CHEF-D’ŒUVRE (n. m.)

BAXANDALL, Michael, « Masterpiece », dans TURNER, Jane (éd.), The Dictionary of Art, London - New York, Macmillan - Grove, 1996 [En ligne : https://doi.org/10.1093/gao/9781884446054.article.T055049 consulté le 23/01/2018].
BELTING, Hans, Das unsichtbare Meisterwerk: die modernen Mythen der Kunst, München, C. H. Beck, 1998.
BELTING, Hans, GALARD, Jean et WASCHEK, Matthias (éd.), Qu’est-ce qu’un chef-d’oeuvre ?, Cycle de conférences de Paris, Paris, Gallimard, 2000.
BOSCHUNG, Dietrich et DOHE Sebastian, Das Meisterwerk als Autorität: zur Wirkmacht kultureller Figurationen, München, Fink Verlag, 2013.
CAHN, Walter, Masterpieces: Chapters on the history of an idea, Princeton, Princeton University Press, 1979.
DANTO, Arthur C., « Masterpieces and the Museum », Grand Street, 9/2, 1990, p. 108-127 [En ligne : http://www.jstor.org/stable/25007346 consulté le 03/03/2018].
HURLEY, Cecilia, « CHEF-D'ŒUVRE », dans HECK, Michèle-Caroline (éd.), LexArt. Les mots de la peinture (France, Allemagne, Angleterre, Pays-Bas, 1600-1750) [édition anglaise, 2018], Montpellier, Presses Universitaires de la Méditerranée, 2018, p. 121-125.

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5 sources
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Quotation

On me dira que le Peres sont aveugles pour les deffauts de leurs Enfans, & les Ouvriers pour ceux qui se rencontrent dans les productions de leur esprit ; sur l’opinion qu’on aura que tout ce que j’ay dit jusqu’icy ne tend qu’à faire passer mon Tableau pour un Chef-d’œuvre achevé. Mais je proteste hautement que ce que j’en ay dit est plustot une Apologie qu’un Panegirique, & que je voy plus de deffauts dans mes Ouvrages que les autres ny en trouvent, bien que ce ne soit pas aux mesme endroits ; […] Ce grand attachement & cette vie retirée proviennent de la connoissance que j’ay des imperfections de mon Pinceau, & des difficultez qu’il y a d’achever un Ouvrage […]

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CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Quotation

La face de la Vierge [ndr : peinte par Nicolas Poussin] invite le Chrestien
D’admirer de son corps le pudique maintien ;
Puis que ce rare ouvrier l’a mise avec aisance,
Sans que rien soit forcé, dedans la bien-seance.
Le manteau qu’elle porte a droit de nous charmer ;
Non parce qu’il paroist coloré d’Outremer,
Ma d’autant que les plis sont faits avec adresse,
Et font voir tout à coup, la force et la tendresse.
Certes c’est un chef-d’œuvre, et ce chef-d’œuvre est tel
Qu’il merite à bon droit qu’on l’ait mis sur l’Autel ;
Il n’est point de Tableau, qui d’abord ne luy cede
Et les beautés de cent luy tout seul les possede.

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PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → statut de l'oeuvre : copie, original...
CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Quotation

LE CHEVALIER. Je vous avoue que le tableau de la famille Darius m'a toûjours semblé le chef-d’œuvre de Monsieur le Brun ; & peut-estre que l'honneur qu'il a eu de le peindre sous les yeux du Roy, est cause qu'il s'y est surpassé luy-mesme ; car il le fit à Fontainebleau, où Sa Majesté prenoit une extreme plaisir tous les jours à le voir travailler.
LE PRESIDENT. Quoy donc le saint Michel & la sainte famille que nous venons de voir, ne seront pas comparables aux tableaux de Monsieur le Brun.
L’ABBE. Je serois bien faschée d'avoir avancé une telle proposition, ce sont deux chef-d'œuvres incomparables, & qui surpassent comme je l'ay déja dit, tout ce que l'Italie a de plus beau. Il y a quelque chose de si grand & de si noble dans l'attitude & dans l'air de teste du saint Michel ; la correction du dessein y est si juste, & le mélange des couleurs si parfait, que ce qui peut y estre desiré comme un peu moins de force dans l'extremité des parties ombrées, n’empesche pas qu'il ne soit le premier tableau du monde, à moins qu'on ne luy fasse disputer ce rang par le tableau de la sainte Famille.

LE PRESIDENT. Vous passez donc condamnation pour ces deux tableaux ; & voila le siecle de Raphaël au dessus du nôtre.
L' ABBE. Cela ne conclut pas.

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PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → statut de l'oeuvre : copie, original...
SPECTATEUR → jugement
CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection

Quotation

Je comparerois volontiers ce superbe étalage de chef-d’œuvres anciens & modernes, qui rendent Rome la plus auguste ville de l'univers, à ces boutiques où l'on étale une grande quantité de pierreries. En quelque profusion que les pierreries y soient étalées, on n'en rapporte chez soi qu'à proportion de l'argent qu'on avoit porté pour faire son emplette. Ainsi l'on ne profite solidement de tous les chef-d’œuvres de Rome, qu'à proportion du génie avec lequel on les regarde. Le Sueur, qui n'avoit jamais été à Rome, & qui n'avoit vû que de loin, c'est-à-dire, dans des copies, les richesses de cette capitale des beaux arts, en avoit mieux profité, que beaucoup de Peintres qui se glorifioient d'un séjour de plusieurs années au pied du Capitole. De même un jeune Poëte ne profite de la lecture de Virgile & d'Horace qu'à proportion des lumieres de son génie, à la clarté desquelles il étudie les anciens, pour ainsi dire.

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L’ARTISTE → qualités
CONCEPTS ESTHETIQUES → génie, esprit, imagination

Quotation

Ainsi tous les Arts dans tout ce qu’ils ont de vraiment artificiel, ne sont que des choses imaginaires, des êtres feints, copiés & imités d’après les véritables. C’est pour cela qu’on met sans cesse l’Art en opposition avec la Nature : qu’on n’entend partout que ce cri, que c’est la Nature qu’il faut imiter : que l’Art est parfait quand il la représente parfaitement : enfin que les chefs-d’œuvres de l’Art, sont ceux qui imitent si bien la Nature, qu’on les prend pour la Nature elle-même.
Et cette imitation pour laquelle nous avons tous une disposition si naturelle, puisque c’est l’exemple qui instruit & qui règle le genre humain,
Vivimus ad exempla, cette imitation, dis-je, est une des principales sources du plaisir que causent les Arts. L’esprit s’exerce dans la comparaison du modèle avec le portrait, & le jugement qu’il en porte, fait sur lui une impression d’autant plus agréable, qu’elle lui est un témoignage de sa pénétration & de son intelligence.
Et cette doctrine n’est pas nouvelle.
On la trouve par-tout chez les anciens. Aristote commence sa Poëtique par ce principe : que la Musique, la Danse, la Poësie, la Peinture, sont des Arts imitateurs (a). [...]
(a) […] M. Remond de S. Mard qui a beaucoup réfléchi sur l’essence de la Poësie & qui n’écrivant que pour les plus délicats n’a dû prendre que la fleur de son sujet, dit formellement dans une de ses Notes que les beaux Arts ne consistent que dans l’imitation. Voici ses termes : On n’y songe pas assez, la Poësie, la Musique, la Peinture sont trois Arts consacrés au plaisir, tous trois faits pour imiter la nature, tous trois destinés à imiter les mouvemens de l’ame : les tirer de là, c’est les deshonorer, c’est les montrer par leur endroit foible. […]

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CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Quotation

C’est donc au goût seul qu’il appartient de faire des chefs-d’œuvres, & de donner aux ouvrages de l’Art, cet air de liberté & d’aisance qui en fait toujours le plus grand mérite.

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PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture

Quotation

L’industrie humaine ayant ensuite inventé les beaux Arts sur le modèle de la Nature, & ces Arts ayant eu pour objet l’agrément & le plaisir, qui sont, dans la vie, un second ordre de besoins ; la ressemblance des Arts avec la Nature, la conformité de leur but, sembloient exiger que le Goût naturel fût aussi le Juge des Arts : c’est ce qui arriva. Il fut reconnu, sans nulle contradiction : les Arts devinrent pour lui de nouveaux Sujets, si j’ose parler ainsi, qui se rangerent paisiblement sous sa Juridiction, sans l’obliger de faire pour eux le moindre changement à ses loix. Le Goût resta le même constamment : & il ne promit aux Arts son approbation, que quand ils lui feroient éprouver la même impression que la Nature elle-même ; & les chefs-d’œuvres des Arts ne l’obtinrent jamais qu’à ce prix.
Mais cette perfection n’a rien changé dans son essence. Il est toujours tel qu’il etoit auparavant : indépendant du caprice. Son objet est toujours essentiellement le bon. Que ce soît l’Art qui le lui présente, ou la Nature, il ne lui importe, pourvu qu’il jouisse. C’est sa fonction.

Conceptual field(s)

SPECTATEUR → jugement
PEINTURE, TABLEAU, IMAGE → définition de la peinture