Qu’il faut apprendre à bien achever ce qu’on desseigne, & le finir avec patience avant que de s’adonner à la manière prompte & hardie des praticiens Quand vous voudrez profiter beaucoup & faire une bonne estude, ayez soin de ne desseigner jamais à la haste ny à la légère, & à l’égard des lumières, considérez bien quelles parties seront esclairées du jour le plus vif, & aussi entre les ombres, lesquelles seront les plus obscures, & et comment ells se meslent ensemblent, & en quelle quantité, les parangonnant l’une avec l’autre : & pour le regard des contours, observez bien vers quelle partie ils doivent tourner, & entre les termes quelle quantité ils s’y rencontre d’ombre et de lumière, & où elles sont plus ou moins fortes & evidentes, & plus larges & plus estroittes : & sur tout soyez soigneux que vos ombres & vos lumieres ne soient point tranchées, mais qu’elles s’en aillent noyant ensemble, & se perdant insensiblement comme la fumée : & lors que vous aurez fait habitude à cette manière exacte de desseigner, vous acquererez après tout incontinent, & comme sans y penser, la facilité des praticiens.
Quel est le plus important en la peinture, de sçavoir ombrer ou contourner Dans la peinture, il est bien plus difficile, & d’une plus grande estude de donner les ombres à une figure, que d’en desseigner les contours ; & la preuve de cela est claire en ce qu’on peut contourner toutes sortes de lineaments au travers d’un voile clair, ou d’un verre plat interposé entre l’œil & la chose qu’on veut imiter : mais cette invention est inutile pour l’esgard des ombres, à cause de l’insensibilité de leurs termes, qui le souvent sont meslez entre eux […].