CARNATION (n. f.)

CARNATION (eng.) · CARNATION (deu.) · CARNATY (nld.) · CARNE (ita.) · INCARNAAT (nld.) · INCARNATION (deu.) · LIJF-VERWE (nld.) · NAKED PART (eng.) · VLEESCHICHEYT (nld.)
TERM USED AS TRANSLATIONS IN QUOTATION
FLESH (eng.)
TERM USED IN EARLY TRANSLATIONS
CARNATION (eng.) · CARNATION (deu.) · CARNE (ita.) · FLESH (eng.) · INCARNATION (deu.) · INCARNAZIONE (ita.) · NAKED PART (eng.) · VLEESKOLEUR (nld.)
CAYUELA, Élodie, « CARNATION », dans HECK, Michèle-Caroline (éd.), LexArt. Les mots de la peinture (France, Allemagne, Angleterre, Pays-Bas, 1600-1750) [édition anglaise, 2018], Montpellier, Presses Universitaires de la Méditerranée, 2018, p. 112-116.
COUSINIÉ, Frédéric, « De la morbidezza du Bernin au “sentiment de la chair” dans la sculpture française des XVIIe et XVIIIe siècle », dans COUSINIÉ, Frédéric (éd.), Beautés fuyantes et passagères : la représentation et ses “objets-limites” aux XVIIe-XVIIIe siècles, Saint-Pierre-de-Salerne, G. Monfort, 2005, p. 139-155.
DELAPLANCHE, Jérôme, Un tableau n'est pas qu'une image : la reconnaissance de la matière de la peinture en France au XVIIIe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016.
FEND, Mechthild, Fleshing out Surfaces. Skin in French Art and Medicine, 1650-1850, Manchester, Manchester University Press, 2017.
GUÉDRON, Martial, De chair et de marbre : imiter et exprimer le nu en France (1745-1815), Paris, Champion, 2003.
LEHMANN, Anne-Sophie, « Hautfarben : zur Maltechnik des Inkarnats und der Illusion des lebendigen Körpers in der europäischen Malerei der Neuzeit », dans GEISSMAR-BRANDI, Christoph et HIJLYA-KIRSCHNEREIT, Irmela (éd.), Geschiter der Haut, Frankfurt am Main, Stroemfeld - Nexus, 2002, p. 93-128.
LICHTENSTEIN, Jacqueline, La tâche aveugle. Essai sur les relations de la peinture et de la sculpture à l'âge moderne, Paris, Gallimard, 2003.
PARÉ, Alix, Peindre la chair. Rendu des carnations et image du corps dans la peinture française des années 1680-1740, Mémoire de recherche, École du Louvre, 2008.
REINEKE, Anika, RÔHL, Anne, KAPUSTKA, Mateusz et WEDDIGEN, Tristan, Textile Terms: A Glossary, Berlin, Gebr. Mann Verlag, 2017.

FILTERS

LINKED QUOTATIONS

13 sources
29 quotations

Quotation

La Platte Peinture. Chapitre XXXIX, p. 308
19. Blanc de plomb, vermillon, laque, la terre d'ombre pour faire les ombrages, mesler la carnation, c'est à dire, de diverses couleurs, l'ocre jaune, l'ocre dru, c'est à dire plus brune : Massicot, verd d'oye, verd de mer. 

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → figure et corps

Quotation

De la carnation des testes
La couleur des corps laquelle se trouvera estre en plus grande quantité se conserve advantage en une longue distance : cette proposition nous monstre en effet qu’en une distance assez mediocre, le visage devient obscur, d’autant que la plus grande partie du visage est occupée par des ombres, & il y a peu de lumiere en comparaison ; c’est pourquoy elle disparoist incontinent en peu de distance, & les rehauts ou jours vifs y sont en tres-petite quantité ; de là vient que les parties les plus obscures dominant par-dessus les autres, le visage se ternist tout aussi tost & se montre obscur, & il paroistra encore d’autant plus sombre qu’à son opposite, devant ou derriere il y a aura plus de blanc.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTION DE LA PEINTURE → lumière
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Precepte au peintre
Où l’ombre va confiner avec la lumière, considerez bien en quel endroit elle est plus claire qu’obscure, & où c’est qu’elle est plus ou moins sfumée vers la lumière ; & surtout je vous advertis qu’en la carnation des jeunes gens, vous ne fassiez point les ombres tranchées, comme si c’estoit sur une figure de pierre, parce que la chair a quelque chose de transparent, ce qui se void manifestement regardant la main entre l’œil & le soleil, car elle paroist rougeastre avec une transparence lumineuse : & si vous voulez sçavoir quelle sorte d’ombre est convenable à la carnation que vous peignez, faites en l’estude & l’experience sur l’ombre mesme de votre doigt, & selon que vous la voudrez ou plus claire ou plus obscure, tenez le doigt plus prés ou plus loin de vostre tableau, & l’imitez.

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → figure et corps

Quotation

De la carnation & des figures esloignées de l’œil
Il faut qu’un peintre qui represente des figures & d’autres choses esloignées de l’œil, en esquisse seulement la forme, par une legere esbauche des principaux ombres, sans rien terminer, & pour cette espece de figures, il doit choisir un temps nebuleux, & vers le soir […] & souvenez-vous de ne tenir pas vos ombres si fort obscures, que dans leur noirceur elles noyent & esteignent leur couleur originale, si ce n’estoit que les corps fussent placez en un lieu entierment remply de tenebres, & ne marquez point les profileurs des membres, ny les cheveux ; ne rehaussez point les jours de blanc tout pur, si ce n’est sur les choses blanches, & que les rehauts fassent connoistre la veritable & parfaite teinte de la couleur.

Ce passage ne figure pas dans l'édition anglaise.

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → figure et corps

Quotation

Maniere de colorir sur la toille
Tendez votre toille sur une chassis, et luy donnez une legere imprimeure de colle de gans, laquelle estant seiche desseignez vostre tableau et couchez la teinte des carnations avec des broisses, et en mesme temps pendant qu'elle est toute fraische, vous y marquerez les ombres fort douces à vostre maniere. 
La carnation se fera de blanc, de lacque, & de massicot : la teinte de l’ombre sera composée de noir & de terre d’ombre, ou d’un peu de lacque si vous voulez avec de la pierre noire. Apres avoir legerement esbauché vostre tableau laissez-le seicher, puis vous l'irez retouchant à sec, avec de la lacque destrempée dans l'eau de gomme, parce qu'ainsi elle est d'un meilleur usage, et ne porte point de lustre estant mise en œuvre. 
Pour faire encore vos ombres plus noires, prenez de la lacque susdite destrempée avec de l’ancre gommée ; & de cette teinte vous pourrez ombrer plusieurs couleurs, parce qu’elle est transparente, & elle sera fort bonne pour donner les ombres à l’azur, à la lacque, au vermillon, & à quelques autres semblables couleurs.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Il est vray aussi que ces grandes idées qu’il [ndr : Léonard de Vinci] avoit de la perfection & de la beauté des choses, a esté cause que voulant terminer ses Ouvrages au delà de ce que peut l’Art, il a fait des figures qui ne sont pas tout-à-fait naturelles. Il en marquoit beaucoup les contours, il s’arrestoit à finir les plus petites choses, & mettoit trop de noir dans les ombres ; En cela il ne laissoit pas de faire connoistre sa science dans le dessein & dans l’entente des lumieres, par le moyen desquelles il donnoit à tous les corps un relief qui trompe la veuë.
Mais sa [ndr : Léonard de Vinci] maniere de travailler les carnations ne represente point une veritable chair, comme le Titien faisoit dans ses Tableaux. On voit plûtost qu’à force de finir son Ouvrage & d’y arrester le pinceau trop-longtemps, il a fait des choses si achevées & si polies qu’elles semblent de marbre.

chair

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → figure et corps
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai

Quotation

382. [Que vos Couleurs soient vives, sans pourtant donner, comme on dit, dans la farine.] Donner dans la farine c’est une façon de parler parmy les Peintres, qui exprime parfaitement ce qu’elle veut dire, qui n’est autre chose que de peindre avec Couleurs claires & fades tout ensemble, lesquelles ne donnent non plus de vie aux Figures, que si effectivement elles estoient frottées de farine. Ceux qui font leurs Carnations fort blanches & leurs Ombres grises ou verdastres, tombent dans cette inconvenient. Les Couleurs rousses dans les Ombres des chairs les plus delicates, contribuent merveilleusement à les rendre vives, brillantes & naturelles : mais il en faut user avec la mesme prudence dont le Titien, Paul Ver. Rubens & Vandeik se sont servis.
Pour conserver les Couleurs fraisches, il faut peindre en mettant toûjours des Couleurs, & non pas en frottant apres les avoir couchées sur la toile ; & s’il se pouvoit mesme faire qu’on les mist justement dans leurs places, & que l’on n’y touchast point quand on les y a une fois placées, il seroit encore mieux ; parce que la fraischeur des Couleurs se ternit & se perd à force de les tourmenter en peignant.
Tous ceux qui ont bien colorié, avoient encore une autre Maxime pour maintenir les Couleurs fraisches, vives & fleuries ; c'estoit de se servir de Fonds blancs, sur lesquels ils peignoient, & souvent mesme au premier coup, sans rien retoucher, & sans y employer de nouvelles Couleurs. Rubens s'en servoit toûjours ; & j'ay veu des Tableaux de la main de ce grand Homme faits au premier coup, qui avoient une vivacité merveilleuse. La raison que ces excellens Coloristes avoient de se servir de ces sortes de Fonds, est que le Blanc conserve toûjours un éclat sous le transparant des Couleurs, lesquelles empeschent que l'air n'altere la blancheur du Fonds, de méme que cette blancheur repare le dommage qu'elles reçoivent de l'air ; de maniere que le Fonds & les Couleurs se prestent un mutuel secours, & se conservent l'un l'autre. C'est par cette raison que les Couleurs glacées ont une vivacité qui ne peut jamais estre imitée par les Couleurs les plus vives & les plus brillantes, dont à la maniere ordinaire & commune on couche simplement les differentes teintes, chacune dans leur place les unes apres les autres : tant il est vray que le Blanc avec les autres Couleurs fieres, dont on peint d'abord ce que l'on veut glacer, en sont comme la vie & l'éclat. Les Anciens ont asseurement trouvé que les Fonds blancs estoient beaucoup meilleurs que les autres : puisque nonobstant l'incommodité que leurs yeux recevoient de cette Couleur, ils ne laissoient pas de s'en servir, […] Je ne sçay d'où vient que l'on ne s'en sert pas aujourd'huy, si ce n'est qu'il y a peu de Peintres curieux de bien colorier, ou que l'ébauche commencée sur le Blanc ne se montre pas assez viste, & qu'il faut avoir une patience plus que Françoise, pour attendre qu'elle soit achevée, & que le Fond qui ternit par sa Blancheur l'éclat des autres Couleurs, soit entierement couvert, pour faire paroistre agreablement tout l'Ouvrage.

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

[…] Il faut en premier lieu estudier à fond les traits naturels, & ensuite remarquer exactement l’expression de quelque Peintre renommé. Par exemple le Titien qui a reüssi dans la carnation d’une maniere si excellente, & si particuliere, qu’en cela il a surpassé toute l’antiquité, dont les plus beaux Tableaux n’aprochent par asseurement ceux de ce fameux Peintre pour ce qui est de la carnation, qu’on void si vivement exprimée dans tous les siens, qu’il semble effectivement que le sang coule dans les veines de ses figures.

Conceptual field(s)

L’ARTISTE → apprentissage
MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

[…] les couleurs principalles dont nous nous servons, sont le blanc de plomb, qui est le plus beau de tous, la terre rouge, la terre jaune, la terre verte, la laque, le stil de grum, le noir d’os & de charbon, par le mélange desquelles on fait des teintes admirables qui approchent de la chair. On se sert aussi d’outremer, qui est une couleur excellente, non seulement pour les draperies, mais aussi pour la carnation, ayant la propriété de conserver l’éclat et la vivacité de toutes les autres couleurs, avec quoy on la mesle. La lasque fine & le vermillon sont encore fort bons pour bien imiter la chair, & sur toute la chair des femmes qui est plus fraische et plus delicate que celle des hommes. […]

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Carnations pour les femmes & les enfans.
[ndr titre de paragraphe ; se rapporter au texte]
Carnations pour l’homme.
[ndr titre de paragraphe ; se rapporter au texte]

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Pour les carnations.
[ndr titre de paragraphe ; se rapporter au texte]

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

La carnation se fait en plusieurs sortes selon leur objet [...]
[ndr voir la suite du passage dans son ensemble]

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

XIV.
Il faut avoir une Palette d’ivoire fort unie & grande comme la main, sur laquelle on arange d’un costé les Couleurs pour les Carnations de cette maniere. On met au milieu beaucoup de Blanc bien étendu, parce que c’est la Couleur dont on se sert le plus ; & sur le bord on place de gauche à droit les Couleurs suivantes un peu éloignées du Blanc.
Du Massicot.
Du Stil de Grain.
De l’Orpin.
De l’Occre.
Du Verd qui est composé d’Outremer, du Stil de grain, & de Blanc, autant de l’un que de l’autre.
Du Bleu fait d’Outremer, d’Inde, & de Blanc, en sorte qu’il soit fort pasle.
Du Vermillon.
Du Carmin.
Du Bistre.
Et du Noir.
De l’autre costé de la Palette, on étend du Blanc tout de même que pour les Carnations, & lors que l’on veut faire des Draperies, ou autres choses, on met auprés du Blanc la Couleur dont on les veut faire, pour travailler comme je diray dans la suite.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

XV.
Il importe beaucoup qu’on se serve de bons Pinceaux, pour les bien choisir, il faut un peu les moüiller, & en les tournant sur le doigt si tous les poils se tiennent assemblez, & ne font qu’une pointe, ils sont bons : mais s’ils ne s’assemblent pas, qu’ils fassent plusieurs pointes, & qu’il y en ait de plus longs les uns que les autres, ils ne vallent rien, particulierement pour pointiller, et sur tout pour les Carnations. Quand ils seront trop pointus, n’y ayant que quatre ou cinq poils qu’ils passent les autres, quoy que d’ailleurs ils se tiennent assemblez, ils ne laissent pas que d’estre bons ; mais il les faut émousser avec des cizeaux, & prendre garde de n’en pas trop couper. Il est bon d’en avoir de deux ou trois sortes, dont les plus gros seront pour faire les Fonds, les moyens pour Ebaucher, & les plus petits pour finir. Je ne sçache qu’une femme dans Paris qui fasse de bons Pinceaux, elle se nomme la Luzaye, […]. 
Pour faire assember les poils de vôtre Pinceau & luy faire une bonne pointe, il faut le mettre souvent sur le bord des lévres en travaillant, le seirant, & l’humectant avec la langue, mesme quand on a pris de la Couleur ; car s’il y en a trop, on l’oste ainsi, & il n’en demeure que ce qu’il faut pour faire des Traits égaux & unis. L’on ne doit pas craindre que cela fasse aucun mal, toutes les Couleurs à Mignature (excepté l’Orpin, qui est un poison) quand elles sont preparées, n’ont ny mauvais goust, ny mauvaises qualitez : Il faut sur tout mettre cette invention en usage, pour pointiller, & pour finir particulierement les Carnations, afin que les Traits soient nets, & pas trop chargez de Couleur ; car pour les Draperies & autres choses, tant pour Ebaucher que pour finir, on peut se contenter d’assembler les poils de son pinceau, & le décharger lors qu’il y a trop de Couleur, en le passant sur le bord de la Coquille, ou dessus le papier qu’il faut mettre sur vostre Ouvrage pour poser la main, donnant quelques coups dessus auparavant que de travailler sur sa piece.

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → outils

Quotation

Des Carnations.

LXVI.
Il y a dans les Carnations tant de differens coloris qu’il seroit mal-aisé de donner sur des sujets si particuliers des regles generales, aussi n’en garde-t’on point quand on a acquis par l’usage d’habitude de travailler aisément, & ceux qui sont arrivez à ce degré s’attachent à copier leurs Originaux, où bien ils travaillent sur leurs idées sans sçavoir comment ; De sorte que les plus habiles qui le font avec moins de reflexion & de peine que les autres, en auroient aussi d’avantage à rendre raison de leur Doctrine eu fait de Peinture, si on leur demandoit de quelles couleurs ils se servent pour faire un tel ou un tel Coloris, une Teinte icy, & là une autre.
Cependant comme les commençans à qui je destine ce petit Ouvrage ont besoin de quelque instruction d’abord. Je dirai icy en general de quelle maniere il faut faire diverses carnations.

LXVII.
Premierement aprés avoir desseigné sa Figure avec du Carmin, & ordonné sa piece, l’on applique pour les Femmes, les Enfans, & generalement pour tous les coloris tendres, une couche de blanc, meslé avec tant soit peu de ce bleu fait pour les visages dont j’ay dit la composition ; mais qu’il ne paroisse quasi pas.

LXVIII.
Et pour les Hommes, au lieu de bleu on met dans cette premiere couche un peu de Vermillon, & lors qu’ils sont vieux on y méle de l’Occre.

LXIX.
En suite on recherche tous les traits avec du Vermillon, du Carmin, & du blanc, mélez ensemble, & l’on ébauche toutes les ombres de ce mélange, ajoûtant du blanc à proportion qu’ils sont foibles, & n’en mettant guere aux plus bruns […].

LXX.
Après avoir ébauché de rouge, l’on fait des teintes bleuës avec de l’Outremer & beaucoup de blanc, sur les parties qui fuïent, c’est à dire, sur les tempes, au dessous, & aux coins des yeux, […] & aux autres endroits où la chair a je ne sçay quel œil bleu.
L’on fait encore des teintes jaunâtres avec de l’Occre, ou de l’Orpin, & un peu de Vermillon meslé de blanc au dessus des soucis, aux costez du nez vers le bas, un peu au dessous des joües, & sur les autres parties qui approchent.
C’est particulierement pour ces Teintes qu’ils faut observer le naturel, afin de le prendre, car la peinture estant une imitation de la Nature, la perfection de l’Art consiste en la justesse & en la naïveté de cette representation, sur tout pour le portrait.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
CONCEPTS ESTHETIQUES → nature, imitation et vrai
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → figure et corps

Quotation

LXXI.
Lors que vous avez donc fait vostre premiere couche, vostre ébauche & vos teintes [ndr : l’auteur explique comment on peint les carnations], il faut travailler sur les ombres en pointillant avec du verd pour les carnations, y mélant selon La regle que j’en ay donnée pour les teintes, un peu de bleu pour les parties fuyantes, & au contraire, faisant un peu plus jaune pour celles qui sont plus sensibles, c’est à dire, qui approchent : & dans la fin des Ombres du costé du claire il faut confondre sa couleur imperceptiblement dans le fond de la carnation avec du bleu, & puis du rouge, selon les endroits où l’on peint. Que si ce Mélange de verd ne fait pas assez brun d’abord, il faut repasser sur les ombres plusieurs fois, tantost de rouge, tantost de verd : & toûjours en pointillant, jusques à ce qu’elles soient comme il faut.

LXXII.
Et si l’on ne peut avec ces couleurs donner aux Ombres toute la force qu’elles doivent avoir, l’on finit dans le plus obscur avec du Bistre mélé d’Orpin, d’Occre ou de Vermillon, & quelques fois tout pur, selon le Coloris que vous voulez faire, mais legerement, mettant vostre couleur fort claire.


LXXIII.
Il faut pointiller sur les clairs avec un peu de Vermillon ou de Carmin meslé de beaucoup de blanc, & de tant si peu d’Occre, pour les faire perdre dans les ombres, & pour faire mourir les Teintes les unes dans les autres imperceptiblement, prenant garde en pointillant ou hachant de faire que vos traits suivent le contour des chairs, car bien qu’il faille croiser de tous sens, celuy-là doit paroistre un peu d’avantage parce qu’il arrondit les parties.
Et comme ce mélange pourroit faire un Coloris trop rouge si l’on s’en servoit toûjours, on travaille aussi par tout pour confondre les teintes & les ombres avec du bleu, un peu de verd, & beaucoup de blanc, en sorte que ce mélange soit fort pâle, excepté pourtant qu’il ne faut point mettre de cette couleur sur les jouës ; ny sur l’extremité des clairs, non plus que de l’autre mélange sur ces derniers qu’il fait laisser avec tout leur jour, comme de certains endroits du menton, du nez, & du front, & au dessus des jouës ; lesquelles & le Menton doivent neantmoins estre plus rouges que le reste, aussi-bien que les pieds, le dedans des mains, & les doigts des uns & des autres.
Remarquez que ces deux derniers mélanges doivent estre si pâles, qu’à peine en puisse-t’on voir le travail, n’estant que pour adoucir l’Ouvrage, & faire l’union des teintes les unes dans les autres, des ombres dans les clairs, & faire perdre les traits : Il faut prendre garde aussi de ne pas trop travailler du mélange rouge sur les teintes bleuës, ny du bleu sur les autres, mais changer de temps en temps de couleur, quand on voit que l’on fait trop bleu ou trop rouge, jusques à ce que l’ouvrage soit finy.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → lumière
CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → figure et corps

Quotation

LXXVI.
Les mains & tout le reste d’une carnation, se font de mesme que les visages, en observant que le bout des doigts soit un peu plus rouge que le reste. Aprés que tout vostre Ouvrage est ébauché & pointillé, il faut marquer toutes les separations des parties par de petits coups de carmin & d’orpin mis ensemble, tant dans les ombres que dans les clairs, mais plus forts dans les premiers, & les faire perdre dans le reste de la carnation.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → figure et corps

Quotation

LXXIX.
Mais le plus important est d’adoucir son Ouvrage, de mesler ses teintes les unes dans les autres, aussi bien que la barbe & les cheveux, qui sont sur le front avec les autres Cheveux, & la Carnation, prenant garde sur tout de ne pas faire sec, & dur, & que les Traits & Contours des Carnations ne soient pas coupez.
Il faut aussi s’accoûtumer à ne mettre du Blanc dans vos Couleurs qu’à proportion que vous faites Clair ou Brun ; car il faut que la Couleur dont on travaille la seconde fois, soit toûjours un peu plus forte que la premiere, à moins que ce ne soit pour adoucir.


LXXX.
Les differens Coloris se peuvent aisément faire en mettant plus ou moins de Rouge, ou de Bleu, ou de Jaune, ou de Bistre, soit pour l’Ebauche, soit pour finir : Celuy des Femmes doit estre bleüâtre ; celuy des Enfans un peu Rouge, l’un & l’autre frais & Fleury, & celuy des Hommes plus Jaune, particulierement lors qu’ils sont vieux.

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité du dessin
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Je passe presentement au Tableau de la Circoncision, qui est à l'avant Chœur des Peres Chartreux, de la main d'un Peintre qui sapelloit Guide François : C'est un des meilleurs ouvrages qu'il ait fait à Toulouse. On y voit la Sainte Vierge, tenant son enfant entre ses mains, dans un linge, & un Vieillard qui tend les bras pour le recevoir : Une vieille est à côté à genoux, ayant les mains jointes. On voit de l'autre côté de la Vierge, une jeune fame qui porte deux Colombes dans un panier : Saint Joseph est auprés de cette fame, & il y a deux Acolites tenant des Cierges, l'un à la droite du Vieillard, & l'autre un peu derriere lui.
Les Carnations de ces figures sont naturelles & bien variées, le Coloris en est plûtôt vague que fort : Les Draperies sont de couleurs douces, à la réserve de celles de la Vierge, où elles sont rouge & bleuë, ce qui la fait particulièrement distinguer dans ce Tableau, sans causer aucune aigreur. La Perspective Aërienne, ou la diminution des teintes y est merveilleusement observée : Les figures qui sont derrière les premières, sont afoiblies doucement, & cela mérite beaucoup d'atention de la part des jeunes Peintres. Cette Histoire a pour fonds les murailles d'un Temple, d'une couleur grisatre, mais qui sert admirablement à l'union des couleurs : car les figures reculées, ont quelque chose de cette teinte. Cela sapelle donc bien peint, bien entendu assez frais & assez vague.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Rentrons encore pour un moment, dans la Chapelle des Peniens Noirs, pour y considérer deux Tableaux de Simon Voüet, dans lesquels nous trouverons de beaux exemples du Coloris frais, riant & vague. Le premier est l'Invention de la Croix du Sauveur, où l'on voit sur la seconde ligne & vers le milieu du Tableau, une fame qui a repris la vie sur la Croix, & qui est à demy envélopée dans son Suaire. Un autre fame qui est à genoux auprès d'elle, leve les yeux & la main vers le Ciel. Non-loin de là, est la Reine Hélène, qui âcourt avec sa suite pour voir ce Miracle : Il y a un Evéque en Rôchet-&-Camail, qui donne sa Benediction à cette femme ressuscitée : Et tout-cela est dans le grand jour. A une des âiles du Tableau & sur la première ligne, il y a un Soldat qui se voit de côté, il tand la main en signe d'admiration, en tournant la Téte pour parler à une figure qui est à ses piez. Ce Soldat est habillé d'un justaucorps à l'antique, & d'une Draperie de rouge brun. Un peu plus avant entre la premiere & seconde ligne, il y a un Pionnier qui tient un Pic à la main, & qui a un genou à terre. Les Carnations du Soldat sont rougeatres dans la demi teinte, où éclairées d'un jour de réflexion, & touchées du brillant en quelques endroits, & les ombres y sont fortes à proportion. Comme ces carnations & les autres couleurs de la première ligne, sont pesantes, cela fait avancer merveilleusement le groupe où est ce Soldat, & fuir la seconde ligne. A l'autre âile du Tableau, il y a une fame avec son enfant, elle est assise sur le lit qui a servi à porter cet autre fame ressuscitée : On y voit aussi quelque figure qui a les Carnations un peu rouges, comme le petit enfant, mais celles de la fame sont belles & fort naturelles, ce groupe est colorié d'un ton moyen, entre la première & seconde ligne.
L'autre represente l'Histoire du Serpent d'Airain : On y voit sur le devant à un'âile du Tableau, un grand groupe de gens, ataqués par des Serpens auprés d'une Tente, & une fame qui leur fait signe de tourner les yeux vers le Serpent d'Airain, pour être délivrez. Remarquez que toutes ces figures de la premiere ligne, sont de couleurs pesantes, rompeuës dans la demy teinte, & éclairées du jour de réflexion : Les Carnations en sont assez variées, mais la plûpart sont rougeatres, où de chirs mortes, dont les ombres sont brunes & pesantes. La seconde ligne est à l'autre âile du Tableau, où il y a huit ou dix figures, qui regardent le Serpent d'Airain, & Moïse au milieu du groupe, qui le leur fait remarquer avec sa Baguette. Ce groupe où est Moise, est dans le plus grand jour principal, & a ses ombres douces à proportion. [...]
Pour moy si j'avois à faire un chois d'un Coloris, je tacherois de me conformer à cette maniere, principalement pour les grandes Ordonnances.

Conceptual field(s)

CONCEPTION DE LA PEINTURE → couleur
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Ceux qui peignent avec jugement, couchent les couleurs à petits coups, & sans precipitation : Ils le metent plus épaisses, couvrent & recouvrent plusieurs fois leurs carnations ce que le Peintres apellent bien empâter, d’où vient le Morbido & Pastoso que les Italiens demandent tant dans la Peinture : Et quand ils hachent, le dessous est sec ou presque sec.

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs
MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Pour les chairs apellées carnations : On fait les contours avec un filet de Carmin, comme à l’huile, on le fait avec de la Laque : on couche ensuite les clairs & les ombres. Si c’est pour des femmes ou des enfans ou autres chairs tendres, on couche une teinte faite de blanc, & d’un peu de ce bleu dont j’ay dit la composition ailleurs. Si c’est une Carnation d’homme, on met un peu de vermillon au lieu du blanc, & si c’est un vieux, un peu d’ocre.
Pour les ombres on fait une teinte de vermillon, de carmin & du blanc […]
Après avoir couché les clairs et les ombres, on fait des teintes bleües avec de l’Outremer & beaucoup de blanc sur les parties qui suivent, sur les Temples au dessus & au coin des yeux, aux deux côtés de la bouche […]
Pour finir & bien unir toutes ces teintes on se sert de ce verd […]
Je finirai ces instructions, en ajoûtant deux choses tres-importantes pour juger du coloris & pour faire de belles Carnations en tout genre de peinture. La premiere est que les contours ne soient nullement tranchés : Mais que les chairs süivent si bien dans les extremitez, qu’il paroisse quelque choses de plus qu’on ne voit : Ce que les Italiens appellent Dolce & Sfumato. La seconde est que les chairs soient naturelles avec les reflexions qu’elles font les unes sur les autres ; Car ces reflexions leur donnent quelque transparence, de la tendresse é du relief, & ce que les Italiens apelent Morbidessa […]

chair

Conceptual field(s)

MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Dans le Païsage, la figure y tient le premier rang ; pour pouvoir la peindre au nature, il faut sçavoir les carnations, parce que les teintes des visages se trouvent differentes, même les chairs ; ce qui m’oblige de vous les distinguer.
Pour faire les chairs ordinaires, prenez un peu de vermillon & de carmin […].
Pour faire une teinte de chairs plus delicates, […].

Conceptual field(s)

GENRES PICTURAUX → paysage
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → figure et corps
MATERIALITE DE L’ŒUVRE → couleurs

Quotation

Ces draperies [ndr : les draperies changeantes] aussi-bien que les carnations se pointillent. Pour bien pointiller, il faut faire les points ronds, & pour ce, travailler de la petite pointe du pinceau ; pour faire des points longs, il faut appuyer le pinceau en couchant ; les fleurs, les oiseaux & les païsages ne se pointillent point ; l’on peut faire les carnations sans pointiller par hachures, & les draperies aussi ; & pour ce, il faut croiser les hachures ou traits ; quand aux fleurs, elles se font par hachures ou traits de même sens de chaque feüille de fleurs, ainsi qu’il est aisé de connoître, en examinant le naturel & les fleurs de Robert, le plus excellent fleuriste.

Conceptual field(s)

MANIÈRE ET STYLE → le faire et la main
L’HISTOIRE ET LA FIGURE → figure et corps

Quotation

CARNATION, se dit des chairs & des parties nues d’un tableau, prises ordinairement dans leur totalité, de belles carnations. La fraîcheur des carnations. Les carnations du Titien. On ne le dit gueres des parties solides & charnues considérées séparément. On ne dit pas, ce bras, cette cuisse est bien de chair : mais en parlant des parties plus délicates, & plus colorées, comme les jouës & la bouche, on peut, & même il faut dire ces jouës, cette bouche, sont d’une belle carnation, & non pas cette bouche & ces jouës sont bien de chair.

Conceptual field(s)

L’HISTOIRE ET LA FIGURE → figure et corps

Quotation

Le Public pense à peu près de même des Tableaux du sieur Nattoire dont les Carnations sont encore plus foibles & dans un petit goût de mode très-clair à la vérité, mais en même tems très-fade. C’est aujourd'hui la teinte générale de presque toutes nos productions dans les Lettres comme dans la Peinture, tout y est de la couleur des roses & en conserve la durée.

Conceptual field(s)

EFFET PICTURAL → qualité des couleurs

Quotation

Ces deux derniers [ndr : l’Ecole de l’Amour et Athalante et Méléagre] ainsi que les autres ouvrages de M. Hallé sont d’un assez bon goût de dessin, & exécutés avec hardisse ; mais ils affectent peu pour la grace & la couleur. Dans le premier Venus, l’Amour & Mercure se ressemblent & sont peints tous trois avec la même carnation : vous prendriez Athalante & Méléagre, dans l’autre, pour de véritables Ours qui se léchent.

Conceptual field(s)

CONCEPTS ESTHETIQUES → beauté, grâce et perfection
EFFET PICTURAL → qualité des couleurs