CLARO-OBSCURO (expr.)
TERM USED AS TRANSLATIONS IN QUOTATION
CLAIR-OBSCUR (fra.)CLAIR-OBSCUR
[...] sans l’intelligence du Clair-obscur, & de tout ce qui dépend du Coloris, les autres parties de la Peinture perdent beaucoup de leur merite, au point même de perfection que Raphaël les a portées.
L’Idée de la Peinture pour servir de Preface à ce Livre, p. 13-14
Il faut beaucoup plus de Genie pour faire un bon usage des lumieres & des ombres, de l’harmonie des couleurs & de leur justesse pour chaque objet particulier, que pour dessiner correctement une figure.
Le Dessein qui demande tant de tems pour le bien sçavoir, ne consiste presque que dans une habitude de mesures & de contours que l’on repete souvent : mais le Clair-obscur & l’harmonie des couleurs sont un raisonnement continuel, qui exerce le genie, d’une maniere aussi differente que les Tableaux sont composés differemment.
Cependant il est aisé de voir que ce qui a le plus de part à l’effet qui appelle le Spectateur, c’est le Coloris composé de toutes ses parties qui sont le Clair-obscur, l’harmonie des couleurs, & ces mêmes couleurs que nous appellons Locales, lors qu’elles imitent fidellement chacune en particulier la couleur des objets naturels que le Peintre veut representer.
L’Idée de la Peinture pour servir de Preface à ce Livre, p. 19-20
Cette distribution des objets en général regarde les Grouppes, & les Grouppes resultent de la liaison des objets. Or cette liaison se doit considerer de deux manieres : ou, par rapport au Dessein seulement, ou par rapport au Clair-obscur. L'une & l'autre maniere concourent à empêcher la dissipation des yeux, & à les fixer agreablement.
La liaison des objets par rapport seulement au Dessein, & sans avoir égard au Clair-obscur, regarde principalement les figures humaines, dont les actions, les conversations & les affinités exigent souvent qu'elles soient proches les unes des autres.
[…] il est bon d'être averti que les liaisons dont nous avons parlé, tirent leurs meilleurs principes du choix des Attitudes & du Contraste.
Mais les Grouppes qui ont rapport au Clair-obscur reçoivent toutes sortes d’objets de quelque Nature qu’ils puissent être. Ils demandent une connoissance des lumieres & des ombres non seulement pour chaque objet en particulier ; mais ils exigent encore une intelligence des effets que ces ombres & ces lumieres sont capables de causer dans leur assemblage, & c’est ce qu’on appelle proprement l’artifice du Clair-obscur dont j’ai traité avec toute l’exactitude qui m’a été possible en parlant du Coloris.
De la disposition, Du Contraste, p. 103le Peintre doit considerer que les couleurs des draperies lui donnent un moyen de pratiquer avec adresse l’intelligence du Clair-obscur. Le Titien a mis en usage cet artifice dans la plûpart de ses Tableaux, en se servant de la liberté qu'il avoit de donner à ses draperies la couleur qui lui sembloit la plus convenable, ou pour servir de fond, ou pour étendre la lumiere, ou pour caracteriser les objets par la comparaison.
Des Draperies, De la varieté des Couleurs dans les Etoffes, p. 192-193[…] le clair-obscur qui n’est autre chose que l’intelligence des lumieres & des ombres étoit compris dans le coloris […]
Du coloris, p. 328
Après avoir parlé de l’union des couleurs, il est bon de dire deux mots de leur opposition. Les couleurs sont opposées entr’elles, ou dans leur qualité naturelle, & comme telle couleur simplement ; ou en lumiere & ombre, comme faisant partie du Clair-obscur.
L’opposition dans la qualité des couleurs s’appelle antipathie. Elle est entre des couleurs qui voulant dominer l’une sur l’autre se detruisent par leur mélange, comme l’outremer & le vermillon ; & la contrarieté qui est dans le Clair-obscur n’est qu’une simple opposition de la lumiere à l’ombre sans aucune destruction.
Car encore qu’il n’y ait rien par exemple, qui paroisse plus opposé que le blanc & le noir, dont l’un represente la lumiere, & l’autre la privation de lumiere, ils conservent cependant dans leur mélange une espece d’amitié qui n’est susceptible d’aucune destruction. Le blanc & le noir ensemble font un gris doux qui tient de l’une & de l’autre couleur ; & ce qui paroîtra comme noir par opposition au blanc tout pur, semblera comme blanc, si on le met auprès d’un grand noir.
La science des lumieres & des ombres qui conviennent à la Peinture, est une des plus importantes parties, & des plus essentielles de cet Art.
Du Clair-obscur, p. 361Cette partie de la Peinture contient deux choses, l’incidence des lumieres & des ombres particulieres, & l’intelligence des lumieres & des ombres generales, que l’on appelle ordinairement le Clair-obscur ; & quoique selon la force des mots, ces deux choses n’en paroissent qu’une seule ; elles sont neanmoins fort differentes selon les idées qu’on s’est accoutumé d’y attacher.
Du Clair-obscur, p. 361-362Mais pour une entiere intelligence du clair-obscur, il est bon de savoir que sous le mot de Clair il faut entendre, non-seulement ce qui est exposé sous une lumiere directe, mais aussi toutes les couleurs qui sont lumineuses de leur Nature
Du Clair-obscur, p. 363-364L’incidence de la lumiere se demontre par des lignes que l’on suppose tirées de la source de la même lumiere sur un corps qu’elle éclaire. Elle force & nécessite le Peintre à lui obéir : au lieu que le clair-obscur dépend absolument de l’imagination du Peintre. Car celui qui invente les objets est maître de les disposer d’une maniere à recevoir les lumieres & les ombres telles qu’il les desire dans son Tableau, & d’y introduire les accidens & les couleurs dont il pourra tirer de l’avantage.
Du Clair-obscur, p. 362-363Et par le mot de clair-obscur, l’on entend l’Art de distribuer avantageusement les lumieres & les ombres qui doivent se trouver dans un Tableau, tant pour le repos & pour la satisfaction des yeux, que pour l’effet du tout-ensemble.
Du Clair-obscur, p. 362Il y a encore à observer que le clair-obscur qui renferme & qui suppose l’incidence de la lumiere & de l’ombre, comme le tout renferme sa partie, regarde cette même partie d’une maniere qui lui est particuliere : car l’incidence de la lumiere & de l’ombre ne tend qu’à marquer précisément les parties éclairées & les parties ombrées ; & le clair-obscur ajoûte à cette précision, l’Art de rendre les objets plus de relief, plus vrais & plus sensibles.
Du Clair-obscur, p. 364-365le clair-obscur est l’Art de distribuer avantageusement les lumieres & les ombres, & sur les objets particuliers & dans le general du Tableau. Mais quoique le clair-obscur comprenne la science de distribuer toutes les lumieres & toutes les ombres, il s’entend plus particulierement des grandes lumieres & des grandes ombres ramassées avec une industrie qui en cache l’artifice. C’est dans ce sens que le Peintre s’en sert pour mettre les objets dans un beau jour en donnant occasion à la vûe de se reposer d’espace en espace par une ingenieuse distribution d’objets, de couleurs, & d’accidens.
Du Clair-obscur, p. 365-366La distribution des objets forme des masses de clair-obscur, lorsque par une industrieuse œconomie on les dispose de maniere que ce qu’ils ont de lumineux se trouve joint ensemble d’un côté, & que ce qu’ils ont d’obscur se trouve lié ensemble d’un autre côté, & que cet amas de lumieres & d’ombres empêche la dissipation de notre vûe. C’est ce que le Titien appelloit la grappe de raisin : parceque les grains de raisin separés les uns des autres auroient chacun sa lumiere & son ombre également ; & partageant ainsi la vûe en plusieurs rayons, lui causeroient de la confusion : au lieu qu’étant tous rassemblés en une grappe, & ne faisant par ce moyen qu’une masse de clair & qu’une masse d’ombre, les yeux les embrassent comme un seul objet. Ce que je dis ici de la grappe de raisin ne doit pas être pris grossierement à la lettre, ni selon l’arrangement, ni selon la forme ; c’est une comparaison sensible qui ne signifie autre chose que la jonction des clairs, & la jonction des ombres.
Du Clair-obscur, Premier Moyen, Par la distribution des Objets, p. 366-367ce choix de la lumiere n’est autre chose que l’artifice du clair-obscur : l’artifice du clair-osbcur est donc une partie absolument nécessaire dans la Peinture.
Du Clair-obscur, Premiere Preuve, Prise de la nécessité du Choix, p. 371Ce n’est point assez que les yeux puissent voir, il faut qu’ils embrassent leur objet avec satisfaction, & que le Peintre éloigne tout ce qui peut leur faire de la peine. Il est certain que les yeux ne peuvent être contens lorsque voulant se porter sur un objet, ils en sont détournés par d’autres objets voisins que leurs jours & leurs ombres particulieres rendent aussi sensibles que cet objet même : mais il n’est pas moins certain qu’il n’y a que l’intelligence du clair-obscur qui puisse procurer à la vûe la jouissance paisible de son objet : car, comme nous avons dit, c’est le clair-obscur qui empêche la multiplicité des angles, & la dissipation des yeux par le moyen des Grouppes de lumieres & d’ombres dont il donne l’intelligence. Ainsi le clair-obscur est d’une extrême consequence dans la Peinture.
Du Clair-obscur, Seconde Preuve, Tirée de la Nature du Clair-obscur, p. 372Il est nécessaire de bien poser les figures, de les dégrader, de bien jetter une draperie, d’exprimer les passions de l’ame, en un mot de donner le caractere à chaque objet par un Dessein juste & élegant, & par une couleur locale vraie & naturelle : mais il n’est pas moins nécessaire de soûtenir toutes ces parties, & de les mettre dans un beau jour, en les rendant plus capables d’attirer les yeux, & de les tromper agréablement par la force & par le repos que l’intelligence des lumieres generales introduit dans un Tableau : ce qui prouve l’avantage que les parties de la Peinture en reçoivent, & qui établit par consequent la nécessité du clair-obscur.
Du Clair-obscur, Troisième Preuve, Prise de l’avantage que les autres parties de la Peinture tirent du Clair-obscur, p. 373Ainsi, comme dans un Tableau il doit y avoir unité de sujet pour les yeux de l’esprit, il doit pareillement y avoir unité d’objet pour les yeux du corps. Il n’y a que l’intelligence du clair-obscur qui puisse procurer cette unité, ni qui puisse faire jouir la vûe paisiblement & agréablement de son objet.
Du Clair-obscur, Quatrième Preuve, p. 376[…] un Tableau où le Dessein & les couleurs locales sont médiocres, mais qui sont soutenues par l’artifice du clair-obscur, ne laissera point passer tranquilement son Spectateur, il l’appellera, il l’arrêtera du moins quelque tems, eut-il même de l’indifference pour la Peinture. Que ne sera-ce point, si avec le clair-obscur les autres parties s’y rencontrent dans un louable degré de perfection, & que l’ouvrage tombe sous les yeux d’un curieux éclairé, ou d’un amateur sensible ?
Du Clair-obscur, Quatrième Preuve, p. 380-381
Mais comme le relief & la rondeur d’un objet particulier ne suffit pas dans l’assemblage de plusieurs figures, & qu’il faut pour la satisfaction des yeux, & pour l’effet du tout-ensemble, qu’il y ait une intelligence de lumieres & d’ombres, qu’on appelle le clair-obscur, on ne peut se dispenser d’en acquerir la connoissance.
Cette intelligence demande une attention particuliere, & l’on ne doit avoir une habitude d’autant plus forte, que le clair-obscur est un des principaux fondemens de la Peinture, que son effet appelle le Spectateur, qu’il soûtient la composition du Tableau, & que sans lui tout le soin qu’on auroit pris pour les objets particuliers, seroit une peine perdue.