ÉMOUVOIR (v.)

BEWEGEN (deu.) · MUOVERE (ita.) · ONTROEREN (nld.) · ONTSTELLEN (nld.)
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BEROEREN (nld.) · BEWEGEN (nld.) · HARTSTOCHT (nld.) · MOVE (TO) (eng.) · MUOVERE (ita.) · TOUCH (TO) (eng.)

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Quotation

Qui sera celuy qui voyant & revoyant les mysteres de nostre saincte foy, & la Peinture de la gloire des Cieux ne soit émeu à aymer un Dieu si debonnaire, qui a voulu souffrir pour nous une mort infame & cruelle, & ne sente allumer dans son cœur un desir extréme d’arriver à la supreme felicité ? Je ne dy pas que les Images soient la cause totale de ces grands effects, par ce que ce seroit une opinion impie : mais je dis que la Peinture émeut l’œil, lequel ayant receu l’impression des objets, baille en dépost les especes ou les Images à la memoire, laquelle les represente à l’entendement, lequel en suite conçoit la vérité ou la fausseté des choses, & les ayant connuës, les represente à la volonté, laquelle haït les mauvaises & cherit les bonnes, & se porte vers elle d’une peinte & inclination naturelle. L’on peut connoistre de toutes ces choses la grande utilité & excellence de la Peinture, puisqu’elle est l’instrument de la Memoire, de l’Intellect, & de la Volonté ; un signe & une figure que les hommes ont inventé pour representer les choses naturelles & articificielles, pour representer les Anges, les Saincts, & Dieu mesme en la façon qu’il peut estre representé.

Terme traduit par MUOVERE dans Lomazzo, 1585, p. 6.

term translated by MUOVERE

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PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

Quotation

Au reste vous devez sçavoir que les Images dans la Rhetorique, ont tout un autre usage que parmi les Poëtes. En effet le but qu’on s’y propose dans la Poësie, c’est l’estonnement & la surprise : au lieu que dans la prose c’est de bien peindre les choses, & de les faire voir clairement. Il y a pourtant cela de commun, qu’on tend à emouvoir en l’une & en l’autre rencontre. [...] Et veritablement je ne sçaurois pas bien dire si Euripide est aussi heureux à exprimer les autres passions ; mais pour ce qui regarde l’amour & la fureur, c’est à quoi il s’est estudié particulierement, & il y a fort bien reussi. Et mesme en d’autres rencontres il ne manque pas quelque-fois de hardiesse à peindre les choses. Car bien que son esprit de lui-mesme ne soit pas porté au Grand, il corrige son naturel, & le force d’estre tragique & relevé, principalement dans les grands Sujets.

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CONCEPTS ESTHETIQUES → merveilleux et sublime

Quotation

Le sublime de la Poësie & de la Peinture est de toucher & de plaire, comme celui de l'Eloquence est de persuader. […] Un poème ainsi qu'un tableau, ne sçaurait produire cet effet, s'il n'a pas d'autre mérite que la régularité & l'élégance de l'exécution. Le tableau le mieux peint, comme le poëme le mieux distribué & le plus exactement écrit, peuvent être des ouvrages froids & ennuïeux. Afin qu'un ouvrage nous touche, il faut que l'élégance du dessein & la verité du coloris, si c'est un tableau […] y servent à donner l'être à des objets capables par eux-mêmes de nous émouvoir & de nous plaire.

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CONCEPTS ESTHETIQUES → merveilleux et sublime
SPECTATEUR → perception et regard

Quotation

Non seulement le public juge d'un ouvrage sans interêt, mais il en juge encore ainsi qu'il en faut décider en general, c'est-à-dire par la voïe du sentiment, & suivant l'impression que le poëme ou le tableau font sur lui. Puisque le premier but de la Poësie & de la Peinture est de nous toucher, les poëmes & les tableaux ne sont de bons ouvrages qu'à proportion qu'ils nous émeuvent & qu'ils nous attachent. Un ouvrage qui touche beaucoup doit être excellent à tout prendre. Par la même raison l'ouvrage qui ne touche point & qui n'attache pas ne vaut rien, & si la critique n'y trouve point à reprendre des fautes contre les regles, c'est qu'un ouvrage peut être mauvais sans qu'il y ait des fautes contre les regles, comme un ouvrage plein de fautes contre les regles peut être un ouvrage excellent.
Or le sentiment enseigne bien mieux si l'ouvrage touche, & s'il fait sur nous l'impression que doit faire un ouvrage, que toutes les dissertations composées par les Critiques, pour en expliquer le mérite, & pour en calculer les perfections & les défauts. La voie de discussion & d'analyse, dont se servent ces Messieurs, est bonne à la verité, lorsqu'il s'agit de trouver les causes qui font qu'un ouvrage plaît ou qu'il ne plaît pas ; mais cette voie ne vaut pas celle du sentiment lorsqu'il s'agit de décider cette question. L'ouvrage plaît-il ou ne plaît-il pas ? L'ouvrage est-il bon ou mauvais en géneral ? C'est la même chose. Le raisonnement ne doit donc intervenir dans le jugement que nous portons sur un poëme ou sur un tableau, que pour rendre raison de la décision du sentiment & pour expliquer quelles fautes l'empêchent de plaire, & quels sont les agrémens qui le rendent capable d'attacher. Qu'on me permette ce trait.
La raison ne veut point qu'on raisonne sur une pareille question, à moins qu'on ne raisonne pour justifier le jugement que le sentiment a porté. La décision de la question n'est point du ressort du raisonnement. Il doit se soumettre au jugement que le sentiment prononce. C'est le juge compétent de la question.

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SPECTATEUR → jugement
SPECTATEUR → perception et regard

Quotation

D’ailleurs les Peintres & les Poètes s’occupent à des imitations comme d’un travail au lieu que les autres hommes ne les regardent que comme des objets intéressans. Ainsi le sujet de l'imitation, c'est-à-dire, les événements de la tragédie et les expressions du tableau, font une impression légère sur les peintres et sur les poètes sans génie, qui sont ceux dont je parle. Ils sont en habitude d'être émus si faiblement, qu'ils ne s'aperçoivent presque pas si l'ouvrage les touche ou s'il ne les touche point. Leur attention se porte toute entière sur l'exécution mécanique, et c'est par là qu'ils jugent de tout l'ouvrage. La poësie du tableau de Monsieur Coypel, qui représente le sacrifice de la fille de Jephté, ne les saisit point, & ils l'examinent avec autant d'indifférence que s'il représentoit une danse de païsans, ou quelque sujet incapable de nous émouvoir. […].

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SPECTATEUR → perception et regard
SPECTATEUR → jugement
L’ARTISTE → qualités

Quotation

Dès que l'attrait principal de la Poësie & de la Peinture, dès que le pouvoir qu'elles ont pour nous émouvoir & pour nous plaire vient des imitations qu'elles sçavent faire des objets capables de nous interresser : la plus grande imprudence que le Peintre ou le Poëte puissent faire, c'est de prendre pour l'objet principal de leur imitation des choses que nous regarderions avec indifference dans la nature : c'est d'emploïer leur Art à nous représenter des actions qui ne s'attireroient qu'une attention médiocre si nous les voïions veritablement. Comment serons-nous touchez par la copie d'un original incapable de nous affecter ? Comment serons-nous attachez par un tableau qui représente un villageois passant son chemin en conduisant deux bêtes de somme, si l'action que ce tableau imite ne peut pas nous attacher ? [...] L'imitation ne sçauroit donc nous émouvoir quand la chose imitée n'est point capable de le faire. Les sujets que Teniers, Wowermans & les autres Peintres de ce genre ont représentez, n'auroient obtenu de nous qu'une attention très-legere. Il n'est rien dans l'action d'une fête de village ou dans les divertissemens ordinaires d'un corps de garde qui puisse nous émouvoir. Il s'ensuit donc que l'imitation de ces objets peut bien nous amuser durant quelques momens, qu'elle peut bien nous faire applaudir aux talens que l'ouvrier avoit pour l'imitation, mais elle ne sçauroit nous toucher.  

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CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → sujet et choix

Quotation

Je crois que le pouvoir de la Peinture est plus grand sur les hommes que celui de la Poësie, & j'appuie mon sentiment sur deux raisons. La premiere est que la Peinture agit sur nous par le moïen du sens de la vûë. La seconde est que la Peinture n'emploïe pas des signes artificiels ainsi que le fait la Poësie, mais bien des signes naturels. C'est avec des signes naturels que la peinture fait ses imitations.
La Peinture se sert de l'œil pour nous émouvoir. [...] La vûë a plus d'empire sur l'ame que les autres sens. La vûë  est celui des sens en qui l'ame, par un instinct que l'expérience fortifie, a le plus de confiance […]
En second lieu, les signes que la Peinture emploïe pour nous parler, ne sont pas des signes arbitraires & instituez, tels que sont les mots dont la Poësie se sert. La Peinture emploïe des signes naturels dont l'énergie ne dépend pas de l'éducation. Ils tirent leur force du rapport que la nature elle-même a pris soin de mettre entre les objets extérieurs & nos organes, afin de procurer notre conservation. Je parle peut-être mal, quand je dis que la Peinture emploïe des signes. C'est la
nature elle-même que la Peinture met sous nos yeux. Si notre esprit n'y est pas trompé, nos sens du moins y sont abusez. La figure des objets, leur couleur, les reflais de lumière, les ombres, enfin tout ce que l'œil peut apercevoir, se trouve dans un tableau, comme nous le voïons dans la nature. Elle se présente dans un tableau sous la même forme où nous la voïons réellement. Il semble même que l'œil ébloüi par l'ouvrage d'un Grand Peintre, croïe quelquefois apercevoir du mouvement dans ses figures. 
Les vers les plus touchans ne sçauroient nous émouvoir que par degrez & en faisant jouer plusieurs ressorts de notre machine les uns après les autres. Les mots doivent d'abord  réveiller les idées dont ils ne sont que des signes arbitraires. Il faut ensuite que ces idées s'arrangent dans l'imagination, & qu'elles y forment ces tableaux qui nous touchent, & ces peintures qui nous intéressent. Toutes ces opérations, il est vrai, sont bientôt faites ; mais il est un principe incontestable dans la mécanique, c'est que la multiplicité des ressorts affoiblit toujours le mouvement, parce qu'un ressort ne communique jamais à un autre tout le mouvement qu'il a reçu. D'ailleurs il est une de ces opérations, celle qui se fait quand le mot réveille l'idée dont il est le signe, qui ne se fait pas en vertu des loix de la nature. Elle est artificielle en  partie.
Ainsi les objets que les tableaux nous présentent agissant en qualité de signes naturels, ils doivent agir plus promptement. L'impression qu'ils font sur nous, doit être plus prompte & plus soudaine que celle que les vers peuvent faire.[…] Nous voïons alors en un instant ce que les vers nous font seulement imaginer, & cela même en plusieurs instants.
 

Conceptual field(s)

SPECTATEUR → perception et regard
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture