JUGE (n. m.)

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Quotation

Je sçay bien qu’un excellent Peintre n’est pas loüable si dans ses Ouvrages il y laisse des fautes si grossieres, que tout le monde les aperçoive d’abord, & je sçay bien encore que la perspective est si necessaire à cet Art, que l’on peut dire qu’elle est mesme de son essence ; Cependant cette partie n’entre pas en comparaison avec tant d’autres qu’un Peintre doit sçavoir, & qui sont d’une étude bien plus longue & plus penible, puis que se conduisant en celle-là par le moyen de la regle & du compas, la pratique n’en est pas moins facile que les regles en sont aisées à comprendre, n’y ayant guere d’esprits, pour peu intelligens qu’ils soient, qui ne puissent s’y rendre sçavans en tres-peu de temps.
Des gens neanmoins qui n’ont de connoissance qu’en cela, ne laissent pas quelquefois de blâmer hautement un excellent Tableau, & de vouloir diminuer de l’estime du Peintre, parce qu’il aura omis ou négligé quelque chose qui n’ira pas chercher le point de veuë. Et comme ces Censeurs ont facilement appris la Perspective, mais qu’ils ignorent les parties les plus difficiles de la Peinture, ils se récrient sur ce petit defaut, comme s’ils estoient les Juges souverains des plus beaux Ouvrages ; bien qu’à dire vray, il se trouve beaucoup de telles gens qui sont fort peu capables d’en connoistre tout l’art & toute la perfection.

censeur

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SPECTATEUR → jugement

Quotation

Il est vrai, que lorsqu'il s'agit du mérite des tableaux, le public n'est pas un juge aussi compétent, que lorsqu'il s'agit des mérites des poëmes. La perfection d'une partie des beautés d'un tableau, par exemple, la perfection du dessein n'est bien sensible qu'aux Peintres ou aux Connoisseurs qui ont étudié la Peinture autant que les Artisans mêmes. Mais nous discutons ailleurs [section 27] quelles sont les beautés d'un tableau dont le public est un juge non recusable, & quelles sont les beautés qui ne sçauroient être appréciées à leur juste valeur, que par ceux qui sçavent les regles de la Peinture. 

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SPECTATEUR → jugement
SPECTATEUR → connaissance

Quotation

[…] Le Goût qui s’exerce sur les Arts n’est point un Gout factice. C’est une partie de nous-même qui est née avec nous, & dont l’office est de nous porter à ce qui est bon. La connoissance le précede : c’est le flambeau. Mais que nous serviroit-il de connoître, s’il nous étoit indifférent de jouir ? La Nature étoit trop sage pour séparer ces deux parties : & nous en donnant la faculté de connoître, elle ne pouvoit nous refuser celle de sentir le rapport de l’objet connu avec notre utilité, & d’y être attiré par ce sentiment. C’est ce sentiment qu’on appelle le Goût naturel, parce que c’est la Nature qui nous l’a donné. Mais pourquoi nous l’a-t’elle donné ? Etoit-ce pour juger des Arts qu’elle n’a point faits ? Non : c’étoit pour juger des choses naturelles par rapport à nos plaisirs ou à nos besoins.
L’industrie humaine ayant ensuite inventé les beaux Arts sur le modèle de la Nature, & ces Arts ayant eu pour objet l’agrément & le plaisir, qui sont, dans la vie, un second ordre de besoins ; la ressemblance des Arts avec la Nature, la conformité de leur but, sembloient exiger que le Goût naturel fût aussi le Juge des Arts : c’est ce qui arriva. Il fut reconnu, sans nulle contradiction : les Arts devinrent pour lui de nouveaux Sujets, si j’ose parler ainsi, qui se rangerent paisiblement sous sa Juridiction, sans l’obliger de faire pour eux le moindre changement à ses loix. Le Goût resta le même constamment : & il ne promit aux Arts son approbation, que quand ils lui feroient éprouver la même impression que la Nature elle-même ; & les chefs-d’œuvres des Arts ne l’obtinrent jamais qu’à ce prix.
Mais cette perfection n’a rien changé dans son essence. Il est toujours tel qu’il etoit auparavant : indépendant du caprice. Son objet est toujours essentiellement le bon. Que ce soît l’Art qui le lui présente, ou la Nature, il ne lui importe, pourvu qu’il jouisse. C’est sa fonction.

goût

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SPECTATEUR → jugement
SPECTATEUR → connaissance