un grand nombre d’autres, qui sont tous differens au détail de leurs proportions, taille & air de testes, qu’ils estoient tres-sçavans en l’Anatomie & en la Physionomie, car j’ay remarqué dans les airs de testes de leurs diverses figures faites à plaisir, ou à volonté, qui representoient mesme des fleuves, une grave sagesse, douce, beninne, au lieu que la pluspart de nos Sculpteurs d’apresent, leurs donneroient volontiers un air de visage rustique et furieux.

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114. [Accord des Parties avec leur Tout.] & estre bien ensemble, c’est la mesme chose. Il [ndr : C.-A. Du Fresnoy] entend icy parler de la justesse des Proportions & de l'harmonie qu'elles font les unes avec les autres. Plusieurs Auteurs celebres en ont traité à fonds, entr’autres Paul Lomasse, dont le premier Livre ne parle d’aucune autre chose, mais il y a tant de subdivisions, qu’il faut avoir bonne teste pour ne s’en pas rebuter. Voicy celles que nostre Auteur a remarquées en general sur les plus belles Antiques : je les croy d’autant meilleures, qu’elles sont conformes à celles que donne Vitruve dans son 3. liv. chap. I. & qu’il dit les avoir apprises des Ouvriers mesmes, puisque dans la Preface de son 7. liv. il fait gloire d’avoir appris des autres, & notamment des Peintres & des Architectes.
Mesures du Corps Humain.
Les Anciens ont pour l’ordinaire donné huit testes à leurs Figures, quoy que quelques-unes n’en ayent que sept. Mais l’on divise la Figure ordinairement en † dix faces, sçavoir depuis le sommet de la Teste jusqu’à la plante des Pieds, en la maniere qui s’ensuit. {† Cela dépend de l’âge & de la qualité des personnes : L’Apollon & la Venus de Medicis ont plus de dix faces.} […] 

Quotation

La proportion que nous cherchons consiste dans la juste longueur, & grosseur des Membres, & dans le degré naturel de leur mouvement. Pour aprendre le premier, nous nous servons des observations de plusieurs Auteurs qui en ont écrit, ou de nôtre Etude particuliere, en mesurant les Figures antiques qui sont estimées les plus belles, savoir le Laocon, l’Hercule des Farneze, l’Apollon, le Gladiateur, l’Antinoüs, les Enfans de Niobe, la Venus de Médicis, & quelques autres qui sont de la main des plus habiles Grecs. Ceux qui vont étudier à Rome les voïent en marbre : mais on en peut tirer le méme avantage à Paris où elles sont jetées en Plâtre, & par tout ailleurs où il seroit aisé de les faire porter.
Pour ce qui est des regles du mouvement, & des atitudes naturelles, il y a plusieurs observations, qui ont été faites par des Peintres : mais qui dependent du jugement, & de l’œil : de sorte que le plus seur moïen, c’est de les étudier aprés les modele vivant. C’est n’est pas que les longueurs & largeurs ne dependent aussi du jugement & de l’œil de celuy qui dessine ou qui peint : mais il est bon d’en avoir quelques regles, qu’on peut avoir apris des autres, ou par ses propres lumieres.

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[...] On remarqua que les Proportions consistent en hauteur, largeur, & grosseur, qu'elles ne peuvent être sans le Corps, dont elles sont les mesures, ni dans une partie imparfaite ; qu'elle se distinguoit naturellement par le sexe, par l'âge, & par la condition. L'on en considera de quatre sortes, suivant la difference des qualités & du temperament, les unes grosses & courtes, d'autres delicates & sweltes, des fortes & puissantes, des grelles & deliées, sur lesquelles l'on proposa des mesures tirées tant sur le naturel que sur les belles figures Antiques. [...] l'on considera les divers dégrez de l'enfance & de la jeunesse, les proportions de l'homme en son âge viril, & pour éviter les repetitions ennuyeuses des diverses mesures : On en examina seulement de deux sortes, l'une pour les figures Nobles & Heroïques, l'autre pour les hommes Rustiques & Paysans, ne faisant mention des autres que pour faire connoître en quoi elles sont differentes.
L'on choisit pour la première sorte la figure Antique d'Apollon, [...]. Pour la seconde sorte de Proportion, l'on prit la figure Antique du jeune Faune [...].

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L'on fit remarquer, que lors qu'un muscle fait son action, il se grossit en se retirant vers son principe, cependant qu'il diminue & defaut à la fin, c'est ce qui cause l'inégalité & la beauté des contours. [...] d'où l'on infera que la connoissance du mouvement des muscles étoit d'autant plus necessaire aux Etudiants du Dessein, qu'elle sert à leur apprendre la juste proportion du Corps humain, & ses veritables contours, qu'au contraire l'ignorance de ces choses les portoit à beaucoup d'erreurs, ne pouvants representer les organes dans leurs veritables offices, & que les jeunes gens suivants aveuglement les manieres qui flattent leurs inclinations font paroître les muscles dans la contraction également comme dans la relaxation, & les contours toûjours semblables, enfin que cette connoissance aprend à éviter la rencontre ou parallellité des contours, laquelle ne peut arriver aux articles, puisque les muscles opposés les uns aux autres sont dissemblables en forme & en action. Quelqu'un repartit à cela, qu'il ne suffisoit pas de sçavoir exactement les noms des muscles, leurs situations, & leurs formes, que le principal étoit d'en connoître les effets exterieurs, ce que l'on ne pouvoit apprendre que sur un naturel vivant & animé, & qu'il ne falloit pas trop s'arrêter l'esprit à l'étude de l'Anatomie, ni s'y engager trop avant, parce qu'il ny a rien de certain que la mesure des proportions, qu'on ne peut prendre que sur l'Ostollogie, [...]. On fit remarquer que les figures qui sont d'une belle proportion, font ordinairement des actions grandes & majestueuses par la relation qu'il y a entre la forme des corps & la disposition des esprits qui les animent, que la Noblesse & la Majesté des actions consistent en la grandeur & en la liberté des parties, que les belles proportions sont toûjours accompagnées de force & d'agilité, que la force d'un homme paroit à avoir la poitrine large, les épaules grosses & pleines, les bras puissants, dont les muscles soient ressentis & les articles bien noüez, que l'agilité se remarque par les hanches étroites, les genoux & les chevilles des pieds resserrés, le gras de la jambe troussé & peu charnu [...].

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Inde Worstelaers ende Schermers de krachten daer vereyst, in Laocoön vasten ouderdom in Antinous een swacke swier van Lichaem by na Vrouwelijck; in Apollo een wel-gemaeckten Jongelinck, in Bacchus ront gedraeyde leden, in Satyrs en Faunen beklonckenheyt van vlees, ende in de Vrouwen nu een tenger, ende dan een wel-gevoet en poesel Lichaem uytgebeelt; swijghende vande verscheyden Ouderdom, stant, gebaer, wesen, kleedingh en meer sulcks, kan niet genoegh verwonderen de groote schoonheyt in yder en soo wel onderscheydentheyt in allen, met de meeste eenvoudigheyt ende veel meer andere deughden vergeselschapt:

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Inde Worstelaers ende Schermers de krachten daer vereyst, in Laocoön vasten ouderdom in Antinous een swacke swier van Lichaem by na Vrouwelijck; in Apollo een wel-gemaeckten Jongelinck, in Bacchus ront gedraeyde leden, in Satyrs en Faunen beklonckenheyt van vlees, ende in de Vrouwen nu een tenger, ende dan een wel-gevoet en poesel Lichaem uytgebeelt; swijghende vande verscheyden Ouderdom, stant, gebaer, wesen, kleedingh en meer sulcks, kan niet genoegh verwonderen de groote schoonheyt in yder en soo wel onderscheydentheyt in allen, met de meeste eenvoudigheyt ende veel meer andere deughden vergeselschapt:

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Inde Worstelaers ende Schermers de krachten daer vereyst, in Laocoön vasten ouderdom in Antinous een swacke swier van Lichaem by na Vrouwelijck; in Apollo een wel-gemaeckten Jongelinck, in Bacchus ront gedraeyde leden, in Satyrs en Faunen beklonckenheyt van vlees, ende in de Vrouwen nu een tenger, ende dan een wel-gevoet en poesel Lichaem uytgebeelt; swijghende vande verscheyden Ouderdom, stant, gebaer, wesen, kleedingh en meer sulcks, kan niet genoegh verwonderen de groote schoonheyt in yder en soo wel onderscheydentheyt in allen, met de meeste eenvoudigheyt ende veel meer andere deughden vergeselschapt:

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Comme c’est sur ces Figures que vous devez faire vostre principale Etude, il est bon de vous faire observer que dans les plus belles on remarque des choses qu’on prendroit assurément pour des fautes, si on les voyoit dans les Ouvrages d’un Moderne. Le Laocoon a la jambe gauche plus longue que l’autre de quatre minutes ; L’Apollon a la jambe gauche plus longue que la droite d’environ neuf minutes. La Venus a la jambe qui ploye plus longue presque d’une partie trois minutes que celle qui porte. La jambe droite du grand Enfant de Laocoon est plus longue de prés de neuf minutes que la gauche.
Je ne puis cependant m’empescher d’avoir de la veneration mesmes pour ces fautes apparentes : je croy que les Sculpteurs ont eu leurs raisons, & qu’il y auroit de la temerité à les condamner ; le moyen de penser que ces grands Hommes qui ont fait des Ouvrages qu’on peut dire parfaits, soient tombez dans des fautes aussi grossieres que seroient celles dont nous venons de parler, s’ils ne les avoient pas faites à dessein ?
Entre plusieurs considerations qu’ils ont pû avoir, & que nous n’imaginons pas, il se peut faire qu’ils en ayent usé de la sorte, à cause du raccourcy. [...]

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Comme c’est sur ces Figures que vous devez faire vostre principale Etude, il est bon de vous faire observer que dans les plus belles on remarque des choses qu’on prendroit assurément pour des fautes, si on les voyoit dans les Ouvrages d’un Moderne.

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LE PEINTRE.
Cela est vray, Monsieur, & ce que je trouve admirable touchant la peinture est cette grande diversité de manières, lesquelles quoy que souvent remplies de deffauts & de contrastes, on ne laisse pas d’y trouver des parties merveilleuses, soit en la composition ou invention des divers objets, & au Coloris & Touches du Peinceau ; & enfin au Goust du bel Antique, mais il y en a peu qui y ayent donne universellement.

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LE PEINTRE.
Vostre pensée estoit fort bonne, car je vous assure, que la pluspart d’entre nous sont differents de Goust pour la proportion de leurs figures, & ainsi chacun estime le sien ; & comme nous nous trouvons à present reduits à parler de ce Goust des proportions, je prie, Monsieur, de ne se point ennuyer ny vous aussi, si ce que j’eu vais dire est un peu long.
ARISTE.
Monsieur, je suis tout preparé à vous entendre raisonner sur cette matiere tant qu’il vous plaira, puisque je sçay qu’elle n’est en partie fondée que sur des divers Gousts ou opinions.
LE PEINTRE.
Comme, Monsieur, a fort bien dit, que la belle proportion des figures humaines, autrement leur beauté, n’est point encore définie, & qu’ainsi tout ce que l’on en peut dire, n’est encore jusques à present que de pure opinion ou goust
 ; neantmoins avec sa permission, je ne laisseray pas d’avancer ; que nombre de personnes de sens, pourroient plûtost donner leur voix à la representation du corps d’un homme nud ou d’une femme, dont on en auroit recherché les proportions telles que je diray, que d’un autre tout contraire.
Car quand nous voyons une fille ou femme, qui nous semble belle de visage & de taille, & une autre toute contrefaite ou opposée à celle-là, nous la rejettons ou méprisons.
Mais afin de tâcher d’établir en gros pour cela quelque proportion aucunement raisonnée ; chacun sçait, que l’on dit communément qu’en fait de jambes, de testes & quelques autres parties du corps humain, que les plus grosses ne sont pas les meilleures.
[...]
Et pour moy je tiens, que comme nous ne sçavons pas bien encore toutes les belles pensées, meditations, & raisonnemens, sur la vision, qu’ont eus ces grands Architectes de l’Antiquité, & de la composition des membres ou parties de leurs Ordres de Colonnes en l’Architecture, sçavoir le Dorique, l’Ionique, & le Corinthien, qu’il en pourroit estre arrivé le mesme de leurs sçavants Sculpteurs sur la proportion de leurs belles figures, tant en Bas-reliefs, qu’en rondes Bosses.
Et pour moy, la pensée m’est venuë en voyant les excellens morceaux qui nous en restent, principalement à Rome ; que outre la belle & agreable proportion que l’on voit à la Venus de Medicis, à celle de Belvedere, à la Flore, au Commode, à l’Hercule de Farneze, au Meleagre, à l’Apollon, & au Lentin, puis en ce merveilleux ouvrage du l’Aocoom & de ses deux enfans, & à un grand nombre d’autres, qui sont tous differens au détail de leurs proportions, taille & air de testes, qu’ils estoient tres-sçavans en l’Anatomie & en la Physionomie, car j’ay remarqué dans les airs de testes de leurs diverses figures faites à plaisir, ou à volonté, qui representoient mesme des fleuves, une grave sagesse, douce, beninne, au lieu que la pluspart de nos Sculpteurs d’apresent, leurs donneroient volontiers un air de visage rustique et furieux.

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114. [Accord des Parties avec leur Tout.] & estre bien ensemble, c’est la mesme chose. Il [ndr : C.-A. Du Fresnoy] entend icy parler de la justesse des Proportions & de l'harmonie qu'elles font les unes avec les autres. Plusieurs Auteurs celebres en ont traité à fonds, entr’autres Paul Lomasse, dont le premier Livre ne parle d’aucune autre chose, mais il y a tant de subdivisions, qu’il faut avoir bonne teste pour ne s’en pas rebuter. Voicy celles que nostre Auteur a remarquées en general sur les plus belles Antiques : je les croy d’autant meilleures, qu’elles sont conformes à celles que donne Vitruve dans son 3. liv. chap. I. & qu’il dit les avoir apprises des Ouvriers mesmes, puisque dans la Preface de son 7. liv. il fait gloire d’avoir appris des autres, & notamment des Peintres & des Architectes.
Mesures du Corps Humain.
Les Anciens ont pour l’ordinaire donné huit testes à leurs Figures, quoy que quelques-unes n’en ayent que sept. Mais l’on divise la Figure ordinairement en † dix faces, sçavoir depuis le sommet de la Teste jusqu’à la plante des Pieds, en la maniere qui s’ensuit. {† Cela dépend de l’âge & de la qualité des personnes : L’Apollon & la Venus de Medicis ont plus de dix faces.} […] 

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Comme les Peintres parlent tous, pour ainsi dire, la même langue, ils ne peuvent pas emploïer les traits célebres, dont un autre Peintre s'est déjà servi, lorsque les ouvrages de ce Peintre subsistent encore. Le Poussin a pû se servir de l'idée du Peintre Grec qui avoit présenté Agamemnon la tête voilée au sacrifice d'Iphigénie, pour mieux donner à comprendre à l'excès de la douleur du pere de la victime. Le Poussin a pû se servir de ce trait pour exprimer la même chose, en réprésentant Agrippine qui se cache le visage avec les mains dans le tableau de la mort de Germanicus. Le tableau du Peintre grec ne subsistoit plus, quand le peintre François fit le sien. Mais le Poussin auroit été blâmé d'avoir volé ce trait, s'il se fût trouvé dans un tableau, ou de Raphaël, ou de Carrache.
Comme il n'y a point de mérite à dérober une tête à Raphaël ou une figure au Dominiquin ; comme le larcin se fait sans grand travail, il est défendu sous peine du mépris public. Mais comme il faut du talent et du travail pour animer le marbre d'une figure antique, & pour faire d'une statue un personnage vivant, & qui concourre à une action avec d'autres personnages, on est loué de l'avoir fait. […] 
Il y a bien de la difference entre emporter d'une gallerie l'art du peintre, entre se rendre propre la maniere d'operer de l'Artisan qu'on vient d'admirer, & remporter dans son portefeüille une partie de ses figures. Un homme sans génie n'est point capable de convertir en sa propre substance, comme le fit Raphaël, ce qu'on y remarque de grand & de singulier. Sans saisir les principes géneraux, il se contente de copier ce qu'il a dessous les yeux. Il emportera donc une des figures, mais il n'apprendra point à traiter dans le même goût une figure qui seroit de son invention. L'homme de génie devine comment l'ouvrier a fait. Il le voit travailler, pour ainsi dire, en regardant son ouvrage & saisissant sa maniere, c'est dans l'imagination qu'il remporte son butin.

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La proportion que nous cherchons consiste dans la juste longueur, & grosseur des Membres, & dans le degré naturel de leur mouvement. Pour aprendre le premier, nous nous servons des observations de plusieurs Auteurs qui en ont écrit, ou de nôtre Etude particuliere, en mesurant les Figures antiques qui sont estimées les plus belles, savoir le Laocon, l’Hercule des Farneze, l’Apollon, le Gladiateur, l’Antinoüs, les Enfans de Niobe, la Venus de Médicis, & quelques autres qui sont de la main des plus habiles Grecs. Ceux qui vont étudier à Rome les voïent en marbre : mais on en peut tirer le méme avantage à Paris où elles sont jetées en Plâtre, & par tout ailleurs où il seroit aisé de les faire porter.
Pour ce qui est des regles du mouvement, & des atitudes naturelles, il y a plusieurs observations, qui ont été faites par des Peintres : mais qui dependent du jugement, & de l’œil : de sorte que le plus seur moïen, c’est de les étudier aprés les modele vivant. C’est n’est pas que les longueurs & largeurs ne dependent aussi du jugement & de l’œil de celuy qui dessine ou qui peint : mais il est bon d’en avoir quelques regles, qu’on peut avoir apris des autres, ou par ses propres lumieres.

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La plus grande perfection dans la Peinture, luy repartis-je, c'est de faire que toutes les qualitez du corps conviennent à la personne qu'on veut representer, soit dans la force des membres, soit dans la couleur de la chair. Par exemple, une belle femme, ou un jeune homme de condition, doivent avoir le corps blanc, délicat, & gratieux, comme dans le Tableau de Corege, dont je vous ay déja parlé, où il y a un Saint Jean tout nud, qui s'enfuit du Jardin des Olives, & dans celuy du Titien, qui est à l'Hostel de Sourdis, où Venus retient Adonis. Car si vous remarquez le Coloris de cette Déesse, vous y verrez une grande tendresse, & dans celuy du Chasseur vous y connoistrez comme un homme moins délicat, & qui s'adonne aux exercices penibles, doit avoir la chair plus haute en couleur : Mais un vieillard qui sera representé plus maigre, & plus décharné, doit avoir la chair plus basannée, & plus brune, de mesme qu'un Soldat, & un Marinier, qui sont ordinairement dans le travail, & qui ont le corps nud, & exposé à l'air, & au Soleil : […].

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Inde Worstelaers ende Schermers de krachten daer vereyst, in Laocoön vasten ouderdom in Antinous een swacke swier van Lichaem by na Vrouwelijck; in Apollo een wel-gemaeckten Jongelinck, in Bacchus ront gedraeyde leden, in Satyrs en Faunen beklonckenheyt van vlees, ende in de Vrouwen nu een tenger, ende dan een wel-gevoet en poesel Lichaem uytgebeelt; swijghende vande verscheyden Ouderdom, stant, gebaer, wesen, kleedingh en meer sulcks, kan niet genoegh verwonderen de groote schoonheyt in yder en soo wel onderscheydentheyt in allen, met de meeste eenvoudigheyt ende veel meer andere deughden vergeselschapt:

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Il faut aussi remarquer que les figures qui sont d’une belle proportion font ordinairement des actions grandes & majestueuses, par la relation qu’il y a entre la forme des corps & la disposition des esprits qui les animent ; que la noblesse & la majesté des actions consistent dans la grandeur & dans la liberté des parties ; que les belles proportions sont toûjours accompagnées de force & d’agilité ; que la force d’un homme paroît à avoir la poitrine large, les épaules grosses & pleines, les bras puissans, dont les muscles soient ressentis & les articles bien noüés ; que l’agilité se remarque par les hanches étroittes, les genoüils & les chevilles des pieds resserrées, le gras de la jambe troussé & un peu charnu, ce que l’on peut voir sur le naturel par les mouvemens que l’on lui peut faire prendre, & sur les figures antiques de l’APOLLON, du BACCHUS, des LUTTEURS & du GLADIATEUR.

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Il faut aussi remarquer que les figures qui sont d’une belle proportion font ordinairement des actions grandes & majestueuses, par la relation qu’il y a entre la forme des corps & la disposition des esprits qui les animent ; que la noblesse & la majesté des actions consistent dans la grandeur & dans la liberté des parties ; que les belles proportions sont toûjours accompagnées de force & d’agilité ; que la force d’un homme paroît à avoir la poitrine large, les épaules grosses & pleines, les bras puissans, dont les muscles soient ressentis & les articles bien noüés ; que l’agilité se remarque par les hanches étroittes, les genoüils & les chevilles des pieds resserrées, le gras de la jambe troussé & un peu charnu, ce que l’on peut voir sur le naturel par les mouvemens que l’on lui peut faire prendre, & sur les figures antiques de l’APOLLON, du BACCHUS, des LUTTEURS & du GLADIATEUR.

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Quant à l'imitation precise des modelles, l'on avoüa enfin que même les plus habiles hommes doivent observer cette regle de dessigner le naturel justement & precisement, comme ils le voient pour ne s'écarter point de la verité, quand ils étudient leurs morceaux sur le naturel ; afin que s'en voulant servir en l'execution de l'Ouvrage, ses Desseins representent la verité du naturel, les laissant dans la liberté de donner à leurs figures tels caracteres de force ou de foiblesse convenables à leurs sujets, ce qui est la principale fin à laquelle toutes leurs études ce doivent raporter.

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A l'égard des plus avancés on les exorta de joindre la Theorie à la Pratique, d'examiner les raisons qu'ont observé les Autheurs des beaux ouvrages Antiques qui se sont servis de la Geometrie pour les proportions, l'Anathomie, pour apprendre l'Ostologie, la situation, la forme & le mouvement des muscles exterieurs seulement, la Perspective, la Physique & la Phisionomie pour connoître les divers caracteres des complections & des passions, car il faut bien sçavoir toutes ses choses pour donner bien à propos ses charges dagremens, en quoi consiste ce que l'on appelle le grand goût, l'on observa que la force des bras procede des muscles forts qui les attachent aux épaules, en laissant les joinctures bien nouées, en quoi les foibles Etudians se peuvent tromper mettant ces grosseurs affectées dans les emboëtemens des bras & des cuisses, au lieu de bien observer la naissance & la fin des plus grands muscles, ce qui fait la veritable beauté des contours, où l'on doit observer que les muscles exterieurs étant agitez par ses mouvemens differens, font un espece de Contraste qui cause une douce opposition dans la rencontre des contours, tellement qu'on ne voit point deux contours enflez ou enfonsés se rencontrer à l'opposite l'un de l'autre, mais ils se coulent comme en ondoyant doucement [...].

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[...] On remarqua que les Proportions consistent en hauteur, largeur, & grosseur, qu'elles ne peuvent être sans le Corps, dont elles sont les mesures, ni dans une partie imparfaite ; qu'elle se distinguoit naturellement par le sexe, par l'âge, & par la condition. L'on en considera de quatre sortes, suivant la difference des qualités & du temperament, les unes grosses & courtes, d'autres delicates & sweltes, des fortes & puissantes, des grelles & deliées, sur lesquelles l'on proposa des mesures tirées tant sur le naturel que sur les belles figures Antiques. [...] l'on considera les divers dégrez de l'enfance & de la jeunesse, les proportions de l'homme en son âge viril, & pour éviter les repetitions ennuyeuses des diverses mesures : On en examina seulement de deux sortes, l'une pour les figures Nobles & Heroïques, l'autre pour les hommes Rustiques & Paysans, ne faisant mention des autres que pour faire connoître en quoi elles sont differentes.
L'on choisit pour la première sorte la figure Antique d'Apollon, [...]. Pour la seconde sorte de Proportion, l'on prit la figure Antique du jeune Faune [...].

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En l'actitude l'on remarqua la position de la figure & le contraste de ses parties, en l'une on trouva parfaitement bien observée la Ponderation, qui est la regle de la bien poser sur son plan, & que le creux du col porte à plomb sur la cheville du pied, qui soûtient tout le corps : & dans l'autre on fit observer cette maxime à l'égard des actions agissantes, à sçavoir, que quand un bras avance & se hausse, la jambe du même côté doit baisser & reculer, ainsi du reste.

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L'on fit remarquer, que lors qu'un muscle fait son action, il se grossit en se retirant vers son principe, cependant qu'il diminue & defaut à la fin, c'est ce qui cause l'inégalité & la beauté des contours. [...] d'où l'on infera que la connoissance du mouvement des muscles étoit d'autant plus necessaire aux Etudiants du Dessein, qu'elle sert à leur apprendre la juste proportion du Corps humain, & ses veritables contours, qu'au contraire l'ignorance de ces choses les portoit à beaucoup d'erreurs, ne pouvants representer les organes dans leurs veritables offices, & que les jeunes gens suivants aveuglement les manieres qui flattent leurs inclinations font paroître les muscles dans la contraction également comme dans la relaxation, & les contours toûjours semblables, enfin que cette connoissance aprend à éviter la rencontre ou parallellité des contours, laquelle ne peut arriver aux articles, puisque les muscles opposés les uns aux autres sont dissemblables en forme & en action. Quelqu'un repartit à cela, qu'il ne suffisoit pas de sçavoir exactement les noms des muscles, leurs situations, & leurs formes, que le principal étoit d'en connoître les effets exterieurs, ce que l'on ne pouvoit apprendre que sur un naturel vivant & animé, & qu'il ne falloit pas trop s'arrêter l'esprit à l'étude de l'Anatomie, ni s'y engager trop avant, parce qu'il ny a rien de certain que la mesure des proportions, qu'on ne peut prendre que sur l'Ostollogie, [...]. On fit remarquer que les figures qui sont d'une belle proportion, font ordinairement des actions grandes & majestueuses par la relation qu'il y a entre la forme des corps & la disposition des esprits qui les animent, que la Noblesse & la Majesté des actions consistent en la grandeur & en la liberté des parties, que les belles proportions sont toûjours accompagnées de force & d'agilité, que la force d'un homme paroit à avoir la poitrine large, les épaules grosses & pleines, les bras puissants, dont les muscles soient ressentis & les articles bien noüez, que l'agilité se remarque par les hanches étroites, les genoux & les chevilles des pieds resserrés, le gras de la jambe troussé & peu charnu [...].