TIZIANO (Tiziano Vecellio) ( v. 1488-1576 )

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Of Action and Passion.
{4. Action and Passion.} The next observation, is out of which,
Life and Motion doth result : It shews no Action or Passion in a Piece, barely upright, looking forward ; the Armes hanging down, the feet close together, and so seems unmoveable, and stiff.
{How to be expressed} In lineall
Pieces, there may be a deceitfull similitude of Life and Motion, and statues may seem to live and breathe but coloured Pictures shew a lively force in the severall effects, and properties of Life and Spirit.
{And to be improved} To be well acquainted with
Nature, Manner, guize and behaviour ; as to paint a Man, angry or sad ; joyfull earnest ; or idle ; all passions to be proper to the figure : […]. Indeed the severall postures of the head, describe the Numbers of passions ; […]. In a word, each severall member or part of the body, either of themselves, or in reference of some other part, expresses the passions of the mind, as you may easily observe in the Life.
[…].
{By example of Titian’ Pieces.} I have seen a piece of
Tytian’s : A Child in the Mothers Lap playing with a Bird ; so round and pleasing, it seem’s a doubt whether a Sculpture or Painting ; whether Nature or Art, made it ; the mother smiles and speaks to : the child starts, and answers.
{And of
Palma’s Piece.} Another of Palma’s ; a speaking Piece indeed. The young Damsell brought for Old Davids Bedfellow ; all the company in Passion and Action : some in admiration of her beauty, others in examining her features, which so please the good Old Man, that in some Extasie of passion, he imbraces her which her humility admits, yet with a silent modesty as best became her, only to be dumb and so suffer.
[…].
[...] And so have we done with an Example of all in One : For
 
                       Invention
allures the mind.
                       Proportion, attracts the Eyes.
                       Colour ;
delights the Fancie.
                      
Lively Motion, stirs up our Soul.
                      
Orderly Disposition, charmes our Senses.
 
{Conclude a rare Picture.} These produce gracefull
Comliness, which makes one fairer then fair ; […].
This Grace is the close of all, effected by a familiar facility in a free and quick spirit of a bold and resolute Artificer ; not to be done by too much double
diligence, or over doing ; a careless shew, hath much of Art.

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Cependant, dit Pymandre, il me semble que vous venez de dire que ce qui fait le fort & le foible, & ce que vous appelez l’affoiblissement des teintes, se doit comprendre par les diverses coupes qu’on se peut imaginer à mesure que les corps s’éloignent.
Il est vray, luy repliquay-je, & c’est dont nous avons tantost parlé sur le sujet de la perspective de l’air, Leon Baptiste Albert appelle cette coupe Il taglio. J’avouë que dans la speculation l’on peut comprendre de quelle sorte les objets doivent diminuer de couleur par ces differentes coupes. [...] De mesme dans les couleurs on peut dire qu’il en faut diminuer ou augmenter la teinte à mesure qu’elles s’éloignent ou s’approchent ; ou qu’elles reçoivent divers accidents d’ombres & de lumieres : mais c’est à l’œil à juger du plus ou du moins de force qu’on leur donne en les meslant. [...] Car encore que la perspective de l’air, & l’affoiblissement des couleurs, par cette coupe dont je viens de parler, soit en effet dans les tableaux, ce qui fait fuir ou avancer les corps ; le Peintre neanmoins qui doit toujours chercher à se prevaloir de toutes sortes des moyens & des secrets de son art quand il veut imiter la force de la Nature, est d’autant plus digne d’estime qu’il sçait découvrir des chemins comme inconnus, pour arriver à son but. C’est pourquoy le Titien sçavoit qu’outre l’affoiblissement que les couleurs reçoivent par les coupes de l’air, & par les differens éloignemens, il y a encore dans les mesmes couleurs, ou une force ou une foiblesse essentielle à leur nature laquelle rend à la veuë les unes plus sensibles que les autres, comme nous avons déjà remarqué ; il sçavoit, dis-je, tout cela, & c’est pourquoy il a toujours observé autant qu’il a pu de les ranger les unes auprès des autres, en sorte que les plus fortes fussent sur les plus foibles.

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Quelque beauté de coloris qu’un Peintre donne à son ouvrage, quelque amitié de couleurs qu’il observe pour le rendre aimable & plaisant à la veûë ; quelques jours & quelques lumieres qu’il y répande pour l’éclairer, de quelques ombres dont il tasche de le fortifier & d’en relever l’eclat, si tout cela n’est soustenu du dessein, il n’y a rien, pour beau & riche qu’il soit, qui puisse subsister. On doit prendre garde sur tout à ne se pas laisser surprendre par les charmes du coloris ; car la Couleur n’est pas seulement un agrément que la nature ait répandu sur les corps pour en relever la beauté & leur donner plus d’éclat, mais elle est aussi dans les ouvrages de l’art un moyen merveilleux pour les rendre agréables, & donner plus de plaisir à la veûë. Et de vray, comme nous voyons que les couleurs de l’arc-en-Ciel, qui ne marquent rien de particulier, ne laissent pas de faire regarder avec admiration : aussi les diverses couleurs qui brillent dans un Tableau, quoy-que privé des autres parties de la peinture, ne laissent pas de fraper les yeux, & mesme d’émouvoir l’ame, qui se laisse remuer par les sens avec lesquels elle a une si grande liaison, que d’abord elle ne pense, s’il faut ainsi dire, qu’à prendre part au plaisir qu’ils reçoivent, sans examiner les choses par la raison. 
C’est pourquoy je croy vous avoir fait observer sur le sujet des tableaux du Poussin, que ce Peintre dans le coloris de ses figures s’étudioit à les representer telles qu’elles paroissent dans le naturel, lors que par la distance qui se trouve entre-elles & celuy qui les voit, l’air qui est interposé les rend plus grises, & fait que la carnation n’est pas si vive & si agréable.

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The Composition is unexceptionable [ndr : dans Poussin, Tancrède et Herminie] : There are innumerable Instances of Beautiful Contrasts ; Of this kind are the several Characters of the Persons, (all which are Excellent in their several kinds) and the several Habits : Tancred is half Naked : Erminia’s Sex distinguishes Her from all the rest ; as Vafrino’s Armour, and Helmet shews Him to be Inferiour to Tancred, (His lying by him) and Argante’s Armour differs from both of them. The various positions of the Limbs in all the Figures are also finely Contrasted, and altogether have a lovely effect ; Nor did I ever see a greater Harmony, nor more Art to produce it in any Picture of what Master soever, whether as to the Easy Gradation from the Principal, to the Subordinate Parts, the Connection of one with another, by the degrees of the Lights, and Shadows, and the Tincts of the Colours.
And These too are Good throughout ; They are not Glaring, as the Subject, and the Time of the Story (which was after Sun-set) requires : Nor is the Colouring like that of
Titian, Corregio, Rubens, or those fine Colourists, But ‘tis Warm, and Mellow, ‘tis Agreeable, and of a Taste which none but a Great Man could fall into : And without considering it as a Story, or the Imitation of any thing in Nature the Tout-ensemble of the Colours is a Beautiful, and Delightful Object.

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Quelque beauté de coloris qu’un Peintre donne à son ouvrage, quelque amitié de couleurs qu’il observe pour le rendre aimable & plaisant à la veûë ; quelques jours & quelques lumieres qu’il y répande pour l’éclairer, de quelques ombres dont il tasche de le fortifier & d’en relever l’eclat, si tout cela n’est soustenu du dessein, il n’y a rien, pour beau & riche qu’il soit, qui puisse subsister. On doit prendre garde sur tout à ne se pas laisser surprendre par les charmes du coloris ; car la Couleur n’est pas seulement un agrément que la nature ait répandu sur les corps pour en relever la beauté & leur donner plus d’éclat, mais elle est aussi dans les ouvrages de l’art un moyen merveilleux pour les rendre agréables, & donner plus de plaisir à la veûë. [...] De sorte qu’il faut mettre de la différence entre le jugement que l’œil fait d’un Tableau, & celuy que la raison en donne. L’un se contente de l’agrément, & l’autre recherche la vérité & la vraysemblance.

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Il faut de plus considerer leur valeur pour les ranger en sorte qu’elles puissent mutuellement s’entre-aider & se faire valoir par un judicieux contraste, leur force, pour les placer aux endroits que l’on veut faire paroître avancés ou reculées, & leur union pour les associer en une agreable correspondance ; mais on considera aussi qu’en s’attachant à ce menagement harmonieux des couleurs, on ne devoit pas negliger le bon choix des matieres & leur application, évitant le mélange de celles qui sont corruptibles avec celles qui sont pures, & l’avoisinement de celles qui peuvent causer quelque aigreur ou dureté à la vuë & sur tout dans leur Emploi, les appliquer proprement, chaque teinte en sa place ne les brouillant & tourmentant que le moins qu’il est possible, sur tout dans les carnations, où à l’imitation du Titien, on doit donner tout l’avantage, & l’éclat, en n’y approchant que des couleurs sales pour les faire paroître d’autant plus vives & plus fraiches

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La couleur du vague de l'air, celles des nuages qui font un horison colorié au coucher comme au lever du soleil, dépendent de la nature des exhalaisons qui remplissent l'air & qui se mêlent avec les vapeurs dont ces nuages sont formez. Or tout le monde peut observer que le vague de l'air et les nuages qui brillent à l'horison ne sont pas de la même couleur dans tous les païs. En Italie, par exemple, le vague de l'air est d'un bleu verdâtre, & les nuages de l'horison y sont d'un jaune et d'un rouge très-foncez. Dans les Païs-Bas le vague de l'air est d'un bleu pâle, & les nuages de l'horison n'y sont teints que de couleurs blanchâtres. On peut même remarquer cette différence dans les Ciels des tableaux du Titien & des tableaux de Rubens, ces deux Peintres aïant représenté la nature telle qu'elle se voit en Italie & dans les Païs-Bas où ils la copioient.

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330. [Le Blanc tout pur avance ou recule indifferement, il s’approche avec du Noir, & s’éloigne sans luy.] Tout le monde convient, que le Blanc peut subsister sur le devant du Tableau, & y estre employé tout pur ; la question est donc de sçavoir s’il peut également subsister & estre placé de la mesme sorte sur le derriere, la Lumiere estant universelle, & les Figures supposées dans une campagne. Nostre Auteur [ndr : Charles-Alphonse Dufresnoy] conclud affirmativement ; & la raison qui appuye ce Precepte est, Que n’y ayant rien qui participe davantage de la Lumiere que le Blanc, & la Lumiere pouvant fort bien subsister dans le lointin (comme nous le voyons tous les jours au lever & au coucher du Soleil,) il s’ensuit que le Blanc y peut subsister aussi : En Peinture la Lumiere & le Blanc ne sont quasi que la mesme chose. Ajoûtez à cela que nous n’avons point de Couleur plus approchante de l’Air que le Blanc, & par consequent point de Couleur plus legere […]. Le Titien, Tintoret, Paul Veronese, & tous ceux qui ont le mieux entendu les Lumieres, l’ont observé de la sorte, & personne ne peut aller à l’encontre de ce Precepte, à moins que de renoncer au païsage, qui nous confirme parfaitement cette verité ; & nous voyons que tous les Grands Païsagistes ont suivy en cela le Titien, qui s’est toûjours servy de Couleurs brunes & terrestres sur le devant, & qui a reservé ses plus grands Clairs pour les lointins & les derrieres de ses Païsages. […] 
On peut objecter à cette opinion, Que le Blanc ne peut se tenir dans le lointin ; puisque l’on s’en sert ordinairement pour faire approcher les Objets sur le devant. Il est vray que l’on s’en sert, & mesme fort à propos, pour rendre les Objets plus sensibles par l’opposition du Brun qui le doit accompagner, & qui le retient comme malgré luy ; soit que ce Brun luy serve de fond, ou qu’il luy soit attaché. […]
Mais, il semble (direz-vous) que le Bleu est la Couleur la plus fuyante ; puisque le Ciel & les Montagnes les plus éloignées sont de cette Couleur. Il est bien vray que le Bleu est une Couleur des plus legeres & des plus douces : mais il est vray aussi qu'elle a d'autant plus toutes ces qualitez, qu’il y a de Blanc meslé dedans, comme l'exemple des lointins nous le fait connoistre. […]
Que si la Lumiere de vostre Tableau n’est point universelle, & que vous supposiez vos Figures dans une Chambre, pour lors souvenez-vous du Theorème, qui dit, que
Plus un Corps est proche de la Lumière, & nous est directement opposé, plus il est éclairé ; parce que la Lumiere s’affoiblit en s’éloignant de sa source. Vous pourrez encore éteindre vostre Blanc, si vous supposez l'Air estre un peu plus épais, & si vous prevoyez que cette supposition fera un bon effet dans l’œconomie de tout l’Ouvrage : mais que cela n'aille pas jusqu'à faire vos Figures d'une demie teinte si brune, qu'il semble qu'elles soient dans un vilain brouillard, ou qu'elles paroissent attachées à leur fonds. […]

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Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 30-31
Was die Mahlerische Oeconomie sonst die Composition genant/ angeht/ und welche auch mit zum ersten Theil nehmlich zur Invention gehört/ so hat ein vortrefflicher Künstler alles sehr genau darinnen observiret/ und ein jederes an seinen gehörigen Ort gestellet […] ; Die Vornehmste Figur oder Person nimbt die Hauptstelle eine/ die Actionen differiren und contrastiren ganz künstlich/ die Haupt-Figur weiset sich von vorne/ die neben Figuren von der Seite/ so finden sich auch stehende und bückende auch vorwarts und hinterwarts überhangende Figuren.

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Continuant donc à nous entretenir de la magnificence des Princes, que ne dirons nous pas de Charles Quint, qui emulateur d’Alexandre par les grands travaux, & par les fatigues presque continuelles, que la guerre traine apres elle, ne laisse pas de s’occuper tres souvent de la peinture qu’il aime, & qu’il prise ? de maniere qu’ajant entendu les merveilles, qu’on publioit du Titien, le convia deux fois avec amitié, & avec bonté de venir à sa cour ; ou apres l’avoir honoré au pair des premiers Seigneurs, qui y etoient, il lui accorda des privileges, des pensions, & de magnifiques recompenses : pour un seul portrait qu’il lui fit à Bologne, il lui fit conter mille ecus. Alfonce Duc de Ferrare pareillement fut grand amateur de peinture : pour avoir le portrait du Titien peint par lui meme, il lui en donna trois cens ecus : c’est ce meme portrait, que vit depuis Michel Ange, qu’il admira, & qu’il loua au point d’avoüer, qu’il n’auroit jamais pu croire, que l’art pût arriver à telle perfection, & que le seul Titien meritoit le nom de peintre. [...]
Are. Ecoutez s’il vous plait, le Roi Philippe II. digne fils d’un si grand Empereur honore, & aime la peinture : & il est hors de doute, que pour les grands ouvrages, que le Titien lui à envoiés, il n’en recoive un jour la recompence digne d’un Roi pareil, & du merite d’un si grand peintre. J’ai entendu dire aussi que ces deux Princes savent dessinner.

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361. [Que jamais deux extremitez contraires, &c.] Le Sens de la veuë a cela de commun avec tous les autres, qu’il abhorre les extremitez contraires. Et de mesme que les mains qui ont grand froid, souffrent beaucoup lors qu’on les approche tout d’un coup du feu ; ainsi les yeux qui trouvent un extreme Blanc auprés d’un extreme Noir, ou un bel Azur auprés d’un Vermillon ardent, ne sçauroient regarder ces extremitez qu’avec peine, quoy qu’ils y soient toûjours attirez par l’éclat des deux contraires.
Ce Precepte oblige de sçavoir les Couleurs qui ont amitié ensemble, & celles qui sont incompatibles ; ce que l’on pourra aisément découvrir en mélant ensemble les Couleurs dont on veut faire épreuve : & si par ce mélange elles font une Couleur douce & qui ne soit point desagreable aux yeux, c’est une marque qu’il y a de l’union & de la sympathie entr’elles ; si au contraire la Couleur qui sera produite du mélange des deux autres, est rude à la veuë, il faut conclure qu’il y a de la contrarieté & de l’antipathie entre ces deux Couleurs. Le Vert par exemple est une Couleur agreable, qui peut venir du Bleu & du Jaune mélez ensemble, & par consequent le Bleu & le Jaune sont deux Couleurs qui sympathisent. Et tout au contraire le mélange du Bleu & du Vermillon ont une antipathie ensemble ; & ainsi des autres couleurs, dont vous pouvez faire essay, & vous éclaircir une fois pour toutes. […] L’on peut neantmoins passer par dessus ce Precepte, quand on n’a qu’une ou deux Figures à traiter, & que parmy un grand nombre on en veut faire remarquer quelqu’une, qui est des principales du Sujet, & qui autrement ne pourroit se faire remarquer par dessus les autres. Titien dans le Tableau qu’il a fait du Triomphe de Bacchus, ayant placé Ariadne sur l’un des costez du Tableau, & ne pouvant pour cette raison la faire remarquer par les éclats de la lumiere qu’il a voulu conserver dans le milieu, il luy a donné une écharpe de Vermillon sur une Draperie bleuë, tant pour la détacher de son fonds qui est déjà une mer bleuë, qu’à cause que c’est une des principales Figures du Sujet, sur laquelle il veut que l’œil soit attiré. Paul Veronese dans sa Noce de Cana, parce que le Christ, qui est la Principale Figure du Sujet, est un peu enfoncé dans le Tableau, & qu’il n’a pû le faire remarquer par le brillant du Clair-Obscur, il l’a vestu de Bleu & de Vermillon, pour faire que la veuë se portast sur cette Figure.
Les Couleurs ennemies se pourront d’autant plus allier, que vous y meslerez d’autres Couleurs qui auront de la sympathie l’une avec l’autre, & qui s’accorderont avec celles que vous voudrez, pour ainsi dire, reconcilier.

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The Anatomy Figures in Vesalius said to be design’d by Titian, are prettily fancied : There is a Series of denuding a Figure to the Bone, and they are all in Attitudes seeming to have most Pain as the Operation goes on, till at last they Languish, and Dye : But Michelangelo has made Anatomy Figures whose Faces and Actions are impossible to be describ’d, and the most delicate that can be imagin’d for the purpose.

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LE PRESIDENT. Si la Sculpture moderne l’emporte si fort sur la Sculpture antique par cet endroit que vous marquez [ndr : un bas-relief de François Anguier], il faut que la Peinture d’aujourd’huy soit bien superieure à celle des Anciens, puisqu’enfin c’est d’elle que la Sculpture a appris tous ces secrets de degradation & de perspective.
L’ABBE. J’en demeure d’accord, & la consequence en est tres juste ; mais puisqu’il s’agit presentement de la Peinture, il faut commencer par la distinguer suivant les divers temps où elle a fleuri, & en faire trois classes : Celle du temps d’Appelle, de Zeuxis, de Timante, & de tous ces grands Peintres dont les Livres rapportent tant des merveilles ; Celle du temps de Raphael, du Titien, de Paul Veronese, & de plusieurs autres excellens Maistres d’Italie, & Celle du siecle où nous vivons.
Si nous voulons suivre l’opinion commune qui regle presque toûjours le merite selon l'ancienneté, nous mettrons le siecle d'Apelle beaucoup au dessus de celuy de Raphael, & celuy de Raphael beaucoup au dessus du nostre ; mais je ne suis nullement d’accord de cet arrangement, particulierement à l'égard de la preference qu’on donne au siecle d’Apelle sur celuy de Raphael.
LE PRESIDENT. Comment pouvez-vous ne pas convenir d'un jugement si universel & si raisonnable, sur tout après estre demeuré d'accord de l'excellence de la sculpture de Phidias & de Praxitele ; car si la sculpture de ces temps-là l'emporte sur celle de tous les siecles qui ont suivi, à plus forte raison la Peinture, si nous considerons qu'elle est susceptible de mille beautez & de mille agrémens dont la Sculpture n’est point capable.
L'ABBE. C’est par cette raison là mesme que la consequence que vous tirez n’est pas recevable.
Si la Peinture estoit un Art aussi simple & aussi borné que l’est la Sculpture en fait d'ouvrages de ronde bosse, car c'est en cela seul qu'elle a excellé parmi les Anciens, je me rendrois à vostre advis, mais la Peinture est un Art si vaste de d'une si grande étenduë, qu'il n'a pas moins fallu que la durée de tous les siecles pour en découvrir tous les secrets & tous les mysteres. Pour vous convaincre du peu de beauté des peintures antiques, & de combien elles doivent estre mises au dessous de celles de Raphael, du Titien & de Paul Veronese, & de celles qui se font aujourd’hui, je ne veux me servir que des loüanges mesmes qu'on leur a données.

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Mais revenons à la Peinture. Je puis encore prouver le peu de suffisance des Peintres anciens par quelques morceaux de peinture antique qu'on voit à Rome en deux ou trois en-droits ; car quoy que ces ouvrages ne soient pas tout à fait du temps d’Appelle & de Zeuxis, ils sont apparemment dans la mesme manière ; & tout ce qu'il peut y avoir de difference, c'est que les Maistres qui les ont faits estant un peu moins anciens, pourroient avoir sçû quelque chose davantage dans la peinture. J’ay vû celuy des Nopces qui est dans la Vigne Aldobrandine, & celuy qu'on appelle le Tombeau d'Ovide. Les figures en sont bien dessinées, les attitudes sages & naturelles, & il y a beaucoup de noblesse & de dignité dans les airs de teste, mais il y a tres-peu d'entente dans le mélange des couleurs ; & point du tout dans la perspective ny dans l’ordonnance. Toutes les teintes sont aussi fortes les unes que les autres, rien n'avance, rien ne recule dans le tableau, & toutes les figures sont presque sur la mesme ligne, en sorte que c’est bien moins un tableau qu'un bas relief antique coloré, tout y est sec & immobile sans union, sans liaison, & sans cette mollesse des corps vivans qui les distingue du marbre & de la bronze qui les représentent. Ainsi la grande difficulté n'est pas de prouver qu'on l'emporte aujourd'huy sur Zeuxis, sur les Timantes & sur les Appelles, mais de faire voir qu’on a encore quelque avantage sur les Raphaels, sur les Titiens, sur les Pauls Veroneses, & sur les autres grands Peintres du dernier siecle. Cependant j'ose avancer qu'à regarder l'Art en luy-mesme, entant qu’il est un amas & une collection de preceptes, on trouvera qu'il est plus accompli & plus parfait presentement qu'il ne l'estoit du temps de ces grands Maistres.

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{Die Farben müßen jedem Bild seine Natur geben} Wann man aber den Alten/in einen Winkel/ mit einem gelben/ braunen/ oder von Sonne und Staub erschwärzten vernebelten Angesicht/vorstellet/ gegenüber einen jungen Verliebten/ mit seiner Dame, ganz schön/ licht/ feuring und brennend/ bald weiß/ bald roht/ conversiren/ auch die Kinder schön weiß und röhtlich machet: wird solche uneinige Misculanz, bald eine einige liebliche Concordanz auf dem Kunst-Blat gebähren/ und die niedere/ bleiche und dunkele/ der hellen/ feurigen und hochtrabenden Farbe erst ein Preis-volles ansehen und folgbar dem Künstler alle Ehre/ erwerben […].

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Das 3. Capitel. Von Farben.
Man muß den Alten nicht ein licht, rothes, friches, und den jungen Menschen hingegen ein gelb-braunes, langweiliger, träger Angesicht zueignen. Wenn aber den alten in einen Winckel mit einen gelb-braunen, oder von der Sonne und Staub verschwärtzten, und vernebelten Angesicht vorstellet, gegen über aber einen jungen Verliebten mit feiner Dame ganz schöne, lichte, feurig und brennend, balb weiß, bald röthlich machete, so wird solche stritige Uneinigkeit bald eine leibliche Einigkeit auf den Kunst-Blatte gebähren, und die niedere, bleiche und dunckele Farbe erst ein Preiß volles Ansehen, und folgbahre Ehre dem Künstler erwerben. Dessen allen haben sich unter den alten berühmten Kunst-Mahlern Raphael Urbini, Corregio, Titian, und viel andere mehr auf Mauren in Oel-Farben, mit sonderbahren, erleuchteren Urtheil und Verstand zu ihren immerwehrenden Lob und Ruhm bey aller Nach-Welt sehr künstlich bedienet, wie den nicht andere neben ihnen auch unsere alte Teutsche als Albrecht Dürer, Hans Hollpein, und andere mehr nach und nach die Verbesserung des Coloritz und des natürlichen Wesen erfunden. 

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DE verscheidene lichten in een Stuk oordeelen zommige dat onmogelyk wel konnen staan: want, zeggen zy, indien het goed was, zo zouden Raphaël, Carats, Titiaan, Poussyn, en andere braave Meesters meer die manier wel voor goed gekeurd, en niet verworpen hebben. Ja de Fransche Academisten, voegen zy'er by, die tot zulk een hoogen top gereezen zyn, besluiten eenpaariglyk, dat men niet als een eenig licht in 't algemeen zal gebruiken; verwerpende een Schildery dat meer als een licht vertoond. By gevolg oordeelen zy, dat de gezegde lichten maar een vinding zyn van Hollandsche Meesters, die het Antiek niet verstaan, welke maar alleen de natuurlykheid beoogen, om de onkundigen aan te lokken. Waar op ik zeg, dat, hoewel Raphaël, Poussyn, en andere groote Konstenaars het zelve in hunne Werken niet getoond, maar zich enkelyk aan een algemeen licht gehouden hebben, zulks niet en spruit uit een verachting of verwerping van het zelve, als of het tegen de natuur en konst zoude stryden; maar alleen dat zy 'er toen noch niet om gedagt, of 'er van geweeten hebben: alzo de Konst toenmaals in die deelen haare volmaaktheid noch niet had bereikt of verkreegen. Niet dat ik zeg, dat zulk een Stuk met verscheidene lichten beter is, als met een alleen 't geen natuurlyk is verbeeld; maar wel dat, als het zo te pas komt en konstig uitgewerkt is, het een schildery een veranderlyke welstand byzet [...]Met deze voorbeelden meen ik genoegsaam verklaard te hebben de natuur en werking van verscheidene lichten; als mede hoe voordeelig de kennis daar van is, zo wel in zon-als gemeen licht, ten opzichte van de veranderlykheid, zo wel in Landschappen als in andere verkiezingen; daar en boven de overvloedige middelen, die daar uit voortkomen, tot verrykinge onzer Ordinantien, en boven de gemeene trant.

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361. [Que jamais deux extremitez contraires, &c.] Le Sens de la veuë a cela de commun avec tous les autres, qu’il abhorre les extremitez contraires. Et de mesme que les mains qui ont grand froid, souffrent beaucoup lors qu’on les approche tout d’un coup du feu ; ainsi les yeux qui trouvent un extreme Blanc auprés d’un extreme Noir, ou un bel Azur auprés d’un Vermillon ardent, ne sçauroient regarder ces extremitez qu’avec peine, quoy qu’ils y soient toûjours attirez par l’éclat des deux contraires.
Ce Precepte oblige de sçavoir les Couleurs qui ont amitié ensemble, & celles qui sont incompatibles ; ce que l’on pourra aisément découvrir en mélant ensemble les Couleurs dont on veut faire épreuve : & si par ce mélange elles font une Couleur douce & qui ne soit point desagreable aux yeux, c’est une marque qu’il y a de l’union & de la sympathie entr’elles ; si au contraire la Couleur qui sera produite du mélange des deux autres, est rude à la veuë, il faut conclure qu’il y a de la contrarieté & de l’antipathie entre ces deux Couleurs. Le Vert par exemple est une Couleur agreable, qui peut venir du Bleu & du Jaune mélez ensemble, & par consequent le Bleu & le Jaune sont deux Couleurs qui sympathisent. Et tout au contraire le mélange du Bleu & du Vermillon ont une antipathie ensemble ; & ainsi des autres couleurs, dont vous pouvez faire essay, & vous éclaircir une fois pour toutes. […] L’on peut neantmoins passer par dessus ce Precepte, quand on n’a qu’une ou deux Figures à traiter, & que parmy un grand nombre on en veut faire remarquer quelqu’une, qui est des principales du Sujet, & qui autrement ne pourroit se faire remarquer par dessus les autres. Titien dans le Tableau qu’il a fait du Triomphe de Bacchus, ayant placé Ariadne sur l’un des costez du Tableau, & ne pouvant pour cette raison la faire remarquer par les éclats de la lumiere qu’il a voulu conserver dans le milieu, il luy a donné une écharpe de Vermillon sur une Draperie bleuë, tant pour la détacher de son fonds qui est déjà une mer bleuë, qu’à cause que c’est une des principales Figures du Sujet, sur laquelle il veut que l’œil soit attiré. Paul Veronese dans sa Noce de Cana, parce que le Christ, qui est la Principale Figure du Sujet, est un peu enfoncé dans le Tableau, & qu’il n’a pû le faire remarquer par le brillant du Clair-Obscur, il l’a vestu de Bleu & de Vermillon, pour faire que la veuë se portast sur cette Figure.
Les Couleurs ennemies se pourront d’autant plus allier, que vous y meslerez d’autres Couleurs qui auront de la sympathie l’une avec l’autre, & qui s’accorderont avec celles que vous voudrez, pour ainsi dire, reconcilier.

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Mais revenons à la Peinture. Je puis encore prouver le peu de suffisance des Peintres anciens par quelques morceaux de peinture antique qu'on voit à Rome en deux ou trois en-droits ; car quoy que ces ouvrages ne soient pas tout à fait du temps d’Appelle & de Zeuxis, ils sont apparemment dans la mesme manière ; & tout ce qu'il peut y avoir de difference, c'est que les Maistres qui les ont faits estant un peu moins anciens, pourroient avoir sçû quelque chose davantage dans la peinture. J’ay vû celuy des Nopces qui est dans la Vigne Aldobrandine, & celuy qu'on appelle le Tombeau d'Ovide. Les figures en sont bien dessinées, les attitudes sages & naturelles, & il y a beaucoup de noblesse & de dignité dans les airs de teste, mais il y a tres-peu d'entente dans le mélange des couleurs ; & point du tout dans la perspective ny dans l’ordonnance. Toutes les teintes sont aussi fortes les unes que les autres, rien n'avance, rien ne recule dans le tableau, & toutes les figures sont presque sur la mesme ligne, en sorte que c’est bien moins un tableau qu'un bas relief antique coloré, tout y est sec & immobile sans union, sans liaison, & sans cette mollesse des corps vivans qui les distingue du marbre & de la bronze qui les représentent. Ainsi la grande difficulté n'est pas de prouver qu'on l'emporte aujourd'huy sur Zeuxis, sur les Timantes & sur les Appelles, mais de faire voir qu’on a encore quelque avantage sur les Raphaels, sur les Titiens, sur les Pauls Veroneses, & sur les autres grands Peintres du dernier siecle. Cependant j'ose avancer qu'à regarder l'Art en luy-mesme, entant qu’il est un amas & une collection de preceptes, on trouvera qu'il est plus accompli & plus parfait presentement qu'il ne l'estoit du temps de ces grands Maistres.

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24 Sy meenden den wel gheoeffenden slachten {Veel hebben Tiziaen meenen volghen, en zijn verdwaelt.}
En hebben miswanich hun self bedroghen,
Om dat sy zijn werck sonder arbeydt dachten
Te wesen ghedaen, daer d’uyterste crachten
Der Consten met moeyt’ in waren gheploghen :
Want men siet zijn dinghen overghetoghen
En bedeckt met verwen verscheyden reysen,
Meer moeyt isser in als men soude peysen.
 
25 maer dees maniere van doen uyt bysonder
Goet oordeel en verstandt van Tizianen,
Is schoon en bevallijck gheacht te wonder :
Want (seyt Vasary) den arbeydt daer onder
Groote Const bedeckt is, en dat soodanen
Schildery te leven men schier mocht wanen,
En als gheseyt is, dat zijn dinghen schijnen
Lichtveerdich, die doch zijn ghedaen met pijnen. {Tizianen dinghen, die met arbeydt ghedaen zijn, schijnen sonder arbeydt ghedaen.}

Quotation

De sorte, dist Pymandre, que je puis sur cela vous faire une question, & vous demander ce que l’on doit le plus estimer dans un tableau ou le genie du Peintre, ou la force de l’Art.
Comme l’esprit du Peintre paroist dans tout ce qu’il fait, repartis-je, vous pourriez plustost demander lequel est le plus digne d’estime, ou celuy qui sçait tromper par la force de son Art, ou celuy qui montre beaucoup d’invention & de feu dans de grands ouvrages, mais qui ne trompent point comme les autres.


[…] Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir exécuté ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles se voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.

Quotation

Si la Peinture estoit un Art aussi simple & aussi borné que l’est la Sculpture en fait d'ouvrages de ronde bosse, car c'est en cela seul qu'elle a excellé parmi les Anciens, je me rendrois à vostre advis, mais la Peinture est un Art si vaste de d'une si grande étenduë, qu'il n'a pas moins fallu que la durée de tous les siecles pour en découvrir tous les secrets & tous les mysteres. Pour vous convaincre du peu de beauté des peintures antiques, & de combien elles doivent estre mises au dessous de celles de Raphael, du Titien & de Paul Veronese, & de celles qui se font aujourd’hui, je ne veux me servir que des loüanges mesmes qu'on leur a données.

Quotation

Ainsi la grande difficulté n'est pas de prouver qu'on l'emporte aujourd'huy sur Zeuxis, sur les Timantes & sur les Appelles, mais de faire voir qu’on a encore quelque avantage sur les Raphaels, sur les Titiens, sur les Pauls Veroneses, & sur les autres grands Peintres du dernier siecle. Cependant j'ose avancer qu'à regarder l'Art en luy-mesme, entant qu’il est un amas & une collection de preceptes, on trouvera qu'il est plus accompli & plus parfait presentement qu'il ne l'estoit du temps de ces grands Maistres.

Quotation

le Peintre doit considerer que les couleurs des draperies lui donnent un moyen de pratiquer avec adresse l’intelligence du Clair-obscur. Le Titien a mis en usage cet artifice dans la plûpart de ses Tableaux, en se servant de la liberté qu'il avoit de donner à ses draperies la couleur qui lui sembloit la plus convenable, ou pour servir de fond, ou pour étendre la lumiere, ou pour caracteriser les objets par la comparaison.

Quotation

[…] une teinte qui de près paroît separée & d’une certaine couleur, paroîtra d’une autre couleur dans sa distance, & se confondra dans la masse dont elle fait partie. Si vous voulez donc que votre ouvrage fasse un bon effet du lieu d’où il doit être vû, il faut que les couleurs & les lumieres en soient un peu exagerées ; mais savamment & avec une grande discretion. Voyez la maniere dont Titien, Rubens, Vandeik, & Rembrant en ont usé : car leur artifice est merveilleux.

Quotation

Now the Painter expresseth two things with his colour : First the colour of the thing, whether it be artificial or natural, which he doth with the like colour, as the colour of a blew garment with artificial blew, or the green colour of a Tree with the like green : Secondly he expresseth the light of the Sun, or any other bright Body apt to lighten or manifest the colours, and because colour cannot be seen without light, being nothing else (as the Philosophers teach) but the extream Superficies of a dark untransparent Body lightned, I hold it expedient for him that will prove exquisite in the use thereof, to be most diligent in searching out the effects of light, when it enlightneth colour, which who so doth seriously consider, shall express all those effects with an admirable Grace ; […].
Now when the
Painter would imitate this blew thus lightned, he shall take his artificial blew colour, counterfeiting therewith the blew of the garment, but when he would express the light, wherewith the blew seems clearer, he must mix so much white with his blew, as he findeth light in that part of the garment, where the light striketh with greater force, considering afterwards the other part of the garment, where there is not so much light, and shall mingle less white with his blew proportionably, and so shall he proceed with the like discretion in all the other parts : and where the light falleth not so vehemently, but only by reflexion there he shall mix so much shadow with his blew, as shall seem sufficient to represent that light, loosing it self as it were by degrees, provided alwayes, that where the light is less darkned, there he place his shadow,
In which judicious expressing of the effects of light together with the
colours, Raphael Urbine, Leonard Vincent, Antonius de Coreggio and Titian were most admirable, handling them with so great discretion and judgement, that their Pictures seemed rather natural, then artificial ; the reason whereof the vulgar Eye cannot conceive, notwithstanding these excellent Masters expressed their chiefest art therein, considering with themselves that the light falling upon the flesh caused these and such like effects, in which kind Titan excelled the rest, who as well to shew his great Skill therein, as to merit commendation, used to cozen and deceive Mens Eyes, […].

Quotation

282. [Que vous fassiez paroistre les Corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, &c.] C’est à dire proprement, qu’apres de grands Clairs il faut de grandes Ombres, qu’on appelle des Repos ; parce que effectivement la veuë seroit fatiguée, si elle estoit attirée par une continuité d’objets petillans. Les Clairs peuvent servir de repos aux Bruns, comme les Bruns en servent aux Clairs. […]
Ces Repos se font de deux manieres, dont l’une est Naturelle, & l’autre Artificielle : La Naturelle se fait par une étenduë de Clairs ou d’Ombres, qui suivent naturellement & necessairement les Corps solides, ou les Masses de plusieurs Figures agrouppées lors que le jour vient à frapper dessus : Et l’Artificielle consiste dans les Corps des Couleurs que le Peintre donne à de certaines choses telles qu’il luy plaist, & les compose de telle sorte, qu’elles ne fassent point de tort aux Objets qui sont auprés d’elles. Une Draperie par exemple que l’on aura fait jaune ou rouge en certain endroit, pourra estre dans un autre de Couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l’effet que l’on demande. L’on doit prendre occasion autant qu’il est possible de se servir de la premiere Maniere, & de trouver les Repos dont nous parlons par le Clair ou par l’Ombre, qui accompagnent naturellement les Corps solides […] 
Ainsi le Peintre qui a de l'intelligence prendra ses avantages de l'une & de l'autre Maniere ; & s'il fait un Dessein qui doive estre gravé, il se souviendra que les Graveurs ne disposent pas des Couleurs, comme font les Peintres, & que par consequent il doit prendre occasion de trouver les Repos de son Dessein dans les Ombres naturelles des Figures, qu'il aura disposées à cet effet. Rubens en donne une parfaite connoissance dans les Estampes qu'il a fait graver ; & je ne croy pas que l'on puisse rien voir de plus beau en ce genre : Toute l'intelligence des Grouppes, du Clair-Obscur & de ces Masses que le Titien appelloit
la Grappe de Raisin, y est si nettement exposée, que la veüe de ces Estampes & l'attention que l'on y apporterait contribueraient beaucoup à faire un Habile-homme. […]
Ce n'est pas que les Graveurs ne puissent & ne doivent imiter les Corps des Couleurs par les degrez du Clair-Obscur, autant qu'ils jugeront que cela doit produire un bel effet ; au contraire il est à mon avis, impossible de donner beaucoup de force à tout ce que l'on gravera d'après les Ouvrages de l'Ecole de Venise, & de tous ceux qui ont eu l'intelligence des Couleurs & du Contraste du Clair-Obscur, sans imiter en quelque façon la Couleur des Objets selon le rapport qu'elle a aux degrez du Blanc & du Noir. […]

Quotation

Ceux des Peintres qui ont excellé à peindre l'ame des hommes, & à bien exprimer toutes les passions, ont été des Coloristes médiocres. D'autres ont fait circuler le sang dans la chair de leurs figures ; mais ils n'ont pas sçu l'art des expressions aussi-bien que les Ouvriers médiocres de l'Ecole romaine. Nous avons vu plusieurs Peintres Hollandois, doüez de génie pour la mécanique de leur art, & surtout d’un talent merveilleux pour imiter les effets du clair-obscur dans un petit espace renfermé, talent, dont ils avoient l'obligation à une patience d'esprit singuliere, laquelle leur permettoit de se clouer long-temps sur un même ouvrage, sans être dégoûtez par ce dépit qui s'excite dans les hommes d'un temperament plus vif, quand ils voïent leurs efforts avorter plusieurs fois de suite. Ces Peintres flegmatiques ont donc eu la persévérance de chercher par un nombre infini de tentatives, souvent réïterées sans fruit, les teintes, les demi-teintes, enfin toutes les diminutions de couleurs nécessaires pour dégrader la couleur des objets, & ils sont ainsi parvenus à peindre la lumiere même. On est enchanté par la magie de leur clair-obscur. Les nuances ne sont pas mieux fonduës dans la nature que dans leurs tableaux. Mais ces Peintres ont mal réussi dans les autres parties de l'art, qui ne sont pas les moins importantes. Sans invention dans leurs expressions : incapables de s'élever au-dessus de la nature qu'ils avoient devant les yeux, ils n'ont peint que des passions basses & une nature ignoble. La Scene de leurs tableaux est une boutique, un corps de garde, ou la cuisine d'un païsan : leurs heros sont des faquins. Ceux des Peintres Hollandois, dont je parle, qui ont osé faire des tableaux d'histoire, ont peint des ouvrages admirables pour le clair-obscur, mais ridicules pour le reste. Les vêtemens de leurs personnages sont extravagans, & les expressions de ces personnages sont encore basses & comiques. Ces Peintres peignent Ulisse sans finesse, Susanne sans pudeur, & Scipion sans aucun trait de noblesse ni de courage. Le pinceau de ces froids Artisans, fait perdre à toutes les têtes illustres leur caractere connu. Nos Hollandois, au nombre desquels on voit bien que je ne comprens pas ici les peintres de l'école d'Anvers, ont bien connu la valeur des couleurs locales, mais ils n'en ont pas sçû tirer le même avantage que les peintres de l'école venitienne. Le talent de colorier, comme l'a fait Le Titien, demande de l'invention, & il dépend plus d'une imagination fertile en expedients pour le mêlange des couleurs, que d'une perséverance opiniâtre à refaire dix fois la même chose.
[...]

Quotation

Avec l’instruction pour le mélange des Couleurs, à donner la force aux Figures, qui sont sur le devant du Tableau, pour faire fuïr celles du derriere, à faire les teintes, les Jours & les Ombres si tendres, qu’on ne puisse connoistre leur conjonction, qui est ce que les Romains nomment Clair-obscur. La manière de bien préparer les couleurs pour imiter la Nature, qui est le sujet de cet Art.
Or comme le Dessein est l’ame de la Peinture, les couleurs en sont le corps qui produisent d’agreables effets, estant touchées d’une artiste main ; si bien que le mélange des Jours & des Ombres, c’est à dire une conjonction d’un Clair-Obscur qui est imperceptible, & qui est difficile à connoistre, comme il se voit en plusieurs Tableaux, & comme on a vû dans un Tableau de Titin [Titien], où il a fait une Danaé couchée sur le dos, son sein découvert au grand jour, qui paroissoit rond, sans qu’on apperçoive aucun ombre, c’est une chose assez surprenante.

Quotation

Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 31
Angehends das Dritte Theil/ die
Expression, so eussern sich hierbey recht geistereiche Anmerckungen/ dann die Gebehrden der meisten Figuren dieses Gemäldes/ leiten das Auge des Anschauers so gleich auf die Haupt-Figur/ so hat er ller dreyen Personen ihre Gebährden den recht eigentlich nach dem Ambt und dem Stande eines jederen ins besondere wohl exprimiret und aus-gedrücket ; […]/ 

Quotation

Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 34
[ndr.: Vom Vierten Theil, nehmlich der Colorit] Wie starck glänzet nicht die auf den Horizont untergehehende Sonne ? und gibt doch denen auf dem Vorgrunde sich befindenden Tagen keinen Verdruß, wer wundert sich nicht/ daß die sonst starck schreiende Farben/ worinnen dieser gekleidet ist/ und die an dem Rande des Gemähldes gestellet seyn/ dennoch das Auge des Anschauers denen gelinden Farben des Kleides Christi nicht entziehen ?

Quotation

L’on est entré sur la consideration du merite de la couleur à l’occasion d’un Tableau du Titien, qui par l’adveu, unanime de tous les sçavants en cette profession, est le Peintre qui a le plus excellé en cette partie là. [...] & l’on témoigna du Regret de ce qu’un talent si accompli [ndr : Titien] n’étoit pas accompagné de ceux qui sont les plus considerables en la Peinture à sçavoir la correction du dessein & des proportions ; on representa qu’il se trouvoit beaucoup moins de Peintres posseder cette correction, que ceux qui ont un beaufaire en traitant les couleurs, parce qu’outre que ce dernier est plus facile, on se laisse naturellement charmer à ce bel éclat exterieur ; l’on avoüa bien que cette partie est très necessaire, mais l’on dit qu’il ne s’y falloit pas tant attacher qu’au principal ; que d’en faire toute son étude, c’étoit se laisser éblouïr par l’apparence d’un beau corps sans considérer ce qui le doit animer, que Monsieur Poussain si celebre en l’une & en l’autre de ces parties, ayant donné quelque temps à l’étude particuliere de la couleur en revint si fort, que depuis il disoit hautement, que cette application singuliere n’étoit qu’un obstacle, pour empêcher de parvenir au veritable but de la Peinture, & celui qui s’attache au principal ; acquiert en pratiquant une assez belle maniere de peindre.

Quotation

Croïez qu’il y a tel homme d’esprit, qui sera plus capable de sentir les grandes beautez d’un tableau, que quantité de prétendus connoisseurs, qui vous imposent par leur jargon ; de ces gens qui ont passé leur vie à étudier les differentes manieres de tels & tels, sans s’appliquer à connoître quelle partie a rendu celui-ci plus fameux que cet autre. Il leur suffit de reconnoître la touche du Titien, ou du Carrache dans un tableau, pour le declarer merveilleux.

Quotation

He that would rise to the Sublime must form an Idea of Something beyond all we have yet seen ; or which Art, or Nature has yet produc’d ; Painting, Such as when all the Excellencies of the several Masters are United, and their several Defects avoided.
The greatest Designers among the Moderns want much of that exquisite Beauty, in all the Several Characters, that is to be seen in the Antique ; the Airs of the Heads, even of
Rafaëlle himself, are Inferiour to what the Ancients have done ; and for Grace to some of Guido : the Colouring of Rubens and Van Dyck falls short of That of Titian, and Coreggio ; and the best Masters have Rarely Thought like Rafaëlle, or Compos’d like Rembrandt. Let us then imagine a Picture Design’d as the Laocoon, the Hercules, the Apollo, the Venus, or any of these Miraculous remains of Antiquity : The Airs of Heads like what is to be found in the Statues, Busts, Bas-releifs, or Medals, or like some of those of Guido ; and Colour’d like the most Celebrated Colourists ; with the Lightest Pencil, and the most Proper to the Subject ; and all this Suitably Invented, and Compos’d ; Here would be a Picture ! Such a one a Painter should Imagine, and So set before him for Imitation.
Nor must he stop Here, but Create an Original Idea of Perfection. The Utmost that the Best Masters have done, is not to be suppos’d the Utmost ‘tis possible for Humane Nature to arrive at ;

Quotation

Again Titian to make known his art his lights and shadows, when he would express the lightest part of the Body used to add a little too much white, making it much lighter then his pattern, and in the obscure parts, where the light fell by reflexion, a little too much shadow, in resemblance of the decay of the light in that part of the Body, and so his work seemeth to be much raised, and deceive the sight, for the light which cometh to the Eye, in a Pyramidal forme (as shall be shewed in the ensuing discourse) cometh with a blunter and bigger Angle, and so is seen more evidently, whence ariseth a wonderfull eminency, the especial cause whereof is, because there is much more shadow then needeth in that part, where the light decayeth most, so that the vusual lines failing, that part cometh to the Eye in an accuter and sharper angle, and therefore cannot be seen so perfectly, insomuch that that part seemeth to fly inwards, and stand farther off. Thus when the Four parts of a Body are much raised, and the hinder fly sufficiently inwards, there appeareth a very great heightning, which giveth a wonderfrll Spirit, and after this sort Titian beguiled the Eyes of such as beheld his most admirable works.

Quotation

 [...] Il faut donc, poursuivit-elle [Princesse des cabalistes], s’étudier à la recherche d’une belle Manière de peindre, vague, hardie, & sans contrainte, d’un dessein tendre & coulant, mais libre & de grande maniere, sans s’attacher avec scrupule à cent choses, qui gâtent la majesté d’un ouvrage. Prenez pour exemplaires les ouvrages de l’illustre & fameux Michelange, le Coriphée des Peintres Anciens & Modernes, d’un Titien, d’un Tintoret, d’un Georgion, d’un Paul Veronese, du Guide, des Bassans, de S. Martin, de Rubens, de Vandick, & tant d’autres que mes maximes ont rendus celebres, & ausquels la science qu’ils ont acquise dans mon Ecole, a donné une réputation glorieuse & immortelle, malgré la jalousie & le caprice de quelques novateurs, qui sous pretexte du rétablissement de la Peinture, tâchent en vain d’élever sur le debris de l’estime qu’on a toûjours euë pour ces grands Peintres, une fausse renommée à leurs sectateurs, & faisans croire aux simples, qu’ils rendent un bon office à ce bel Art, le ruinent entierement, dégoûtans par les embarras & les difficultés dont ils l’ont obscurci, ceux qui avoient dessein de s’y perfectionner.

Quotation

C’est pourquoy, repris-je, ceux qui ont une inclination particuliere pour les Ouvrages du Titien, & des autres Peintres de Lombardie, disent que si les Anciens ont receu beaucoup de loüanges pour des sujets de peu de figures, l’on ne doit pas trouver à redire si le Titien pour les imiter a plustost tasché d’acquerir la partie de bien peindre, que celle qui regarde les grandes dispositions, & la connoissance particuliere de l’Histoire & des Coustumes. Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir executé ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.

Quotation

{Das Gemähl soll wol beBildert seyn.} Er mus auch das Stuck nicht dünn beseen/ sondern/wo das fürnehmste der Geschicht zu stehen kommet viel Figuren und ganze Klumpen Bilder dahin stellen/ die alle ihr Amt verrichten: aus welche er auch das beste Liecht zuleiten soll/ um die meiste Annehmung des Gesichtes zu befördern. {Welche hierinn excelliret?} Hierinn hatten Titian, Tintoret, und der meisterhafte Paulus Veronez bessere und gründlichere Manier/ als Michaël Angelo : dessen Lob mehr in Bildhauen einer einigen herrlichen Figur/ als in Mahlen und coloriren bestehet.

Quotation

Et lors que la necessité de son sujet l’obligeoit de mettre des couleurs plus foibles sur le devant, il [ndr : Titien] les accompagnoit de quelque chose dont la couleur plus forte servoit à soustenir & à faire avancer les autres. J’ay veu remarquer à des Peintres, que dans le tableau où il a représenté Bacchus & Ariadne, afin de faire approcher davantage une draperie qui est sur le devant, & qui de soy est d’une couleur foible et legere, il a trouvé l’invention de mettre un vase dessus, lequel estant d’une couleur brune & forte, tire le tout en avant.
Est-ce, dit alors Pymandre, que les choses les plus claires s’éloignent & que les plus brunes s’avancent davantage.
C’est ainsi, répondis-je, que les plus sçavans Peintres l’entendent. Ils vous feront remarquer que ce qui est noir a plus de force & s’accroche bien plus que ce qui est blanc.
C’est repliqua Pymandre, ce que je n’aurois pas cru, car il me semble que ce qui est noir perce & fait un trou, & que le blanc vient en avant.

Quotation

Dans la Peinture le blanc n’a point tant de force que le noir qui dans un tableau represente bien mieux l’obscurité que le blanc ne peut faire la lumière, à cause que la sensation du blanc s’affoiblit dans l’œil par la disgregation, si vous me permettez d’user de ce mot, que les rayons de la veuë reçoivent d’une trop grande blancheur ; au lieu que le noir se rassemble.

Quotation

330. [Le Blanc tout pur avance ou recule indifferement, il s’approche avec du Noir, & s’éloigne sans luy.] Tout le monde convient, que le Blanc peut subsister sur le devant du Tableau, & y estre employé tout pur ; la question est donc de sçavoir s’il peut également subsister & estre placé de la mesme sorte sur le derriere, la Lumiere estant universelle, & les Figures supposées dans une campagne. Nostre Auteur [ndr : Charles-Alphonse Dufresnoy] conclud affirmativement ; & la raison qui appuye ce Precepte est, Que n’y ayant rien qui participe davantage de la Lumiere que le Blanc, & la Lumiere pouvant fort bien subsister dans le lointin (comme nous le voyons tous les jours au lever & au coucher du Soleil,) il s’ensuit que le Blanc y peut subsister aussi : En Peinture la Lumiere & le Blanc ne sont quasi que la mesme chose. Ajoûtez à cela que nous n’avons point de Couleur plus approchante de l’Air que le Blanc, & par consequent point de Couleur plus legere […]. Le Titien, Tintoret, Paul Veronese, & tous ceux qui ont le mieux entendu les Lumieres, l’ont observé de la sorte, & personne ne peut aller à l’encontre de ce Precepte, à moins que de renoncer au païsage, qui nous confirme parfaitement cette verité ; & nous voyons que tous les Grands Païsagistes ont suivy en cela le Titien, qui s’est toûjours servy de Couleurs brunes & terrestres sur le devant, & qui a reservé ses plus grands Clairs pour les lointins & les derrieres de ses Païsages. […] 
On peut objecter à cette opinion, Que le Blanc ne peut se tenir dans le lointin ; puisque l’on s’en sert ordinairement pour faire approcher les Objets sur le devant. Il est vray que l’on s’en sert, & mesme fort à propos, pour rendre les Objets plus sensibles par l’opposition du Brun qui le doit accompagner, & qui le retient comme malgré luy ; soit que ce Brun luy serve de fond, ou qu’il luy soit attaché. […]
Mais, il semble (direz-vous) que le Bleu est la Couleur la plus fuyante ; puisque le Ciel & les Montagnes les plus éloignées sont de cette Couleur. Il est bien vray que le Bleu est une Couleur des plus legeres & des plus douces : mais il est vray aussi qu'elle a d'autant plus toutes ces qualitez, qu’il y a de Blanc meslé dedans, comme l'exemple des lointins nous le fait connoistre. […]
Que si la Lumiere de vostre Tableau n’est point universelle, & que vous supposiez vos Figures dans une Chambre, pour lors souvenez-vous du Theorème, qui dit, que
Plus un Corps est proche de la Lumière, & nous est directement opposé, plus il est éclairé ; parce que la Lumiere s’affoiblit en s’éloignant de sa source. Vous pourrez encore éteindre vostre Blanc, si vous supposez l'Air estre un peu plus épais, & si vous prevoyez que cette supposition fera un bon effet dans l’œconomie de tout l’Ouvrage : mais que cela n'aille pas jusqu'à faire vos Figures d'une demie teinte si brune, qu'il semble qu'elles soient dans un vilain brouillard, ou qu'elles paroissent attachées à leur fonds. […]

Quotation

382. [Que vos Couleurs soient vives, sans pourtant donner, comme on dit, dans la farine.] Donner dans la farine c’est une façon de parler parmy les Peintres, qui exprime parfaitement ce qu’elle veut dire, qui n’est autre chose que de peindre avec Couleurs claires & fades tout ensemble, lesquelles ne donnent non plus de vie aux Figures, que si effectivement elles estoient frottées de farine. Ceux qui font leurs Carnations fort blanches & leurs Ombres grises ou verdastres, tombent dans cette inconvenient. Les Couleurs rousses dans les Ombres des chairs les plus delicates, contribuent merveilleusement à les rendre vives, brillantes & naturelles : mais il en faut user avec la mesme prudence dont le Titien, Paul Ver. Rubens & Vandeik se sont servis.
Pour conserver les Couleurs fraisches, il faut peindre en mettant toûjours des Couleurs, & non pas en frottant apres les avoir couchées sur la toile ; & s’il se pouvoit mesme faire qu’on les mist justement dans leurs places, & que l’on n’y touchast point quand on les y a une fois placées, il seroit encore mieux ; parce que la fraischeur des Couleurs se ternit & se perd à force de les tourmenter en peignant.
Tous ceux qui ont bien colorié, avoient encore une autre Maxime pour maintenir les Couleurs fraisches, vives & fleuries ; c'estoit de se servir de Fonds blancs, sur lesquels ils peignoient, & souvent mesme au premier coup, sans rien retoucher, & sans y employer de nouvelles Couleurs. Rubens s'en servoit toûjours ; & j'ay veu des Tableaux de la main de ce grand Homme faits au premier coup, qui avoient une vivacité merveilleuse. La raison que ces excellens Coloristes avoient de se servir de ces sortes de Fonds, est que le Blanc conserve toûjours un éclat sous le transparant des Couleurs, lesquelles empeschent que l'air n'altere la blancheur du Fonds, de méme que cette blancheur repare le dommage qu'elles reçoivent de l'air ; de maniere que le Fonds & les Couleurs se prestent un mutuel secours, & se conservent l'un l'autre. C'est par cette raison que les Couleurs glacées ont une vivacité qui ne peut jamais estre imitée par les Couleurs les plus vives & les plus brillantes, dont à la maniere ordinaire & commune on couche simplement les differentes teintes, chacune dans leur place les unes apres les autres : tant il est vray que le Blanc avec les autres Couleurs fieres, dont on peint d'abord ce que l'on veut glacer, en sont comme la vie & l'éclat. Les Anciens ont asseurement trouvé que les Fonds blancs estoient beaucoup meilleurs que les autres : puisque nonobstant l'incommodité que leurs yeux recevoient de cette Couleur, ils ne laissoient pas de s'en servir, […] Je ne sçay d'où vient que l'on ne s'en sert pas aujourd'huy, si ce n'est qu'il y a peu de Peintres curieux de bien colorier, ou que l'ébauche commencée sur le Blanc ne se montre pas assez viste, & qu'il faut avoir une patience plus que Françoise, pour attendre qu'elle soit achevée, & que le Fond qui ternit par sa Blancheur l'éclat des autres Couleurs, soit entierement couvert, pour faire paroistre agreablement tout l'Ouvrage.

Quotation

Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 33-34
Ja ob er gleich an die Farben der Kleider Christi und seiner Jünger gebunden war / so hat er dennoch durch Hülffe des fünfften Theils/ nemlich der
Perspective, sie also zu brechen wissen/ daß eine jedere ihren behörigen Ort behält/ und nicht mehr vorkomt oder wegweicht als sie sol. Alle insgesambt aber machen eine schöne Harmonie, und vermehret je eine des anderen schöne.

Quotation

Et parce que les lumieres & les ombres apportent du changement dans les couleurs, il faut donc que le Peintre fasse le plus d’observations qu’il pourra pour remarquer ces sortes d’alterations ; & qu’en premier lieu il se souvienne que la Peinture ne luy fournit que le noir & le blanc pour representer l’ombre & la lumiere, & que c’est avec ces deux couleurs qu’il peut rendre toutes les autres plus ou moins sensibles. Mais il doit estre fort judicieux & retenu quand il employe le blanc & le noir dans ses ouvrages, parce que comme les jours & les ombres donnent le relief & les enfoncemens aux corps, & aident à en faire paroistre les parties ou plus proches ou plus éloignées, il ne reussira jamais bien dans ce qu’il entreprendra, s’il ne sçait temperer ses bruns & ses clairs, en sorte qu’ils fassent le mesme effet qui paroist dans les choses de relief. Pour cela il faut qu’en peignant la superficie d’un corps, sa couleur soit plus claire & plus lumineuse dans l’endroit où les rayons de lumiere doivent frapper davantage.

Quotation

Et lors que la necessité de son sujet l’obligeoit de mettre des couleurs plus foibles sur le devant, il [ndr : Titien] les accompagnoit de quelque chose dont la couleur plus forte servoit à soustenir & à faire avancer les autres. J’ay veu remarquer à des Peintres, que dans le tableau où il a représenté Bacchus & Ariadne, afin de faire approcher davantage une draperie qui est sur le devant, & qui de soy est d’une couleur foible et legere, il a trouvé l’invention de mettre un vase dessus, lequel estant d’une couleur brune & forte, tire le tout en avant.
Est-ce, dit alors Pymandre, que les choses les plus claires s’éloignent & que les plus brunes s’avancent davantage.
C’est ainsi, répondis-je, que les plus sçavans Peintres l’entendent. Ils vous feront remarquer que ce qui est noir a plus de force & s’accroche bien plus que ce qui est blanc.
C’est repliqua Pymandre, ce que je n’aurois pas cru, car il me semble que ce qui est noir perce & fait un trou, & que le blanc vient en avant.
Ainsi, les couleurs qui sont plus claires avancent-elles pas davantage que celles qui le sont moins, & dans un tableau, une draperie d’un bleu clair, ou d’un vert pasle, ne s’approchera-t’elle pas plus qu’un autre vestement qui sera rouge brun, ou d’un jaune orangé.

Quotation

[....] La Place estoit ornée tout au tour de Statuës, que les Cabalistes avoient fait ériger à leurs Princes, entre lesquelles celle de Michelange occupoit le premier lieu, accompagné de celles du Titien, du Georgion, de Paul Veronese, du Tintoret, des Bassans, du Correge, du Guide, de Rubens, Vandick, Zuccaro, Lanfranc, Joseph Pin, Maistre Rousse, Saint Martin, Ribera, Pietre Teste, Freminet, Tempeste, Blœmaret, P. ….. V ….. B. …. V. … &c toutes posées sur leurs piedestaux, avec chacune une Inscription à leur loüange.
On ne voyait là ny les Apelles, ny les Timanthes, ny les Raphaëls, ny les Poussins, ny les Leonards de Vincy, ny les Jules Romains, ny les autres de ce merite, dont on ne se doit pas étonner, veu qu’ayans tous esté les Antagonistes de ces faux Peintres, les Cabalistes n’avoient garde de leur donner place parmi ceux dont ils ont méprisé les ouvrages & les maximes.

Quotation

[…] Il faut en premier lieu estudier à fond les traits naturels, & ensuite remarquer exactement l’expression de quelque Peintre renommé. Par exemple le Titien qui a reüssi dans la carnation d’une maniere si excellente, & si particuliere, qu’en cela il a surpassé toute l’antiquité, dont les plus beaux Tableaux n’aprochent par asseurement ceux de ce fameux Peintre pour ce qui est de la carnation, qu’on void si vivement exprimée dans tous les siens, qu’il semble effectivement que le sang coule dans les veines de ses figures.

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382. [Que vos Couleurs soient vives, sans pourtant donner, comme on dit, dans la farine.] Donner dans la farine c’est une façon de parler parmy les Peintres, qui exprime parfaitement ce qu’elle veut dire, qui n’est autre chose que de peindre avec Couleurs claires & fades tout ensemble, lesquelles ne donnent non plus de vie aux Figures, que si effectivement elles estoient frottées de farine. Ceux qui font leurs Carnations fort blanches & leurs Ombres grises ou verdastres, tombent dans cette inconvenient. Les Couleurs rousses dans les Ombres des chairs les plus delicates, contribuent merveilleusement à les rendre vives, brillantes & naturelles : mais il en faut user avec la mesme prudence dont le Titien, Paul Ver. Rubens & Vandeik se sont servis.
Pour conserver les Couleurs fraisches, il faut peindre en mettant toûjours des Couleurs, & non pas en frottant apres les avoir couchées sur la toile ; & s’il se pouvoit mesme faire qu’on les mist justement dans leurs places, & que l’on n’y touchast point quand on les y a une fois placées, il seroit encore mieux ; parce que la fraischeur des Couleurs se ternit & se perd à force de les tourmenter en peignant.
Tous ceux qui ont bien colorié, avoient encore une autre Maxime pour maintenir les Couleurs fraisches, vives & fleuries ; c'estoit de se servir de Fonds blancs, sur lesquels ils peignoient, & souvent mesme au premier coup, sans rien retoucher, & sans y employer de nouvelles Couleurs. Rubens s'en servoit toûjours ; & j'ay veu des Tableaux de la main de ce grand Homme faits au premier coup, qui avoient une vivacité merveilleuse. La raison que ces excellens Coloristes avoient de se servir de ces sortes de Fonds, est que le Blanc conserve toûjours un éclat sous le transparant des Couleurs, lesquelles empeschent que l'air n'altere la blancheur du Fonds, de méme que cette blancheur repare le dommage qu'elles reçoivent de l'air ; de maniere que le Fonds & les Couleurs se prestent un mutuel secours, & se conservent l'un l'autre. C'est par cette raison que les Couleurs glacées ont une vivacité qui ne peut jamais estre imitée par les Couleurs les plus vives & les plus brillantes, dont à la maniere ordinaire & commune on couche simplement les differentes teintes, chacune dans leur place les unes apres les autres : tant il est vray que le Blanc avec les autres Couleurs fieres, dont on peint d'abord ce que l'on veut glacer, en sont comme la vie & l'éclat. Les Anciens ont asseurement trouvé que les Fonds blancs estoient beaucoup meilleurs que les autres : puisque nonobstant l'incommodité que leurs yeux recevoient de cette Couleur, ils ne laissoient pas de s'en servir, […] Je ne sçay d'où vient que l'on ne s'en sert pas aujourd'huy, si ce n'est qu'il y a peu de Peintres curieux de bien colorier, ou que l'ébauche commencée sur le Blanc ne se montre pas assez viste, & qu'il faut avoir une patience plus que Françoise, pour attendre qu'elle soit achevée, & que le Fond qui ternit par sa Blancheur l'éclat des autres Couleurs, soit entierement couvert, pour faire paroistre agreablement tout l'Ouvrage.

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Il est vray aussi que ces grandes idées qu’il [ndr : Léonard de Vinci] avoit de la perfection & de la beauté des choses, a esté cause que voulant terminer ses Ouvrages au delà de ce que peut l’Art, il a fait des figures qui ne sont pas tout-à-fait naturelles. Il en marquoit beaucoup les contours, il s’arrestoit à finir les plus petites choses, & mettoit trop de noir dans les ombres ; En cela il ne laissoit pas de faire connoistre sa science dans le dessein & dans l’entente des lumieres, par le moyen desquelles il donnoit à tous les corps un relief qui trompe la veuë.
Mais sa [ndr : Léonard de Vinci] maniere de travailler les carnations ne represente point une veritable chair, comme le Titien faisoit dans ses Tableaux. On voit plûtost qu’à force de finir son Ouvrage & d’y arrester le pinceau trop-longtemps, il a fait des choses si achevées & si polies qu’elles semblent de marbre.

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l’on témoigna du Regret de ce qu’un talent si accompli [ndr : Titien] n’étoit pas accompagné de ceux qui sont les plus considerables en la Peinture à sçavoir la correction du dessein & des proportions ; on representa qu’il se trouvoit beaucoup moins de Peintres posseder cette correction, que ceux qui ont un beaufaire en traitant les couleurs, parce qu’outre que ce dernier est plus facile, on se laisse naturellement charmer à ce bel éclat exterieur ; l’on avoüa bien que cette partie est très necessaire, mais l’on dit qu’il ne s’y falloit pas tant attacher qu’au principal ; que d’en faire toute son étude, c’étoit se laisser éblouïr par l’apparence d’un beau corps sans considérer ce qui le doit animer, que Monsieur Poussain si celebre en l’une & en l’autre de ces parties, ayant donné quelque temps à l’étude particuliere de la couleur en revint si fort, que depuis il disoit hautement, que cette application singuliere n’étoit qu’un obstacle, pour empêcher de parvenir au veritable but de la Peinture, & celui qui s’attache au principal ; acquiert en pratiquant une assez belle maniere de peindre.

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Et lors que la necessité de son sujet l’obligeoit de mettre des couleurs plus foibles sur le devant, il [ndr : Titien] les accompagnoit de quelque chose dont la couleur plus forte servoit à soustenir & à faire avancer les autres. J’ay veu remarquer à des Peintres, que dans le tableau où il a représenté Bacchus & Ariadne, afin de faire approcher davantage une draperie qui est sur le devant, & qui de soy est d’une couleur foible et legere, il a trouvé l’invention de mettre un vase dessus, lequel estant d’une couleur brune & forte, tire le tout en avant.
Est-ce, dit alors Pymandre, que les choses les plus claires s’éloignent & que les plus brunes s’avancent davantage.
C’est ainsi, répondis-je, que les plus sçavans Peintres l’entendent. Ils vous feront remarquer que ce qui est noir a plus de force & s’accroche bien plus que ce qui est blanc.
C’est repliqua Pymandre, ce que je n’aurois pas cru, car il me semble que ce qui est noir perce & fait un trou, & que le blanc vient en avant.
Ainsi, les couleurs qui sont plus claires avancent-elles pas davantage que celles qui le sont moins, & dans un tableau, une draperie d’un bleu clair, ou d’un vert pasle, ne s’approchera-t’elle pas plus qu’un autre vestement qui sera rouge brun, ou d’un jaune orangé.

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Les beaux effets de lumiere, & un éclat de jour que l’on voit au haut d’une montagne qui semble veritablement éclairée du Soleil ne paroistroient ny si vrays ny si agreables, s’il [ndr : Titien] n’eust  ménagé les couleurs les plus claires ; ou s’il les eust répanduës également dans tout son tableau. Aussi ce sont ces coups de maistre qui sont dans un ouvrage ce qu’on nomme le precieux ; il ne doit y avoir guere de ces richesses, & mesme comme bien souvent ce n’est pas une petite perfection à un Orateur de sçavoir supprimer beaucoup de choses. {Plin. lib 7. epist. 6.} […]

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le Peintre doit considerer que les couleurs des draperies lui donnent un moyen de pratiquer avec adresse l’intelligence du Clair-obscur. Le Titien a mis en usage cet artifice dans la plûpart de ses Tableaux, en se servant de la liberté qu'il avoit de donner à ses draperies la couleur qui lui sembloit la plus convenable, ou pour servir de fond, ou pour étendre la lumiere, ou pour caracteriser les objets par la comparaison.

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La distribution des objets forme des masses de clair-obscur, lorsque par une industrieuse œconomie on les dispose de maniere que ce qu’ils ont de lumineux se trouve joint ensemble d’un côté, & que ce qu’ils ont d’obscur se trouve lié ensemble d’un autre côté, & que cet amas de lumieres & d’ombres empêche la dissipation de notre vûe. C’est ce que le Titien appelloit la grappe de raisin : parceque les grains de raisin separés les uns des autres auroient chacun sa lumiere & son ombre également ; & partageant ainsi la vûe en plusieurs rayons, lui causeroient de la confusion : au lieu qu’étant tous rassemblés en une grappe, & ne faisant par ce moyen qu’une masse de clair & qu’une masse d’ombre, les yeux les embrassent comme un seul objet. Ce que je dis ici de la grappe de raisin ne doit pas être pris grossierement à la lettre, ni selon l’arrangement, ni selon la forme ; c’est une comparaison sensible qui ne signifie autre chose que la jonction des clairs, & la jonction des ombres.

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Avec l’instruction pour le mélange des Couleurs, à donner la force aux Figures, qui sont sur le devant du Tableau, pour faire fuïr celles du derriere, à faire les teintes, les Jours & les Ombres si tendres, qu’on ne puisse connoistre leur conjonction, qui est ce que les Romains nomment Clair-obscur. La manière de bien préparer les couleurs pour imiter la Nature, qui est le sujet de cet Art.
Or comme le Dessein est l’ame de la Peinture, les couleurs en sont le corps qui produisent d’agreables effets, estant touchées d’une artiste main ; si bien que le mélange des Jours & des Ombres, c’est à dire une conjonction d’un Clair-Obscur qui est imperceptible, & qui est difficile à connoistre, comme il se voit en plusieurs Tableaux, & comme on a vû dans un Tableau de Titin [Titien], où il a fait une Danaé couchée sur le dos, son sein découvert au grand jour, qui paroissoit rond, sans qu’on apperçoive aucun ombre, c’est une chose assez surprenante.

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282. [Que vous fassiez paroistre les Corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, &c.] C’est à dire proprement, qu’apres de grands Clairs il faut de grandes Ombres, qu’on appelle des Repos ; parce que effectivement la veuë seroit fatiguée, si elle estoit attirée par une continuité d’objets petillans. Les Clairs peuvent servir de repos aux Bruns, comme les Bruns en servent aux Clairs. […]
Ces Repos se font de deux manieres, dont l’une est Naturelle, & l’autre Artificielle : La Naturelle se fait par une étenduë de Clairs ou d’Ombres, qui suivent naturellement & necessairement les Corps solides, ou les Masses de plusieurs Figures agrouppées lors que le jour vient à frapper dessus : Et l’Artificielle consiste dans les Corps des Couleurs que le Peintre donne à de certaines choses telles qu’il luy plaist, & les compose de telle sorte, qu’elles ne fassent point de tort aux Objets qui sont auprés d’elles. Une Draperie par exemple que l’on aura fait jaune ou rouge en certain endroit, pourra estre dans un autre de Couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l’effet que l’on demande. L’on doit prendre occasion autant qu’il est possible de se servir de la premiere Maniere, & de trouver les Repos dont nous parlons par le Clair ou par l’Ombre, qui accompagnent naturellement les Corps solides […] 
Ainsi le Peintre qui a de l'intelligence prendra ses avantages de l'une & de l'autre Maniere ; & s'il fait un Dessein qui doive estre gravé, il se souviendra que les Graveurs ne disposent pas des Couleurs, comme font les Peintres, & que par consequent il doit prendre occasion de trouver les Repos de son Dessein dans les Ombres naturelles des Figures, qu'il aura disposées à cet effet. Rubens en donne une parfaite connoissance dans les Estampes qu'il a fait graver ; & je ne croy pas que l'on puisse rien voir de plus beau en ce genre : Toute l'intelligence des Grouppes, du Clair-Obscur & de ces Masses que le Titien appelloit
la Grappe de Raisin, y est si nettement exposée, que la veüe de ces Estampes & l'attention que l'on y apporterait contribueraient beaucoup à faire un Habile-homme. […]
Ce n'est pas que les Graveurs ne puissent & ne doivent imiter les Corps des Couleurs par les degrez du Clair-Obscur, autant qu'ils jugeront que cela doit produire un bel effet ; au contraire il est à mon avis, impossible de donner beaucoup de force à tout ce que l'on gravera d'après les Ouvrages de l'Ecole de Venise, & de tous ceux qui ont eu l'intelligence des Couleurs & du Contraste du Clair-Obscur, sans imiter en quelque façon la Couleur des Objets selon le rapport qu'elle a aux degrez du Blanc & du Noir. […]

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Wy hebben meermaals aangemerkt dat de overtolligheid in plaats van een zaak meerder kracht en luyster te geeven, de zelve verminderd en verduysterd, dat ook de te groote ruymten en luchtige omstandigheden van geen beeter uitwerkingen zyn, men moet deze twee gevaarlykheden, als Scylla en Charibdis schuwen, ik kan dezelve niet beeter vergelyken, als by overgroote armoede en verkwistende rykdom, het zy dat de eene uit een logge, sombre en zwaarmoedige verdrietende geest spruyt, en de andere uit een vlugge en al te vruchtbare geest, of wel dat zy voor neemen deze of geene na te volgen, waar van wy dagelyks veel voorbeelden zien, als den eenen de kloekheid van Carats, den ander de schoone Coloriet van Titiaan, die de bevallige zeedigheid van Raphaël, en deze de natuurlykheid van Guido […]

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Zommige oordeelen, dat de Conterfeitsels van van Dyk by die van Titiaan maar waterverw gelyken, om reden dat die van Titiaan zo veel kracht in koleur, dag, en schaduwe hebben, dat die van den anderen daar niet by konnen haalen, ja een koleur, zeggen zy, welke op die wyze voor van Dyk onnavolgelyk is, en daar het zyne zich alles flets en krachteloos by vertoont: waarlyk, een belaghelyk en beschimpend oordeel. Doch dat van Dyk en Titiaan in koleur verschillen, dat staa ik hun toe; maar dat men in dit geval by de Italiaanen niet behoeft te loopen, om zulks te bewyzen, is ook zeker: want voor zo veel de krachtige Coloriet, indien het daar in bestond, belangt, zo zeg ik dat Rembrant voor Titiaan niet heeft te wyken. Maar wat is ‘t! de meeste menschen volgen gemeenlyk de dwaaze oordeelaars, welke geene dingen goed keuren, die niet op zyn Italiaansch geschilderd zyn, het zy Historien, Landschappen, of Pourtraiten.

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[…] ceux qui veulent devenir habiles dans le coloris, ne sauroient mieux faire que de regarder les Tableaux de ces deux grands Maîtres [ndr : de Titien & de Rubens], comme autant de livres publics capables de les instruire.

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Are. Peu de tems aprés on le chargea de faire un grand tableau pour le maitre autel de l’eglise des freres Mineurs, dans le quel Titien encore tout jeune, peignit à l’huile, la Vierge qui monte au Ciel entre une multitude d’Anges qui l’accompagnent, […] il paroit veritablement qu’elle monte avec un visage plein d’humilité, & ses habits volent delicatement ; au bas sont les Apôtres, qui par differentes attitudes montrent la joye, & l’etonnement ; pour la plus part ils excedent la grandeur du naturel. Il est certain qu’on voit dans ce tableau la grandeur & le terrible de Michel Ange, la douceur, la grace de Rafael, & le vrai coloris de la nature. Ce fut là cependant le premier ouvrage qu’il fit à l’huile, il le fit en tres peu de tems, & tout jeune. Avec tout cela les peintres grossiers, & le sot peuple, qui jusqu’alors n’avoient vû autre chose que les peintures mortes & froides de Jean Bellin, de Gentil, & de Vivarino, car Georgion n’avoit point encore fait d’ouvrage à huile en public, & tout au plus y avoit peint quelque demi figure, quelques portraits qui etoient sans mouvement, & sans relief ; ils disoient tout le mal possible de ce tableau : l’envie venant ensuite à se reffroidir*, & la verité leur ouvrant peu à peu les yeux, on commença à admirer à Venise avec etonnement la nouvelle maniere que Titien tenoit ; & depuis ce tems là tous les peintres s’appliquerent à l’imiter ; mais parcequ’elle etoit hors de leur portée ils se trouverent egarés.
 
*Il est vrai que ce tableau ne plut point aux Moines ; mais l’Ambassadeur de l’Empereur l’aiant voulut acheter, ceci leur fit ouvrir les yeux, & en faire plus de cas.

Quotation

Et lequel de ces deux Peintres aimeriez-vous mieux estre, continuay-je, de Raphaël ou du Titien ?
Vous m’embarassez fort, repondit Pamphile ; attendez que j’y pense un peu.
Je ne croyois pas, repris-je, que vous dûssiez balancer de cette sorte, aprés ce que je viens de vous entendre dire.
J'aimerois mieux estre Raphaël, continua Pamphile, & j'estime que le Titien est un plus grand Peintre.
Je vous entends bien, luy dis-je, c'est à-dire que Raphaël avec la correction de son Dessein, avoit plusieurs autres talens, & que tout cela ensemble vous plaist davantage que le Coloris du Titien.
Je vous avoüe, dit Pamphile, que je suis encore assez irresolu : neantmoins la correction du Dessein de Raphaël, l’élegance de ses contours, sa manière de drapper, ses expressions si touchantes, la facilité de son genie, ses compositions nobles, riches & abondantes, la grandeur, la simplicité & la vray-semblance de ses attitudes ; enfin, les graces qu'il répandoit dans tous ses ouvrages, me l’ont fait preferer au Titien.
Quoy au Titien, s'écria Damon, le plus grand Peintre, selon vous, qui ait jamais esté & qui sera peut-estre jamais.
Je vous l'avoüe, dit Pamphile, mais Raphaël, avec tous les avantages que je viens de vous dire, avoit encore celuy, d’estre entré sur la fin de sa vie dans l’inteligence des Lumieres & des Ombres, & d’avoir déja fait un si grand progrés dans le Coloris, & qu'il auroit bientost possedé cette partie dans sa derniere perfection. Ainsi je me persuade, si j'estois Raphaël, que dans peu de temps je serois encore le Titien.

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Quelque beauté de coloris qu’un Peintre donne à son ouvrage, quelque amitié de couleurs qu’il observe pour le rendre aimable & plaisant à la veûë ; quelques jours & quelques lumieres qu’il y répande pour l’éclairer, de quelques ombres dont il tasche de le fortifier & d’en relever l’eclat, si tout cela n’est soustenu du dessein, il n’y a rien, pour beau & riche qu’il soit, qui puisse subsister. On doit prendre garde sur tout à ne se pas laisser surprendre par les charmes du coloris ; car la Couleur n’est pas seulement un agrément que la nature ait répandu sur les corps pour en relever la beauté & leur donner plus d’éclat, mais elle est aussi dans les ouvrages de l’art un moyen merveilleux pour les rendre agréables, & donner plus de plaisir à la veûë. Et de vray, comme nous voyons que les couleurs de l’arc-en-Ciel, qui ne marquent rien de particulier, ne laissent pas de faire regarder avec admiration : aussi les diverses couleurs qui brillent dans un Tableau, quoy-que privé des autres parties de la peinture, ne laissent pas de fraper les yeux, & mesme d’émouvoir l’ame, qui se laisse remuer par les sens avec lesquels elle a une si grande liaison, que d’abord elle ne pense, s’il faut ainsi dire, qu’à prendre part au plaisir qu’ils reçoivent, sans examiner les choses par la raison. 
C’est pourquoy je croy vous avoir fait observer sur le sujet des tableaux du Poussin, que ce Peintre dans le coloris de ses figures s’étudioit à les representer telles qu’elles paroissent dans le naturel, lors que par la distance qui se trouve entre-elles & celuy qui les voit, l’air qui est interposé les rend plus grises, & fait que la carnation n’est pas si vive & si agréable.

Quotation

Le Titian a fait d’excellens Ouvrages suivant l’election de ses Originaux ou modelles, tant pour ce qui est du dessein, que principalement de la maniere de Peindre, dont le Colory est si beau, si vif, & si frais, en un mot tellement de chair, qu’il est comme inimitable aux Copistes

Quotation

Les Lombards […]
Paroissent absolus pour le grand Coloris,
Leur pinceau franc et net d’une force discrette
Charme nostre intellect par sa vertu secrette,
Icy le Ticien et l’Illustre d’Urbin
Font paroistre l’esclat de leur stille divin.
{7. Correge Peintre autant excellant qu’infortuné.}
Mais sans les offenser, celuy qui sous la rouë
De l’aveugle deesse accable de la bouë
A peine peut hausser et sa teste et ses mains
Surmonta les Lombards et ravit les Romains :
[…]
Correge corrigeant tous les deffauts des corps
Obligea la nature à de pareils efforts,
Nature le Cœur gros de dépit et de honte
De voir qu’un seul mortel ses ouvrages surmonte

Quotation

LE COLORIS n’est autre chose que les couleurs employées, considérées dans leur totalité. 
Tout l’artifice du
coloris, consiste à imiter les couleurs apparentes des objets naturels, & à donner aux objets artificiels la couleur la plus avantageuse, & la plus propre pour tromper la vûe. De Piles
COLORIs précieux.
COLORIS fier : fierté de
coloris.
COLORIS qui sent la farine.
Voyez FARINE.
LE COLORIS du
Titien du Corrége.

Quotation

Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

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La Peinture, luy repartis-je, embrasse, comme je vous ay dit plusieurs fois, tant de parties, dont la moindre demanderoit la vie d’un homme pour la bien étudier, qu’il ne faut pas estre surpris si les plus grands Peintres ne les ont jamais possédées toutes dans une égale perfection. Cependant comme la fin principale du Peintre est de representer la Nature sur une superficie plate ; & que cela ne se fait bien que par le moyen des couleurs, des ombres & des jours conduits judicieusement avec l’aide du dessein, qui doit estre toujours le guide & comme le maistre dans les ateliers des Peintres. Il est certain que ceux qui se sont rendus bons coloristes ont fait un grand progrez, & sont entrez bien avant, s’il faut ainsi dire, dans ce qu’il y a de plus secret & de plus beau dans cet art. C’est ce qui est arrivé au Titien & à ceux de son Escole, & qui leur a fait mériter une gloire toute particuliere.

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Now the Painter expresseth two things with his colour : First the colour of the thing, whether it be artificial or natural, which he doth with the like colour, as the colour of a blew garment with artificial blew, or the green colour of a Tree with the like green : Secondly he expresseth the light of the Sun, or any other bright Body apt to lighten or manifest the colours, and because colour cannot be seen without light, being nothing else (as the Philosophers teach) but the extream Superficies of a dark untransparent Body lightned, I hold it expedient for him that will prove exquisite in the use thereof, to be most diligent in searching out the effects of light, when it enlightneth colour, which who so doth seriously consider, shall express all those effects with an admirable Grace ; […].
Now when the
Painter would imitate this blew thus lightned, he shall take his artificial blew colour, counterfeiting therewith the blew of the garment, but when he would express the light, wherewith the blew seems clearer, he must mix so much white with his blew, as he findeth light in that part of the garment, where the light striketh with greater force, considering afterwards the other part of the garment, where there is not so much light, and shall mingle less white with his blew proportionably, and so shall he proceed with the like discretion in all the other parts : and where the light falleth not so vehemently, but only by reflexion there he shall mix so much shadow with his blew, as shall seem sufficient to represent that light, loosing it self as it were by degrees, provided alwayes, that where the light is less darkned, there he place his shadow,
In which judicious expressing of the effects of light together with the
colours, Raphael Urbine, Leonard Vincent, Antonius de Coreggio and Titian were most admirable, handling them with so great discretion and judgement, that their Pictures seemed rather natural, then artificial ; the reason whereof the vulgar Eye cannot conceive, notwithstanding these excellent Masters expressed their chiefest art therein, considering with themselves that the light falling upon the flesh caused these and such like effects, in which kind Titan excelled the rest, who as well to shew his great Skill therein, as to merit commendation, used to cozen and deceive Mens Eyes, […].

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And sometimes the Painter happens to be Obliged to put a Figure in a Place, and with a Degree of Force which does not sufficiently distinguish it. In that Case, the Attention must be awakened by the Colour of its Drapery, or a Part of it, or by the Ground on which ‘tis painted, or some other Artifice.
Scarlet, or some Vivid Colour, is very proper on such Occasions : I think I have met with an Instance of This kind from
Titian, in a Bacchus and Ariadne ; Her Figure is Thus distinguish’d for the reason I have given.

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Of Colouring and Shadowing of History in Limning, and also other Necessary Observations.


The differences between Limning Pictures to the Life, or History, are Infinite ; notwithstanding the same Colours that are used for one do also for the other. And to particularise but part of what may be well said upon this Subject, would be too tedeous, if not endless. The most Remarkable is most certainly in the Variety of Colouring of things according to their several Sexes and Ages ; and also of Invention of ordering and well Stelling. All things which are to be represented, are many times according to the Humour, Judgement, and Discretion of the Master. We see generally in the Practice of the best and most Famous Painters, that they that do follow the Life, do tie themselves strictly and precisely to follow what they see in the Life, to immitate it as near as possible ; yet in their Inventions they assume to themselves such a Gentile Liberty and Licence, both in Colouring and Ordering ; but not so far as to run into those Extremes as
Bartholomæus Spranger, Henry Goltzius, Abraham Blomart, and Outeawale, and several other Dutch Painters, run into about the Year 1588 ; for their Inventions at that time and Actions were so extravagantly strain’d and stretch to that degree beyond Nature, that made their Works seem to the Judicious Eye very Ridiculous, and contrary to Nature ; and at that time it was grown to such an Imposture or Mode, that he was counted no Master that could not strain his Actions in that extravagant manner. Which Mode was afterwards laid aside, and the Works that those Masters afterwards made were incomparably Good, by their Embracing more the Ancient Italian way of DESIGNING, which was more Modest, Gentile, and Graceful. So far they abused the Modest Licence, that so Graced the Admirable Works of Titian, Michael Angelo, and most of the Eminent Italians of that Age. And others have been as Extravagant in their Colouring. Which two Extremes may be both avoided by imitating that Divine Titian for Colouring, who was of all others esteemed the best.

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The Best that can be done is to Advise one that would know the Beauty of Colouring, To observe Nature, and how the best Colourists have imitated her.
What a Lightness, Thinness, and Transparency ; What a Warmth, Cleanness, and Delicacy is to be seen in Life, and in good Pictures !
He that would be a good Colourist himself must moreover Practice much after, and for a considerable time accustom himself to See well-colour’d Pictures only : But even This will be in vain, unless he has a Good Eye in the Sense, as one is said to have a Good Ear for Musick ; he must not only See well, but have a particular Delicacy with relation to the Beauty of Colours, and the infinite Variety of Tincts.

The
Venetian, Lombard and Flemish Schools have excell’d in Colouring ; the Florentine, and Roman in Design ; the Bolognese Masters in both ; but not to the Degree generally as either of the other. Corregio, Titian, Paolo Veronese, Rubens, and Van Dyck, have been admirable Colourists ; the latter in his best things has follow’d common Nature extreamly close.

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The Best that can be done is to Advise one that would know the Beauty of Colouring, To observe Nature, and how the best Colourists have imitated her.
What a Lightness, Thinness, and Transparency ; What a Warmth, Cleanness, and Delicacy is to be seen in Life, and in good Pictures !
He that would be a good Colourist himself must moreover Practice much after, and for a considerable time accustom himself to See well-colour’d Pictures only : But even This will be in vain, unless he has a Good Eye in the Sense, as one is said to have a Good Ear for Musick ; he must not only See well, but have a particular Delicacy with relation to the Beauty of Colours, and the infinite Variety of Tincts.

The
Venetian, Lombard and Flemish Schools have excell’d in Colouring ; the Florentine, and Roman in Design ; the Bolognese Masters in both ; but not to the Degree generally as either of the other. Corregio, Titian, Paolo Veronese, Rubens, and Van Dyck, have been admirable Colourists ; the latter in his best things has follow’d common Nature extreamly close.

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The Composition is unexceptionable [ndr : dans Poussin, Tancrède et Herminie] : There are innumerable Instances of Beautiful Contrasts ; Of this kind are the several Characters of the Persons, (all which are Excellent in their several kinds) and the several Habits : Tancred is half Naked : Erminia’s Sex distinguishes Her from all the rest ; as Vafrino’s Armour, and Helmet shews Him to be Inferiour to Tancred, (His lying by him) and Argante’s Armour differs from both of them. The various positions of the Limbs in all the Figures are also finely Contrasted, and altogether have a lovely effect ; Nor did I ever see a greater Harmony, nor more Art to produce it in any Picture of what Master soever, whether as to the Easy Gradation from the Principal, to the Subordinate Parts, the Connection of one with another, by the degrees of the Lights, and Shadows, and the Tincts of the Colours.
And These too are Good throughout ; They are not Glaring, as the Subject, and the Time of the Story (which was after Sun-set) requires : Nor is the Colouring like that of
Titian, Corregio, Rubens, or those fine Colourists, But ‘tis Warm, and Mellow, ‘tis Agreeable, and of a Taste which none but a Great Man could fall into : And without considering it as a Story, or the Imitation of any thing in Nature the Tout-ensemble of the Colours is a Beautiful, and Delightful Object.

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Art. […] Je dois dire aussi, car il ne faut pas taire la verité, que celui qui a travaillé dans la salle qu’on appelle d’en haut, aupres du tableau de la bataille peinte par Titien, s’est trompé dans l’histoire de l’excommunication lancée par Alexandre III. contre Frederic Barberousse. Aiant representé Rome dans sa composition, il me paroit qu’il a lourdement peché contre la convenance en y mettant un si grand nombre de Senateurs Venitiens, qui hors de propos sont spectateurs ; parcequ’il n’est pas vraisemblable qu’ils s’y trouvassent tous en meme tems, & ils n’ont rien à faire avec l’histoire. Au contraire Titien observa à merveille, & en perfection la convenance dans le tableau ou Frederic se baisse, & s’humilie devant le Pape, lui baisant les pieds : il y a peint judicieusement le Bembe, le Navager, & le Sannazare, qui regardent la fonction. Quoique le fait soit arrivé long tems auparavant ; il n’est pas extraordinaire qu’il ait imaginé les deux premiers dans Venise leur patrie ; & il n’est pas hors de toute vraisemblance que le troisieme s’y soit trouvé. Outre cela il n’y a pas un grand inconvenient qu’un des premiers peintres du monde conservât dans ses ouvrages la memoire, & les portraits des trois premiers poetes, & savans de notre tems, dont deux etoient nobles Venitiens ; & le troisieme avoit tant d’amour pour cette illustre ville de Venise, que dans une des ses Epigrammes, il la prefere à Rome.

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Quant au Corege sa maniere est differente de celle du Titien, en ce qu’il n’a pas sceu cette harmonie de couleurs, cette belle conduite de lumieres, & cette fraischeur de teintes si admirable qu’on remarque dans les Tableaux du Titien, où il semble qu’on voye du sang dans ses carnations, tant il les represente naturelles.

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Zommige oordeelen, dat de Conterfeitsels van van Dyk by die van Titiaan maar waterverw gelyken, om reden dat die van Titiaan zo veel kracht in koleur, dag, en schaduwe hebben, dat die van den anderen daar niet by konnen haalen, ja een koleur, zeggen zy, welke op die wyze voor van Dyk onnavolgelyk is, en daar het zyne zich alles flets en krachteloos by vertoont: waarlyk, een belaghelyk en beschimpend oordeel. Doch dat van Dyk en Titiaan in koleur verschillen, dat staa ik hun toe; maar dat men in dit geval by de Italiaanen niet behoeft te loopen, om zulks te bewyzen, is ook zeker: want voor zo veel de krachtige Coloriet, indien het daar in bestond, belangt, zo zeg ik dat Rembrant voor Titiaan niet heeft te wyken. Maar wat is ‘t! de meeste menschen volgen gemeenlyk de dwaaze oordeelaars, welke geene dingen goed keuren, die niet op zyn Italiaansch geschilderd zyn, het zy Historien, Landschappen, of Pourtraiten.

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Il faut de plus considerer leur valeur pour les ranger en sorte qu’elles puissent mutuellement s’entre-aider & se faire valoir par un judicieux contraste, leur force, pour les placer aux endroits que l’on veut faire paroître avancés ou reculées, & leur union pour les associer en une agreable correspondance ; mais on considera aussi qu’en s’attachant à ce menagement harmonieux des couleurs, on ne devoit pas negliger le bon choix des matieres & leur application, évitant le mélange de celles qui sont corruptibles avec celles qui sont pures, & l’avoisinement de celles qui peuvent causer quelque aigreur ou dureté à la vuë & sur tout dans leur Emploi, les appliquer proprement, chaque teinte en sa place ne les brouillant & tourmentant que le moins qu’il est possible, sur tout dans les carnations, où à l’imitation du Titien, on doit donner tout l’avantage, & l’éclat, en n’y approchant que des couleurs sales pour les faire paroître d’autant plus vives & plus fraiches

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J'ajouterai encore une consideration touchant les ouvrages qui ne demandent pas beaucoup d'invention, c'est que les faussaires en peinture les contrefont bien plus aisément qu'ils ne peuvent contrefaire les ouvrages où toute l'imagination de l'Artisan a eu lieu de se déploïer. Les faiseurs de Pastiches, ce sont ces tableaux peints dans la maniere d'un grand Artisan, & qu'on expose sous son nom, bien qu'il ne les ait jamais vus ; les faiseurs de Pastiches, dis-je, ne sçauroient contrefaire l'ordonnance, ni le coloris, ni l'expression des grands Maîtres. On imite la main d'un autre, mais on n'imite pas de même, pour parler ainsi, son esprit, & l'on n'apprend point à penser comme un autre, ainsi qu'on peut apprendre à prononcer comme lui.
Le Peintre médiocre qui voudroit contrefaire une grande composition du Dominiquin ou de Rubens, ne sçauroit nous en imposer plus que celui qui voudroit faire un Pastiche sous le nom du Georgeon ou du Titien. Il faudroit avoir un génie presque égal à celui du Peintre qu'on veut contrefaire, pour réussir à faire prendre notre ouvrage pour être de ce Peintre. On ne sçauroit donc contrefaire le génie des grands hommes, mais on réussit quelquefois à contrefaire leur main, c'est-à-dire, leur maniere de coucher la couleur & de tirer les traits, les airs de tête qu'ils répetoient & ce qui pouvoit être de vicieux dans leur pratique. Il est plus facile d'imiter les défauts des hommes que leurs perfections. Par exemple, on reproche au Guide d'avoir fait ses têtes trop plates. Ses têtes manquent souvent de rondeur, parce que leurs parties ne se détachent point & ne s'élevent pas assez l'une sur l'autre. Il suffit donc, pour lui ressembler en cela, de se négliger & de ne point se donner la peine de pratiquer ce que l'art enseigne à faire pour donner de la rondeur à ses têtes [...].

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Art. […] Je dois dire aussi, car il ne faut pas taire la verité, que celui qui a travaillé dans la salle qu’on appelle d’en haut, aupres du tableau de la bataille peinte par Titien, s’est trompé dans l’histoire de l’excommunication lancée par Alexandre III. contre Frederic Barberousse. Aiant representé Rome dans sa composition, il me paroit qu’il a lourdement peché contre la convenance en y mettant un si grand nombre de Senateurs Venitiens, qui hors de propos sont spectateurs ; parcequ’il n’est pas vraisemblable qu’ils s’y trouvassent tous en meme tems, & ils n’ont rien à faire avec l’histoire. Au contraire Titien observa à merveille, & en perfection la convenance dans le tableau ou Frederic se baisse, & s’humilie devant le Pape, lui baisant les pieds : il y a peint judicieusement le Bembe, le Navager, & le Sannazare, qui regardent la fonction. Quoique le fait soit arrivé long tems auparavant ; il n’est pas extraordinaire qu’il ait imaginé les deux premiers dans Venise leur patrie ; & il n’est pas hors de toute vraisemblance que le troisieme s’y soit trouvé. Outre cela il n’y a pas un grand inconvenient qu’un des premiers peintres du monde conservât dans ses ouvrages la memoire, & les portraits des trois premiers poetes, & savans de notre tems, dont deux etoient nobles Venitiens ; & le troisieme avoit tant d’amour pour cette illustre ville de Venise, que dans une des ses Epigrammes, il la prefere à Rome.

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Are. […] Venons à la convenance : Rafael ne s’en eloigna jamais. Mais il fit les petits* enfants tels qu’ils sont doüillets & tendres, les hommes robustes, & les femmes avec cette delicatesse qui leur convient.
Fab. Et quoi le grand Michel Ange n’a-t-il donc pas gardé aussi cette convenance ?
Are. Si j’avois envie de vous plaire, & à ses partisans, je dirois qu’oüi : mais si je dois dire la verité, je dirai que non. Quoique vous voiez bien dans les tableaux de Michel Ange la distinction en general des âges, & des sexes (ce que tout le monde sait faire) vous ne la trouverez pourtant pas dans l’arrangement des muscles. Je ne veux pas me mettre à critiquer ses ouvrages, tant par le respect que j’ai pour lui, & que merite un si grand homme, que parcequ’il n’est pas necessaire. Mais que direz vous de l’honneteté ? croiez vous qu’il soit à propos pour faire voir les difficultés de l’art, de decouvrir toujours sans respect les parties nûes des figures, que la modestie, & la pudeur tiennent cachées, sans avoir egard ni a la sainteté des personnes qu’on represente, ni au lieu ou elles sont representées ?
[…]
 
* Dans son tems Titien pour la tendresse le surpassoit beaucoup, & depuis François du Quenoi dit le Flamand.

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La plus grande perfection dans la Peinture, luy repartis-je, c'est de faire que toutes les qualitez du corps conviennent à la personne qu'on veut representer, soit dans la force des membres, soit dans la couleur de la chair. Par exemple, une belle femme, ou un jeune homme de condition, doivent avoir le corps blanc, délicat, & gratieux, comme dans le Tableau de Corege, dont je vous ay déja parlé, où il y a un Saint Jean tout nud, qui s'enfuit du Jardin des Olives, & dans celuy du Titien, qui est à l'Hostel de Sourdis, où Venus retient Adonis.

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Le Peintre allant à la campagne, doit estre fourny de Tablettes & de Crayon, pour remarquer les choses qu’il voit estre dignes, comme ont fait le Titien, les Caraches, & autres bons Maistres, comme il se voit entre les mains des Curieux de Peinture, quantité d’Estudes & Remarques que ses grands Hommes ont faites sur des fuëilles [sic] & sur des Livres en tablettes qu’ils portoient toûjours sur eux.
Je ne parle point icy des premiers commencemens du dessein, comme du maniement du Crayon, du juste rapport que doit avoir la copie avec son original.
Je suppose avant que de commencer ses Estudes, que l’on doit avoir une facilité dans la main, pour imiter les beaux Desseins, les beau [sic] Tableaux & la Ronde-bosse : Que l’on doit enfin avoir la Clef du dessein, pour en profiter selon nos soins & nostre genie.

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Voici l’article le plus essentiel de la connoissance des tableaux ; c’est la distinction des copies d’avec les originaux. On peut envisager six sortes de copies : les copies serviles, les copies faciles qui ne sont pas fidèles, les copies fidèles, les copies un peu retouchées du maître, les copies entierement retouchées du maître, & celles qui sont toutes de sa main.
Les copies faites servilement & d’une main lourde & appésantie, quoique fidèles, paroissent telles aux yeux de tout le monde : il n’est pas difficile de se garantir contre leur incorrection, leur mauvais goût, & le froid qui y est répandu.
Les copies faciles, mais qui ne sont pas suivies fidèlement, par les traits de feu qui seront échappés au peintre, qui souvent dans l’exécution a conservé sa manière ordinaire, portent avec elles des preuves manifestes de leur fausseté ; les deux manieres ne se peuvent méconnoître, elles forment un ouvrage composé, c’est ce qu’on remarque dans les copies de Raphaël faites par Rubens.
Les copies fidéles qui partent d’une main facile & légére sont plus embarrassantes, & demandent une vraie connoissance. L’élégance de la touche d’un maître, sa vraie manière qu’il faut sçavoir par cœur, un certain esprit qui peut y manquer, doit vous conduire à décider ; celui qui a fait la copie y a sûrement mis du sien & cela suffit.
Les copies faites dans l’école d’un maître, & sous sa conduite ne sont pas les plus mauvaises. Ordinairement ils les retouchent en quelques endroits essentiels. Alors ces mêmes endroits font reconnoître le tableau pour ce qu’il est. Ce sont les copies les plus aisées à distinguer, elles se manifestent pas des touches élégantes qui brillent à travers le reste du tableau, & qui par la comparaison en devient plus froid.
Les copies entierement retouchées par le maître doivent être regardées comme de seconds originaux, moins beaux à la vérité que s’ils étoient entierement de sa main ; c’est ainsi que travailloient le Titien, les Bassan, Paul Veronese, Rubens, Vandick, Vouët & la plûpart des grands peintres. Lorsque plusieurs personnes leur demandent des copies d’un de leurs tableaux qui leur plaît, ils les font faire par leurs meilleurs éléves, ils les conduisent dans l’exécution, & comme ces copies sont faites dans leur attelier, ils les repassent par tout & souvent les repeignent entierement ; de cette manière l’ouvrage de l’éléve est tout recouvert, & comme on n’en apperçoit aucun vestige, il n’est pas aisé de décider la question. Ces copies alors ne servent au maître que comme des tableaux ébauchés qu’il veut terminer. Si l’on pouvoit confronter ces belles copies avec les premiers originaux, il n’y a aucun doute que ces derniers ne l’emportassent sur les autres.

Il y a encore des copies plus parfaites que ces dernieres, ce sont celles qui sont entierement faites de la main du maître, alors il n’est pas possible de les distinguer, le maître seul peut en décider s’il est vivant, ce sont de seconds originaux dont ne peut juger que par comparaison.
Il est certain que dans une confrontation, les premiers originaux se distingueront par beaucoup plus de délicatesse, plus d’esprit, plus de finesse, une touche plus franche dans les contours & dans la premiere ébauche dont on entrevoit toujours quelque chose, en un mot un certain je ne sçai quoi qu’on apperçoit & où le maître ne peut jamais revenir du second coup. Hyacinthe Rigaud, par exemple, a fait de nos jours tout de sa main de celles copies des grands portraits de Louis XIV & de Philippe V qui sans contredit sont de seconds originaux, mais moins précieux que les premiers.
Les copies faites d’après d’autres copies que l’on nomme ici copies de copies, ne doivent trouver ici aucune place : on sent bien de quelle valeur peut être un ouvrage fait d’après un médiocre, ouvrage dont tout le mérite consiste à avoir bien imité les défauts d’un autre, & à les reproduire.
On ne doit point oublier ici les sujets répétés qui ne sont point des copies, & qui ne laissent pas d’être originaux. Souvent on demande à un maître qu’il recommence le même sujet sans y rien changer ; alors ce second tableau est original & pourra fort embarrasser le meilleur connoisseur. Il y a trois crucifix de Michel-Ange qui existent, l’un à Florence chez le Grand Duc, l’autre à Rome chez le Prince Borghese, & le troisiéme à Naples chez le Prieur des Chartreux. Comment juger de ces trois tableaux éloignés chacun de cinquante lieuës, comment les pouvoir comparer ?

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Pour copier avec profit les manieres qui ont approché le plus près de la Nature, comme sont celles de Titien & de Vandeik, il faut en copiant s’imaginer que leurs Tableaux sont la Nature ; les regarder d’un peu de loin dans cette intention, & dire en soi-même : De quelle couleur, & de quelle teinte me servirois-je pour un tel endroit ; puis s’approcher du Tableau, & voir si on auroit bien ou mal rencontré, & se faire ensuite comme une loi des choses que nous aurions découvertes, & que nous ne pratiquions auparavant qu’avec incertitude.

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Le Titian a fait d’excellens Ouvrages suivant l’election de ses Originaux ou modelles, tant pour ce qui est du dessein, que principalement de la maniere de Peindre, dont le Colory est si beau, si vif, & si frais, en un mot tellement de chair, qu’il est comme inimitable aux Copistes

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La plus grande perfection dans la Peinture, luy repartis-je, c'est de faire que toutes les qualitez du corps conviennent à la personne qu'on veut representer, soit dans la force des membres, soit dans la couleur de la chair. Par exemple, une belle femme, ou un jeune homme de condition, doivent avoir le corps blanc, délicat, & gratieux, comme dans le Tableau de Corege, dont je vous ay déja parlé, où il y a un Saint Jean tout nud, qui s'enfuit du Jardin des Olives, & dans celuy du Titien, qui est à l'Hostel de Sourdis, où Venus retient Adonis. Car si vous remarquez le Coloris de cette Déesse, vous y verrez une grande tendresse, & dans celuy du Chasseur vous y connoistrez comme un homme moins délicat, & qui s'adonne aux exercices penibles, doit avoir la chair plus haute en couleur : Mais un vieillard qui sera representé plus maigre, & plus décharné, doit avoir la chair plus basannée, & plus brune, de mesme qu'un Soldat, & un Marinier, qui sont ordinairement dans le travail, & qui ont le corps nud, & exposé à l'air, & au Soleil : […].

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CORRECT, CORRECTION, CORRECTEMENT, se disent en parlant du dessein. 
Un dessein
correct, bien arrêté. Le Titien n’étoit pas toujours correct dans les desseins. Le Poussin dessinoit correctement. Aucun Peintre n’étoit comparable à Raphael pour la correction  du dessein. 
La
correction du dessein dépend de la justesse des proportions, & cette justesse dépend principalement de la connoissance de l’Anatomie, & du corps humain.

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CORRECT, CORRECTION, CORRECTEMENT, se disent en parlant du dessein. 
Un dessein
correct, bien arrêté. Le Titien n’étoit pas toujours correct dans les desseins. Le Poussin dessinoit correctement. Aucun Peintre n’étoit comparable à Raphael pour la correction  du dessein. 
La
correction du dessein dépend de la justesse des proportions, & cette justesse dépend principalement de la connoissance de l’Anatomie, & du corps humain.

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CORRECT, CORRECTION, CORRECTEMENT, se disent en parlant du dessein. 
Un dessein
correct, bien arrêté. Le Titien n’étoit pas toujours correct dans les desseins. Le Poussin dessinoit correctement. Aucun Peintre n’étoit comparable à Raphael pour la correction  du dessein. 
La
correction du dessein dépend de la justesse des proportions, & cette justesse dépend principalement de la connoissance de l’Anatomie, & du corps humain.

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le Peintre doit considerer que les couleurs des draperies lui donnent un moyen de pratiquer avec adresse l’intelligence du Clair-obscur. Le Titien a mis en usage cet artifice dans la plûpart de ses Tableaux, en se servant de la liberté qu'il avoit de donner à ses draperies la couleur qui lui sembloit la plus convenable, ou pour servir de fond, ou pour étendre la lumiere, ou pour caracteriser les objets par la comparaison.

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Ceux [ndr : les peintres] au contraire qui sont dans le style Pastoral, s’attachent fortement à la couleur pour représenter plus vivement la verité. L'un & l'autre style ont leurs spectateurs & leurs partisans. […]
Ainsi pour contrebalancer l’élevation des Païsages Heroïques, je croirois qu’il seroit à propos de jetter dans les Païsages champêtres, non seulement un grand caractere de verité, mais encore quelque effet de la Nature piquant, extraordinaire & vraisemblable, comme a toujours fait le Titien.

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Je dis donc que si dans les choses naturelles, c’est la forme qui maintient l’estre, & qui est principe de leur durée, il en est tout autrement dans les ouvrages de l’art, où la matière conserve leur forme, & les fait résister plus ou moins à l’effort des années. C’est pourquoy les Peintres qui veulent que leurs ouvrages se conservent plus long-temps, ne doivent pas negliger de travailler sur des fonds durables, & avec des couleurs qui ne passent point. Il est vray qu’ils n’ont pas toujours la liberté de choisir le fond de leurs Tableaux, estant obligez de travailler, tantost sur des murailles, tantost sur du bois, & souvent sur de la toile ; mais il est toujours dans leur pouvoir d’apporter beaucoup de soin à preparer ces divers fonds, & à chercher les couleurs qui sont les meilleures. Ainsi quand on peint à fraisque, c’est au Peintre à prendre garde que l’enduit soit de bonne chaux & de bon sable, & à faire provision des couleurs propres pour ces sortes d’ouvrages, parceque celles qui servent à peindre à huile n’y sont pas toutes également bonnes. Les plus terrestres & les moins composées sont les vrayes couleurs dont on se doit servir à fraisque. Pour travailler à huile il faut encore user des mesmes precautions.

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Et lors que la necessité de son sujet l’obligeoit de mettre des couleurs plus foibles sur le devant, il [ndr : Titien] les accompagnoit de quelque chose dont la couleur plus forte servoit à soustenir & à faire avancer les autres. J’ay veu remarquer à des Peintres, que dans le tableau où il a représenté Bacchus & Ariadne, afin de faire approcher davantage une draperie qui est sur le devant, & qui de soy est d’une couleur foible et legere, il a trouvé l’invention de mettre un vase dessus, lequel estant d’une couleur brune & forte, tire le tout en avant.
Est-ce, dit alors Pymandre, que les choses les plus claires s’éloignent & que les plus brunes s’avancent davantage.
C’est ainsi, répondis-je, que les plus sçavans Peintres l’entendent. Ils vous feront remarquer que ce qui est noir a plus de force & s’accroche bien plus que ce qui est blanc.
C’est repliqua Pymandre, ce que je n’aurois pas cru, car il me semble que ce qui est noir perce & fait un trou, & que le blanc vient en avant.
Ainsi, les couleurs qui sont plus claires avancent-elles pas davantage que celles qui le sont moins, & dans un tableau, une draperie d’un bleu clair, ou d’un vert pasle, ne s’approchera-t’elle pas plus qu’un autre vestement qui sera rouge brun, ou d’un jaune orangé.

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Avec ces couleurs simples ou doubles, cruës ou mélées, entières ou rompuës, illustres ou sublustres, gomées, collées ou huilées, on drape, on fourre, on bastit, on boise, on flame, on fume, &c. Le Titien y mettoit de la grape de raisin, pour assaisonner & temperer les clairs et les bruns.

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282. [Que vous fassiez paroistre les Corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, &c.] C’est à dire proprement, qu’apres de grands Clairs il faut de grandes Ombres, qu’on appelle des Repos ; parce que effectivement la veuë seroit fatiguée, si elle estoit attirée par une continuité d’objets petillans. Les Clairs peuvent servir de repos aux Bruns, comme les Bruns en servent aux Clairs. […]
Ces Repos se font de deux manieres, dont l’une est Naturelle, & l’autre Artificielle : La Naturelle se fait par une étenduë de Clairs ou d’Ombres, qui suivent naturellement & necessairement les Corps solides, ou les Masses de plusieurs Figures agrouppées lors que le jour vient à frapper dessus : Et l’Artificielle consiste dans les Corps des Couleurs que le Peintre donne à de certaines choses telles qu’il luy plaist, & les compose de telle sorte, qu’elles ne fassent point de tort aux Objets qui sont auprés d’elles. Une Draperie par exemple que l’on aura fait jaune ou rouge en certain endroit, pourra estre dans un autre de Couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l’effet que l’on demande. L’on doit prendre occasion autant qu’il est possible de se servir de la premiere Maniere, & de trouver les Repos dont nous parlons par le Clair ou par l’Ombre, qui accompagnent naturellement les Corps solides […] 
Ainsi le Peintre qui a de l'intelligence prendra ses avantages de l'une & de l'autre Maniere ; & s'il fait un Dessein qui doive estre gravé, il se souviendra que les Graveurs ne disposent pas des Couleurs, comme font les Peintres, & que par consequent il doit prendre occasion de trouver les Repos de son Dessein dans les Ombres naturelles des Figures, qu'il aura disposées à cet effet. Rubens en donne une parfaite connoissance dans les Estampes qu'il a fait graver ; & je ne croy pas que l'on puisse rien voir de plus beau en ce genre : Toute l'intelligence des Grouppes, du Clair-Obscur & de ces Masses que le Titien appelloit
la Grappe de Raisin, y est si nettement exposée, que la veüe de ces Estampes & l'attention que l'on y apporterait contribueraient beaucoup à faire un Habile-homme. […]
Ce n'est pas que les Graveurs ne puissent & ne doivent imiter les Corps des Couleurs par les degrez du Clair-Obscur, autant qu'ils jugeront que cela doit produire un bel effet ; au contraire il est à mon avis, impossible de donner beaucoup de force à tout ce que l'on gravera d'après les Ouvrages de l'Ecole de Venise, & de tous ceux qui ont eu l'intelligence des Couleurs & du Contraste du Clair-Obscur, sans imiter en quelque façon la Couleur des Objets selon le rapport qu'elle a aux degrez du Blanc & du Noir. […]

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361. [Que jamais deux extremitez contraires, &c.] Le Sens de la veuë a cela de commun avec tous les autres, qu’il abhorre les extremitez contraires. Et de mesme que les mains qui ont grand froid, souffrent beaucoup lors qu’on les approche tout d’un coup du feu ; ainsi les yeux qui trouvent un extreme Blanc auprés d’un extreme Noir, ou un bel Azur auprés d’un Vermillon ardent, ne sçauroient regarder ces extremitez qu’avec peine, quoy qu’ils y soient toûjours attirez par l’éclat des deux contraires.
Ce Precepte oblige de sçavoir les Couleurs qui ont amitié ensemble, & celles qui sont incompatibles ; ce que l’on pourra aisément découvrir en mélant ensemble les Couleurs dont on veut faire épreuve : & si par ce mélange elles font une Couleur douce & qui ne soit point desagreable aux yeux, c’est une marque qu’il y a de l’union & de la sympathie entr’elles ; si au contraire la Couleur qui sera produite du mélange des deux autres, est rude à la veuë, il faut conclure qu’il y a de la contrarieté & de l’antipathie entre ces deux Couleurs. Le Vert par exemple est une Couleur agreable, qui peut venir du Bleu & du Jaune mélez ensemble, & par consequent le Bleu & le Jaune sont deux Couleurs qui sympathisent. Et tout au contraire le mélange du Bleu & du Vermillon ont une antipathie ensemble ; & ainsi des autres couleurs, dont vous pouvez faire essay, & vous éclaircir une fois pour toutes. […] L’on peut neantmoins passer par dessus ce Precepte, quand on n’a qu’une ou deux Figures à traiter, & que parmy un grand nombre on en veut faire remarquer quelqu’une, qui est des principales du Sujet, & qui autrement ne pourroit se faire remarquer par dessus les autres. Titien dans le Tableau qu’il a fait du Triomphe de Bacchus, ayant placé Ariadne sur l’un des costez du Tableau, & ne pouvant pour cette raison la faire remarquer par les éclats de la lumiere qu’il a voulu conserver dans le milieu, il luy a donné une écharpe de Vermillon sur une Draperie bleuë, tant pour la détacher de son fonds qui est déjà une mer bleuë, qu’à cause que c’est une des principales Figures du Sujet, sur laquelle il veut que l’œil soit attiré. Paul Veronese dans sa Noce de Cana, parce que le Christ, qui est la Principale Figure du Sujet, est un peu enfoncé dans le Tableau, & qu’il n’a pû le faire remarquer par le brillant du Clair-Obscur, il l’a vestu de Bleu & de Vermillon, pour faire que la veuë se portast sur cette Figure.
Les Couleurs ennemies se pourront d’autant plus allier, que vous y meslerez d’autres Couleurs qui auront de la sympathie l’une avec l’autre, & qui s’accorderont avec celles que vous voudrez, pour ainsi dire, reconcilier.

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382. [Que vos Couleurs soient vives, sans pourtant donner, comme on dit, dans la farine.] Donner dans la farine c’est une façon de parler parmy les Peintres, qui exprime parfaitement ce qu’elle veut dire, qui n’est autre chose que de peindre avec Couleurs claires & fades tout ensemble, lesquelles ne donnent non plus de vie aux Figures, que si effectivement elles estoient frottées de farine. Ceux qui font leurs Carnations fort blanches & leurs Ombres grises ou verdastres, tombent dans cette inconvenient. Les Couleurs rousses dans les Ombres des chairs les plus delicates, contribuent merveilleusement à les rendre vives, brillantes & naturelles : mais il en faut user avec la mesme prudence dont le Titien, Paul Ver. Rubens & Vandeik se sont servis.
Pour conserver les Couleurs fraisches, il faut peindre en mettant toûjours des Couleurs, & non pas en frottant apres les avoir couchées sur la toile ; & s’il se pouvoit mesme faire qu’on les mist justement dans leurs places, & que l’on n’y touchast point quand on les y a une fois placées, il seroit encore mieux ; parce que la fraischeur des Couleurs se ternit & se perd à force de les tourmenter en peignant.
Tous ceux qui ont bien colorié, avoient encore une autre Maxime pour maintenir les Couleurs fraisches, vives & fleuries ; c'estoit de se servir de Fonds blancs, sur lesquels ils peignoient, & souvent mesme au premier coup, sans rien retoucher, & sans y employer de nouvelles Couleurs. Rubens s'en servoit toûjours ; & j'ay veu des Tableaux de la main de ce grand Homme faits au premier coup, qui avoient une vivacité merveilleuse. La raison que ces excellens Coloristes avoient de se servir de ces sortes de Fonds, est que le Blanc conserve toûjours un éclat sous le transparant des Couleurs, lesquelles empeschent que l'air n'altere la blancheur du Fonds, de méme que cette blancheur repare le dommage qu'elles reçoivent de l'air ; de maniere que le Fonds & les Couleurs se prestent un mutuel secours, & se conservent l'un l'autre. C'est par cette raison que les Couleurs glacées ont une vivacité qui ne peut jamais estre imitée par les Couleurs les plus vives & les plus brillantes, dont à la maniere ordinaire & commune on couche simplement les differentes teintes, chacune dans leur place les unes apres les autres : tant il est vray que le Blanc avec les autres Couleurs fieres, dont on peint d'abord ce que l'on veut glacer, en sont comme la vie & l'éclat. Les Anciens ont asseurement trouvé que les Fonds blancs estoient beaucoup meilleurs que les autres : puisque nonobstant l'incommodité que leurs yeux recevoient de cette Couleur, ils ne laissoient pas de s'en servir, […] Je ne sçay d'où vient que l'on ne s'en sert pas aujourd'huy, si ce n'est qu'il y a peu de Peintres curieux de bien colorier, ou que l'ébauche commencée sur le Blanc ne se montre pas assez viste, & qu'il faut avoir une patience plus que Françoise, pour attendre qu'elle soit achevée, & que le Fond qui ternit par sa Blancheur l'éclat des autres Couleurs, soit entierement couvert, pour faire paroistre agreablement tout l'Ouvrage.

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Je le redis donc encore avec plus de confiance : apprenons à critiquer nos propres ouvrages à la vûë des beautez que nous découvrons dans ceux des autres ; ne rougissons point de chercher à les étudier ; ne craignons point qu’on nous accuse d’être de serviles imitateurs, quand nous aurons l’adresse de nous approprier les parties qui nous manquent, & de les joindre à celles que nous possedons. Le goût de dessein de celui-ci est plus noble & plus délicat que le vôtre, mais votre coloris l’emporte sur le sien ; ne pouvez-vous, sans perdre ce que vous avez acquis dans la couleur, faire votre profit de son heureuse maniere de dessiner ? Raphaël n’a t-il pas ajouté une nouvelle grandeur à la sienne à la vûë des ouvrages de Michel-Ange, sans se dépoüiller de sa sage simplicité & des graces nobles qui le caracterisent. Louis Carrache a-t-il passé pour un plagiaire, pour avoir étudié les tournures naïves & piquantes du Correge ? J’ai entre mes mains des études d’Annibal d’après Raphaël d’une beauté à faire comprendre qu’il étoit déjà digne de sa grande reputation lorsqu’il les a faites. Le Roy possede un Tableau de Vandeik d’après Le Titien, qui n’est point l’ouvrage d’un écolier.

Quotation

Quant au Corege sa maniere est differente de celle du Titien, en ce qu’il n’a pas sceu cette harmonie de couleurs, cette belle conduite de lumieres, & cette fraischeur de teintes si admirable qu’on remarque dans les Tableaux du Titien, où il semble qu’on voye du sang dans ses carnations, tant il les represente naturelles. Mais en recompense le Corege a eu l’imagination plus forte, & a desseigné d’un goust beaucoup plus grand & plus exquis ; Et quoy qu’il ne fust pas tout-à-fait correcte dans son dessein, il y a neanmoins de la force & de la noblesse dans tout ce qu’il a fait.

Quotation

Quelque beauté de coloris qu’un Peintre donne à son ouvrage, quelque amitié de couleurs qu’il observe pour le rendre aimable & plaisant à la veûë ; quelques jours & quelques lumieres qu’il y répande pour l’éclairer, de quelques ombres dont il tasche de le fortifier & d’en relever l’eclat, si tout cela n’est soustenu du dessein, il n’y a rien, pour beau & riche qu’il soit, qui puisse subsister. On doit prendre garde sur tout à ne se pas laisser surprendre par les charmes du coloris ; car la Couleur n’est pas seulement un agrément que la nature ait répandu sur les corps pour en relever la beauté & leur donner plus d’éclat, mais elle est aussi dans les ouvrages de l’art un moyen merveilleux pour les rendre agréables, & donner plus de plaisir à la veûë. Et de vray, comme nous voyons que les couleurs de l’arc-en-Ciel, qui ne marquent rien de particulier, ne laissent pas de faire regarder avec admiration : aussi les diverses couleurs qui brillent dans un Tableau, quoy-que privé des autres parties de la peinture, ne laissent pas de fraper les yeux, & mesme d’émouvoir l’ame, qui se laisse remuer par les sens avec lesquels elle a une si grande liaison, que d’abord elle ne pense, s’il faut ainsi dire, qu’à prendre part au plaisir qu’ils reçoivent, sans examiner les choses par la raison. 
C’est pourquoy je croy vous avoir fait observer sur le sujet des tableaux du Poussin, que ce Peintre dans le coloris de ses figures s’étudioit à les representer telles qu’elles paroissent dans le naturel, lors que par la distance qui se trouve entre-elles & celuy qui les voit, l’air qui est interposé les rend plus grises, & fait que la carnation n’est pas si vive & si agréable. 
Cependant quoy-que la raison fasse voir que c’est une regle qu’on doit observer, il est vray neanmoins que les Peintres qui ne l’ont pas suivie, & qui s’en sont dispensez, tels que le Titien, Paul Veronese, & ceux de l’école du Lombardie, ont esté plus agréables que les autres dans leurs carnations, parce que l’œil ne se soucie pas toûjours que les choses soient conduites par les regles de la raison pourveû qu’elles luy plaisent.
Et de mesme que les lunettes de longue veûë luy font discerner & mieux connoistre les objets éloignez, ainsi le Peintre en fortifiant ses couleurs, & les rendant plus sensibles, fait un effet semblable, & luy represente des choses plûtost belles & agréables que régulières.

Quotation

L’on est entré sur la consideration du merite de la couleur à l’occasion d’un Tableau du Titien, qui par l’adveu, unanime de tous les sçavants en cette profession, est le Peintre qui a le plus excellé en cette partie là. Mais après avoir remarqué dans cet ouvrage que ce grand homme possedoit si admirablement la connoissance, des effets de la couleur & en faisoit un si bon usage, que non-obstant la vivacité des éclats de lumieres, qu’il faisoit paroître, dans le ciel de ses paysages, les carnations des figures qui y étoient opposées, ne laissoient pas de paroître plus avantageusement que beaucoup d’autres coloris, qui sont favorisés par des fonds bruns, que l’on voyoit dans les ouvrages de beaucoup d’autres Autheurs : qu’ainsi cet excellent Peintre avoit tiré avantage, de ce que les autres évitent ordinairement, & l’on témoigna du Regret de ce qu’un talent si accompli [ndr : Titien] n’étoit pas accompagné de ceux qui sont les plus considerables en la Peinture à sçavoir la correction du dessein & des proportions ; on representa qu’il se trouvoit beaucoup moins de Peintres posseder cette correction, que ceux qui ont un beaufaire en traitant les couleurs, parce qu’outre que ce dernier est plus facile, on se laisse naturellement charmer à ce bel éclat exterieur ; l’on avoüa bien que cette partie est très necessaire, mais l’on dit qu’il ne s’y falloit pas tant attacher qu’au principal ; que d’en faire toute son étude, c’étoit se laisser éblouïr par l’apparence d’un beau corps sans considérer ce qui le doit animer, que Monsieur Poussain si celebre en l’une & en l’autre de ces parties, ayant donné quelque temps à l’étude particuliere de la couleur en revint si fort, que depuis il disoit hautement, que cette application singuliere n’étoit qu’un obstacle, pour empêcher de parvenir au veritable but de la Peinture, & celui qui s’attache au principal ; acquiert en pratiquant une assez belle maniere de peindre.

Quotation

on representa, que les anciens au sortir de la pratique de peindre à détrempe tomberent en quelque sorte de dureté par la grande force des ombres, comme on le peut remarquer en quelques ouvrages de Jule Romain, de Raphael, & autres, tant de l’École des Romains, que celles des Lombards qui ont travaille dans ces premiers tems là, où l’usage des reflexs, n’étoit point encore connu, que les reflexs sont d’une grande utilité pour produire l’union dans les couleurs, portants quelque chose des couleurs voisines dans l’ombre des corps, sur lesquels ils rejalissent, ce qui est l’avantage des siecles suivants où les habilles hommes se sont étudiés à la belle oeconomie & dispensation des couleurs, qui est le plus bel effet que peut produire leur raisonnable mariage ; Il faut de plus considerer leur valeur pour les ranger en sorte qu’elles puissent mutuellement s’entre-aider & se faire valoir par un judicieux contraste, leur force, pour les placer aux endroits que l’on veut faire paroître avancés ou reculées, & leur union pour les associer en une agreable correspondance ; mais on considera aussi qu’en s’attachant à ce menagement harmonieux des couleurs, on ne devoit pas negliger le bon choix des matieres & leur application, évitant le mélange de celles qui sont corruptibles avec celles qui sont pures, & l’avoisinement de celles qui peuvent causer quelque aigreur ou dureté à la vuë & sur tout dans leur Emploi, les appliquer proprement, chaque teinte en sa place ne les brouillant & tourmentant que le moins qu’il est possible, sur tout dans les carnations, où à l’imitation du Titien, on doit donner tout l’avantage, & l’éclat, en n’y approchant que des couleurs sales pour les faire paroître d’autant plus vives & plus fraiches ; enfin que dans cette partie de la couleur, l’on doit considerer ces trois choses conjointement pour y exceller, la belle oeconomie des couleurs, la propreté dans leur mêlange & application, & la liberté du Pinceau ; ces trois choses (qui bien souvent font chacune tout le talant d’un homme) ne se doivent jamais separer, encore qu’ils requierent chacun un soin particulier pour imiter la beauté du naturel.

Quotation

Avec ces couleurs simples ou doubles, cruës ou mélées, entières ou rompuës, illustres ou sublustres, gomées, collées ou huilées, on drape, on fourre, on bastit, on boise, on flame, on fume, &c. Le Titien y mettoit de la grape de raisin, pour assaisonner & temperer les clairs et les bruns.

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Avec ces couleurs simples ou doubles, cruës ou mélées, entières ou rompuës, illustres ou sublustres, gomées, collées ou huilées, on drape, on fourre, on bastit, on boise, on flame, on fume, &c. Le Titien y mettoit de la grape de raisin, pour assaisonner & temperer les clairs et les bruns.

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Avec ces couleurs simples ou doubles, cruës ou mélées, entières ou rompuës, illustres ou sublustres, gomées, collées ou huilées, on drape, on fourre, on bastit, on boise, on flame, on fume, &c. Le Titien y mettoit de la grape de raisin, pour assaisonner & temperer les clairs et les bruns.

Quotation

[…] les Tableaux harmonieux sont en petit nombre : car depuis près de 300 ans que la Peinture est ressuscitée, à peine peut-on compter six Peintres qui ayent bien colorié ; au lieu que l’on en comptera pour le moins 30. qui ont été très-bons Dessinateurs. Et la raison de cela est que le Dessein a des regles fondées sur des proportions, sur l’Anatomie & sur une experience continuelle de la même chose ; au lieu que le coloris n’a point encore de regles bien connues, & que l’experience qu’on y fait étant presque toujours differente à cause des differens sujets que l’on traite, n’a pû encore en établir de bien precises. Ainsi je suis persuadé que le Titien a tiré plus de secours de sa longue & studieuse experience avec la grande solidité de son jugement, que d’aucune regle démonstrative qu’il eût établie dans son esprit, pour lui servir de fondement. Je ne dirai pas la même chose de Rubens ; celui-ci cédera toujours au Titien pour les couleurs locales : mais pour les principes de l’harmonie, il en avoit trouvé de solides qui le faisoient operer infailliblement pour l’effet & pour l’accord du Tout-ensemble.

Quotation

j’avoue que j’en passe sous silence qui regardent l’execution & la pratique [ndr : du coloris] : mais comme je n’ai appris ce que j’en pourrois communiquer qu’en examinant avec beaucoup de reflexion les ouvrages des grands Peintres, & sur-tout ceux de Titien & de Rubens ; & que sur-tout les Studieux de Peinture peuvent puiser à la même source ; je les renvoi à ces deux Peintres, à Rubens premierement, parce que les principes en sont plus sensibles & plus aisés à pénétrer ; puis à Titien qui semble avoir encore passé la lime par dessus, c’est-à-dire, en un mot que le Titien a fait sentir dans une distance legitime, plus de verité & de précision dans ses couleurs locales, ayant laissé à Rubens le talent des grandes compositions, & l’artifice de faire entendre de plus loin l’harmonie de son Tout-ensemble.

Quotation

Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

Quotation

Avec ces couleurs simples ou doubles, cruës ou mélées, entières ou rompuës, illustres ou sublustres, gomées, collées ou huilées, on drape, on fourre, on bastit, on boise, on flame, on fume, &c. Le Titien y mettoit de la grape de raisin, pour assaisonner & temperer les clairs et les bruns.

Quotation

Et lors que la necessité de son sujet l’obligeoit de mettre des couleurs plus foibles sur le devant, il [ndr : Titien] les accompagnoit de quelque chose dont la couleur plus forte servoit à soustenir & à faire avancer les autres. J’ay veu remarquer à des Peintres, que dans le tableau où il a représenté Bacchus & Ariadne, afin de faire approcher davantage une draperie qui est sur le devant, & qui de soy est d’une couleur foible et legere, il a trouvé l’invention de mettre un vase dessus, lequel estant d’une couleur brune & forte, tire le tout en avant.
Est-ce, dit alors Pymandre, que les choses les plus claires s’éloignent & que les plus brunes s’avancent davantage.
C’est ainsi, répondis-je, que les plus sçavans Peintres l’entendent. Ils vous feront remarquer que ce qui est noir a plus de force & s’accroche bien plus que ce qui est blanc.
C’est repliqua Pymandre, ce que je n’aurois pas cru, car il me semble que ce qui est noir perce & fait un trou, & que le blanc vient en avant.
Ainsi, les couleurs qui sont plus claires avancent-elles pas davantage que celles qui le sont moins, & dans un tableau, une draperie d’un bleu clair, ou d’un vert pasle, ne s’approchera-t’elle pas plus qu’un autre vestement qui sera rouge brun, ou d’un jaune orangé.

Quotation

Avec ces couleurs simples ou doubles, cruës ou mélées, entières ou rompuës, illustres ou sublustres, gomées, collées ou huilées, on drape, on fourre, on bastit, on boise, on flame, on fume, &c. Le Titien y mettoit de la grape de raisin, pour assaisonner & temperer les clairs et les bruns.

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COULEUR ROMPUE.
On appelle Couleur rompuë, celle qui est diminuée & corrompuë par le mélange d'une autre (excepté du blanc qui ne peut pas corrompre, mais qui peut estre corrompu) on peut dire par exemple qu'un tel azur d'outremer est rompu de laque & d'occre jaune quand il y entre un peu de ces deux dernières couleurs : & ainsi des autres. Les couleurs rompuës servent à l'union & à l'accord des couleurs, soit dans les tournans des corps & dans leurs ombres, soit dans toute leur masse. Titien, Paul Veronese & tous les Lombards ont bien mis ces sortes de couleurs en pratique.

Quotation

329. [La Grappe de Raisin.] Il est assez évident que le Titien par cette comparaison aussi judicieuse que familiere, a pretendu dire que l’on doit ramasser les Objets & les disposer de telle sorte, qu’ils composent un Tout, dont plusieurs Parties contiguës puissent estre éclairées, plusieurs ombrées, & d’autres de Couleurs rompuës, pour estre dans les Tournans ; de mesme que dans une Grappe de Raisin, plusieurs grains qui en font les parties, se trouvent dans le jour, plusieurs dans l’ombre, & d’autres dans la demie teinte, pour estre dans les Parties fuyantes. Le Tintoret dit un jour à Rubens, qu’il avoit oüi dire au Titien, Que dans tous ses plus grands Ouvrages, la Grappe de Raisin estoit son meilleur guide & sa principale Regle.

Quotation

[...] 
ROMPUE [couleur] « On appelle couleur rompuë,
dit Mr. de Piles, celle qui est diminuée & corrompuë par le mélange d’une autre [excepté du blanc qui ne pas corrompre, mais qui peut être corrompu.] On peut dire, par exemple qu’un tel azur d’outremer est rompu de laque, & d’ocre jaune , quand il y entre un peu de ces deux dernieres couleurs, & ainsi des autres. 
Les couleurs rompuës,
ajoute-t-il, servent à l’union & à l’accord des couleurs, soit dans les tournans des corps & dans leurs ombres, soit dans toute leur masse. 
Titien, Paul Veronese, le Rimbrant ont employé avec beaucoup d’art les couleurs
rompuës
Couleur
rompuë & couleur composée sont mots synonimes ; en parlant d’une draperie d’un jaune clair qui est ombrée d’une laque obscure, quelques uns disent que cette draperie est rompuë de rouge : ce n’est pas parler correctement : il faut dire : cette draperie est ombrée de laque, parce que ces deux couleurs sont séparées. Or le mot de rompu ne se dit au sens propre que de deux couleurs mêlées l’une dans l’autre. 
Les Italiens disent
rottura de colori.

Quotation

Couleurs rompuës. Les Couleurs sont rompües lorsqu’elles ne sont pas employées toutes simples & pures, mais qu’on en mesle deux ou plusieurs ensemble pour en affoiblir & éteindre une trop vive ; Comme quand pour diminuer de la vivacité de la Laque, on y mesle un peu de terre verte ; ou bien, quand pour oster de l’éclat du Vermillon, on y mesle du brun rouge, soit en détrempant les Couleurs sur la palette, soit après qu’elles sont couchées sur la toile & en travaillant. Quand une draperie que est d’un jaune clair se trouve ombrée d’une laque obscure, on dit d’ordinaire que cette draperie est jaune rompuë de rouge. C’est pourtant mieux dit qu’elle est jaune ombrée de laque, si les deux couleurs sont separées : car le mot rompu ne se prend proprement que lors que la couleur n’est pas pure, mais meslée avec une autre. Enfin une couleur rompuë, parmy les Peintres, est celle que l’on esteint, & dont l’on diminuë la force ; ce qui sert beaucoup pour l’union & l’accord qui doit estre dans toutes celles qui composent un Tableau. Le Titien, Paul Veronese, & les autres Lombards s’en sont heureusement servis, comme l’a fort bien remarqué M. de Pile sur la poëme du sieur du Fresnoy. Les Italiens nomment cela Rottura de colori.

Quotation

on representa, que les anciens au sortir de la pratique de peindre à détrempe tomberent en quelque sorte de dureté par la grande force des ombres, comme on le peut remarquer en quelques ouvrages de Jule Romain, de Raphael, & autres, tant de l’École des Romains, que celles des Lombards qui ont travaille dans ces premiers tems là, où l’usage des reflexs, n’étoit point encore connu, que les reflexs sont d’une grande utilité pour produire l’union dans les couleurs, portants quelque chose des couleurs voisines dans l’ombre des corps, sur lesquels ils rejalissent, ce qui est l’avantage des siecles suivants où les habilles hommes se sont étudiés à la belle oeconomie & dispensation des couleurs, qui est le plus bel effet que peut produire leur raisonnable mariage ; Il faut de plus considerer leur valeur pour les ranger en sorte qu’elles puissent mutuellement s’entre-aider & se faire valoir par un judicieux contraste, leur force, pour les placer aux endroits que l’on veut faire paroître avancés ou reculées, & leur union pour les associer en une agreable correspondance ; mais on considera aussi qu’en s’attachant à ce menagement harmonieux des couleurs, on ne devoit pas negliger le bon choix des matieres & leur application, évitant le mélange de celles qui sont corruptibles avec celles qui sont pures, & l’avoisinement de celles qui peuvent causer quelque aigreur ou dureté à la vuë & sur tout dans leur Emploi, les appliquer proprement, chaque teinte en sa place ne les brouillant & tourmentant que le moins qu’il est possible, sur tout dans les carnations, où à l’imitation du Titien, on doit donner tout l’avantage, & l’éclat, en n’y approchant que des couleurs sales pour les faire paroître d’autant plus vives & plus fraiches ; enfin que dans cette partie de la couleur, l’on doit considerer ces trois choses conjointement pour y exceller, la belle oeconomie des couleurs, la propreté dans leur mêlange & application, & la liberté du Pinceau ; ces trois choses (qui bien souvent font chacune tout le talant d’un homme) ne se doivent jamais separer, encore qu’ils requierent chacun un soin particulier pour imiter la beauté du naturel.

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Avec ces couleurs simples ou doubles, cruës ou mélées, entières ou rompuës, illustres ou sublustres, gomées, collées ou huilées, on drape, on fourre, on bastit, on boise, on flame, on fume, &c. Le Titien y mettoit de la grape de raisin, pour assaisonner & temperer les clairs et les bruns.

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Cependant, dit Pymandre, il me semble que vous venez de dire que ce qui fait le fort & le foible, & ce que vous appelez l’affoiblissement des teintes, se doit comprendre par les diverses coupes qu’on se peut imaginer à mesure que les corps s’éloignent.
Il est vray, luy repliquay-je, & c’est dont nous avons tantost parlé sur le sujet de la perspective de l’air, Leon Baptiste Albert appelle cette coupe Il taglio.

Quotation

Now the Painter expresseth two things with his colour : First the colour of the thing, whether it be artificial or natural, which he doth with the like colour, as the colour of a blew garment with artificial blew, or the green colour of a Tree with the like green : Secondly he expresseth the light of the Sun, or any other bright Body apt to lighten or manifest the colours, and because colour cannot be seen without light, being nothing else (as the Philosophers teach) but the extream Superficies of a dark untransparent Body lightned, I hold it expedient for him that will prove exquisite in the use thereof, to be most diligent in searching out the effects of light, when it enlightneth colour, which who so doth seriously consider, shall express all those effects with an admirable Grace ; […].
Now when the
Painter would imitate this blew thus lightned, he shall take his artificial blew colour, counterfeiting therewith the blew of the garment, but when he would express the light, wherewith the blew seems clearer, he must mix so much white with his blew, as he findeth light in that part of the garment, where the light striketh with greater force, considering afterwards the other part of the garment, where there is not so much light, and shall mingle less white with his blew proportionably, and so shall he proceed with the like discretion in all the other parts : and where the light falleth not so vehemently, but only by reflexion there he shall mix so much shadow with his blew, as shall seem sufficient to represent that light, loosing it self as it were by degrees, provided alwayes, that where the light is less darkned, there he place his shadow,
In which judicious expressing of the effects of light together with the
colours, Raphael Urbine, Leonard Vincent, Antonius de Coreggio and Titian were most admirable, handling them with so great discretion and judgement, that their Pictures seemed rather natural, then artificial ; the reason whereof the vulgar Eye cannot conceive, notwithstanding these excellent Masters expressed their chiefest art therein, considering with themselves that the light falling upon the flesh caused these and such like effects, in which kind Titan excelled the rest, who as well to shew his great Skill therein, as to merit commendation, used to cozen and deceive Mens Eyes, […].

Quotation

Je le redis donc encore avec plus de confiance : apprenons à critiquer nos propres ouvrages à la vûë des beautez que nous découvrons dans ceux des autres ; ne rougissons point de chercher à les étudier ; ne craignons point qu’on nous accuse d’être de serviles imitateurs, quand nous aurons l’adresse de nous approprier les parties qui nous manquent, & de les joindre à celles que nous possedons. Le goût de dessein de celui-ci est plus noble & plus délicat que le vôtre, mais votre coloris l’emporte sur le sien ; ne pouvez-vous, sans perdre ce que vous avez acquis dans la couleur, faire votre profit de son heureuse maniere de dessiner ? Raphaël n’a t-il pas ajouté une nouvelle grandeur à la sienne à la vûë des ouvrages de Michel-Ange, sans se dépoüiller de sa sage simplicité & des graces nobles qui le caracterisent. Louis Carrache a-t-il passé pour un plagiaire, pour avoir étudié les tournures naïves & piquantes du Correge ? J’ai entre mes mains des études d’Annibal d’après Raphaël d’une beauté à faire comprendre qu’il étoit déjà digne de sa grande reputation lorsqu’il les a faites. Le Roy possede un Tableau de Vandeik d’après Le Titien, qui n’est point l’ouvrage d’un écolier.

Quotation

CURIEUX, CURIOSITÉ. Un curieux en Peinture, est un homme qui amasse avec choix tout ce qu’il y a de plus rare en desseins & en tableaux : ces raretés s’appellent curiosités
Curiosités en Peinture, Cabinet curieux, Piéces rares & curieuses
Curieux signifie quelquefois recherché. 
Le Titien étoit
curieux dans son coloris ; Raphaël étoit curieux dans le choix & dans les accomodemens des Draperies. 
Quelques modernes se sont servis du mot de
curiosité, dans une acception des plus nouvelles. 
Mr Mariette a dit : le nom de Mr Jubach substitera long-temps dans la
curiosité, c’est-à-dire, parmi les curieux. Descript. du Cabinet de Mr Crozat.

Quotation

Zommige oordeelen, dat de Conterfeitsels van van Dyk by die van Titiaan maar waterverw gelyken, om reden dat die van Titiaan zo veel kracht in koleur, dag, en schaduwe hebben, dat die van den anderen daar niet by konnen haalen, ja een koleur, zeggen zy, welke op die wyze voor van Dyk onnavolgelyk is, en daar het zyne zich alles flets en krachteloos by vertoont: waarlyk, een belaghelyk en beschimpend oordeel. Doch dat van Dyk en Titiaan in koleur verschillen, dat staa ik hun toe; maar dat men in dit geval by de Italiaanen niet behoeft te loopen, om zulks te bewyzen, is ook zeker: want voor zo veel de krachtige Coloriet, indien het daar in bestond, belangt, zo zeg ik dat Rembrant voor Titiaan niet heeft te wyken. Maar wat is ‘t! de meeste menschen volgen gemeenlyk de dwaaze oordeelaars, welke geene dingen goed keuren, die niet op zyn Italiaansch geschilderd zyn, het zy Historien, Landschappen, of Pourtraiten.

Quotation

Now the Painter expresseth two things with his colour : First the colour of the thing, whether it be artificial or natural, which he doth with the like colour, as the colour of a blew garment with artificial blew, or the green colour of a Tree with the like green : Secondly he expresseth the light of the Sun, or any other bright Body apt to lighten or manifest the colours, and because colour cannot be seen without light, being nothing else (as the Philosophers teach) but the extream Superficies of a dark untransparent Body lightned, I hold it expedient for him that will prove exquisite in the use thereof, to be most diligent in searching out the effects of light, when it enlightneth colour, which who so doth seriously consider, shall express all those effects with an admirable Grace ; […].
Now when the
Painter would imitate this blew thus lightned, he shall take his artificial blew colour, counterfeiting therewith the blew of the garment, but when he would express the light, wherewith the blew seems clearer, he must mix so much white with his blew, as he findeth light in that part of the garment, where the light striketh with greater force, considering afterwards the other part of the garment, where there is not so much light, and shall mingle less white with his blew proportionably, and so shall he proceed with the like discretion in all the other parts : and where the light falleth not so vehemently, but only by reflexion there he shall mix so much shadow with his blew, as shall seem sufficient to represent that light, loosing it self as it were by degrees, provided alwayes, that where the light is less darkned, there he place his shadow,
In which judicious expressing of the effects of light together with the
colours, Raphael Urbine, Leonard Vincent, Antonius de Coreggio and Titian were most admirable, handling them with so great discretion and judgement, that their Pictures seemed rather natural, then artificial ; the reason whereof the vulgar Eye cannot conceive, notwithstanding these excellent Masters expressed their chiefest art therein, considering with themselves that the light falling upon the flesh caused these and such like effects, in which kind Titan excelled the rest, who as well to shew his great Skill therein, as to merit commendation, used to cozen and deceive Mens Eyes, […].

Quotation

Again Titian to make known his art his lights and shadows, when he would express the lightest part of the Body used to add a little too much white, making it much lighter then his pattern, and in the obscure parts, where the light fell by reflexion, a little too much shadow, in resemblance of the decay of the light in that part of the Body, and so his work seemeth to be much raised, and deceive the sight, for the light which cometh to the Eye, in a Pyramidal forme (as shall be shewed in the ensuing discourse) cometh with a blunter and bigger Angle, and so is seen more evidently, whence ariseth a wonderfull eminency, the especial cause whereof is, because there is much more shadow then needeth in that part, where the light decayeth most, so that the vusual lines failing, that part cometh to the Eye in an accuter and sharper angle, and therefore cannot be seen so perfectly, insomuch that that part seemeth to fly inwards, and stand farther off. Thus when the Four parts of a Body are much raised, and the hinder fly sufficiently inwards, there appeareth a very great heightning, which giveth a wonderfrll Spirit, and after this sort Titian beguiled the Eyes of such as beheld his most admirable works.

Quotation

Traveller.
            Invention
is the Manner of Expressing that Fable and Story which the Painter has chosen for the Subject of his Piece ; and may principally be divided into Order and Decorum. [...] The second part of Invention is Decorum ; that is, that there be nothing Absurd nor Discordant in the Piece : and in this part, the Lombard Painters are very faulty ; taking Liberties that move one almost to Laughter ; Witness Titian himself, who Drew Saint Margaret a Stride upon the Dragon : and most of the Lombard Painters are subject to a certain Absurdity of Anachronisaie’s Drawing. For Example, our Saviour upon the Cross, and Saint Francis and Saint Benedict looking on, though they did not live till eight hundred Years after our Saviour’s Passion. All Indecencies are likewise to be avoided : and Michael Angelo doth justly deserve to be Censured, in his great Picture of the Day of Judgment, for having exposed to view in the Church it self, the secret parts of Men and Women, and made Figures among the Blessed that kiss one another most tenderly. Raphael on the contrary, was so great an Observer of Decorum, that though his Subject led him to any Liberties of that kind, he would find a way to keep to the Rules of Modesty ; and indeed, he seems to have been Inspired for the Heads of his Madonna’s and Saints, it being impossible to imagine more Noble Physionomies than he gives them ; and withal, an Air of Pudour and Sanctity that strikes the Spectator with Respect.

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J'ajouterai encore une consideration touchant les ouvrages qui ne demandent pas beaucoup d'invention, c'est que les faussaires en peinture les contrefont bien plus aisément qu'ils ne peuvent contrefaire les ouvrages où toute l'imagination de l'Artisan a eu lieu de se déploïer. Les faiseurs de Pastiches, ce sont ces tableaux peints dans la maniere d'un grand Artisan, & qu'on expose sous son nom, bien qu'il ne les ait jamais vus ; les faiseurs de Pastiches, dis-je, ne sçauroient contrefaire l'ordonnance, ni le coloris, ni l'expression des grands Maîtres. On imite la main d'un autre, mais on n'imite pas de même, pour parler ainsi, son esprit, & l'on n'apprend point à penser comme un autre, ainsi qu'on peut apprendre à prononcer comme lui.
Le Peintre médiocre qui voudroit contrefaire une grande composition du Dominiquin ou de Rubens, ne sçauroit nous en imposer plus que celui qui voudroit faire un Pastiche sous le nom du Georgeon ou du Titien. Il faudroit avoir un génie presque égal à celui du Peintre qu'on veut contrefaire, pour réussir à faire prendre notre ouvrage pour être de ce Peintre. On ne sçauroit donc contrefaire le génie des grands hommes, mais on réussit quelquefois à contrefaire leur main, c'est-à-dire, leur maniere de coucher la couleur & de tirer les traits, les airs de tête qu'ils répetoient & ce qui pouvoit être de vicieux dans leur pratique. Il est plus facile d'imiter les défauts des hommes que leurs perfections. Par exemple, on reproche au Guide d'avoir fait ses têtes trop plates. Ses têtes manquent souvent de rondeur, parce que leurs parties ne se détachent point & ne s'élevent pas assez l'une sur l'autre. Il suffit donc, pour lui ressembler en cela, de se négliger & de ne point se donner la peine de pratiquer ce que l'art enseigne à faire pour donner de la rondeur à ses têtes [...].

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Are. Peu de tems aprés on le chargea de faire un grand tableau pour le maitre autel de l’eglise des freres Mineurs, dans le quel Titien encore tout jeune, peignit à l’huile, la Vierge qui monte au Ciel entre une multitude d’Anges qui l’accompagnent, […] il paroit veritablement qu’elle monte avec un visage plein d’humilité, & ses habits volent delicatement ; au bas sont les Apôtres, qui par differentes attitudes montrent la joye, & l’etonnement ; pour la plus part ils excedent la grandeur du naturel. Il est certain qu’on voit dans ce tableau la grandeur & le terrible de Michel Ange, la douceur, la grace de Rafael, & le vrai coloris de la nature. Ce fut là cependant le premier ouvrage qu’il fit à l’huile, il le fit en tres peu de tems, & tout jeune. Avec tout cela les peintres grossiers, & le sot peuple, qui jusqu’alors n’avoient vû autre chose que les peintures mortes & froides de Jean Bellin, de Gentil, & de Vivarino, car Georgion n’avoit point encore fait d’ouvrage à huile en public, & tout au plus y avoit peint quelque demi figure, quelques portraits qui etoient sans mouvement, & sans relief ; ils disoient tout le mal possible de ce tableau : l’envie venant ensuite à se reffroidir*, & la verité leur ouvrant peu à peu les yeux, on commença à admirer à Venise avec etonnement la nouvelle maniere que Titien tenoit ; & depuis ce tems là tous les peintres s’appliquerent à l’imiter ; mais parcequ’elle etoit hors de leur portée ils se trouverent egarés.
 
*Il est vrai que ce tableau ne plut point aux Moines ; mais l’Ambassadeur de l’Empereur l’aiant voulut acheter, ceci leur fit ouvrir les yeux, & en faire plus de cas.

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329. [La Grappe de Raisin.] Il est assez évident que le Titien par cette comparaison aussi judicieuse que familiere, a pretendu dire que l’on doit ramasser les Objets & les disposer de telle sorte, qu’ils composent un Tout, dont plusieurs Parties contiguës puissent estre éclairées, plusieurs ombrées, & d’autres de Couleurs rompuës, pour estre dans les Tournans ; de mesme que dans une Grappe de Raisin, plusieurs grains qui en font les parties, se trouvent dans le jour, plusieurs dans l’ombre, & d’autres dans la demie teinte, pour estre dans les Parties fuyantes. Le Tintoret dit un jour à Rubens, qu’il avoit oüi dire au Titien, Que dans tous ses plus grands Ouvrages, la Grappe de Raisin estoit son meilleur guide & sa principale Regle.

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WE have been more particular in the Relation of this famous Piece [ndr : Bell fait ici référence au tableau commencé par Apelle et Protogènes sur lequel ces deux artistes ont successivement tracé des lignes – événement précédent de peu leur rencontre], because a large Dispute hangs upon it {Pliny, Lib. 35. Ch. 10.} : and the late Commentator upon our Author, Ludov. Demontiosius, seems very much offended at the generally received Acceptation of the Story of this noble Contention ; and would not by any Means admits that this Tryal of Skill was about the Subtilty of Lines ; for, as he says, with a good Share of Truth in the main, in a coloured Picture, or Painting, there is so little Use of Lines, that the very Appearance of any is justly reproveable ; for the Extremities should be lost and confounded in the Shadows, and ought to go off without any Thing of the least Stiffness, or Sharpness of a Line.
NEITHER will he admit it in Drawings, or Designs, with the Coal, or Pen, for that in those the true ARTIST never regarded so much the Fineness, or Courseness of his Touches ; but only how and where they served best to express the proper Shadowing and Raising of his Draught according to the Life ; and brings in for Instance many Drawings of the celebrated Masters of his Time, which he had seen of
Mich. Angela Bonoroti, Raphael de Urbin, Salviati, Polydore, and the Great Titian’s, where his Observation does not take Notice that any have in the least affected the Nicety of curious Lines.

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Par rapport à la Peinture, le mot de Dessein n’a que deux significations. Premierement, l’on appelle Dessein la pensée d’un Tableau laquelle le Peintre met sur du papier ou sur de la toile, pour juger de l’ouvrage qu’il medite ; & de cette maniere l’on peut appeller du nom de Dessein non-seulement un esquisse, mais encore un ouvrage bien entendu de lumieres & d’ombres, ou même un petit Tableau bien colorié. C’est de cette sorte que Rubens faisoit presque tous ses Desseins, & que la plûpart de ceux du Titien qui sont presque tous à la plume ont été exécutés. 2°. L’on appelle Dessein les justes mesures, les proportions & les contours que l’on peut dire imaginaires des objets visibles, qui n’ayant point de consistence que l’extrémité même des corps, resident veritablement & réellement dans l’esprit : & si les Peintres les ont rendus sensibles de nécessité indispensable par des lignes qui en font la circonscription, c’est pour en rendre la démonstration sensible à leurs Eleves, & afin de pratiquer pour eux-mêmes une maniere commode qui les fasse arriver facilement à une extrême correction.

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Par rapport à la Peinture, le mot de Dessein n’a que deux significations. Premierement, l’on appelle Dessein la pensée d’un Tableau laquelle le Peintre met sur du papier ou sur de la toile, pour juger de l’ouvrage qu’il medite ; & de cette maniere l’on peut appeller du nom de Dessein non-seulement un esquisse, mais encore un ouvrage bien entendu de lumieres & d’ombres, ou même un petit Tableau bien colorié. C’est de cette sorte que Rubens faisoit presque tous ses Desseins, & que la plûpart de ceux du Titien qui sont presque tous à la plume ont été exécutés. 2°. L’on appelle Dessein les justes mesures, les proportions & les contours que l’on peut dire imaginaires des objets visibles, qui n’ayant point de consistence que l’extrémité même des corps, resident veritablement & réellement dans l’esprit : & si les Peintres les ont rendus sensibles de nécessité indispensable par des lignes qui en font la circonscription, c’est pour en rendre la démonstration sensible à leurs Eleves, & afin de pratiquer pour eux-mêmes une maniere commode qui les fasse arriver facilement à une extrême correction.

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[…] les Tableaux harmonieux sont en petit nombre : car depuis près de 300 ans que la Peinture est ressuscitée, à peine peut-on compter six Peintres qui ayent bien colorié ; au lieu que l’on en comptera pour le moins 30. qui ont été très-bons Dessinateurs. Et la raison de cela est que le Dessein a des regles fondées sur des proportions, sur l’Anatomie & sur une experience continuelle de la même chose ; au lieu que le coloris n’a point encore de regles bien connues, & que l’experience qu’on y fait étant presque toujours differente à cause des differens sujets que l’on traite, n’a pû encore en établir de bien precises. Ainsi je suis persuadé que le Titien a tiré plus de secours de sa longue & studieuse experience avec la grande solidité de son jugement, que d’aucune regle démonstrative qu’il eût établie dans son esprit, pour lui servir de fondement. Je ne dirai pas la même chose de Rubens ; celui-ci cédera toujours au Titien pour les couleurs locales : mais pour les principes de l’harmonie, il en avoit trouvé de solides qui le faisoient operer infailliblement pour l’effet & pour l’accord du Tout-ensemble.

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Avec l’instruction pour le mélange des Couleurs, à donner la force aux Figures, qui sont sur le devant du Tableau, pour faire fuïr celles du derriere, à faire les teintes, les Jours & les Ombres si tendres, qu’on ne puisse connoistre leur conjonction, qui est ce que les Romains nomment Clair-obscur. La manière de bien préparer les couleurs pour imiter la Nature, qui est le sujet de cet Art.
Or comme le Dessein est l’ame de la Peinture, les couleurs en sont le corps qui produisent d’agreables effets, estant touchées d’une artiste main ; si bien que le mélange des Jours & des Ombres, c’est à dire une conjonction d’un Clair-Obscur qui est imperceptible, & qui est difficile à connoistre, comme il se voit en plusieurs Tableaux, & comme on a vû dans un Tableau de Titin [Titien], où il a fait une Danaé couchée sur le dos, son sein découvert au grand jour, qui paroissoit rond, sans qu’on apperçoive aucun ombre, c’est une chose assez surprenante.

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Le Peintre allant à la campagne, doit estre fourny de Tablettes & de Crayon, pour remarquer les choses qu’il voit estre dignes, comme ont fait le Titien, les Caraches, & autres bons Maistres, comme il se voit entre les mains des Curieux de Peinture, quantité d’Estudes & Remarques que ses grands Hommes ont faites sur des fuëilles [sic] & sur des Livres en tablettes qu’ils portoient toûjours sur eux.
Je ne parle point icy des premiers commencemens du dessein, comme du maniement du Crayon, du juste rapport que doit avoir la copie avec son original.
Je suppose avant que de commencer ses Estudes, que l’on doit avoir une facilité dans la main, pour imiter les beaux Desseins, les beau [sic] Tableaux & la Ronde-bosse : Que l’on doit enfin avoir la Clef du dessein, pour en profiter selon nos soins & nostre genie.

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282. [Que vous fassiez paroistre les Corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, &c.] C’est à dire proprement, qu’apres de grands Clairs il faut de grandes Ombres, qu’on appelle des Repos ; parce que effectivement la veuë seroit fatiguée, si elle estoit attirée par une continuité d’objets petillans. Les Clairs peuvent servir de repos aux Bruns, comme les Bruns en servent aux Clairs. […]
Ces Repos se font de deux manieres, dont l’une est Naturelle, & l’autre Artificielle : La Naturelle se fait par une étenduë de Clairs ou d’Ombres, qui suivent naturellement & necessairement les Corps solides, ou les Masses de plusieurs Figures agrouppées lors que le jour vient à frapper dessus : Et l’Artificielle consiste dans les Corps des Couleurs que le Peintre donne à de certaines choses telles qu’il luy plaist, & les compose de telle sorte, qu’elles ne fassent point de tort aux Objets qui sont auprés d’elles. Une Draperie par exemple que l’on aura fait jaune ou rouge en certain endroit, pourra estre dans un autre de Couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l’effet que l’on demande. L’on doit prendre occasion autant qu’il est possible de se servir de la premiere Maniere, & de trouver les Repos dont nous parlons par le Clair ou par l’Ombre, qui accompagnent naturellement les Corps solides […] 
Ainsi le Peintre qui a de l'intelligence prendra ses avantages de l'une & de l'autre Maniere ; & s'il fait un Dessein qui doive estre gravé, il se souviendra que les Graveurs ne disposent pas des Couleurs, comme font les Peintres, & que par consequent il doit prendre occasion de trouver les Repos de son Dessein dans les Ombres naturelles des Figures, qu'il aura disposées à cet effet. Rubens en donne une parfaite connoissance dans les Estampes qu'il a fait graver ; & je ne croy pas que l'on puisse rien voir de plus beau en ce genre : Toute l'intelligence des Grouppes, du Clair-Obscur & de ces Masses que le Titien appelloit
la Grappe de Raisin, y est si nettement exposée, que la veüe de ces Estampes & l'attention que l'on y apporterait contribueraient beaucoup à faire un Habile-homme. […]
Ce n'est pas que les Graveurs ne puissent & ne doivent imiter les Corps des Couleurs par les degrez du Clair-Obscur, autant qu'ils jugeront que cela doit produire un bel effet ; au contraire il est à mon avis, impossible de donner beaucoup de force à tout ce que l'on gravera d'après les Ouvrages de l'Ecole de Venise, & de tous ceux qui ont eu l'intelligence des Couleurs & du Contraste du Clair-Obscur, sans imiter en quelque façon la Couleur des Objets selon le rapport qu'elle a aux degrez du Blanc & du Noir. […]

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Et lequel de ces deux Peintres aimeriez-vous mieux estre, continuay-je, de Raphaël ou du Titien ?
Vous m’embarassez fort, repondit Pamphile ; attendez que j’y pense un peu.
Je ne croyois pas, repris-je, que vous dûssiez balancer de cette sorte, aprés ce que je viens de vous entendre dire.
J'aimerois mieux estre Raphaël, continua Pamphile, & j'estime que le Titien est un plus grand Peintre.
Je vous entends bien, luy dis-je, c'est à-dire que Raphaël avec la correction de son Dessein, avoit plusieurs autres talens, & que tout cela ensemble vous plaist davantage que le Coloris du Titien.
Je vous avoüe, dit Pamphile, que je suis encore assez irresolu : neantmoins la correction du Dessein de Raphaël, l’élegance de ses contours, sa manière de drapper, ses expressions si touchantes, la facilité de son genie, ses compositions nobles, riches & abondantes, la grandeur, la simplicité & la vray-semblance de ses attitudes ; enfin, les graces qu'il répandoit dans tous ses ouvrages, me l’ont fait preferer au Titien.
Quoy au Titien, s'écria Damon, le plus grand Peintre, selon vous, qui ait jamais esté & qui sera peut-estre jamais.
Je vous l'avoüe, dit Pamphile, mais Raphaël, avec tous les avantages que je viens de vous dire, avoit encore celuy, d’estre entré sur la fin de sa vie dans l’inteligence des Lumieres & des Ombres, & d’avoir déja fait un si grand progrés dans le Coloris, & qu'il auroit bientost possedé cette partie dans sa derniere perfection. Ainsi je me persuade, si j'estois Raphaël, que dans peu de temps je serois encore le Titien.

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Je le redis donc encore avec plus de confiance : apprenons à critiquer nos propres ouvrages à la vûë des beautez que nous découvrons dans ceux des autres ; ne rougissons point de chercher à les étudier ; ne craignons point qu’on nous accuse d’être de serviles imitateurs, quand nous aurons l’adresse de nous approprier les parties qui nous manquent, & de les joindre à celles que nous possedons. Le goût de dessein de celui-ci est plus noble & plus délicat que le vôtre, mais votre coloris l’emporte sur le sien ; ne pouvez-vous, sans perdre ce que vous avez acquis dans la couleur, faire votre profit de son heureuse maniere de dessiner ? Raphaël n’a t-il pas ajouté une nouvelle grandeur à la sienne à la vûë des ouvrages de Michel-Ange, sans se dépoüiller de sa sage simplicité & des graces nobles qui le caracterisent. Louis Carrache a-t-il passé pour un plagiaire, pour avoir étudié les tournures naïves & piquantes du Correge ? J’ai entre mes mains des études d’Annibal d’après Raphaël d’une beauté à faire comprendre qu’il étoit déjà digne de sa grande reputation lorsqu’il les a faites. Le Roy possede un Tableau de Vandeik d’après Le Titien, qui n’est point l’ouvrage d’un écolier.

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L’on est entré sur la consideration du merite de la couleur à l’occasion d’un Tableau du Titien, qui par l’adveu, unanime de tous les sçavants en cette profession, est le Peintre qui a le plus excellé en cette partie là. Mais après avoir remarqué dans cet ouvrage que ce grand homme possedoit si admirablement la connoissance, des effets de la couleur & en faisoit un si bon usage, que non-obstant la vivacité des éclats de lumieres, qu’il faisoit paroître, dans le ciel de ses paysages, les carnations des figures qui y étoient opposées, ne laissoient pas de paroître plus avantageusement que beaucoup d’autres coloris, qui sont favorisés par des fonds bruns, que l’on voyoit dans les ouvrages de beaucoup d’autres Autheurs : qu’ainsi cet excellent Peintre avoit tiré avantage, de ce que les autres évitent ordinairement, & l’on témoigna du Regret de ce qu’un talent si accompli [ndr : Titien] n’étoit pas accompagné de ceux qui sont les plus considerables en la Peinture à sçavoir la correction du dessein & des proportions ; on representa qu’il se trouvoit beaucoup moins de Peintres posseder cette correction, que ceux qui ont un beaufaire en traitant les couleurs, parce qu’outre que ce dernier est plus facile, on se laisse naturellement charmer à ce bel éclat exterieur ; l’on avoüa bien que cette partie est très necessaire, mais l’on dit qu’il ne s’y falloit pas tant attacher qu’au principal ; que d’en faire toute son étude, c’étoit se laisser éblouïr par l’apparence d’un beau corps sans considérer ce qui le doit animer, que Monsieur Poussain si celebre en l’une & en l’autre de ces parties, ayant donné quelque temps à l’étude particuliere de la couleur en revint si fort, que depuis il disoit hautement, que cette application singuliere n’étoit qu’un obstacle, pour empêcher de parvenir au veritable but de la Peinture, & celui qui s’attache au principal ; acquiert en pratiquant une assez belle maniere de peindre.

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chacune de ses manieres de peindre ont leur proprieté & leur advantage, qu’à la verité la détrempe conserve la beauté des couleurs dans sa pureté & que leur matte imite mieux les apparences des choses naturelles, mais qu’il faut aussi tomber d’accord, que la Peinture à l’huile a generalement plus d’avantage pour donner de la force & de l’union & même pour prendre la teinte des objets dans tous les divers effets des lumieres differentes sur les objets éloignés de la vuë, ces considerations contenterent les deux Aveugles, qui s’en retournerent satisfaits, & le Professeur en ayant fait le recit en une assemblée de conference donna par ce moyen occasion de parler sur la couleur, on representa, que les anciens au sortir de la pratique de peindre à détrempe tomberent en quelque sorte de dureté par la grande force des ombres, comme on le peut remarquer en quelques ouvrages de Jule Romain, de Raphael, & autres, tant de l’École des Romains, que celles des Lombards qui ont travaille dans ces premiers tems là, où l’usage des reflexs, n’étoit point encore connu, que les reflexs sont d’une grande utilité pour produire l’union dans les couleurs, portants quelque chose des couleurs voisines dans l’ombre des corps, sur lesquels ils rejalissent, ce qui est l’avantage des siecles suivants où les habilles hommes se sont étudiés à la belle oeconomie & dispensation des couleurs, qui est le plus bel effet que peut produire leur raisonnable mariage

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Cependant, dit Pymandre, il me semble que vous venez de dire que ce qui fait le fort & le foible, & ce que vous appelez l’affoiblissement des teintes, se doit comprendre par les diverses coupes qu’on se peut imaginer à mesure que les corps s’éloignent.
Il est vray, luy repliquay-je, & c’est dont nous avons tantost parlé sur le sujet de la perspective de l’air, Leon Baptiste Albert appelle cette coupe Il taglio. J’avouë que dans la speculation l’on peut comprendre de quelle sorte les objets doivent diminuer de couleur par ces differentes coupes. Mais quand on vient à la pratique, cette speculation, ou le raisonnement qui fait juger combien un corps doit perdre de sa couleur lors qu’on le veut faire paroistre enfoncé dans le tableau dix ou douze pieds plus qu’un autre, ne peut apprendre précisément comment il faut diminuer la teinte de cette couleur, & la proportionner à son éloignement. Avez-vous jamais remarqué un maistre de Musique qui accorde un luth ou une harpe, il vous fera bien connoistre quel ton la premiere corde doit avoir avec la seconde, & ainsi des autres : mais il ne peut vous enseigner à les accorder, en vous disant qu’il faut tourner les chevilles un certain nombre de tours. Il faut que ce soit l’oreille qui juge de l’harmonie lors qu’on les touche. De mesme dans les couleurs on peut dire qu’il en faut diminuer ou augmenter la teinte à mesure qu’elles s’éloignent ou s’approchent ; ou qu’elles reçoivent divers accidents d’ombres & de lumieres : mais c’est à l’œil à juger du plus ou du moins de force qu’on leur donne en les meslant.

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Cependant, interrompit Pymandre, si un grand ouvrage est traité avec le mesme art qu’un plus petit, le plus grand ne doit-il pas estre plus estimé ?
Il est vray, répondis-je ; mais c’est en quoy ils trouvoient de la difficulté, demeurant quasi tous d’accord qu’on ne peut faire paroistre tant de force dans une grande disposition d’ouvrage que dans un tableau qui est composé de peu de figures ; & la raison qu’ils en apportoient, est que la Peinture a ses bornes & ses limites […].
Cependant, dit Pymandre, il me semble qu’il faut bien plus de science pour traitter un grand ouvrage, pour le bien disposer, pour le remplir d’une infinité de differentes figures, d’habits, d’accomodemens, & pour y faire paroistre toutes ces parties dont vous m’avez parlé, que pour peindre seulement trois ou quatre figures ensemble.
Je vous avouë, repartis-je, que pour bien representer un grand sujet, il faut beaucoup plus de science, plus de travail, & que c’est-là qu’un Peintre a toute l’estendüe necessaire pour donner des marques de son sçavoir. Mais il y en a qui vous diront que ce n’est pas dans ces rencontres que l’art peut faire paroistre davantage sa puissance & la force de ses charmes.

 
[...] De sorte, dist Pymandre, que je puis sur cela vous faire une question, & vous demander ce que l’on doit le plus estimer dans un tableau ou le genie du Peintre, ou la force de l’Art.
Comme l’esprit du Peintre paroist dans tout ce qu’il fait, repartis-je, vous pourriez plustost demander lequel est le plus digne d’estime, ou celuy qui sçait tromper par la force de son Art, ou celuy qui montre beaucoup d’invention & de feu dans de grands ouvrages, mais qui ne trompent point comme les autres.


[…] Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir exécuté ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles se voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.

Pour moy, respondit Pymandre, je ne voudrois pas donner mon jugement là dessus ;
mais j'ay leu que Zeuxis ayant peint une Centaure, se fascha voyant que l’on en estimoit plustost la nouvelle invention, que l’art qu’il avoit employé à la bien representer, estimant davantage cette derniere partie que la premiere. Et j’ay encore remarqué que les Anciens ont fait beaucoup de cas de plusieurs tableaux qui n’estoient que de peu de figures.
C’est pourquoy, repris-je, ceux qui ont une inclination particuliere pour les Ouvrages du Titien, & des autres Peintres de Lombardie, disent que si les Anciens ont receu beaucoup de loüanges pour des sujets de peu de figures, l’on ne doit pas trouver à redire si le Titien pour les imiter a plustost tasché d’acquerir la partie de bien peindre, que celle qui regarde les grandes dispositions, & la connoissance particuliere de l’Histoire & des Coustumes.

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La distribution des objets forme des masses de clair-obscur, lorsque par une industrieuse œconomie on les dispose de maniere que ce qu’ils ont de lumineux se trouve joint ensemble d’un côté, & que ce qu’ils ont d’obscur se trouve lié ensemble d’un autre côté, & que cet amas de lumieres & d’ombres empêche la dissipation de notre vûe. C’est ce que le Titien appelloit la grappe de raisin : parceque les grains de raisin separés les uns des autres auroient chacun sa lumiere & son ombre également ; & partageant ainsi la vûe en plusieurs rayons, lui causeroient de la confusion : au lieu qu’étant tous rassemblés en une grappe, & ne faisant par ce moyen qu’une masse de clair & qu’une masse d’ombre, les yeux les embrassent comme un seul objet. Ce que je dis ici de la grappe de raisin ne doit pas être pris grossierement à la lettre, ni selon l’arrangement, ni selon la forme ; c’est une comparaison sensible qui ne signifie autre chose que la jonction des clairs, & la jonction des ombres.

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Are. Peu de tems aprés on le chargea de faire un grand tableau pour le maitre autel de l’eglise des freres Mineurs, dans le quel Titien encore tout jeune, peignit à l’huile, la Vierge qui monte au Ciel entre une multitude d’Anges qui l’accompagnent, […] il paroit veritablement qu’elle monte avec un visage plein d’humilité, & ses habits volent delicatement ; au bas sont les Apôtres, qui par differentes attitudes montrent la joye, & l’etonnement ; pour la plus part ils excedent la grandeur du naturel. Il est certain qu’on voit dans ce tableau la grandeur & le terrible de Michel Ange, la douceur, la grace de Rafael, & le vrai coloris de la nature. Ce fut là cependant le premier ouvrage qu’il fit à l’huile, il le fit en tres peu de tems, & tout jeune. Avec tout cela les peintres grossiers, & le sot peuple, qui jusqu’alors n’avoient vû autre chose que les peintures mortes & froides de Jean Bellin, de Gentil, & de Vivarino, car Georgion n’avoit point encore fait d’ouvrage à huile en public, & tout au plus y avoit peint quelque demi figure, quelques portraits qui etoient sans mouvement, & sans relief ; ils disoient tout le mal possible de ce tableau : l’envie venant ensuite à se reffroidir*, & la verité leur ouvrant peu à peu les yeux, on commença à admirer à Venise avec etonnement la nouvelle maniere que Titien tenoit ; & depuis ce tems là tous les peintres s’appliquerent à l’imiter ; mais parcequ’elle etoit hors de leur portée ils se trouverent egarés.
 
*Il est vrai que ce tableau ne plut point aux Moines ; mais l’Ambassadeur de l’Empereur l’aiant voulut acheter, ceci leur fit ouvrir les yeux, & en faire plus de cas.

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le Peintre doit considerer que les couleurs des draperies lui donnent un moyen de pratiquer avec adresse l’intelligence du Clair-obscur. Le Titien a mis en usage cet artifice dans la plûpart de ses Tableaux, en se servant de la liberté qu'il avoit de donner à ses draperies la couleur qui lui sembloit la plus convenable, ou pour servir de fond, ou pour étendre la lumiere, ou pour caracteriser les objets par la comparaison.

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Traveller,
            ’
Tis very true, tis one of the most difficult parts of Painting [ndr : le traitement de la draperie]; and the best Rule is, that your Drapery be in large Foldings, Noble and Simple, not repeated too often, but following the Order of the Parts ; and let them be of Stuffs and Silks that are commonly worn, of beautiful Colours, but sweet, and such as do not trench upon the Naked too harshly, and by that means they will be of great Use for the Union of the Whole ; either by reflecting the Light, or giving such a Fund as is wanting for the other Colours to appear better. They serve also to fill up any empty place in the Picture.
            There is also a Judicious Choice to be made of Draperies, according to the Quality of the Persons : Magistrates and Grave People must have Ample and Long Robes ; Countrey People and Souldiers must have Close, Short Draperies ; Young Maids and Women must have them Light, Thin, and Tender. They that follow the Drapery of the Antients in Statues, will always be Stiff, as Raphael was at first, because that they used little Foldings, often repeated ; which do best in Marble or Brass. But Painters who have the Command of Colours, Lights and Shadows, may extend their Draperies, and let them fly as they please. Titian, Paul Veronese, Tintoret, Rubens, and Vandike, have painted Drapery admirably ; and indeed the Lombard School have excell’d in that and Colouring, as the Roman and Florentine
in Design and Nudity.

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WE have been more particular in the Relation of this famous Piece [ndr : Bell fait ici référence au tableau commencé par Apelle et Protogènes sur lequel ces deux artistes ont successivement tracé des lignes – événement précédent de peu leur rencontre], because a large Dispute hangs upon it {Pliny, Lib. 35. Ch. 10.} : and the late Commentator upon our Author, Ludov. Demontiosius, seems very much offended at the generally received Acceptation of the Story of this noble Contention ; and would not by any Means admits that this Tryal of Skill was about the Subtilty of Lines ; for, as he says, with a good Share of Truth in the main, in a coloured Picture, or Painting, there is so little Use of Lines, that the very Appearance of any is justly reproveable ; for the Extremities should be lost and confounded in the Shadows, and ought to go off without any Thing of the least Stiffness, or Sharpness of a Line.
NEITHER will he admit it in Drawings, or Designs, with the Coal, or Pen, for that in those the true ARTIST never regarded so much the Fineness, or Courseness of his Touches ; but only how and where they served best to express the proper Shadowing and Raising of his Draught according to the Life ; and brings in for Instance many Drawings of the celebrated Masters of his Time, which he had seen of
Mich. Angela Bonoroti, Raphael de Urbin, Salviati, Polydore, and the Great Titian’s, where his Observation does not take Notice that any have in the least affected the Nicety of curious Lines.

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Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 33
Da ich von diesem Theil der Kunst / nehmlich der Colorit einen besonderen
Discours zu halten mit […] mir vorgenommen habe ; Indessen melde [ndr.: ich] nur sagen das Vornehmste/nemlich daß die Haupt-Person [Christus] durch einen grossen Tag erleuchtet/ die anderen aber nur mit einem streiffenden Licht beschienen werden/ […] daß allezeit in den Theilen des Gesichtes/ eine dunckele Farbe einer lichten und dann eine lichte einer dunckelen Farbe zum Grunde dienen müssen ; 

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Bey solcher Ausmahlung des Hauptwercks/ ist zuvorderst iedesmal eine Durchsicht offen zulassen/ zu Erkennung der Horizonts-Höhe. Darnach soll man seine Bilder vernünfftig eintheilen/ nicht zu dünn besäen; sondern/ wo das Hauptwerck hintrifft/ wol ins Gesicht bringen/ viel Figuren/ ja/ wol gantze Grupen oder Hauffen beysammen dahin stellen/ und iedwedes sein Amt also verrichten/ daß dahin auch das schönste Liecht gehalten/und der beste Gewalt des Wercks gesehen werde. Wie dessen/ in ihren Wercken alle fürnehme Meister/ als Titian und Tintoret, sonderlich der meisterhaffte Paul Verones erfahren/ gewesen/ und ihre Kunst-Wercke zu Exempeln hinterlassen. {Des Wohlstands} Man soll sich an kein besonder Bild binden; sondern allezeit meist Achtung geben/ auf daß/ was die gantze Historie erfordert; mit Beyfügung einiger der Materi/ wol anständiger fremder Ersinnung/ wolstehender Bilder/ guter Stellung und Affecten. Welche alle/ durch ihre Geberden zu erkennen geben/ was iedes Amt sagen will.

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on representa, que les anciens au sortir de la pratique de peindre à détrempe tomberent en quelque sorte de dureté par la grande force des ombres, comme on le peut remarquer en quelques ouvrages de Jule Romain, de Raphael, & autres, tant de l’École des Romains, que celles des Lombards qui ont travaille dans ces premiers tems là, où l’usage des reflexs, n’étoit point encore connu, que les reflexs sont d’une grande utilité pour produire l’union dans les couleurs, portants quelque chose des couleurs voisines dans l’ombre des corps, sur lesquels ils rejalissent, ce qui est l’avantage des siecles suivants où les habilles hommes se sont étudiés à la belle oeconomie & dispensation des couleurs, qui est le plus bel effet que peut produire leur raisonnable mariage ; Il faut de plus considerer leur valeur pour les ranger en sorte qu’elles puissent mutuellement s’entre-aider & se faire valoir par un judicieux contraste, leur force, pour les placer aux endroits que l’on veut faire paroître avancés ou reculées, & leur union pour les associer en une agreable correspondance ; mais on considera aussi qu’en s’attachant à ce menagement harmonieux des couleurs, on ne devoit pas negliger le bon choix des matieres & leur application, évitant le mélange de celles qui sont corruptibles avec celles qui sont pures, & l’avoisinement de celles qui peuvent causer quelque aigreur ou dureté à la vuë & sur tout dans leur Emploi, les appliquer proprement, chaque teinte en sa place ne les brouillant & tourmentant que le moins qu’il est possible, sur tout dans les carnations, où à l’imitation du Titien, on doit donner tout l’avantage, & l’éclat, en n’y approchant que des couleurs sales pour les faire paroître d’autant plus vives & plus fraiches

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EBAUCHE, EBAUCHER. L’ébauche est la premiere pensée du Peintre, le premier crayon, les premiers traits d’un ouvrage. Une premiere ébauche, une légére ébauche : ébaucher une tête, une figure, un païsage : son opposé est finir. Le Titien ébauchoit plusieurs tableaux, le Tintoret les finissoit.

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EBAUCHE, EBAUCHER. L’ébauche est la premiere pensée du Peintre, le premier crayon, les premiers traits d’un ouvrage. Une premiere ébauche, une légére ébauche : ébaucher une tête, une figure, un païsage : son opposé est finir. Le Titien ébauchoit plusieurs tableaux, le Tintoret les finissoit.

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l’on témoigna du Regret de ce qu’un talent si accompli [ndr : Titien] n’étoit pas accompagné de ceux qui sont les plus considerables en la Peinture à sçavoir la correction du dessein & des proportions ; on representa qu’il se trouvoit beaucoup moins de Peintres posseder cette correction, que ceux qui ont un beaufaire en traitant les couleurs, parce qu’outre que ce dernier est plus facile, on se laisse naturellement charmer à ce bel éclat exterieur ; l’on avoüa bien que cette partie est très necessaire, mais l’on dit qu’il ne s’y falloit pas tant attacher qu’au principal ; que d’en faire toute son étude, c’étoit se laisser éblouïr par l’apparence d’un beau corps sans considérer ce qui le doit animer, que Monsieur Poussain si celebre en l’une & en l’autre de ces parties, ayant donné quelque temps à l’étude particuliere de la couleur en revint si fort, que depuis il disoit hautement, que cette application singuliere n’étoit qu’un obstacle, pour empêcher de parvenir au veritable but de la Peinture, & celui qui s’attache au principal ; acquiert en pratiquant une assez belle maniere de peindre.

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ECOLE. On distingue cinq Ecoles ou cinq Classes de Peintres.
L’Ecole Romaine ou Florentine.
L’Ecole Venitienne.
L’Ecole de Lombardie.
L’Ecole Flamande & Allemande
L’Ecole Françoise.
On entend par ces noms les peintres Romains, Venitiens, Lombards, Flamands & François, 
Les autres nations n’ont point d’
Ecole qui porte leur nom ; ainsi l’on ne doit pas l’Ecole d’Espagne, l’Ecole d’Angleterre. 
[...] 
L’Ecole de Rome s’est principalement attachée au dessein.
L’
Ecole de Venise au coloris.
L’
Ecole de Lombardie à l’expression.
Et l’
Ecole Flamande au naturel. 
L’
Ecole Françoise a varié dans ses principes. 
Plusieurs Peintres célébres ont fondé des
Ecoles particulieres qui portent leur nom : l’Ecole  de Raphaël, l’Ecole des Carraches, l’Ecole du Titien. 
On entend par-là, les Peintres qui ont été les éléves de ces grands hommes, ou qui ont travaillé dans leur maniére.

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 [...] Il faut donc, poursuivit-elle [Princesse des cabalistes], s’étudier à la recherche d’une belle Manière de peindre, vague, hardie, & sans contrainte, d’un dessein tendre & coulant, mais libre & de grande maniere, sans s’attacher avec scrupule à cent choses, qui gâtent la majesté d’un ouvrage. Prenez pour exemplaires les ouvrages de l’illustre & fameux Michelange, le Coriphée des Peintres Anciens & Modernes, d’un Titien, d’un Tintoret, d’un Georgion, d’un Paul Veronese, du Guide, des Bassans, de S. Martin, de Rubens, de Vandick, & tant d’autres que mes maximes ont rendus celebres, & ausquels la science qu’ils ont acquise dans mon Ecole, a donné une réputation glorieuse & immortelle, malgré la jalousie & le caprice de quelques novateurs, qui sous pretexte du rétablissement de la Peinture, tâchent en vain d’élever sur le debris de l’estime qu’on a toûjours euë pour ces grands Peintres, une fausse renommée à leurs sectateurs, & faisans croire aux simples, qu’ils rendent un bon office à ce bel Art, le ruinent entierement, dégoûtans par les embarras & les difficultés dont ils l’ont obscurci, ceux qui avoient dessein de s’y perfectionner.

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Il [ndr : Titien] y fit une Judith admirable, & au dela de toute expression, pour le dessein & le coloris : de sorte qu’aprés qu’elle fut decouverte, tous les amis de Georgion croiant universellement que ce fut son ouvrage, lui en firent des complimens de congratulation comme de la meilleure chose sans comparaison, qu’il eut jamais faite. Georgion à son grand regret leur repondoit, qu’elle etoit de la main de son ecolier, qui montroit deja de surpasser le maitre : & ce qui pis est, il se tint quelques jours chez lui comme un desesperé, voiant qu’un jeune garçon en savoit plus que lui.

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La distribution des objets forme des masses de clair-obscur, lorsque par une industrieuse œconomie on les dispose de maniere que ce qu’ils ont de lumineux se trouve joint ensemble d’un côté, & que ce qu’ils ont d’obscur se trouve lié ensemble d’un autre côté, & que cet amas de lumieres & d’ombres empêche la dissipation de notre vûe. C’est ce que le Titien appelloit la grappe de raisin : parceque les grains de raisin separés les uns des autres auroient chacun sa lumiere & son ombre également ; & partageant ainsi la vûe en plusieurs rayons, lui causeroient de la confusion : au lieu qu’étant tous rassemblés en une grappe, & ne faisant par ce moyen qu’une masse de clair & qu’une masse d’ombre, les yeux les embrassent comme un seul objet. Ce que je dis ici de la grappe de raisin ne doit pas être pris grossierement à la lettre, ni selon l’arrangement, ni selon la forme ; c’est une comparaison sensible qui ne signifie autre chose que la jonction des clairs, & la jonction des ombres.

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330. [Le Blanc tout pur avance ou recule indifferement, il s’approche avec du Noir, & s’éloigne sans luy.] Tout le monde convient, que le Blanc peut subsister sur le devant du Tableau, & y estre employé tout pur ; la question est donc de sçavoir s’il peut également subsister & estre placé de la mesme sorte sur le derriere, la Lumiere estant universelle, & les Figures supposées dans une campagne. Nostre Auteur [ndr : Charles-Alphonse Dufresnoy] conclud affirmativement ; & la raison qui appuye ce Precepte est, Que n’y ayant rien qui participe davantage de la Lumiere que le Blanc, & la Lumiere pouvant fort bien subsister dans le lointin (comme nous le voyons tous les jours au lever & au coucher du Soleil,) il s’ensuit que le Blanc y peut subsister aussi : En Peinture la Lumiere & le Blanc ne sont quasi que la mesme chose. Ajoûtez à cela que nous n’avons point de Couleur plus approchante de l’Air que le Blanc, & par consequent point de Couleur plus legere […]. Le Titien, Tintoret, Paul Veronese, & tous ceux qui ont le mieux entendu les Lumieres, l’ont observé de la sorte, & personne ne peut aller à l’encontre de ce Precepte, à moins que de renoncer au païsage, qui nous confirme parfaitement cette verité ; & nous voyons que tous les Grands Païsagistes ont suivy en cela le Titien, qui s’est toûjours servy de Couleurs brunes & terrestres sur le devant, & qui a reservé ses plus grands Clairs pour les lointins & les derrieres de ses Païsages. […] 
On peut objecter à cette opinion, Que le Blanc ne peut se tenir dans le lointin ; puisque l’on s’en sert ordinairement pour faire approcher les Objets sur le devant. Il est vray que l’on s’en sert, & mesme fort à propos, pour rendre les Objets plus sensibles par l’opposition du Brun qui le doit accompagner, & qui le retient comme malgré luy ; soit que ce Brun luy serve de fond, ou qu’il luy soit attaché. […]
Mais, il semble (direz-vous) que le Bleu est la Couleur la plus fuyante ; puisque le Ciel & les Montagnes les plus éloignées sont de cette Couleur. Il est bien vray que le Bleu est une Couleur des plus legeres & des plus douces : mais il est vray aussi qu'elle a d'autant plus toutes ces qualitez, qu’il y a de Blanc meslé dedans, comme l'exemple des lointins nous le fait connoistre. […]
Que si la Lumiere de vostre Tableau n’est point universelle, & que vous supposiez vos Figures dans une Chambre, pour lors souvenez-vous du Theorème, qui dit, que
Plus un Corps est proche de la Lumière, & nous est directement opposé, plus il est éclairé ; parce que la Lumiere s’affoiblit en s’éloignant de sa source. Vous pourrez encore éteindre vostre Blanc, si vous supposez l'Air estre un peu plus épais, & si vous prevoyez que cette supposition fera un bon effet dans l’œconomie de tout l’Ouvrage : mais que cela n'aille pas jusqu'à faire vos Figures d'une demie teinte si brune, qu'il semble qu'elles soient dans un vilain brouillard, ou qu'elles paroissent attachées à leur fonds. […]

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on representa, que les anciens au sortir de la pratique de peindre à détrempe tomberent en quelque sorte de dureté par la grande force des ombres, comme on le peut remarquer en quelques ouvrages de Jule Romain, de Raphael, & autres, tant de l’École des Romains, que celles des Lombards qui ont travaille dans ces premiers tems là, où l’usage des reflexs, n’étoit point encore connu, que les reflexs sont d’une grande utilité pour produire l’union dans les couleurs, portants quelque chose des couleurs voisines dans l’ombre des corps, sur lesquels ils rejalissent, ce qui est l’avantage des siecles suivants où les habilles hommes se sont étudiés à la belle oeconomie & dispensation des couleurs, qui est le plus bel effet que peut produire leur raisonnable mariage ; Il faut de plus considerer leur valeur pour les ranger en sorte qu’elles puissent mutuellement s’entre-aider & se faire valoir par un judicieux contraste, leur force, pour les placer aux endroits que l’on veut faire paroître avancés ou reculées, & leur union pour les associer en une agreable correspondance ; mais on considera aussi qu’en s’attachant à ce menagement harmonieux des couleurs, on ne devoit pas negliger le bon choix des matieres & leur application, évitant le mélange de celles qui sont corruptibles avec celles qui sont pures, & l’avoisinement de celles qui peuvent causer quelque aigreur ou dureté à la vuë & sur tout dans leur Emploi, les appliquer proprement, chaque teinte en sa place ne les brouillant & tourmentant que le moins qu’il est possible, sur tout dans les carnations, où à l’imitation du Titien, on doit donner tout l’avantage, & l’éclat, en n’y approchant que des couleurs sales pour les faire paroître d’autant plus vives & plus fraiches ; enfin que dans cette partie de la couleur, l’on doit considerer ces trois choses conjointement pour y exceller, la belle oeconomie des couleurs, la propreté dans leur mêlange & application, & la liberté du Pinceau ; ces trois choses (qui bien souvent font chacune tout le talant d’un homme) ne se doivent jamais separer, encore qu’ils requierent chacun un soin particulier pour imiter la beauté du naturel.

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19 O seldtsame Durer, Duytschlandts beroemen, {Durers werc te Francfoort tot exempel.}
Te Franckfoort in’t Clooster daer sietmen blijcken
Dees suyver edelheyt, weerdich te noemen:
Iae Brueghel en Lucas al dese bloemen, {Brueghel, Lucas, en Ioannes van Eyck exempelen, van ten eersten suyver op te doen.}
Te recht Plus ultra schreven in de rijcken
Der Schilders, voormaels met een vast bedijcken,
Datse niemant licht en soud’ achterhalen,
Met Ioannes, voor al den principalen.
 
20 Op dees edelheyt dees t’samen wel pasten,
En leyden hun verwen schoon, net en blijde,
Ginghen de penneelen soo niet belasten,
Als nu, dat men schier blindelijck mach tasten
En bevoelen al t’werck aen elcker sijde :
Want de verwen ligghen wel t’onsen tijde,
Soo oneffen en rouw, men mochtse meenen {Van de rouwicheyt eenigher in desen tijdt.}
Schier te zijn half rondt, in ghehouwen steenen.
 
21 Netticheyt is prijsich, die den ghesichte{Nette dingen, die noch de gheesticheyt behouden, zijn prijselijck, en houden den aenschouwer lange speculerende.}
Soet voedtsel ghevende doet langhe merren,
Bysonder als haer aenclevend’ is dichte
Oock aerdt, gheest, en cloeckeyt, en datse lichte
Haren welstandt niet en weyghert van verren,
Niet meer als van by, sulck dinghen verwerren
Doet aen hem, en door ooghen onversadich,
T’herte vast cleven met lusten ghestadich.
 
22 Van Tizianus den grooten wy mercken, {Exempel Tizianus, zijn dingen stonden eerst wel van by, en van verre.}
Wt Vasari schriften ons wel profijtich,
Hoe hy in de bloeme zijns Ieuchts verstercken
Plocht uyt te voeren zijn constighe wercken,
Met onghelooflijcke netticheyt vlijtich :
De welcke niet te berispen verwijtich
En waren, maer behaeghden wel een yder,
T’zy ofmender verre van stondt oft byder.

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Now the Painter expresseth two things with his colour : First the colour of the thing, whether it be artificial or natural, which he doth with the like colour, as the colour of a blew garment with artificial blew, or the green colour of a Tree with the like green : Secondly he expresseth the light of the Sun, or any other bright Body apt to lighten or manifest the colours, and because colour cannot be seen without light, being nothing else (as the Philosophers teach) but the extream Superficies of a dark untransparent Body lightned, I hold it expedient for him that will prove exquisite in the use thereof, to be most diligent in searching out the effects of light, when it enlightneth colour, which who so doth seriously consider, shall express all those effects with an admirable Grace ; […].
Now when the
Painter would imitate this blew thus lightned, he shall take his artificial blew colour, counterfeiting therewith the blew of the garment, but when he would express the light, wherewith the blew seems clearer, he must mix so much white with his blew, as he findeth light in that part of the garment, where the light striketh with greater force, considering afterwards the other part of the garment, where there is not so much light, and shall mingle less white with his blew proportionably, and so shall he proceed with the like discretion in all the other parts : and where the light falleth not so vehemently, but only by reflexion there he shall mix so much shadow with his blew, as shall seem sufficient to represent that light, loosing it self as it were by degrees, provided alwayes, that where the light is less darkned, there he place his shadow,
In which judicious expressing of the effects of light together with the
colours, Raphael Urbine, Leonard Vincent, Antonius de Coreggio and Titian were most admirable, handling them with so great discretion and judgement, that their Pictures seemed rather natural, then artificial ; the reason whereof the vulgar Eye cannot conceive, notwithstanding these excellent Masters expressed their chiefest art therein, considering with themselves that the light falling upon the flesh caused these and such like effects, in which kind Titan excelled the rest, who as well to shew his great Skill therein, as to merit commendation, used to cozen and deceive Mens Eyes, […].

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Ceux [ndr : les peintres] au contraire qui sont dans le style Pastoral, s’attachent fortement à la couleur pour représenter plus vivement la verité. L'un & l'autre style ont leurs spectateurs & leurs partisans. […]
Ainsi pour contrebalancer l’élevation des Païsages Heroïques, je croirois qu’il seroit à propos de jetter dans les Païsages champêtres, non seulement un grand caractere de verité, mais encore quelque effet de la Nature piquant, extraordinaire & vraisemblable, comme a toujours fait le Titien.

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[…] une teinte qui de près paroît separée & d’une certaine couleur, paroîtra d’une autre couleur dans sa distance, & se confondra dans la masse dont elle fait partie. Si vous voulez donc que votre ouvrage fasse un bon effet du lieu d’où il doit être vû, il faut que les couleurs & les lumieres en soient un peu exagerées ; mais savamment & avec une grande discretion. Voyez la maniere dont Titien, Rubens, Vandeik, & Rembrant en ont usé : car leur artifice est merveilleux.

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282. [Que vous fassiez paroistre les Corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, &c.] C’est à dire proprement, qu’apres de grands Clairs il faut de grandes Ombres, qu’on appelle des Repos ; parce que effectivement la veuë seroit fatiguée, si elle estoit attirée par une continuité d’objets petillans. Les Clairs peuvent servir de repos aux Bruns, comme les Bruns en servent aux Clairs. […]
Ces Repos se font de deux manieres, dont l’une est Naturelle, & l’autre Artificielle : La Naturelle se fait par une étenduë de Clairs ou d’Ombres, qui suivent naturellement & necessairement les Corps solides, ou les Masses de plusieurs Figures agrouppées lors que le jour vient à frapper dessus : Et l’Artificielle consiste dans les Corps des Couleurs que le Peintre donne à de certaines choses telles qu’il luy plaist, & les compose de telle sorte, qu’elles ne fassent point de tort aux Objets qui sont auprés d’elles. Une Draperie par exemple que l’on aura fait jaune ou rouge en certain endroit, pourra estre dans un autre de Couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l’effet que l’on demande. L’on doit prendre occasion autant qu’il est possible de se servir de la premiere Maniere, & de trouver les Repos dont nous parlons par le Clair ou par l’Ombre, qui accompagnent naturellement les Corps solides […] 
Ainsi le Peintre qui a de l'intelligence prendra ses avantages de l'une & de l'autre Maniere ; & s'il fait un Dessein qui doive estre gravé, il se souviendra que les Graveurs ne disposent pas des Couleurs, comme font les Peintres, & que par consequent il doit prendre occasion de trouver les Repos de son Dessein dans les Ombres naturelles des Figures, qu'il aura disposées à cet effet. Rubens en donne une parfaite connoissance dans les Estampes qu'il a fait graver ; & je ne croy pas que l'on puisse rien voir de plus beau en ce genre : Toute l'intelligence des Grouppes, du Clair-Obscur & de ces Masses que le Titien appelloit
la Grappe de Raisin, y est si nettement exposée, que la veüe de ces Estampes & l'attention que l'on y apporterait contribueraient beaucoup à faire un Habile-homme. […]
Ce n'est pas que les Graveurs ne puissent & ne doivent imiter les Corps des Couleurs par les degrez du Clair-Obscur, autant qu'ils jugeront que cela doit produire un bel effet ; au contraire il est à mon avis, impossible de donner beaucoup de force à tout ce que l'on gravera d'après les Ouvrages de l'Ecole de Venise, & de tous ceux qui ont eu l'intelligence des Couleurs & du Contraste du Clair-Obscur, sans imiter en quelque façon la Couleur des Objets selon le rapport qu'elle a aux degrez du Blanc & du Noir. […]

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{Die Farben müßen jedem Bild seine Natur geben} Wann man aber den Alten/in einen Winkel/ mit einem gelben/ braunen/ oder von Sonne und Staub erschwärzten vernebelten Angesicht/vorstellet/ gegenüber einen jungen Verliebten/ mit seiner Dame, ganz schön/ licht/ feuring und brennend/ bald weiß/ bald roht/ conversiren/ auch die Kinder schön weiß und röhtlich machet: wird solche uneinige Misculanz, bald eine einige liebliche Concordanz auf dem Kunst-Blat gebähren/ und die niedere/ bleiche und dunkele/ der hellen/ feurigen und hochtrabenden Farbe erst ein Preis-volles ansehen und folgbar dem Künstler alle Ehre/ erwerben […].

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Das 3. Capitel. Von Farben.
Man muß den Alten nicht ein licht, rothes, friches, und den jungen Menschen hingegen ein gelb-braunes, langweiliger, träger Angesicht zueignen. Wenn aber den alten in einen Winckel mit einen gelb-braunen, oder von der Sonne und Staub verschwärtzten, und vernebelten Angesicht vorstellet, gegen über aber einen jungen Verliebten mit feiner Dame ganz schöne, lichte, feurig und brennend, balb weiß, bald röthlich machete, so wird solche stritige Uneinigkeit bald eine leibliche Einigkeit auf den Kunst-Blatte gebähren, und die niedere, bleiche und dunckele Farbe erst ein Preiß volles Ansehen, und folgbahre Ehre dem Künstler erwerben. Dessen allen haben sich unter den alten berühmten Kunst-Mahlern Raphael Urbini, Corregio, Titian, und viel andere mehr auf Mauren in Oel-Farben, mit sonderbahren, erleuchteren Urtheil und Verstand zu ihren immerwehrenden Lob und Ruhm bey aller Nach-Welt sehr künstlich bedienet, wie den nicht andere neben ihnen auch unsere alte Teutsche als Albrecht Dürer, Hans Hollpein, und andere mehr nach und nach die Verbesserung des Coloritz und des natürlichen Wesen erfunden. 

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Au lieu que les Artisans sans génie, qui sont aussi propres à être les Eleves du Poussin que du Titien, demeurent durant toute leur vie dans la route où le hazard les peut avoir engagez, les Artisans doüez de génie, s'apperçoivent, quand le hazard les égare, que la route qu'ils ont prise n'est point celle qui leur convient. Ils l'abandonnent pour en prendre une autre ; ils quittent celle de leur maître pour s'en faire une nouvelle. Par maître, j'entends ici les ouvrages aussi bien que les personnes.Raphaël, mort depuis deux cens ans, peut encore faire des Eleves. Notre jeune Artisan, doüé de génie, se forme donc lui-même une pratique pour imiter la nature, & il forme cette pratique des maximes résultantes de la réflexion qu'il fait sur son travail & sur le travail des autres. Chaque jour ajoûte ainsi de nouvelles lumieres à celles qu'il avoit acquises précedemment. […] Le génie est dans les hommes, ce qui vieillit le dernier. […] Plusieurs témoins oculaires m'ont raconté, que le Poussin avoit été jusques à la fin de sa vie un jeune Peintre du côté de l'imagination. Son mérite avoit survécu à la dextérité de sa main, & il inventoit encore, quand il n'avoit plus les talens nécessaires à l'exécution de ses inventions.

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Het is myn vast gevoelen dat de Oeffening der plooijen niet volkomen geleerd kan worden, zonder de Leeman te gebruiken; Want wat baat het dat men zich uitmergeld met kleêren uit de Geest te Teikenen als wy ’t leeven voor ons kunnen hebben, zonder welke het onmogelyk is de natuur der Stoffe te doorgronden: daar zich, in tegendeel, veele niet anders oeffenen dan naar de Statuaas en fraaiste printen der beroemste meesters, welke hier in uitgemunt hebben: als Raphaël, Barotius, Guido, Albaan, Pousyn &c; denkende uit dezelfde reeds een gebaande weg te hebben gevonden, om tot genoegzame volkomentheid te geraken, en hun oogmerk te bereiken. Daar men nochtans weet, dat Raphaël voornaamentlyk, die gelegentheid niet gehad hebbende, echter in zyn tyd, de fraayste dingen voor den dag gekomen zyn. Nu zoude men mogen vragen, waarom eenige andere vermaarde Meesters, als Titiaan, Tintoret, Paulo Veronees, Julio Romano, Michel Angelo, Dominiquin, Bassan &c, zo goed daar in niet geoordeeld werden? de reeden is deeze, dat Raphaël het leeven gebruikt heeft, wel te verstaan een Leeman, waar door hy de natuur en eigenschap der Stoffe grondig heeft leeren onderzoeken: alhoewel men hem nogtans zou kunnen beschuldigen dat hy zyn beelden de meesten tyd met eenderly Stoffe kleeden, in voorvallen, daar de verandering genoegzaam verschillende kon geweest hebben. Evenwel moet men bekennen dat ‘er voor, noch naderhand, geen zo ervaren en Konstryk in dezelve geweest is, dan een alleen, te weten Nikolas Poussyn; echter is dit geen wonder; dewyl hy het Natuurlyke leeven onderzocht en gebruikten gelyk hem bewust was dat Raphaël gedaan had, en niet gelyk anderen die alleen zyn werk navolgden: daarom zyn zy ook slegter geweest, hebben minder kennis gehad, en meenigmaal niet van de natuur der stoffe of plooijen geweeten.

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[...] De sorte, dist Pymandre, que je puis sur cela vous faire une question, & vous demander ce que l’on doit le plus estimer dans un tableau ou le genie du Peintre, ou la force de l’Art.
Comme l’esprit du Peintre paroist dans tout ce qu’il fait, repartis-je, vous pourriez plustost demander lequel est le plus digne d’estime, ou celuy qui sçait tromper par la force de son Art, ou celuy qui montre beaucoup d’invention & de feu dans de grands ouvrages, mais qui ne trompent point comme les autres.

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282. [Que vous fassiez paroistre les Corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, &c.] C’est à dire proprement, qu’apres de grands Clairs il faut de grandes Ombres, qu’on appelle des Repos ; parce que effectivement la veuë seroit fatiguée, si elle estoit attirée par une continuité d’objets petillans. Les Clairs peuvent servir de repos aux Bruns, comme les Bruns en servent aux Clairs. […]
Ces Repos se font de deux manieres, dont l’une est Naturelle, & l’autre Artificielle : La Naturelle se fait par une étenduë de Clairs ou d’Ombres, qui suivent naturellement & necessairement les Corps solides, ou les Masses de plusieurs Figures agrouppées lors que le jour vient à frapper dessus : Et l’Artificielle consiste dans les Corps des Couleurs que le Peintre donne à de certaines choses telles qu’il luy plaist, & les compose de telle sorte, qu’elles ne fassent point de tort aux Objets qui sont auprés d’elles. Une Draperie par exemple que l’on aura fait jaune ou rouge en certain endroit, pourra estre dans un autre de Couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l’effet que l’on demande. L’on doit prendre occasion autant qu’il est possible de se servir de la premiere Maniere, & de trouver les Repos dont nous parlons par le Clair ou par l’Ombre, qui accompagnent naturellement les Corps solides […] 
Ainsi le Peintre qui a de l'intelligence prendra ses avantages de l'une & de l'autre Maniere ; & s'il fait un Dessein qui doive estre gravé, il se souviendra que les Graveurs ne disposent pas des Couleurs, comme font les Peintres, & que par consequent il doit prendre occasion de trouver les Repos de son Dessein dans les Ombres naturelles des Figures, qu'il aura disposées à cet effet. Rubens en donne une parfaite connoissance dans les Estampes qu'il a fait graver ; & je ne croy pas que l'on puisse rien voir de plus beau en ce genre : Toute l'intelligence des Grouppes, du Clair-Obscur & de ces Masses que le Titien appelloit
la Grappe de Raisin, y est si nettement exposée, que la veüe de ces Estampes & l'attention que l'on y apporterait contribueraient beaucoup à faire un Habile-homme. […]
Ce n'est pas que les Graveurs ne puissent & ne doivent imiter les Corps des Couleurs par les degrez du Clair-Obscur, autant qu'ils jugeront que cela doit produire un bel effet ; au contraire il est à mon avis, impossible de donner beaucoup de force à tout ce que l'on gravera d'après les Ouvrages de l'Ecole de Venise, & de tous ceux qui ont eu l'intelligence des Couleurs & du Contraste du Clair-Obscur, sans imiter en quelque façon la Couleur des Objets selon le rapport qu'elle a aux degrez du Blanc & du Noir. […]

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Et après avoir beaucoup étudié & copié à la plume ou au crayon le Titien & les Caraches, leurs Estampes premierement, puis leurs Desseins, si l’on en peut avoir, il faut tâcher d’imiter avec le pinceau les touches que ces grands Hommes ont le plus nettement specifiées. Mais comme les Tableaux du Titien & ceux des Caraches sont fort rares, on peut leur en substituer d’autres qui ont eu un bon caractere dans leur touche, parmi lesquels on peut suivre Fouquier, comme un très-excellent modèle : Paul Bril, Breugle, & Bourdon sont encore très-bons, leur touche est nette, vive, & legere.

Quotation

[…] Il faut en premier lieu estudier à fond les traits naturels, & ensuite remarquer exactement l’expression de quelque Peintre renommé. Par exemple le Titien qui a reüssi dans la carnation d’une maniere si excellente, & si particuliere, qu’en cela il a surpassé toute l’antiquité, dont les plus beaux Tableaux n’aprochent par asseurement ceux de ce fameux Peintre pour ce qui est de la carnation, qu’on void si vivement exprimée dans tous les siens, qu’il semble effectivement que le sang coule dans les veines de ses figures.

Quotation

Le Peintre allant à la campagne, doit estre fourny de Tablettes & de Crayon, pour remarquer les choses qu’il voit estre dignes, comme ont fait le Titien, les Caraches, & autres bons Maistres, comme il se voit entre les mains des Curieux de Peinture, quantité d’Estudes & Remarques que ses grands Hommes ont faites sur des fuëilles [sic] & sur des Livres en tablettes qu’ils portoient toûjours sur eux.
Je ne parle point icy des premiers commencemens du dessein, comme du maniement du Crayon, du juste rapport que doit avoir la copie avec son original.
Je suppose avant que de commencer ses Estudes, que l’on doit avoir une facilité dans la main, pour imiter les beaux Desseins, les beau [sic] Tableaux & la Ronde-bosse : Que l’on doit enfin avoir la Clef du dessein, pour en profiter selon nos soins & nostre genie.

Quotation

C’est pourquoy, repris-je, ceux qui ont une inclination particuliere pour les Ouvrages du Titien, & des autres Peintres de Lombardie, disent que si les Anciens ont receu beaucoup de loüanges pour des sujets de peu de figures, l’on ne doit pas trouver à redire si le Titien pour les imiter a plustost tasché d’acquerir la partie de bien peindre, que celle qui regarde les grandes dispositions, & la connoissance particuliere de l’Histoire & des Coustumes. Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir executé ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.

Quotation

Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 31
Angehends das Dritte Theil/ die
Expression, so eussern sich hierbey recht geistereiche Anmerckungen/ dann die Gebehrden der meisten Figuren dieses Gemäldes/ leiten das Auge des Anschauers so gleich auf die Haupt-Figur/ so hat er ller dreyen Personen ihre Gebährden den recht eigentlich nach dem Ambt und dem Stande eines jederen ins besondere wohl exprimiret und aus-gedrücket ; […]/ 

Quotation

Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

Quotation

Friend,
            When a Painter has acquired any Excellency in
Desinging, readily and strongly ; What has he to do next ?
                        Traveller,
            That is not half his Work, for then he must begin to mannage his
Colours, it being particularly by them, that he is to express the greatness of his Art. ’Tis they that give, as it were, Life and Soul to all that he does ; without them, his Lines will be but Lines that are flat, and without a Body, but the addition of Colours makes that appear round ; and as it were out of the Picture, which else would be plain and dull. ’Tis they that must deceive the Eye, to the degree, to make Flesh appear warm and soft, and to give an Air of Life, so as his Picture may seem almost to Breath and Move.
                        Friend,
            Did ever any Painter arrive to that Perfection you mention ?
                        Traveller,
            Yes, several, both of the
Antient and Modern Painters. Zeuxis Painted Grapes, so that the Birds flew at them to eat them. Apelles drew Horses to such a likeness, that upon setting them before live Horses, the Live ones Neighed, and began to kick at them, as being of their own kind. And amongst the Modern Painters, Hannibal Carache, relates to himself, That going to see Bassano at Venice, he went to take a Book off a Shelf, and found it to be the Picture of one, so lively done, that he who was a Great Painter, was deceived by it. The Flesh of Raphael’s Pictures are so Natural, that this seems to be Alive. And so do Titians Pictures, who was the Greatest Master for Colouring that ever was, having attained to imitate Humane Bodies in all the softness of Flesh, and beauty of Skin and Complexion.

Quotation

Now the Painter expresseth two things with his colour : First the colour of the thing, whether it be artificial or natural, which he doth with the like colour, as the colour of a blew garment with artificial blew, or the green colour of a Tree with the like green : Secondly he expresseth the light of the Sun, or any other bright Body apt to lighten or manifest the colours, and because colour cannot be seen without light, being nothing else (as the Philosophers teach) but the extream Superficies of a dark untransparent Body lightned, I hold it expedient for him that will prove exquisite in the use thereof, to be most diligent in searching out the effects of light, when it enlightneth colour, which who so doth seriously consider, shall express all those effects with an admirable Grace ; […].
Now when the
Painter would imitate this blew thus lightned, he shall take his artificial blew colour, counterfeiting therewith the blew of the garment, but when he would express the light, wherewith the blew seems clearer, he must mix so much white with his blew, as he findeth light in that part of the garment, where the light striketh with greater force, considering afterwards the other part of the garment, where there is not so much light, and shall mingle less white with his blew proportionably, and so shall he proceed with the like discretion in all the other parts : and where the light falleth not so vehemently, but only by reflexion there he shall mix so much shadow with his blew, as shall seem sufficient to represent that light, loosing it self as it were by degrees, provided alwayes, that where the light is less darkned, there he place his shadow,
In which judicious expressing of the effects of light together with the
colours, Raphael Urbine, Leonard Vincent, Antonius de Coreggio and Titian were most admirable, handling them with so great discretion and judgement, that their Pictures seemed rather natural, then artificial ; the reason whereof the vulgar Eye cannot conceive, notwithstanding these excellent Masters expressed their chiefest art therein, considering with themselves that the light falling upon the flesh caused these and such like effects, in which kind Titan excelled the rest, who as well to shew his great Skill therein, as to merit commendation, used to cozen and deceive Mens Eyes, […].

Quotation

Again Titian to make known his art his lights and shadows, when he would express the lightest part of the Body used to add a little too much white, making it much lighter then his pattern, and in the obscure parts, where the light fell by reflexion, a little too much shadow, in resemblance of the decay of the light in that part of the Body, and so his work seemeth to be much raised, and deceive the sight, for the light which cometh to the Eye, in a Pyramidal forme (as shall be shewed in the ensuing discourse) cometh with a blunter and bigger Angle, and so is seen more evidently, whence ariseth a wonderfull eminency, the especial cause whereof is, because there is much more shadow then needeth in that part, where the light decayeth most, so that the vusual lines failing, that part cometh to the Eye in an accuter and sharper angle, and therefore cannot be seen so perfectly, insomuch that that part seemeth to fly inwards, and stand farther off. Thus when the Four parts of a Body are much raised, and the hinder fly sufficiently inwards, there appeareth a very great heightning, which giveth a wonderfrll Spirit, and after this sort Titian beguiled the Eyes of such as beheld his most admirable works.

Quotation

Titian was the best Colourer, perhaps, that ever was ; he Designed likewise very well, but not very exactly ; the Airs of his Heads for Women and Children are admirable, and his Drapery loose and noble ; his Portraits are all Master-pieces, no man having ever carried Face-Painting so far ; the Persons that he has drawn having all the Life and Spirit as if they were alive ;

Quotation

{Die Gewänder sind nach dem Geschlecht/ Stand und Stellung der Personen/ auch nach den Lands-Arten/ unterscheiden.}
Es ist/ in den Gewändern/ zuvörderst der Unterschied zu beobachten: weil deren Form/ Farben und Falten/ nach Alter/ Stand und Stellung der Personen/ nach dem Männ- und Weiblichen Geschlecht/auch nach alt- und neuem Lands-Gebrauch und al modo, ganz ungleich sind.
{Vom Obergewand/ und Rundung der Falten} [...]
{Die Glieder müßen/ unter dem Gewand/ hervorscheinen. Die Falten/ müßen nicht überhäuft seyn} [...]
{Linde und grobe Falten} [...]
{Mancherley Falten der Zeuge} [...]

Quotation

{Die Farben müßen jedem Bild seine Natur geben} Wann man aber den Alten/in einen Winkel/ mit einem gelben/ braunen/ oder von Sonne und Staub erschwärzten vernebelten Angesicht/vorstellet/ gegenüber einen jungen Verliebten/ mit seiner Dame, ganz schön/ licht/ feuring und brennend/ bald weiß/ bald roht/ conversiren/ auch die Kinder schön weiß und röhtlich machet: wird solche uneinige Misculanz, bald eine einige liebliche Concordanz auf dem Kunst-Blat gebähren/ und die niedere/ bleiche und dunkele/ der hellen/ feurigen und hochtrabenden Farbe erst ein Preis-volles ansehen und folgbar dem Künstler alle Ehre/ erwerben […].

Quotation

Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 33
Da ich von diesem Theil der Kunst / nehmlich der Colorit einen besonderen
Discours zu halten mit […] mir vorgenommen habe ; Indessen melde [ndr.: ich] nur sagen das Vornehmste/nemlich daß die Haupt-Person [Christus] durch einen grossen Tag erleuchtet/ die anderen aber nur mit einem streiffenden Licht beschienen werden/ […] daß allezeit in den Theilen des Gesichtes/ eine dunckele Farbe einer lichten und dann eine lichte einer dunckelen Farbe zum Grunde dienen müssen ; 

Quotation

Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 33-34
Ja ob er gleich an die Farben der Kleider Christi und seiner Jünger gebunden war / so hat er dennoch durch Hülffe des fünfften Theils/ nemlich der
Perspective, sie also zu brechen wissen/ daß eine jedere ihren behörigen Ort behält/ und nicht mehr vorkomt oder wegweicht als sie sol. Alle insgesambt aber machen eine schöne Harmonie, und vermehret je eine des anderen schöne.

Quotation

Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 34
[ndr.: Vom Vierten Theil, nehmlich der Colorit] Wie starck glänzet nicht die auf den Horizont untergehehende Sonne ? und gibt doch denen auf dem Vorgrunde sich befindenden Tagen keinen Verdruß, wer wundert sich nicht/ daß die sonst starck schreiende Farben/ worinnen dieser gekleidet ist/ und die an dem Rande des Gemähldes gestellet seyn/ dennoch das Auge des Anschauers denen gelinden Farben des Kleides Christi nicht entziehen ?

Quotation

Das 3. Capitel. Von Farben.
Man muß den Alten nicht ein licht, rothes, friches, und den jungen Menschen hingegen ein gelb-braunes, langweiliger, träger Angesicht zueignen. Wenn aber den alten in einen Winckel mit einen gelb-braunen, oder von der Sonne und Staub verschwärtzten, und vernebelten Angesicht vorstellet, gegen über aber einen jungen Verliebten mit feiner Dame ganz schöne, lichte, feurig und brennend, balb weiß, bald röthlich machete, so wird solche stritige Uneinigkeit bald eine leibliche Einigkeit auf den Kunst-Blatte gebähren, und die niedere, bleiche und dunckele Farbe erst ein Preiß volles Ansehen, und folgbahre Ehre dem Künstler erwerben. Dessen allen haben sich unter den alten berühmten Kunst-Mahlern Raphael Urbini, Corregio, Titian, und viel andere mehr auf Mauren in Oel-Farben, mit sonderbahren, erleuchteren Urtheil und Verstand zu ihren immerwehrenden Lob und Ruhm bey aller Nach-Welt sehr künstlich bedienet, wie den nicht andere neben ihnen auch unsere alte Teutsche als Albrecht Dürer, Hans Hollpein, und andere mehr nach und nach die Verbesserung des Coloritz und des natürlichen Wesen erfunden. 

Quotation

J'ajouterai encore une consideration touchant les ouvrages qui ne demandent pas beaucoup d'invention, c'est que les faussaires en peinture les contrefont bien plus aisément qu'ils ne peuvent contrefaire les ouvrages où toute l'imagination de l'Artisan a eu lieu de se déploïer. Les faiseurs de Pastiches, ce sont ces tableaux peints dans la maniere d'un grand Artisan, & qu'on expose sous son nom, bien qu'il ne les ait jamais vus ; les faiseurs de Pastiches, dis-je, ne sçauroient contrefaire l'ordonnance, ni le coloris, ni l'expression des grands Maîtres. On imite la main d'un autre, mais on n'imite pas de même, pour parler ainsi, son esprit, & l'on n'apprend point à penser comme un autre, ainsi qu'on peut apprendre à prononcer comme lui.
Le Peintre médiocre qui voudroit contrefaire une grande composition du Dominiquin ou de Rubens, ne sçauroit nous en imposer plus que celui qui voudroit faire un Pastiche sous le nom du Georgeon ou du Titien. Il faudroit avoir un génie presque égal à celui du Peintre qu'on veut contrefaire, pour réussir à faire prendre notre ouvrage pour être de ce Peintre. On ne sçauroit donc contrefaire le génie des grands hommes, mais on réussit quelquefois à contrefaire leur main, c'est-à-dire, leur maniere de coucher la couleur & de tirer les traits, les airs de tête qu'ils répetoient & ce qui pouvoit être de vicieux dans leur pratique. Il est plus facile d'imiter les défauts des hommes que leurs perfections. Par exemple, on reproche au Guide d'avoir fait ses têtes trop plates. Ses têtes manquent souvent de rondeur, parce que leurs parties ne se détachent point & ne s'élevent pas assez l'une sur l'autre. Il suffit donc, pour lui ressembler en cela, de se négliger & de ne point se donner la peine de pratiquer ce que l'art enseigne à faire pour donner de la rondeur à ses têtes [...].

Quotation

[...] De sorte, dist Pymandre, que je puis sur cela vous faire une question, & vous demander ce que l’on doit le plus estimer dans un tableau ou le genie du Peintre, ou la force de l’Art.
Comme l’esprit du Peintre paroist dans tout ce qu’il fait, repartis-je, vous pourriez plustost demander lequel est le plus digne d’estime, ou celuy qui sçait tromper par la force de son Art, ou celuy qui montre beaucoup d’invention & de feu dans de grands ouvrages, mais qui ne trompent point comme les autres.

Quotation

{Das Gemähl soll wol beBildert seyn.} Er mus auch das Stuck nicht dünn beseen/ sondern/wo das fürnehmste der Geschicht zu stehen kommet viel Figuren und ganze Klumpen Bilder dahin stellen/ die alle ihr Amt verrichten: aus welche er auch das beste Liecht zuleiten soll/ um die meiste Annehmung des Gesichtes zu befördern. {Welche hierinn excelliret?} Hierinn hatten Titian, Tintoret, und der meisterhafte Paulus Veronez bessere und gründlichere Manier/ als Michaël Angelo : dessen Lob mehr in Bildhauen einer einigen herrlichen Figur/ als in Mahlen und coloriren bestehet.

Quotation

The Anatomy Figures in Vesalius said to be design’d by Titian, are prettily fancied : There is a Series of denuding a Figure to the Bone, and they are all in Attitudes seeming to have most Pain as the Operation goes on, till at last they Languish, and Dye : But Michelangelo has made Anatomy Figures whose Faces and Actions are impossible to be describ’d, and the most delicate that can be imagin’d for the purpose.

Quotation

Friend,
            When a Painter has acquired any Excellency in
Desinging, readily and strongly ; What has he to do next ?
                        Traveller,
            That is not half his Work, for then he must begin to mannage his
Colours, it being particularly by them, that he is to express the greatness of his Art. ’Tis they that give, as it were, Life and Soul to all that he does ; without them, his Lines will be but Lines that are flat, and without a Body, but the addition of Colours makes that appear round ; and as it were out of the Picture, which else would be plain and dull. ’Tis they that must deceive the Eye, to the degree, to make Flesh appear warm and soft, and to give an Air of Life, so as his Picture may seem almost to Breath and Move. [...] Friend,
            Wherein particularly lies the Art of
Colouring ?
            Traveller.
Beside the Mixture of Colours, such as may answer the Painter’s Aim, it lies in a certain Contention, as I may call it, between the Light and the Shades, which by the means of Colours, are brought to Unite with each other ; and so to give that Roundness to the Figures, which the Italians call Relievo, and for which we have no other Name : In this, if the Shadows are too strong, the Piece is harsh and hard, if too weak, and there be too much Light, ’tis flat. I, for my part, should like a Colouring rather something Brown, but clear, than a bright gay one : But particularly, I think, that those fine Coral Lips, and Cherry Cheeks, are to be Banished, as being far from Flesh and Blood. ’Tis true, the Skins, or Complexions must vary, according to the Age and Sex of the Person ; An Old Woman requiring another Colouring than a fresh Young one.

Quotation

Traveller.
           
There is a thing which the Italians call Morbidezza ; The meaning of which word, is to Express the Softness, and tender Liveliness of Flesh and Blood, so as the Eye may almost invite the Hand to touch and feel it, as if it were Alive ; and this is the hardest thing to Compass in the whole Art of Painting. And ‘tis in this particular, that Titian, Corregio, and amongst the more Modern, Rubens, and Vandike, do Excel.
                       
Friend.
            I have heard, that in some Pictures of Raphael, the very Gloss of Damask, and the Softness of Velvet, with the Lustre of Gold, are so Expressed, that you would take them to be Real, and not Painted : Is not that as hard to do, as to imitate Flesh ?
                        Traveller.
            No : Because those things are but the stil Life, whereas there is a Spirit in Flesh and Blood, which is hard to Represent. But a good Painter must know how to do those Things you mention, and many more : As for Example, He must know how to Imitate the Darkness of Night, the Brightness of Day, the Shining and Glittering of Armour ; the Greenness of Trees, the Dryness of Rocks. In a word, All Fruits, Flowers, Animals, Buildings, so as that they all appear
Natural and Pleasing to the Eye.

Quotation

Now the Painter expresseth two things with his colour : First the colour of the thing, whether it be artificial or natural, which he doth with the like colour, as the colour of a blew garment with artificial blew, or the green colour of a Tree with the like green : Secondly he expresseth the light of the Sun, or any other bright Body apt to lighten or manifest the colours, and because colour cannot be seen without light, being nothing else (as the Philosophers teach) but the extream Superficies of a dark untransparent Body lightned, I hold it expedient for him that will prove exquisite in the use thereof, to be most diligent in searching out the effects of light, when it enlightneth colour, which who so doth seriously consider, shall express all those effects with an admirable Grace ; […].
Now when the
Painter would imitate this blew thus lightned, he shall take his artificial blew colour, counterfeiting therewith the blew of the garment, but when he would express the light, wherewith the blew seems clearer, he must mix so much white with his blew, as he findeth light in that part of the garment, where the light striketh with greater force, considering afterwards the other part of the garment, where there is not so much light, and shall mingle less white with his blew proportionably, and so shall he proceed with the like discretion in all the other parts : and where the light falleth not so vehemently, but only by reflexion there he shall mix so much shadow with his blew, as shall seem sufficient to represent that light, loosing it self as it were by degrees, provided alwayes, that where the light is less darkned, there he place his shadow,
In which judicious expressing of the effects of light together with the
colours, Raphael Urbine, Leonard Vincent, Antonius de Coreggio and Titian were most admirable, handling them with so great discretion and judgement, that their Pictures seemed rather natural, then artificial ; the reason whereof the vulgar Eye cannot conceive, notwithstanding these excellent Masters expressed their chiefest art therein, considering with themselves that the light falling upon the flesh caused these and such like effects, in which kind Titan excelled the rest, who as well to shew his great Skill therein, as to merit commendation, used to cozen and deceive Mens Eyes, […].

Quotation

Zommige oordeelen, dat de Conterfeitsels van van Dyk by die van Titiaan maar waterverw gelyken, om reden dat die van Titiaan zo veel kracht in koleur, dag, en schaduwe hebben, dat die van den anderen daar niet by konnen haalen, ja een koleur, zeggen zy, welke op die wyze voor van Dyk onnavolgelyk is, en daar het zyne zich alles flets en krachteloos by vertoont: waarlyk, een belaghelyk en beschimpend oordeel. Doch dat van Dyk en Titiaan in koleur verschillen, dat staa ik hun toe; maar dat men in dit geval by de Italiaanen niet behoeft te loopen, om zulks te bewyzen, is ook zeker: want voor zo veel de krachtige Coloriet, indien het daar in bestond, belangt, zo zeg ik dat Rembrant voor Titiaan niet heeft te wyken. Maar wat is ‘t! de meeste menschen volgen gemeenlyk de dwaaze oordeelaars, welke geene dingen goed keuren, die niet op zyn Italiaansch geschilderd zyn, het zy Historien, Landschappen, of Pourtraiten.

Quotation

le Peintre doit considerer que les couleurs des draperies lui donnent un moyen de pratiquer avec adresse l’intelligence du Clair-obscur. Le Titien a mis en usage cet artifice dans la plûpart de ses Tableaux, en se servant de la liberté qu'il avoit de donner à ses draperies la couleur qui lui sembloit la plus convenable, ou pour servir de fond, ou pour étendre la lumiere, ou pour caracteriser les objets par la comparaison.

Quotation

382. [Que vos Couleurs soient vives, sans pourtant donner, comme on dit, dans la farine.] Donner dans la farine c’est une façon de parler parmy les Peintres, qui exprime parfaitement ce qu’elle veut dire, qui n’est autre chose que de peindre avec Couleurs claires & fades tout ensemble, lesquelles ne donnent non plus de vie aux Figures, que si effectivement elles estoient frottées de farine. Ceux qui font leurs Carnations fort blanches & leurs Ombres grises ou verdastres, tombent dans cette inconvenient. Les Couleurs rousses dans les Ombres des chairs les plus delicates, contribuent merveilleusement à les rendre vives, brillantes & naturelles : mais il en faut user avec la mesme prudence dont le Titien, Paul Ver. Rubens & Vandeik se sont servis.
Pour conserver les Couleurs fraisches, il faut peindre en mettant toûjours des Couleurs, & non pas en frottant apres les avoir couchées sur la toile ; & s’il se pouvoit mesme faire qu’on les mist justement dans leurs places, & que l’on n’y touchast point quand on les y a une fois placées, il seroit encore mieux ; parce que la fraischeur des Couleurs se ternit & se perd à force de les tourmenter en peignant.
Tous ceux qui ont bien colorié, avoient encore une autre Maxime pour maintenir les Couleurs fraisches, vives & fleuries ; c'estoit de se servir de Fonds blancs, sur lesquels ils peignoient, & souvent mesme au premier coup, sans rien retoucher, & sans y employer de nouvelles Couleurs. Rubens s'en servoit toûjours ; & j'ay veu des Tableaux de la main de ce grand Homme faits au premier coup, qui avoient une vivacité merveilleuse. La raison que ces excellens Coloristes avoient de se servir de ces sortes de Fonds, est que le Blanc conserve toûjours un éclat sous le transparant des Couleurs, lesquelles empeschent que l'air n'altere la blancheur du Fonds, de méme que cette blancheur repare le dommage qu'elles reçoivent de l'air ; de maniere que le Fonds & les Couleurs se prestent un mutuel secours, & se conservent l'un l'autre. C'est par cette raison que les Couleurs glacées ont une vivacité qui ne peut jamais estre imitée par les Couleurs les plus vives & les plus brillantes, dont à la maniere ordinaire & commune on couche simplement les differentes teintes, chacune dans leur place les unes apres les autres : tant il est vray que le Blanc avec les autres Couleurs fieres, dont on peint d'abord ce que l'on veut glacer, en sont comme la vie & l'éclat. Les Anciens ont asseurement trouvé que les Fonds blancs estoient beaucoup meilleurs que les autres : puisque nonobstant l'incommodité que leurs yeux recevoient de cette Couleur, ils ne laissoient pas de s'en servir, […] Je ne sçay d'où vient que l'on ne s'en sert pas aujourd'huy, si ce n'est qu'il y a peu de Peintres curieux de bien colorier, ou que l'ébauche commencée sur le Blanc ne se montre pas assez viste, & qu'il faut avoir une patience plus que Françoise, pour attendre qu'elle soit achevée, & que le Fond qui ternit par sa Blancheur l'éclat des autres Couleurs, soit entierement couvert, pour faire paroistre agreablement tout l'Ouvrage.

Quotation

And sometimes the Painter happens to be Obliged to put a Figure in a Place, and with a Degree of Force which does not sufficiently distinguish it. In that Case, the Attention must be awakened by the Colour of its Drapery, or a Part of it, or by the Ground on which ‘tis painted, or some other Artifice.
Scarlet, or some Vivid Colour, is very proper on such Occasions : I think I have met with an Instance of This kind from
Titian, in a Bacchus and Ariadne ; Her Figure is Thus distinguish’d for the reason I have given.

Quotation

[...] De sorte, dist Pymandre, que je puis sur cela vous faire une question, & vous demander ce que l’on doit le plus estimer dans un tableau ou le genie du Peintre, ou la force de l’Art.
Comme l’esprit du Peintre paroist dans tout ce qu’il fait, repartis-je, vous pourriez plustost demander lequel est le plus digne d’estime, ou celuy qui sçait tromper par la force de son Art, ou celuy qui montre beaucoup d’invention & de feu dans de grands ouvrages, mais qui ne trompent point comme les autres.


[…] Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir exécuté ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles se voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.

Pour moy, respondit Pymandre, je ne voudrois pas donner mon jugement là dessus ;

Quotation

Il faut de plus considerer leur valeur pour les ranger en sorte qu’elles puissent mutuellement s’entre-aider & se faire valoir par un judicieux contraste, leur force, pour les placer aux endroits que l’on veut faire paroître avancés ou reculées, & leur union pour les associer en une agreable correspondance ; mais on considera aussi qu’en s’attachant à ce menagement harmonieux des couleurs, on ne devoit pas negliger le bon choix des matieres & leur application, évitant le mélange de celles qui sont corruptibles avec celles qui sont pures, & l’avoisinement de celles qui peuvent causer quelque aigreur ou dureté à la vuë & sur tout dans leur Emploi, les appliquer proprement, chaque teinte en sa place ne les brouillant & tourmentant que le moins qu’il est possible, sur tout dans les carnations, où à l’imitation du Titien, on doit donner tout l’avantage, & l’éclat, en n’y approchant que des couleurs sales pour les faire paroître d’autant plus vives & plus fraiches

Quotation

Il faut encore vous dire comme on en doit considerer la valeur, & comme elles [ndr : les couleurs] se peuvent mutuellement entr’aider & se faire valoir par un judicieux contraste ; leur force, pour les placer aux endroits que l’on veut faire paroître avancez & reculez ; & leur union pour les associer en une agreable correspondance. Pour y parvenir, l’on ne doit negliger ni le bon choix des matieres ni leur application, évitant le mélange de celles qui sont corruptibles avec celles qui sont pures. Il faut appliquer proprement chaque teinte en sa place, ne les broüillant & tourmentant que le moins qu’il est possible sur tout dans les carnations, où à l’imitation du Titien, on doit donner tout l’avantage & l’éclat

Quotation

382. [Que vos Couleurs soient vives, sans pourtant donner, comme on dit, dans la farine.] Donner dans la farine c’est une façon de parler parmy les Peintres, qui exprime parfaitement ce qu’elle veut dire, qui n’est autre chose que de peindre avec Couleurs claires & fades tout ensemble, lesquelles ne donnent non plus de vie aux Figures, que si effectivement elles estoient frottées de farine. Ceux qui font leurs Carnations fort blanches & leurs Ombres grises ou verdastres, tombent dans cette inconvenient. Les Couleurs rousses dans les Ombres des chairs les plus delicates, contribuent merveilleusement à les rendre vives, brillantes & naturelles : mais il en faut user avec la mesme prudence dont le Titien, Paul Ver. Rubens & Vandeik se sont servis.
Pour conserver les Couleurs fraisches, il faut peindre en mettant toûjours des Couleurs, & non pas en frottant apres les avoir couchées sur la toile ; & s’il se pouvoit mesme faire qu’on les mist justement dans leurs places, & que l’on n’y touchast point quand on les y a une fois placées, il seroit encore mieux ; parce que la fraischeur des Couleurs se ternit & se perd à force de les tourmenter en peignant.
Tous ceux qui ont bien colorié, avoient encore une autre Maxime pour maintenir les Couleurs fraisches, vives & fleuries ; c'estoit de se servir de Fonds blancs, sur lesquels ils peignoient, & souvent mesme au premier coup, sans rien retoucher, & sans y employer de nouvelles Couleurs. Rubens s'en servoit toûjours ; & j'ay veu des Tableaux de la main de ce grand Homme faits au premier coup, qui avoient une vivacité merveilleuse. La raison que ces excellens Coloristes avoient de se servir de ces sortes de Fonds, est que le Blanc conserve toûjours un éclat sous le transparant des Couleurs, lesquelles empeschent que l'air n'altere la blancheur du Fonds, de méme que cette blancheur repare le dommage qu'elles reçoivent de l'air ; de maniere que le Fonds & les Couleurs se prestent un mutuel secours, & se conservent l'un l'autre. C'est par cette raison que les Couleurs glacées ont une vivacité qui ne peut jamais estre imitée par les Couleurs les plus vives & les plus brillantes, dont à la maniere ordinaire & commune on couche simplement les differentes teintes, chacune dans leur place les unes apres les autres : tant il est vray que le Blanc avec les autres Couleurs fieres, dont on peint d'abord ce que l'on veut glacer, en sont comme la vie & l'éclat. Les Anciens ont asseurement trouvé que les Fonds blancs estoient beaucoup meilleurs que les autres : puisque nonobstant l'incommodité que leurs yeux recevoient de cette Couleur, ils ne laissoient pas de s'en servir, […] Je ne sçay d'où vient que l'on ne s'en sert pas aujourd'huy, si ce n'est qu'il y a peu de Peintres curieux de bien colorier, ou que l'ébauche commencée sur le Blanc ne se montre pas assez viste, & qu'il faut avoir une patience plus que Françoise, pour attendre qu'elle soit achevée, & que le Fond qui ternit par sa Blancheur l'éclat des autres Couleurs, soit entierement couvert, pour faire paroistre agreablement tout l'Ouvrage.

Quotation

Quant au Corege sa maniere est differente de celle du Titien, en ce qu’il n’a pas sceu cette harmonie de couleurs, cette belle conduite de lumieres, & cette fraischeur de teintes si admirable qu’on remarque dans les Tableaux du Titien, où il semble qu’on voye du sang dans ses carnations, tant il les represente naturelles. Mais en recompense le Corege a eu l’imagination plus forte, & a desseigné d’un goust beaucoup plus grand & plus exquis

Quotation

Le premier soin que demande le coloris d’un jeune Etudiant est de commencer par copier ce qu’il trouvera de mieux colorié, de plus frais, & de plus librement peint entre les ouvrages des grands Maîtres, parmi lesquels Titien, Rubens, & Vandeik tiennent les premiers rangs, pour les premiers commencemens : je croirois qu’on tireroit plus d’utilité en copiant Vandeik à cause qu’en y apprenant le bon coloris on y trouve encore la liberté du pinceau.

Quotation

Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 31
Angehends das Dritte Theil/ die
Expression, so eussern sich hierbey recht geistereiche Anmerckungen/ dann die Gebehrden der meisten Figuren dieses Gemäldes/ leiten das Auge des Anschauers so gleich auf die Haupt-Figur/ so hat er ller dreyen Personen ihre Gebährden den recht eigentlich nach dem Ambt und dem Stande eines jederen ins besondere wohl exprimiret und aus-gedrücket ; […]/ 

Quotation

Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 34
[ndr.: Vom Vierten Theil, nehmlich der Colorit] Wie starck glänzet nicht die auf den Horizont untergehehende Sonne ? und gibt doch denen auf dem Vorgrunde sich befindenden Tagen keinen Verdruß, wer wundert sich nicht/ daß die sonst starck schreiende Farben/ worinnen dieser gekleidet ist/ und die an dem Rande des Gemähldes gestellet seyn/ dennoch das Auge des Anschauers denen gelinden Farben des Kleides Christi nicht entziehen ?

Quotation

[...] De sorte, dist Pymandre, que je puis sur cela vous faire une question, & vous demander ce que l’on doit le plus estimer dans un tableau ou le genie du Peintre, ou la force de l’Art.
Comme l’esprit du Peintre paroist dans tout ce qu’il fait, repartis-je, vous pourriez plustost demander lequel est le plus digne d’estime, ou celuy qui sçait tromper par la force de son Art, ou celuy qui montre beaucoup d’invention & de feu dans de grands ouvrages, mais qui ne trompent point comme les autres.

Quotation

Tout devient palettes & pinceaux entre les mains d'un enfant doüé du génie de la Peinture. Ils fait connoître aux autres pour ce qu'il est, quand lui-même ne le sçait pas encore. Les Annalistes de la Peinture rapportent une infinité de faits qui confirment ce que j'avance. La plûpart des grands Peintres ne sont pas nez dans les atteliers. Très-peu sont des fils de Peintres, qui, suivant l'usage ordinaire, auroient été élevez dans la profession de leurs peres. Parmi les Artisans illustres qui font tant d'honneur aux deux derniers siècles, le seul Raphaël, autant qu'il m'en souvient, fut le fils d'un Peintre. Le pere du Georgeon & celui du Titien, ne manierent jamais ni pinceaux ni cizeaux, Leonard De Vinci, & Paul Veronése, n'eurent point de Peintres pour peres. Les parens de Michel-Ange vivoient, comme on dit, noblement, c'est-à-dire, sans exercer aucune profession lucrative. André Del Sarte étoit fils d'un Tailleur, & Le Tintoret d'un Tinturier. Le pere des Caraches, n'étoit pas d'une profession où l'on manie le craïon. Michel-Ange De Caravage étoit fils d'un Masson, & Le Correge fils d'un Laboureur. Le Guide étoit fils d'un Musicien, Le Dominiquin d'un Cordonnier, & L'Albane d'un Marchand de Soïe. Lanfranc étoit un enfant trouvé, à qui son génie enseigna la peinture, à peu près comme le génie de M Pascal lui enseigna les Mathématiques. Le pere de Rubens, qui étoit dans la Magistrature d'Anvers, n'avoit ni attelier ni boutique dans sa maison. Le pere de Vandick n'étoit ni Peintre ni Sculpteur. Du Fresnoy, dont nous avons un poëme sur la Peinture, qui a mérité d'être traduit & commenté par M. De Piles, & dont nous avons aussi des tableaux au-dessus du médiocre, avoit étudié pour être Médecin. Les peres des quatre meilleurs Peintres François du dernier siècle, Le Valentin, Le Sueur, Le Poussin & Le Brun, n'étoient pas des peintres. C'est le génie de ces grands hommes qui les a été chercher, pour ainsi dire, dans la maison de leurs parens, afin de les conduire sur le Parnasse. Les Peintres montent sur le Parnasse, aussi-bien que les Poëtes.

Quotation

Au lieu que les Artisans sans génie, qui sont aussi propres à être les Eleves du Poussin que du Titien, demeurent durant toute leur vie dans la route où le hazard les peut avoir engagez, les Artisans doüez de génie, s'apperçoivent, quand le hazard les égare, que la route qu'ils ont prise n'est point celle qui leur convient. Ils l'abandonnent pour en prendre une autre ; ils quittent celle de leur maître pour s'en faire une nouvelle. Par maître, j'entends ici les ouvrages aussi bien que les personnes.Raphaël, mort depuis deux cens ans, peut encore faire des Eleves. Notre jeune Artisan, doüé de génie, se forme donc lui-même une pratique pour imiter la nature, & il forme cette pratique des maximes résultantes de la réflexion qu'il fait sur son travail & sur le travail des autres. Chaque jour ajoûte ainsi de nouvelles lumieres à celles qu'il avoit acquises précedemment. […] Le génie est dans les hommes, ce qui vieillit le dernier. […] Plusieurs témoins oculaires m'ont raconté, que le Poussin avoit été jusques à la fin de sa vie un jeune Peintre du côté de l'imagination. Son mérite avoit survécu à la dextérité de sa main, & il inventoit encore, quand il n'avoit plus les talens nécessaires à l'exécution de ses inventions.

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{Das Gemähl soll wol beBildert seyn.} Er mus auch das Stuck nicht dünn beseen/ sondern/wo das fürnehmste der Geschicht zu stehen kommet viel Figuren und ganze Klumpen Bilder dahin stellen/ die alle ihr Amt verrichten: aus welche er auch das beste Liecht zuleiten soll/ um die meiste Annehmung des Gesichtes zu befördern. {Welche hierinn excelliret?} Hierinn hatten Titian, Tintoret, und der meisterhafte Paulus Veronez bessere und gründlichere Manier/ als Michaël Angelo : dessen Lob mehr in Bildhauen einer einigen herrlichen Figur/ als in Mahlen und coloriren bestehet.

Quotation

Bey solcher Ausmahlung des Hauptwercks/ ist zuvorderst iedesmal eine Durchsicht offen zulassen/ zu Erkennung der Horizonts-Höhe. Darnach soll man seine Bilder vernünfftig eintheilen/ nicht zu dünn besäen; sondern/ wo das Hauptwerck hintrifft/ wol ins Gesicht bringen/ viel Figuren/ ja/ wol gantze Grupen oder Hauffen beysammen dahin stellen/ und iedwedes sein Amt also verrichten/ daß dahin auch das schönste Liecht gehalten/und der beste Gewalt des Wercks gesehen werde. Wie dessen/ in ihren Wercken alle fürnehme Meister/ als Titian und Tintoret, sonderlich der meisterhaffte Paul Verones erfahren/ gewesen/ und ihre Kunst-Wercke zu Exempeln hinterlassen. {Des Wohlstands} Man soll sich an kein besonder Bild binden; sondern allezeit meist Achtung geben/ auf daß/ was die gantze Historie erfordert; mit Beyfügung einiger der Materi/ wol anständiger fremder Ersinnung/ wolstehender Bilder/ guter Stellung und Affecten. Welche alle/ durch ihre Geberden zu erkennen geben/ was iedes Amt sagen will.

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{Die Gewänder sind nach dem Geschlecht/ Stand und Stellung der Personen/ auch nach den Lands-Arten/ unterscheiden.}
Es ist/ in den Gewändern/ zuvörderst der Unterschied zu beobachten: weil deren Form/ Farben und Falten/ nach Alter/ Stand und Stellung der Personen/ nach dem Männ- und Weiblichen Geschlecht/auch nach alt- und neuem Lands-Gebrauch und al modo, ganz ungleich sind.
{Vom Obergewand/ und Rundung der Falten} [...]
{Die Glieder müßen/ unter dem Gewand/ hervorscheinen. Die Falten/ müßen nicht überhäuft seyn} [...]
{Linde und grobe Falten} [...]
{Mancherley Falten der Zeuge} [...]

Quotation

If in a Picture the Story be well chosen, and finely Told (at least) if not Improv’d, if it fill the Mind with Noble, and Instructive Ideas, I will not scruple to say ‘tis an excellent Picture, tho’ the Drawing be as Incorrect as that of Corregio, Titian, or Rubens ; the Colouring as Disagreeable as that of Polidore, Battista Franco, or Michael Angelo. Nay, tho’ there is no other Good but that of the Colouring, and the Pencil, I will dare to pronouce it a Good Picture ; that is, that ‘tis Good in those Respects. In the first Instance here is a fine Story artfully communicated to my Imagination, not by Speech, nor Writing, but in a manner preferable to either of them ; In the other there is a Beautiful, and Delightful Object, and a fine piece of Workmanship, to say no more of it.
There never was a Picture in the World without some Faults, And very rarely is there one to be found which is not notoriously Defective in some of the Parts of Painting. In judging of it’s Goodness as a Connoisseur, one should pronounce it such in proportion to the Number of the Good Qualities it has, and their Degrees of Goodness.

Quotation

Of the Goodness of a Picture, &c.
WHerefore callest thou me Good, there is none Good but One, that is God ?
Said the Son of God to the young Man who prefac’d a Noble Question with that Complement. This is that Goodness that is Perfect, Simple, and Properly so call’d, ‘tis what is Peculiar to the Deity, and so to be found no where else. But there is another Improper, Imperfect, Comparative Goodness, and no other than this is to be had in the Works of Men, and this admits of various Degrees. This Distinction well consider’d, and apply’d to all the Occurrences of Life would contribute very much to the Improvement of our Happiness here ; it would teach us to Enjoy the Good before us, and not reject it upon account of the disagreeable Companion which is inseperable from it ; But the use I now would make of it is only to show that a Picture, Drawing, or Print may be Good tho’ it has several Faults ; To say otherwise is as absurd as to deny a thing is what ‘tis said to be, because it has properties which are Essential to it.
[…].
If in a Picture the Story be well chosen, and finely Told (at least) if not Improv’d, if it fill the Mind with Noble, and Instructive Ideas, I will not scruple to say ‘tis an excellent Picture, tho’ the Drawing be as Incorrect as that of Corregio, Titian, or Rubens ; the Colouring as Disagreeable as that of Polidore, Battista Franco, or Michael Angelo. Nay, tho’ there is no other Good but that of the Colouring, and the Pencil, I will dare to pronouce it a Good Picture ; that is, that ‘tis Good in those Respects. In the first Instance here is a fine Story artfully communicated to my Imagination, not by Speech, nor Writing, but in a manner preferable to either of them ; In the other there is a Beautiful, and Delightful Object, and a fine piece of Workmanship, to say no more of it.
There never was a Picture in the World without some Faults, And very rarely is there one to be found which is not notoriously Defective in some of the Parts of Painting. In judging of it’s Goodness as a Connoisseur, one should pronounce it such in proportion to the Number of the Good Qualities it has, and their Degrees of Goodness.

Quotation

Ce que fait, dit Pymandre, que les Tableaux sont si differents les uns des autres dans le coloris, n’est-ce point que les ouvriers n’ont pas une égale connoissance de ce meslange ; car Denis d’Halicarnasse semble s’estonner de ce qu’encore que ceux qui peignent des animaux se servent tous de mesmes couleurs ; il y a cependant toujours beaucoup de difference dans leurs coloris. Or non seulement je remarque cette diversité dans ceux qui font des animaux & qui imitent les choses les plus simples de la Nature, mais aussi dans tous les grands Peintres qui ont représenté le corps humain. Car chacun le peint differemment & d’une maniere particuliere, comme ont fait le Guide, le Dominiquin, Lanfranc & tant d’autres, quoy qu’ils eussent estudié en mesme école, & qu’ils eussent, si vous voulez, un mesme sujet à imiter.
Ce n’est pas, luy respondis-je, le meslange seul des couleurs qui fait cette difference, mais ç’a esté un goust particulier, & une volonté propre à chacun de ces grands hommes qui les a portez à suivre une maniere particuliere selon qu’elle leur a semblé plus vraye & plus forte ; Et ce choix que chacun d’eux en a fait est d’autant plus estimable qu’on voit qu’ils approchent du vray & du beau.
De sorte que si dans les Tableaux de ces differents Peintres que vous avez nommez, il y a des carnations qui sont plus grises, d’autres plus rouges, & d’autres plus noires que le naturel, c’est un effet de l’inclination & du differend goust de ces maistres.

Quotation

Quant au Corege sa maniere est differente de celle du Titien, en ce qu’il n’a pas sceu cette harmonie de couleurs, cette belle conduite de lumieres, & cette fraischeur de teintes si admirable qu’on remarque dans les Tableaux du Titien, où il semble qu’on voye du sang dans ses carnations, tant il les represente naturelles. Mais en recompense le Corege a eu l’imagination plus forte, & a desseigné d’un goust beaucoup plus grand & plus exquis ; Et quoy qu’il ne fust pas tout-à-fait correcte dans son dessein, il y a neanmoins de la force & de la noblesse dans tout ce qu’il a fait. S’il [ndr : Le Corrège] fust sorti de son pays et qu’il eust esté à Rome, dont l’Ecole estoit beaucoup plus excellente pour le dessein que celle de Lombardie, on ne doute pas qu’il ne se fust formé une maniere qui l’auroit rendu égal à tous les plus grands Peintres de ces temps-là, puis que sans avoir veu ces belles Antiques de Rome, ny profité des exemples que les autres Peintres ont eus, il s’est tellement perfectionné dans son Art, que personne depuis luy n’a si bien peint, ny donné à ses figures tant de rondeur, tant de force, & tant de cette beauté que les Italiens appellent morbidezza, qu’il y en a dans les Peintures qu’il a faites.

Quotation

Mais les hommes croïent naturellement que leur goût est le bon goût, & par consequent ils pensent que les personnes qui ne jugent pas comme eux, ont les organes imparfaits, ou qu'elles se laissent conduire à des prejugez qui les gouvernent, sans qu'elles-mêmes s'apperçoivent du pouvoir de la prévention.
Qu'on change les organes de ceux à qui l'on voudroit faire changer de sentiment sur les choses qui sont purement de goût, ou pour mieux dire, que chacun demeure dans son opinion, sans blâmer l'opinion de l'autre. Vouloir persuader à un homme qui préfère le coloris à l'expression, en suivant son propre sentiment, qu'il a tort, c'est lui vouloir persuader de prendre plus de plaisir à voir les tableaux du Poussin, que ceux du Titien.

Quotation

I confine the Sublime to History, and Portrait-Painting ; And These must excell in Grace, and Greatness, Invention, or Expression ; and that for Reasons which will be seen anon. Michael Angelo’s Great Style intitles Him to the Sublime, not his Drawing ; ‘tis that Greatness, and a competent degree of Grace, and not his Colouring that makes Titian capable of it : As Correggio’s Grace, with a sufficient mixture of Greatness gives this Noble Quality to His Works. Van Dyck’s Colouring, nor Pencil tho’ perfectly fine would never introduce him to the Sublime ; ‘tis his Expression, and that Grace, and Greatness he possess’d, (the Utmost that Portrait-Painting is Justly capable of) that sets some of his Works in that Exalted Class ;

Quotation

Are. Peu de tems aprés on le chargea de faire un grand tableau pour le maitre autel de l’eglise des freres Mineurs, dans le quel Titien encore tout jeune, peignit à l’huile, la Vierge qui monte au Ciel entre une multitude d’Anges qui l’accompagnent, […] il paroit veritablement qu’elle monte avec un visage plein d’humilité, & ses habits volent delicatement ; au bas sont les Apôtres, qui par differentes attitudes montrent la joye, & l’etonnement ; pour la plus part ils excedent la grandeur du naturel. Il est certain qu’on voit dans ce tableau la grandeur & le terrible de Michel Ange, la douceur, la grace de Rafael, & le vrai coloris de la nature. Ce fut là cependant le premier ouvrage qu’il fit à l’huile, il le fit en tres peu de tems, & tout jeune. Avec tout cela les peintres grossiers, & le sot peuple, qui jusqu’alors n’avoient vû autre chose que les peintures mortes & froides de Jean Bellin, de Gentil, & de Vivarino, car Georgion n’avoit point encore fait d’ouvrage à huile en public, & tout au plus y avoit peint quelque demi figure, quelques portraits qui etoient sans mouvement, & sans relief ; ils disoient tout le mal possible de ce tableau : l’envie venant ensuite à se reffroidir*, & la verité leur ouvrant peu à peu les yeux, on commença à admirer à Venise avec etonnement la nouvelle maniere que Titien tenoit ; & depuis ce tems là tous les peintres s’appliquerent à l’imiter ; mais parcequ’elle etoit hors de leur portée ils se trouverent egarés.
 
*Il est vrai que ce tableau ne plut point aux Moines ; mais l’Ambassadeur de l’Empereur l’aiant voulut acheter, ceci leur fit ouvrir les yeux, & en faire plus de cas.

Quotation

Davantage plusieurs Excellents Peintres, quoy qu’ils n’ayent entierement eu la connoissance de ce qu’on appelle forte ou grande maniere, où ce grand Goust de l’air & de proportion des beaux Antiques, ont fait des Ouvrages qui peuvent passer en quelques particularitez au delà de celles des Peintres ci-devant nommez [ndr : Titien, Raphaël, Jules Romain] , principalement quand ils ont choisi dans la nature & dans leur imagination, les plus belles Figures humaines & mieux proportionnées qu'ils avoient peu, ainsi qu'on fait les Carraces entr'autres principalement Annibal, duquel on voit entre diverses Tailles Douces ou Stampes à l'eau forte, une d'une Aumosne de Sainct Roc, & une petite Descente de Croix qui veritablement meritent d'estre estimées, & de plus aussi sa maniere de peindre, laquelle est à mes yeux extremement franche, pleine & libre, faisant expression d'une chair ferme, mais non à la vérité si tendre, fraiche, vermeille & delicate, que celle du Titian.

Quotation

La distribution des objets forme des masses de clair-obscur, lorsque par une industrieuse œconomie on les dispose de maniere que ce qu’ils ont de lumineux se trouve joint ensemble d’un côté, & que ce qu’ils ont d’obscur se trouve lié ensemble d’un autre côté, & que cet amas de lumieres & d’ombres empêche la dissipation de notre vûe. C’est ce que le Titien appelloit la grappe de raisin : parceque les grains de raisin separés les uns des autres auroient chacun sa lumiere & son ombre également ; & partageant ainsi la vûe en plusieurs rayons, lui causeroient de la confusion : au lieu qu’étant tous rassemblés en une grappe, & ne faisant par ce moyen qu’une masse de clair & qu’une masse d’ombre, les yeux les embrassent comme un seul objet. Ce que je dis ici de la grappe de raisin ne doit pas être pris grossierement à la lettre, ni selon l’arrangement, ni selon la forme ; c’est une comparaison sensible qui ne signifie autre chose que la jonction des clairs, & la jonction des ombres.

Quotation

{XXXIII. Qu'il ne faut pas deux jours égaux dans le Tableau}
Evitez les Ombres fortes sur le milieu des Membres, de peur que le trop de Noir qui compose ces Ombres, ne semble entrer dedans & les couper : cherchez plûtost à les placer à l'entour, pour relever davantage les Parties, & prenez vostre Jour si avantageux, qu'apres de grandes Lumieres vous trouviez de grandes Ombres. D'où vient que c'est avec raison que l'on dit du Titien, qu'il n'avoit pas de meilleure Regle pour la distribution des Clairs & des Bruns, que la *
Grappe de Raisin.

Quotation

Evitez les ombres fortes sur le milieu des membres, de peur que le trop de noir, qui compose ces ombres, ne semble entrer dedans & les couper. Cherchez plustot à les placer à l’entour, pour relever davantage les parties, & prenez vostre jour si avantageux, qu’aprés de grandes lumieres vous trouverrez de grandes ombres : d’où vient que c’est avec raison que l’on dit du Titien, qu’il n’avoit pas de meilleure regle pour la distribution des jours & des ombres, que la grappe de raisin.

Quotation

282. [Que vous fassiez paroistre les Corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, &c.] C’est à dire proprement, qu’apres de grands Clairs il faut de grandes Ombres, qu’on appelle des Repos ; parce que effectivement la veuë seroit fatiguée, si elle estoit attirée par une continuité d’objets petillans. Les Clairs peuvent servir de repos aux Bruns, comme les Bruns en servent aux Clairs. […]
Ces Repos se font de deux manieres, dont l’une est Naturelle, & l’autre Artificielle : La Naturelle se fait par une étenduë de Clairs ou d’Ombres, qui suivent naturellement & necessairement les Corps solides, ou les Masses de plusieurs Figures agrouppées lors que le jour vient à frapper dessus : Et l’Artificielle consiste dans les Corps des Couleurs que le Peintre donne à de certaines choses telles qu’il luy plaist, & les compose de telle sorte, qu’elles ne fassent point de tort aux Objets qui sont auprés d’elles. Une Draperie par exemple que l’on aura fait jaune ou rouge en certain endroit, pourra estre dans un autre de Couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l’effet que l’on demande. L’on doit prendre occasion autant qu’il est possible de se servir de la premiere Maniere, & de trouver les Repos dont nous parlons par le Clair ou par l’Ombre, qui accompagnent naturellement les Corps solides […] 
Ainsi le Peintre qui a de l'intelligence prendra ses avantages de l'une & de l'autre Maniere ; & s'il fait un Dessein qui doive estre gravé, il se souviendra que les Graveurs ne disposent pas des Couleurs, comme font les Peintres, & que par consequent il doit prendre occasion de trouver les Repos de son Dessein dans les Ombres naturelles des Figures, qu'il aura disposées à cet effet. Rubens en donne une parfaite connoissance dans les Estampes qu'il a fait graver ; & je ne croy pas que l'on puisse rien voir de plus beau en ce genre : Toute l'intelligence des Grouppes, du Clair-Obscur & de ces Masses que le Titien appelloit
la Grappe de Raisin, y est si nettement exposée, que la veüe de ces Estampes & l'attention que l'on y apporterait contribueraient beaucoup à faire un Habile-homme. […]
Ce n'est pas que les Graveurs ne puissent & ne doivent imiter les Corps des Couleurs par les degrez du Clair-Obscur, autant qu'ils jugeront que cela doit produire un bel effet ; au contraire il est à mon avis, impossible de donner beaucoup de force à tout ce que l'on gravera d'après les Ouvrages de l'Ecole de Venise, & de tous ceux qui ont eu l'intelligence des Couleurs & du Contraste du Clair-Obscur, sans imiter en quelque façon la Couleur des Objets selon le rapport qu'elle a aux degrez du Blanc & du Noir. […]

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329. [La Grappe de Raisin.] Il est assez évident que le Titien par cette comparaison aussi judicieuse que familiere, a pretendu dire que l’on doit ramasser les Objets & les disposer de telle sorte, qu’ils composent un Tout, dont plusieurs Parties contiguës puissent estre éclairées, plusieurs ombrées, & d’autres de Couleurs rompuës, pour estre dans les Tournans ; de mesme que dans une Grappe de Raisin, plusieurs grains qui en font les parties, se trouvent dans le jour, plusieurs dans l’ombre, & d’autres dans la demie teinte, pour estre dans les Parties fuyantes. Le Tintoret dit un jour à Rubens, qu’il avoit oüi dire au Titien, Que dans tous ses plus grands Ouvrages, la Grappe de Raisin estoit son meilleur guide & sa principale Regle.

Quotation

GRAPPE de raisin, terme de Peinture, dont on se sert pour exprimer l’effet des grands groupes d’ombres & de lumiéres : c’est ainsi que le Titien disoit que dans la distribution des jours & des ombres, il prenoit pour régle la grappe de raisin, c’est-à-dire, qu’il tâchoit de disposer les objets, de telle maniere que les grandes lumieres se trouvassent ensemble & que les grandes ombres fussent pareillement liées entr’elles, comme on le voit dans la grappe de raisin, dont les grains du côté de la lumiere font une masse de clair, & les grains du côté opposé, font une masse d’ombre. Cette comparaison familiere a passé en proverbe chez les Peintres, qui ont depuis appellé ces grands groupes séparés d’ombres & de lumieres, la grappe de raisin.
Fertur Titianus ubique
Lucis & umbrarum normam appellasse racemum. 
Du Fresnoy

Quotation

Friend,
            When a Painter has acquired any Excellency in
Desinging, readily and strongly ; What has he to do next ?
                        Traveller,
            That is not half his Work, for then he must begin to mannage his
Colours, it being particularly by them, that he is to express the greatness of his Art. ’Tis they that give, as it were, Life and Soul to all that he does ; without them, his Lines will be but Lines that are flat, and without a Body, but the addition of Colours makes that appear round ; and as it were out of the Picture, which else would be plain and dull. ’Tis they that must deceive the Eye, to the degree, to make Flesh appear warm and soft, and to give an Air of Life, so as his Picture may seem almost to Breath and Move.
                        Friend,
            Did ever any Painter arrive to that Perfection you mention ?
                        Traveller,
            Yes, several, both of the
Antient and Modern Painters. Zeuxis Painted Grapes, so that the Birds flew at them to eat them. Apelles drew Horses to such a likeness, that upon setting them before live Horses, the Live ones Neighed, and began to kick at them, as being of their own kind. And amongst the Modern Painters, Hannibal Carache, relates to himself, That going to see Bassano at Venice, he went to take a Book off a Shelf, and found it to be the Picture of one, so lively done, that he who was a Great Painter, was deceived by it. The Flesh of Raphael’s Pictures are so Natural, that this seems to be Alive. And so do Titians Pictures, who was the Greatest Master for Colouring that ever was, having attained to imitate Humane Bodies in all the softness of Flesh, and beauty of Skin and Complexion.

Quotation

I confine the Sublime to History, and Portrait-Painting ; And These must excell in Grace, and Greatness, Invention, or Expression ; and that for Reasons which will be seen anon. Michael Angelo’s Great Style intitles Him to the Sublime, not his Drawing ; ‘tis that Greatness, and a competent degree of Grace, and not his Colouring that makes Titian capable of it : As Correggio’s Grace, with a sufficient mixture of Greatness gives this Noble Quality to His Works. Van Dyck’s Colouring, nor Pencil tho’ perfectly fine would never introduce him to the Sublime ; ‘tis his Expression, and that Grace, and Greatness he possess’d, (the Utmost that Portrait-Painting is Justly capable of) that sets some of his Works in that Exalted Class ;

Quotation

La troisiéme est pour prouver la nécessité des Grouppes pour la satisfaction des yeux, qui étoit la grande regle du Titien, & qui doit l’être encore aujourd’hui pour ceux qui voudront observer dans leur Tableau, cette unité d’objet qui avec les couleurs bien entendues, en fait toute l’harmonie.

Quotation

282. [Que vous fassiez paroistre les Corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, &c.] C’est à dire proprement, qu’apres de grands Clairs il faut de grandes Ombres, qu’on appelle des Repos ; parce que effectivement la veuë seroit fatiguée, si elle estoit attirée par une continuité d’objets petillans. Les Clairs peuvent servir de repos aux Bruns, comme les Bruns en servent aux Clairs. […]
Ces Repos se font de deux manieres, dont l’une est Naturelle, & l’autre Artificielle : La Naturelle se fait par une étenduë de Clairs ou d’Ombres, qui suivent naturellement & necessairement les Corps solides, ou les Masses de plusieurs Figures agrouppées lors que le jour vient à frapper dessus : Et l’Artificielle consiste dans les Corps des Couleurs que le Peintre donne à de certaines choses telles qu’il luy plaist, & les compose de telle sorte, qu’elles ne fassent point de tort aux Objets qui sont auprés d’elles. Une Draperie par exemple que l’on aura fait jaune ou rouge en certain endroit, pourra estre dans un autre de Couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l’effet que l’on demande. L’on doit prendre occasion autant qu’il est possible de se servir de la premiere Maniere, & de trouver les Repos dont nous parlons par le Clair ou par l’Ombre, qui accompagnent naturellement les Corps solides […] 
Ainsi le Peintre qui a de l'intelligence prendra ses avantages de l'une & de l'autre Maniere ; & s'il fait un Dessein qui doive estre gravé, il se souviendra que les Graveurs ne disposent pas des Couleurs, comme font les Peintres, & que par consequent il doit prendre occasion de trouver les Repos de son Dessein dans les Ombres naturelles des Figures, qu'il aura disposées à cet effet. Rubens en donne une parfaite connoissance dans les Estampes qu'il a fait graver ; & je ne croy pas que l'on puisse rien voir de plus beau en ce genre : Toute l'intelligence des Grouppes, du Clair-Obscur & de ces Masses que le Titien appelloit
la Grappe de Raisin, y est si nettement exposée, que la veüe de ces Estampes & l'attention que l'on y apporterait contribueraient beaucoup à faire un Habile-homme. […]
Ce n'est pas que les Graveurs ne puissent & ne doivent imiter les Corps des Couleurs par les degrez du Clair-Obscur, autant qu'ils jugeront que cela doit produire un bel effet ; au contraire il est à mon avis, impossible de donner beaucoup de force à tout ce que l'on gravera d'après les Ouvrages de l'Ecole de Venise, & de tous ceux qui ont eu l'intelligence des Couleurs & du Contraste du Clair-Obscur, sans imiter en quelque façon la Couleur des Objets selon le rapport qu'elle a aux degrez du Blanc & du Noir. […]

Quotation

{Die vördere und hintere Gründe/ müßen wol aufeinander ordiniret werden.} Die Gründe/ weisen in dieser Mahlerey des Meisters Verstand/ wann solche wol-ordinirt an einander gehänget und gleichsam gebunden werden/ mit Anzeigung des hin- und herkommens: also daß die vordere die andern (welches auch sonst in allem zu beobachten) zuruck nach dem Horizont oder Gesicht Ende treiben/ sich selbsten aber immer mehr herfür thun, Es sollen auch die Gründe nicht zu hart gegen des Liechts Ecken abgestochen/ sondern/wegen empfangenen Widerscheins mit halben Farben abgelindert/ auch nicht mit alzuviel Luft/Bergen/ Gebäuden oder Häusern übersetzet /sondern vielmehr mit großen schönen Bäumen und Gekräuter gezieret werden.
In dergleichen großen schönen Stucken der Landschaft-Mahlerey/ sind unter den alten Italiänern/ (die sich sonst wenig darauf beflissen) insonderheit darunter Muzian und der lobwürdige Titian, sehr verwunderbar gewesen: wie theils Holzschnitte des letzern bezeugen/ denen er einen guten Horizont gegeben/ mit festen Gründen/ darauf jedesmal vornher etwas großes stehet/ und alles andere hintan weichet; dergleichen auch des berühmten Breugels Gemälde und Kupferstücke/ in Abbildung der Tyrolischen Gebirge/ vor Augen stellen.

Quotation

Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 33
Da ich von diesem Theil der Kunst / nehmlich der Colorit einen besonderen
Discours zu halten mit […] mir vorgenommen habe ; Indessen melde [ndr.: ich] nur sagen das Vornehmste/nemlich daß die Haupt-Person [Christus] durch einen grossen Tag erleuchtet/ die anderen aber nur mit einem streiffenden Licht beschienen werden/ […] daß allezeit in den Theilen des Gesichtes/ eine dunckele Farbe einer lichten und dann eine lichte einer dunckelen Farbe zum Grunde dienen müssen ; 

Quotation

Bey solcher Ausmahlung des Hauptwercks/ ist zuvorderst iedesmal eine Durchsicht offen zulassen/ zu Erkennung der Horizonts-Höhe. Darnach soll man seine Bilder vernünfftig eintheilen/ nicht zu dünn besäen; sondern/ wo das Hauptwerck hintrifft/ wol ins Gesicht bringen/ viel Figuren/ ja/ wol gantze Grupen oder Hauffen beysammen dahin stellen/ und iedwedes sein Amt also verrichten/ daß dahin auch das schönste Liecht gehalten/und der beste Gewalt des Wercks gesehen werde. Wie dessen/ in ihren Wercken alle fürnehme Meister/ als Titian und Tintoret, sonderlich der meisterhaffte Paul Verones erfahren/ gewesen/ und ihre Kunst-Wercke zu Exempeln hinterlassen. {Des Wohlstands} Man soll sich an kein besonder Bild binden; sondern allezeit meist Achtung geben/ auf daß/ was die gantze Historie erfordert; mit Beyfügung einiger der Materi/ wol anständiger fremder Ersinnung/ wolstehender Bilder/ guter Stellung und Affecten. Welche alle/ durch ihre Geberden zu erkennen geben/ was iedes Amt sagen will.

Quotation

{Die vördere und hintere Gründe/ müßen wol aufeinander ordiniret werden.} Die Gründe/ weisen in dieser Mahlerey des Meisters Verstand/ wann solche wol-ordinirt an einander gehänget und gleichsam gebunden werden/ mit Anzeigung des hin- und herkommens: also daß die vordere die andern (welches auch sonst in allem zu beobachten) zuruck nach dem Horizont oder Gesicht Ende treiben/ sich selbsten aber immer mehr herfür thun, Es sollen auch die Gründe nicht zu hart gegen des Liechts Ecken abgestochen/ sondern/wegen empfangenen Widerscheins mit halben Farben abgelindert/ auch nicht mit alzuviel Luft/Bergen/ Gebäuden oder Häusern übersetzet /sondern vielmehr mit großen schönen Bäumen und Gekräuter gezieret werden.
In dergleichen großen schönen Stucken der Landschaft-Mahlerey/ sind unter den alten Italiänern/ (die sich sonst wenig darauf beflissen) insonderheit darunter Muzian und der lobwürdige Titian, sehr verwunderbar gewesen: wie theils Holzschnitte des letzern bezeugen/ denen er einen guten Horizont gegeben/ mit festen Gründen/ darauf jedesmal vornher etwas großes stehet/ und alles andere hintan weichet; dergleichen auch des berühmten Breugels Gemälde und Kupferstücke/ in Abbildung der Tyrolischen Gebirge/ vor Augen stellen.

Quotation

23 maer ten lesten met vlecken en rouw’ streken,
Ginck hy zijn wercken al anders beleyden, {Tiziaen, veranderde zijn handelinghe, datse van verre alleen woude ghesien wesen.}
Welck natuerlijck wel stondt, als men gheweken
Wat verre daer van was, maer niet bekeken
Van by en wou wesen, het welck verscheyden
Meesters willende volghen in’t arbeyden,
En hebbender niet van ghemaeckt te deghe,
Dan een deel leelijck goets ghebracht te weghe.

Quotation

Il y a dans la Peinture differens genres d'harmonie. Il y en a de douce & de moderée, comme l'ont ordinairement pratiqué le Correge & le Guide. Il y en a de forte & d'élevée, comme celle du Giorgion, du Titien & du Caravage : & il y en peut avoir en differens degrés, selon la supposition des lieux, des tems, de la lumiere & des heures du jour.

Quotation

Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

Quotation

Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 33-34
Ja ob er gleich an die Farben der Kleider Christi und seiner Jünger gebunden war / so hat er dennoch durch Hülffe des fünfften Theils/ nemlich der
Perspective, sie also zu brechen wissen/ daß eine jedere ihren behörigen Ort behält/ und nicht mehr vorkomt oder wegweicht als sie sol. Alle insgesambt aber machen eine schöne Harmonie, und vermehret je eine des anderen schöne.

Quotation

Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 30-31
Was die Mahlerische Oeconomie sonst die Composition genant/ angeht/ und welche auch mit zum ersten Theil nehmlich zur Invention gehört/ so hat ein vortrefflicher Künstler alles sehr genau darinnen observiret/ und ein jederes an seinen gehörigen Ort gestellet […] ; Die Vornehmste Figur oder Person nimbt die Hauptstelle eine/ die Actionen differiren und contrastiren ganz künstlich/ die Haupt-Figur weiset sich von vorne/ die neben Figuren von der Seite/ so finden sich auch stehende und bückende auch vorwarts und hinterwarts überhangende Figuren.

Quotation

Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 31
Angehends das Dritte Theil/ die
Expression, so eussern sich hierbey recht geistereiche Anmerckungen/ dann die Gebehrden der meisten Figuren dieses Gemäldes/ leiten das Auge des Anschauers so gleich auf die Haupt-Figur/ so hat er ller dreyen Personen ihre Gebährden den recht eigentlich nach dem Ambt und dem Stande eines jederen ins besondere wohl exprimiret und aus-gedrücket ; […]/ 

Quotation

Art. […] Je dois dire aussi, car il ne faut pas taire la verité, que celui qui a travaillé dans la salle qu’on appelle d’en haut, aupres du tableau de la bataille peinte par Titien, s’est trompé dans l’histoire de l’excommunication lancée par Alexandre III. contre Frederic Barberousse. Aiant representé Rome dans sa composition, il me paroit qu’il a lourdement peché contre la convenance en y mettant un si grand nombre de Senateurs Venitiens, qui hors de propos sont spectateurs ; parcequ’il n’est pas vraisemblable qu’ils s’y trouvassent tous en meme tems, & ils n’ont rien à faire avec l’histoire. Au contraire Titien observa à merveille, & en perfection la convenance dans le tableau ou Frederic se baisse, & s’humilie devant le Pape, lui baisant les pieds : il y a peint judicieusement le Bembe, le Navager, & le Sannazare, qui regardent la fonction. Quoique le fait soit arrivé long tems auparavant ; il n’est pas extraordinaire qu’il ait imaginé les deux premiers dans Venise leur patrie ; & il n’est pas hors de toute vraisemblance que le troisieme s’y soit trouvé. Outre cela il n’y a pas un grand inconvenient qu’un des premiers peintres du monde conservât dans ses ouvrages la memoire, & les portraits des trois premiers poetes, & savans de notre tems, dont deux etoient nobles Venitiens ; & le troisieme avoit tant d’amour pour cette illustre ville de Venise, que dans une des ses Epigrammes, il la prefere à Rome.

Quotation

Are. […] Venons à la convenance : Rafael ne s’en eloigna jamais. Mais il fit les petits* enfants tels qu’ils sont doüillets & tendres, les hommes robustes, & les femmes avec cette delicatesse qui leur convient.
Fab. Et quoi le grand Michel Ange n’a-t-il donc pas gardé aussi cette convenance ?
Are. Si j’avois envie de vous plaire, & à ses partisans, je dirois qu’oüi : mais si je dois dire la verité, je dirai que non. Quoique vous voiez bien dans les tableaux de Michel Ange la distinction en general des âges, & des sexes (ce que tout le monde sait faire) vous ne la trouverez pourtant pas dans l’arrangement des muscles. Je ne veux pas me mettre à critiquer ses ouvrages, tant par le respect que j’ai pour lui, & que merite un si grand homme, que parcequ’il n’est pas necessaire. Mais que direz vous de l’honneteté ? croiez vous qu’il soit à propos pour faire voir les difficultés de l’art, de decouvrir toujours sans respect les parties nûes des figures, que la modestie, & la pudeur tiennent cachées, sans avoir egard ni a la sainteté des personnes qu’on represente, ni au lieu ou elles sont representées ?
[…]
 
* Dans son tems Titien pour la tendresse le surpassoit beaucoup, & depuis François du Quenoi dit le Flamand.

Quotation

Bey solcher Ausmahlung des Hauptwercks/ ist zuvorderst iedesmal eine Durchsicht offen zulassen/ zu Erkennung der Horizonts-Höhe. Darnach soll man seine Bilder vernünfftig eintheilen/ nicht zu dünn besäen; sondern/ wo das Hauptwerck hintrifft/ wol ins Gesicht bringen/ viel Figuren/ ja/ wol gantze Grupen oder Hauffen beysammen dahin stellen/ und iedwedes sein Amt also verrichten/ daß dahin auch das schönste Liecht gehalten/und der beste Gewalt des Wercks gesehen werde. Wie dessen/ in ihren Wercken alle fürnehme Meister/ als Titian und Tintoret, sonderlich der meisterhaffte Paul Verones erfahren/ gewesen/ und ihre Kunst-Wercke zu Exempeln hinterlassen. {Des Wohlstands} Man soll sich an kein besonder Bild binden; sondern allezeit meist Achtung geben/ auf daß/ was die gantze Historie erfordert; mit Beyfügung einiger der Materi/ wol anständiger fremder Ersinnung/ wolstehender Bilder/ guter Stellung und Affecten. Welche alle/ durch ihre Geberden zu erkennen geben/ was iedes Amt sagen will.

Quotation

Je le redis donc encore avec plus de confiance : apprenons à critiquer nos propres ouvrages à la vûë des beautez que nous découvrons dans ceux des autres ; ne rougissons point de chercher à les étudier ; ne craignons point qu’on nous accuse d’être de serviles imitateurs, quand nous aurons l’adresse de nous approprier les parties qui nous manquent, & de les joindre à celles que nous possedons. Le goût de dessein de celui-ci est plus noble & plus délicat que le vôtre, mais votre coloris l’emporte sur le sien ; ne pouvez-vous, sans perdre ce que vous avez acquis dans la couleur, faire votre profit de son heureuse maniere de dessiner ? Raphaël n’a t-il pas ajouté une nouvelle grandeur à la sienne à la vûë des ouvrages de Michel-Ange, sans se dépoüiller de sa sage simplicité & des graces nobles qui le caracterisent. Louis Carrache a-t-il passé pour un plagiaire, pour avoir étudié les tournures naïves & piquantes du Correge ? J’ai entre mes mains des études d’Annibal d’après Raphaël d’une beauté à faire comprendre qu’il étoit déjà digne de sa grande reputation lorsqu’il les a faites. Le Roy possede un Tableau de Vandeik d’après Le Titien, qui n’est point l’ouvrage d’un écolier.

Quotation

Je trouve trois sortes de Vrai dans la Peinture.
Le Vrai Simple,
Le Vrai Ideal,
Et le Vrai Composé, ou le Vrai Parfait.
Le Vrai Simple que j’appelle le premier Vrai, est une imitation simple & fidelle des mouvemens expressifs de la Nature, & des objets tels que le Peintre les a choisis pour modele, & qu’ils se presentent d’abord à nos yeux, en sorte que les Carnations paroissent de veritables Chairs, […] que par l’intelligence du clair-obscur & de l’union des couleurs, les objets qui sont peints paroissent de relief, & le tout ensemble harmonieux.
Ce Vrai Simple trouve dans toutes sortes de naturels les moyens de conduire le Peintre à sa fin, qui est une sensible & vive imitation de la Nature […].
Le Vrai Ideal est un choix de diverses perfections qui ne se trouvent jamais dans un seul modele ; mais qui se tirent de plusieurs & ordinairement de l’Antique.
Ce Vrai Ideal comprend l’abondance des pensées, la richesse des inventions, la convenance des attitudes, l’élégance des contours, le choix des belles expressions, le beau jet des draperies, enfin tout ce qui peut sans alterer le premier Vrai le rendre plus piquant & plus convenable. Mais toutes ces perfections ne pouvant subsister que dans l’idée par raport à la Peinture, ont besoin d’un sujet légitime qui les conserve & qui les fasse paroître avec avantage ; & ce sujet légitime est le Vrai Simple : […] c’est-à-dire, un sujet bien disposé pour les recevoir & les faire subsister, […]. Il paroît donc que ces deux Vrais, le Vrai Simple & le Vrai Ideal font un composé parfait, dans lequel ils se prêtent un mutuel secours, avec cette particularité, que le premier Vrai perce & se fait sentir au travers de toutes les perfections qui lui sont jointes.
Le troisiéme Vrai qui est composé du Vrai Simple & du Vrai Ideal fait par cette jonction le dernier achevement de l’Art, & la parfaite imitation de la belle Nature. C’est ce beau Vraisemblable qui paroît souvent plus vrai que la verité-même, parce que dans cette jonction le premier Vrai saisit le Spectateur, sauve plusieurs négligences, & se fait sentir le premier sans qu’on y pense. […]
Ce troisiéme Vrai, est un but où personne n’a encore frappé ; on peut dire seulement que ceux qui en ont le plus approché sont les plus habiles. Le Vrai Simple & le Vrai Ideal ont été partagés selon le génie & l’éducation des Peintres, qui les ont possedés. Georgion, Titien, Pordenon, le vieux Palme, les Bassans, & toute l’Ecole Venitienne n’ont point eu d’autre merite que d’avoir possedé le premier Vrai. Et Leonard de Vinci, Raphaël, Jules Romain, Polidore de Caravage, le Poussin, & quelques autres de l’Ecole Romaine, ont établi leur plus grande reputation par le Vrai Ideal ; mais sur-tout Raphaël, qui outre les beautés du Vrai Ideal a possedé une partie considerable du Vrai Simple, & par ce moyen a plus approché du Vrai parfait qu’aucun de sa Nation.

Quotation

[ndr : LE PEINTRE]
[...] lors que l’on voit en Italie & sur tout en la Lombardie & à Venise, les ouvrages de ces grands Peintres, le Titian, le Georgeon, Tintoret, P. Veroneze, le Palme, le Bassan, & autres Excellens Coloristes & tres-abondans en compositions de figures, cela surprend extremément la veuë, ce que ne font pas ainsi les
Œuvres du grand Raphaël & autres de ce goust, mais en recompense ceux-cy ont cét avantage qu’elles s’insinüent doucement dans l’esprit, de sorte qu’elles y font un tel effet, que plus vous les revoyez plus vous en estes satisfaits, en ce que vous y découvrez toûjours de nouvelles beautez.
Et pour les autres, c’est tout le contraire, car osté le Colory & l’Artiste maniere de peindre l’on y trouve en la pluspart, les revoyant toüjours de differantes méprises et erreurs, tant contre l’histoire & usage, que contre les Regles de Perspective.
Pour celles d’Anibal Carrace & de ses Contemporains [...] leur imitation n’a garde d’estre si nuisible à vous détourner de ce bon Goust [...].

Quotation

Pour peindre sur le bois, après l’avoir bien encollé avec la brosse, on y donne d’ordinaire une couche de blanc détrempé avec de la colle, avant que de le couvrir de l’imprimeure à huile, dont j’ay parlé ; Mais il est vray qu’à present l’on se sert beaucoup plus de toile que d’autres choses, principalement pour les grands tableaux ; parce qu’elle est plus commode à transporter que le bois, qui est pesant, & d’ailleurs sujet à se fendre. On choisit du coutil, ou de la toile la plus unie, & lorsqu’elle est bien tenduë sur un chassis, l’on y donne une couche d’eau de colle, & après on passe par dessus une Pierre de ponce pour en oster les nœuds. L’eau de colle sert à coucher tous les petits fils sur la toile, & remplir les petits troux, afin que la couleur ne passe pas au travers. Quand la toile est bien seiche, on l’imprime d’une couleur simple, & qui ne fasse point mourir les autres couleurs, comme du Brun rouge qui est une terre naturelle qui a du corps, & qui subsite, & avec lequel on mesle quelquefois un peu de blanc de plomb, pour le faire plutost seicher. Cette imprimeure se fait aprés que la couleur est broyée avec de l’huile de lin ; & pour la coucher la moins épaisse que l’on peut, on prend un grand couteau propre pour cela. Quand cette couleur est seiche, on passe encore la Pierre de ponce par dessus pour la rendre plus unie ; puis l’on fait, si l’on veut, une seconde imprimeure composée de blanc de plomb, et d’un peu de noir de charbon, pour rendre le fond grisastre, & en l’une ou l’autre des deux manieres on met le moins de couleur que l’on peut, afin que la toile ne casse pas si-tost, & que les couleurs qu’on vient ensuitte à coucher dessus en peigant, se conservent mieux ; Car quand l’on n’imprimeroit point les toiles, & qu’on peindroit tout d’un coup dessus, les couleurs ne s’en porteroient que mieux, & demeureroient plus belles. L’on voit dans quelques Tableaux de Titien, & de Paul Veronese, qu’il observoient d’en faire l’imprimeure à détrempe, sur laquelle ils peignoient ensuitte avec des couleurs à huile ; Ce qui a beaucoup servi à rendre leurs ouvrages plus vifs, & plus frais : parce que l’imprimeure à détrempe attire, & boit l’huile qui est dans les couleurs, & fait qu’elles restent plus belles, l’huile ostant beaucoup de leur vivacité. C’est pourquoy ceux qui veulent que leurs Tableaux demeurent frais employent le moins d’huile qu’ils peuvent, & tiennent leurs couleurs plus fermes y meslant un peu d’huile d’Aspic, qui s’évapore aussi-tost ; mais qui sert à les faire couleur, & qui les rend plus maniables en travaillant. […].

Quotation

Ce que fait, dit Pymandre, que les Tableaux sont si differents les uns des autres dans le coloris, n’est-ce point que les ouvriers n’ont pas une égale connoissance de ce meslange ; car Denis d’Halicarnasse semble s’estonner de ce qu’encore que ceux qui peignent des animaux se servent tous de mesmes couleurs ; il y a cependant toujours beaucoup de difference dans leurs coloris. Or non seulement je remarque cette diversité dans ceux qui font des animaux & qui imitent les choses les plus simples de la Nature, mais aussi dans tous les grands Peintres qui ont représenté le corps humain. Car chacun le peint differemment & d’une maniere particuliere, comme ont fait le Guide, le Dominiquin, Lanfranc & tant d’autres, quoy qu’ils eussent estudié en mesme école, & qu’ils eussent, si vous voulez, un mesme sujet à imiter.
Ce n’est pas, luy respondis-je, le meslange seul des couleurs qui fait cette difference, mais ç’a esté un goust particulier, & une volonté propre à chacun de ces grands hommes qui les a portez à suivre une maniere particuliere selon qu’elle leur a semblé plus vraye & plus forte ; Et ce choix que chacun d’eux en a fait est d’autant plus estimable qu’on voit qu’ils approchent du vray & du beau.
De sorte que si dans les Tableaux de ces differents Peintres que vous avez nommez, il y a des carnations qui sont plus grises, d’autres plus rouges, & d’autres plus noires que le naturel, c’est un effet de l’inclination & du differend goust de ces maistres.

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If in a Picture the Story be well chosen, and finely Told (at least) if not Improv’d, if it fill the Mind with Noble, and Instructive Ideas, I will not scruple to say ‘tis an excellent Picture, tho’ the Drawing be as Incorrect as that of Corregio, Titian, or Rubens ; the Colouring as Disagreeable as that of Polidore, Battista Franco, or Michael Angelo. Nay, tho’ there is no other Good but that of the Colouring, and the Pencil, I will dare to pronouce it a Good Picture ; that is, that ‘tis Good in those Respects

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Le Titian a fait d’excellens Ouvrages suivant l’election de ses Originaux ou modelles, tant pour ce qui est du dessein, que principalement de la maniere de Peindre, dont le Colory est si beau, si vif, & si frais, en un mot tellement de chair, qu’il est comme inimitable aux Copistes

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24 D’Italisch’ om te schilderen Landouwen {D’Italianen, die weynich, doch fraey Landtschapmakers zijn, maken veel maer een verschietende insien, en zijn fraey van vaste gronden en ghebouwen.}
Weynich, maer constich, schier sonder ghenooten
Wesend’, en laten meestmaels maer aenschouwen
Een verschietend’ insien, en seer vast bouwen
Gronden en Steden, jae wat sy ontblooten,
Boven Tinturet, den bysonder grooten
Titiaen, wiens hout-print hier zy ons lesse,
Och wat wy sien van dien Schilder van Bresse.

Quotation

Ainsi vous pouvez sçavoir à present que pour bien juger d’un Tableau & du génie de celuy qui l’a fait, il faut regarder d’abord quelle est l’Invention de ce Tableau ; si elle est nouvelle, noble, & agréable. La Disposition du sujet vous fera connoistre si l’Ouvrier a du jugement, & s’il a de l’ordre dans ses pensées.

Quotation

Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 30-31
Was die Mahlerische Oeconomie sonst die Composition genant/ angeht/ und welche auch mit zum ersten Theil nehmlich zur Invention gehört/ so hat ein vortrefflicher Künstler alles sehr genau darinnen observiret/ und ein jederes an seinen gehörigen Ort gestellet […] ; Die Vornehmste Figur oder Person nimbt die Hauptstelle eine/ die Actionen differiren und contrastiren ganz künstlich/ die Haupt-Figur weiset sich von vorne/ die neben Figuren von der Seite/ so finden sich auch stehende und bückende auch vorwarts und hinterwarts überhangende Figuren.

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Evitez les ombres fortes sur le milieu des membres, de peur que le trop de noir, qui compose ces ombres, ne semble entrer dedans & les couper. Cherchez plustot à les placer à l’entour, pour relever davantage les parties, & prenez vostre jour si avantageux, qu’aprés de grandes lumieres vous trouverrez de grandes ombres : d’où vient que c’est avec raison que l’on dit du Titien, qu’il n’avoit pas de meilleure regle pour la distribution des jours & des ombres, que la grappe de raisin.

Quotation

Non seulement je vous ay nommé les plus celebres Peintres Italiens, mais encore ceux des autres Nations qui ont travaillé avec quelque estime. Je vous ay marqué leurs differens talens & le merite de leurs ouvrages. C’est en voyant ces ouvrages que je vous ay parlé des qualitez necessaires à former un sçavant Peintre. Ainsi vous pouvez sçavoir à present que pour bien juger d’un Tableau & du génie de celuy qui l’a fait, il faut regarder d’abord quelle est l’Invention de ce Tableau ; si elle est nouvelle, noble, & agréable. La Disposition du sujet vous fera connoistre si l’Ouvrier a du jugement, & s’il a de l’ordre dans ses pensées. 
C’est dans le Dessein que le Peintre fait paroistre la force de son esprit, sa science, & le fruit de ses études. Par le dessein il donne de la proportion, de la grace, & de la majesté à ses figures ; il en marque toutes les beautez ; il exprime les differentes actions du corps, & les divers mouvemens de l’ame. Enfin le dessein est comme la base & le fondement de toutes les autres parties.
Quelque beauté de coloris qu’un Peintre donne à son ouvrage, quelque amitié de couleurs qu’il observe pour le rendre aimable & plaisant à la veûë ; quelques jours & quelques lumieres qu’il y répande pour l’éclairer, de quelques ombres dont il tasche de le fortifier & d’en relever l’eclat, si tout cela n’est soustenu du dessein, il n’y a rien, pour beau & riche qu’il soit, qui puisse subsister. On doit prendre garde sur tout à ne se pas laisser surprendre par les charmes du coloris ; car la Couleur n’est pas seulement un agrément que la nature ait répandu sur les corps pour en relever la beauté & leur donner plus d’éclat, mais elle est aussi dans les ouvrages de l’art un moyen merveilleux pour les rendre agréables, & donner plus de plaisir à la veûë. [...] De sorte qu’il faut mettre de la différence entre le jugement que l’œil fait d’un Tableau, & celuy que la raison en donne. L’un se contente de l’agrément, & l’autre recherche la vérité & la vraysemblance. Et par là vous voyez que la lumiere de la raison doit conduire toutes les operations de l’esprit, comme la lumiere de l’œil les operations de la main, & qu’il est besoin d’une grande prudence & d’un grand discernement pour distribuer toutes choses selon qu’il est necessaire pour la perfection d’un ouvrage, lors qu’on veut satisfaire également les yeux & la raison. Et c’est ce discernement & cette prudence qu’il faut beaucoup estimer dans les Ouvriers & dans leurs ouvrages.

Quotation

Non seulement je vous ay nommé les plus celebres Peintres Italiens, mais encore ceux des autres Nations qui ont travaillé avec quelque estime. Je vous ay marqué leurs differens talens & le merite de leurs ouvrages. C’est en voyant ces ouvrages que je vous ay parlé des qualitez necessaires à former un sçavant Peintre. Ainsi vous pouvez sçavoir à present que pour bien juger d’un Tableau & du génie de celuy qui l’a fait, il faut regarder d’abord quelle est l’Invention de ce Tableau ; si elle est nouvelle, noble, & agréable. La Disposition du sujet vous fera connoistre si l’Ouvrier a du jugement, & s’il a de l’ordre dans ses pensées. 
C’est dans le Dessein que le Peintre fait paroistre la force de son esprit, sa science, & le fruit de ses études. Par le dessein il donne de la proportion, de la grace, & de la majesté à ses figures ; il en marque toutes les beautez ; il exprime les differentes actions du corps, & les divers mouvemens de l’ame. Enfin le dessein est comme la base & le fondement de toutes les autres parties.
Quelque beauté de coloris qu’un Peintre donne à son ouvrage, quelque amitié de couleurs qu’il observe pour le rendre aimable & plaisant à la veûë ; quelques jours & quelques lumieres qu’il y répande pour l’éclairer, de quelques ombres dont il tasche de le fortifier & d’en relever l’eclat, si tout cela n’est soustenu du dessein, il n’y a rien, pour beau & riche qu’il soit, qui puisse subsister. On doit prendre garde sur tout à ne se pas laisser surprendre par les charmes du coloris ; car la Couleur n’est pas seulement un agrément que la nature ait répandu sur les corps pour en relever la beauté & leur donner plus d’éclat, mais elle est aussi dans les ouvrages de l’art un moyen merveilleux pour les rendre agréables, & donner plus de plaisir à la veûë. [...] De sorte qu’il faut mettre de la différence entre le jugement que l’œil fait d’un Tableau, & celuy que la raison en donne. L’un se contente de l’agrément, & l’autre recherche la vérité & la vraysemblance. Et par là vous voyez que la lumiere de la raison doit conduire toutes les operations de l’esprit, comme la lumiere de l’œil les operations de la main, & qu’il est besoin d’une grande prudence & d’un grand discernement pour distribuer toutes choses selon qu’il est necessaire pour la perfection d’un ouvrage, lors qu’on veut satisfaire également les yeux & la raison. Et c’est ce discernement & cette prudence qu’il faut beaucoup estimer dans les Ouvriers & dans leurs ouvrages.

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Mais les hommes croïent naturellement que leur goût est le bon goût, & par consequent ils pensent que les personnes qui ne jugent pas comme eux, ont les organes imparfaits, ou qu'elles se laissent conduire à des prejugez qui les gouvernent, sans qu'elles-mêmes s'apperçoivent du pouvoir de la prévention.
Qu'on change les organes de ceux à qui l'on voudroit faire changer de sentiment sur les choses qui sont purement de goût, ou pour mieux dire, que chacun demeure dans son opinion, sans blâmer l'opinion de l'autre. Vouloir persuader à un homme qui préfère le coloris à l'expression, en suivant son propre sentiment, qu'il a tort, c'est lui vouloir persuader de prendre plus de plaisir à voir les tableaux du Poussin, que ceux du Titien.

Quotation

Si nous voulons suivre l’opinion commune qui regle presque toûjours le merite selon l'ancienneté, nous mettrons le siecle d'Apelle beaucoup au dessus de celuy de Raphael, & celuy de Raphael beaucoup au dessus du nostre ; mais je ne suis nullement d’accord de cet arrangement, particulierement à l'égard de la preference qu’on donne au siecle d’Apelle sur celuy de Raphael.
LE PRESIDENT. Comment pouvez-vous ne pas convenir d'un jugement si universel & si raisonnable, sur tout après estre demeuré d'accord de l'excellence de la sculpture de Phidias & de Praxitele ; car si la sculpture de ces temps-là l'emporte sur celle de tous les siecles qui ont suivi, à plus forte raison la Peinture, si nous considerons qu'elle est susceptible de mille beautez & de mille agrémens dont la Sculpture n’est point capable.
L'ABBE. C’est par cette raison là mesme que la consequence que vous tirez n’est pas recevable.
Si la Peinture estoit un Art aussi simple & aussi borné que l’est la Sculpture en fait d'ouvrages de ronde bosse, car c'est en cela seul qu'elle a excellé parmi les Anciens, je me rendrois à vostre advis, mais la Peinture est un Art si vaste de d'une si grande étenduë, qu'il n'a pas moins fallu que la durée de tous les siecles pour en découvrir tous les secrets & tous les mysteres. Pour vous convaincre du peu de beauté des peintures antiques, & de combien elles doivent estre mises au dessous de celles de Raphael, du Titien & de Paul Veronese, & de celles qui se font aujourd’hui, je ne veux me servir que des loüanges mesmes qu'on leur a données.

Quotation

Ik vroeg eens aan iemand, waarom hy zyn kleêren altyd met dunne ploojen maakte? waarop hy my tot antwoord gaf, geen zin te hebben in zulke dikke ploojen als Paulo Veronees, Titiaan en Rubbens verbeelden. Sommige bederven hun beelden zodanig met het ophoopen van veelderhande ploojen; dat zy daar door t’eenemaal vergeeten, het gebruik der stoffe alleenig gemaakt te zyn, om de partyen der Lichamen daar ze over heen komen, te kleeden en met gratie te bedekken: en niet om dezelve daar mede te belaaden en te vervullen, als of het geheele Lichaam maar een buik, en alle leeden op de verheeven partyen, met zandzakken bekleed waaren. Veele wederom maken hun kleedingen als of het darmen zyn, op de manier van Korton, ziende nergens als zulke printen.

Quotation

Zommige oordeelen, dat de Conterfeitsels van van Dyk by die van Titiaan maar waterverw gelyken, om reden dat die van Titiaan zo veel kracht in koleur, dag, en schaduwe hebben, dat die van den anderen daar niet by konnen haalen, ja een koleur, zeggen zy, welke op die wyze voor van Dyk onnavolgelyk is, en daar het zyne zich alles flets en krachteloos by vertoont: waarlyk, een belaghelyk en beschimpend oordeel. Doch dat van Dyk en Titiaan in koleur verschillen, dat staa ik hun toe; maar dat men in dit geval by de Italiaanen niet behoeft te loopen, om zulks te bewyzen, is ook zeker: want voor zo veel de krachtige Coloriet, indien het daar in bestond, belangt, zo zeg ik dat Rembrant voor Titiaan niet heeft te wyken. Maar wat is ‘t! de meeste menschen volgen gemeenlyk de dwaaze oordeelaars, welke geene dingen goed keuren, die niet op zyn Italiaansch geschilderd zyn, het zy Historien, Landschappen, of Pourtraiten.

Quotation

Wy hebben meermaals aangemerkt dat de overtolligheid in plaats van een zaak meerder kracht en luyster te geeven, de zelve verminderd en verduysterd, dat ook de te groote ruymten en luchtige omstandigheden van geen beeter uitwerkingen zyn, men moet deze twee gevaarlykheden, als Scylla en Charibdis schuwen, ik kan dezelve niet beeter vergelyken, als by overgroote armoede en verkwistende rykdom, het zy dat de eene uit een logge, sombre en zwaarmoedige verdrietende geest spruyt, en de andere uit een vlugge en al te vruchtbare geest, of wel dat zy voor neemen deze of geene na te volgen, waar van wy dagelyks veel voorbeelden zien, als den eenen de kloekheid van Carats, den ander de schoone Coloriet van Titiaan, die de bevallige zeedigheid van Raphaël, en deze de natuurlykheid van Guido […]

Quotation

Solche Regeln/ haben die alte Kunst-Mahler beobachtet. Dessen allen haben/ unter den alten berühmten Kunst-Mahlern/ Raphael Urbini, Coregio, Titian, Verones, Tintoret und viel andere auf Mauren/ auch in Oelfarben/ mit sonders erleuchten Urtheil und Verstand/ zu ihrem immerwehrenden Lob und Ruhm/ bey aller Nachwelt/ sich sehr künstlich bedient. Wie dann nicht minder/ neben ihnen/ auch unsere alte Teutsche/ als Albrecht Dürer/ Hanns Holbein und andere/ nach und nach die Verbesserung des Colorits und das natürlichmahlen erfunden: […]

Quotation

Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 33
Da ich von diesem Theil der Kunst / nehmlich der Colorit einen besonderen
Discours zu halten mit […] mir vorgenommen habe ; Indessen melde [ndr.: ich] nur sagen das Vornehmste/nemlich daß die Haupt-Person [Christus] durch einen grossen Tag erleuchtet/ die anderen aber nur mit einem streiffenden Licht beschienen werden/ […] daß allezeit in den Theilen des Gesichtes/ eine dunckele Farbe einer lichten und dann eine lichte einer dunckelen Farbe zum Grunde dienen müssen ; 

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Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 34
[ndr.: Vom Vierten Theil, nehmlich der Colorit] Wie starck glänzet nicht die auf den Horizont untergehehende Sonne ? und gibt doch denen auf dem Vorgrunde sich befindenden Tagen keinen Verdruß, wer wundert sich nicht/ daß die sonst starck schreiende Farben/ worinnen dieser gekleidet ist/ und die an dem Rande des Gemähldes gestellet seyn/ dennoch das Auge des Anschauers denen gelinden Farben des Kleides Christi nicht entziehen ?

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Das 3. Capitel. Von Farben.
Man muß den Alten nicht ein licht, rothes, friches, und den jungen Menschen hingegen ein gelb-braunes, langweiliger, träger Angesicht zueignen. Wenn aber den alten in einen Winckel mit einen gelb-braunen, oder von der Sonne und Staub verschwärtzten, und vernebelten Angesicht vorstellet, gegen über aber einen jungen Verliebten mit feiner Dame ganz schöne, lichte, feurig und brennend, balb weiß, bald röthlich machete, so wird solche stritige Uneinigkeit bald eine leibliche Einigkeit auf den Kunst-Blatte gebähren, und die niedere, bleiche und dunckele Farbe erst ein Preiß volles Ansehen, und folgbahre Ehre dem Künstler erwerben. Dessen allen haben sich unter den alten berühmten Kunst-Mahlern Raphael Urbini, Corregio, Titian, und viel andere mehr auf Mauren in Oel-Farben, mit sonderbahren, erleuchteren Urtheil und Verstand zu ihren immerwehrenden Lob und Ruhm bey aller Nach-Welt sehr künstlich bedienet, wie den nicht andere neben ihnen auch unsere alte Teutsche als Albrecht Dürer, Hans Hollpein, und andere mehr nach und nach die Verbesserung des Coloritz und des natürlichen Wesen erfunden. 

Quotation

Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 30-31
Was die Mahlerische Oeconomie sonst die Composition genant/ angeht/ und welche auch mit zum ersten Theil nehmlich zur Invention gehört/ so hat ein vortrefflicher Künstler alles sehr genau darinnen observiret/ und ein jederes an seinen gehörigen Ort gestellet […] ; Die Vornehmste Figur oder Person nimbt die Hauptstelle eine/ die Actionen differiren und contrastiren ganz künstlich/ die Haupt-Figur weiset sich von vorne/ die neben Figuren von der Seite/ so finden sich auch stehende und bückende auch vorwarts und hinterwarts überhangende Figuren.

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{Die Farben müßen jedem Bild seine Natur geben} Wann man aber den Alten/in einen Winkel/ mit einem gelben/ braunen/ oder von Sonne und Staub erschwärzten vernebelten Angesicht/vorstellet/ gegenüber einen jungen Verliebten/ mit seiner Dame, ganz schön/ licht/ feuring und brennend/ bald weiß/ bald roht/ conversiren/ auch die Kinder schön weiß und röhtlich machet: wird solche uneinige Misculanz, bald eine einige liebliche Concordanz auf dem Kunst-Blat gebähren/ und die niedere/ bleiche und dunkele/ der hellen/ feurigen und hochtrabenden Farbe erst ein Preis-volles ansehen und folgbar dem Künstler alle Ehre/ erwerben […].

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Wy hebben meermaals aangemerkt dat de overtolligheid in plaats van een zaak meerder kracht en luyster te geeven, de zelve verminderd en verduysterd, dat ook de te groote ruymten en luchtige omstandigheden van geen beeter uitwerkingen zyn, men moet deze twee gevaarlykheden, als Scylla en Charibdis schuwen, ik kan dezelve niet beeter vergelyken, als by overgroote armoede en verkwistende rykdom, het zy dat de eene uit een logge, sombre en zwaarmoedige verdrietende geest spruyt, en de andere uit een vlugge en al te vruchtbare geest, of wel dat zy voor neemen deze of geene na te volgen, waar van wy dagelyks veel voorbeelden zien, als den eenen de kloekheid van Carats, den ander de schoone Coloriet van Titiaan, die de bevallige zeedigheid van Raphaël, en deze de natuurlykheid van Guido […]

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Zommige oordeelen, dat de Conterfeitsels van van Dyk by die van Titiaan maar waterverw gelyken, om reden dat die van Titiaan zo veel kracht in koleur, dag, en schaduwe hebben, dat die van den anderen daar niet by konnen haalen, ja een koleur, zeggen zy, welke op die wyze voor van Dyk onnavolgelyk is, en daar het zyne zich alles flets en krachteloos by vertoont: waarlyk, een belaghelyk en beschimpend oordeel. Doch dat van Dyk en Titiaan in koleur verschillen, dat staa ik hun toe; maar dat men in dit geval by de Italiaanen niet behoeft te loopen, om zulks te bewyzen, is ook zeker: want voor zo veel de krachtige Coloriet, indien het daar in bestond, belangt, zo zeg ik dat Rembrant voor Titiaan niet heeft te wyken. Maar wat is ‘t! de meeste menschen volgen gemeenlyk de dwaaze oordeelaars, welke geene dingen goed keuren, die niet op zyn Italiaansch geschilderd zyn, het zy Historien, Landschappen, of Pourtraiten.

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Zommige oordeelen, dat de Conterfeitsels van van Dyk by die van Titiaan maar waterverw gelyken, om reden dat die van Titiaan zo veel kracht in koleur, dag, en schaduwe hebben, dat die van den anderen daar niet by konnen haalen, ja een koleur, zeggen zy, welke op die wyze voor van Dyk onnavolgelyk is, en daar het zyne zich alles flets en krachteloos by vertoont: waarlyk, een belaghelyk en beschimpend oordeel. Doch dat van Dyk en Titiaan in koleur verschillen, dat staa ik hun toe; maar dat men in dit geval by de Italiaanen niet behoeft te loopen, om zulks te bewyzen, is ook zeker: want voor zo veel de krachtige Coloriet, indien het daar in bestond, belangt, zo zeg ik dat Rembrant voor Titiaan niet heeft te wyken. Maar wat is ‘t! de meeste menschen volgen gemeenlyk de dwaaze oordeelaars, welke geene dingen goed keuren, die niet op zyn Italiaansch geschilderd zyn, het zy Historien, Landschappen, of Pourtraiten.

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DE verscheidene lichten in een Stuk oordeelen zommige dat onmogelyk wel konnen staan: want, zeggen zy, indien het goed was, zo zouden Raphaël, Carats, Titiaan, Poussyn, en andere braave Meesters meer die manier wel voor goed gekeurd, en niet verworpen hebben. Ja de Fransche Academisten, voegen zy'er by, die tot zulk een hoogen top gereezen zyn, besluiten eenpaariglyk, dat men niet als een eenig licht in 't algemeen zal gebruiken; verwerpende een Schildery dat meer als een licht vertoond. By gevolg oordeelen zy, dat de gezegde lichten maar een vinding zyn van Hollandsche Meesters, die het Antiek niet verstaan, welke maar alleen de natuurlykheid beoogen, om de onkundigen aan te lokken. Waar op ik zeg, dat, hoewel Raphaël, Poussyn, en andere groote Konstenaars het zelve in hunne Werken niet getoond, maar zich enkelyk aan een algemeen licht gehouden hebben, zulks niet en spruit uit een verachting of verwerping van het zelve, als of het tegen de natuur en konst zoude stryden; maar alleen dat zy 'er toen noch niet om gedagt, of 'er van geweeten hebben: alzo de Konst toenmaals in die deelen haare volmaaktheid noch niet had bereikt of verkreegen. Niet dat ik zeg, dat zulk een Stuk met verscheidene lichten beter is, als met een alleen 't geen natuurlyk is verbeeld; maar wel dat, als het zo te pas komt en konstig uitgewerkt is, het een schildery een veranderlyke welstand byzet [...]Met deze voorbeelden meen ik genoegsaam verklaard te hebben de natuur en werking van verscheidene lichten; als mede hoe voordeelig de kennis daar van is, zo wel in zon-als gemeen licht, ten opzichte van de veranderlykheid, zo wel in Landschappen als in andere verkiezingen; daar en boven de overvloedige middelen, die daar uit voortkomen, tot verrykinge onzer Ordinantien, en boven de gemeene trant.

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DE verscheidene lichten in een Stuk oordeelen zommige dat onmogelyk wel konnen staan: want, zeggen zy, indien het goed was, zo zouden Raphaël, Carats, Titiaan, Poussyn, en andere braave Meesters meer die manier wel voor goed gekeurd, en niet verworpen hebben. Ja de Fransche Academisten, voegen zy'er by, die tot zulk een hoogen top gereezen zyn, besluiten eenpaariglyk, dat men niet als een eenig licht in 't algemeen zal gebruiken; verwerpende een Schildery dat meer als een licht vertoond. By gevolg oordeelen zy, dat de gezegde lichten maar een vinding zyn van Hollandsche Meesters, die het Antiek niet verstaan, welke maar alleen de natuurlykheid beoogen, om de onkundigen aan te lokken. Waar op ik zeg, dat, hoewel Raphaël, Poussyn, en andere groote Konstenaars het zelve in hunne Werken niet getoond, maar zich enkelyk aan een algemeen licht gehouden hebben, zulks niet en spruit uit een verachting of verwerping van het zelve, als of het tegen de natuur en konst zoude stryden; maar alleen dat zy 'er toen noch niet om gedagt, of 'er van geweeten hebben: alzo de Konst toenmaals in die deelen haare volmaaktheid noch niet had bereikt of verkreegen. Niet dat ik zeg, dat zulk een Stuk met verscheidene lichten beter is, als met een alleen 't geen natuurlyk is verbeeld; maar wel dat, als het zo te pas komt en konstig uitgewerkt is, het een schildery een veranderlyke welstand byzet [...]Met deze voorbeelden meen ik genoegsaam verklaard te hebben de natuur en werking van verscheidene lichten; als mede hoe voordeelig de kennis daar van is, zo wel in zon-als gemeen licht, ten opzichte van de veranderlykheid, zo wel in Landschappen als in andere verkiezingen; daar en boven de overvloedige middelen, die daar uit voortkomen, tot verrykinge onzer Ordinantien, en boven de gemeene trant.

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Het is myn vast gevoelen dat de Oeffening der plooijen niet volkomen geleerd kan worden, zonder de Leeman te gebruiken; Want wat baat het dat men zich uitmergeld met kleêren uit de Geest te Teikenen als wy ’t leeven voor ons kunnen hebben, zonder welke het onmogelyk is de natuur der Stoffe te doorgronden: daar zich, in tegendeel, veele niet anders oeffenen dan naar de Statuaas en fraaiste printen der beroemste meesters, welke hier in uitgemunt hebben: als Raphaël, Barotius, Guido, Albaan, Pousyn &c; denkende uit dezelfde reeds een gebaande weg te hebben gevonden, om tot genoegzame volkomentheid te geraken, en hun oogmerk te bereiken. Daar men nochtans weet, dat Raphaël voornaamentlyk, die gelegentheid niet gehad hebbende, echter in zyn tyd, de fraayste dingen voor den dag gekomen zyn. Nu zoude men mogen vragen, waarom eenige andere vermaarde Meesters, als Titiaan, Tintoret, Paulo Veronees, Julio Romano, Michel Angelo, Dominiquin, Bassan &c, zo goed daar in niet geoordeeld werden? de reeden is deeze, dat Raphaël het leeven gebruikt heeft, wel te verstaan een Leeman, waar door hy de natuur en eigenschap der Stoffe grondig heeft leeren onderzoeken: alhoewel men hem nogtans zou kunnen beschuldigen dat hy zyn beelden de meesten tyd met eenderly Stoffe kleeden, in voorvallen, daar de verandering genoegzaam verschillende kon geweest hebben. Evenwel moet men bekennen dat ‘er voor, noch naderhand, geen zo ervaren en Konstryk in dezelve geweest is, dan een alleen, te weten Nikolas Poussyn; echter is dit geen wonder; dewyl hy het Natuurlyke leeven onderzocht en gebruikten gelyk hem bewust was dat Raphaël gedaan had, en niet gelyk anderen die alleen zyn werk navolgden: daarom zyn zy ook slegter geweest, hebben minder kennis gehad, en meenigmaal niet van de natuur der stoffe of plooijen geweeten.

Quotation

24 D’Italisch’ om te schilderen Landouwen {D’Italianen, die weynich, doch fraey Landtschapmakers zijn, maken veel maer een verschietende insien, en zijn fraey van vaste gronden en ghebouwen.}
Weynich, maer constich, schier sonder ghenooten
Wesend’, en laten meestmaels maer aenschouwen
Een verschietend’ insien, en seer vast bouwen
Gronden en Steden, jae wat sy ontblooten,
Boven Tinturet, den bysonder grooten
Titiaen, wiens hout-print hier zy ons lesse,
Och wat wy sien van dien Schilder van Bresse.

Quotation

Titian was the best Colourer, perhaps, that ever was ; he Designed likewise very well, but not very exactly ; the Airs of his Heads for Women and Children are admirable, and his Drapery loose and noble ; his Portraits are all Master-pieces, no man having ever carried Face-Painting so far ; the Persons that he has drawn having all the Life and Spirit as if they were alive ; his Landskips are the Truest, best Coloured, and Strongest that ever were.

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{Die vördere und hintere Gründe/ müßen wol aufeinander ordiniret werden.} Die Gründe/ weisen in dieser Mahlerey des Meisters Verstand/ wann solche wol-ordinirt an einander gehänget und gleichsam gebunden werden/ mit Anzeigung des hin- und herkommens: also daß die vordere die andern (welches auch sonst in allem zu beobachten) zuruck nach dem Horizont oder Gesicht Ende treiben/ sich selbsten aber immer mehr herfür thun, Es sollen auch die Gründe nicht zu hart gegen des Liechts Ecken abgestochen/ sondern/wegen empfangenen Widerscheins mit halben Farben abgelindert/ auch nicht mit alzuviel Luft/Bergen/ Gebäuden oder Häusern übersetzet /sondern vielmehr mit großen schönen Bäumen und Gekräuter gezieret werden.
In dergleichen großen schönen Stucken der Landschaft-Mahlerey/ sind unter den alten Italiänern/ (die sich sonst wenig darauf beflissen) insonderheit darunter Muzian und der lobwürdige Titian, sehr verwunderbar gewesen: wie theils Holzschnitte des letzern bezeugen/ denen er einen guten Horizont gegeben/ mit festen Gründen/ darauf jedesmal vornher etwas großes stehet/ und alles andere hintan weichet; dergleichen auch des berühmten Breugels Gemälde und Kupferstücke/ in Abbildung der Tyrolischen Gebirge/ vor Augen stellen.

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Es haben auch die Alten sich hierin sehr vernünfftig und viel bemüht/ die Landschafften nach dem Leben zuzeichnen/ und alsdann/ nach selbiger Zeichnung/ zu Hause ihre Gemähl zu verrichten. Die beste Art/ natürliche Landschafften mahlen zu lernen. Welchen Gebrauch/ sonderlich wo es an Zeit fehlet/ ich auch nicht gar verwehrt/ sondern vielmehr selbst mit gefolgt habe; aber wie ich mich ohnverdrossen besser daran gemacht/ und zu Rom/ auch zu Tivoli/ etliche Monatlang/ mit Farben und Tüchern ins Feld begeben/ und so gar nach dem Leben gemahlt/ und alles dasjenige/ nach solchen natürlichen Modeln/verfertigt/ hernach zu Hause gegen denselben die Nachzeichnung gemacht/ und paragonirt, hat neben mir den mächtigen Unterschied so handgreiflich gesehen und erkannt/ daß dieses dem wahren Weg zur Vollkommenheit weisete/ und daß er selbst auch also gefolgt/ bis er endlich ein Meister in Landschafften worden ist: mein Nachbar Claude Gilli, als ein hohes Liecht in Landschafften/ den mächtigen Unterschied so handgreiflich gesehen und erkannt/ daß dieses dem wahren Weg zur Vollkommenheit weisete/ und daß er selbst auch also gefolgt/ bis er endlich ein Meister in Landschafften worden ist: […]

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Het is myn vast gevoelen dat de Oeffening der plooijen niet volkomen geleerd kan worden, zonder de Leeman te gebruiken; Want wat baat het dat men zich uitmergeld met kleêren uit de Geest te Teikenen als wy ’t leeven voor ons kunnen hebben, zonder welke het onmogelyk is de natuur der Stoffe te doorgronden: daar zich, in tegendeel, veele niet anders oeffenen dan naar de Statuaas en fraaiste printen der beroemste meesters, welke hier in uitgemunt hebben: als Raphaël, Barotius, Guido, Albaan, Pousyn &c; denkende uit dezelfde reeds een gebaande weg te hebben gevonden, om tot genoegzame volkomentheid te geraken, en hun oogmerk te bereiken. Daar men nochtans weet, dat Raphaël voornaamentlyk, die gelegentheid niet gehad hebbende, echter in zyn tyd, de fraayste dingen voor den dag gekomen zyn. Nu zoude men mogen vragen, waarom eenige andere vermaarde Meesters, als Titiaan, Tintoret, Paulo Veronees, Julio Romano, Michel Angelo, Dominiquin, Bassan &c, zo goed daar in niet geoordeeld werden? de reeden is deeze, dat Raphaël het leeven gebruikt heeft, wel te verstaan een Leeman, waar door hy de natuur en eigenschap der Stoffe grondig heeft leeren onderzoeken: alhoewel men hem nogtans zou kunnen beschuldigen dat hy zyn beelden de meesten tyd met eenderly Stoffe kleeden, in voorvallen, daar de verandering genoegzaam verschillende kon geweest hebben. Evenwel moet men bekennen dat ‘er voor, noch naderhand, geen zo ervaren en Konstryk in dezelve geweest is, dan een alleen, te weten Nikolas Poussyn; echter is dit geen wonder; dewyl hy het Natuurlyke leeven onderzocht en gebruikten gelyk hem bewust was dat Raphaël gedaan had, en niet gelyk anderen die alleen zyn werk navolgden: daarom zyn zy ook slegter geweest, hebben minder kennis gehad, en meenigmaal niet van de natuur der stoffe of plooijen geweeten.

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Want indien zulk een meester, als Titiaen, zoo begaeft in de natuur en 't leven te volgen, deur de Teykenkonst geholpen waer geweest, en zijn grooten geest en levende handeling op de studie gesteunt hadde, hy waer alles te boven gekomen. Laet nu dit oordeel vry wat eenzijdich zijn; want de Teykenkonst wort hier niet genomen voor wel het leeven te volgen, maer voor altijts het schoonste te verbeelden, gelijk Agnolo in zijn grooten Laetsten dach wel betoont heeft, daer hy zijne beelden met een grootse maniere, en in schoone gestaltenissen, voeglijk aen d'opstanding, heeft voortgebracht.

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Het is myn vast gevoelen dat de Oeffening der plooijen niet volkomen geleerd kan worden, zonder de Leeman te gebruiken; Want wat baat het dat men zich uitmergeld met kleêren uit de Geest te Teikenen als wy ’t leeven voor ons kunnen hebben, zonder welke het onmogelyk is de natuur der Stoffe te doorgronden: daar zich, in tegendeel, veele niet anders oeffenen dan naar de Statuaas en fraaiste printen der beroemste meesters, welke hier in uitgemunt hebben: als Raphaël, Barotius, Guido, Albaan, Pousyn &c; denkende uit dezelfde reeds een gebaande weg te hebben gevonden, om tot genoegzame volkomentheid te geraken, en hun oogmerk te bereiken. Daar men nochtans weet, dat Raphaël voornaamentlyk, die gelegentheid niet gehad hebbende, echter in zyn tyd, de fraayste dingen voor den dag gekomen zyn. Nu zoude men mogen vragen, waarom eenige andere vermaarde Meesters, als Titiaan, Tintoret, Paulo Veronees, Julio Romano, Michel Angelo, Dominiquin, Bassan &c, zo goed daar in niet geoordeeld werden? de reeden is deeze, dat Raphaël het leeven gebruikt heeft, wel te verstaan een Leeman, waar door hy de natuur en eigenschap der Stoffe grondig heeft leeren onderzoeken: alhoewel men hem nogtans zou kunnen beschuldigen dat hy zyn beelden de meesten tyd met eenderly Stoffe kleeden, in voorvallen, daar de verandering genoegzaam verschillende kon geweest hebben. Evenwel moet men bekennen dat ‘er voor, noch naderhand, geen zo ervaren en Konstryk in dezelve geweest is, dan een alleen, te weten Nikolas Poussyn; echter is dit geen wonder; dewyl hy het Natuurlyke leeven onderzocht en gebruikten gelyk hem bewust was dat Raphaël gedaan had, en niet gelyk anderen die alleen zyn werk navolgden: daarom zyn zy ook slegter geweest, hebben minder kennis gehad, en meenigmaal niet van de natuur der stoffe of plooijen geweeten.

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le Peintre doit considerer que les couleurs des draperies lui donnent un moyen de pratiquer avec adresse l’intelligence du Clair-obscur. Le Titien a mis en usage cet artifice dans la plûpart de ses Tableaux, en se servant de la liberté qu'il avoit de donner à ses draperies la couleur qui lui sembloit la plus convenable, ou pour servir de fond, ou pour étendre la lumiere, ou pour caracteriser les objets par la comparaison.

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Le premier soin que demande le coloris d’un jeune Etudiant est de commencer par copier ce qu’il trouvera de mieux colorié, de plus frais, & de plus librement peint entre les ouvrages des grands Maîtres, parmi lesquels Titien, Rubens, & Vandeik tiennent les premiers rangs, pour les premiers commencemens : je croirois qu’on tireroit plus d’utilité en copiant Vandeik à cause qu’en y apprenant le bon coloris on y trouve encore la liberté du pinceau.

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Of Colouring and Shadowing of History in Limning, and also other Necessary Observations.


The differences between Limning Pictures to the Life, or History, are Infinite ; notwithstanding the same Colours that are used for one do also for the other. And to particularise but part of what may be well said upon this Subject, would be too tedeous, if not endless. The most Remarkable is most certainly in the Variety of Colouring of things according to their several Sexes and Ages ; and also of Invention of ordering and well Stelling. All things which are to be represented, are many times according to the Humour, Judgement, and Discretion of the Master. We see generally in the Practice of the best and most Famous Painters, that they that do follow the Life, do tie themselves strictly and precisely to follow what they see in the Life, to immitate it as near as possible ; yet in their Inventions they assume to themselves such a Gentile Liberty and Licence, both in Colouring and Ordering ; but not so far as to run into those Extremes as
Bartholomæus Spranger, Henry Goltzius, Abraham Blomart, and Outeawale, and several other Dutch Painters, run into about the Year 1588 ; for their Inventions at that time and Actions were so extravagantly strain’d and stretch to that degree beyond Nature, that made their Works seem to the Judicious Eye very Ridiculous, and contrary to Nature ; and at that time it was grown to such an Imposture or Mode, that he was counted no Master that could not strain his Actions in that extravagant manner. Which Mode was afterwards laid aside, and the Works that those Masters afterwards made were incomparably Good, by their Embracing more the Ancient Italian way of DESIGNING, which was more Modest, Gentile, and Graceful. So far they abused the Modest Licence, that so Graced the Admirable Works of Titian, Michael Angelo, and most of the Eminent Italians of that Age. And others have been as Extravagant in their Colouring. Which two Extremes may be both avoided by imitating that Divine Titian for Colouring, who was of all others esteemed the best.

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DE verscheidene lichten in een Stuk oordeelen zommige dat onmogelyk wel konnen staan: want, zeggen zy, indien het goed was, zo zouden Raphaël, Carats, Titiaan, Poussyn, en andere braave Meesters meer die manier wel voor goed gekeurd, en niet verworpen hebben. Ja de Fransche Academisten, voegen zy'er by, die tot zulk een hoogen top gereezen zyn, besluiten eenpaariglyk, dat men niet als een eenig licht in 't algemeen zal gebruiken; verwerpende een Schildery dat meer als een licht vertoond. By gevolg oordeelen zy, dat de gezegde lichten maar een vinding zyn van Hollandsche Meesters, die het Antiek niet verstaan, welke maar alleen de natuurlykheid beoogen, om de onkundigen aan te lokken. Waar op ik zeg, dat, hoewel Raphaël, Poussyn, en andere groote Konstenaars het zelve in hunne Werken niet getoond, maar zich enkelyk aan een algemeen licht gehouden hebben, zulks niet en spruit uit een verachting of verwerping van het zelve, als of het tegen de natuur en konst zoude stryden; maar alleen dat zy 'er toen noch niet om gedagt, of 'er van geweeten hebben: alzo de Konst toenmaals in die deelen haare volmaaktheid noch niet had bereikt of verkreegen. Niet dat ik zeg, dat zulk een Stuk met verscheidene lichten beter is, als met een alleen 't geen natuurlyk is verbeeld; maar wel dat, als het zo te pas komt en konstig uitgewerkt is, het een schildery een veranderlyke welstand byzet [...]Met deze voorbeelden meen ik genoegsaam verklaard te hebben de natuur en werking van verscheidene lichten; als mede hoe voordeelig de kennis daar van is, zo wel in zon-als gemeen licht, ten opzichte van de veranderlykheid, zo wel in Landschappen als in andere verkiezingen; daar en boven de overvloedige middelen, die daar uit voortkomen, tot verrykinge onzer Ordinantien, en boven de gemeene trant.

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{Die vördere und hintere Gründe/ müßen wol aufeinander ordiniret werden.} Die Gründe/ weisen in dieser Mahlerey des Meisters Verstand/ wann solche wol-ordinirt an einander gehänget und gleichsam gebunden werden/ mit Anzeigung des hin- und herkommens: also daß die vordere die andern (welches auch sonst in allem zu beobachten) zuruck nach dem Horizont oder Gesicht Ende treiben/ sich selbsten aber immer mehr herfür thun, Es sollen auch die Gründe nicht zu hart gegen des Liechts Ecken abgestochen/ sondern/wegen empfangenen Widerscheins mit halben Farben abgelindert/ auch nicht mit alzuviel Luft/Bergen/ Gebäuden oder Häusern übersetzet /sondern vielmehr mit großen schönen Bäumen und Gekräuter gezieret werden.
In dergleichen großen schönen Stucken der Landschaft-Mahlerey/ sind unter den alten Italiänern/ (die sich sonst wenig darauf beflissen) insonderheit darunter Muzian und der lobwürdige Titian, sehr verwunderbar gewesen: wie theils Holzschnitte des letzern bezeugen/ denen er einen guten Horizont gegeben/ mit festen Gründen/ darauf jedesmal vornher etwas großes stehet/ und alles andere hintan weichet; dergleichen auch des berühmten Breugels Gemälde und Kupferstücke/ in Abbildung der Tyrolischen Gebirge/ vor Augen stellen.

Quotation

{Das Gemähl soll wol beBildert seyn.} Er mus auch das Stuck nicht dünn beseen/ sondern/wo das fürnehmste der Geschicht zu stehen kommet viel Figuren und ganze Klumpen Bilder dahin stellen/ die alle ihr Amt verrichten: aus welche er auch das beste Liecht zuleiten soll/ um die meiste Annehmung des Gesichtes zu befördern. {Welche hierinn excelliret?} Hierinn hatten Titian, Tintoret, und der meisterhafte Paulus Veronez bessere und gründlichere Manier/ als Michaël Angelo : dessen Lob mehr in Bildhauen einer einigen herrlichen Figur/ als in Mahlen und coloriren bestehet.

Quotation

Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 33
Da ich von diesem Theil der Kunst / nehmlich der Colorit einen besonderen
Discours zu halten mit […] mir vorgenommen habe ; Indessen melde [ndr.: ich] nur sagen das Vornehmste/nemlich daß die Haupt-Person [Christus] durch einen grossen Tag erleuchtet/ die anderen aber nur mit einem streiffenden Licht beschienen werden/ […] daß allezeit in den Theilen des Gesichtes/ eine dunckele Farbe einer lichten und dann eine lichte einer dunckelen Farbe zum Grunde dienen müssen ; 

Quotation

Bey solcher Ausmahlung des Hauptwercks/ ist zuvorderst iedesmal eine Durchsicht offen zulassen/ zu Erkennung der Horizonts-Höhe. Darnach soll man seine Bilder vernünfftig eintheilen/ nicht zu dünn besäen; sondern/ wo das Hauptwerck hintrifft/ wol ins Gesicht bringen/ viel Figuren/ ja/ wol gantze Grupen oder Hauffen beysammen dahin stellen/ und iedwedes sein Amt also verrichten/ daß dahin auch das schönste Liecht gehalten/und der beste Gewalt des Wercks gesehen werde. Wie dessen/ in ihren Wercken alle fürnehme Meister/ als Titian und Tintoret, sonderlich der meisterhaffte Paul Verones erfahren/ gewesen/ und ihre Kunst-Wercke zu Exempeln hinterlassen. {Des Wohlstands} Man soll sich an kein besonder Bild binden; sondern allezeit meist Achtung geben/ auf daß/ was die gantze Historie erfordert; mit Beyfügung einiger der Materi/ wol anständiger fremder Ersinnung/ wolstehender Bilder/ guter Stellung und Affecten. Welche alle/ durch ihre Geberden zu erkennen geben/ was iedes Amt sagen will.

Quotation

Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 33
Da ich von diesem Theil der Kunst / nehmlich der Colorit einen besonderen
Discours zu halten mit […] mir vorgenommen habe ; Indessen melde [ndr.: ich] nur sagen das Vornehmste/nemlich daß die Haupt-Person [Christus] durch einen grossen Tag erleuchtet/ die anderen aber nur mit einem streiffenden Licht beschienen werden/ […] daß allezeit in den Theilen des Gesichtes/ eine dunckele Farbe einer lichten und dann eine lichte einer dunckelen Farbe zum Grunde dienen müssen ; 

Quotation

Friend,
            When a Painter has acquired any Excellency in
Desinging, readily and strongly ; What has he to do next ?
                        Traveller,
            That is not half his Work, for then he must begin to mannage his
Colours, it being particularly by them, that he is to express the greatness of his Art. ’Tis they that give, as it were, Life and Soul to all that he does ; without them, his Lines will be but Lines that are flat, and without a Body, but the addition of Colours makes that appear round ; and as it were out of the Picture, which else would be plain and dull. ’Tis they that must deceive the Eye, to the degree, to make Flesh appear warm and soft, and to give an Air of Life, so as his Picture may seem almost to Breath and Move.
                        Friend,
            Did ever any Painter arrive to that Perfection you mention ?
                        Traveller,
            Yes, several, both of the
Antient and Modern Painters. Zeuxis Painted Grapes, so that the Birds flew at them to eat them. Apelles drew Horses to such a likeness, that upon setting them before live Horses, the Live ones Neighed, and began to kick at them, as being of their own kind. And amongst the Modern Painters, Hannibal Carache, relates to himself, That going to see Bassano at Venice, he went to take a Book off a Shelf, and found it to be the Picture of one, so lively done, that he who was a Great Painter, was deceived by it. The Flesh of Raphael’s Pictures are so Natural, that this seems to be Alive. And so do Titians Pictures, who was the Greatest Master for Colouring that ever was, having attained to imitate Humane Bodies in all the softness of Flesh, and beauty of Skin and Complexion.

Quotation

Of Action and Passion.
{4. Action and Passion.} The next observation, is out of which,
Life and Motion doth result : It shews no Action or Passion in a Piece, barely upright, looking forward ; the Armes hanging down, the feet close together, and so seems unmoveable, and stiff.
{How to be expressed} In lineall
Pieces, there may be a deceitfull similitude of Life and Motion, and statues may seem to live and breathe but coloured Pictures shew a lively force in the severall effects, and properties of Life and Spirit.
{And to be improved} To be well acquainted with
Nature, Manner, guize and behaviour ; as to paint a Man, angry or sad ; joyfull earnest ; or idle ; all passions to be proper to the figure : […]. Indeed the severall postures of the head, describe the Numbers of passions ; […]. In a word, each severall member or part of the body, either of themselves, or in reference of some other part, expresses the passions of the mind, as you may easily observe in the Life.
[…].
{By example of Titian’ Pieces.} I have seen a piece of
Tytian’s : A Child in the Mothers Lap playing with a Bird ; so round and pleasing, it seem’s a doubt whether a Sculpture or Painting ; whether Nature or Art, made it ; the mother smiles and speaks to : the child starts, and answers.
{And of
Palma’s Piece.} Another of Palma’s ; a speaking Piece indeed. The young Damsell brought for Old Davids Bedfellow ; all the company in Passion and Action : some in admiration of her beauty, others in examining her features, which so please the good Old Man, that in some Extasie of passion, he imbraces her which her humility admits, yet with a silent modesty as best became her, only to be dumb and so suffer.
[…].
[...] And so have we done with an Example of all in One : For
 
                       Invention
allures the mind.
                       Proportion, attracts the Eyes.
                       Colour ;
delights the Fancie.
                      
Lively Motion, stirs up our Soul.
                      
Orderly Disposition, charmes our Senses.
 
{Conclude a rare Picture.} These produce gracefull
Comliness, which makes one fairer then fair ; […].
This Grace is the close of all, effected by a familiar facility in a free and quick spirit of a bold and resolute Artificer ; not to be done by too much double
diligence, or over doing ; a careless shew, hath much of Art.

Quotation

Now the Painter expresseth two things with his colour : First the colour of the thing, whether it be artificial or natural, which he doth with the like colour, as the colour of a blew garment with artificial blew, or the green colour of a Tree with the like green : Secondly he expresseth the light of the Sun, or any other bright Body apt to lighten or manifest the colours, and because colour cannot be seen without light, being nothing else (as the Philosophers teach) but the extream Superficies of a dark untransparent Body lightned, I hold it expedient for him that will prove exquisite in the use thereof, to be most diligent in searching out the effects of light, when it enlightneth colour, which who so doth seriously consider, shall express all those effects with an admirable Grace ; […].
Now when the
Painter would imitate this blew thus lightned, he shall take his artificial blew colour, counterfeiting therewith the blew of the garment, but when he would express the light, wherewith the blew seems clearer, he must mix so much white with his blew, as he findeth light in that part of the garment, where the light striketh with greater force, considering afterwards the other part of the garment, where there is not so much light, and shall mingle less white with his blew proportionably, and so shall he proceed with the like discretion in all the other parts : and where the light falleth not so vehemently, but only by reflexion there he shall mix so much shadow with his blew, as shall seem sufficient to represent that light, loosing it self as it were by degrees, provided alwayes, that where the light is less darkned, there he place his shadow,
In which judicious expressing of the effects of light together with the
colours, Raphael Urbine, Leonard Vincent, Antonius de Coreggio and Titian were most admirable, handling them with so great discretion and judgement, that their Pictures seemed rather natural, then artificial ; the reason whereof the vulgar Eye cannot conceive, notwithstanding these excellent Masters expressed their chiefest art therein, considering with themselves that the light falling upon the flesh caused these and such like effects, in which kind Titan excelled the rest, who as well to shew his great Skill therein, as to merit commendation, used to cozen and deceive Mens Eyes, […].

Quotation

Again Titian to make known his art his lights and shadows, when he would express the lightest part of the Body used to add a little too much white, making it much lighter then his pattern, and in the obscure parts, where the light fell by reflexion, a little too much shadow, in resemblance of the decay of the light in that part of the Body, and so his work seemeth to be much raised, and deceive the sight, for the light which cometh to the Eye, in a Pyramidal forme (as shall be shewed in the ensuing discourse) cometh with a blunter and bigger Angle, and so is seen more evidently, whence ariseth a wonderfull eminency, the especial cause whereof is, because there is much more shadow then needeth in that part, where the light decayeth most, so that the vusual lines failing, that part cometh to the Eye in an accuter and sharper angle, and therefore cannot be seen so perfectly, insomuch that that part seemeth to fly inwards, and stand farther off. Thus when the Four parts of a Body are much raised, and the hinder fly sufficiently inwards, there appeareth a very great heightning, which giveth a wonderfrll Spirit, and after this sort Titian beguiled the Eyes of such as beheld his most admirable works.

Quotation

Traveller.
           
There is a thing which the Italians call Morbidezza ; The meaning of which word, is to Express the Softness, and tender Liveliness of Flesh and Blood, so as the Eye may almost invite the Hand to touch and feel it, as if it were Alive ; and this is the hardest thing to Compass in the whole Art of Painting. And ‘tis in this particular, that Titian, Corregio, and amongst the more Modern, Rubens, and Vandike, do Excel.

Quotation

330. [Le Blanc tout pur avance ou recule indifferement, il s’approche avec du Noir, & s’éloigne sans luy.] Tout le monde convient, que le Blanc peut subsister sur le devant du Tableau, & y estre employé tout pur ; la question est donc de sçavoir s’il peut également subsister & estre placé de la mesme sorte sur le derriere, la Lumiere estant universelle, & les Figures supposées dans une campagne. Nostre Auteur [ndr : Charles-Alphonse Dufresnoy] conclud affirmativement ; & la raison qui appuye ce Precepte est, Que n’y ayant rien qui participe davantage de la Lumiere que le Blanc, & la Lumiere pouvant fort bien subsister dans le lointin (comme nous le voyons tous les jours au lever & au coucher du Soleil,) il s’ensuit que le Blanc y peut subsister aussi : En Peinture la Lumiere & le Blanc ne sont quasi que la mesme chose. Ajoûtez à cela que nous n’avons point de Couleur plus approchante de l’Air que le Blanc, & par consequent point de Couleur plus legere […]. Le Titien, Tintoret, Paul Veronese, & tous ceux qui ont le mieux entendu les Lumieres, l’ont observé de la sorte, & personne ne peut aller à l’encontre de ce Precepte, à moins que de renoncer au païsage, qui nous confirme parfaitement cette verité ; & nous voyons que tous les Grands Païsagistes ont suivy en cela le Titien, qui s’est toûjours servy de Couleurs brunes & terrestres sur le devant, & qui a reservé ses plus grands Clairs pour les lointins & les derrieres de ses Païsages. […] 
On peut objecter à cette opinion, Que le Blanc ne peut se tenir dans le lointin ; puisque l’on s’en sert ordinairement pour faire approcher les Objets sur le devant. Il est vray que l’on s’en sert, & mesme fort à propos, pour rendre les Objets plus sensibles par l’opposition du Brun qui le doit accompagner, & qui le retient comme malgré luy ; soit que ce Brun luy serve de fond, ou qu’il luy soit attaché. […]
Mais, il semble (direz-vous) que le Bleu est la Couleur la plus fuyante ; puisque le Ciel & les Montagnes les plus éloignées sont de cette Couleur. Il est bien vray que le Bleu est une Couleur des plus legeres & des plus douces : mais il est vray aussi qu'elle a d'autant plus toutes ces qualitez, qu’il y a de Blanc meslé dedans, comme l'exemple des lointins nous le fait connoistre. […]
Que si la Lumiere de vostre Tableau n’est point universelle, & que vous supposiez vos Figures dans une Chambre, pour lors souvenez-vous du Theorème, qui dit, que
Plus un Corps est proche de la Lumière, & nous est directement opposé, plus il est éclairé ; parce que la Lumiere s’affoiblit en s’éloignant de sa source. Vous pourrez encore éteindre vostre Blanc, si vous supposez l'Air estre un peu plus épais, & si vous prevoyez que cette supposition fera un bon effet dans l’œconomie de tout l’Ouvrage : mais que cela n'aille pas jusqu'à faire vos Figures d'une demie teinte si brune, qu'il semble qu'elles soient dans un vilain brouillard, ou qu'elles paroissent attachées à leur fonds. […]

Quotation

Wy hebben meermaals aangemerkt dat de overtolligheid in plaats van een zaak meerder kracht en luyster te geeven, de zelve verminderd en verduysterd, dat ook de te groote ruymten en luchtige omstandigheden van geen beeter uitwerkingen zyn, men moet deze twee gevaarlykheden, als Scylla en Charibdis schuwen, ik kan dezelve niet beeter vergelyken, als by overgroote armoede en verkwistende rykdom, het zy dat de eene uit een logge, sombre en zwaarmoedige verdrietende geest spruyt, en de andere uit een vlugge en al te vruchtbare geest, of wel dat zy voor neemen deze of geene na te volgen, waar van wy dagelyks veel voorbeelden zien, als den eenen de kloekheid van Carats, den ander de schoone Coloriet van Titiaan, die de bevallige zeedigheid van Raphaël, en deze de natuurlykheid van Guido […]

Quotation

Il y a dans la Peinture differens genres d'harmonie. Il y en a de douce & de moderée, comme l'ont ordinairement pratiqué le Correge & le Guide. Il y en a de forte & d'élevée, comme celle du Giorgion, du Titien & du Caravage : & il y en peut avoir en differens degrés, selon la supposition des lieux, des tems, de la lumiere & des heures du jour.

Quotation

le Peintre doit considerer que les couleurs des draperies lui donnent un moyen de pratiquer avec adresse l’intelligence du Clair-obscur. Le Titien a mis en usage cet artifice dans la plûpart de ses Tableaux, en se servant de la liberté qu'il avoit de donner à ses draperies la couleur qui lui sembloit la plus convenable, ou pour servir de fond, ou pour étendre la lumiere, ou pour caracteriser les objets par la comparaison.

Quotation

{XXXIII. Qu'il ne faut pas deux jours égaux dans le Tableau}
Evitez les Ombres fortes sur le milieu des Membres, de peur que le trop de Noir qui compose ces Ombres, ne semble entrer dedans & les couper : cherchez plûtost à les placer à l'entour, pour relever davantage les Parties, & prenez vostre Jour si avantageux, qu'apres de grandes Lumieres vous trouviez de grandes Ombres. D'où vient que c'est avec raison que l'on dit du Titien, qu'il n'avoit pas de meilleure Regle pour la distribution des Clairs & des Bruns, que la *
Grappe de Raisin.

Quotation

330. [Le Blanc tout pur avance ou recule indifferement, il s’approche avec du Noir, & s’éloigne sans luy.] Tout le monde convient, que le Blanc peut subsister sur le devant du Tableau, & y estre employé tout pur ; la question est donc de sçavoir s’il peut également subsister & estre placé de la mesme sorte sur le derriere, la Lumiere estant universelle, & les Figures supposées dans une campagne. Nostre Auteur [ndr : Charles-Alphonse Dufresnoy] conclud affirmativement ; & la raison qui appuye ce Precepte est, Que n’y ayant rien qui participe davantage de la Lumiere que le Blanc, & la Lumiere pouvant fort bien subsister dans le lointin (comme nous le voyons tous les jours au lever & au coucher du Soleil,) il s’ensuit que le Blanc y peut subsister aussi : En Peinture la Lumiere & le Blanc ne sont quasi que la mesme chose. Ajoûtez à cela que nous n’avons point de Couleur plus approchante de l’Air que le Blanc, & par consequent point de Couleur plus legere […]. Le Titien, Tintoret, Paul Veronese, & tous ceux qui ont le mieux entendu les Lumieres, l’ont observé de la sorte, & personne ne peut aller à l’encontre de ce Precepte, à moins que de renoncer au païsage, qui nous confirme parfaitement cette verité ; & nous voyons que tous les Grands Païsagistes ont suivy en cela le Titien, qui s’est toûjours servy de Couleurs brunes & terrestres sur le devant, & qui a reservé ses plus grands Clairs pour les lointins & les derrieres de ses Païsages. […] 
On peut objecter à cette opinion, Que le Blanc ne peut se tenir dans le lointin ; puisque l’on s’en sert ordinairement pour faire approcher les Objets sur le devant. Il est vray que l’on s’en sert, & mesme fort à propos, pour rendre les Objets plus sensibles par l’opposition du Brun qui le doit accompagner, & qui le retient comme malgré luy ; soit que ce Brun luy serve de fond, ou qu’il luy soit attaché. […]
Mais, il semble (direz-vous) que le Bleu est la Couleur la plus fuyante ; puisque le Ciel & les Montagnes les plus éloignées sont de cette Couleur. Il est bien vray que le Bleu est une Couleur des plus legeres & des plus douces : mais il est vray aussi qu'elle a d'autant plus toutes ces qualitez, qu’il y a de Blanc meslé dedans, comme l'exemple des lointins nous le fait connoistre. […]
Que si la Lumiere de vostre Tableau n’est point universelle, & que vous supposiez vos Figures dans une Chambre, pour lors souvenez-vous du Theorème, qui dit, que
Plus un Corps est proche de la Lumière, & nous est directement opposé, plus il est éclairé ; parce que la Lumiere s’affoiblit en s’éloignant de sa source. Vous pourrez encore éteindre vostre Blanc, si vous supposez l'Air estre un peu plus épais, & si vous prevoyez que cette supposition fera un bon effet dans l’œconomie de tout l’Ouvrage : mais que cela n'aille pas jusqu'à faire vos Figures d'une demie teinte si brune, qu'il semble qu'elles soient dans un vilain brouillard, ou qu'elles paroissent attachées à leur fonds. […]

Quotation

Et lequel de ces deux Peintres aimeriez-vous mieux estre, continuay-je, de Raphaël ou du Titien ?
Vous m’embarassez fort, repondit Pamphile ; attendez que j’y pense un peu.
Je ne croyois pas, repris-je, que vous dûssiez balancer de cette sorte, aprés ce que je viens de vous entendre dire.
J'aimerois mieux estre Raphaël, continua Pamphile, & j'estime que le Titien est un plus grand Peintre.
Je vous entends bien, luy dis-je, c'est à-dire que Raphaël avec la correction de son Dessein, avoit plusieurs autres talens, & que tout cela ensemble vous plaist davantage que le Coloris du Titien.
Je vous avoüe, dit Pamphile, que je suis encore assez irresolu : neantmoins la correction du Dessein de Raphaël, l’élegance de ses contours, sa manière de drapper, ses expressions si touchantes, la facilité de son genie, ses compositions nobles, riches & abondantes, la grandeur, la simplicité & la vray-semblance de ses attitudes ; enfin, les graces qu'il répandoit dans tous ses ouvrages, me l’ont fait preferer au Titien.
Quoy au Titien, s'écria Damon, le plus grand Peintre, selon vous, qui ait jamais esté & qui sera peut-estre jamais.
Je vous l'avoüe, dit Pamphile, mais Raphaël, avec tous les avantages que je viens de vous dire, avoit encore celuy, d’estre entré sur la fin de sa vie dans l’inteligence des Lumieres & des Ombres, & d’avoir déja fait un si grand progrés dans le Coloris, & qu'il auroit bientost possedé cette partie dans sa derniere perfection. Ainsi je me persuade, si j'estois Raphaël, que dans peu de temps je serois encore le Titien.

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Au lieu que les Artisans sans génie, qui sont aussi propres à être les Eleves du Poussin que du Titien, demeurent durant toute leur vie dans la route où le hazard les peut avoir engagez, les Artisans doüez de génie, s'apperçoivent, quand le hazard les égare, que la route qu'ils ont prise n'est point celle qui leur convient. Ils l'abandonnent pour en prendre une autre ; ils quittent celle de leur maître pour s'en faire une nouvelle. Par maître, j'entends ici les ouvrages aussi bien que les personnes.Raphaël, mort depuis deux cens ans, peut encore faire des Eleves. Notre jeune Artisan, doüé de génie, se forme donc lui-même une pratique pour imiter la nature, & il forme cette pratique des maximes résultantes de la réflexion qu'il fait sur son travail & sur le travail des autres. Chaque jour ajoûte ainsi de nouvelles lumieres à celles qu'il avoit acquises précedemment. […] Le génie est dans les hommes, ce qui vieillit le dernier. […] Plusieurs témoins oculaires m'ont raconté, que le Poussin avoit été jusques à la fin de sa vie un jeune Peintre du côté de l'imagination. Son mérite avoit survécu à la dextérité de sa main, & il inventoit encore, quand il n'avoit plus les talens nécessaires à l'exécution de ses inventions.

Quotation

Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 30-31
Was die Mahlerische Oeconomie sonst die Composition genant/ angeht/ und welche auch mit zum ersten Theil nehmlich zur Invention gehört/ so hat ein vortrefflicher Künstler alles sehr genau darinnen observiret/ und ein jederes an seinen gehörigen Ort gestellet […] ; Die Vornehmste Figur oder Person nimbt die Hauptstelle eine/ die Actionen differiren und contrastiren ganz künstlich/ die Haupt-Figur weiset sich von vorne/ die neben Figuren von der Seite/ so finden sich auch stehende und bückende auch vorwarts und hinterwarts überhangende Figuren.

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Want indien zulk een meester, als Titiaen, zoo begaeft in de natuur en 't leven te volgen, deur de Teykenkonst geholpen waer geweest, en zijn grooten geest en levende handeling op de studie gesteunt hadde, hy waer alles te boven gekomen. Laet nu dit oordeel vry wat eenzijdich zijn; want de Teykenkonst wort hier niet genomen voor wel het leeven te volgen, maer voor altijts het schoonste te verbeelden, gelijk Agnolo in zijn grooten Laetsten dach wel betoont heeft, daer hy zijne beelden met een grootse maniere, en in schoone gestaltenissen, voeglijk aen d'opstanding, heeft voortgebracht.

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23 maer ten lesten met vlecken en rouw’ streken,
Ginck hy zijn wercken al anders beleyden, {Tiziaen, veranderde zijn handelinghe, datse van verre alleen woude ghesien wesen.}
Welck natuerlijck wel stondt, als men gheweken
Wat verre daer van was, maer niet bekeken
Van by en wou wesen, het welck verscheyden
Meesters willende volghen in’t arbeyden,
En hebbender niet van ghemaeckt te deghe,
Dan een deel leelijck goets ghebracht te weghe.

 
24 Sy meenden den wel gheoeffenden slachten {Veel hebben Tiziaen meenen volghen, en zijn verdwaelt.}
En hebben miswanich hun self bedroghen,
Om dat sy zijn werck sonder arbeydt dachten
Te wesen ghedaen, daer d’uyterste crachten
Der Consten met moeyt’ in waren gheploghen :
Want men siet zijn dinghen overghetoghen
En bedeckt met verwen verscheyden reysen,
Meer moeyt isser in als men soude peysen.
 
25 maer dees maniere van doen uyt bysonder
Goet oordeel en verstandt van Tizianen,
Is schoon en bevallijck gheacht te wonder :
Want (seyt Vasary) den arbeydt daer onder
Groote Const bedeckt is, en dat soodanen
Schildery te leven men schier mocht wanen,
En als gheseyt is, dat zijn dinghen schijnen
Lichtveerdich, die doch zijn ghedaen met pijnen. {Tizianen dinghen, die met arbeydt ghedaen zijn, schijnen sonder arbeydt ghedaen.}

 
26 Hier heb ick, o edel Schilder scholieren,
V voor ooghen willen beelden en stellen
Tweederley, doch welstandighe manieren, {Van twee een te kiesen, is gheraden.}
 Op dat ghy met lust u sinnen mocht stieren
Tot het gheen’ uwen gheest meest sal versnellen :
maer soude doch raden u eerst te quellen,
En u te wennen, met vlijtighe sinnen,
Een suyver manier, end’ een net beginnen. {Netticheyt voor eerst aen te wennen.}

 
27 Wilt moedt dan rapen met gheestich verblijden, {Moedt te grijpen, en hoe men schildert, cantighe hooghsels te mijden, want ten wil niet ronden.}
Met stalen gheduldt u ghemoedt bevesten :
Ghy schildert net oft rouw, wilt altijt mijden
V werck met cantighe hooghsels besnijden,
Soo sy voormaels deden, welck niet ten besten
En stondt, maer ghebruyckt, soo men nu ten lesten
De welstandichste manier’ heeft ghevonden,
Want d’Ouders wercken en wilden niet ronden.
 
28 Maer t’stondt al te plat soo cantich een dinghen, {De moderne oude dingen staen veel plat.}
Dus wilt u ter beste wijse toe strecken :
By ghelijck’nis, een Colomne bestringhen {Maniere van hooghen en diepen, Exempel een Colomne.}
Suldy, en haer dickt’ op dry deelen bringhen,
Van eender wijdde tusch de buyte trecken
Twee punten, en op t’eerste punt verwecken
Suldy u claer hooghsel, en op het tweedde
V bruynste diepsel, op zijn rechte breedde.

Quotation

Ce que fait, dit Pymandre, que les Tableaux sont si differents les uns des autres dans le coloris, n’est-ce point que les ouvriers n’ont pas une égale connoissance de ce meslange ; car Denis d’Halicarnasse semble s’estonner de ce qu’encore que ceux qui peignent des animaux se servent tous de mesmes couleurs ; il y a cependant toujours beaucoup de difference dans leurs coloris. Or non seulement je remarque cette diversité dans ceux qui font des animaux & qui imitent les choses les plus simples de la Nature, mais aussi dans tous les grands Peintres qui ont représenté le corps humain. Car chacun le peint differemment & d’une maniere particuliere, comme ont fait le Guide, le Dominiquin, Lanfranc & tant d’autres, quoy qu’ils eussent estudié en mesme école, & qu’ils eussent, si vous voulez, un mesme sujet à imiter.
Ce n’est pas, luy respondis-je, le meslange seul des couleurs qui fait cette difference, mais ç’a esté un goust particulier, & une volonté propre à chacun de ces grands hommes qui les a portez à suivre une maniere particuliere selon qu’elle leur a semblé plus vraye & plus forte ; Et ce choix que chacun d’eux en a fait est d’autant plus estimable qu’on voit qu’ils approchent du vray & du beau.
De sorte que si dans les Tableaux de ces differents Peintres que vous avez nommez, il y a des carnations qui sont plus grises, d’autres plus rouges, & d’autres plus noires que le naturel, c’est un effet de l’inclination & du differend goust de ces maistres.

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Croïez qu’il y a tel homme d’esprit, qui sera plus capable de sentir les grandes beautez d’un tableau, que quantité de prétendus connoisseurs, qui vous imposent par leur jargon ; de ces gens qui ont passé leur vie à étudier les differentes manieres de tels & tels, sans s’appliquer à connoître quelle partie a rendu celui-ci plus fameux que cet autre. Il leur suffit de reconnoître la touche du Titien, ou du Carrache dans un tableau, pour le declarer merveilleux.

Quotation

Il me souvient d’avoir veu à Rome dans la Vigne Aldobrandine, une Baccanale que ce mesme Peintre [ndr : Bellini] avoit commencée pour Alfonse I. Duc de Ferrare ; mais sa mort l’ayant empesché de la finir, le Titian y fit un païsage admirable. Il est vray que les Figures de Bellin paroissent d’une maniere fort seiche auprés de l’Ouvrage du Titian, & on voit que Jean n’avoit pas encore acquis cette tendresse & cette belle façon de peindre, qui depuis a rendu la pluspart des Peintres de Lombardie si recommandables.

Quotation

Il est vray aussi que ces grandes idées qu’il [ndr : Léonard de Vinci] avoit de la perfection & de la beauté des choses, a esté cause que voulant terminer ses Ouvrages au delà de ce que peut l’Art, il a fait des figures qui ne sont pas tout-à-fait naturelles. Il en marquoit beaucoup les contours, il s’arrestoit à finir les plus petites choses, & mettoit trop de noir dans les ombres ; En cela il ne laissoit pas de faire connoistre sa science dans le dessein & dans l’entente des lumieres, par le moyen desquelles il donnoit à tous les corps un relief qui trompe la veuë.
Mais sa [ndr : Léonard de Vinci] maniere de travailler les carnations ne represente point une veritable chair, comme le Titien faisoit dans ses Tableaux. On voit plûtost qu’à force de finir son Ouvrage & d’y arrester le pinceau trop-longtemps, il a fait des choses si achevées & si polies qu’elles semblent de marbre.

Quotation

Quant au Corege sa maniere est differente de celle du Titien, en ce qu’il n’a pas sceu cette harmonie de couleurs, cette belle conduite de lumieres, & cette fraischeur de teintes si admirable qu’on remarque dans les Tableaux du Titien, où il semble qu’on voye du sang dans ses carnations, tant il les represente naturelles. Mais en recompense le Corege a eu l’imagination plus forte, & a desseigné d’un goust beaucoup plus grand & plus exquis ; Et quoy qu’il ne fust pas tout-à-fait correcte dans son dessein, il y a neanmoins de la force & de la noblesse dans tout ce qu’il a fait. S’il [ndr : Le Corrège] fust sorti de son pays et qu’il eust esté à Rome, dont l’Ecole estoit beaucoup plus excellente pour le dessein que celle de Lombardie, on ne doute pas qu’il ne se fust formé une maniere qui l’auroit rendu égal à tous les plus grands Peintres de ces temps-là, puis que sans avoir veu ces belles Antiques de Rome, ny profité des exemples que les autres Peintres ont eus, il s’est tellement perfectionné dans son Art, que personne depuis luy n’a si bien peint, ny donné à ses figures tant de rondeur, tant de force, & tant de cette beauté que les Italiens appellent morbidezza, qu’il y en a dans les Peintures qu’il a faites.

Quotation

Davantage plusieurs Excellents Peintres, quoy qu’ils n’ayent entierement eu la connoissance de ce qu’on appelle forte ou grande maniere, où ce grand Goust de l’air & de proportion des beaux Antiques, ont fait des Ouvrages qui peuvent passer en quelques particularitez au delà de celles des Peintres ci-devant nommez [ndr : Titien, Raphaël, Jules Romain] , principalement quand ils ont choisi dans la nature & dans leur imagination, les plus belles Figures humaines & mieux proportionnées qu'ils avoient peu, ainsi qu'on fait les Carraces entr'autres principalement Annibal, duquel on voit entre diverses Tailles Douces ou Stampes à l'eau forte, une d'une Aumosne de Sainct Roc, & une petite Descente de Croix qui veritablement meritent d'estre estimées, & de plus aussi sa maniere de peindre, laquelle est à mes yeux extremement franche, pleine & libre, faisant expression d'une chair ferme, mais non à la vérité si tendre, fraiche, vermeille & delicate, que celle du Titian.

Quotation

[...] En Italie il y avoit entre plusieurs autres ; Leonard Davinci, André Manteigne, Jean Belin, Correge, Giorgion, Michel Ange, Bonarroti, tres-excellent Sculpteur, mais non si bon Peintre, Polidore de Carravage, André Del Sarte, Le Titian, RAPHAËL D’URBIN, & Jules Romain, la plupart d’iceux & principalement en leurs commencemens avoient des manieres de Peindre fort finies, & souvent de telle sorte que la plus grande partie paroist seiche, dure, tranchée & maigre, causée comme je croy par avoir voulu trop finir & achever, comme si l’on eust deû regarder desdits Ouvrages chaque partie à part, & non le tout d’une seule œillade & d’une raisonnable distance ainsi qu’il se doit.
Leonard Davinci, avoit une maniere de Peindre tres-finie, & les couleurs appliquées & estenduës fort uniement, & tiens avec plusieurs qu’elle luy estoit toute particuliere ; Car à ce que j’en ay peu voir, il semble que les Jours & Ombres, soient par maniere de dire comme souflez, noyez, fondus ou perdus ensemble, & grande partie des Eminences des Corps tres-arrondis, principalement les petites parties, ainsi que cela se peut voir en divers Tableaux qu’il a faits, & mesme en deux, l’un de la Gioconde qui est à Fontainebelle-eau, l’autre d’une Flora qui estoit jadis au Cabinet de la feuë Reyne Mere Marie de Medicis, Toutefois une partie des œuvres que j’ay veuës de luy, tiennent tousjours en quelque sorte de la maniere de P. Perrugin, Jean Bellin, & de plusieurs de ces Anciens cy-devant nommez, neantmoins bien plus excellentes à mon gré. 

Quotation

Mais revenons à la Peinture. Je puis encore prouver le peu de suffisance des Peintres anciens par quelques morceaux de peinture antique qu'on voit à Rome en deux ou trois en-droits ; car quoy que ces ouvrages ne soient pas tout à fait du temps d’Appelle & de Zeuxis, ils sont apparemment dans la mesme manière ; & tout ce qu'il peut y avoir de difference, c'est que les Maistres qui les ont faits estant un peu moins anciens, pourroient avoir sçû quelque chose davantage dans la peinture. J’ay vû celuy des Nopces qui est dans la Vigne Aldobrandine, & celuy qu'on appelle le Tombeau d'Ovide. Les figures en sont bien dessinées, les attitudes sages & naturelles, & il y a beaucoup de noblesse & de dignité dans les airs de teste, mais il y a tres-peu d'entente dans le mélange des couleurs ; & point du tout dans la perspective ny dans l’ordonnance. Toutes les teintes sont aussi fortes les unes que les autres, rien n'avance, rien ne recule dans le tableau, & toutes les figures sont presque sur la mesme ligne, en sorte que c’est bien moins un tableau qu'un bas relief antique coloré, tout y est sec & immobile sans union, sans liaison, & sans cette mollesse des corps vivans qui les distingue du marbre & de la bronze qui les représentent. Ainsi la grande difficulté n'est pas de prouver qu'on l'emporte aujourd'huy sur Zeuxis, sur les Timantes & sur les Appelles, mais de faire voir qu’on a encore quelque avantage sur les Raphaels, sur les Titiens, sur les Pauls Veroneses, & sur les autres grands Peintres du dernier siecle. Cependant j'ose avancer qu'à regarder l'Art en luy-mesme, entant qu’il est un amas & une collection de preceptes, on trouvera qu'il est plus accompli & plus parfait presentement qu'il ne l'estoit du temps de ces grands Maistres.

Quotation

 [...] Il faut donc, poursuivit-elle [Princesse des cabalistes], s’étudier à la recherche d’une belle Manière de peindre, vague, hardie, & sans contrainte, d’un dessein tendre & coulant, mais libre & de grande maniere, sans s’attacher avec scrupule à cent choses, qui gâtent la majesté d’un ouvrage. Prenez pour exemplaires les ouvrages de l’illustre & fameux Michelange, le Coriphée des Peintres Anciens & Modernes, d’un Titien, d’un Tintoret, d’un Georgion,

Quotation

[...] ayans affection de Peindre d’une manière Croquée & non finie, & ou quasi tous les coups de Pinceau paroissent en quelque façon separez les uns des autres, ce qui se nomme communement Peindre artistement ; Or sur cela je n’ay rien à dire, si l’intention d’un tel Peintre a esté d’en user de la sorte, comme il arrive assez souvent lors qu’on veut faire un exquisse, Ordonnance ou premier Esbauche d’un Tableau, sinon qu’il voulust faire passer ses œuvres pour estre en toutes leurs parties & dependances bien exécutées, & representant ce qu’elles doivent ; [...] [...] il est impossible qu’une maniere de Peindre artiste ou Croquée, fasse à l’œil de ceux qui la regarderont, l’effect que lui feroit le naturel ainsi present ; Ainsi au contraire, tous ces coups de Pinceau, & de plus les rehauts sur les jours, & les Teintes, Ombres & Ombrages, ne luy representeront que de taches claires & brunes, comme un Ouvrage de Marquetterie ou de Mosaïque ; [...]
Il y a eu, & encore y a-t-il des Peintres en tres-grand nombre, qui ont été évité & évitent grande partie de ces deffauts en leurs manieres de peindre, & en telle façon que ceux qui n’ont point de connoissance en cét Art y trouveront grande satisfaction & Agreément ; comme entr’autres és œuvres du Titian & autres de son temps, mais d’y vouloir trouver la mesme proportion, l’air, la forme & agencement des Draperies, & autres dependances des corps qui composent leurs Tableaux, à celle des belles figures Antiques, & de Raphaël d’Urbin, Jules Romain, & divers de ce Goust, Ceux qui ont connoisance declarent ouvertement que cela ne se peut.

Quotation

Il y a eu en France, en Allemagne & autres lieux environ le temps de ces Excellens, quelques Peintres qui avoient Inclination & Goust à ces manieres finies, & dont chaque partie demandoit à estre veuë de tres-pres, comme entre autres pour l’Allemagne Albert Durer, Olbins [ndr : Holbein], & autres. [...]
[...] Toutefois plusieurs d’iceux [ndr : Dürer, Holbein et autres peintres] ont changé de maniere quelques temps apres, & mesme
le Titian Car ses premieres œuvres estoient ainsi fort finies, tenans en quelque sorte de la manière de Bellini son premier Maistre, & pour moy je trouve ces premieres & dernieres œuvres les moindres qu’il ait faites, car les unes estoient trop finies & les dernieres trop peu.
Apres a paru le Tintoret, Paul Veronnoze, le Bassan, & plusieurs autres, tant à Venise, Florence, Rome, qu’en divers lieux de l’Italie ; Ceux-cy ou du moins une bonne partie, ne se sont pas tant attachez au naturel, & à des manieres de Peindre si finies, mais au contraire à des Croquées ou artistement touchées.

Quotation

Davantage plusieurs Excellents Peintres, quoy qu’ils n’ayent entierement eu la connoissance de ce qu’on appelle forte ou grande maniere, où ce grand Goust de l’air & de proportion des beaux Antiques, ont fait des Ouvrages qui peuvent passer en quelques particularitez au delà de celles des Peintres ci-devant nommez [ndr : Titien, Raphaël, Jules Romain] , principalement quand ils ont choisi dans la nature & dans leur imagination, les plus belles Figures humaines & mieux proportionnées qu'ils avoient peu, ainsi qu'on fait les Carraces entr'autres principalement Annibal, duquel on voit entre diverses Tailles Douces ou Stampes à l'eau forte, une d'une Aumosne de Sainct Roc, & une petite Descente de Croix qui veritablement meritent d'estre estimées, & de plus aussi sa maniere de peindre, laquelle est à mes yeux extremement franche, pleine & libre, faisant expression d'une chair ferme, mais non à la vérité si tendre, fraiche, vermeille & delicate, que celle du Titian.

Quotation

Davantage plusieurs Excellents Peintres, quoy qu’ils n’ayent entierement eu la connoissance de ce qu’on appelle forte ou grande maniere, où ce grand Goust de l’air & de proportion des beaux Antiques, ont fait des Ouvrages qui peuvent passer en quelques particularitez au delà de celles des Peintres ci-devant nommez [ndr : Titien, Raphaël, Jules Romain] , principalement quand ils ont choisi dans la nature & dans leur imagination, les plus belles Figures humaines & mieux proportionnées qu'ils avoient peu, ainsi qu'on fait les Carraces entr'autres principalement Annibal, duquel on voit entre diverses Tailles Douces ou Stampes à l'eau forte, une d'une Aumosne de Sainct Roc, & une petite Descente de Croix qui veritablement meritent d'estre estimées, & de plus aussi sa maniere de peindre, laquelle est à mes yeux extremement franche, pleine & libre, faisant expression d'une chair ferme, mais non à la vérité si tendre, fraiche, vermeille & delicate, que celle du Titian.

Quotation

La distribution des objets forme des masses de clair-obscur, lorsque par une industrieuse œconomie on les dispose de maniere que ce qu’ils ont de lumineux se trouve joint ensemble d’un côté, & que ce qu’ils ont d’obscur se trouve lié ensemble d’un autre côté, & que cet amas de lumieres & d’ombres empêche la dissipation de notre vûe. C’est ce que le Titien appelloit la grappe de raisin : parceque les grains de raisin separés les uns des autres auroient chacun sa lumiere & son ombre également ; & partageant ainsi la vûe en plusieurs rayons, lui causeroient de la confusion : au lieu qu’étant tous rassemblés en une grappe, & ne faisant par ce moyen qu’une masse de clair & qu’une masse d’ombre, les yeux les embrassent comme un seul objet. Ce que je dis ici de la grappe de raisin ne doit pas être pris grossierement à la lettre, ni selon l’arrangement, ni selon la forme ; c’est une comparaison sensible qui ne signifie autre chose que la jonction des clairs, & la jonction des ombres.

Quotation

361. [Que jamais deux extremitez contraires, &c.] Le Sens de la veuë a cela de commun avec tous les autres, qu’il abhorre les extremitez contraires. Et de mesme que les mains qui ont grand froid, souffrent beaucoup lors qu’on les approche tout d’un coup du feu ; ainsi les yeux qui trouvent un extreme Blanc auprés d’un extreme Noir, ou un bel Azur auprés d’un Vermillon ardent, ne sçauroient regarder ces extremitez qu’avec peine, quoy qu’ils y soient toûjours attirez par l’éclat des deux contraires.
Ce Precepte oblige de sçavoir les Couleurs qui ont amitié ensemble, & celles qui sont incompatibles ; ce que l’on pourra aisément découvrir en mélant ensemble les Couleurs dont on veut faire épreuve : & si par ce mélange elles font une Couleur douce & qui ne soit point desagreable aux yeux, c’est une marque qu’il y a de l’union & de la sympathie entr’elles ; si au contraire la Couleur qui sera produite du mélange des deux autres, est rude à la veuë, il faut conclure qu’il y a de la contrarieté & de l’antipathie entre ces deux Couleurs. Le Vert par exemple est une Couleur agreable, qui peut venir du Bleu & du Jaune mélez ensemble, & par consequent le Bleu & le Jaune sont deux Couleurs qui sympathisent. Et tout au contraire le mélange du Bleu & du Vermillon ont une antipathie ensemble ; & ainsi des autres couleurs, dont vous pouvez faire essay, & vous éclaircir une fois pour toutes. […] L’on peut neantmoins passer par dessus ce Precepte, quand on n’a qu’une ou deux Figures à traiter, & que parmy un grand nombre on en veut faire remarquer quelqu’une, qui est des principales du Sujet, & qui autrement ne pourroit se faire remarquer par dessus les autres. Titien dans le Tableau qu’il a fait du Triomphe de Bacchus, ayant placé Ariadne sur l’un des costez du Tableau, & ne pouvant pour cette raison la faire remarquer par les éclats de la lumiere qu’il a voulu conserver dans le milieu, il luy a donné une écharpe de Vermillon sur une Draperie bleuë, tant pour la détacher de son fonds qui est déjà une mer bleuë, qu’à cause que c’est une des principales Figures du Sujet, sur laquelle il veut que l’œil soit attiré. Paul Veronese dans sa Noce de Cana, parce que le Christ, qui est la Principale Figure du Sujet, est un peu enfoncé dans le Tableau, & qu’il n’a pû le faire remarquer par le brillant du Clair-Obscur, il l’a vestu de Bleu & de Vermillon, pour faire que la veuë se portast sur cette Figure.
Les Couleurs ennemies se pourront d’autant plus allier, que vous y meslerez d’autres Couleurs qui auront de la sympathie l’une avec l’autre, & qui s’accorderont avec celles que vous voudrez, pour ainsi dire, reconcilier.

Quotation

Il faut de plus considerer leur valeur pour les ranger en sorte qu’elles puissent mutuellement s’entre-aider & se faire valoir par un judicieux contraste, leur force, pour les placer aux endroits que l’on veut faire paroître avancés ou reculées, & leur union pour les associer en une agreable correspondance ; mais on considera aussi qu’en s’attachant à ce menagement harmonieux des couleurs, on ne devoit pas negliger le bon choix des matieres & leur application, évitant le mélange de celles qui sont corruptibles avec celles qui sont pures, & l’avoisinement de celles qui peuvent causer quelque aigreur ou dureté à la vuë & sur tout dans leur Emploi, les appliquer proprement, chaque teinte en sa place ne les brouillant & tourmentant que le moins qu’il est possible, sur tout dans les carnations, où à l’imitation du Titien, on doit donner tout l’avantage, & l’éclat, en n’y approchant que des couleurs sales pour les faire paroître d’autant plus vives & plus fraiches ; enfin que dans cette partie de la couleur, l’on doit considerer ces trois choses conjointement pour y exceller, la belle oeconomie des couleurs, la propreté dans leur mêlange & application, & la liberté du Pinceau ; ces trois choses (qui bien souvent font chacune tout le talant d’un homme) ne se doivent jamais separer, encore qu’ils requierent chacun un soin particulier pour imiter la beauté du naturel.

Quotation

Croïez qu’il y a tel homme d’esprit, qui sera plus capable de sentir les grandes beautez d’un tableau, que quantité de prétendus connoisseurs, qui vous imposent par leur jargon ; de ces gens qui ont passé leur vie à étudier les differentes manieres de tels & tels, sans s’appliquer à connoître quelle partie a rendu celui-ci plus fameux que cet autre. Il leur suffit de reconnoître la touche du Titien, ou du Carrache dans un tableau, pour le declarer merveilleux.

Quotation

[…] we did therefore forbear to mention what his Highness Prince Ruperts own hands have contributed to the dignity of that Art ; performing things in Graving (of which some enrich our collection) comparable to the greatest Masters ; such a spirit and address there appears in all that touches, and especialy in that of the Mezzo Tinto, of which we shall speak here-after more at large, having first enumerated those incomparable gravings of that his new, inimitable Stile, in both the great, and little decollations of St. John Baptist, the Souldier holding a Spear and leaning his hand on a Shield, the two Mary Magdalens, the Old- mans head, that of Titian, &c. after the same Titian, Georgioon and others. 

Quotation

6. Le Titien & le Carache sont les modéles les plus capables d’inspirer le bon goût, & de mettre le Peintre dans la bonne voie, pour la forme & pour la couleur.

Quotation

Le Titian a fait d’excellens Ouvrages suivant l’election de ses Originaux ou modelles, tant pour ce qui est du dessein, que principalement de la maniere de Peindre, dont le Colory est si beau, si vif, & si frais, en un mot tellement de chair, qu’il est comme inimitable aux Copistes

Quotation

Friend,
            When a Painter has acquired any Excellency in
Desinging, readily and strongly ; What has he to do next ?
                        Traveller,
            That is not half his Work, for then he must begin to mannage his
Colours, it being particularly by them, that he is to express the greatness of his Art. ’Tis they that give, as it were, Life and Soul to all that he does ; without them, his Lines will be but Lines that are flat, and without a Body, but the addition of Colours makes that appear round ; and as it were out of the Picture, which else would be plain and dull. ’Tis they that must deceive the Eye, to the degree, to make Flesh appear warm and soft, and to give an Air of Life, so as his Picture may seem almost to Breath and Move.
                        Friend,
            Did ever any Painter arrive to that Perfection you mention ?
                        Traveller,
            Yes, several, both of the
Antient and Modern Painters. Zeuxis Painted Grapes, so that the Birds flew at them to eat them. Apelles drew Horses to such a likeness, that upon setting them before live Horses, the Live ones Neighed, and began to kick at them, as being of their own kind. And amongst the Modern Painters, Hannibal Carache, relates to himself, That going to see Bassano at Venice, he went to take a Book off a Shelf, and found it to be the Picture of one, so lively done, that he who was a Great Painter, was deceived by it. The Flesh of Raphael’s Pictures are so Natural, that this seems to be Alive. And so do Titians Pictures, who was the Greatest Master for Colouring that ever was, having attained to imitate Humane Bodies in all the softness of Flesh, and beauty of Skin and Complexion.

Quotation

Traveller.
           
There is a thing which the Italians call Morbidezza ; The meaning of which word, is to Express the Softness, and tender Liveliness of Flesh and Blood, so as the Eye may almost invite the Hand to touch and feel it, as if it were Alive ; and this is the hardest thing to Compass in the whole Art of Painting. And ‘tis in this particular, that Titian, Corregio, and amongst the more Modern, Rubens, and Vandike, do Excel.

Quotation

Notwithstanding, I am of Opinion, that it is possible to attain unto this so excellent a faculty [ndr : dans le choix des meilleures actions], (though perhaps not with that special eminency of natural facility,) as by industrious study in the knowledge of these motions ; and the causes whence they proceed. For from hence a Man may easily attain to a certain understanding, which afterwards putting in practice with patience, together with the other points, he may undoubtedly prove a judicious inventor, who never had any extraordinary natural inclination, my meaning is, that such an inventor, as guideth himself by understanding, shall attain to better perfection then the other, who is naturally indued with the dexterity, without industry and patience : for example, if a Man shall diligently peruse the whole History of Christ, out of doubt he shall gather the true Idea and Method, how he ought to represent the motions of Christ, the Apostles, the Jews, and all the rest, who had any part in that cruel Tragedy, so sufficiently, that the Mind of the beholder, shall be no less moved to pitty, tears and sorrow, at the sight of the picture, then Men are usually at the reading of the History, […]. 
Now amongst the
worthy Painters who excelled herein, Raphael Urbine, was not the least, who performed his Works, with a Divine kind of Majesty, neither was Polidore much behind him in his kind, whose Pictures seemed as it were passing furious, nor yet Andreas Montagnea whose vain shewed a very laborious curiosity. Nor yet Leonard del Vincent, in whose doings there was never any errour found in this point : Whereof amongst all other of his works, that admirable last supper of Christ in Refect. St. Mariæ de gratia in Milane, maketh most evident proof, in which he hath so lively expressed the passions of the Apostles minds in their countenances, and the rest of their Body, that a Man may boldly say, the truth was nothing superiour to his representation, and need not be afraid to reckon it amongst the best works of Oyl-painting, […] for in those Apostles, you might distincly perceive admiration, fear, grief, suspition, love &c. all which were sometimes to be seen together in one of them, and Finally in Judas a Treason-plotting countenance, as it were the very true counterfeit of a Traitor, so that therein he hath left a sufficient argument of his rare perfection, in the true understanding of the passions of the Mind, exemplified outwardly in the Body, which because it is the most necessary part of painting, I propose (as I say) to handle in this present Treatise
I may not omit
Michael Angelo in any case, whose skill and paintfulness in this point was so great, that his Pictures carry with them more hard motions, expressed after an unufual manner, but all of them tending to a certain stout boldness. And as for Titian he hath worthily purchased the name of a greater Painter in this matter, as his Pictures do sufficiently witness ; […].
Finally,
Gaudentius (though he be not much known) was inferiour unto few, in giving the apt motions to the Saints & Angels, […]. 

Quotation

Of Action and Passion.
{4. Action and Passion.} The next observation, is out of which,
Life and Motion doth result : It shews no Action or Passion in a Piece, barely upright, looking forward ; the Armes hanging down, the feet close together, and so seems unmoveable, and stiff.
{How to be expressed} In lineall
Pieces, there may be a deceitfull similitude of Life and Motion, and statues may seem to live and breathe but coloured Pictures shew a lively force in the severall effects, and properties of Life and Spirit.
{And to be improved} To be well acquainted with
Nature, Manner, guize and behaviour ; as to paint a Man, angry or sad ; joyfull earnest ; or idle ; all passions to be proper to the figure : […]. Indeed the severall postures of the head, describe the Numbers of passions ; […]. In a word, each severall member or part of the body, either of themselves, or in reference of some other part, expresses the passions of the mind, as you may easily observe in the Life.
[…].
{By example of Titian’ Pieces.} I have seen a piece of
Tytian’s : A Child in the Mothers Lap playing with a Bird ; so round and pleasing, it seem’s a doubt whether a Sculpture or Painting ; whether Nature or Art, made it ; the mother smiles and speaks to : the child starts, and answers.
{And of
Palma’s Piece.} Another of Palma’s ; a speaking Piece indeed. The young Damsell brought for Old Davids Bedfellow ; all the company in Passion and Action : some in admiration of her beauty, others in examining her features, which so please the good Old Man, that in some Extasie of passion, he imbraces her which her humility admits, yet with a silent modesty as best became her, only to be dumb and so suffer.
[…].
[...] And so have we done with an Example of all in One : For
 
                       Invention
allures the mind.
                       Proportion, attracts the Eyes.
                       Colour ;
delights the Fancie.
                      
Lively Motion, stirs up our Soul.
                      
Orderly Disposition, charmes our Senses.
 
{Conclude a rare Picture.} These produce gracefull
Comliness, which makes one fairer then fair ; […].
This Grace is the close of all, effected by a familiar facility in a free and quick spirit of a bold and resolute Artificer ; not to be done by too much double
diligence, or over doing ; a careless shew, hath much of Art.

Quotation

Now the Painter expresseth two things with his colour : First the colour of the thing, whether it be artificial or natural, which he doth with the like colour, as the colour of a blew garment with artificial blew, or the green colour of a Tree with the like green : Secondly he expresseth the light of the Sun, or any other bright Body apt to lighten or manifest the colours, and because colour cannot be seen without light, being nothing else (as the Philosophers teach) but the extream Superficies of a dark untransparent Body lightned, I hold it expedient for him that will prove exquisite in the use thereof, to be most diligent in searching out the effects of light, when it enlightneth colour, which who so doth seriously consider, shall express all those effects with an admirable Grace ; […].
Now when the
Painter would imitate this blew thus lightned, he shall take his artificial blew colour, counterfeiting therewith the blew of the garment, but when he would express the light, wherewith the blew seems clearer, he must mix so much white with his blew, as he findeth light in that part of the garment, where the light striketh with greater force, considering afterwards the other part of the garment, where there is not so much light, and shall mingle less white with his blew proportionably, and so shall he proceed with the like discretion in all the other parts : and where the light falleth not so vehemently, but only by reflexion there he shall mix so much shadow with his blew, as shall seem sufficient to represent that light, loosing it self as it were by degrees, provided alwayes, that where the light is less darkned, there he place his shadow,
In which judicious expressing of the effects of light together with the
colours, Raphael Urbine, Leonard Vincent, Antonius de Coreggio and Titian were most admirable, handling them with so great discretion and judgement, that their Pictures seemed rather natural, then artificial ; the reason whereof the vulgar Eye cannot conceive, notwithstanding these excellent Masters expressed their chiefest art therein, considering with themselves that the light falling upon the flesh caused these and such like effects, in which kind Titan excelled the rest, who as well to shew his great Skill therein, as to merit commendation, used to cozen and deceive Mens Eyes, […].

Quotation

There is some Degree of Merit in a Picture where Nature is Exactly copy’d, though in a Low Subject ; Such as Drolls, Countrey Wakes, Flowers, Landscapes, &c. and More in proportion as the Subject rises, or the End of the Picture is this Exact Representation. Herein the Dutch, and Flemish Masters have been Equal to the Italians, if not Superior to them in general. What gives the Italians, and Their Masters the Ancients the Preference, is, that they have not Servilely follow’d Common Nature, but Rais’d, and Improv’d, or at least have always made the Best Choice of it. This gives a Dignity to a Low Subject, and is the reason of the Esteem we have for the Landscapes of Salvator Rosa, Filippo Laura, Claude Lorrain, the Poussins ; the Fruit of the two Michelangelo’s, the Battaglia, and Campadoglio ; and This, when the Subject it self is Noble, is the Perfection of Painting : As in the best Portraits of Van-Dyck, Rubens, Titian, Rafaëlle, &c. and the Histories of the best Italian Masters ; chiefly those of Rafaëlle ; he is the great Model of Perfection !

Quotation

C’est pourquoy le Titien s’est rendu considerable, & s’est eslevé au dessus de tous les autres pour avoir si bien sçeu connoistre la couleur de toutes les choses qu’il a voulu peindre, n’ayant point eu de maniere particuliere ; mais ayant tellement imité la belle Nature, qu’il a toujours representé la chair comme une véritable chair ; le bois comme du bois ; la terre comme de la terre, & ainsi tout ce qu’il a voulu peindre.

Quotation

Avec l’instruction pour le mélange des Couleurs, à donner la force aux Figures, qui sont sur le devant du Tableau, pour faire fuïr celles du derriere, à faire les teintes, les Jours & les Ombres si tendres, qu’on ne puisse connoistre leur conjonction, qui est ce que les Romains nomment Clair-obscur. La manière de bien préparer les couleurs pour imiter la Nature, qui est le sujet de cet Art.
Or comme le Dessein est l’ame de la Peinture, les couleurs en sont le corps qui produisent d’agreables effets, estant touchées d’une artiste main ; si bien que le mélange des Jours & des Ombres, c’est à dire une conjonction d’un Clair-Obscur qui est imperceptible, & qui est difficile à connoistre, comme il se voit en plusieurs Tableaux, & comme on a vû dans un Tableau de Titin [Titien], où il a fait une Danaé couchée sur le dos, son sein découvert au grand jour, qui paroissoit rond, sans qu’on apperçoive aucun ombre, c’est une chose assez surprenante.

Quotation

282. [Que vous fassiez paroistre les Corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, &c.] C’est à dire proprement, qu’apres de grands Clairs il faut de grandes Ombres, qu’on appelle des Repos ; parce que effectivement la veuë seroit fatiguée, si elle estoit attirée par une continuité d’objets petillans. Les Clairs peuvent servir de repos aux Bruns, comme les Bruns en servent aux Clairs. […]
Ces Repos se font de deux manieres, dont l’une est Naturelle, & l’autre Artificielle : La Naturelle se fait par une étenduë de Clairs ou d’Ombres, qui suivent naturellement & necessairement les Corps solides, ou les Masses de plusieurs Figures agrouppées lors que le jour vient à frapper dessus : Et l’Artificielle consiste dans les Corps des Couleurs que le Peintre donne à de certaines choses telles qu’il luy plaist, & les compose de telle sorte, qu’elles ne fassent point de tort aux Objets qui sont auprés d’elles. Une Draperie par exemple que l’on aura fait jaune ou rouge en certain endroit, pourra estre dans un autre de Couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l’effet que l’on demande. L’on doit prendre occasion autant qu’il est possible de se servir de la premiere Maniere, & de trouver les Repos dont nous parlons par le Clair ou par l’Ombre, qui accompagnent naturellement les Corps solides […] 
Ainsi le Peintre qui a de l'intelligence prendra ses avantages de l'une & de l'autre Maniere ; & s'il fait un Dessein qui doive estre gravé, il se souviendra que les Graveurs ne disposent pas des Couleurs, comme font les Peintres, & que par consequent il doit prendre occasion de trouver les Repos de son Dessein dans les Ombres naturelles des Figures, qu'il aura disposées à cet effet. Rubens en donne une parfaite connoissance dans les Estampes qu'il a fait graver ; & je ne croy pas que l'on puisse rien voir de plus beau en ce genre : Toute l'intelligence des Grouppes, du Clair-Obscur & de ces Masses que le Titien appelloit
la Grappe de Raisin, y est si nettement exposée, que la veüe de ces Estampes & l'attention que l'on y apporterait contribueraient beaucoup à faire un Habile-homme. […]
Ce n'est pas que les Graveurs ne puissent & ne doivent imiter les Corps des Couleurs par les degrez du Clair-Obscur, autant qu'ils jugeront que cela doit produire un bel effet ; au contraire il est à mon avis, impossible de donner beaucoup de force à tout ce que l'on gravera d'après les Ouvrages de l'Ecole de Venise, & de tous ceux qui ont eu l'intelligence des Couleurs & du Contraste du Clair-Obscur, sans imiter en quelque façon la Couleur des Objets selon le rapport qu'elle a aux degrez du Blanc & du Noir. […]

Quotation

Solche Regeln/ haben die alte Kunst-Mahler beobachtet. Dessen allen haben/ unter den alten berühmten Kunst-Mahlern/ Raphael Urbini, Coregio, Titian, Verones, Tintoret und viel andere auf Mauren/ auch in Oelfarben/ mit sonders erleuchten Urtheil und Verstand/ zu ihrem immerwehrenden Lob und Ruhm/ bey aller Nachwelt/ sich sehr künstlich bedient. Wie dann nicht minder/ neben ihnen/ auch unsere alte Teutsche/ als Albrecht Dürer/ Hanns Holbein und andere/ nach und nach die Verbesserung des Colorits und das natürlichmahlen erfunden: […]

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DE verscheidene lichten in een Stuk oordeelen zommige dat onmogelyk wel konnen staan: want, zeggen zy, indien het goed was, zo zouden Raphaël, Carats, Titiaan, Poussyn, en andere braave Meesters meer die manier wel voor goed gekeurd, en niet verworpen hebben. Ja de Fransche Academisten, voegen zy'er by, die tot zulk een hoogen top gereezen zyn, besluiten eenpaariglyk, dat men niet als een eenig licht in 't algemeen zal gebruiken; verwerpende een Schildery dat meer als een licht vertoond. By gevolg oordeelen zy, dat de gezegde lichten maar een vinding zyn van Hollandsche Meesters, die het Antiek niet verstaan, welke maar alleen de natuurlykheid beoogen, om de onkundigen aan te lokken. Waar op ik zeg, dat, hoewel Raphaël, Poussyn, en andere groote Konstenaars het zelve in hunne Werken niet getoond, maar zich enkelyk aan een algemeen licht gehouden hebben, zulks niet en spruit uit een verachting of verwerping van het zelve, als of het tegen de natuur en konst zoude stryden; maar alleen dat zy 'er toen noch niet om gedagt, of 'er van geweeten hebben: alzo de Konst toenmaals in die deelen haare volmaaktheid noch niet had bereikt of verkreegen. Niet dat ik zeg, dat zulk een Stuk met verscheidene lichten beter is, als met een alleen 't geen natuurlyk is verbeeld; maar wel dat, als het zo te pas komt en konstig uitgewerkt is, het een schildery een veranderlyke welstand byzet [...]Met deze voorbeelden meen ik genoegsaam verklaard te hebben de natuur en werking van verscheidene lichten; als mede hoe voordeelig de kennis daar van is, zo wel in zon-als gemeen licht, ten opzichte van de veranderlykheid, zo wel in Landschappen als in andere verkiezingen; daar en boven de overvloedige middelen, die daar uit voortkomen, tot verrykinge onzer Ordinantien, en boven de gemeene trant.

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Wy hebben meermaals aangemerkt dat de overtolligheid in plaats van een zaak meerder kracht en luyster te geeven, de zelve verminderd en verduysterd, dat ook de te groote ruymten en luchtige omstandigheden van geen beeter uitwerkingen zyn, men moet deze twee gevaarlykheden, als Scylla en Charibdis schuwen, ik kan dezelve niet beeter vergelyken, als by overgroote armoede en verkwistende rykdom, het zy dat de eene uit een logge, sombre en zwaarmoedige verdrietende geest spruyt, en de andere uit een vlugge en al te vruchtbare geest, of wel dat zy voor neemen deze of geene na te volgen, waar van wy dagelyks veel voorbeelden zien, als den eenen de kloekheid van Carats, den ander de schoone Coloriet van Titiaan, die de bevallige zeedigheid van Raphaël, en deze de natuurlykheid van Guido […]

Quotation

DE verscheidene lichten in een Stuk oordeelen zommige dat onmogelyk wel konnen staan: want, zeggen zy, indien het goed was, zo zouden Raphaël, Carats, Titiaan, Poussyn, en andere braave Meesters meer die manier wel voor goed gekeurd, en niet verworpen hebben. Ja de Fransche Academisten, voegen zy'er by, die tot zulk een hoogen top gereezen zyn, besluiten eenpaariglyk, dat men niet als een eenig licht in 't algemeen zal gebruiken; verwerpende een Schildery dat meer als een licht vertoond. By gevolg oordeelen zy, dat de gezegde lichten maar een vinding zyn van Hollandsche Meesters, die het Antiek niet verstaan, welke maar alleen de natuurlykheid beoogen, om de onkundigen aan te lokken. Waar op ik zeg, dat, hoewel Raphaël, Poussyn, en andere groote Konstenaars het zelve in hunne Werken niet getoond, maar zich enkelyk aan een algemeen licht gehouden hebben, zulks niet en spruit uit een verachting of verwerping van het zelve, als of het tegen de natuur en konst zoude stryden; maar alleen dat zy 'er toen noch niet om gedagt, of 'er van geweeten hebben: alzo de Konst toenmaals in die deelen haare volmaaktheid noch niet had bereikt of verkreegen. Niet dat ik zeg, dat zulk een Stuk met verscheidene lichten beter is, als met een alleen 't geen natuurlyk is verbeeld; maar wel dat, als het zo te pas komt en konstig uitgewerkt is, het een schildery een veranderlyke welstand byzet [...]Met deze voorbeelden meen ik genoegsaam verklaard te hebben de natuur en werking van verscheidene lichten; als mede hoe voordeelig de kennis daar van is, zo wel in zon-als gemeen licht, ten opzichte van de veranderlykheid, zo wel in Landschappen als in andere verkiezingen; daar en boven de overvloedige middelen, die daar uit voortkomen, tot verrykinge onzer Ordinantien, en boven de gemeene trant.

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21 Netticheyt is prijsich, die den ghesichte{Nette dingen, die noch de gheesticheyt behouden, zijn prijselijck, en houden den aenschouwer lange speculerende.}
Soet voedtsel ghevende doet langhe merren,
Bysonder als haer aenclevend’ is dichte
Oock aerdt, gheest, en cloeckeyt, en datse lichte
Haren welstandt niet en weyghert van verren,
Niet meer als van by, sulck dinghen verwerren
Doet aen hem, en door ooghen onversadich,
T’herte vast cleven met lusten ghestadich.
 
22 Van Tizianus den grooten wy mercken, {Exempel Tizianus, zijn dingen stonden eerst wel van by, en van verre.}
Wt Vasari schriften ons wel profijtich,
Hoe hy in de bloeme zijns Ieuchts verstercken
Plocht uyt te voeren zijn constighe wercken,
Met onghelooflijcke netticheyt vlijtich :
De welcke niet te berispen verwijtich
En waren, maer behaeghden wel een yder,
T’zy ofmender verre van stondt oft byder.

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C’est ainsi, répondis-je, que les plus sçavans Peintres l’entendent. Ils vous feront remarquer que ce qui est noir a plus de force & s’accroche bien plus que ce qui est blanc.
C’est repliqua Pymandre, ce que je n’aurois pas cru, car il me semble que ce qui est noir perce & fait un trou, & que le blanc vient en avant.
Ainsi, les couleurs qui sont plus claires avancent-elles pas davantage que celles qui le sont moins, & dans un tableau, une draperie d’un bleu clair, ou d’un vert pasle, ne s’approchera-t’elle pas plus qu’un autre vestement qui sera rouge brun, ou d’un jaune orangé.

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Dans la Peinture le blanc n’a point tant de force que le noir qui dans un tableau represente bien mieux l’obscurité que le blanc ne peut faire la lumière, à cause que la sensation du blanc s’affoiblit dans l’œil par la disgregation, si vous me permettez d’user de ce mot, que les rayons de la veuë reçoivent d’une trop grande blancheur ; au lieu que le noir se rassemble.

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Il est vray, luy repliquay-je, & c’est dont nous avons tantost parlé sur le sujet de la perspective de l’air, Leon Baptiste Albert appelle cette coupe Il taglio. J’avouë que dans la speculation l’on peut comprendre de quelle sorte les objets doivent diminuer de couleur par ces differentes coupes. Mais quand on vient à la pratique, cette speculation, ou le raisonnement qui fait juger combien un corps doit perdre de sa couleur lors qu’on le veut faire paroistre enfoncé dans le tableau dix ou douze pieds plus qu’un autre, ne peut apprendre précisément comment il faut diminuer la teinte de cette couleur, & la proportionner à son éloignement. Avez-vous jamais remarqué un maistre de Musique qui accorde un luth ou une harpe, il vous fera bien connoistre quel ton la premiere corde doit avoir avec la seconde, & ainsi des autres : mais il ne peut vous enseigner à les accorder, en vous disant qu’il faut tourner les chevilles un certain nombre de tours. Il faut que ce soit l’oreille qui juge de l’harmonie lors qu’on les touche. De mesme dans les couleurs on peut dire qu’il en faut diminuer ou augmenter la teinte à mesure qu’elles s’éloignent ou s’approchent ; ou qu’elles reçoivent divers accidents d’ombres & de lumieres : mais c’est à l’œil à juger du plus ou du moins de force qu’on leur donne en les meslant.

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Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

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It must be consider’d they [ndr : les cartons de Raphaël] were made for Patterns for Tapistry, not profess’d Pictures, and painted, not in Oil, but in Distemper : If therefore one sees not the Warmth, and Mellowness, and Delicacy of Colouring which is to be found in Correggio, Titian, or Rubens, it may fairly be imputed in a great measure to these Causes. A Judicious Painter has other Considerations relating to the Colouring when he makes Patters for Tapistry to be heightned with Gold, and Silver, than when he paints a Picture without such View ; nor can a sort of Dryness, and Harshness be avoided in Distemper, upon Paper : Time moreover has apparently chang’d some of the Colours. In a word, the Tout-Ensemble of the Colours is Agreeable, and Noble ; and the Parts of it are in General Extreamly, but not Superlatively Good.

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{XXXIII. Qu'il ne faut pas deux jours égaux dans le Tableau}
Evitez les Ombres fortes sur le milieu des Membres, de peur que le trop de Noir qui compose ces Ombres, ne semble entrer dedans & les couper : cherchez plûtost à les placer à l'entour, pour relever davantage les Parties, & prenez vostre Jour si avantageux, qu'apres de grandes Lumieres vous trouviez de grandes Ombres. D'où vient que c'est avec raison que l'on dit du Titien, qu'il n'avoit pas de meilleure Regle pour la distribution des Clairs & des Bruns, que la *
Grappe de Raisin.

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Zommige oordeelen, dat de Conterfeitsels van van Dyk by die van Titiaan maar waterverw gelyken, om reden dat die van Titiaan zo veel kracht in koleur, dag, en schaduwe hebben, dat die van den anderen daar niet by konnen haalen, ja een koleur, zeggen zy, welke op die wyze voor van Dyk onnavolgelyk is, en daar het zyne zich alles flets en krachteloos by vertoont: waarlyk, een belaghelyk en beschimpend oordeel. Doch dat van Dyk en Titiaan in koleur verschillen, dat staa ik hun toe; maar dat men in dit geval by de Italiaanen niet behoeft te loopen, om zulks te bewyzen, is ook zeker: want voor zo veel de krachtige Coloriet, indien het daar in bestond, belangt, zo zeg ik dat Rembrant voor Titiaan niet heeft te wyken. Maar wat is ‘t! de meeste menschen volgen gemeenlyk de dwaaze oordeelaars, welke geene dingen goed keuren, die niet op zyn Italiaansch geschilderd zyn, het zy Historien, Landschappen, of Pourtraiten.

Quotation

Si nous voulons suivre l’opinion commune qui regle presque toûjours le merite selon l'ancienneté, nous mettrons le siecle d'Apelle beaucoup au dessus de celuy de Raphael, & celuy de Raphael beaucoup au dessus du nostre ; mais je ne suis nullement d’accord de cet arrangement, particulierement à l'égard de la preference qu’on donne au siecle d’Apelle sur celuy de Raphael.
LE PRESIDENT. Comment pouvez-vous ne pas convenir d'un jugement si universel & si raisonnable, sur tout après estre demeuré d'accord de l'excellence de la sculpture de Phidias & de Praxitele ; car si la sculpture de ces temps-là l'emporte sur celle de tous les siecles qui ont suivi, à plus forte raison la Peinture, si nous considerons qu'elle est susceptible de mille beautez & de mille agrémens dont la Sculpture n’est point capable.
L'ABBE. C’est par cette raison là mesme que la consequence que vous tirez n’est pas recevable.
Si la Peinture estoit un Art aussi simple & aussi borné que l’est la Sculpture en fait d'ouvrages de ronde bosse, car c'est en cela seul qu'elle a excellé parmi les Anciens, je me rendrois à vostre advis, mais la Peinture est un Art si vaste de d'une si grande étenduë, qu'il n'a pas moins fallu que la durée de tous les siecles pour en découvrir tous les secrets & tous les mysteres. Pour vous convaincre du peu de beauté des peintures antiques, & de combien elles doivent estre mises au dessous de celles de Raphael, du Titien & de Paul Veronese, & de celles qui se font aujourd’hui, je ne veux me servir que des loüanges mesmes qu'on leur a données.

Quotation

[...] Il gardoit parfaitement, luy repondis-je, cette maxime, dont je croy avoir déjà parlé sur le sujet de l’ordonnance, qui est de ne pas remplir ses tableaux de quantité de petites choses, mais d’éviter le deffaut où tombent plusieurs Peintres, qui par la quantité excessive des parties dont ils composent leurs ouvrages les rendent, petits & plains de ce que les Italiens appellent Triterie.

Quotation

ORIGINAL, son opposé est copie. 
Tableau
original ; un original : il peut y avoir deux ou trois originaux sur un même sujet. Les Peintres ont souvent répété leurs ouvrages : le Titien a répété jusqu’à huit fois le méme tableau.
Mr de Piles s’est servi du mot d’
originalité dans cette phrase : il y a des choses qui semblent favoriser l’originalité d’un ouvrage.

Quotation

Le Titian a fait d’excellens Ouvrages suivant l’election de ses Originaux ou modelles, tant pour ce qui est du dessein, que principalement de la maniere de Peindre, dont le Colory est si beau, si vif, & si frais, en un mot tellement de chair, qu’il est comme inimitable aux Copistes

Quotation

Les copies entierement retouchées par le maître doivent être regardées comme de seconds originaux, moins beaux à la vérité que s’ils étoient entierement de sa main ; c’est ainsi que travailloient le Titien, les Bassan, Paul Veronese, Rubens, Vandick, Vouët & la plûpart des grands peintres. Lorsque plusieurs personnes leur demandent des copies d’un de leurs tableaux qui leur plaît, ils les font faire par leurs meilleurs éléves, ils les conduisent dans l’exécution, & comme ces copies sont faites dans leur attelier, ils les repassent par tout & souvent les repeignent entierement ; de cette manière l’ouvrage de l’éléve est tout recouvert, & comme on n’en apperçoit aucun vestige, il n’est pas aisé de décider la question. Ces copies alors ne servent au maître que comme des tableaux ébauchés qu’il veut terminer. Si l’on pouvoit confronter ces belles copies avec les premiers originaux, il n’y a aucun doute que ces derniers ne l’emportassent sur les autres.

Il y a encore des copies plus parfaites que ces dernieres, ce sont celles qui sont entierement faites de la main du maître, alors il n’est pas possible de les distinguer, le maître seul peut en décider s’il est vivant, ce sont de seconds originaux dont ne peut juger que par comparaison.
Il est certain que dans une confrontation, les premiers originaux se distingueront par beaucoup plus de délicatesse, plus d’esprit, plus de finesse, une touche plus franche dans les contours & dans la premiere ébauche dont on entrevoit toujours quelque chose, en un mot un certain je ne sçai quoi qu’on apperçoit & où le maître ne peut jamais revenir du second coup. Hyacinthe Rigaud, par exemple, a fait de nos jours tout de sa main de celles copies des grands portraits de Louis XIV & de Philippe V qui sans contredit sont de seconds originaux, mais moins précieux que les premiers. [...] On ne doit point oublier ici les sujets répétés qui ne sont point des copies, & qui ne laissent pas d’être originaux. Souvent on demande à un maître qu’il recommence le même sujet sans y rien changer ; alors ce second tableau est original & pourra fort embarrasser le meilleur connoisseur. Il y a trois crucifix de Michel-Ange qui existent, l’un à Florence chez le Grand Duc, l’autre à Rome chez le Prince Borghese, & le troisiéme à Naples chez le Prieur des Chartreux. Comment juger de ces trois tableaux éloignés chacun de cinquante lieuës, comment les pouvoir comparer ?

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Wy hebben meermaals aangemerkt dat de overtolligheid in plaats van een zaak meerder kracht en luyster te geeven, de zelve verminderd en verduysterd, dat ook de te groote ruymten en luchtige omstandigheden van geen beeter uitwerkingen zyn, men moet deze twee gevaarlykheden, als Scylla en Charibdis schuwen, ik kan dezelve niet beeter vergelyken, als by overgroote armoede en verkwistende rykdom, het zy dat de eene uit een logge, sombre en zwaarmoedige verdrietende geest spruyt, en de andere uit een vlugge en al te vruchtbare geest, of wel dat zy voor neemen deze of geene na te volgen, waar van wy dagelyks veel voorbeelden zien, als den eenen de kloekheid van Carats, den ander de schoone Coloriet van Titiaan, die de bevallige zeedigheid van Raphaël, en deze de natuurlykheid van Guido […]

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Ceux des Peintres qui ont excellé à peindre l'ame des hommes, & à bien exprimer toutes les passions, ont été des Coloristes médiocres. D'autres ont fait circuler le sang dans la chair de leurs figures ; mais ils n'ont pas sçu l'art des expressions aussi-bien que les Ouvriers médiocres de l'Ecole romaine. Nous avons vu plusieurs Peintres Hollandois, doüez de génie pour la mécanique de leur art, & surtout d’un talent merveilleux pour imiter les effets du clair-obscur dans un petit espace renfermé, talent, dont ils avoient l'obligation à une patience d'esprit singuliere, laquelle leur permettoit de se clouer long-temps sur un même ouvrage, sans être dégoûtez par ce dépit qui s'excite dans les hommes d'un temperament plus vif, quand ils voïent leurs efforts avorter plusieurs fois de suite. Ces Peintres flegmatiques ont donc eu la persévérance de chercher par un nombre infini de tentatives, souvent réïterées sans fruit, les teintes, les demi-teintes, enfin toutes les diminutions de couleurs nécessaires pour dégrader la couleur des objets, & ils sont ainsi parvenus à peindre la lumiere même. On est enchanté par la magie de leur clair-obscur. Les nuances ne sont pas mieux fonduës dans la nature que dans leurs tableaux. Mais ces Peintres ont mal réussi dans les autres parties de l'art, qui ne sont pas les moins importantes. Sans invention dans leurs expressions : incapables de s'élever au-dessus de la nature qu'ils avoient devant les yeux, ils n'ont peint que des passions basses & une nature ignoble. La Scene de leurs tableaux est une boutique, un corps de garde, ou la cuisine d'un païsan : leurs heros sont des faquins. Ceux des Peintres Hollandois, dont je parle, qui ont osé faire des tableaux d'histoire, ont peint des ouvrages admirables pour le clair-obscur, mais ridicules pour le reste. Les vêtemens de leurs personnages sont extravagans, & les expressions de ces personnages sont encore basses & comiques. Ces Peintres peignent Ulisse sans finesse, Susanne sans pudeur, & Scipion sans aucun trait de noblesse ni de courage. Le pinceau de ces froids Artisans, fait perdre à toutes les têtes illustres leur caractere connu. Nos Hollandois, au nombre desquels on voit bien que je ne comprens pas ici les peintres de l'école d'Anvers, ont bien connu la valeur des couleurs locales, mais ils n'en ont pas sçû tirer le même avantage que les peintres de l'école venitienne. Le talent de colorier, comme l'a fait Le Titien, demande de l'invention, & il dépend plus d'une imagination fertile en expedients pour le mêlange des couleurs, que d'une perséverance opiniâtre à refaire dix fois la même chose.
[...]

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Je le redis donc encore avec plus de confiance : apprenons à critiquer nos propres ouvrages à la vûë des beautez que nous découvrons dans ceux des autres ; ne rougissons point de chercher à les étudier ; ne craignons point qu’on nous accuse d’être de serviles imitateurs, quand nous aurons l’adresse de nous approprier les parties qui nous manquent, & de les joindre à celles que nous possedons. Le goût de dessein de celui-ci est plus noble & plus délicat que le vôtre, mais votre coloris l’emporte sur le sien ; ne pouvez-vous, sans perdre ce que vous avez acquis dans la couleur, faire votre profit de son heureuse maniere de dessiner ? Raphaël n’a t-il pas ajouté une nouvelle grandeur à la sienne à la vûë des ouvrages de Michel-Ange, sans se dépoüiller de sa sage simplicité & des graces nobles qui le caracterisent. Louis Carrache a-t-il passé pour un plagiaire, pour avoir étudié les tournures naïves & piquantes du Correge ? J’ai entre mes mains des études d’Annibal d’après Raphaël d’une beauté à faire comprendre qu’il étoit déjà digne de sa grande reputation lorsqu’il les a faites. Le Roy possede un Tableau de Vandeik d’après Le Titien, qui n’est point l’ouvrage d’un écolier.

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Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

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Of Action and Passion.
{4. Action and Passion.} The next observation, is out of which,
Life and Motion doth result : It shews no Action or Passion in a Piece, barely upright, looking forward ; the Armes hanging down, the feet close together, and so seems unmoveable, and stiff.
{How to be expressed} In lineall
Pieces, there may be a deceitfull similitude of Life and Motion, and statues may seem to live and breathe but coloured Pictures shew a lively force in the severall effects, and properties of Life and Spirit.
{And to be improved} To be well acquainted with
Nature, Manner, guize and behaviour ; as to paint a Man, angry or sad ; joyfull earnest ; or idle ; all passions to be proper to the figure : […]. Indeed the severall postures of the head, describe the Numbers of passions ; […]. In a word, each severall member or part of the body, either of themselves, or in reference of some other part, expresses the passions of the mind, as you may easily observe in the Life.
[…].
{By example of Titian’ Pieces.} I have seen a piece of
Tytian’s : A Child in the Mothers Lap playing with a Bird ; so round and pleasing, it seem’s a doubt whether a Sculpture or Painting ; whether Nature or Art, made it ; the mother smiles and speaks to : the child starts, and answers.
{And of
Palma’s Piece.} Another of Palma’s ; a speaking Piece indeed. The young Damsell brought for Old Davids Bedfellow ; all the company in Passion and Action : some in admiration of her beauty, others in examining her features, which so please the good Old Man, that in some Extasie of passion, he imbraces her which her humility admits, yet with a silent modesty as best became her, only to be dumb and so suffer.
[…].
[...] And so have we done with an Example of all in One : For
 
                       Invention
allures the mind.
                       Proportion, attracts the Eyes.
                       Colour ;
delights the Fancie.
                      
Lively Motion, stirs up our Soul.
                      
Orderly Disposition, charmes our Senses.
 
{Conclude a rare Picture.} These produce gracefull
Comliness, which makes one fairer then fair ; […].
This Grace is the close of all, effected by a familiar facility in a free and quick spirit of a bold and resolute Artificer ; not to be done by too much double
diligence, or over doing ; a careless shew, hath much of Art.

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J'ajouterai encore une consideration touchant les ouvrages qui ne demandent pas beaucoup d'invention, c'est que les faussaires en peinture les contrefont bien plus aisément qu'ils ne peuvent contrefaire les ouvrages où toute l'imagination de l'Artisan a eu lieu de se déploïer. Les faiseurs de Pastiches, ce sont ces tableaux peints dans la maniere d'un grand Artisan, & qu'on expose sous son nom, bien qu'il ne les ait jamais vus ; les faiseurs de Pastiches, dis-je, ne sçauroient contrefaire l'ordonnance, ni le coloris, ni l'expression des grands Maîtres. On imite la main d'un autre, mais on n'imite pas de même, pour parler ainsi, son esprit, & l'on n'apprend point à penser comme un autre, ainsi qu'on peut apprendre à prononcer comme lui.
Le Peintre médiocre qui voudroit contrefaire une grande composition du Dominiquin ou de Rubens, ne sçauroit nous en imposer plus que celui qui voudroit faire un Pastiche sous le nom du Georgeon ou du Titien. Il faudroit avoir un génie presque égal à celui du Peintre qu'on veut contrefaire, pour réussir à faire prendre notre ouvrage pour être de ce Peintre. On ne sçauroit donc contrefaire le génie des grands hommes, mais on réussit quelquefois à contrefaire leur main, c'est-à-dire, leur maniere de coucher la couleur & de tirer les traits, les airs de tête qu'ils répetoient & ce qui pouvoit être de vicieux dans leur pratique. Il est plus facile d'imiter les défauts des hommes que leurs perfections. Par exemple, on reproche au Guide d'avoir fait ses têtes trop plates. Ses têtes manquent souvent de rondeur, parce que leurs parties ne se détachent point & ne s'élevent pas assez l'une sur l'autre. Il suffit donc, pour lui ressembler en cela, de se négliger & de ne point se donner la peine de pratiquer ce que l'art enseigne à faire pour donner de la rondeur à ses têtes [...].

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330. [Le Blanc tout pur avance ou recule indifferement, il s’approche avec du Noir, & s’éloigne sans luy.] Tout le monde convient, que le Blanc peut subsister sur le devant du Tableau, & y estre employé tout pur ; la question est donc de sçavoir s’il peut également subsister & estre placé de la mesme sorte sur le derriere, la Lumiere estant universelle, & les Figures supposées dans une campagne. Nostre Auteur [ndr : Charles-Alphonse Dufresnoy] conclud affirmativement ; & la raison qui appuye ce Precepte est, Que n’y ayant rien qui participe davantage de la Lumiere que le Blanc, & la Lumiere pouvant fort bien subsister dans le lointin (comme nous le voyons tous les jours au lever & au coucher du Soleil,) il s’ensuit que le Blanc y peut subsister aussi : En Peinture la Lumiere & le Blanc ne sont quasi que la mesme chose. Ajoûtez à cela que nous n’avons point de Couleur plus approchante de l’Air que le Blanc, & par consequent point de Couleur plus legere […]. Le Titien, Tintoret, Paul Veronese, & tous ceux qui ont le mieux entendu les Lumieres, l’ont observé de la sorte, & personne ne peut aller à l’encontre de ce Precepte, à moins que de renoncer au païsage, qui nous confirme parfaitement cette verité ; & nous voyons que tous les Grands Païsagistes ont suivy en cela le Titien, qui s’est toûjours servy de Couleurs brunes & terrestres sur le devant, & qui a reservé ses plus grands Clairs pour les lointins & les derrieres de ses Païsages. […] 
On peut objecter à cette opinion, Que le Blanc ne peut se tenir dans le lointin ; puisque l’on s’en sert ordinairement pour faire approcher les Objets sur le devant. Il est vray que l’on s’en sert, & mesme fort à propos, pour rendre les Objets plus sensibles par l’opposition du Brun qui le doit accompagner, & qui le retient comme malgré luy ; soit que ce Brun luy serve de fond, ou qu’il luy soit attaché. […]
Mais, il semble (direz-vous) que le Bleu est la Couleur la plus fuyante ; puisque le Ciel & les Montagnes les plus éloignées sont de cette Couleur. Il est bien vray que le Bleu est une Couleur des plus legeres & des plus douces : mais il est vray aussi qu'elle a d'autant plus toutes ces qualitez, qu’il y a de Blanc meslé dedans, comme l'exemple des lointins nous le fait connoistre. […]
Que si la Lumiere de vostre Tableau n’est point universelle, & que vous supposiez vos Figures dans une Chambre, pour lors souvenez-vous du Theorème, qui dit, que
Plus un Corps est proche de la Lumière, & nous est directement opposé, plus il est éclairé ; parce que la Lumiere s’affoiblit en s’éloignant de sa source. Vous pourrez encore éteindre vostre Blanc, si vous supposez l'Air estre un peu plus épais, & si vous prevoyez que cette supposition fera un bon effet dans l’œconomie de tout l’Ouvrage : mais que cela n'aille pas jusqu'à faire vos Figures d'une demie teinte si brune, qu'il semble qu'elles soient dans un vilain brouillard, ou qu'elles paroissent attachées à leur fonds. […]

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La Peinture, luy repartis-je, embrasse, comme je vous ay dit plusieurs fois, tant de parties, dont la moindre demanderoit la vie d’un homme pour la bien étudier, qu’il ne faut pas estre surpris si les plus grands Peintres ne les ont jamais possédées toutes dans une égale perfection. Cependant comme la fin principale du Peintre est de representer la Nature sur une superficie plate ; & que cela ne se fait bien que par le moyen des couleurs, des ombres & des jours conduits judicieusement avec l’aide du dessein, qui doit estre toujours le guide & comme le maistre dans les ateliers des Peintres. Il est certain que ceux qui se sont rendus bons coloristes ont fait un grand progrez, & sont entrez bien avant, s’il faut ainsi dire, dans ce qu’il y a de plus secret & de plus beau dans cet art. C’est ce qui est arrivé au Titien & à ceux de son Escole, & qui leur a fait mériter une gloire toute particuliere.

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[...] De sorte, dist Pymandre, que je puis sur cela vous faire une question, & vous demander ce que l’on doit le plus estimer dans un tableau ou le genie du Peintre, ou la force de l’Art.
Comme l’esprit du Peintre paroist dans tout ce qu’il fait, repartis-je, vous pourriez plustost demander lequel est le plus digne d’estime, ou celuy qui sçait tromper par la force de son Art, ou celuy qui montre beaucoup d’invention & de feu dans de grands ouvrages, mais qui ne trompent point comme les autres.


[…] Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir exécuté ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles se voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.

Pour moy, respondit Pymandre, je ne voudrois pas donner mon jugement là dessus ;
mais j'ay leu que Zeuxis ayant peint une Centaure, se fascha voyant que l’on en estimoit plustost la nouvelle invention, que l’art qu’il avoit employé à la bien representer, estimant davantage cette derniere partie que la premiere. Et j’ay encore remarqué que les Anciens ont fait beaucoup de cas de plusieurs tableaux qui n’estoient que de peu de figures.
C’est pourquoy, repris-je, ceux qui ont une inclination particuliere pour les Ouvrages du Titien, & des autres Peintres de Lombardie, disent que si les Anciens ont receu beaucoup de loüanges pour des sujets de peu de figures, l’on ne doit pas trouver à redire si le Titien pour les imiter a plustost tasché d’acquerir la partie de bien peindre, que celle qui regarde les grandes dispositions, & la connoissance particuliere de l’Histoire & des Coustumes. Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir executé ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.

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Tout devient palettes & pinceaux entre les mains d'un enfant doüé du génie de la Peinture. Ils fait connoître aux autres pour ce qu'il est, quand lui-même ne le sçait pas encore. Les Annalistes de la Peinture rapportent une infinité de faits qui confirment ce que j'avance. La plûpart des grands Peintres ne sont pas nez dans les atteliers. Très-peu sont des fils de Peintres, qui, suivant l'usage ordinaire, auroient été élevez dans la profession de leurs peres. Parmi les Artisans illustres qui font tant d'honneur aux deux derniers siècles, le seul Raphaël, autant qu'il m'en souvient, fut le fils d'un Peintre. Le pere du Georgeon & celui du Titien, ne manierent jamais ni pinceaux ni cizeaux, Leonard De Vinci, & Paul Veronése, n'eurent point de Peintres pour peres. Les parens de Michel-Ange vivoient, comme on dit, noblement, c'est-à-dire, sans exercer aucune profession lucrative. André Del Sarte étoit fils d'un Tailleur, & Le Tintoret d'un Tinturier. Le pere des Caraches, n'étoit pas d'une profession où l'on manie le craïon. Michel-Ange De Caravage étoit fils d'un Masson, & Le Correge fils d'un Laboureur. Le Guide étoit fils d'un Musicien, Le Dominiquin d'un Cordonnier, & L'Albane d'un Marchand de Soïe. Lanfranc étoit un enfant trouvé, à qui son génie enseigna la peinture, à peu près comme le génie de M Pascal lui enseigna les Mathématiques. Le pere de Rubens, qui étoit dans la Magistrature d'Anvers, n'avoit ni attelier ni boutique dans sa maison. Le pere de Vandick n'étoit ni Peintre ni Sculpteur. Du Fresnoy, dont nous avons un poëme sur la Peinture, qui a mérité d'être traduit & commenté par M. De Piles, & dont nous avons aussi des tableaux au-dessus du médiocre, avoit étudié pour être Médecin. Les peres des quatre meilleurs Peintres François du dernier siècle, Le Valentin, Le Sueur, Le Poussin & Le Brun, n'étoient pas des peintres. C'est le génie de ces grands hommes qui les a été chercher, pour ainsi dire, dans la maison de leurs parens, afin de les conduire sur le Parnasse. Les Peintres montent sur le Parnasse, aussi-bien que les Poëtes.

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Ceux des Peintres qui ont excellé à peindre l'ame des hommes, & à bien exprimer toutes les passions, ont été des Coloristes médiocres. D'autres ont fait circuler le sang dans la chair de leurs figures ; mais ils n'ont pas sçu l'art des expressions aussi-bien que les Ouvriers médiocres de l'Ecole romaine. Nous avons vu plusieurs Peintres Hollandois, doüez de génie pour la mécanique de leur art, & surtout d’un talent merveilleux pour imiter les effets du clair-obscur dans un petit espace renfermé, talent, dont ils avoient l'obligation à une patience d'esprit singuliere, laquelle leur permettoit de se clouer long-temps sur un même ouvrage, sans être dégoûtez par ce dépit qui s'excite dans les hommes d'un temperament plus vif, quand ils voïent leurs efforts avorter plusieurs fois de suite. Ces Peintres flegmatiques ont donc eu la persévérance de chercher par un nombre infini de tentatives, souvent réïterées sans fruit, les teintes, les demi-teintes, enfin toutes les diminutions de couleurs nécessaires pour dégrader la couleur des objets, & ils sont ainsi parvenus à peindre la lumiere même. On est enchanté par la magie de leur clair-obscur. Les nuances ne sont pas mieux fonduës dans la nature que dans leurs tableaux. Mais ces Peintres ont mal réussi dans les autres parties de l'art, qui ne sont pas les moins importantes. Sans invention dans leurs expressions : incapables de s'élever au-dessus de la nature qu'ils avoient devant les yeux, ils n'ont peint que des passions basses & une nature ignoble. La Scene de leurs tableaux est une boutique, un corps de garde, ou la cuisine d'un païsan : leurs heros sont des faquins. Ceux des Peintres Hollandois, dont je parle, qui ont osé faire des tableaux d'histoire, ont peint des ouvrages admirables pour le clair-obscur, mais ridicules pour le reste. Les vêtemens de leurs personnages sont extravagans, & les expressions de ces personnages sont encore basses & comiques. Ces Peintres peignent Ulisse sans finesse, Susanne sans pudeur, & Scipion sans aucun trait de noblesse ni de courage. Le pinceau de ces froids Artisans, fait perdre à toutes les têtes illustres leur caractere connu. Nos Hollandois, au nombre desquels on voit bien que je ne comprens pas ici les peintres de l'école d'Anvers, ont bien connu la valeur des couleurs locales, mais ils n'en ont pas sçû tirer le même avantage que les peintres de l'école venitienne. Le talent de colorier, comme l'a fait Le Titien, demande de l'invention, & il dépend plus d'une imagination fertile en expedients pour le mêlange des couleurs, que d'une perséverance opiniâtre à refaire dix fois la même chose.
[...]

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Et lequel de ces deux Peintres aimeriez-vous mieux estre, continuay-je, de Raphaël ou du Titien ?
Vous m’embarassez fort, repondit Pamphile ; attendez que j’y pense un peu.
Je ne croyois pas, repris-je, que vous dûssiez balancer de cette sorte, aprés ce que je viens de vous entendre dire.
J'aimerois mieux estre Raphaël, continua Pamphile, & j'estime que le Titien est un plus grand Peintre.
Je vous entends bien, luy dis-je, c'est à-dire que Raphaël avec la correction de son Dessein, avoit plusieurs autres talens, & que tout cela ensemble vous plaist davantage que le Coloris du Titien.
Je vous avoüe, dit Pamphile, que je suis encore assez irresolu : neantmoins la correction du Dessein de Raphaël, l’élegance de ses contours, sa manière de drapper, ses expressions si touchantes, la facilité de son genie, ses compositions nobles, riches & abondantes, la grandeur, la simplicité & la vray-semblance de ses attitudes ; enfin, les graces qu'il répandoit dans tous ses ouvrages, me l’ont fait preferer au Titien.
Quoy au Titien, s'écria Damon, le plus grand Peintre, selon vous, qui ait jamais esté & qui sera peut-estre jamais.
Je vous l'avoüe, dit Pamphile, mais Raphaël, avec tous les avantages que je viens de vous dire, avoit encore celuy, d’estre entré sur la fin de sa vie dans l’inteligence des Lumieres & des Ombres, & d’avoir déja fait un si grand progrés dans le Coloris, & qu'il auroit bientost possedé cette partie dans sa derniere perfection. Ainsi je me persuade, si j'estois Raphaël, que dans peu de temps je serois encore le Titien.

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Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

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[....] La Place estoit ornée tout au tour de Statuës, que les Cabalistes avoient fait ériger à leurs Princes, entre lesquelles celle de Michelange occupoit le premier lieu, accompagné de celles du Titien, du Georgion, de Paul Veronese, du Tintoret, des Bassans, du Correge, du Guide, de Rubens, Vandick, Zuccaro, Lanfranc, Joseph Pin, Maistre Rousse, Saint Martin, Ribera, Pietre Teste, Freminet, Tempeste, Blœmaret, P. ….. V ….. B. …. V. … &c toutes posées sur leurs piedestaux, avec chacune une Inscription à leur loüange.
On ne voyait là ny les Apelles, ny les Timanthes, ny les Raphaëls, ny les Poussins, ny les Leonards de Vincy, ny les Jules Romains, ny les autres de ce merite, dont on ne se doit pas étonner, veu qu’ayans tous esté les Antagonistes de ces faux Peintres, les Cabalistes n’avoient garde de leur donner place parmi ceux dont ils ont méprisé les ouvrages & les maximes.

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La Peinture, luy repartis-je, embrasse, comme je vous ay dit plusieurs fois, tant de parties, dont la moindre demanderoit la vie d’un homme pour la bien étudier, qu’il ne faut pas estre surpris si les plus grands Peintres ne les ont jamais possédées toutes dans une égale perfection. Cependant comme la fin principale du Peintre est de representer la Nature sur une superficie plate ; & que cela ne se fait bien que par le moyen des couleurs, des ombres & des jours conduits judicieusement avec l’aide du dessein, qui doit estre toujours le guide & comme le maistre dans les ateliers des Peintres. Il est certain que ceux qui se sont rendus bons coloristes ont fait un grand progrez, & sont entrez bien avant, s’il faut ainsi dire, dans ce qu’il y a de plus secret & de plus beau dans cet art.

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LE PRESIDENT. Si la Sculpture moderne l’emporte si fort sur la Sculpture antique par cet endroit que vous marquez [ndr : un bas-relief de François Anguier], il faut que la Peinture d’aujourd’huy soit bien superieure à celle des Anciens, puisqu’enfin c’est d’elle que la Sculpture a appris tous ces secrets de degradation & de perspective.
L’ABBE. J’en demeure d’accord, & la consequence en est tres juste ; mais puisqu’il s’agit presentement de la Peinture, il faut commencer par la distinguer suivant les divers temps où elle a fleuri, & en faire trois classes : Celle du temps d’Appelle, de Zeuxis, de Timante, & de tous ces grands Peintres dont les Livres rapportent tant des merveilles ; Celle du temps de Raphael, du Titien, de Paul Veronese, & de plusieurs autres excellens Maistres d’Italie, & Celle du siecle où nous vivons.
Si nous voulons suivre l’opinion commune qui regle presque toûjours le merite selon l'ancienneté, nous mettrons le siecle d'Apelle beaucoup au dessus de celuy de Raphael, & celuy de Raphael beaucoup au dessus du nostre ; mais je ne suis nullement d’accord de cet arrangement, particulierement à l'égard de la preference qu’on donne au siecle d’Apelle sur celuy de Raphael.
LE PRESIDENT. Comment pouvez-vous ne pas convenir d'un jugement si universel & si raisonnable, sur tout après estre demeuré d'accord de l'excellence de la sculpture de Phidias & de Praxitele ; car si la sculpture de ces temps-là l'emporte sur celle de tous les siecles qui ont suivi, à plus forte raison la Peinture, si nous considerons qu'elle est susceptible de mille beautez & de mille agrémens dont la Sculpture n’est point capable.
L'ABBE. C’est par cette raison là mesme que la consequence que vous tirez n’est pas recevable.
Si la Peinture estoit un Art aussi simple & aussi borné que l’est la Sculpture en fait d'ouvrages de ronde bosse, car c'est en cela seul qu'elle a excellé parmi les Anciens, je me rendrois à vostre advis, mais la Peinture est un Art si vaste de d'une si grande étenduë, qu'il n'a pas moins fallu que la durée de tous les siecles pour en découvrir tous les secrets & tous les mysteres. Pour vous convaincre du peu de beauté des peintures antiques, & de combien elles doivent estre mises au dessous de celles de Raphael, du Titien & de Paul Veronese, & de celles qui se font aujourd’hui, je ne veux me servir que des loüanges mesmes qu'on leur a données.

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Je sçay bien, dit Pymandre, que les Peintres ont receu un grand secours de la maniere de peindre à huile, mais ne trouvez-vous pas que ce qui est peint à fraisque a plus d’éclat & de vivacité.
Dans les grands Ouvrages, luy repartis-je, & principalement dans les voutes, où il est malaisé de trouver des jours propres pour bien voir la Peinture à huile, il est certain que la fraisque est plus commode, & plus expeditive, outre qu’elle ne se pert presque jamais que par la ruine des bastimens mesmes contre lesquels on a travaillé, comme vous avez peu voir à Rome dans ces grandes salles du Vatican, dans plusieurs autres Palais, & dans les ruës mesmes de la ville.
 
[…] Il est vray encore que la vivacité des couleurs se conserve mieux dans la peinture à fraisque que dans la peinture à huile qui est sujette à jaunir & à noircir, & qui se détache quand elle est contre de gros murs à cause de l’humidité, comme il se voit dans le Tableau de la Cene que Leonard de Vinci a peinte à Milan.
Cependant pour ce qui regarde les Tableaux de moyenne grandeur, l’huile est plus commode et fait un meilleur effet ; parce qu’on peut retoucher davantage son ouvrage ; & que les couleurs employées avec l’huile imitent bien mieux le naturel. Si elles ne sont pas si vives ny si fraisches que celles de la peinture à fraisque ou à destrempe, les ombres en recompense en sont bien plus fortes : ce qui fait qu’on peut par ce moyen donner beaucoup plus de relief aux figures, que non pas dans les autres manieres de peindre. Nous voyons mesme de grands ouvrages à huile qui font des effets admirables, quoy que ce soit dans des voutes d’Eglise & des galeries où les jours pouroient n’estre pas si advantageux qu’à la fraisque, comme ce que l’on a peint au Louvre, aux Thuilleries & en divers autres lieux de Paris, sans parler de ces grands Tableaux du Titien & de Paul Veronese qui sont à Venise, & qui sont si merveilleux pour la beauté & la fraischeur du coloris. Car il est certain que l’on manie plus facilement les couleurs à huile ; & que dans la detrempe on ne peut bien finir une chose qu’avec la pointe du pinceau & avec une patience tres-grande ; Mais à huile un Peintre peut empaster de couleurs & retoucher son ouvrage autant de fois qu’il luy plaist : Et quand il entend bien la diminution des teintes, il a beaucoup plus de plaisir & d’avantage dans son travail. Mais il faut auparavent qu’il dispose, comme je croy vous l’avoir desja dit, les matieres propres pour ce qu’il veut faire, afin de ne pas perdre son temps sur un ouvrage qui ne dureroit que peu d’années.

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chacune de ses manieres de peindre ont leur proprieté & leur advantage, qu’à la verité la détrempe conserve la beauté des couleurs dans sa pureté & que leur matte imite mieux les apparences des choses naturelles, mais qu’il faut aussi tomber d’accord, que la Peinture à l’huile a generalement plus d’avantage pour donner de la force & de l’union & même pour prendre la teinte des objets dans tous les divers effets des lumieres differentes sur les objets éloignés de la vuë, ces considerations contenterent les deux Aveugles, qui s’en retournerent satisfaits, & le Professeur en ayant fait le recit en une assemblée de conference donna par ce moyen occasion de parler sur la couleur, on representa, que les anciens au sortir de la pratique de peindre à détrempe tomberent en quelque sorte de dureté par la grande force des ombres, comme on le peut remarquer en quelques ouvrages de Jule Romain, de Raphael, & autres, tant de l’École des Romains, que celles des Lombards qui ont travaille dans ces premiers tems là, où l’usage des reflexs, n’étoit point encore connu, que les reflexs sont d’une grande utilité pour produire l’union dans les couleurs, portants quelque chose des couleurs voisines dans l’ombre des corps, sur lesquels ils rejalissent, ce qui est l’avantage des siecles suivants où les habilles hommes se sont étudiés à la belle oeconomie & dispensation des couleurs, qui est le plus bel effet que peut produire leur raisonnable mariage

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La plus grande perfection dans la Peinture, luy repartis-je, c'est de faire que toutes les qualitez du corps conviennent à la personne qu'on veut representer, soit dans la force des membres, soit dans la couleur de la chair. Par exemple, une belle femme, ou un jeune homme de condition, doivent avoir le corps blanc, délicat, & gratieux, comme dans le Tableau de Corege, dont je vous ay déja parlé, où il y a un Saint Jean tout nud, qui s'enfuit du Jardin des Olives, & dans celuy du Titien, qui est à l'Hostel de Sourdis, où Venus retient Adonis. Car si vous remarquez le Coloris de cette Déesse, vous y verrez une grande tendresse, & dans celuy du Chasseur vous y connoistrez comme un homme moins délicat, & qui s'adonne aux exercices penibles, doit avoir la chair plus haute en couleur : Mais un vieillard qui sera representé plus maigre, & plus décharné, doit avoir la chair plus basannée, & plus brune, de mesme qu'un Soldat, & un Marinier, qui sont ordinairement dans le travail, & qui ont le corps nud, & exposé à l'air, & au Soleil : […].

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Ainsi vous pouvez sçavoir à present que pour bien juger d’un Tableau & du génie de celuy qui l’a fait, il faut regarder d’abord quelle est l’Invention de ce Tableau ; si elle est nouvelle, noble, & agréable. La Disposition du sujet vous fera connoistre si l’Ouvrier a du jugement, & s’il a de l’ordre dans ses pensées. 
C’est dans le Dessein que le Peintre fait paroistre la force de son esprit, sa science, & le fruit de ses études. Par le dessein il donne de la proportion, de la grace, & de la majesté à ses figures ; il en marque toutes les beautez ; il exprime les differentes actions du corps, & les divers mouvemens de l’ame. Enfin le dessein est comme la base & le fondement de toutes les autres parties.
Quelque beauté de coloris qu’un Peintre donne à son ouvrage, quelque amitié de couleurs qu’il observe pour le rendre aimable & plaisant à la veûë ; quelques jours & quelques lumieres qu’il y répande pour l’éclairer, de quelques ombres dont il tasche de le fortifier & d’en relever l’eclat, si tout cela n’est soustenu du dessein, il n’y a rien, pour beau & riche qu’il soit, qui puisse subsister. On doit prendre garde sur tout à ne se pas laisser surprendre par les charmes du coloris ; car la Couleur n’est pas seulement un agrément que la nature ait répandu sur les corps pour en relever la beauté & leur donner plus d’éclat, mais elle est aussi dans les ouvrages de l’art un moyen merveilleux pour les rendre agréables, & donner plus de plaisir à la veûë. [...] De sorte qu’il faut mettre de la différence entre le jugement que l’œil fait d’un Tableau, & celuy que la raison en donne. L’un se contente de l’agrément, & l’autre recherche la vérité & la vraysemblance. Et par là vous voyez que la lumiere de la raison doit conduire toutes les operations de l’esprit, comme la lumiere de l’œil les operations de la main, & qu’il est besoin d’une grande prudence & d’un grand discernement pour distribuer toutes choses selon qu’il est necessaire pour la perfection d’un ouvrage, lors qu’on veut satisfaire également les yeux & la raison. Et c’est ce discernement & cette prudence qu’il faut beaucoup estimer dans les Ouvriers & dans leurs ouvrages.

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Friend,
            When a Painter has acquired any Excellency in
Desinging, readily and strongly ; What has he to do next ?
                        Traveller,
            That is not half his Work, for then he must begin to mannage his
Colours, it being particularly by them, that he is to express the greatness of his Art. ’Tis they that give, as it were, Life and Soul to all that he does ; without them, his Lines will be but Lines that are flat, and without a Body, but the addition of Colours makes that appear round ; and as it were out of the Picture, which else would be plain and dull. ’Tis they that must deceive the Eye, to the degree, to make Flesh appear warm and soft, and to give an Air of Life, so as his Picture may seem almost to Breath and Move.
                        Friend,
            Did ever any Painter arrive to that Perfection you mention ?
                        Traveller,
            Yes, several, both of the
Antient and Modern Painters. Zeuxis Painted Grapes, so that the Birds flew at them to eat them. Apelles drew Horses to such a likeness, that upon setting them before live Horses, the Live ones Neighed, and began to kick at them, as being of their own kind. And amongst the Modern Painters, Hannibal Carache, relates to himself, That going to see Bassano at Venice, he went to take a Book off a Shelf, and found it to be the Picture of one, so lively done, that he who was a Great Painter, was deceived by it. The Flesh of Raphael’s Pictures are so Natural, that this seems to be Alive. And so do Titians Pictures, who was the Greatest Master for Colouring that ever was, having attained to imitate Humane Bodies in all the softness of Flesh, and beauty of Skin and Complexion.

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There is some Degree of Merit in a Picture where Nature is Exactly copy’d, though in a Low Subject ; Such as Drolls, Countrey Wakes, Flowers, Landscapes, &c. and More in proportion as the Subject rises, or the End of the Picture is this Exact Representation. Herein the Dutch, and Flemish Masters have been Equal to the Italians, if not Superior to them in general. What gives the Italians, and Their Masters the Ancients the Preference, is, that they have not Servilely follow’d Common Nature, but Rais’d, and Improv’d, or at least have always made the Best Choice of it. This gives a Dignity to a Low Subject, and is the reason of the Esteem we have for the Landscapes of Salvator Rosa, Filippo Laura, Claude Lorrain, the Poussins ; the Fruit of the two Michelangelo’s, the Battaglia, and Campadoglio ; and This, when the Subject it self is Noble, is the Perfection of Painting : As in the best Portraits of Van-Dyck, Rubens, Titian, Rafaëlle, &c. and the Histories of the best Italian Masters ; chiefly those of Rafaëlle ; he is the great Model of Perfection !

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Il est vray, luy repliquay-je, & c’est dont nous avons tantost parlé sur le sujet de la perspective de l’air, Leon Baptiste Albert appelle cette coupe Il taglio. J’avouë que dans la speculation l’on peut comprendre de quelle sorte les objets doivent diminuer de couleur par ces differentes coupes. Mais quand on vient à la pratique, cette speculation, ou le raisonnement qui fait juger combien un corps doit perdre de sa couleur lors qu’on le veut faire paroistre enfoncé dans le tableau dix ou douze pieds plus qu’un autre, ne peut apprendre précisément comment il faut diminuer la teinte de cette couleur, & la proportionner à son éloignement. Avez-vous jamais remarqué un maistre de Musique qui accorde un luth ou une harpe, il vous fera bien connoistre quel ton la premiere corde doit avoir avec la seconde, & ainsi des autres : mais il ne peut vous enseigner à les accorder, en vous disant qu’il faut tourner les chevilles un certain nombre de tours. Il faut que ce soit l’oreille qui juge de l’harmonie lors qu’on les touche. De mesme dans les couleurs on peut dire qu’il en faut diminuer ou augmenter la teinte à mesure qu’elles s’éloignent ou s’approchent ; ou qu’elles reçoivent divers accidents d’ombres & de lumieres : mais c’est à l’œil à juger du plus ou du moins de force qu’on leur donne en les meslant.
Cependant, interrompit Pymandre, si un grand ouvrage est traité avec le mesme art qu’un plus petit, le plus grand ne doit-il pas estre plus estimé ?
Il est vray, répondis-je ; mais c’est en quoy ils trouvoient de la difficulté, demeurant quasi tous d’accord qu’on ne peut faire paroistre tant de force dans une grande disposition d’ouvrage que dans un tableau qui est composé de peu de figures ; & la raison qu’ils en apportoient, est que la Peinture a ses bornes & ses limites […].
Cependant, dit Pymandre, il me semble qu’il faut bien plus de science pour traitter un grand ouvrage, pour le bien disposer, pour le remplir d’une infinité de differentes figures, d’habits, d’accomodemens, & pour y faire paroistre toutes ces parties dont vous m’avez parlé, que pour peindre seulement trois ou quatre figures ensemble.
Je vous avouë, repartis-je, que pour bien representer un grand sujet, il faut beaucoup plus de science, plus de travail, & que c’est-là qu’un Peintre a toute l’estendüe necessaire pour donner des marques de son sçavoir. Mais il y en a qui vous diront que ce n’est pas dans ces rencontres que l’art peut faire paroistre davantage sa puissance & la force de ses charmes.

 
[...] De sorte, dist Pymandre, que je puis sur cela vous faire une question, & vous demander ce que l’on doit le plus estimer dans un tableau ou le genie du Peintre, ou la force de l’Art.
Comme l’esprit du Peintre paroist dans tout ce qu’il fait, repartis-je, vous pourriez plustost demander lequel est le plus digne d’estime, ou celuy qui sçait tromper par la force de son Art, ou celuy qui montre beaucoup d’invention & de feu dans de grands ouvrages, mais qui ne trompent point comme les autres.


[…] Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir exécuté ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles se voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.

Pour moy, respondit Pymandre, je ne voudrois pas donner mon jugement là dessus ;
mais j'ay leu que Zeuxis ayant peint une Centaure, se fascha voyant que l’on en estimoit plustost la nouvelle invention, que l’art qu’il avoit employé à la bien representer, estimant davantage cette derniere partie que la premiere. Et j’ay encore remarqué que les Anciens ont fait beaucoup de cas de plusieurs tableaux qui n’estoient que de peu de figures.
C’est pourquoy, repris-je, ceux qui ont une inclination particuliere pour les Ouvrages du Titien, & des autres Peintres de Lombardie, disent que si les Anciens ont receu beaucoup de loüanges pour des sujets de peu de figures, l’on ne doit pas trouver à redire si le Titien pour les imiter a plustost tasché d’acquerir la partie de bien peindre, que celle qui regarde les grandes dispositions, & la connoissance particuliere de l’Histoire & des Coustumes. Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir executé ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.
 
[...] Il gardoit parfaitement, luy repondis-je, cette maxime, dont je croy avoir déjà parlé sur le sujet de l’ordonnance, qui est de ne pas remplir ses tableaux de quantité de petites choses, mais d’éviter le deffaut où tombent plusieurs Peintres, qui par la quantité excessive des parties dont ils composent leurs ouvrages les rendent, petits & plains de ce que les Italiens appellent Triterie.
 
[…]
Car encore que la perspective de l’air, & l’affoiblissement des couleurs, par cette coupe dont je viens de parler, soit en effet dans les tableaux, ce qui fait fuir ou avancer les corps ; le Peintre neanmoins qui doit toujours chercher à se prevaloir de toutes sortes des moyens & des secrets de son art quand il veut imiter la force de la Nature, est d’autant plus digne d’estime qu’il sçait découvrir des chemins comme inconnus, pour arriver à son but. C’est pourquoy le Titien sçavoit qu’outre l’affoiblissement que les couleurs reçoivent par les coupes de l’air, & par les differens éloignemens, il y a encore dans les mesmes couleurs, ou une force ou une foiblesse essentielle à leur nature laquelle rend à la veuë les unes plus sensibles que les autres, comme nous avons déjà remarqué ; il sçavoit, dis-je, tout cela, & c’est pourquoy il a toujours observé autant qu’il a pu de les ranger les unes auprès des autres, en sorte que les plus fortes fussent sur les plus foibles.

Quotation

Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 33-34
Ja ob er gleich an die Farben der Kleider Christi und seiner Jünger gebunden war / so hat er dennoch durch Hülffe des fünfften Theils/ nemlich der
Perspective, sie also zu brechen wissen/ daß eine jedere ihren behörigen Ort behält/ und nicht mehr vorkomt oder wegweicht als sie sol. Alle insgesambt aber machen eine schöne Harmonie, und vermehret je eine des anderen schöne.

Quotation

LE PEINTRE.
C’est que plusieurs Etudians, qui ayant pris ou la maniere de leurs Maistres, ou celle des Peintres, dont nous avons parlé, va tout premierement ou à une composition & proportion ou à un agencement de Drapperies, & Coloris composé contre l’ordre de cette nature ; & de plus, qui font que la pluspart de leurs figures se ressemblent en proportion de corps, les unes estant courtes & les autres trop Gresles, & toûjours d’un mesme Coloris, soit aussi des ombres trop foibles, & d’autres trop fortes ou brunes, bref en une infinité de manieres, qui font dire, voilà de la maniere d’un tel, & d’un tel.

Car à bien le prendre, lors qu’il ne s’agit que de representer purement en Peinture un objet naturel, au point que cette representation fasse à l’œil toute la mesme vision que luy, on n’en doit point connoistre la maniere.
Je sçay que plusieurs contesteront cette proposition, mais je sçay bien aussi, que ce sera contre justice ; car j’ay veu trois ou quatre Pourtraits de personnes differentes que nombre de Peintres n’ont pas creu estre d’une mesme main ou maniere, au contraire ont demandé de qui est celuy-cy, puis celuy-là ; mais la cause venoit de ce que ce Peintre avoit tellement imité corectement le naturel d’un châcun, qu’il n’y avoit laissé sur sa Toile aucune trace & maniement de Peinceau qui y formast maniere.

Quotation

Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

Quotation

Het is myn vast gevoelen dat de Oeffening der plooijen niet volkomen geleerd kan worden, zonder de Leeman te gebruiken; Want wat baat het dat men zich uitmergeld met kleêren uit de Geest te Teikenen als wy ’t leeven voor ons kunnen hebben, zonder welke het onmogelyk is de natuur der Stoffe te doorgronden: daar zich, in tegendeel, veele niet anders oeffenen dan naar de Statuaas en fraaiste printen der beroemste meesters, welke hier in uitgemunt hebben: als Raphaël, Barotius, Guido, Albaan, Pousyn &c; denkende uit dezelfde reeds een gebaande weg te hebben gevonden, om tot genoegzame volkomentheid te geraken, en hun oogmerk te bereiken. Daar men nochtans weet, dat Raphaël voornaamentlyk, die gelegentheid niet gehad hebbende, echter in zyn tyd, de fraayste dingen voor den dag gekomen zyn. Nu zoude men mogen vragen, waarom eenige andere vermaarde Meesters, als Titiaan, Tintoret, Paulo Veronees, Julio Romano, Michel Angelo, Dominiquin, Bassan &c, zo goed daar in niet geoordeeld werden? de reeden is deeze, dat Raphaël het leeven gebruikt heeft, wel te verstaan een Leeman, waar door hy de natuur en eigenschap der Stoffe grondig heeft leeren onderzoeken: alhoewel men hem nogtans zou kunnen beschuldigen dat hy zyn beelden de meesten tyd met eenderly Stoffe kleeden, in voorvallen, daar de verandering genoegzaam verschillende kon geweest hebben. Evenwel moet men bekennen dat ‘er voor, noch naderhand, geen zo ervaren en Konstryk in dezelve geweest is, dan een alleen, te weten Nikolas Poussyn; echter is dit geen wonder; dewyl hy het Natuurlyke leeven onderzocht en gebruikten gelyk hem bewust was dat Raphaël gedaan had, en niet gelyk anderen die alleen zyn werk navolgden: daarom zyn zy ook slegter geweest, hebben minder kennis gehad, en meenigmaal niet van de natuur der stoffe of plooijen geweeten.

Quotation

Ik vroeg eens aan iemand, waarom hy zyn kleêren altyd met dunne ploojen maakte? waarop hy my tot antwoord gaf, geen zin te hebben in zulke dikke ploojen als Paulo Veronees, Titiaan en Rubbens verbeelden. Sommige bederven hun beelden zodanig met het ophoopen van veelderhande ploojen; dat zy daar door t’eenemaal vergeeten, het gebruik der stoffe alleenig gemaakt te zyn, om de partyen der Lichamen daar ze over heen komen, te kleeden en met gratie te bedekken: en niet om dezelve daar mede te belaaden en te vervullen, als of het geheele Lichaam maar een buik, en alle leeden op de verheeven partyen, met zandzakken bekleed waaren. Veele wederom maken hun kleedingen als of het darmen zyn, op de manier van Korton, ziende nergens als zulke printen.

Quotation

Continuant donc à nous entretenir de la magnificence des Princes, que ne dirons nous pas de Charles Quint, qui emulateur d’Alexandre par les grands travaux, & par les fatigues presque continuelles, que la guerre traine apres elle, ne laisse pas de s’occuper tres souvent de la peinture qu’il aime, & qu’il prise ? de maniere qu’ajant entendu les merveilles, qu’on publioit du Titien, le convia deux fois avec amitié, & avec bonté de venir à sa cour ; ou apres l’avoir honoré au pair des premiers Seigneurs, qui y etoient, il lui accorda des privileges, des pensions, & de magnifiques recompenses : pour un seul portrait qu’il lui fit à Bologne, il lui fit conter mille ecus. Alfonce Duc de Ferrare pareillement fut grand amateur de peinture : pour avoir le portrait du Titien peint par lui meme, il lui en donna trois cens ecus : c’est ce meme portrait, que vit depuis Michel Ange, qu’il admira, & qu’il loua au point d’avoüer, qu’il n’auroit jamais pu croire, que l’art pût arriver à telle perfection, & que le seul Titien meritoit le nom de peintre. [...]
Are. Ecoutez s’il vous plait, le Roi Philippe II. digne fils d’un si grand Empereur honore, & aime la peinture : & il est hors de doute, que pour les grands ouvrages, que le Titien lui à envoiés, il n’en recoive un jour la recompence digne d’un Roi pareil, & du merite d’un si grand peintre. J’ai entendu dire aussi que ces deux Princes savent dessinner.

Quotation

Titian was the best Colourer, perhaps, that ever was ; he Designed likewise very well, but not very exactly ; the Airs of his Heads for Women and Children are admirable, and his Drapery loose and noble ; his Portraits are all Master-pieces, no man having ever carried Face-Painting so far ; the Persons that he has drawn having all the Life and Spirit as if they were alive ;

Quotation

j’avoue que j’en passe sous silence qui regardent l’execution & la pratique [ndr : du coloris] : mais comme je n’ai appris ce que j’en pourrois communiquer qu’en examinant avec beaucoup de reflexion les ouvrages des grands Peintres, & sur-tout ceux de Titien & de Rubens ; & que sur-tout les Studieux de Peinture peuvent puiser à la même source ; je les renvoi à ces deux Peintres, à Rubens premierement, parce que les principes en sont plus sensibles & plus aisés à pénétrer ; puis à Titien qui semble avoir encore passé la lime par dessus, c’est-à-dire, en un mot que le Titien a fait sentir dans une distance legitime, plus de verité & de précision dans ses couleurs locales, ayant laissé à Rubens le talent des grandes compositions, & l’artifice de faire entendre de plus loin l’harmonie de son Tout-ensemble.

Quotation

Ainsi la grande difficulté n'est pas de prouver qu'on l'emporte aujourd'huy sur Zeuxis, sur les Timantes & sur les Appelles, mais de faire voir qu’on a encore quelque avantage sur les Raphaels, sur les Titiens, sur les Pauls Veroneses, & sur les autres grands Peintres du dernier siecle. Cependant j'ose avancer qu'à regarder l'Art en luy-mesme, entant qu’il est un amas & une collection de preceptes, on trouvera qu'il est plus accompli & plus parfait presentement qu'il ne l'estoit du temps de ces grands Maistres.

Quotation

Les beaux effets de lumiere, & un éclat de jour que l’on voit au haut d’une montagne qui semble veritablement éclairée du Soleil ne paroistroient ny si vrays ny si agreables, s’il [ndr : Titien] n’eust  ménagé les couleurs les plus claires ; ou s’il les eust répanduës également dans tout son tableau. Aussi ce sont ces coups de maistre qui sont dans un ouvrage ce qu’on nomme le precieux ; il ne doit y avoir guere de ces richesses, & mesme comme bien souvent ce n’est pas une petite perfection à un Orateur de sçavoir supprimer beaucoup de choses. {Plin. lib 7. epist. 6.} […]

Quotation

[…] La beauté ne consiste point dans les parures, & dans les ornemens. Un peintre ne doit pas s’arrester aux petits ajustements, sur tout dans les sujets d’histoires, où il pretend representer quelque chose de grand & d’heroïque. Il y doit faire paroistre de la grandeur, de la force, & de la noblesse, mais rien de petit & de delicat, ny de trop recherché. Il est des ouvrages de Peinture, comme de ceux de Poësie. Il ne faut pas qu’il paroisse que l’ouvrier ait pris plus de plaisir à se satisfaire luy-mesme, & à faire connoistre le jeu de son esprit & la delicatesse de son pinceau qu’à considerer le merite de son sujet. Quintilien blame Ovide de cette trop grande délicatesse.

Quotation

[...]
PRÉCIEUX se dit en parlant du coloris, & se prend toujours en bonne part. 
Un coloris
précieux
Le Titien étoit
précieux dans son coloris ; « on trouve dans les tableaux du Titien, dit Felibien, de la vivacité, de la force, & je ne sçai quoi de précieux que l’on y admire. »
Les exemples que je viens de citer expliqueront mieux ce mot, que toutes les définitions auroit pû donner.

Quotation

{5. Divers talents des Peintres}
Quelques-uns au Dessein ont esté consommez ;
Mesmes quand au dessein, les uns par leur addresse
Ont marié la force à la molle tendresse.
D’autres à qui le Ciel versa le haut Talent
D’un genie inventif, resolu, violent,
N’ont manqué d’autre choses en cette promptitude
Que de la temperer par le poids de l’estude :
Et d’un raisonnement prudent, sage, discret
Du Stille plus pompeux attraper le secret.

[…]
Cangiasio [ndr : Luca Cambiaso] fut le nom de cét Ouvrier habile
Dont le Pinceau fecond ne fut jamais debile :
J’ay veu de grands palais qu’il peignit des deux mains
Sans faire les Cartons, Traçant tous les Desseins
De l’ante du pinceau, et presque sans estude
Son pinceau paroissoit voler de Promptitude,
L’escurial de luy tint les corps renversez,
Bisarres, furieux, l’un sur l’autre entassez,
Luy qui dans ce caprice espouvantable et sombre
Fait un grand pelotton de figures sans nombre.

[…]
{Cangiasio & Tintoret extraordinairement prompts dans leur Peinture.}
Tel fut du Titien le Disciple admirable
Dont le pinceau ronflant fut presque inimitable,
Car si Lucas fut viste on dit que Tintoret
Ne luy ceda jamais et qu’il fut plus correct.

Quotation

L’on est entré sur la consideration du merite de la couleur à l’occasion d’un Tableau du Titien, qui par l’adveu, unanime de tous les sçavants en cette profession, est le Peintre qui a le plus excellé en cette partie là. Mais après avoir remarqué dans cet ouvrage que ce grand homme possedoit si admirablement la connoissance, des effets de la couleur & en faisoit un si bon usage, que non-obstant la vivacité des éclats de lumieres, qu’il faisoit paroître, dans le ciel de ses paysages, les carnations des figures qui y étoient opposées, ne laissoient pas de paroître plus avantageusement que beaucoup d’autres coloris, qui sont favorisés par des fonds bruns, que l’on voyoit dans les ouvrages de beaucoup d’autres Autheurs : qu’ainsi cet excellent Peintre avoit tiré avantage, de ce que les autres évitent ordinairement, & l’on témoigna du Regret de ce qu’un talent si accompli [ndr : Titien] n’étoit pas accompagné de ceux qui sont les plus considerables en la Peinture à sçavoir la correction du dessein & des proportions ; on representa qu’il se trouvoit beaucoup moins de Peintres posseder cette correction, que ceux qui ont un beaufaire en traitant les couleurs, parce qu’outre que ce dernier est plus facile, on se laisse naturellement charmer à ce bel éclat exterieur ; l’on avoüa bien que cette partie est très necessaire, mais l’on dit qu’il ne s’y falloit pas tant attacher qu’au principal ; que d’en faire toute son étude, c’étoit se laisser éblouïr par l’apparence d’un beau corps sans considérer ce qui le doit animer, que Monsieur Poussain si celebre en l’une & en l’autre de ces parties, ayant donné quelque temps à l’étude particuliere de la couleur en revint si fort, que depuis il disoit hautement, que cette application singuliere n’étoit qu’un obstacle, pour empêcher de parvenir au veritable but de la Peinture, & celui qui s’attache au principal ; acquiert en pratiquant une assez belle maniere de peindre.

Quotation

Quelque beauté de coloris qu’un Peintre donne à son ouvrage, quelque amitié de couleurs qu’il observe pour le rendre aimable & plaisant à la veûë ; quelques jours & quelques lumieres qu’il y répande pour l’éclairer, de quelques ombres dont il tasche de le fortifier & d’en relever l’eclat, si tout cela n’est soustenu du dessein, il n’y a rien, pour beau & riche qu’il soit, qui puisse subsister. On doit prendre garde sur tout à ne se pas laisser surprendre par les charmes du coloris ; car la Couleur n’est pas seulement un agrément que la nature ait répandu sur les corps pour en relever la beauté & leur donner plus d’éclat, mais elle est aussi dans les ouvrages de l’art un moyen merveilleux pour les rendre agréables, & donner plus de plaisir à la veûë. [...] De sorte qu’il faut mettre de la différence entre le jugement que l’œil fait d’un Tableau, & celuy que la raison en donne. L’un se contente de l’agrément, & l’autre recherche la vérité & la vraysemblance. Et par là vous voyez que la lumiere de la raison doit conduire toutes les operations de l’esprit, comme la lumiere de l’œil les operations de la main, & qu’il est besoin d’une grande prudence & d’un grand discernement pour distribuer toutes choses selon qu’il est necessaire pour la perfection d’un ouvrage, lors qu’on veut satisfaire également les yeux & la raison. Et c’est ce discernement & cette prudence qu’il faut beaucoup estimer dans les Ouvriers & dans leurs ouvrages.

Quotation

20 Op dees edelheyt dees t’samen wel pasten,
En leyden hun verwen schoon, net en blijde,
Ginghen de penneelen soo niet belasten,
Als nu, dat men schier blindelijck mach tasten
En bevoelen al t’werck aen elcker sijde :
Want de verwen ligghen wel t’onsen tijde,
Soo oneffen en rouw, men mochtse meenen {Van de rouwicheyt eenigher in desen tijdt.}
Schier te zijn half rondt, in ghehouwen steenen.
 
21 Netticheyt is prijsich, die den ghesichte{Nette dingen, die noch de gheesticheyt behouden, zijn prijselijck, en houden den aenschouwer lange speculerende.}
Soet voedtsel ghevende doet langhe merren,
Bysonder als haer aenclevend’ is dichte
Oock aerdt, gheest, en cloeckeyt, en datse lichte
Haren welstandt niet en weyghert van verren,
Niet meer als van by, sulck dinghen verwerren
Doet aen hem, en door ooghen onversadich,
T’herte vast cleven met lusten ghestadich.
 
22 Van Tizianus den grooten wy mercken, {Exempel Tizianus, zijn dingen stonden eerst wel van by, en van verre.}
Wt Vasari schriften ons wel profijtich,
Hoe hy in de bloeme zijns Ieuchts verstercken
Plocht uyt te voeren zijn constighe wercken,
Met onghelooflijcke netticheyt vlijtich :
De welcke niet te berispen verwijtich
En waren, maer behaeghden wel een yder,
T’zy ofmender verre van stondt oft byder.

 
23 maer ten lesten met vlecken en rouw’ streken,
Ginck hy zijn wercken al anders beleyden, {Tiziaen, veranderde zijn handelinghe, datse van verre alleen woude ghesien wesen.}
Welck natuerlijck wel stondt, als men gheweken
Wat verre daer van was, maer niet bekeken
Van by en wou wesen, het welck verscheyden
Meesters willende volghen in’t arbeyden,
En hebbender niet van ghemaeckt te deghe,
Dan een deel leelijck goets ghebracht te weghe.

Quotation

20 Op dees edelheyt dees t’samen wel pasten,
En leyden hun verwen schoon, net en blijde,
Ginghen de penneelen soo niet belasten,
Als nu, dat men schier blindelijck mach tasten
En bevoelen al t’werck aen elcker sijde :
Want de verwen ligghen wel t’onsen tijde,
Soo oneffen en rouw, men mochtse meenen {Van de rouwicheyt eenigher in desen tijdt.}
Schier te zijn half rondt, in ghehouwen steenen.
 
21 Netticheyt is prijsich, die den ghesichte{Nette dingen, die noch de gheesticheyt behouden, zijn prijselijck, en houden den aenschouwer lange speculerende.}
Soet voedtsel ghevende doet langhe merren,
Bysonder als haer aenclevend’ is dichte
Oock aerdt, gheest, en cloeckeyt, en datse lichte
Haren welstandt niet en weyghert van verren,
Niet meer als van by, sulck dinghen verwerren
Doet aen hem, en door ooghen onversadich,
T’herte vast cleven met lusten ghestadich.
 
22 Van Tizianus den grooten wy mercken, {Exempel Tizianus, zijn dingen stonden eerst wel van by, en van verre.}
Wt Vasari schriften ons wel profijtich,
Hoe hy in de bloeme zijns Ieuchts verstercken
Plocht uyt te voeren zijn constighe wercken,
Met onghelooflijcke netticheyt vlijtich :
De welcke niet te berispen verwijtich
En waren, maer behaeghden wel een yder,
T’zy ofmender verre van stondt oft byder.

Quotation

on representa, que les anciens au sortir de la pratique de peindre à détrempe tomberent en quelque sorte de dureté par la grande force des ombres, comme on le peut remarquer en quelques ouvrages de Jule Romain, de Raphael, & autres, tant de l’École des Romains, que celles des Lombards qui ont travaille dans ces premiers tems là, où l’usage des reflexs, n’étoit point encore connu, que les reflexs sont d’une grande utilité pour produire l’union dans les couleurs, portants quelque chose des couleurs voisines dans l’ombre des corps, sur lesquels ils rejalissent, ce qui est l’avantage des siecles suivants où les habilles hommes se sont étudiés à la belle oeconomie & dispensation des couleurs, qui est le plus bel effet que peut produire leur raisonnable mariage

Quotation

Solche Regeln/ haben die alte Kunst-Mahler beobachtet. Dessen allen haben/ unter den alten berühmten Kunst-Mahlern/ Raphael Urbini, Coregio, Titian, Verones, Tintoret und viel andere auf Mauren/ auch in Oelfarben/ mit sonders erleuchten Urtheil und Verstand/ zu ihrem immerwehrenden Lob und Ruhm/ bey aller Nachwelt/ sich sehr künstlich bedient. Wie dann nicht minder/ neben ihnen/ auch unsere alte Teutsche/ als Albrecht Dürer/ Hanns Holbein und andere/ nach und nach die Verbesserung des Colorits und das natürlichmahlen erfunden: […]

Quotation

{XXXIII. Qu'il ne faut pas deux jours égaux dans le Tableau}
Evitez les Ombres fortes sur le milieu des Membres, de peur que le trop de Noir qui compose ces Ombres, ne semble entrer dedans & les couper : cherchez plûtost à les placer à l'entour, pour relever davantage les Parties, & prenez vostre Jour si avantageux, qu'apres de grandes Lumieres vous trouviez de grandes Ombres. D'où vient que c'est avec raison que l'on dit du Titien, qu'il n'avoit pas de meilleure Regle pour la distribution des Clairs & des Bruns, que la *
Grappe de Raisin.

Quotation

329. [La Grappe de Raisin.] Il est assez évident que le Titien par cette comparaison aussi judicieuse que familiere, a pretendu dire que l’on doit ramasser les Objets & les disposer de telle sorte, qu’ils composent un Tout, dont plusieurs Parties contiguës puissent estre éclairées, plusieurs ombrées, & d’autres de Couleurs rompuës, pour estre dans les Tournans ; de mesme que dans une Grappe de Raisin, plusieurs grains qui en font les parties, se trouvent dans le jour, plusieurs dans l’ombre, & d’autres dans la demie teinte, pour estre dans les Parties fuyantes. Le Tintoret dit un jour à Rubens, qu’il avoit oüi dire au Titien, Que dans tous ses plus grands Ouvrages, la Grappe de Raisin estoit son meilleur guide & sa principale Regle.

Quotation

C’est pourquoy je croy vous avoir fait observer sur le sujet des tableaux du Poussin, que ce Peintre dans le coloris de ses figures s’étudioit à les representer telles qu’elles paroissent dans le naturel, lors que par la distance qui se trouve entre-elles & celuy qui les voit, l’air qui est interposé les rend plus grises, & fait que la carnation n’est pas si vive & si agréable. 
Cependant quoy-que la raison fasse voir que c’est une regle qu’on doit observer, il est vray neanmoins que les Peintres qui ne l’ont pas suivie, & qui s’en sont dispensez, tels que le Titien, Paul Veronese, & ceux de l’école du Lombardie, ont esté plus agréables que les autres dans leurs carnations, parce que l’œil ne se soucie pas toûjours que les choses soient conduites par les regles de la raison pourveû qu’elles luy plaisent.

Quotation

[...] 
ROMPUE [couleur] « On appelle couleur rompuë,
dit Mr. de Piles, celle qui est diminuée & corrompuë par le mélange d’une autre [excepté du blanc qui ne pas corrompre, mais qui peut être corrompu.] On peut dire, par exemple qu’un tel azur d’outremer est rompu de laque, & d’ocre jaune , quand il y entre un peu de ces deux dernieres couleurs, & ainsi des autres. 
Les couleurs rompuës,
ajoute-t-il, servent à l’union & à l’accord des couleurs, soit dans les tournans des corps & dans leurs ombres, soit dans toute leur masse. 
Titien, Paul Veronese, le Rimbrant ont employé avec beaucoup d’art les couleurs
rompuës
Couleur
rompuë & couleur composée sont mots synonimes ; en parlant d’une draperie d’un jaune clair qui est ombrée d’une laque obscure, quelques uns disent que cette draperie est rompuë de rouge : ce n’est pas parler correctement : il faut dire : cette draperie est ombrée de laque, parce que ces deux couleurs sont séparées. Or le mot de rompu ne se dit au sens propre que de deux couleurs mêlées l’une dans l’autre. 
Les Italiens disent
rottura de colori.

Quotation

Couleurs rompuës. Les Couleurs sont rompües lorsqu’elles ne sont pas employées toutes simples & pures, mais qu’on en mesle deux ou plusieurs ensemble pour en affoiblir & éteindre une trop vive ; Comme quand pour diminuer de la vivacité de la Laque, on y mesle un peu de terre verte ; ou bien, quand pour oster de l’éclat du Vermillon, on y mesle du brun rouge, soit en détrempant les Couleurs sur la palette, soit après qu’elles sont couchées sur la toile & en travaillant. Quand une draperie que est d’un jaune clair se trouve ombrée d’une laque obscure, on dit d’ordinaire que cette draperie est jaune rompuë de rouge. C’est pourtant mieux dit qu’elle est jaune ombrée de laque, si les deux couleurs sont separées : car le mot rompu ne se prend proprement que lors que la couleur n’est pas pure, mais meslée avec une autre. Enfin une couleur rompuë, parmy les Peintres, est celle que l’on esteint, & dont l’on diminuë la force ; ce qui sert beaucoup pour l’union & l’accord qui doit estre dans toutes celles qui composent un Tableau. Le Titien, Paul Veronese, & les autres Lombards s’en sont heureusement servis, comme l’a fort bien remarqué M. de Pile sur la poëme du sieur du Fresnoy. Les Italiens nomment cela Rottura de colori.

Quotation

And sometimes the Painter happens to be Obliged to put a Figure in a Place, and with a Degree of Force which does not sufficiently distinguish it. In that Case, the Attention must be awakened by the Colour of its Drapery, or a Part of it, or by the Ground on which ‘tis painted, or some other Artifice.
Scarlet, or some Vivid Colour, is very proper on such Occasions : I think I have met with an Instance of This kind from
Titian, in a Bacchus and Ariadne ; Her Figure is Thus distinguish’d for the reason I have given.

Quotation

Want indien zulk een meester, als Titiaen, zoo begaeft in de natuur en 't leven te volgen, deur de Teykenkonst geholpen waer geweest, en zijn grooten geest en levende handeling op de studie gesteunt hadde, hy waer alles te boven gekomen. Laet nu dit oordeel vry wat eenzijdich zijn; want de Teykenkonst wort hier niet genomen voor wel het leeven te volgen, maer voor altijts het schoonste te verbeelden, gelijk Agnolo in zijn grooten Laetsten dach wel betoont heeft, daer hy zijne beelden met een grootse maniere, en in schoone gestaltenissen, voeglijk aen d'opstanding, heeft voortgebracht.

Quotation

Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

Quotation

C’est pourtant cette imitation &cette sensation parfaite qui fait l’essentiel de la Peinture, comme je l'ai fait voir. Cette perfection vient du Dessein & du Coloris

Quotation

Again Titian to make known his art his lights and shadows, when he would express the lightest part of the Body used to add a little too much white, making it much lighter then his pattern, and in the obscure parts, where the light fell by reflexion, a little too much shadow, in resemblance of the decay of the light in that part of the Body, and so his work seemeth to be much raised, and deceive the sight, for the light which cometh to the Eye, in a Pyramidal forme (as shall be shewed in the ensuing discourse) cometh with a blunter and bigger Angle, and so is seen more evidently, whence ariseth a wonderfull eminency, the especial cause whereof is, because there is much more shadow then needeth in that part, where the light decayeth most, so that the vusual lines failing, that part cometh to the Eye in an accuter and sharper angle, and therefore cannot be seen so perfectly, insomuch that that part seemeth to fly inwards, and stand farther off. Thus when the Four parts of a Body are much raised, and the hinder fly sufficiently inwards, there appeareth a very great heightning, which giveth a wonderfrll Spirit, and after this sort Titian beguiled the Eyes of such as beheld his most admirable works.

Quotation

Traveller.
           
There is a thing which the Italians call Morbidezza ; The meaning of which word, is to Express the Softness, and tender Liveliness of Flesh and Blood, so as the Eye may almost invite the Hand to touch and feel it, as if it were Alive ; and this is the hardest thing to Compass in the whole Art of Painting. And ‘tis in this particular, that Titian, Corregio, and amongst the more Modern, Rubens, and Vandike, do Excel.

Quotation

Friend,
            When a Painter has acquired any Excellency in
Desinging, readily and strongly ; What has he to do next ?
                        Traveller,
            That is not half his Work, for then he must begin to mannage his
Colours, it being particularly by them, that he is to express the greatness of his Art. ’Tis they that give, as it were, Life and Soul to all that he does ; without them, his Lines will be but Lines that are flat, and without a Body, but the addition of Colours makes that appear round ; and as it were out of the Picture, which else would be plain and dull. ’Tis they that must deceive the Eye, to the degree, to make Flesh appear warm and soft, and to give an Air of Life, so as his Picture may seem almost to Breath and Move.
                        Friend,
            Did ever any Painter arrive to that Perfection you mention ?
                        Traveller,
            Yes, several, both of the
Antient and Modern Painters. Zeuxis Painted Grapes, so that the Birds flew at them to eat them. Apelles drew Horses to such a likeness, that upon setting them before live Horses, the Live ones Neighed, and began to kick at them, as being of their own kind. And amongst the Modern Painters, Hannibal Carache, relates to himself, That going to see Bassano at Venice, he went to take a Book off a Shelf, and found it to be the Picture of one, so lively done, that he who was a Great Painter, was deceived by it. The Flesh of Raphael’s Pictures are so Natural, that this seems to be Alive. And so do Titians Pictures, who was the Greatest Master for Colouring that ever was, having attained to imitate Humane Bodies in all the softness of Flesh, and beauty of Skin and Complexion.

Quotation

Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 34
[ndr.: Vom Vierten Theil, nehmlich der Colorit] Wie starck glänzet nicht die auf den Horizont untergehehende Sonne ? und gibt doch denen auf dem Vorgrunde sich befindenden Tagen keinen Verdruß, wer wundert sich nicht/ daß die sonst starck schreiende Farben/ worinnen dieser gekleidet ist/ und die an dem Rande des Gemähldes gestellet seyn/ dennoch das Auge des Anschauers denen gelinden Farben des Kleides Christi nicht entziehen ?

Quotation

Het is myn vast gevoelen dat de Oeffening der plooijen niet volkomen geleerd kan worden, zonder de Leeman te gebruiken; Want wat baat het dat men zich uitmergeld met kleêren uit de Geest te Teikenen als wy ’t leeven voor ons kunnen hebben, zonder welke het onmogelyk is de natuur der Stoffe te doorgronden: daar zich, in tegendeel, veele niet anders oeffenen dan naar de Statuaas en fraaiste printen der beroemste meesters, welke hier in uitgemunt hebben: als Raphaël, Barotius, Guido, Albaan, Pousyn &c; denkende uit dezelfde reeds een gebaande weg te hebben gevonden, om tot genoegzame volkomentheid te geraken, en hun oogmerk te bereiken. Daar men nochtans weet, dat Raphaël voornaamentlyk, die gelegentheid niet gehad hebbende, echter in zyn tyd, de fraayste dingen voor den dag gekomen zyn. Nu zoude men mogen vragen, waarom eenige andere vermaarde Meesters, als Titiaan, Tintoret, Paulo Veronees, Julio Romano, Michel Angelo, Dominiquin, Bassan &c, zo goed daar in niet geoordeeld werden? de reeden is deeze, dat Raphaël het leeven gebruikt heeft, wel te verstaan een Leeman, waar door hy de natuur en eigenschap der Stoffe grondig heeft leeren onderzoeken: alhoewel men hem nogtans zou kunnen beschuldigen dat hy zyn beelden de meesten tyd met eenderly Stoffe kleeden, in voorvallen, daar de verandering genoegzaam verschillende kon geweest hebben. Evenwel moet men bekennen dat ‘er voor, noch naderhand, geen zo ervaren en Konstryk in dezelve geweest is, dan een alleen, te weten Nikolas Poussyn; echter is dit geen wonder; dewyl hy het Natuurlyke leeven onderzocht en gebruikten gelyk hem bewust was dat Raphaël gedaan had, en niet gelyk anderen die alleen zyn werk navolgden: daarom zyn zy ook slegter geweest, hebben minder kennis gehad, en meenigmaal niet van de natuur der stoffe of plooijen geweeten.

Quotation

[…] we did therefore forbear to mention what his Highness Prince Ruperts own hands have contributed to the dignity of that Art ; performing things in Graving (of which some enrich our collection) comparable to the greatest Masters ; such a spirit and address there appears in all that touches, and especialy in that of the Mezzo Tinto, of which we shall speak here-after more at large, having first enumerated those incomparable gravings of that his new, inimitable Stile, in both the great, and little decollations of St. John Baptist, the Souldier holding a Spear and leaning his hand on a Shield, the two Mary Magdalens, the Old- mans head, that of Titian, &c. after the same Titian, Georgioon and others. 

Quotation

Ceux [ndr : les peintres] au contraire qui sont dans le style Pastoral, s’attachent fortement à la couleur pour représenter plus vivement la verité. L'un & l'autre style ont leurs spectateurs & leurs partisans. […]
Ainsi pour contrebalancer l’élevation des Païsages Heroïques, je croirois qu’il seroit à propos de jetter dans les Païsages champêtres, non seulement un grand caractere de verité, mais encore quelque effet de la Nature piquant, extraordinaire & vraisemblable, comme a toujours fait le Titien.

Quotation

There is some Degree of Merit in a Picture where Nature is Exactly copy’d, though in a Low Subject ; Such as Drolls, Countrey Wakes, Flowers, Landscapes, &c. and More in proportion as the Subject rises, or the End of the Picture is this Exact Representation. Herein the Dutch, and Flemish Masters have been Equal to the Italians, if not Superior to them in general. What gives the Italians, and Their Masters the Ancients the Preference, is, that they have not Servilely follow’d Common Nature, but Rais’d, and Improv’d, or at least have always made the Best Choice of it. This gives a Dignity to a Low Subject, and is the reason of the Esteem we have for the Landscapes of Salvator Rosa, Filippo Laura, Claude Lorrain, the Poussins ; the Fruit of the two Michelangelo’s, the Battaglia, and Campadoglio ; and This, when the Subject it self is Noble, is the Perfection of Painting : As in the best Portraits of Van-Dyck, Rubens, Titian, Rafaëlle, &c. and the Histories of the best Italian Masters ; chiefly those of Rafaëlle ; he is the great Model of Perfection !

Quotation

He that would rise to the Sublime must form an Idea of Something beyond all we have yet seen ; or which Art, or Nature has yet produc’d ; Painting, Such as when all the Excellencies of the several Masters are United, and their several Defects avoided.
The greatest Designers among the Moderns want much of that exquisite Beauty, in all the Several Characters, that is to be seen in the Antique ; the Airs of the Heads, even of
Rafaëlle himself, are Inferiour to what the Ancients have done ; and for Grace to some of Guido : the Colouring of Rubens and Van Dyck falls short of That of Titian, and Coreggio ; and the best Masters have Rarely Thought like Rafaëlle, or Compos’d like Rembrandt. Let us then imagine a Picture Design’d as the Laocoon, the Hercules, the Apollo, the Venus, or any of these Miraculous remains of Antiquity : The Airs of Heads like what is to be found in the Statues, Busts, Bas-releifs, or Medals, or like some of those of Guido ; and Colour’d like the most Celebrated Colourists ; with the Lightest Pencil, and the most Proper to the Subject ; and all this Suitably Invented, and Compos’d ; Here would be a Picture ! Such a one a Painter should Imagine, and So set before him for Imitation.
Nor must he stop Here, but Create an Original Idea of Perfection. The Utmost that the Best Masters have done, is not to be suppos’d the Utmost ‘tis possible for Humane Nature to arrive at ;

Quotation

All the different Degrees of Goodness in Painting may be reduc’d to these three General Classes. The Mediocre, or Indifferently Good, the Excellent, and the Sublime. The first is of a large Extent ; the second much Narrower ; and the Last still more so. I believe most people have a pretty Clear, and Just Idea of the two former ; the other is not so well understood ; which therefore I will define according to the Sense I have of it ; And I take it consist of some few of the Highest Degrees of Excellence in those Kinds, and Parts of Painting which are Excellent ; The Sublime therefore must be Marvellous, and Surprizing, It must strike vehemently upon the Mind, and Fill, and Captivate it Irresistably.
[…].
I confine the Sublime to History, and Portrait-Painting ; And These must excell in Grace, and Greatness, Invention, or Expression ; and that for Reasons which will be seen anon. Michael Angelo’s Great Style intitles Him to the Sublime, not his Drawing ; ‘tis that Greatness, and a competent degree of Grace, and not his Colouring that makes Titian capable of it : As Correggio’s Grace, with a sufficient mixture of Greatness gives this Noble Quality to His Works. Van Dyck’s Colouring, nor Pencil tho’ perfectly fine would never introduce him to the Sublime ; ‘tis his Expression, and that Grace, and Greatness he possess’d, (the Utmost that Portrait-Painting is Justly capable of) that sets some of his Works in that Exalted Class ; in which on That account he may perhaps take place of Rafaelle himself in That Kind of Painting, if that Great Man’s Fine, and Noble Idea’s carried him asmuch above Nature Then, as they did in History, where the utmost that can be done is commendable ; a due Subordination of Characters being preserved ; And thus (by the way) V. Dyck’s Colouring, and Pencil may be judg’d Equal to that of Corregio, or any other Master.

Quotation

361. [Que jamais deux extremitez contraires, &c.] Le Sens de la veuë a cela de commun avec tous les autres, qu’il abhorre les extremitez contraires. Et de mesme que les mains qui ont grand froid, souffrent beaucoup lors qu’on les approche tout d’un coup du feu ; ainsi les yeux qui trouvent un extreme Blanc auprés d’un extreme Noir, ou un bel Azur auprés d’un Vermillon ardent, ne sçauroient regarder ces extremitez qu’avec peine, quoy qu’ils y soient toûjours attirez par l’éclat des deux contraires.
Ce Precepte oblige de sçavoir les Couleurs qui ont amitié ensemble, & celles qui sont incompatibles ; ce que l’on pourra aisément découvrir en mélant ensemble les Couleurs dont on veut faire épreuve : & si par ce mélange elles font une Couleur douce & qui ne soit point desagreable aux yeux, c’est une marque qu’il y a de l’union & de la sympathie entr’elles ; si au contraire la Couleur qui sera produite du mélange des deux autres, est rude à la veuë, il faut conclure qu’il y a de la contrarieté & de l’antipathie entre ces deux Couleurs. Le Vert par exemple est une Couleur agreable, qui peut venir du Bleu & du Jaune mélez ensemble, & par consequent le Bleu & le Jaune sont deux Couleurs qui sympathisent. Et tout au contraire le mélange du Bleu & du Vermillon ont une antipathie ensemble ; & ainsi des autres couleurs, dont vous pouvez faire essay, & vous éclaircir une fois pour toutes. […] L’on peut neantmoins passer par dessus ce Precepte, quand on n’a qu’une ou deux Figures à traiter, & que parmy un grand nombre on en veut faire remarquer quelqu’une, qui est des principales du Sujet, & qui autrement ne pourroit se faire remarquer par dessus les autres. Titien dans le Tableau qu’il a fait du Triomphe de Bacchus, ayant placé Ariadne sur l’un des costez du Tableau, & ne pouvant pour cette raison la faire remarquer par les éclats de la lumiere qu’il a voulu conserver dans le milieu, il luy a donné une écharpe de Vermillon sur une Draperie bleuë, tant pour la détacher de son fonds qui est déjà une mer bleuë, qu’à cause que c’est une des principales Figures du Sujet, sur laquelle il veut que l’œil soit attiré. Paul Veronese dans sa Noce de Cana, parce que le Christ, qui est la Principale Figure du Sujet, est un peu enfoncé dans le Tableau, & qu’il n’a pû le faire remarquer par le brillant du Clair-Obscur, il l’a vestu de Bleu & de Vermillon, pour faire que la veuë se portast sur cette Figure.
Les Couleurs ennemies se pourront d’autant plus allier, que vous y meslerez d’autres Couleurs qui auront de la sympathie l’une avec l’autre, & qui s’accorderont avec celles que vous voudrez, pour ainsi dire, reconcilier.

Quotation

Croïez qu’il y a tel homme d’esprit, qui sera plus capable de sentir les grandes beautez d’un tableau, que quantité de prétendus connoisseurs, qui vous imposent par leur jargon ; de ces gens qui ont passé leur vie à étudier les differentes manieres de tels & tels, sans s’appliquer à connoître quelle partie a rendu celui-ci plus fameux que cet autre. Il leur suffit de reconnoître la touche du Titien, ou du Carrache dans un tableau, pour le declarer merveilleux.

Quotation

472. [Soyez prompt à mettre sur vos Tablettes, &c.] Comme ont fait le Titien & les Caraches. L'on voit entre les mains des Curieux de Peinture quantité de Remarques que ces grands Hommes ont faites sur des feüilles, & sur des Livres en Tablettes qu'ils portoient toûjours sur eux.

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Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 33
Da ich von diesem Theil der Kunst / nehmlich der Colorit einen besonderen
Discours zu halten mit […] mir vorgenommen habe ; Indessen melde [ndr.: ich] nur sagen das Vornehmste/nemlich daß die Haupt-Person [Christus] durch einen grossen Tag erleuchtet/ die anderen aber nur mit einem streiffenden Licht beschienen werden/ […] daß allezeit in den Theilen des Gesichtes/ eine dunckele Farbe einer lichten und dann eine lichte einer dunckelen Farbe zum Grunde dienen müssen ; 

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Cependant, dit Pymandre, il me semble que vous venez de dire que ce qui fait le fort & le foible, & ce que vous appelez l’affoiblissement des teintes, se doit comprendre par les diverses coupes qu’on se peut imaginer à mesure que les corps s’éloignent.
Il est vray, luy repliquay-je, & c’est dont nous avons tantost parlé sur le sujet de la perspective de l’air, Leon Baptiste Albert appelle cette coupe Il taglio.

Quotation

Ceux des Peintres qui ont excellé à peindre l'ame des hommes, & à bien exprimer toutes les passions, ont été des Coloristes médiocres. D'autres ont fait circuler le sang dans la chair de leurs figures ; mais ils n'ont pas sçu l'art des expressions aussi-bien que les Ouvriers médiocres de l'Ecole romaine. Nous avons vu plusieurs Peintres Hollandois, doüez de génie pour la mécanique de leur art, & surtout d’un talent merveilleux pour imiter les effets du clair-obscur dans un petit espace renfermé, talent, dont ils avoient l'obligation à une patience d'esprit singuliere, laquelle leur permettoit de se clouer long-temps sur un même ouvrage, sans être dégoûtez par ce dépit qui s'excite dans les hommes d'un temperament plus vif, quand ils voïent leurs efforts avorter plusieurs fois de suite. Ces Peintres flegmatiques ont donc eu la persévérance de chercher par un nombre infini de tentatives, souvent réïterées sans fruit, les teintes, les demi-teintes, enfin toutes les diminutions de couleurs nécessaires pour dégrader la couleur des objets, & ils sont ainsi parvenus à peindre la lumiere même. On est enchanté par la magie de leur clair-obscur. Les nuances ne sont pas mieux fonduës dans la nature que dans leurs tableaux. Mais ces Peintres ont mal réussi dans les autres parties de l'art, qui ne sont pas les moins importantes. Sans invention dans leurs expressions : incapables de s'élever au-dessus de la nature qu'ils avoient devant les yeux, ils n'ont peint que des passions basses & une nature ignoble. La Scene de leurs tableaux est une boutique, un corps de garde, ou la cuisine d'un païsan : leurs heros sont des faquins. Ceux des Peintres Hollandois, dont je parle, qui ont osé faire des tableaux d'histoire, ont peint des ouvrages admirables pour le clair-obscur, mais ridicules pour le reste. Les vêtemens de leurs personnages sont extravagans, & les expressions de ces personnages sont encore basses & comiques. Ces Peintres peignent Ulisse sans finesse, Susanne sans pudeur, & Scipion sans aucun trait de noblesse ni de courage. Le pinceau de ces froids Artisans, fait perdre à toutes les têtes illustres leur caractere connu. Nos Hollandois, au nombre desquels on voit bien que je ne comprens pas ici les peintres de l'école d'Anvers, ont bien connu la valeur des couleurs locales, mais ils n'en ont pas sçû tirer le même avantage que les peintres de l'école venitienne. Le talent de colorier, comme l'a fait Le Titien, demande de l'invention, & il dépend plus d'une imagination fertile en expedients pour le mêlange des couleurs, que d'une perséverance opiniâtre à refaire dix fois la même chose.
[...]

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[…] une teinte qui de près paroît separée & d’une certaine couleur, paroîtra d’une autre couleur dans sa distance, & se confondra dans la masse dont elle fait partie. Si vous voulez donc que votre ouvrage fasse un bon effet du lieu d’où il doit être vû, il faut que les couleurs & les lumieres en soient un peu exagerées ; mais savamment & avec une grande discretion. Voyez la maniere dont Titien, Rubens, Vandeik, & Rembrant en ont usé : car leur artifice est merveilleux.

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Dans l’art de traiter les couleurs, & dans le meslange que l’on fait des unes avec les autres, il se rencontre beaucoup de choses à considerer. Car il y a le meslange des couleurs qui se fait sur la palette avec le couteau lors que l’on compose les principales teintes dont on croit avoir besoin : Et le meslange qui se fait avec le pinceau sur la palette ou sur le Tableau mesme pour joindre ensemble toutes les couleurs & pour les noyer les unes avec les autres. De tous ces differents meslanges de couleurs s’engendre cette multitude de differentes teintes qui se rencontrent dans les tableaux, sans lesquelles le Peintre ne peut bien imiter, ny les carnations, ny les draperies, ny generallement toutes les autres choses qu’il veut representer. Et comme il doit faire le meslange de ses teintes sur sa palette ou sur son tableau selon les couleurs qui luy paroissent dans le naturel, il faut qu’il soit extraordinairement soigneux d’observer dans la Nature de quelle maniere elles y paroissent : c’est à dire qu’il doit, en considerant les corps des hommes, regarder de quelle façon ils sont colorez ; quelles parties sont plus vives, & quelles parties sont plus claires ; celles qui sont plus rouges & celles qui ont une apparence un peu bluastre, comme sont d’ordinaire les chairs plus délicates ; & prendre bien garde comment toutes ces differentes couleurs s’unissent & se meslent si bien ensemble, qu’il semble qu’une infinité de diverses teintes ne fassent qu’une seule couleur.

Quotation

Want indien zulk een meester, als Titiaen, zoo begaeft in de natuur en 't leven te volgen, deur de Teykenkonst geholpen waer geweest, en zijn grooten geest en levende handeling op de studie gesteunt hadde, hy waer alles te boven gekomen. Laet nu dit oordeel vry wat eenzijdich zijn; want de Teykenkonst wort hier niet genomen voor wel het leeven te volgen, maer voor altijts het schoonste te verbeelden, gelijk Agnolo in zijn grooten Laetsten dach wel betoont heeft, daer hy zijne beelden met een grootse maniere, en in schoone gestaltenissen, voeglijk aen d'opstanding, heeft voortgebracht.

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Are. […] Venons à la convenance : Rafael ne s’en eloigna jamais. Mais il fit les petits* enfants tels qu’ils sont doüillets & tendres, les hommes robustes, & les femmes avec cette delicatesse qui leur convient.
Fab. Et quoi le grand Michel Ange n’a-t-il donc pas gardé aussi cette convenance ?
Are. Si j’avois envie de vous plaire, & à ses partisans, je dirois qu’oüi : mais si je dois dire la verité, je dirai que non. Quoique vous voiez bien dans les tableaux de Michel Ange la distinction en general des âges, & des sexes (ce que tout le monde sait faire) vous ne la trouverez pourtant pas dans l’arrangement des muscles. Je ne veux pas me mettre à critiquer ses ouvrages, tant par le respect que j’ai pour lui, & que merite un si grand homme, que parcequ’il n’est pas necessaire. Mais que direz vous de l’honneteté ? croiez vous qu’il soit à propos pour faire voir les difficultés de l’art, de decouvrir toujours sans respect les parties nûes des figures, que la modestie, & la pudeur tiennent cachées, sans avoir egard ni a la sainteté des personnes qu’on represente, ni au lieu ou elles sont representées ?
[…]
 
* Dans son tems Titien pour la tendresse le surpassoit beaucoup, & depuis François du Quenoi dit le Flamand.

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Il me souvient d’avoir veu à Rome dans la Vigne Aldobrandine, une Baccanale que ce mesme Peintre [ndr : Bellini] avoit commencée pour Alfonse I. Duc de Ferrare ; mais sa mort l’ayant empesché de la finir, le Titian y fit un païsage admirable. Il est vray que les Figures de Bellin paroissent d’une maniere fort seiche auprés de l’Ouvrage du Titian, & on voit que Jean n’avoit pas encore acquis cette tendresse & cette belle façon de peindre, qui depuis a rendu la pluspart des Peintres de Lombardie si recommandables.

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Are. Peu de tems aprés on le chargea de faire un grand tableau pour le maitre autel de l’eglise des freres Mineurs, dans le quel Titien encore tout jeune, peignit à l’huile, la Vierge qui monte au Ciel entre une multitude d’Anges qui l’accompagnent, […] il paroit veritablement qu’elle monte avec un visage plein d’humilité, & ses habits volent delicatement ; au bas sont les Apôtres, qui par differentes attitudes montrent la joye, & l’etonnement ; pour la plus part ils excedent la grandeur du naturel. Il est certain qu’on voit dans ce tableau la grandeur & le terrible de Michel Ange, la douceur, la grace de Rafael, & le vrai coloris de la nature. Ce fut là cependant le premier ouvrage qu’il fit à l’huile, il le fit en tres peu de tems, & tout jeune. Avec tout cela les peintres grossiers, & le sot peuple, qui jusqu’alors n’avoient vû autre chose que les peintures mortes & froides de Jean Bellin, de Gentil, & de Vivarino, car Georgion n’avoit point encore fait d’ouvrage à huile en public, & tout au plus y avoit peint quelque demi figure, quelques portraits qui etoient sans mouvement, & sans relief ; ils disoient tout le mal possible de ce tableau : l’envie venant ensuite à se reffroidir*, & la verité leur ouvrant peu à peu les yeux, on commença à admirer à Venise avec etonnement la nouvelle maniere que Titien tenoit ; & depuis ce tems là tous les peintres s’appliquerent à l’imiter ; mais parcequ’elle etoit hors de leur portée ils se trouverent egarés.
 
*Il est vrai que ce tableau ne plut point aux Moines ; mais l’Ambassadeur de l’Empereur l’aiant voulut acheter, ceci leur fit ouvrir les yeux, & en faire plus de cas.

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WE have been more particular in the Relation of this famous Piece [ndr : Bell fait ici référence au tableau commencé par Apelle et Protogènes sur lequel ces deux artistes ont successivement tracé des lignes – événement précédent de peu leur rencontre], because a large Dispute hangs upon it {Pliny, Lib. 35. Ch. 10.} : and the late Commentator upon our Author, Ludov. Demontiosius, seems very much offended at the generally received Acceptation of the Story of this noble Contention ; and would not by any Means admits that this Tryal of Skill was about the Subtilty of Lines ; for, as he says, with a good Share of Truth in the main, in a coloured Picture, or Painting, there is so little Use of Lines, that the very Appearance of any is justly reproveable ; for the Extremities should be lost and confounded in the Shadows, and ought to go off without any Thing of the least Stiffness, or Sharpness of a Line.
NEITHER will he admit it in Drawings, or Designs, with the Coal, or Pen, for that in those the true ARTIST never regarded so much the Fineness, or Courseness of his Touches ; but only how and where they served best to express the proper Shadowing and Raising of his Draught according to the Life ; and brings in for Instance many Drawings of the celebrated Masters of his Time, which he had seen of
Mich. Angela Bonoroti, Raphael de Urbin, Salviati, Polydore, and the Great Titian’s, where his Observation does not take Notice that any have in the least affected the Nicety of curious Lines.

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Et après avoir beaucoup étudié & copié à la plume ou au crayon le Titien & les Caraches, leurs Estampes premierement, puis leurs Desseins, si l’on en peut avoir, il faut tâcher d’imiter avec le pinceau les touches que ces grands Hommes ont le plus nettement specifiées. Mais comme les Tableaux du Titien & ceux des Caraches sont fort rares, on peut leur en substituer d’autres qui ont eu un bon caractere dans leur touche, parmi lesquels on peut suivre Fouquier, comme un très-excellent modèle : Paul Bril, Breugle, & Bourdon sont encore très-bons, leur touche est nette, vive, & legere.

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Croïez qu’il y a tel homme d’esprit, qui sera plus capable de sentir les grandes beautez d’un tableau, que quantité de prétendus connoisseurs, qui vous imposent par leur jargon ; de ces gens qui ont passé leur vie à étudier les differentes manieres de tels & tels, sans s’appliquer à connoître quelle partie a rendu celui-ci plus fameux que cet autre. Il leur suffit de reconnoître la touche du Titien, ou du Carrache dans un tableau, pour le declarer merveilleux.

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Quelques uns font des doigts longs comme des fuseaux, il y en en a dont les draperies sont coupées de plis secs & de petit goût. La touche de leurs arbres, de leurs (a) fabriques, de leurs terrasses est singuliere ; en un mot, un seul trait peut les distinguer.
Le Titien, le Corrège, le Paul Véronese n’avoient point de touche, parce que la nature n’en a point ; Teniers qui a vû la nature avec d’autres yeux a une touche très-légère & très-spirituelle.
(a) Terme de peinture pour signifier les maisons, les villes & les autres bâtimens représentés dans un ouvrage.

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Ledit Titian a rendu tesmoignage par ses œuvres, qu’il n’avoit pas eu les yeux ouverts pour reconnoistre ce goust cy-devant dit, des beaux Antiques, & de Raphaël ; & que lon y remarque des vestemens, coiffeures, airs de testes, & autres choses de l’usage, qui tiennent de l’air & mode Venitienne ; Sa manière de Peindre sauf sa premiere & derniere, ne paroist pas en la plus part de ses œuvres, finie, leschée, ny aussi trop croquée, mais touchée si à propos, que quoy qu’elle ne donne pas un grand agréement à plusieurs personnes en la regardant de prés, elle en fait un merveilleux de loin ; [...]

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[...] Il gardoit parfaitement, luy repondis-je, cette maxime, dont je croy avoir déjà parlé sur le sujet de l’ordonnance, qui est de ne pas remplir ses tableaux de quantité de petites choses, mais d’éviter le deffaut où tombent plusieurs Peintres, qui par la quantité excessive des parties dont ils composent leurs ouvrages les rendent, petits & plains de ce que les Italiens appellent Triterie.

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Das 3. Capitel. Von Farben.
Man muß den Alten nicht ein licht, rothes, friches, und den jungen Menschen hingegen ein gelb-braunes, langweiliger, träger Angesicht zueignen. Wenn aber den alten in einen Winckel mit einen gelb-braunen, oder von der Sonne und Staub verschwärtzten, und vernebelten Angesicht vorstellet, gegen über aber einen jungen Verliebten mit feiner Dame ganz schöne, lichte, feurig und brennend, balb weiß, bald röthlich machete, so wird solche stritige Uneinigkeit bald eine leibliche Einigkeit auf den Kunst-Blatte gebähren, und die niedere, bleiche und dunckele Farbe erst ein Preiß volles Ansehen, und folgbahre Ehre dem Künstler erwerben. Dessen allen haben sich unter den alten berühmten Kunst-Mahlern Raphael Urbini, Corregio, Titian, und viel andere mehr auf Mauren in Oel-Farben, mit sonderbahren, erleuchteren Urtheil und Verstand zu ihren immerwehrenden Lob und Ruhm bey aller Nach-Welt sehr künstlich bedienet, wie den nicht andere neben ihnen auch unsere alte Teutsche als Albrecht Dürer, Hans Hollpein, und andere mehr nach und nach die Verbesserung des Coloritz und des natürlichen Wesen erfunden. 

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361. [Que jamais deux extremitez contraires, &c.] Le Sens de la veuë a cela de commun avec tous les autres, qu’il abhorre les extremitez contraires. Et de mesme que les mains qui ont grand froid, souffrent beaucoup lors qu’on les approche tout d’un coup du feu ; ainsi les yeux qui trouvent un extreme Blanc auprés d’un extreme Noir, ou un bel Azur auprés d’un Vermillon ardent, ne sçauroient regarder ces extremitez qu’avec peine, quoy qu’ils y soient toûjours attirez par l’éclat des deux contraires.
Ce Precepte oblige de sçavoir les Couleurs qui ont amitié ensemble, & celles qui sont incompatibles ; ce que l’on pourra aisément découvrir en mélant ensemble les Couleurs dont on veut faire épreuve : & si par ce mélange elles font une Couleur douce & qui ne soit point desagreable aux yeux, c’est une marque qu’il y a de l’union & de la sympathie entr’elles ; si au contraire la Couleur qui sera produite du mélange des deux autres, est rude à la veuë, il faut conclure qu’il y a de la contrarieté & de l’antipathie entre ces deux Couleurs. Le Vert par exemple est une Couleur agreable, qui peut venir du Bleu & du Jaune mélez ensemble, & par consequent le Bleu & le Jaune sont deux Couleurs qui sympathisent. Et tout au contraire le mélange du Bleu & du Vermillon ont une antipathie ensemble ; & ainsi des autres couleurs, dont vous pouvez faire essay, & vous éclaircir une fois pour toutes. […] L’on peut neantmoins passer par dessus ce Precepte, quand on n’a qu’une ou deux Figures à traiter, & que parmy un grand nombre on en veut faire remarquer quelqu’une, qui est des principales du Sujet, & qui autrement ne pourroit se faire remarquer par dessus les autres. Titien dans le Tableau qu’il a fait du Triomphe de Bacchus, ayant placé Ariadne sur l’un des costez du Tableau, & ne pouvant pour cette raison la faire remarquer par les éclats de la lumiere qu’il a voulu conserver dans le milieu, il luy a donné une écharpe de Vermillon sur une Draperie bleuë, tant pour la détacher de son fonds qui est déjà une mer bleuë, qu’à cause que c’est une des principales Figures du Sujet, sur laquelle il veut que l’œil soit attiré. Paul Veronese dans sa Noce de Cana, parce que le Christ, qui est la Principale Figure du Sujet, est un peu enfoncé dans le Tableau, & qu’il n’a pû le faire remarquer par le brillant du Clair-Obscur, il l’a vestu de Bleu & de Vermillon, pour faire que la veuë se portast sur cette Figure.
Les Couleurs ennemies se pourront d’autant plus allier, que vous y meslerez d’autres Couleurs qui auront de la sympathie l’une avec l’autre, & qui s’accorderont avec celles que vous voudrez, pour ainsi dire, reconcilier.

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on representa, que les anciens au sortir de la pratique de peindre à détrempe tomberent en quelque sorte de dureté par la grande force des ombres, comme on le peut remarquer en quelques ouvrages de Jule Romain, de Raphael, & autres, tant de l’École des Romains, que celles des Lombards qui ont travaille dans ces premiers tems là, où l’usage des reflexs, n’étoit point encore connu, que les reflexs sont d’une grande utilité pour produire l’union dans les couleurs, portants quelque chose des couleurs voisines dans l’ombre des corps, sur lesquels ils rejalissent, ce qui est l’avantage des siecles suivants où les habilles hommes se sont étudiés à la belle oeconomie & dispensation des couleurs, qui est le plus bel effet que peut produire leur raisonnable mariage ; Il faut de plus considerer leur valeur pour les ranger en sorte qu’elles puissent mutuellement s’entre-aider & se faire valoir par un judicieux contraste, leur force, pour les placer aux endroits que l’on veut faire paroître avancés ou reculées, & leur union pour les associer en une agreable correspondance ; mais on considera aussi qu’en s’attachant à ce menagement harmonieux des couleurs, on ne devoit pas negliger le bon choix des matieres & leur application, évitant le mélange de celles qui sont corruptibles avec celles qui sont pures, & l’avoisinement de celles qui peuvent causer quelque aigreur ou dureté à la vuë & sur tout dans leur Emploi, les appliquer proprement, chaque teinte en sa place ne les brouillant & tourmentant que le moins qu’il est possible, sur tout dans les carnations, où à l’imitation du Titien, on doit donner tout l’avantage, & l’éclat, en n’y approchant que des couleurs sales pour les faire paroître d’autant plus vives & plus fraiches

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A l’occasion des couleurs, ou à l’huile, ou à détrempe, je pourrois vous dire que les Anciens, au sortir de la pratique de peindre en détrempe, tomberent en quelque sorte en dureté, comme on le peut remarquer en quelques ouvrages de Raphaël, Jule-Romain & autres de l’Ecole Romaine & Lombarde, où l’usage des reflex n’étoit point encore venu quoyque fort utile pour produire de l’union dans les couleurs, parce qu’ils portent quelque chose des couleurs voisines dans l’ombre des corps, sur lesquels ils rejalissent ; ce qui est l’avantage des Siecles suivans, où les habiles hommes se sont étudiez à la belle œconomie & dispensation des couleurs, qui est le plus bel effet que peut produire leur raisonnable assemblage.
Il faut encore vous dire comme on en doit considerer la valeur, & comme elles [ndr : les couleurs] se peuvent mutuellement entr’aider & se faire valoir par un judicieux contraste ; leur force, pour les placer aux endroits que l’on veut faire paroître avancez & reculez ; & leur union pour les associer en une agreable correspondance. Pour y parvenir, l’on ne doit negliger ni le bon choix des matieres ni leur application, évitant le mélange de celles qui sont corruptibles avec celles qui sont pures. Il faut appliquer proprement chaque teinte en sa place, ne les broüillant & tourmentant que le moins qu’il est possible sur tout dans les carnations, où à l’imitation du Titien, on doit donner tout l’avantage & l’éclat.

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Dans l’art de traiter les couleurs, & dans le meslange que l’on fait des unes avec les autres, il se rencontre beaucoup de choses à considerer. Car il y a le meslange des couleurs qui se fait sur la palette avec le couteau lors que l’on compose les principales teintes dont on croit avoir besoin : Et le meslange qui se fait avec le pinceau sur la palette ou sur le Tableau mesme pour joindre ensemble toutes les couleurs & pour les noyer les unes avec les autres. De tous ces differents meslanges de couleurs s’engendre cette multitude de differentes teintes qui se rencontrent dans les tableaux, sans lesquelles le Peintre ne peut bien imiter, ny les carnations, ny les draperies, ny generallement toutes les autres choses qu’il veut representer. Et comme il doit faire le meslange de ses teintes sur sa palette ou sur son tableau selon les couleurs qui luy paroissent dans le naturel, il faut qu’il soit extraordinairement soigneux d’observer dans la Nature de quelle maniere elles y paroissent : c’est à dire qu’il doit, en considerant les corps des hommes, regarder de quelle façon ils sont colorez ; quelles parties sont plus vives, & quelles parties sont plus claires ; celles qui sont plus rouges & celles qui ont une apparence un peu bluastre, comme sont d’ordinaire les chairs plus délicates ; & prendre bien garde comment toutes ces differentes couleurs s’unissent & se meslent si bien ensemble, qu’il semble qu’une infinité de diverses teintes ne fassent qu’une seule couleur.
Quand un Peintre sçait mesler ses couleurs, les lier & noyer tendrement, on appelle cela bien peindre ; C’est la partie qu’avoit le Corege, comme je vous ay dit assez de fois, & ce beau meslange de couleurs non seulement se doit faire dans les superficies égales en clarté, mais encore dans la jonction ou nouëment des parties claires avec les brunes.
Ce nouëment, interrompit Pymandre, & ce meslange de couleurs qui se fait avec tendresse, est-ce point ce que Pline appelle
commissura & transitus colorum ? Et ce qu’Ovide entend lors qu’il parle des couleurs de l’arc-en-ciel, quand il dit :
In quo diversiniteant cum mille colores,
Transitus ipse tamen spectantia lumina fallit,
Usque adeo quod tangit idem & tamen ultima distant. {Ovid. 6. Meth. v. 65.}
Je ne croy pas qu’on puisse mieux exprimer le passage presqu’insensible qui se fait d’une couleur à une autre. Il me souvient que Philostrate traitant de l’education d’Achilles, observe que ce qui paroissoit de plus merveilleux dans la representation de Chiron peint en Centaure, estoit l’assemblage de la Nature humaine avec celle du cheval, que le Peintre avoit si adroitement jointes ensemble, qu’on ne pouvoit connoistre la separation de l’une d’avec l’autre, ny s’apercevoir où elle commençoit, & où elle finissoit.

Les plus beaux exemples qu’un en voye dans la peinture, repartis-je sont dans la Gallerie de Farnese, où  les Caraches ont representé Persée qui change des hommes en pierres : Et dans le Cabinet du Roy, où le Guide a peint le Cantaure Nesse qui enleve Dejanire.

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Mais il y a de la difference de cette manière de passer d’une couleur à une autre, à cette autre union & à ce passage de couleurs dont nous venons de parler. Quoy que ce soit une chose tres-estimable de bien unir ensemble les couleurs pour joindre des corps de differentes especes, ce n’est rien neanmoins en comparaison de sçavoir peindre les contours & les extremitez de tous les corps en general, & faire qu’ils se perdent par une suite & un détour insensible, qui trompe la veuë de telle sorte qu’on ne laisse pas d’y comprendre ce qui ne se voit point.

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La troisiéme est pour prouver la nécessité des Grouppes pour la satisfaction des yeux, qui étoit la grande regle du Titien, & qui doit l’être encore aujourd’hui pour ceux qui voudront observer dans leur Tableau, cette unité d’objet qui avec les couleurs bien entendues, en fait toute l’harmonie.

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Solche Regeln/ haben die alte Kunst-Mahler beobachtet. Dessen allen haben/ unter den alten berühmten Kunst-Mahlern/ Raphael Urbini, Coregio, Titian, Verones, Tintoret und viel andere auf Mauren/ auch in Oelfarben/ mit sonders erleuchten Urtheil und Verstand/ zu ihrem immerwehrenden Lob und Ruhm/ bey aller Nachwelt/ sich sehr künstlich bedient. Wie dann nicht minder/ neben ihnen/ auch unsere alte Teutsche/ als Albrecht Dürer/ Hanns Holbein und andere/ nach und nach die Verbesserung des Colorits und das natürlichmahlen erfunden: […]

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Das 3. Capitel. Von Farben.
Man muß den Alten nicht ein licht, rothes, friches, und den jungen Menschen hingegen ein gelb-braunes, langweiliger, träger Angesicht zueignen. Wenn aber den alten in einen Winckel mit einen gelb-braunen, oder von der Sonne und Staub verschwärtzten, und vernebelten Angesicht vorstellet, gegen über aber einen jungen Verliebten mit feiner Dame ganz schöne, lichte, feurig und brennend, balb weiß, bald röthlich machete, so wird solche stritige Uneinigkeit bald eine leibliche Einigkeit auf den Kunst-Blatte gebähren, und die niedere, bleiche und dunckele Farbe erst ein Preiß volles Ansehen, und folgbahre Ehre dem Künstler erwerben. Dessen allen haben sich unter den alten berühmten Kunst-Mahlern Raphael Urbini, Corregio, Titian, und viel andere mehr auf Mauren in Oel-Farben, mit sonderbahren, erleuchteren Urtheil und Verstand zu ihren immerwehrenden Lob und Ruhm bey aller Nach-Welt sehr künstlich bedienet, wie den nicht andere neben ihnen auch unsere alte Teutsche als Albrecht Dürer, Hans Hollpein, und andere mehr nach und nach die Verbesserung des Coloritz und des natürlichen Wesen erfunden. 

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Het is myn vast gevoelen dat de Oeffening der plooijen niet volkomen geleerd kan worden, zonder de Leeman te gebruiken; Want wat baat het dat men zich uitmergeld met kleêren uit de Geest te Teikenen als wy ’t leeven voor ons kunnen hebben, zonder welke het onmogelyk is de natuur der Stoffe te doorgronden: daar zich, in tegendeel, veele niet anders oeffenen dan naar de Statuaas en fraaiste printen der beroemste meesters, welke hier in uitgemunt hebben: als Raphaël, Barotius, Guido, Albaan, Pousyn &c; denkende uit dezelfde reeds een gebaande weg te hebben gevonden, om tot genoegzame volkomentheid te geraken, en hun oogmerk te bereiken. Daar men nochtans weet, dat Raphaël voornaamentlyk, die gelegentheid niet gehad hebbende, echter in zyn tyd, de fraayste dingen voor den dag gekomen zyn. Nu zoude men mogen vragen, waarom eenige andere vermaarde Meesters, als Titiaan, Tintoret, Paulo Veronees, Julio Romano, Michel Angelo, Dominiquin, Bassan &c, zo goed daar in niet geoordeeld werden? de reeden is deeze, dat Raphaël het leeven gebruikt heeft, wel te verstaan een Leeman, waar door hy de natuur en eigenschap der Stoffe grondig heeft leeren onderzoeken: alhoewel men hem nogtans zou kunnen beschuldigen dat hy zyn beelden de meesten tyd met eenderly Stoffe kleeden, in voorvallen, daar de verandering genoegzaam verschillende kon geweest hebben. Evenwel moet men bekennen dat ‘er voor, noch naderhand, geen zo ervaren en Konstryk in dezelve geweest is, dan een alleen, te weten Nikolas Poussyn; echter is dit geen wonder; dewyl hy het Natuurlyke leeven onderzocht en gebruikten gelyk hem bewust was dat Raphaël gedaan had, en niet gelyk anderen die alleen zyn werk navolgden: daarom zyn zy ook slegter geweest, hebben minder kennis gehad, en meenigmaal niet van de natuur der stoffe of plooijen geweeten.

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DE verscheidene lichten in een Stuk oordeelen zommige dat onmogelyk wel konnen staan: want, zeggen zy, indien het goed was, zo zouden Raphaël, Carats, Titiaan, Poussyn, en andere braave Meesters meer die manier wel voor goed gekeurd, en niet verworpen hebben. Ja de Fransche Academisten, voegen zy'er by, die tot zulk een hoogen top gereezen zyn, besluiten eenpaariglyk, dat men niet als een eenig licht in 't algemeen zal gebruiken; verwerpende een Schildery dat meer als een licht vertoond. By gevolg oordeelen zy, dat de gezegde lichten maar een vinding zyn van Hollandsche Meesters, die het Antiek niet verstaan, welke maar alleen de natuurlykheid beoogen, om de onkundigen aan te lokken. Waar op ik zeg, dat, hoewel Raphaël, Poussyn, en andere groote Konstenaars het zelve in hunne Werken niet getoond, maar zich enkelyk aan een algemeen licht gehouden hebben, zulks niet en spruit uit een verachting of verwerping van het zelve, als of het tegen de natuur en konst zoude stryden; maar alleen dat zy 'er toen noch niet om gedagt, of 'er van geweeten hebben: alzo de Konst toenmaals in die deelen haare volmaaktheid noch niet had bereikt of verkreegen. Niet dat ik zeg, dat zulk een Stuk met verscheidene lichten beter is, als met een alleen 't geen natuurlyk is verbeeld; maar wel dat, als het zo te pas komt en konstig uitgewerkt is, het een schildery een veranderlyke welstand byzet [...]Met deze voorbeelden meen ik genoegsaam verklaard te hebben de natuur en werking van verscheidene lichten; als mede hoe voordeelig de kennis daar van is, zo wel in zon-als gemeen licht, ten opzichte van de veranderlykheid, zo wel in Landschappen als in andere verkiezingen; daar en boven de overvloedige middelen, die daar uit voortkomen, tot verrykinge onzer Ordinantien, en boven de gemeene trant.

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Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

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24 D’Italisch’ om te schilderen Landouwen {D’Italianen, die weynich, doch fraey Landtschapmakers zijn, maken veel maer een verschietende insien, en zijn fraey van vaste gronden en ghebouwen.}
Weynich, maer constich, schier sonder ghenooten
Wesend’, en laten meestmaels maer aenschouwen
Een verschietend’ insien, en seer vast bouwen
Gronden en Steden, jae wat sy ontblooten,
Boven Tinturet, den bysonder grooten
Titiaen, wiens hout-print hier zy ons lesse,
Och wat wy sien van dien Schilder van Bresse.

Quotation

Solche Regeln/ haben die alte Kunst-Mahler beobachtet. Dessen allen haben/ unter den alten berühmten Kunst-Mahlern/ Raphael Urbini, Coregio, Titian, Verones, Tintoret und viel andere auf Mauren/ auch in Oelfarben/ mit sonders erleuchten Urtheil und Verstand/ zu ihrem immerwehrenden Lob und Ruhm/ bey aller Nachwelt/ sich sehr künstlich bedient. Wie dann nicht minder/ neben ihnen/ auch unsere alte Teutsche/ als Albrecht Dürer/ Hanns Holbein und andere/ nach und nach die Verbesserung des Colorits und das natürlichmahlen erfunden: […]

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Das 3. Capitel. Von Farben.
Man muß den Alten nicht ein licht, rothes, friches, und den jungen Menschen hingegen ein gelb-braunes, langweiliger, träger Angesicht zueignen. Wenn aber den alten in einen Winckel mit einen gelb-braunen, oder von der Sonne und Staub verschwärtzten, und vernebelten Angesicht vorstellet, gegen über aber einen jungen Verliebten mit feiner Dame ganz schöne, lichte, feurig und brennend, balb weiß, bald röthlich machete, so wird solche stritige Uneinigkeit bald eine leibliche Einigkeit auf den Kunst-Blatte gebähren, und die niedere, bleiche und dunckele Farbe erst ein Preiß volles Ansehen, und folgbahre Ehre dem Künstler erwerben. Dessen allen haben sich unter den alten berühmten Kunst-Mahlern Raphael Urbini, Corregio, Titian, und viel andere mehr auf Mauren in Oel-Farben, mit sonderbahren, erleuchteren Urtheil und Verstand zu ihren immerwehrenden Lob und Ruhm bey aller Nach-Welt sehr künstlich bedienet, wie den nicht andere neben ihnen auch unsere alte Teutsche als Albrecht Dürer, Hans Hollpein, und andere mehr nach und nach die Verbesserung des Coloritz und des natürlichen Wesen erfunden. 

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382. [Que vos Couleurs soient vives, sans pourtant donner, comme on dit, dans la farine.] Donner dans la farine c’est une façon de parler parmy les Peintres, qui exprime parfaitement ce qu’elle veut dire, qui n’est autre chose que de peindre avec Couleurs claires & fades tout ensemble, lesquelles ne donnent non plus de vie aux Figures, que si effectivement elles estoient frottées de farine. Ceux qui font leurs Carnations fort blanches & leurs Ombres grises ou verdastres, tombent dans cette inconvenient. Les Couleurs rousses dans les Ombres des chairs les plus delicates, contribuent merveilleusement à les rendre vives, brillantes & naturelles : mais il en faut user avec la mesme prudence dont le Titien, Paul Ver. Rubens & Vandeik se sont servis.
Pour conserver les Couleurs fraisches, il faut peindre en mettant toûjours des Couleurs, & non pas en frottant apres les avoir couchées sur la toile ; & s’il se pouvoit mesme faire qu’on les mist justement dans leurs places, & que l’on n’y touchast point quand on les y a une fois placées, il seroit encore mieux ; parce que la fraischeur des Couleurs se ternit & se perd à force de les tourmenter en peignant.
Tous ceux qui ont bien colorié, avoient encore une autre Maxime pour maintenir les Couleurs fraisches, vives & fleuries ; c'estoit de se servir de Fonds blancs, sur lesquels ils peignoient, & souvent mesme au premier coup, sans rien retoucher, & sans y employer de nouvelles Couleurs. Rubens s'en servoit toûjours ; & j'ay veu des Tableaux de la main de ce grand Homme faits au premier coup, qui avoient une vivacité merveilleuse. La raison que ces excellens Coloristes avoient de se servir de ces sortes de Fonds, est que le Blanc conserve toûjours un éclat sous le transparant des Couleurs, lesquelles empeschent que l'air n'altere la blancheur du Fonds, de méme que cette blancheur repare le dommage qu'elles reçoivent de l'air ; de maniere que le Fonds & les Couleurs se prestent un mutuel secours, & se conservent l'un l'autre. C'est par cette raison que les Couleurs glacées ont une vivacité qui ne peut jamais estre imitée par les Couleurs les plus vives & les plus brillantes, dont à la maniere ordinaire & commune on couche simplement les differentes teintes, chacune dans leur place les unes apres les autres : tant il est vray que le Blanc avec les autres Couleurs fieres, dont on peint d'abord ce que l'on veut glacer, en sont comme la vie & l'éclat. Les Anciens ont asseurement trouvé que les Fonds blancs estoient beaucoup meilleurs que les autres : puisque nonobstant l'incommodité que leurs yeux recevoient de cette Couleur, ils ne laissoient pas de s'en servir, […] Je ne sçay d'où vient que l'on ne s'en sert pas aujourd'huy, si ce n'est qu'il y a peu de Peintres curieux de bien colorier, ou que l'ébauche commencée sur le Blanc ne se montre pas assez viste, & qu'il faut avoir une patience plus que Françoise, pour attendre qu'elle soit achevée, & que le Fond qui ternit par sa Blancheur l'éclat des autres Couleurs, soit entierement couvert, pour faire paroistre agreablement tout l'Ouvrage.

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23 maer ten lesten met vlecken en rouw’ streken,
Ginck hy zijn wercken al anders beleyden, {Tiziaen, veranderde zijn handelinghe, datse van verre alleen woude ghesien wesen.}
Welck natuerlijck wel stondt, als men gheweken
Wat verre daer van was, maer niet bekeken
Van by en wou wesen, het welck verscheyden
Meesters willende volghen in’t arbeyden,
En hebbender niet van ghemaeckt te deghe,
Dan een deel leelijck goets ghebracht te weghe.

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J'ajouterai encore une consideration touchant les ouvrages qui ne demandent pas beaucoup d'invention, c'est que les faussaires en peinture les contrefont bien plus aisément qu'ils ne peuvent contrefaire les ouvrages où toute l'imagination de l'Artisan a eu lieu de se déploïer. Les faiseurs de Pastiches, ce sont ces tableaux peints dans la maniere d'un grand Artisan, & qu'on expose sous son nom, bien qu'il ne les ait jamais vus ; les faiseurs de Pastiches, dis-je, ne sçauroient contrefaire l'ordonnance, ni le coloris, ni l'expression des grands Maîtres. On imite la main d'un autre, mais on n'imite pas de même, pour parler ainsi, son esprit, & l'on n'apprend point à penser comme un autre, ainsi qu'on peut apprendre à prononcer comme lui.
Le Peintre médiocre qui voudroit contrefaire une grande composition du Dominiquin ou de Rubens, ne sçauroit nous en imposer plus que celui qui voudroit faire un Pastiche sous le nom du Georgeon ou du Titien. Il faudroit avoir un génie presque égal à celui du Peintre qu'on veut contrefaire, pour réussir à faire prendre notre ouvrage pour être de ce Peintre. On ne sçauroit donc contrefaire le génie des grands hommes, mais on réussit quelquefois à contrefaire leur main, c'est-à-dire, leur maniere de coucher la couleur & de tirer les traits, les airs de tête qu'ils répetoient & ce qui pouvoit être de vicieux dans leur pratique. Il est plus facile d'imiter les défauts des hommes que leurs perfections. Par exemple, on reproche au Guide d'avoir fait ses têtes trop plates. Ses têtes manquent souvent de rondeur, parce que leurs parties ne se détachent point & ne s'élevent pas assez l'une sur l'autre. Il suffit donc, pour lui ressembler en cela, de se négliger & de ne point se donner la peine de pratiquer ce que l'art enseigne à faire pour donner de la rondeur à ses têtes [...].

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Dergleichen Unterschiedlichkeit [ndr: im gerecht-mahlen] ware auch und ist noch bey den Italiänern/ Hoch-und Nieder-Teutschen zu finden/ und zwar mit größerer Vollkommenheit/ sonderlich im gerecht-mahlen/ und darzu gehörenden Kräften der Farben: welches aus der natürlichen applicirung/ vollkommenen Erhebung und sonderbaren Geschwindigkeit der Mahler von unsern Zeiten abzunehmen. {Die alte und neue Italiäner.} Solche waren/ Cimabue der große Wieder-Erfinder dieser Kunst/ Gaddo sein Nachfolger/ und Giotto. Also waren fürtreflich/ Giovan Bellini, in Sauberkeit; Michaël Angelo in Bildern und hohem Verstand; Leonardo da Vinci, in vernünftigen affecten; Andrea del Sarto, in Angenemheit; Raphaël d'Urbino in meisterlicher invention ; Julius Romanus, in ungemeinen Gedanken;Titian, in Anmutigkeit/ sonderlich der Coloriten; Corregio , in gratiositeten; Verones in reichen Gedanken; Tintoreti, in Seltsamkeit; Carazo, in fresco; Caravaggio und Manfredo , in Lebhaftigkeit ; Guido Bolognse in Holdseligkeit; Albano in zierlicher invention; Bernini Bernini in der Bild- und Bau Kunst; Francisco du Quesnoy, in scultur-Warheit; Algardon,in Geschicklichkeit; Peter Corton in fresco; La Franch in Geschwindigkeit; Domenicho in Tieffsinnigkeit; Claudio Gilli in Landschaften.
{Die alte Hoch-Teutschen} Nächst diesen/ machten sich auch verwunderbar unsere Teutschen: als Martin Schön/ im hochsteigen; Matthias von Aschaffenburg/ in zierlichem Geist; Albrecht Dürer/ im universal-Verstand; Hans Holbein/ in glückseliger Hand; Amberger/ in der Warheit; Pocksberger/ im Geistreichtum; Schwarz/ in Erfahrenheit; Adam Elzheimer/ in verwunderlichem Verstand.
{und Nieder-Teutschen} Gleichfalls waren fürberühmt die Niederländer/ in Erfindung der Oelfarben/ Johann und Hubert von Eyk; Lucas von Leyden/ im Fleiß; der alte Bruegel, im Verstand; also auch Sotte Clef und Johann von Calcar/ in der Hand; Floris, in der Meisterschaft; Brauer/ in bildung der Bauren; Fochiers, in Landschaft-Bäumen; Rubens in Geistreichheit; der von Dick/ in Zierlichkeit; Hundhorst in Wolgemälden; Rembrand/ in Arbeitsamkeit; Perselles in Schiffahrten und Wassern; Pulenburg/ in kleinen Bildlein; Bambotio, in Bildung der Bettler ; Botte, in Landschaften; auch der Gerhart Daro und, Mires hoch-preiswürdig in kleinen Oelfarben.
{Von des Autoris [ndr: Joachim von Sandrart ] Werken/ in dieser Kunst.} […]

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Je trouve trois sortes de Vrai dans la Peinture.
Le Vrai Simple,
Le Vrai Ideal,
Et le Vrai Composé, ou le Vrai Parfait.
Le Vrai Simple que j’appelle le premier Vrai, est une imitation simple & fidelle des mouvemens expressifs de la Nature, & des objets tels que le Peintre les a choisis pour modele, & qu’ils se presentent d’abord à nos yeux, en sorte que les Carnations paroissent de veritables Chairs, […] que par l’intelligence du clair-obscur & de l’union des couleurs, les objets qui sont peints paroissent de relief, & le tout ensemble harmonieux.
Ce Vrai Simple trouve dans toutes sortes de naturels les moyens de conduire le Peintre à sa fin, qui est une sensible & vive imitation de la Nature […].
Le Vrai Ideal est un choix de diverses perfections qui ne se trouvent jamais dans un seul modele ; mais qui se tirent de plusieurs & ordinairement de l’Antique.
Ce Vrai Ideal comprend l’abondance des pensées, la richesse des inventions, la convenance des attitudes, l’élégance des contours, le choix des belles expressions, le beau jet des draperies, enfin tout ce qui peut sans alterer le premier Vrai le rendre plus piquant & plus convenable. Mais toutes ces perfections ne pouvant subsister que dans l’idée par raport à la Peinture, ont besoin d’un sujet légitime qui les conserve & qui les fasse paroître avec avantage ; & ce sujet légitime est le Vrai Simple : […] c’est-à-dire, un sujet bien disposé pour les recevoir & les faire subsister, […]. Il paroît donc que ces deux Vrais, le Vrai Simple & le Vrai Ideal font un composé parfait, dans lequel ils se prêtent un mutuel secours, avec cette particularité, que le premier Vrai perce & se fait sentir au travers de toutes les perfections qui lui sont jointes.
Le troisiéme Vrai qui est composé du Vrai Simple & du Vrai Ideal fait par cette jonction le dernier achevement de l’Art, & la parfaite imitation de la belle Nature. C’est ce beau Vraisemblable qui paroît souvent plus vrai que la verité-même, parce que dans cette jonction le premier Vrai saisit le Spectateur, sauve plusieurs négligences, & se fait sentir le premier sans qu’on y pense. […]
Ce troisiéme Vrai, est un but où personne n’a encore frappé ; on peut dire seulement que ceux qui en ont le plus approché sont les plus habiles. Le Vrai Simple & le Vrai Ideal ont été partagés selon le génie & l’éducation des Peintres, qui les ont possedés. Georgion, Titien, Pordenon, le vieux Palme, les Bassans, & toute l’Ecole Venitienne n’ont point eu d’autre merite que d’avoir possedé le premier Vrai. Et Leonard de Vinci, Raphaël, Jules Romain, Polidore de Caravage, le Poussin, & quelques autres de l’Ecole Romaine, ont établi leur plus grande reputation par le Vrai Ideal ; mais sur-tout Raphaël, qui outre les beautés du Vrai Ideal a possedé une partie considerable du Vrai Simple, & par ce moyen a plus approché du Vrai parfait qu’aucun de sa Nation.

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Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

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DE verscheidene lichten in een Stuk oordeelen zommige dat onmogelyk wel konnen staan: want, zeggen zy, indien het goed was, zo zouden Raphaël, Carats, Titiaan, Poussyn, en andere braave Meesters meer die manier wel voor goed gekeurd, en niet verworpen hebben. Ja de Fransche Academisten, voegen zy'er by, die tot zulk een hoogen top gereezen zyn, besluiten eenpaariglyk, dat men niet als een eenig licht in 't algemeen zal gebruiken; verwerpende een Schildery dat meer als een licht vertoond. By gevolg oordeelen zy, dat de gezegde lichten maar een vinding zyn van Hollandsche Meesters, die het Antiek niet verstaan, welke maar alleen de natuurlykheid beoogen, om de onkundigen aan te lokken. Waar op ik zeg, dat, hoewel Raphaël, Poussyn, en andere groote Konstenaars het zelve in hunne Werken niet getoond, maar zich enkelyk aan een algemeen licht gehouden hebben, zulks niet en spruit uit een verachting of verwerping van het zelve, als of het tegen de natuur en konst zoude stryden; maar alleen dat zy 'er toen noch niet om gedagt, of 'er van geweeten hebben: alzo de Konst toenmaals in die deelen haare volmaaktheid noch niet had bereikt of verkreegen. Niet dat ik zeg, dat zulk een Stuk met verscheidene lichten beter is, als met een alleen 't geen natuurlyk is verbeeld; maar wel dat, als het zo te pas komt en konstig uitgewerkt is, het een schildery een veranderlyke welstand byzet [...]Met deze voorbeelden meen ik genoegsaam verklaard te hebben de natuur en werking van verscheidene lichten; als mede hoe voordeelig de kennis daar van is, zo wel in zon-als gemeen licht, ten opzichte van de veranderlykheid, zo wel in Landschappen als in andere verkiezingen; daar en boven de overvloedige middelen, die daar uit voortkomen, tot verrykinge onzer Ordinantien, en boven de gemeene trant.

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{Die vördere und hintere Gründe/ müßen wol aufeinander ordiniret werden.} Die Gründe/ weisen in dieser Mahlerey des Meisters Verstand/ wann solche wol-ordinirt an einander gehänget und gleichsam gebunden werden/ mit Anzeigung des hin- und herkommens: also daß die vordere die andern (welches auch sonst in allem zu beobachten) zuruck nach dem Horizont oder Gesicht Ende treiben/ sich selbsten aber immer mehr herfür thun, Es sollen auch die Gründe nicht zu hart gegen des Liechts Ecken abgestochen/ sondern/wegen empfangenen Widerscheins mit halben Farben abgelindert/ auch nicht mit alzuviel Luft/Bergen/ Gebäuden oder Häusern übersetzet /sondern vielmehr mit großen schönen Bäumen und Gekräuter gezieret werden.
In dergleichen großen schönen Stucken der Landschaft-Mahlerey/ sind unter den alten Italiänern/ (die sich sonst wenig darauf beflissen) insonderheit darunter Muzian und der lobwürdige Titian, sehr verwunderbar gewesen: wie theils Holzschnitte des letzern bezeugen/ denen er einen guten Horizont gegeben/ mit festen Gründen/ darauf jedesmal vornher etwas großes stehet/ und alles andere hintan weichet; dergleichen auch des berühmten Breugels Gemälde und Kupferstücke/ in Abbildung der Tyrolischen Gebirge/ vor Augen stellen.

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Wy hebben meermaals aangemerkt dat de overtolligheid in plaats van een zaak meerder kracht en luyster te geeven, de zelve verminderd en verduysterd, dat ook de te groote ruymten en luchtige omstandigheden van geen beeter uitwerkingen zyn, men moet deze twee gevaarlykheden, als Scylla en Charibdis schuwen, ik kan dezelve niet beeter vergelyken, als by overgroote armoede en verkwistende rykdom, het zy dat de eene uit een logge, sombre en zwaarmoedige verdrietende geest spruyt, en de andere uit een vlugge en al te vruchtbare geest, of wel dat zy voor neemen deze of geene na te volgen, waar van wy dagelyks veel voorbeelden zien, als den eenen de kloekheid van Carats, den ander de schoone Coloriet van Titiaan, die de bevallige zeedigheid van Raphaël, en deze de natuurlykheid van Guido […]

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24 D’Italisch’ om te schilderen Landouwen {D’Italianen, die weynich, doch fraey Landtschapmakers zijn, maken veel maer een verschietende insien, en zijn fraey van vaste gronden en ghebouwen.}
Weynich, maer constich, schier sonder ghenooten
Wesend’, en laten meestmaels maer aenschouwen
Een verschietend’ insien, en seer vast bouwen
Gronden en Steden, jae wat sy ontblooten,
Boven Tinturet, den bysonder grooten
Titiaen, wiens hout-print hier zy ons lesse,
Och wat wy sien van dien Schilder van Bresse.

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19 O seldtsame Durer, Duytschlandts beroemen, {Durers werc te Francfoort tot exempel.}
Te Franckfoort in’t Clooster daer sietmen blijcken
Dees suyver edelheyt, weerdich te noemen:
Iae Brueghel en Lucas al dese bloemen, {Brueghel, Lucas, en Ioannes van Eyck exempelen, van ten eersten suyver op te doen.}
Te recht Plus ultra schreven in de rijcken
Der Schilders, voormaels met een vast bedijcken,
Datse niemant licht en soud’ achterhalen,
Met Ioannes, voor al den principalen.
 
20 Op dees edelheyt dees t’samen wel pasten,
En leyden hun verwen schoon, net en blijde,
Ginghen de penneelen soo niet belasten,
Als nu, dat men schier blindelijck mach tasten
En bevoelen al t’werck aen elcker sijde :
Want de verwen ligghen wel t’onsen tijde,
Soo oneffen en rouw, men mochtse meenen {Van de rouwicheyt eenigher in desen tijdt.}
Schier te zijn half rondt, in ghehouwen steenen.
 
21 Netticheyt is prijsich, die den ghesichte{Nette dingen, die noch de gheesticheyt behouden, zijn prijselijck, en houden den aenschouwer lange speculerende.}
Soet voedtsel ghevende doet langhe merren,
Bysonder als haer aenclevend’ is dichte
Oock aerdt, gheest, en cloeckeyt, en datse lichte
Haren welstandt niet en weyghert van verren,
Niet meer als van by, sulck dinghen verwerren
Doet aen hem, en door ooghen onversadich,
T’herte vast cleven met lusten ghestadich.
 
22 Van Tizianus den grooten wy mercken, {Exempel Tizianus, zijn dingen stonden eerst wel van by, en van verre.}
Wt Vasari schriften ons wel profijtich,
Hoe hy in de bloeme zijns Ieuchts verstercken
Plocht uyt te voeren zijn constighe wercken,
Met onghelooflijcke netticheyt vlijtich :
De welcke niet te berispen verwijtich
En waren, maer behaeghden wel een yder,
T’zy ofmender verre van stondt oft byder.

Quotation

20 Op dees edelheyt dees t’samen wel pasten,
En leyden hun verwen schoon, net en blijde,
Ginghen de penneelen soo niet belasten,
Als nu, dat men schier blindelijck mach tasten
En bevoelen al t’werck aen elcker sijde :
Want de verwen ligghen wel t’onsen tijde,
Soo oneffen en rouw, men mochtse meenen {Van de rouwicheyt eenigher in desen tijdt.}
Schier te zijn half rondt, in ghehouwen steenen.
 
21 Netticheyt is prijsich, die den ghesichte{Nette dingen, die noch de gheesticheyt behouden, zijn prijselijck, en houden den aenschouwer lange speculerende.}
Soet voedtsel ghevende doet langhe merren,
Bysonder als haer aenclevend’ is dichte
Oock aerdt, gheest, en cloeckeyt, en datse lichte
Haren welstandt niet en weyghert van verren,
Niet meer als van by, sulck dinghen verwerren
Doet aen hem, en door ooghen onversadich,
T’herte vast cleven met lusten ghestadich.
 
22 Van Tizianus den grooten wy mercken, {Exempel Tizianus, zijn dingen stonden eerst wel van by, en van verre.}
Wt Vasari schriften ons wel profijtich,
Hoe hy in de bloeme zijns Ieuchts verstercken
Plocht uyt te voeren zijn constighe wercken,
Met onghelooflijcke netticheyt vlijtich :
De welcke niet te berispen verwijtich
En waren, maer behaeghden wel een yder,
T’zy ofmender verre van stondt oft byder.

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20 Op dees edelheyt dees t’samen wel pasten,
En leyden hun verwen schoon, net en blijde,
Ginghen de penneelen soo niet belasten,
Als nu, dat men schier blindelijck mach tasten
En bevoelen al t’werck aen elcker sijde :
Want de verwen ligghen wel t’onsen tijde,
Soo oneffen en rouw, men mochtse meenen {Van de rouwicheyt eenigher in desen tijdt.}
Schier te zijn half rondt, in ghehouwen steenen.
 
21 Netticheyt is prijsich, die den ghesichte{Nette dingen, die noch de gheesticheyt behouden, zijn prijselijck, en houden den aenschouwer lange speculerende.}
Soet voedtsel ghevende doet langhe merren,
Bysonder als haer aenclevend’ is dichte
Oock aerdt, gheest, en cloeckeyt, en datse lichte
Haren welstandt niet en weyghert van verren,
Niet meer als van by, sulck dinghen verwerren
Doet aen hem, en door ooghen onversadich,
T’herte vast cleven met lusten ghestadich.
 
22 Van Tizianus den grooten wy mercken, {Exempel Tizianus, zijn dingen stonden eerst wel van by, en van verre.}
Wt Vasari schriften ons wel profijtich,
Hoe hy in de bloeme zijns Ieuchts verstercken
Plocht uyt te voeren zijn constighe wercken,
Met onghelooflijcke netticheyt vlijtich :
De welcke niet te berispen verwijtich
En waren, maer behaeghden wel een yder,
T’zy ofmender verre van stondt oft byder.

 
23 maer ten lesten met vlecken en rouw’ streken,
Ginck hy zijn wercken al anders beleyden, {Tiziaen, veranderde zijn handelinghe, datse van verre alleen woude ghesien wesen.}
Welck natuerlijck wel stondt, als men gheweken
Wat verre daer van was, maer niet bekeken
Van by en wou wesen, het welck verscheyden
Meesters willende volghen in’t arbeyden,
En hebbender niet van ghemaeckt te deghe,
Dan een deel leelijck goets ghebracht te weghe.

Quotation

21 Netticheyt is prijsich, die den ghesichte{Nette dingen, die noch de gheesticheyt behouden, zijn prijselijck, en houden den aenschouwer lange speculerende.}
Soet voedtsel ghevende doet langhe merren,
Bysonder als haer aenclevend’ is dichte
Oock aerdt, gheest, en cloeckeyt, en datse lichte
Haren welstandt niet en weyghert van verren,
Niet meer als van by, sulck dinghen verwerren
Doet aen hem, en door ooghen onversadich,
T’herte vast cleven met lusten ghestadich.
 
22 Van Tizianus den grooten wy mercken, {Exempel Tizianus, zijn dingen stonden eerst wel van by, en van verre.}
Wt Vasari schriften ons wel profijtich,
Hoe hy in de bloeme zijns Ieuchts verstercken
Plocht uyt te voeren zijn constighe wercken,
Met onghelooflijcke netticheyt vlijtich :
De welcke niet te berispen verwijtich
En waren, maer behaeghden wel een yder,
T’zy ofmender verre van stondt oft byder.

Quotation

23 maer ten lesten met vlecken en rouw’ streken,
Ginck hy zijn wercken al anders beleyden, {Tiziaen, veranderde zijn handelinghe, datse van verre alleen woude ghesien wesen.}
Welck natuerlijck wel stondt, als men gheweken
Wat verre daer van was, maer niet bekeken
Van by en wou wesen, het welck verscheyden
Meesters willende volghen in’t arbeyden,
En hebbender niet van ghemaeckt te deghe,
Dan een deel leelijck goets ghebracht te weghe.

 
24 Sy meenden den wel gheoeffenden slachten {Veel hebben Tiziaen meenen volghen, en zijn verdwaelt.}
En hebben miswanich hun self bedroghen,
Om dat sy zijn werck sonder arbeydt dachten
Te wesen ghedaen, daer d’uyterste crachten
Der Consten met moeyt’ in waren gheploghen :
Want men siet zijn dinghen overghetoghen
En bedeckt met verwen verscheyden reysen,
Meer moeyt isser in als men soude peysen.
 
25 maer dees maniere van doen uyt bysonder
Goet oordeel en verstandt van Tizianen,
Is schoon en bevallijck gheacht te wonder :
Want (seyt Vasary) den arbeydt daer onder
Groote Const bedeckt is, en dat soodanen
Schildery te leven men schier mocht wanen,
En als gheseyt is, dat zijn dinghen schijnen
Lichtveerdich, die doch zijn ghedaen met pijnen. {Tizianen dinghen, die met arbeydt ghedaen zijn, schijnen sonder arbeydt ghedaen.}

 
26 Hier heb ick, o edel Schilder scholieren,
V voor ooghen willen beelden en stellen
Tweederley, doch welstandighe manieren, {Van twee een te kiesen, is gheraden.}
 Op dat ghy met lust u sinnen mocht stieren
Tot het gheen’ uwen gheest meest sal versnellen :
maer soude doch raden u eerst te quellen,
En u te wennen, met vlijtighe sinnen,
Een suyver manier, end’ een net beginnen. {Netticheyt voor eerst aen te wennen.}

 
27 Wilt moedt dan rapen met gheestich verblijden, {Moedt te grijpen, en hoe men schildert, cantighe hooghsels te mijden, want ten wil niet ronden.}
Met stalen gheduldt u ghemoedt bevesten :
Ghy schildert net oft rouw, wilt altijt mijden
V werck met cantighe hooghsels besnijden,
Soo sy voormaels deden, welck niet ten besten
En stondt, maer ghebruyckt, soo men nu ten lesten
De welstandichste manier’ heeft ghevonden,
Want d’Ouders wercken en wilden niet ronden.
 
28 Maer t’stondt al te plat soo cantich een dinghen, {De moderne oude dingen staen veel plat.}
Dus wilt u ter beste wijse toe strecken :
By ghelijck’nis, een Colomne bestringhen {Maniere van hooghen en diepen, Exempel een Colomne.}
Suldy, en haer dickt’ op dry deelen bringhen,
Van eender wijdde tusch de buyte trecken
Twee punten, en op t’eerste punt verwecken
Suldy u claer hooghsel, en op het tweedde
V bruynste diepsel, op zijn rechte breedde.

Quotation

23 maer ten lesten met vlecken en rouw’ streken,
Ginck hy zijn wercken al anders beleyden, {Tiziaen, veranderde zijn handelinghe, datse van verre alleen woude ghesien wesen.}
Welck natuerlijck wel stondt, als men gheweken
Wat verre daer van was, maer niet bekeken
Van by en wou wesen, het welck verscheyden
Meesters willende volghen in’t arbeyden,
En hebbender niet van ghemaeckt te deghe,
Dan een deel leelijck goets ghebracht te weghe.

Quotation

24 Sy meenden den wel gheoeffenden slachten {Veel hebben Tiziaen meenen volghen, en zijn verdwaelt.}
En hebben miswanich hun self bedroghen,
Om dat sy zijn werck sonder arbeydt dachten
Te wesen ghedaen, daer d’uyterste crachten
Der Consten met moeyt’ in waren gheploghen :
Want men siet zijn dinghen overghetoghen
En bedeckt met verwen verscheyden reysen,
Meer moeyt isser in als men soude peysen.
 
25 maer dees maniere van doen uyt bysonder
Goet oordeel en verstandt van Tizianen,
Is schoon en bevallijck gheacht te wonder :
Want (seyt Vasary) den arbeydt daer onder
Groote Const bedeckt is, en dat soodanen
Schildery te leven men schier mocht wanen,
En als gheseyt is, dat zijn dinghen schijnen
Lichtveerdich, die doch zijn ghedaen met pijnen. {Tizianen dinghen, die met arbeydt ghedaen zijn, schijnen sonder arbeydt ghedaen.}

Quotation

[...] ayans affection de Peindre d’une manière Croquée & non finie, & ou quasi tous les coups de Pinceau paroissent en quelque façon separez les uns des autres, ce qui se nomme communement Peindre artistement ; Or sur cela je n’ay rien à dire, si l’intention d’un tel Peintre a esté d’en user de la sorte, comme il arrive assez souvent lors qu’on veut faire un exquisse, Ordonnance ou premier Esbauche d’un Tableau, sinon qu’il voulust faire passer ses œuvres pour estre en toutes leurs parties & dependances bien exécutées, & representant ce qu’elles doivent ; [...] [...] il est impossible qu’une maniere de Peindre artiste ou Croquée, fasse à l’œil de ceux qui la regarderont, l’effect que lui feroit le naturel ainsi present ; Ainsi au contraire, tous ces coups de Pinceau, & de plus les rehauts sur les jours, & les Teintes, Ombres & Ombrages, ne luy representeront que de taches claires & brunes, comme un Ouvrage de Marquetterie ou de Mosaïque ; [...]
Il y a eu, & encore y a-t-il des Peintres en tres-grand nombre, qui ont été évité & évitent grande partie de ces deffauts en leurs manieres de peindre, & en telle façon que ceux qui n’ont point de connoissance en cét Art y trouveront grande satisfaction & Agreément ; comme entr’autres és œuvres du Titian & autres de son temps, mais d’y vouloir trouver la mesme proportion, l’air, la forme & agencement des Draperies, & autres dependances des corps qui composent leurs Tableaux, à celle des belles figures Antiques, & de Raphaël d’Urbin, Jules Romain, & divers de ce Goust, Ceux qui ont connoisance declarent ouvertement que cela ne se peut.

Quotation

Davantage plusieurs Excellents Peintres, quoy qu’ils n’ayent entierement eu la connoissance de ce qu’on appelle forte ou grande maniere, où ce grand Goust de l’air & de proportion des beaux Antiques, ont fait des Ouvrages qui peuvent passer en quelques particularitez au delà de celles des Peintres ci-devant nommez [ndr : Titien, Raphaël, Jules Romain] , principalement quand ils ont choisi dans la nature & dans leur imagination, les plus belles Figures humaines & mieux proportionnées qu'ils avoient peu, ainsi qu'on fait les Carraces entr'autres principalement Annibal, duquel on voit entre diverses Tailles Douces ou Stampes à l'eau forte, une d'une Aumosne de Sainct Roc, & une petite Descente de Croix qui veritablement meritent d'estre estimées, & de plus aussi sa maniere de peindre, laquelle est à mes yeux extremement franche, pleine & libre, faisant expression d'une chair ferme, mais non à la vérité si tendre, fraiche, vermeille & delicate, que celle du Titian.

Quotation

[...] En Italie il y avoit entre plusieurs autres ; Leonard Davinci, André Manteigne, Jean Belin, Correge, Giorgion, Michel Ange, Bonarroti, tres-excellent Sculpteur, mais non si bon Peintre, Polidore de Carravage, André Del Sarte, Le Titian, RAPHAËL D’URBIN, & Jules Romain, la plupart d’iceux & principalement en leurs commencemens avoient des manieres de Peindre fort finies, & souvent de telle sorte que la plus grande partie paroist seiche, dure, tranchée & maigre, causée comme je croy par avoir voulu trop finir & achever, comme si l’on eust deû regarder desdits Ouvrages chaque partie à part, & non le tout d’une seule œillade & d’une raisonnable distance ainsi qu’il se doit.
Leonard Davinci, avoit une maniere de Peindre tres-finie, & les couleurs appliquées & estenduës fort uniement, & tiens avec plusieurs qu’elle luy estoit toute particuliere ; Car à ce que j’en ay peu voir, il semble que les Jours & Ombres, soient par maniere de dire comme souflez, noyez, fondus ou perdus ensemble, & grande partie des Eminences des Corps tres-arrondis, principalement les petites parties, ainsi que cela se peut voir en divers Tableaux qu’il a faits, & mesme en deux, l’un de la Gioconde qui est à Fontainebelle-eau, l’autre d’une Flora qui estoit jadis au Cabinet de la feuë Reyne Mere Marie de Medicis, Toutefois une partie des œuvres que j’ay veuës de luy, tiennent tousjours en quelque sorte de la maniere de P. Perrugin, Jean Bellin, & de plusieurs de ces Anciens cy-devant nommez, neantmoins bien plus excellentes à mon gré. 

Quotation

Il y a eu en France, en Allemagne & autres lieux environ le temps de ces Excellens, quelques Peintres qui avoient Inclination & Goust à ces manieres finies, & dont chaque partie demandoit à estre veuë de tres-pres, comme entre autres pour l’Allemagne Albert Durer, Olbins [ndr : Holbein], & autres. [...]
[...] Toutefois plusieurs d’iceux [ndr : Dürer, Holbein et autres peintres] ont changé de maniere quelques temps apres, & mesme
le Titian Car ses premieres œuvres estoient ainsi fort finies, tenans en quelque sorte de la manière de Bellini son premier Maistre, & pour moy je trouve ces premieres & dernieres œuvres les moindres qu’il ait faites, car les unes estoient trop finies & les dernieres trop peu.
Apres a paru le Tintoret, Paul Veronnoze, le Bassan, & plusieurs autres, tant à Venise, Florence, Rome, qu’en divers lieux de l’Italie ; Ceux-cy ou du moins une bonne partie, ne se sont pas tant attachez au naturel, & à des manieres de Peindre si finies, mais au contraire à des Croquées ou artistement touchées.

Quotation

Le Titian a fait d’excellens Ouvrages suivant l’election de ses Originaux ou modelles, tant pour ce qui est du dessein, que principalement de la maniere de Peindre, dont le Colory est si beau, si vif, & si frais, en un mot tellement de chair, qu’il est comme inimitable aux Copistes

Quotation

Ledit Titian a rendu tesmoignage par ses œuvres, qu’il n’avoit pas eu les yeux ouverts pour reconnoistre ce goust cy-devant dit, des beaux Antiques, & de Raphaël ; & que lon y remarque des vestemens, coiffeures, airs de testes, & autres choses de l’usage, qui tiennent de l’air & mode Venitienne ; Sa manière de Peindre sauf sa premiere & derniere, ne paroist pas en la plus part de ses œuvres, finie, leschée, ny aussi trop croquée, mais touchée si à propos, que quoy qu’elle ne donne pas un grand agréement à plusieurs personnes en la regardant de prés, elle en fait un merveilleux de loin ; [...]

Quotation

{5. Divers talents des Peintres}
Quelques-uns au Dessein ont esté consommez ;
Mesmes quand au dessein, les uns par leur addresse
Ont marié la force à la molle tendresse.
D’autres à qui le Ciel versa le haut Talent
D’un genie inventif, resolu, violent,
N’ont manqué d’autre choses en cette promptitude
Que de la temperer par le poids de l’estude :
Et d’un raisonnement prudent, sage, discret
Du Stille plus pompeux attraper le secret.

[…]
Cangiasio [ndr : Luca Cambiaso] fut le nom de cét Ouvrier habile
Dont le Pinceau fecond ne fut jamais debile :
J’ay veu de grands palais qu’il peignit des deux mains
Sans faire les Cartons, Traçant tous les Desseins
De l’ante du pinceau, et presque sans estude
Son pinceau paroissoit voler de Promptitude,
L’escurial de luy tint les corps renversez,
Bisarres, furieux, l’un sur l’autre entassez,
Luy qui dans ce caprice espouvantable et sombre
Fait un grand pelotton de figures sans nombre.

[…]
{Cangiasio & Tintoret extraordinairement prompts dans leur Peinture.}
Tel fut du Titien le Disciple admirable
Dont le pinceau ronflant fut presque inimitable,
Car si Lucas fut viste on dit que Tintoret
Ne luy ceda jamais et qu’il fut plus correct.

Quotation

Les Lombards […]
Paroissent absolus pour le grand Coloris,
Leur pinceau franc et net d’une force discrette
Charme nostre intellect par sa vertu secrette,
Icy le Ticien et l’Illustre d’Urbin
Font paroistre l’esclat de leur stille divin.
{7. Correge Peintre autant excellant qu’infortuné.}
Mais sans les offenser, celuy qui sous la rouë
De l’aveugle deesse accable de la bouë
A peine peut hausser et sa teste et ses mains
Surmonta les Lombards et ravit les Romains :
[…]
Correge corrigeant tous les deffauts des corps
Obligea la nature à de pareils efforts,
Nature le Cœur gros de dépit et de honte
De voir qu’un seul mortel ses ouvrages surmonte

Quotation

Of Action and Passion.
{4. Action and Passion.} The next observation, is out of which,
Life and Motion doth result : It shews no Action or Passion in a Piece, barely upright, looking forward ; the Armes hanging down, the feet close together, and so seems unmoveable, and stiff.
{How to be expressed} In lineall
Pieces, there may be a deceitfull similitude of Life and Motion, and statues may seem to live and breathe but coloured Pictures shew a lively force in the severall effects, and properties of Life and Spirit.
{And to be improved} To be well acquainted with
Nature, Manner, guize and behaviour ; as to paint a Man, angry or sad ; joyfull earnest ; or idle ; all passions to be proper to the figure : […]. Indeed the severall postures of the head, describe the Numbers of passions ; […]. In a word, each severall member or part of the body, either of themselves, or in reference of some other part, expresses the passions of the mind, as you may easily observe in the Life.
[…].
{By example of Titian’ Pieces.} I have seen a piece of
Tytian’s : A Child in the Mothers Lap playing with a Bird ; so round and pleasing, it seem’s a doubt whether a Sculpture or Painting ; whether Nature or Art, made it ; the mother smiles and speaks to : the child starts, and answers.
{And of
Palma’s Piece.} Another of Palma’s ; a speaking Piece indeed. The young Damsell brought for Old Davids Bedfellow ; all the company in Passion and Action : some in admiration of her beauty, others in examining her features, which so please the good Old Man, that in some Extasie of passion, he imbraces her which her humility admits, yet with a silent modesty as best became her, only to be dumb and so suffer.
[…].
[...] And so have we done with an Example of all in One : For
 
                       Invention
allures the mind.
                       Proportion, attracts the Eyes.
                       Colour ;
delights the Fancie.
                      
Lively Motion, stirs up our Soul.
                      
Orderly Disposition, charmes our Senses.
 
{Conclude a rare Picture.} These produce gracefull
Comliness, which makes one fairer then fair ; […].
This Grace is the close of all, effected by a familiar facility in a free and quick spirit of a bold and resolute Artificer ; not to be done by too much double
diligence, or over doing ; a careless shew, hath much of Art.

Quotation

[…] we did therefore forbear to mention what his Highness Prince Ruperts own hands have contributed to the dignity of that Art ; performing things in Graving (of which some enrich our collection) comparable to the greatest Masters ; such a spirit and address there appears in all that touches, and especialy in that of the Mezzo Tinto, of which we shall speak here-after more at large, having first enumerated those incomparable gravings of that his new, inimitable Stile, in both the great, and little decollations of St. John Baptist, the Souldier holding a Spear and leaning his hand on a Shield, the two Mary Magdalens, the Old- mans head, that of Titian, &c. after the same Titian, Georgioon and others. 

Quotation

Il me souvient d’avoir veu à Rome dans la Vigne Aldobrandine, une Baccanale que ce mesme Peintre [ndr : Bellini] avoit commencée pour Alfonse I. Duc de Ferrare ; mais sa mort l’ayant empesché de la finir, le Titian y fit un païsage admirable. Il est vray que les Figures de Bellin paroissent d’une maniere fort seiche auprés de l’Ouvrage du Titian, & on voit que Jean n’avoit pas encore acquis cette tendresse & cette belle façon de peindre, qui depuis a rendu la pluspart des Peintres de Lombardie si recommandables.

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Il est vray aussi que ces grandes idées qu’il [ndr : Léonard de Vinci] avoit de la perfection & de la beauté des choses, a esté cause que voulant terminer ses Ouvrages au delà de ce que peut l’Art, il a fait des figures qui ne sont pas tout-à-fait naturelles. Il en marquoit beaucoup les contours, il s’arrestoit à finir les plus petites choses, & mettoit trop de noir dans les ombres ; En cela il ne laissoit pas de faire connoistre sa science dans le dessein & dans l’entente des lumieres, par le moyen desquelles il donnoit à tous les corps un relief qui trompe la veuë.
Mais sa [ndr : Léonard de Vinci] maniere de travailler les carnations ne represente point une veritable chair, comme le Titien faisoit dans ses Tableaux. On voit plûtost qu’à force de finir son Ouvrage & d’y arrester le pinceau trop-longtemps, il a fait des choses si achevées & si polies qu’elles semblent de marbre.

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Quant au Corege sa maniere est differente de celle du Titien, en ce qu’il n’a pas sceu cette harmonie de couleurs, cette belle conduite de lumieres, & cette fraischeur de teintes si admirable qu’on remarque dans les Tableaux du Titien, où il semble qu’on voye du sang dans ses carnations, tant il les represente naturelles. Mais en recompense le Corege a eu l’imagination plus forte, & a desseigné d’un goust beaucoup plus grand & plus exquis ; Et quoy qu’il ne fust pas tout-à-fait correcte dans son dessein, il y a neanmoins de la force & de la noblesse dans tout ce qu’il a fait. S’il [ndr : Le Corrège] fust sorti de son pays et qu’il eust esté à Rome, dont l’Ecole estoit beaucoup plus excellente pour le dessein que celle de Lombardie, on ne doute pas qu’il ne se fust formé une maniere qui l’auroit rendu égal à tous les plus grands Peintres de ces temps-là, puis que sans avoir veu ces belles Antiques de Rome, ny profité des exemples que les autres Peintres ont eus, il s’est tellement perfectionné dans son Art, que personne depuis luy n’a si bien peint, ny donné à ses figures tant de rondeur, tant de force, & tant de cette beauté que les Italiens appellent morbidezza, qu’il y en a dans les Peintures qu’il a faites.

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Quant au Corege sa maniere est differente de celle du Titien, en ce qu’il n’a pas sceu cette harmonie de couleurs, cette belle conduite de lumieres, & cette fraischeur de teintes si admirable qu’on remarque dans les Tableaux du Titien, où il semble qu’on voye du sang dans ses carnations, tant il les represente naturelles. Mais en recompense le Corege a eu l’imagination plus forte, & a desseigné d’un goust beaucoup plus grand & plus exquis ; Et quoy qu’il ne fust pas tout-à-fait correcte dans son dessein, il y a neanmoins de la force & de la noblesse dans tout ce qu’il a fait.

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[ndr : LE PEINTRE]
[...] lors que l’on voit en Italie & sur tout en la Lombardie & à Venise, les ouvrages de ces grands Peintres, le Titian, le Georgeon, Tintoret, P. Veroneze, le Palme, le Bassan, & autres Excellens Coloristes & tres-abondans en compositions de figures, cela surprend extremément la veuë, ce que ne font pas ainsi les
Œuvres du grand Raphaël & autres de ce goust, mais en recompense ceux-cy ont cét avantage qu’elles s’insinüent doucement dans l’esprit, de sorte qu’elles y font un tel effet, que plus vous les revoyez plus vous en estes satisfaits, en ce que vous y découvrez toûjours de nouvelles beautez.
Et pour les autres, c’est tout le contraire, car osté le Colory & l’Artiste maniere de peindre l’on y trouve en la pluspart, les revoyant toüjours de differantes méprises et erreurs, tant contre l’histoire & usage, que contre les Regles de Perspective.
Pour celles d’Anibal Carrace & de ses Contemporains [...] leur imitation n’a garde d’estre si nuisible à vous détourner de ce bon Goust [...].

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{XXXIII. Qu'il ne faut pas deux jours égaux dans le Tableau}
Evitez les Ombres fortes sur le milieu des Membres, de peur que le trop de Noir qui compose ces Ombres, ne semble entrer dedans & les couper : cherchez plûtost à les placer à l'entour, pour relever davantage les Parties, & prenez vostre Jour si avantageux, qu'apres de grandes Lumieres vous trouviez de grandes Ombres. D'où vient que c'est avec raison que l'on dit du Titien, qu'il n'avoit pas de meilleure Regle pour la distribution des Clairs & des Bruns, que la *
Grappe de Raisin.

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COULEUR ROMPUE.
On appelle Couleur rompuë, celle qui est diminuée & corrompuë par le mélange d'une autre (excepté du blanc qui ne peut pas corrompre, mais qui peut estre corrompu) on peut dire par exemple qu'un tel azur d'outremer est rompu de laque & d'occre jaune quand il y entre un peu de ces deux dernières couleurs : & ainsi des autres. Les couleurs rompuës servent à l'union & à l'accord des couleurs, soit dans les tournans des corps & dans leurs ombres, soit dans toute leur masse. Titien, Paul Veronese & tous les Lombards ont bien mis ces sortes de couleurs en pratique.

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282. [Que vous fassiez paroistre les Corps éclairez par des Ombres qui arrestent vostre veuë, &c.] C’est à dire proprement, qu’apres de grands Clairs il faut de grandes Ombres, qu’on appelle des Repos ; parce que effectivement la veuë seroit fatiguée, si elle estoit attirée par une continuité d’objets petillans. Les Clairs peuvent servir de repos aux Bruns, comme les Bruns en servent aux Clairs. […]
Ces Repos se font de deux manieres, dont l’une est Naturelle, & l’autre Artificielle : La Naturelle se fait par une étenduë de Clairs ou d’Ombres, qui suivent naturellement & necessairement les Corps solides, ou les Masses de plusieurs Figures agrouppées lors que le jour vient à frapper dessus : Et l’Artificielle consiste dans les Corps des Couleurs que le Peintre donne à de certaines choses telles qu’il luy plaist, & les compose de telle sorte, qu’elles ne fassent point de tort aux Objets qui sont auprés d’elles. Une Draperie par exemple que l’on aura fait jaune ou rouge en certain endroit, pourra estre dans un autre de Couleur brune, & y conviendra mieux pour produire l’effet que l’on demande. L’on doit prendre occasion autant qu’il est possible de se servir de la premiere Maniere, & de trouver les Repos dont nous parlons par le Clair ou par l’Ombre, qui accompagnent naturellement les Corps solides […] 
Ainsi le Peintre qui a de l'intelligence prendra ses avantages de l'une & de l'autre Maniere ; & s'il fait un Dessein qui doive estre gravé, il se souviendra que les Graveurs ne disposent pas des Couleurs, comme font les Peintres, & que par consequent il doit prendre occasion de trouver les Repos de son Dessein dans les Ombres naturelles des Figures, qu'il aura disposées à cet effet. Rubens en donne une parfaite connoissance dans les Estampes qu'il a fait graver ; & je ne croy pas que l'on puisse rien voir de plus beau en ce genre : Toute l'intelligence des Grouppes, du Clair-Obscur & de ces Masses que le Titien appelloit
la Grappe de Raisin, y est si nettement exposée, que la veüe de ces Estampes & l'attention que l'on y apporterait contribueraient beaucoup à faire un Habile-homme. […]
Ce n'est pas que les Graveurs ne puissent & ne doivent imiter les Corps des Couleurs par les degrez du Clair-Obscur, autant qu'ils jugeront que cela doit produire un bel effet ; au contraire il est à mon avis, impossible de donner beaucoup de force à tout ce que l'on gravera d'après les Ouvrages de l'Ecole de Venise, & de tous ceux qui ont eu l'intelligence des Couleurs & du Contraste du Clair-Obscur, sans imiter en quelque façon la Couleur des Objets selon le rapport qu'elle a aux degrez du Blanc & du Noir. […]

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329. [La Grappe de Raisin.] Il est assez évident que le Titien par cette comparaison aussi judicieuse que familiere, a pretendu dire que l’on doit ramasser les Objets & les disposer de telle sorte, qu’ils composent un Tout, dont plusieurs Parties contiguës puissent estre éclairées, plusieurs ombrées, & d’autres de Couleurs rompuës, pour estre dans les Tournans ; de mesme que dans une Grappe de Raisin, plusieurs grains qui en font les parties, se trouvent dans le jour, plusieurs dans l’ombre, & d’autres dans la demie teinte, pour estre dans les Parties fuyantes. Le Tintoret dit un jour à Rubens, qu’il avoit oüi dire au Titien, Que dans tous ses plus grands Ouvrages, la Grappe de Raisin estoit son meilleur guide & sa principale Regle.

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330. [Le Blanc tout pur avance ou recule indifferement, il s’approche avec du Noir, & s’éloigne sans luy.] Tout le monde convient, que le Blanc peut subsister sur le devant du Tableau, & y estre employé tout pur ; la question est donc de sçavoir s’il peut également subsister & estre placé de la mesme sorte sur le derriere, la Lumiere estant universelle, & les Figures supposées dans une campagne. Nostre Auteur [ndr : Charles-Alphonse Dufresnoy] conclud affirmativement ; & la raison qui appuye ce Precepte est, Que n’y ayant rien qui participe davantage de la Lumiere que le Blanc, & la Lumiere pouvant fort bien subsister dans le lointin (comme nous le voyons tous les jours au lever & au coucher du Soleil,) il s’ensuit que le Blanc y peut subsister aussi : En Peinture la Lumiere & le Blanc ne sont quasi que la mesme chose. Ajoûtez à cela que nous n’avons point de Couleur plus approchante de l’Air que le Blanc, & par consequent point de Couleur plus legere […]. Le Titien, Tintoret, Paul Veronese, & tous ceux qui ont le mieux entendu les Lumieres, l’ont observé de la sorte, & personne ne peut aller à l’encontre de ce Precepte, à moins que de renoncer au païsage, qui nous confirme parfaitement cette verité ; & nous voyons que tous les Grands Païsagistes ont suivy en cela le Titien, qui s’est toûjours servy de Couleurs brunes & terrestres sur le devant, & qui a reservé ses plus grands Clairs pour les lointins & les derrieres de ses Païsages. […] 
On peut objecter à cette opinion, Que le Blanc ne peut se tenir dans le lointin ; puisque l’on s’en sert ordinairement pour faire approcher les Objets sur le devant. Il est vray que l’on s’en sert, & mesme fort à propos, pour rendre les Objets plus sensibles par l’opposition du Brun qui le doit accompagner, & qui le retient comme malgré luy ; soit que ce Brun luy serve de fond, ou qu’il luy soit attaché. […]
Mais, il semble (direz-vous) que le Bleu est la Couleur la plus fuyante ; puisque le Ciel & les Montagnes les plus éloignées sont de cette Couleur. Il est bien vray que le Bleu est une Couleur des plus legeres & des plus douces : mais il est vray aussi qu'elle a d'autant plus toutes ces qualitez, qu’il y a de Blanc meslé dedans, comme l'exemple des lointins nous le fait connoistre. […]
Que si la Lumiere de vostre Tableau n’est point universelle, & que vous supposiez vos Figures dans une Chambre, pour lors souvenez-vous du Theorème, qui dit, que
Plus un Corps est proche de la Lumière, & nous est directement opposé, plus il est éclairé ; parce que la Lumiere s’affoiblit en s’éloignant de sa source. Vous pourrez encore éteindre vostre Blanc, si vous supposez l'Air estre un peu plus épais, & si vous prevoyez que cette supposition fera un bon effet dans l’œconomie de tout l’Ouvrage : mais que cela n'aille pas jusqu'à faire vos Figures d'une demie teinte si brune, qu'il semble qu'elles soient dans un vilain brouillard, ou qu'elles paroissent attachées à leur fonds. […]

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361. [Que jamais deux extremitez contraires, &c.] Le Sens de la veuë a cela de commun avec tous les autres, qu’il abhorre les extremitez contraires. Et de mesme que les mains qui ont grand froid, souffrent beaucoup lors qu’on les approche tout d’un coup du feu ; ainsi les yeux qui trouvent un extreme Blanc auprés d’un extreme Noir, ou un bel Azur auprés d’un Vermillon ardent, ne sçauroient regarder ces extremitez qu’avec peine, quoy qu’ils y soient toûjours attirez par l’éclat des deux contraires.
Ce Precepte oblige de sçavoir les Couleurs qui ont amitié ensemble, & celles qui sont incompatibles ; ce que l’on pourra aisément découvrir en mélant ensemble les Couleurs dont on veut faire épreuve : & si par ce mélange elles font une Couleur douce & qui ne soit point desagreable aux yeux, c’est une marque qu’il y a de l’union & de la sympathie entr’elles ; si au contraire la Couleur qui sera produite du mélange des deux autres, est rude à la veuë, il faut conclure qu’il y a de la contrarieté & de l’antipathie entre ces deux Couleurs. Le Vert par exemple est une Couleur agreable, qui peut venir du Bleu & du Jaune mélez ensemble, & par consequent le Bleu & le Jaune sont deux Couleurs qui sympathisent. Et tout au contraire le mélange du Bleu & du Vermillon ont une antipathie ensemble ; & ainsi des autres couleurs, dont vous pouvez faire essay, & vous éclaircir une fois pour toutes. […] L’on peut neantmoins passer par dessus ce Precepte, quand on n’a qu’une ou deux Figures à traiter, & que parmy un grand nombre on en veut faire remarquer quelqu’une, qui est des principales du Sujet, & qui autrement ne pourroit se faire remarquer par dessus les autres. Titien dans le Tableau qu’il a fait du Triomphe de Bacchus, ayant placé Ariadne sur l’un des costez du Tableau, & ne pouvant pour cette raison la faire remarquer par les éclats de la lumiere qu’il a voulu conserver dans le milieu, il luy a donné une écharpe de Vermillon sur une Draperie bleuë, tant pour la détacher de son fonds qui est déjà une mer bleuë, qu’à cause que c’est une des principales Figures du Sujet, sur laquelle il veut que l’œil soit attiré. Paul Veronese dans sa Noce de Cana, parce que le Christ, qui est la Principale Figure du Sujet, est un peu enfoncé dans le Tableau, & qu’il n’a pû le faire remarquer par le brillant du Clair-Obscur, il l’a vestu de Bleu & de Vermillon, pour faire que la veuë se portast sur cette Figure.
Les Couleurs ennemies se pourront d’autant plus allier, que vous y meslerez d’autres Couleurs qui auront de la sympathie l’une avec l’autre, & qui s’accorderont avec celles que vous voudrez, pour ainsi dire, reconcilier.

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382. [Que vos Couleurs soient vives, sans pourtant donner, comme on dit, dans la farine.] Donner dans la farine c’est une façon de parler parmy les Peintres, qui exprime parfaitement ce qu’elle veut dire, qui n’est autre chose que de peindre avec Couleurs claires & fades tout ensemble, lesquelles ne donnent non plus de vie aux Figures, que si effectivement elles estoient frottées de farine. Ceux qui font leurs Carnations fort blanches & leurs Ombres grises ou verdastres, tombent dans cette inconvenient. Les Couleurs rousses dans les Ombres des chairs les plus delicates, contribuent merveilleusement à les rendre vives, brillantes & naturelles : mais il en faut user avec la mesme prudence dont le Titien, Paul Ver. Rubens & Vandeik se sont servis.
Pour conserver les Couleurs fraisches, il faut peindre en mettant toûjours des Couleurs, & non pas en frottant apres les avoir couchées sur la toile ; & s’il se pouvoit mesme faire qu’on les mist justement dans leurs places, & que l’on n’y touchast point quand on les y a une fois placées, il seroit encore mieux ; parce que la fraischeur des Couleurs se ternit & se perd à force de les tourmenter en peignant.
Tous ceux qui ont bien colorié, avoient encore une autre Maxime pour maintenir les Couleurs fraisches, vives & fleuries ; c'estoit de se servir de Fonds blancs, sur lesquels ils peignoient, & souvent mesme au premier coup, sans rien retoucher, & sans y employer de nouvelles Couleurs. Rubens s'en servoit toûjours ; & j'ay veu des Tableaux de la main de ce grand Homme faits au premier coup, qui avoient une vivacité merveilleuse. La raison que ces excellens Coloristes avoient de se servir de ces sortes de Fonds, est que le Blanc conserve toûjours un éclat sous le transparant des Couleurs, lesquelles empeschent que l'air n'altere la blancheur du Fonds, de méme que cette blancheur repare le dommage qu'elles reçoivent de l'air ; de maniere que le Fonds & les Couleurs se prestent un mutuel secours, & se conservent l'un l'autre. C'est par cette raison que les Couleurs glacées ont une vivacité qui ne peut jamais estre imitée par les Couleurs les plus vives & les plus brillantes, dont à la maniere ordinaire & commune on couche simplement les differentes teintes, chacune dans leur place les unes apres les autres : tant il est vray que le Blanc avec les autres Couleurs fieres, dont on peint d'abord ce que l'on veut glacer, en sont comme la vie & l'éclat. Les Anciens ont asseurement trouvé que les Fonds blancs estoient beaucoup meilleurs que les autres : puisque nonobstant l'incommodité que leurs yeux recevoient de cette Couleur, ils ne laissoient pas de s'en servir, […] Je ne sçay d'où vient que l'on ne s'en sert pas aujourd'huy, si ce n'est qu'il y a peu de Peintres curieux de bien colorier, ou que l'ébauche commencée sur le Blanc ne se montre pas assez viste, & qu'il faut avoir une patience plus que Françoise, pour attendre qu'elle soit achevée, & que le Fond qui ternit par sa Blancheur l'éclat des autres Couleurs, soit entierement couvert, pour faire paroistre agreablement tout l'Ouvrage.

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472. [Soyez prompt à mettre sur vos Tablettes, &c.] Comme ont fait le Titien & les Caraches. L'on voit entre les mains des Curieux de Peinture quantité de Remarques que ces grands Hommes ont faites sur des feüilles, & sur des Livres en Tablettes qu'ils portoient toûjours sur eux.

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[…] Il faut en premier lieu estudier à fond les traits naturels, & ensuite remarquer exactement l’expression de quelque Peintre renommé. Par exemple le Titien qui a reüssi dans la carnation d’une maniere si excellente, & si particuliere, qu’en cela il a surpassé toute l’antiquité, dont les plus beaux Tableaux n’aprochent par asseurement ceux de ce fameux Peintre pour ce qui est de la carnation, qu’on void si vivement exprimée dans tous les siens, qu’il semble effectivement que le sang coule dans les veines de ses figures.

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La plus grande perfection dans la Peinture, luy repartis-je, c'est de faire que toutes les qualitez du corps conviennent à la personne qu'on veut representer, soit dans la force des membres, soit dans la couleur de la chair. Par exemple, une belle femme, ou un jeune homme de condition, doivent avoir le corps blanc, délicat, & gratieux, comme dans le Tableau de Corege, dont je vous ay déja parlé, où il y a un Saint Jean tout nud, qui s'enfuit du Jardin des Olives, & dans celuy du Titien, qui est à l'Hostel de Sourdis, où Venus retient Adonis. Car si vous remarquez le Coloris de cette Déesse, vous y verrez une grande tendresse, & dans celuy du Chasseur vous y connoistrez comme un homme moins délicat, & qui s'adonne aux exercices penibles, doit avoir la chair plus haute en couleur : Mais un vieillard qui sera representé plus maigre, & plus décharné, doit avoir la chair plus basannée, & plus brune, de mesme qu'un Soldat, & un Marinier, qui sont ordinairement dans le travail, & qui ont le corps nud, & exposé à l'air, & au Soleil : […].

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Now the Painter expresseth two things with his colour : First the colour of the thing, whether it be artificial or natural, which he doth with the like colour, as the colour of a blew garment with artificial blew, or the green colour of a Tree with the like green : Secondly he expresseth the light of the Sun, or any other bright Body apt to lighten or manifest the colours, and because colour cannot be seen without light, being nothing else (as the Philosophers teach) but the extream Superficies of a dark untransparent Body lightned, I hold it expedient for him that will prove exquisite in the use thereof, to be most diligent in searching out the effects of light, when it enlightneth colour, which who so doth seriously consider, shall express all those effects with an admirable Grace ; […].
Now when the
Painter would imitate this blew thus lightned, he shall take his artificial blew colour, counterfeiting therewith the blew of the garment, but when he would express the light, wherewith the blew seems clearer, he must mix so much white with his blew, as he findeth light in that part of the garment, where the light striketh with greater force, considering afterwards the other part of the garment, where there is not so much light, and shall mingle less white with his blew proportionably, and so shall he proceed with the like discretion in all the other parts : and where the light falleth not so vehemently, but only by reflexion there he shall mix so much shadow with his blew, as shall seem sufficient to represent that light, loosing it self as it were by degrees, provided alwayes, that where the light is less darkned, there he place his shadow,
In which judicious expressing of the effects of light together with the
colours, Raphael Urbine, Leonard Vincent, Antonius de Coreggio and Titian were most admirable, handling them with so great discretion and judgement, that their Pictures seemed rather natural, then artificial ; the reason whereof the vulgar Eye cannot conceive, notwithstanding these excellent Masters expressed their chiefest art therein, considering with themselves that the light falling upon the flesh caused these and such like effects, in which kind Titan excelled the rest, who as well to shew his great Skill therein, as to merit commendation, used to cozen and deceive Mens Eyes, […].

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Again Titian to make known his art his lights and shadows, when he would express the lightest part of the Body used to add a little too much white, making it much lighter then his pattern, and in the obscure parts, where the light fell by reflexion, a little too much shadow, in resemblance of the decay of the light in that part of the Body, and so his work seemeth to be much raised, and deceive the sight, for the light which cometh to the Eye, in a Pyramidal forme (as shall be shewed in the ensuing discourse) cometh with a blunter and bigger Angle, and so is seen more evidently, whence ariseth a wonderfull eminency, the especial cause whereof is, because there is much more shadow then needeth in that part, where the light decayeth most, so that the vusual lines failing, that part cometh to the Eye in an accuter and sharper angle, and therefore cannot be seen so perfectly, insomuch that that part seemeth to fly inwards, and stand farther off. Thus when the Four parts of a Body are much raised, and the hinder fly sufficiently inwards, there appeareth a very great heightning, which giveth a wonderfrll Spirit, and after this sort Titian beguiled the Eyes of such as beheld his most admirable works.

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Notwithstanding, I am of Opinion, that it is possible to attain unto this so excellent a faculty [ndr : dans le choix des meilleures actions], (though perhaps not with that special eminency of natural facility,) as by industrious study in the knowledge of these motions ; and the causes whence they proceed. For from hence a Man may easily attain to a certain understanding, which afterwards putting in practice with patience, together with the other points, he may undoubtedly prove a judicious inventor, who never had any extraordinary natural inclination, my meaning is, that such an inventor, as guideth himself by understanding, shall attain to better perfection then the other, who is naturally indued with the dexterity, without industry and patience : for example, if a Man shall diligently peruse the whole History of Christ, out of doubt he shall gather the true Idea and Method, how he ought to represent the motions of Christ, the Apostles, the Jews, and all the rest, who had any part in that cruel Tragedy, so sufficiently, that the Mind of the beholder, shall be no less moved to pitty, tears and sorrow, at the sight of the picture, then Men are usually at the reading of the History, […]. 
Now amongst the
worthy Painters who excelled herein, Raphael Urbine, was not the least, who performed his Works, with a Divine kind of Majesty, neither was Polidore much behind him in his kind, whose Pictures seemed as it were passing furious, nor yet Andreas Montagnea whose vain shewed a very laborious curiosity. Nor yet Leonard del Vincent, in whose doings there was never any errour found in this point : Whereof amongst all other of his works, that admirable last supper of Christ in Refect. St. Mariæ de gratia in Milane, maketh most evident proof, in which he hath so lively expressed the passions of the Apostles minds in their countenances, and the rest of their Body, that a Man may boldly say, the truth was nothing superiour to his representation, and need not be afraid to reckon it amongst the best works of Oyl-painting, […] for in those Apostles, you might distincly perceive admiration, fear, grief, suspition, love &c. all which were sometimes to be seen together in one of them, and Finally in Judas a Treason-plotting countenance, as it were the very true counterfeit of a Traitor, so that therein he hath left a sufficient argument of his rare perfection, in the true understanding of the passions of the Mind, exemplified outwardly in the Body, which because it is the most necessary part of painting, I propose (as I say) to handle in this present Treatise
I may not omit
Michael Angelo in any case, whose skill and paintfulness in this point was so great, that his Pictures carry with them more hard motions, expressed after an unufual manner, but all of them tending to a certain stout boldness. And as for Titian he hath worthily purchased the name of a greater Painter in this matter, as his Pictures do sufficiently witness ; […].
Finally,
Gaudentius (though he be not much known) was inferiour unto few, in giving the apt motions to the Saints & Angels, […]. 

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Of Colouring and Shadowing of History in Limning, and also other Necessary Observations.


The differences between Limning Pictures to the Life, or History, are Infinite ; notwithstanding the same Colours that are used for one do also for the other. And to particularise but part of what may be well said upon this Subject, would be too tedeous, if not endless. The most Remarkable is most certainly in the Variety of Colouring of things according to their several Sexes and Ages ; and also of Invention of ordering and well Stelling. All things which are to be represented, are many times according to the Humour, Judgement, and Discretion of the Master. We see generally in the Practice of the best and most Famous Painters, that they that do follow the Life, do tie themselves strictly and precisely to follow what they see in the Life, to immitate it as near as possible ; yet in their Inventions they assume to themselves such a Gentile Liberty and Licence, both in Colouring and Ordering ; but not so far as to run into those Extremes as
Bartholomæus Spranger, Henry Goltzius, Abraham Blomart, and Outeawale, and several other Dutch Painters, run into about the Year 1588 ; for their Inventions at that time and Actions were so extravagantly strain’d and stretch to that degree beyond Nature, that made their Works seem to the Judicious Eye very Ridiculous, and contrary to Nature ; and at that time it was grown to such an Imposture or Mode, that he was counted no Master that could not strain his Actions in that extravagant manner. Which Mode was afterwards laid aside, and the Works that those Masters afterwards made were incomparably Good, by their Embracing more the Ancient Italian way of DESIGNING, which was more Modest, Gentile, and Graceful. So far they abused the Modest Licence, that so Graced the Admirable Works of Titian, Michael Angelo, and most of the Eminent Italians of that Age. And others have been as Extravagant in their Colouring. Which two Extremes may be both avoided by imitating that Divine Titian for Colouring, who was of all others esteemed the best.

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Es wird auch ihr Vorzug behauptet/ durch die sonderbare Remuneration und Belohnung/ welche unserer Pictura widerfahren. […]

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Dergleichen Unterschiedlichkeit [ndr: im gerecht-mahlen] ware auch und ist noch bey den Italiänern/ Hoch-und Nieder-Teutschen zu finden/ und zwar mit größerer Vollkommenheit/ sonderlich im gerecht-mahlen/ und darzu gehörenden Kräften der Farben: welches aus der natürlichen applicirung/ vollkommenen Erhebung und sonderbaren Geschwindigkeit der Mahler von unsern Zeiten abzunehmen. {Die alte und neue Italiäner.} Solche waren/ Cimabue der große Wieder-Erfinder dieser Kunst/ Gaddo sein Nachfolger/ und Giotto. Also waren fürtreflich/ Giovan Bellini, in Sauberkeit; Michaël Angelo in Bildern und hohem Verstand; Leonardo da Vinci, in vernünftigen affecten; Andrea del Sarto, in Angenemheit; Raphaël d'Urbino in meisterlicher invention ; Julius Romanus, in ungemeinen Gedanken;Titian, in Anmutigkeit/ sonderlich der Coloriten; Corregio , in gratiositeten; Verones in reichen Gedanken; Tintoreti, in Seltsamkeit; Carazo, in fresco; Caravaggio und Manfredo , in Lebhaftigkeit ; Guido Bolognse in Holdseligkeit; Albano in zierlicher invention; Bernini Bernini in der Bild- und Bau Kunst; Francisco du Quesnoy, in scultur-Warheit; Algardon,in Geschicklichkeit; Peter Corton in fresco; La Franch in Geschwindigkeit; Domenicho in Tieffsinnigkeit; Claudio Gilli in Landschaften.
{Die alte Hoch-Teutschen} Nächst diesen/ machten sich auch verwunderbar unsere Teutschen: als Martin Schön/ im hochsteigen; Matthias von Aschaffenburg/ in zierlichem Geist; Albrecht Dürer/ im universal-Verstand; Hans Holbein/ in glückseliger Hand; Amberger/ in der Warheit; Pocksberger/ im Geistreichtum; Schwarz/ in Erfahrenheit; Adam Elzheimer/ in verwunderlichem Verstand.
{und Nieder-Teutschen} Gleichfalls waren fürberühmt die Niederländer/ in Erfindung der Oelfarben/ Johann und Hubert von Eyk; Lucas von Leyden/ im Fleiß; der alte Bruegel, im Verstand; also auch Sotte Clef und Johann von Calcar/ in der Hand; Floris, in der Meisterschaft; Brauer/ in bildung der Bauren; Fochiers, in Landschaft-Bäumen; Rubens in Geistreichheit; der von Dick/ in Zierlichkeit; Hundhorst in Wolgemälden; Rembrand/ in Arbeitsamkeit; Perselles in Schiffahrten und Wassern; Pulenburg/ in kleinen Bildlein; Bambotio, in Bildung der Bettler ; Botte, in Landschaften; auch der Gerhart Daro und, Mires hoch-preiswürdig in kleinen Oelfarben.
{Von des Autoris [ndr: Joachim von Sandrart ] Werken/ in dieser Kunst.} […]

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{Die Farben müßen jedem Bild seine Natur geben} Wann man aber den Alten/in einen Winkel/ mit einem gelben/ braunen/ oder von Sonne und Staub erschwärzten vernebelten Angesicht/vorstellet/ gegenüber einen jungen Verliebten/ mit seiner Dame, ganz schön/ licht/ feuring und brennend/ bald weiß/ bald roht/ conversiren/ auch die Kinder schön weiß und röhtlich machet: wird solche uneinige Misculanz, bald eine einige liebliche Concordanz auf dem Kunst-Blat gebähren/ und die niedere/ bleiche und dunkele/ der hellen/ feurigen und hochtrabenden Farbe erst ein Preis-volles ansehen und folgbar dem Künstler alle Ehre/ erwerben […].

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{Die Farben müßen jedem Bild seine Natur geben} Wann man aber den Alten/in einen Winkel/ mit einem gelben/ braunen/ oder von Sonne und Staub erschwärzten vernebelten Angesicht/vorstellet/ gegenüber einen jungen Verliebten/ mit seiner Dame, ganz schön/ licht/ feuring und brennend/ bald weiß/ bald roht/ conversiren/ auch die Kinder schön weiß und röhtlich machet: wird solche uneinige Misculanz, bald eine einige liebliche Concordanz auf dem Kunst-Blat gebähren/ und die niedere/ bleiche und dunkele/ der hellen/ feurigen und hochtrabenden Farbe erst ein Preis-volles ansehen und folgbar dem Künstler alle Ehre/ erwerben […].

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Solche Regeln/ haben die alte Kunst-Mahler beobachtet. Dessen allen haben/ unter den alten berühmten Kunst-Mahlern/ Raphael Urbini, Coregio, Titian, Verones, Tintoret und viel andere auf Mauren/ auch in Oelfarben/ mit sonders erleuchten Urtheil und Verstand/ zu ihrem immerwehrenden Lob und Ruhm/ bey aller Nachwelt/ sich sehr künstlich bedient. Wie dann nicht minder/ neben ihnen/ auch unsere alte Teutsche/ als Albrecht Dürer/ Hanns Holbein und andere/ nach und nach die Verbesserung des Colorits und das natürlichmahlen erfunden: […]

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{Die vördere und hintere Gründe/ müßen wol aufeinander ordiniret werden.} Die Gründe/ weisen in dieser Mahlerey des Meisters Verstand/ wann solche wol-ordinirt an einander gehänget und gleichsam gebunden werden/ mit Anzeigung des hin- und herkommens: also daß die vordere die andern (welches auch sonst in allem zu beobachten) zuruck nach dem Horizont oder Gesicht Ende treiben/ sich selbsten aber immer mehr herfür thun, Es sollen auch die Gründe nicht zu hart gegen des Liechts Ecken abgestochen/ sondern/wegen empfangenen Widerscheins mit halben Farben abgelindert/ auch nicht mit alzuviel Luft/Bergen/ Gebäuden oder Häusern übersetzet /sondern vielmehr mit großen schönen Bäumen und Gekräuter gezieret werden.
In dergleichen großen schönen Stucken der Landschaft-Mahlerey/ sind unter den alten Italiänern/ (die sich sonst wenig darauf beflissen) insonderheit darunter Muzian und der lobwürdige Titian, sehr verwunderbar gewesen: wie theils Holzschnitte des letzern bezeugen/ denen er einen guten Horizont gegeben/ mit festen Gründen/ darauf jedesmal vornher etwas großes stehet/ und alles andere hintan weichet; dergleichen auch des berühmten Breugels Gemälde und Kupferstücke/ in Abbildung der Tyrolischen Gebirge/ vor Augen stellen.

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{Titians Rauh-Mahlen:} Also beflisse sich/ in seiner Jugend und besten Zeit/ der berühmte Titian, alles sauber und also zu mahlen/ daß es sich so wol in die weite als nähe/ gefällig sehen ließe. Aber in seinen letzten Zeiten und Jahren/ mahlte er sehr rauh/ mit vielen Farben beschwert: welches in der Nähe nicht/ aber nur von weitem/ sehr wol gestanden. […]

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{Titians Rauh-Mahlen:} Also beflisse sich/ in seiner Jugend und besten Zeit/ der berühmte Titian, alles sauber und also zu mahlen/ daß es sich so wol in die weite als nähe/ gefällig sehen ließe. Aber in seinen letzten Zeiten und Jahren/ mahlte er sehr rauh/ mit vielen Farben beschwert: welches in der Nähe nicht/ aber nur von weitem/ sehr wol gestanden. […]

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{Die Gewänder sind nach dem Geschlecht/ Stand und Stellung der Personen/ auch nach den Lands-Arten/ unterscheiden.}
Es ist/ in den Gewändern/ zuvörderst der Unterschied zu beobachten: weil deren Form/ Farben und Falten/ nach Alter/ Stand und Stellung der Personen/ nach dem Männ- und Weiblichen Geschlecht/auch nach alt- und neuem Lands-Gebrauch und al modo, ganz ungleich sind.
{Vom Obergewand/ und Rundung der Falten} [...]
{Die Glieder müßen/ unter dem Gewand/ hervorscheinen. Die Falten/ müßen nicht überhäuft seyn} [...]
{Linde und grobe Falten} [...]
{Mancherley Falten der Zeuge} [...]

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Pour peindre sur le bois, après l’avoir bien encollé avec la brosse, on y donne d’ordinaire une couche de blanc détrempé avec de la colle, avant que de le couvrir de l’imprimeure à huile, dont j’ay parlé ; Mais il est vray qu’à present l’on se sert beaucoup plus de toile que d’autres choses, principalement pour les grands tableaux ; parce qu’elle est plus commode à transporter que le bois, qui est pesant, & d’ailleurs sujet à se fendre. On choisit du coutil, ou de la toile la plus unie, & lorsqu’elle est bien tenduë sur un chassis, l’on y donne une couche d’eau de colle, & après on passe par dessus une Pierre de ponce pour en oster les nœuds. L’eau de colle sert à coucher tous les petits fils sur la toile, & remplir les petits troux, afin que la couleur ne passe pas au travers. Quand la toile est bien seiche, on l’imprime d’une couleur simple, & qui ne fasse point mourir les autres couleurs, comme du Brun rouge qui est une terre naturelle qui a du corps, & qui subsite, & avec lequel on mesle quelquefois un peu de blanc de plomb, pour le faire plutost seicher. Cette imprimeure se fait aprés que la couleur est broyée avec de l’huile de lin ; & pour la coucher la moins épaisse que l’on peut, on prend un grand couteau propre pour cela. Quand cette couleur est seiche, on passe encore la Pierre de ponce par dessus pour la rendre plus unie ; puis l’on fait, si l’on veut, une seconde imprimeure composée de blanc de plomb, et d’un peu de noir de charbon, pour rendre le fond grisastre, & en l’une ou l’autre des deux manieres on met le moins de couleur que l’on peut, afin que la toile ne casse pas si-tost, & que les couleurs qu’on vient ensuitte à coucher dessus en peigant, se conservent mieux ; Car quand l’on n’imprimeroit point les toiles, & qu’on peindroit tout d’un coup dessus, les couleurs ne s’en porteroient que mieux, & demeureroient plus belles. L’on voit dans quelques Tableaux de Titien, & de Paul Veronese, qu’il observoient d’en faire l’imprimeure à détrempe, sur laquelle ils peignoient ensuitte avec des couleurs à huile ; Ce qui a beaucoup servi à rendre leurs ouvrages plus vifs, & plus frais : parce que l’imprimeure à détrempe attire, & boit l’huile qui est dans les couleurs, & fait qu’elles restent plus belles, l’huile ostant beaucoup de leur vivacité. C’est pourquoy ceux qui veulent que leurs Tableaux demeurent frais employent le moins d’huile qu’ils peuvent, & tiennent leurs couleurs plus fermes y meslant un peu d’huile d’Aspic, qui s’évapore aussi-tost ; mais qui sert à les faire couleur, & qui les rend plus maniables en travaillant. […].

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Couleurs rompuës. Les Couleurs sont rompües lorsqu’elles ne sont pas employées toutes simples & pures, mais qu’on en mesle deux ou plusieurs ensemble pour en affoiblir & éteindre une trop vive ; Comme quand pour diminuer de la vivacité de la Laque, on y mesle un peu de terre verte ; ou bien, quand pour oster de l’éclat du Vermillon, on y mesle du brun rouge, soit en détrempant les Couleurs sur la palette, soit après qu’elles sont couchées sur la toile & en travaillant. Quand une draperie que est d’un jaune clair se trouve ombrée d’une laque obscure, on dit d’ordinaire que cette draperie est jaune rompuë de rouge. C’est pourtant mieux dit qu’elle est jaune ombrée de laque, si les deux couleurs sont separées : car le mot rompu ne se prend proprement que lors que la couleur n’est pas pure, mais meslée avec une autre. Enfin une couleur rompuë, parmy les Peintres, est celle que l’on esteint, & dont l’on diminuë la force ; ce qui sert beaucoup pour l’union & l’accord qui doit estre dans toutes celles qui composent un Tableau. Le Titien, Paul Veronese, & les autres Lombards s’en sont heureusement servis, comme l’a fort bien remarqué M. de Pile sur la poëme du sieur du Fresnoy. Les Italiens nomment cela Rottura de colori.

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Want indien zulk een meester, als Titiaen, zoo begaeft in de natuur en 't leven te volgen, deur de Teykenkonst geholpen waer geweest, en zijn grooten geest en levende handeling op de studie gesteunt hadde, hy waer alles te boven gekomen. Laet nu dit oordeel vry wat eenzijdich zijn; want de Teykenkonst wort hier niet genomen voor wel het leeven te volgen, maer voor altijts het schoonste te verbeelden, gelijk Agnolo in zijn grooten Laetsten dach wel betoont heeft, daer hy zijne beelden met een grootse maniere, en in schoone gestaltenissen, voeglijk aen d'opstanding, heeft voortgebracht.

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Avec l’instruction pour le mélange des Couleurs, à donner la force aux Figures, qui sont sur le devant du Tableau, pour faire fuïr celles du derriere, à faire les teintes, les Jours & les Ombres si tendres, qu’on ne puisse connoistre leur conjonction, qui est ce que les Romains nomment Clair-obscur. La manière de bien préparer les couleurs pour imiter la Nature, qui est le sujet de cet Art.
Or comme le Dessein est l’ame de la Peinture, les couleurs en sont le corps qui produisent d’agreables effets, estant touchées d’une artiste main ; si bien que le mélange des Jours & des Ombres, c’est à dire une conjonction d’un Clair-Obscur qui est imperceptible, & qui est difficile à connoistre, comme il se voit en plusieurs Tableaux, & comme on a vû dans un Tableau de Titin [Titien], où il a fait une Danaé couchée sur le dos, son sein découvert au grand jour, qui paroissoit rond, sans qu’on apperçoive aucun ombre, c’est une chose assez surprenante.

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Le Peintre allant à la campagne, doit estre fourny de Tablettes & de Crayon, pour remarquer les choses qu’il voit estre dignes, comme ont fait le Titien, les Caraches, & autres bons Maistres, comme il se voit entre les mains des Curieux de Peinture, quantité d’Estudes & Remarques que ses grands Hommes ont faites sur des fuëilles [sic] & sur des Livres en tablettes qu’ils portoient toûjours sur eux.
Je ne parle point icy des premiers commencemens du dessein, comme du maniement du Crayon, du juste rapport que doit avoir la copie avec son original.
Je suppose avant que de commencer ses Estudes, que l’on doit avoir une facilité dans la main, pour imiter les beaux Desseins, les beau [sic] Tableaux & la Ronde-bosse : Que l’on doit enfin avoir la Clef du dessein, pour en profiter selon nos soins & nostre genie.

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Evitez les ombres fortes sur le milieu des membres, de peur que le trop de noir, qui compose ces ombres, ne semble entrer dedans & les couper. Cherchez plustot à les placer à l’entour, pour relever davantage les parties, & prenez vostre jour si avantageux, qu’aprés de grandes lumieres vous trouverrez de grandes ombres : d’où vient que c’est avec raison que l’on dit du Titien, qu’il n’avoit pas de meilleure regle pour la distribution des jours & des ombres, que la grappe de raisin.

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{Von In Fresco, oder auf nassen Kalch zumahlen.} […]

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Bey solcher Ausmahlung des Hauptwercks/ ist zuvorderst iedesmal eine Durchsicht offen zulassen/ zu Erkennung der Horizonts-Höhe. Darnach soll man seine Bilder vernünfftig eintheilen/ nicht zu dünn besäen; sondern/ wo das Hauptwerck hintrifft/ wol ins Gesicht bringen/ viel Figuren/ ja/ wol gantze Grupen oder Hauffen beysammen dahin stellen/ und iedwedes sein Amt also verrichten/ daß dahin auch das schönste Liecht gehalten/und der beste Gewalt des Wercks gesehen werde. Wie dessen/ in ihren Wercken alle fürnehme Meister/ als Titian und Tintoret, sonderlich der meisterhaffte Paul Verones erfahren/ gewesen/ und ihre Kunst-Wercke zu Exempeln hinterlassen. {Des Wohlstands} Man soll sich an kein besonder Bild binden; sondern allezeit meist Achtung geben/ auf daß/ was die gantze Historie erfordert; mit Beyfügung einiger der Materi/ wol anständiger fremder Ersinnung/ wolstehender Bilder/ guter Stellung und Affecten. Welche alle/ durch ihre Geberden zu erkennen geben/ was iedes Amt sagen will.

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Es haben auch die Alten sich hierin sehr vernünfftig und viel bemüht/ die Landschafften nach dem Leben zuzeichnen/ und alsdann/ nach selbiger Zeichnung/ zu Hause ihre Gemähl zu verrichten. Die beste Art/ natürliche Landschafften mahlen zu lernen. Welchen Gebrauch/ sonderlich wo es an Zeit fehlet/ ich auch nicht gar verwehrt/ sondern vielmehr selbst mit gefolgt habe; aber wie ich mich ohnverdrossen besser daran gemacht/ und zu Rom/ auch zu Tivoli/ etliche Monatlang/ mit Farben und Tüchern ins Feld begeben/ und so gar nach dem Leben gemahlt/ und alles dasjenige/ nach solchen natürlichen Modeln/verfertigt/ hernach zu Hause gegen denselben die Nachzeichnung gemacht/ und paragonirt, hat neben mir den mächtigen Unterschied so handgreiflich gesehen und erkannt/ daß dieses dem wahren Weg zur Vollkommenheit weisete/ und daß er selbst auch also gefolgt/ bis er endlich ein Meister in Landschafften worden ist: mein Nachbar Claude Gilli, als ein hohes Liecht in Landschafften/ den mächtigen Unterschied so handgreiflich gesehen und erkannt/ daß dieses dem wahren Weg zur Vollkommenheit weisete/ und daß er selbst auch also gefolgt/ bis er endlich ein Meister in Landschafften worden ist: […]

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Je dis donc que si dans les choses naturelles, c’est la forme qui maintient l’estre, & qui est principe de leur durée, il en est tout autrement dans les ouvrages de l’art, où la matière conserve leur forme, & les fait résister plus ou moins à l’effort des années. C’est pourquoy les Peintres qui veulent que leurs ouvrages se conservent plus long-temps, ne doivent pas negliger de travailler sur des fonds durables, & avec des couleurs qui ne passent point. Il est vray qu’ils n’ont pas toujours la liberté de choisir le fond de leurs Tableaux, estant obligez de travailler, tantost sur des murailles, tantost sur du bois, & souvent sur de la toile ; mais il est toujours dans leur pouvoir d’apporter beaucoup de soin à preparer ces divers fonds, & à chercher les couleurs qui sont les meilleures. Ainsi quand on peint à fraisque, c’est au Peintre à prendre garde que l’enduit soit de bonne chaux & de bon sable, & à faire provision des couleurs propres pour ces sortes d’ouvrages, parceque celles qui servent à peindre à huile n’y sont pas toutes également bonnes. Les plus terrestres & les moins composées sont les vrayes couleurs dont on se doit servir à fraisque. Pour travailler à huile il faut encore user des mesmes precautions.

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Je sçay bien, dit Pymandre, que les Peintres ont receu un grand secours de la maniere de peindre à huile, mais ne trouvez-vous pas que ce qui est peint à fraisque a plus d’éclat & de vivacité.
Dans les grands Ouvrages, luy repartis-je, & principalement dans les voutes, où il est malaisé de trouver des jours propres pour bien voir la Peinture à huile, il est certain que la fraisque est plus commode, & plus expeditive, outre qu’elle ne se pert presque jamais que par la ruine des bastimens mesmes contre lesquels on a travaillé, comme vous avez peu voir à Rome dans ces grandes salles du Vatican, dans plusieurs autres Palais, & dans les ruës mesmes de la ville.
 
[…] Il est vray encore que la vivacité des couleurs se conserve mieux dans la peinture à fraisque que dans la peinture à huile qui est sujette à jaunir & à noircir, & qui se détache quand elle est contre de gros murs à cause de l’humidité, comme il se voit dans le Tableau de la Cene que Leonard de Vinci a peinte à Milan.
Cependant pour ce qui regarde les Tableaux de moyenne grandeur, l’huile est plus commode et fait un meilleur effet ; parce qu’on peut retoucher davantage son ouvrage ; & que les couleurs employées avec l’huile imitent bien mieux le naturel. Si elles ne sont pas si vives ny si fraisches que celles de la peinture à fraisque ou à destrempe, les ombres en recompense en sont bien plus fortes : ce qui fait qu’on peut par ce moyen donner beaucoup plus de relief aux figures, que non pas dans les autres manieres de peindre. Nous voyons mesme de grands ouvrages à huile qui font des effets admirables, quoy que ce soit dans des voutes d’Eglise & des galeries où les jours pouroient n’estre pas si advantageux qu’à la fraisque, comme ce que l’on a peint au Louvre, aux Thuilleries & en divers autres lieux de Paris, sans parler de ces grands Tableaux du Titien & de Paul Veronese qui sont à Venise, & qui sont si merveilleux pour la beauté & la fraischeur du coloris. Car il est certain que l’on manie plus facilement les couleurs à huile ; & que dans la detrempe on ne peut bien finir une chose qu’avec la pointe du pinceau & avec une patience tres-grande ; Mais à huile un Peintre peut empaster de couleurs & retoucher son ouvrage autant de fois qu’il luy plaist : Et quand il entend bien la diminution des teintes, il a beaucoup plus de plaisir & d’avantage dans son travail. Mais il faut auparavent qu’il dispose, comme je croy vous l’avoir desja dit, les matieres propres pour ce qu’il veut faire, afin de ne pas perdre son temps sur un ouvrage qui ne dureroit que peu d’années.

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Ce que fait, dit Pymandre, que les Tableaux sont si differents les uns des autres dans le coloris, n’est-ce point que les ouvriers n’ont pas une égale connoissance de ce meslange ; car Denis d’Halicarnasse semble s’estonner de ce qu’encore que ceux qui peignent des animaux se servent tous de mesmes couleurs ; il y a cependant toujours beaucoup de difference dans leurs coloris. Or non seulement je remarque cette diversité dans ceux qui font des animaux & qui imitent les choses les plus simples de la Nature, mais aussi dans tous les grands Peintres qui ont représenté le corps humain. Car chacun le peint differemment & d’une maniere particuliere, comme ont fait le Guide, le Dominiquin, Lanfranc & tant d’autres, quoy qu’ils eussent estudié en mesme école, & qu’ils eussent, si vous voulez, un mesme sujet à imiter.
Ce n’est pas, luy respondis-je, le meslange seul des couleurs qui fait cette difference, mais ç’a esté un goust particulier, & une volonté propre à chacun de ces grands hommes qui les a portez à suivre une maniere particuliere selon qu’elle leur a semblé plus vraye & plus forte ; Et ce choix que chacun d’eux en a fait est d’autant plus estimable qu’on voit qu’ils approchent du vray & du beau.
De sorte que si dans les Tableaux de ces differents Peintres que vous avez nommez, il y a des carnations qui sont plus grises, d’autres plus rouges, & d’autres plus noires que le naturel, c’est un effet de l’inclination & du differend goust de ces maistres.

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C’est pourquoy le Titien s’est rendu considerable, & s’est eslevé au dessus de tous les autres pour avoir si bien sçeu connoistre la couleur de toutes les choses qu’il a voulu peindre, n’ayant point eu de maniere particuliere ; mais ayant tellement imité la belle Nature, qu’il a toujours representé la chair comme une véritable chair ; le bois comme du bois ; la terre comme de la terre, & ainsi tout ce qu’il a voulu peindre.

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Dans l’art de traiter les couleurs, & dans le meslange que l’on fait des unes avec les autres, il se rencontre beaucoup de choses à considerer. Car il y a le meslange des couleurs qui se fait sur la palette avec le couteau lors que l’on compose les principales teintes dont on croit avoir besoin : Et le meslange qui se fait avec le pinceau sur la palette ou sur le Tableau mesme pour joindre ensemble toutes les couleurs & pour les noyer les unes avec les autres. De tous ces differents meslanges de couleurs s’engendre cette multitude de differentes teintes qui se rencontrent dans les tableaux, sans lesquelles le Peintre ne peut bien imiter, ny les carnations, ny les draperies, ny generallement toutes les autres choses qu’il veut representer. Et comme il doit faire le meslange de ses teintes sur sa palette ou sur son tableau selon les couleurs qui luy paroissent dans le naturel, il faut qu’il soit extraordinairement soigneux d’observer dans la Nature de quelle maniere elles y paroissent : c’est à dire qu’il doit, en considerant les corps des hommes, regarder de quelle façon ils sont colorez ; quelles parties sont plus vives, & quelles parties sont plus claires ; celles qui sont plus rouges & celles qui ont une apparence un peu bluastre, comme sont d’ordinaire les chairs plus délicates ; & prendre bien garde comment toutes ces differentes couleurs s’unissent & se meslent si bien ensemble, qu’il semble qu’une infinité de diverses teintes ne fassent qu’une seule couleur.
Quand un Peintre sçait mesler ses couleurs, les lier & noyer tendrement, on appelle cela bien peindre ; C’est la partie qu’avoit le Corege, comme je vous ay dit assez de fois, & ce beau meslange de couleurs non seulement se doit faire dans les superficies égales en clarté, mais encore dans la jonction ou nouëment des parties claires avec les brunes.
Ce nouëment, interrompit Pymandre, & ce meslange de couleurs qui se fait avec tendresse, est-ce point ce que Pline appelle
commissura & transitus colorum ? Et ce qu’Ovide entend lors qu’il parle des couleurs de l’arc-en-ciel, quand il dit :
In quo diversiniteant cum mille colores,
Transitus ipse tamen spectantia lumina fallit,
Usque adeo quod tangit idem & tamen ultima distant. {Ovid. 6. Meth. v. 65.}
Je ne croy pas qu’on puisse mieux exprimer le passage presqu’insensible qui se fait d’une couleur à une autre. Il me souvient que Philostrate traitant de l’education d’Achilles, observe que ce qui paroissoit de plus merveilleux dans la representation de Chiron peint en Centaure, estoit l’assemblage de la Nature humaine avec celle du cheval, que le Peintre avoit si adroitement jointes ensemble, qu’on ne pouvoit connoistre la separation de l’une d’avec l’autre, ny s’apercevoir où elle commençoit, & où elle finissoit.

Les plus beaux exemples qu’un en voye dans la peinture, repartis-je sont dans la Gallerie de Farnese, où  les Caraches ont representé Persée qui change des hommes en pierres : Et dans le Cabinet du Roy, où le Guide a peint le Cantaure Nesse qui enleve Dejanire.

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Dans l’art de traiter les couleurs, & dans le meslange que l’on fait des unes avec les autres, il se rencontre beaucoup de choses à considerer. Car il y a le meslange des couleurs qui se fait sur la palette avec le couteau lors que l’on compose les principales teintes dont on croit avoir besoin : Et le meslange qui se fait avec le pinceau sur la palette ou sur le Tableau mesme pour joindre ensemble toutes les couleurs & pour les noyer les unes avec les autres. De tous ces differents meslanges de couleurs s’engendre cette multitude de differentes teintes qui se rencontrent dans les tableaux, sans lesquelles le Peintre ne peut bien imiter, ny les carnations, ny les draperies, ny generallement toutes les autres choses qu’il veut representer. Et comme il doit faire le meslange de ses teintes sur sa palette ou sur son tableau selon les couleurs qui luy paroissent dans le naturel, il faut qu’il soit extraordinairement soigneux d’observer dans la Nature de quelle maniere elles y paroissent : c’est à dire qu’il doit, en considerant les corps des hommes, regarder de quelle façon ils sont colorez ; quelles parties sont plus vives, & quelles parties sont plus claires ; celles qui sont plus rouges & celles qui ont une apparence un peu bluastre, comme sont d’ordinaire les chairs plus délicates ; & prendre bien garde comment toutes ces differentes couleurs s’unissent & se meslent si bien ensemble, qu’il semble qu’une infinité de diverses teintes ne fassent qu’une seule couleur.

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Mais il y a de la difference de cette manière de passer d’une couleur à une autre, à cette autre union & à ce passage de couleurs dont nous venons de parler. Quoy que ce soit une chose tres-estimable de bien unir ensemble les couleurs pour joindre des corps de differentes especes, ce n’est rien neanmoins en comparaison de sçavoir peindre les contours & les extremitez de tous les corps en general, & faire qu’ils se perdent par une suite & un détour insensible, qui trompe la veuë de telle sorte qu’on ne laisse pas d’y comprendre ce qui ne se voit point.

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Et parce que les lumieres & les ombres apportent du changement dans les couleurs, il faut donc que le Peintre fasse le plus d’observations qu’il pourra pour remarquer ces sortes d’alterations ; & qu’en premier lieu il se souvienne que la Peinture ne luy fournit que le noir & le blanc pour representer l’ombre & la lumiere, & que c’est avec ces deux couleurs qu’il peut rendre toutes les autres plus ou moins sensibles. Mais il doit estre fort judicieux & retenu quand il employe le blanc & le noir dans ses ouvrages, parce que comme les jours & les ombres donnent le relief & les enfoncemens aux corps, & aident à en faire paroistre les parties ou plus proches ou plus éloignées, il ne reussira jamais bien dans ce qu’il entreprendra, s’il ne sçait temperer ses bruns & ses clairs, en sorte qu’ils fassent le mesme effet qui paroist dans les choses de relief. Pour cela il faut qu’en peignant la superficie d’un corps, sa couleur soit plus claire & plus lumineuse dans l’endroit où les rayons de lumiere doivent frapper davantage.

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La Peinture, luy repartis-je, embrasse, comme je vous ay dit plusieurs fois, tant de parties, dont la moindre demanderoit la vie d’un homme pour la bien étudier, qu’il ne faut pas estre surpris si les plus grands Peintres ne les ont jamais possédées toutes dans une égale perfection. Cependant comme la fin principale du Peintre est de representer la Nature sur une superficie plate ; & que cela ne se fait bien que par le moyen des couleurs, des ombres & des jours conduits judicieusement avec l’aide du dessein, qui doit estre toujours le guide & comme le maistre dans les ateliers des Peintres. Il est certain que ceux qui se sont rendus bons coloristes ont fait un grand progrez, & sont entrez bien avant, s’il faut ainsi dire, dans ce qu’il y a de plus secret & de plus beau dans cet art. C’est ce qui est arrivé au Titien & à ceux de son Escole, & qui leur a fait mériter une gloire toute particuliere.

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Cependant, dit Pymandre, il me semble que vous venez de dire que ce qui fait le fort & le foible, & ce que vous appelez l’affoiblissement des teintes, se doit comprendre par les diverses coupes qu’on se peut imaginer à mesure que les corps s’éloignent.
Il est vray, luy repliquay-je, & c’est dont nous avons tantost parlé sur le sujet de la perspective de l’air, Leon Baptiste Albert appelle cette coupe Il taglio.

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Il est vray, luy repliquay-je, & c’est dont nous avons tantost parlé sur le sujet de la perspective de l’air, Leon Baptiste Albert appelle cette coupe Il taglio. J’avouë que dans la speculation l’on peut comprendre de quelle sorte les objets doivent diminuer de couleur par ces differentes coupes. Mais quand on vient à la pratique, cette speculation, ou le raisonnement qui fait juger combien un corps doit perdre de sa couleur lors qu’on le veut faire paroistre enfoncé dans le tableau dix ou douze pieds plus qu’un autre, ne peut apprendre précisément comment il faut diminuer la teinte de cette couleur, & la proportionner à son éloignement. Avez-vous jamais remarqué un maistre de Musique qui accorde un luth ou une harpe, il vous fera bien connoistre quel ton la premiere corde doit avoir avec la seconde, & ainsi des autres : mais il ne peut vous enseigner à les accorder, en vous disant qu’il faut tourner les chevilles un certain nombre de tours. Il faut que ce soit l’oreille qui juge de l’harmonie lors qu’on les touche. De mesme dans les couleurs on peut dire qu’il en faut diminuer ou augmenter la teinte à mesure qu’elles s’éloignent ou s’approchent ; ou qu’elles reçoivent divers accidents d’ombres & de lumieres : mais c’est à l’œil à juger du plus ou du moins de force qu’on leur donne en les meslant.
Cependant, interrompit Pymandre, si un grand ouvrage est traité avec le mesme art qu’un plus petit, le plus grand ne doit-il pas estre plus estimé ?
Il est vray, répondis-je ; mais c’est en quoy ils trouvoient de la difficulté, demeurant quasi tous d’accord qu’on ne peut faire paroistre tant de force dans une grande disposition d’ouvrage que dans un tableau qui est composé de peu de figures ; & la raison qu’ils en apportoient, est que la Peinture a ses bornes & ses limites […].
Cependant, dit Pymandre, il me semble qu’il faut bien plus de science pour traitter un grand ouvrage, pour le bien disposer, pour le remplir d’une infinité de differentes figures, d’habits, d’accomodemens, & pour y faire paroistre toutes ces parties dont vous m’avez parlé, que pour peindre seulement trois ou quatre figures ensemble.
Je vous avouë, repartis-je, que pour bien representer un grand sujet, il faut beaucoup plus de science, plus de travail, & que c’est-là qu’un Peintre a toute l’estendüe necessaire pour donner des marques de son sçavoir. Mais il y en a qui vous diront que ce n’est pas dans ces rencontres que l’art peut faire paroistre davantage sa puissance & la force de ses charmes.

 
[...] De sorte, dist Pymandre, que je puis sur cela vous faire une question, & vous demander ce que l’on doit le plus estimer dans un tableau ou le genie du Peintre, ou la force de l’Art.
Comme l’esprit du Peintre paroist dans tout ce qu’il fait, repartis-je, vous pourriez plustost demander lequel est le plus digne d’estime, ou celuy qui sçait tromper par la force de son Art, ou celuy qui montre beaucoup d’invention & de feu dans de grands ouvrages, mais qui ne trompent point comme les autres.


[…] Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir exécuté ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles se voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.

Pour moy, respondit Pymandre, je ne voudrois pas donner mon jugement là dessus ;
mais j'ay leu que Zeuxis ayant peint une Centaure, se fascha voyant que l’on en estimoit plustost la nouvelle invention, que l’art qu’il avoit employé à la bien representer, estimant davantage cette derniere partie que la premiere. Et j’ay encore remarqué que les Anciens ont fait beaucoup de cas de plusieurs tableaux qui n’estoient que de peu de figures.
C’est pourquoy, repris-je, ceux qui ont une inclination particuliere pour les Ouvrages du Titien, & des autres Peintres de Lombardie, disent que si les Anciens ont receu beaucoup de loüanges pour des sujets de peu de figures, l’on ne doit pas trouver à redire si le Titien pour les imiter a plustost tasché d’acquerir la partie de bien peindre, que celle qui regarde les grandes dispositions, & la connoissance particuliere de l’Histoire & des Coustumes. Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir executé ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.
 
[...] Il gardoit parfaitement, luy repondis-je, cette maxime, dont je croy avoir déjà parlé sur le sujet de l’ordonnance, qui est de ne pas remplir ses tableaux de quantité de petites choses, mais d’éviter le deffaut où tombent plusieurs Peintres, qui par la quantité excessive des parties dont ils composent leurs ouvrages les rendent, petits & plains de ce que les Italiens appellent Triterie.
 
[…]
Car encore que la perspective de l’air, & l’affoiblissement des couleurs, par cette coupe dont je viens de parler, soit en effet dans les tableaux, ce qui fait fuir ou avancer les corps ; le Peintre neanmoins qui doit toujours chercher à se prevaloir de toutes sortes des moyens & des secrets de son art quand il veut imiter la force de la Nature, est d’autant plus digne d’estime qu’il sçait découvrir des chemins comme inconnus, pour arriver à son but. C’est pourquoy le Titien sçavoit qu’outre l’affoiblissement que les couleurs reçoivent par les coupes de l’air, & par les differens éloignemens, il y a encore dans les mesmes couleurs, ou une force ou une foiblesse essentielle à leur nature laquelle rend à la veuë les unes plus sensibles que les autres, comme nous avons déjà remarqué ; il sçavoit, dis-je, tout cela, & c’est pourquoy il a toujours observé autant qu’il a pu de les ranger les unes auprès des autres, en sorte que les plus fortes fussent sur les plus foibles.

Quotation

Il est vray, luy repliquay-je, & c’est dont nous avons tantost parlé sur le sujet de la perspective de l’air, Leon Baptiste Albert appelle cette coupe Il taglio. J’avouë que dans la speculation l’on peut comprendre de quelle sorte les objets doivent diminuer de couleur par ces differentes coupes. Mais quand on vient à la pratique, cette speculation, ou le raisonnement qui fait juger combien un corps doit perdre de sa couleur lors qu’on le veut faire paroistre enfoncé dans le tableau dix ou douze pieds plus qu’un autre, ne peut apprendre précisément comment il faut diminuer la teinte de cette couleur, & la proportionner à son éloignement. Avez-vous jamais remarqué un maistre de Musique qui accorde un luth ou une harpe, il vous fera bien connoistre quel ton la premiere corde doit avoir avec la seconde, & ainsi des autres : mais il ne peut vous enseigner à les accorder, en vous disant qu’il faut tourner les chevilles un certain nombre de tours. Il faut que ce soit l’oreille qui juge de l’harmonie lors qu’on les touche. De mesme dans les couleurs on peut dire qu’il en faut diminuer ou augmenter la teinte à mesure qu’elles s’éloignent ou s’approchent ; ou qu’elles reçoivent divers accidents d’ombres & de lumieres : mais c’est à l’œil à juger du plus ou du moins de force qu’on leur donne en les meslant.

Quotation

Cependant, interrompit Pymandre, si un grand ouvrage est traité avec le mesme art qu’un plus petit, le plus grand ne doit-il pas estre plus estimé ?
Il est vray, répondis-je ; mais c’est en quoy ils trouvoient de la difficulté, demeurant quasi tous d’accord qu’on ne peut faire paroistre tant de force dans une grande disposition d’ouvrage que dans un tableau qui est composé de peu de figures ; & la raison qu’ils en apportoient, est que la Peinture a ses bornes & ses limites […].
Cependant, dit Pymandre, il me semble qu’il faut bien plus de science pour traitter un grand ouvrage, pour le bien disposer, pour le remplir d’une infinité de differentes figures, d’habits, d’accomodemens, & pour y faire paroistre toutes ces parties dont vous m’avez parlé, que pour peindre seulement trois ou quatre figures ensemble.
Je vous avouë, repartis-je, que pour bien representer un grand sujet, il faut beaucoup plus de science, plus de travail, & que c’est-là qu’un Peintre a toute l’estendüe necessaire pour donner des marques de son sçavoir. Mais il y en a qui vous diront que ce n’est pas dans ces rencontres que l’art peut faire paroistre davantage sa puissance & la force de ses charmes.

 
[...] De sorte, dist Pymandre, que je puis sur cela vous faire une question, & vous demander ce que l’on doit le plus estimer dans un tableau ou le genie du Peintre, ou la force de l’Art.
Comme l’esprit du Peintre paroist dans tout ce qu’il fait, repartis-je, vous pourriez plustost demander lequel est le plus digne d’estime, ou celuy qui sçait tromper par la force de son Art, ou celuy qui montre beaucoup d’invention & de feu dans de grands ouvrages, mais qui ne trompent point comme les autres.


[…] Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir exécuté ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles se voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.

Pour moy, respondit Pymandre, je ne voudrois pas donner mon jugement là dessus ;
mais j'ay leu que Zeuxis ayant peint une Centaure, se fascha voyant que l’on en estimoit plustost la nouvelle invention, que l’art qu’il avoit employé à la bien representer, estimant davantage cette derniere partie que la premiere. Et j’ay encore remarqué que les Anciens ont fait beaucoup de cas de plusieurs tableaux qui n’estoient que de peu de figures.
C’est pourquoy, repris-je, ceux qui ont une inclination particuliere pour les Ouvrages du Titien, & des autres Peintres de Lombardie, disent que si les Anciens ont receu beaucoup de loüanges pour des sujets de peu de figures, l’on ne doit pas trouver à redire si le Titien pour les imiter a plustost tasché d’acquerir la partie de bien peindre, que celle qui regarde les grandes dispositions, & la connoissance particuliere de l’Histoire & des Coustumes.

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[...] De sorte, dist Pymandre, que je puis sur cela vous faire une question, & vous demander ce que l’on doit le plus estimer dans un tableau ou le genie du Peintre, ou la force de l’Art.
Comme l’esprit du Peintre paroist dans tout ce qu’il fait, repartis-je, vous pourriez plustost demander lequel est le plus digne d’estime, ou celuy qui sçait tromper par la force de son Art, ou celuy qui montre beaucoup d’invention & de feu dans de grands ouvrages, mais qui ne trompent point comme les autres.

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[...] De sorte, dist Pymandre, que je puis sur cela vous faire une question, & vous demander ce que l’on doit le plus estimer dans un tableau ou le genie du Peintre, ou la force de l’Art.
Comme l’esprit du Peintre paroist dans tout ce qu’il fait, repartis-je, vous pourriez plustost demander lequel est le plus digne d’estime, ou celuy qui sçait tromper par la force de son Art, ou celuy qui montre beaucoup d’invention & de feu dans de grands ouvrages, mais qui ne trompent point comme les autres.


[…] Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir exécuté ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles se voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.

Pour moy, respondit Pymandre, je ne voudrois pas donner mon jugement là dessus ;
mais j'ay leu que Zeuxis ayant peint une Centaure, se fascha voyant que l’on en estimoit plustost la nouvelle invention, que l’art qu’il avoit employé à la bien representer, estimant davantage cette derniere partie que la premiere. Et j’ay encore remarqué que les Anciens ont fait beaucoup de cas de plusieurs tableaux qui n’estoient que de peu de figures.
C’est pourquoy, repris-je, ceux qui ont une inclination particuliere pour les Ouvrages du Titien, & des autres Peintres de Lombardie, disent que si les Anciens ont receu beaucoup de loüanges pour des sujets de peu de figures, l’on ne doit pas trouver à redire si le Titien pour les imiter a plustost tasché d’acquerir la partie de bien peindre, que celle qui regarde les grandes dispositions, & la connoissance particuliere de l’Histoire & des Coustumes. Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir executé ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.

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C’est pourquoy, repris-je, ceux qui ont une inclination particuliere pour les Ouvrages du Titien, & des autres Peintres de Lombardie, disent que si les Anciens ont receu beaucoup de loüanges pour des sujets de peu de figures, l’on ne doit pas trouver à redire si le Titien pour les imiter a plustost tasché d’acquerir la partie de bien peindre, que celle qui regarde les grandes dispositions, & la connoissance particuliere de l’Histoire & des Coustumes. Car c’est ainsi qu’ils jugent en deux manieres de l’obligation du Peintre ; l’une qui est de sçavoir comment les choses doivent estre historiées ; & l’autre de les sçavoir bien peindre. Or comme la derniere est sans doute tres-difficile, puis qu’en cet art, comme dans plusieurs autres, l’execution est au dessus de la theorie, il est toujours plus avantageux de pouvoir faire que de sçavoir simplement ce qu’il faut faire, ils trouvent qu’il est plus glorieux au Titien d’avoir executé ses ouvrages dans la perfection des couleurs où elles voyent, que s’il n’eust sceu, comme quantité d’autres Peintres, qu’inventer de grands sujets qui n’eussent pas esté peints avec cette beauté que l’on admire dans ses ouvrages.

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[...] Il gardoit parfaitement, luy repondis-je, cette maxime, dont je croy avoir déjà parlé sur le sujet de l’ordonnance, qui est de ne pas remplir ses tableaux de quantité de petites choses, mais d’éviter le deffaut où tombent plusieurs Peintres, qui par la quantité excessive des parties dont ils composent leurs ouvrages les rendent, petits & plains de ce que les Italiens appellent Triterie.

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Et lors que la necessité de son sujet l’obligeoit de mettre des couleurs plus foibles sur le devant, il [ndr : Titien] les accompagnoit de quelque chose dont la couleur plus forte servoit à soustenir & à faire avancer les autres. J’ay veu remarquer à des Peintres, que dans le tableau où il a représenté Bacchus & Ariadne, afin de faire approcher davantage une draperie qui est sur le devant, & qui de soy est d’une couleur foible et legere, il a trouvé l’invention de mettre un vase dessus, lequel estant d’une couleur brune & forte, tire le tout en avant.
Est-ce, dit alors Pymandre, que les choses les plus claires s’éloignent & que les plus brunes s’avancent davantage.
C’est ainsi, répondis-je, que les plus sçavans Peintres l’entendent. Ils vous feront remarquer que ce qui est noir a plus de force & s’accroche bien plus que ce qui est blanc.
C’est repliqua Pymandre, ce que je n’aurois pas cru, car il me semble que ce qui est noir perce & fait un trou, & que le blanc vient en avant.
Ainsi, les couleurs qui sont plus claires avancent-elles pas davantage que celles qui le sont moins, & dans un tableau, une draperie d’un bleu clair, ou d’un vert pasle, ne s’approchera-t’elle pas plus qu’un autre vestement qui sera rouge brun, ou d’un jaune orangé.

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C’est ainsi, répondis-je, que les plus sçavans Peintres l’entendent. Ils vous feront remarquer que ce qui est noir a plus de force & s’accroche bien plus que ce qui est blanc.
C’est repliqua Pymandre, ce que je n’aurois pas cru, car il me semble que ce qui est noir perce & fait un trou, & que le blanc vient en avant.
Ainsi, les couleurs qui sont plus claires avancent-elles pas davantage que celles qui le sont moins, & dans un tableau, une draperie d’un bleu clair, ou d’un vert pasle, ne s’approchera-t’elle pas plus qu’un autre vestement qui sera rouge brun, ou d’un jaune orangé.

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Dans la Peinture le blanc n’a point tant de force que le noir qui dans un tableau represente bien mieux l’obscurité que le blanc ne peut faire la lumière, à cause que la sensation du blanc s’affoiblit dans l’œil par la disgregation, si vous me permettez d’user de ce mot, que les rayons de la veuë reçoivent d’une trop grande blancheur ; au lieu que le noir se rassemble.

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Les beaux effets de lumiere, & un éclat de jour que l’on voit au haut d’une montagne qui semble veritablement éclairée du Soleil ne paroistroient ny si vrays ny si agreables, s’il [ndr : Titien] n’eust  ménagé les couleurs les plus claires ; ou s’il les eust répanduës également dans tout son tableau. Aussi ce sont ces coups de maistre qui sont dans un ouvrage ce qu’on nomme le precieux ; il ne doit y avoir guere de ces richesses, & mesme comme bien souvent ce n’est pas une petite perfection à un Orateur de sçavoir supprimer beaucoup de choses. {Plin. lib 7. epist. 6.} […]

Quotation

[…] La beauté ne consiste point dans les parures, & dans les ornemens. Un peintre ne doit pas s’arrester aux petits ajustements, sur tout dans les sujets d’histoires, où il pretend representer quelque chose de grand & d’heroïque. Il y doit faire paroistre de la grandeur, de la force, & de la noblesse, mais rien de petit & de delicat, ny de trop recherché. Il est des ouvrages de Peinture, comme de ceux de Poësie. Il ne faut pas qu’il paroisse que l’ouvrier ait pris plus de plaisir à se satisfaire luy-mesme, & à faire connoistre le jeu de son esprit & la delicatesse de son pinceau qu’à considerer le merite de son sujet. Quintilien blame Ovide de cette trop grande délicatesse.

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 [...] Il faut donc, poursuivit-elle [Princesse des cabalistes], s’étudier à la recherche d’une belle Manière de peindre, vague, hardie, & sans contrainte, d’un dessein tendre & coulant, mais libre & de grande maniere, sans s’attacher avec scrupule à cent choses, qui gâtent la majesté d’un ouvrage. Prenez pour exemplaires les ouvrages de l’illustre & fameux Michelange, le Coriphée des Peintres Anciens & Modernes, d’un Titien, d’un Tintoret, d’un Georgion, d’un Paul Veronese, du Guide, des Bassans, de S. Martin, de Rubens, de Vandick, & tant d’autres que mes maximes ont rendus celebres, & ausquels la science qu’ils ont acquise dans mon Ecole, a donné une réputation glorieuse & immortelle, malgré la jalousie & le caprice de quelques novateurs, qui sous pretexte du rétablissement de la Peinture, tâchent en vain d’élever sur le debris de l’estime qu’on a toûjours euë pour ces grands Peintres, une fausse renommée à leurs sectateurs, & faisans croire aux simples, qu’ils rendent un bon office à ce bel Art, le ruinent entierement, dégoûtans par les embarras & les difficultés dont ils l’ont obscurci, ceux qui avoient dessein de s’y perfectionner.

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 [...] Il faut donc, poursuivit-elle [Princesse des cabalistes], s’étudier à la recherche d’une belle Manière de peindre, vague, hardie, & sans contrainte, d’un dessein tendre & coulant, mais libre & de grande maniere, sans s’attacher avec scrupule à cent choses, qui gâtent la majesté d’un ouvrage. Prenez pour exemplaires les ouvrages de l’illustre & fameux Michelange, le Coriphée des Peintres Anciens & Modernes, d’un Titien, d’un Tintoret, d’un Georgion, d’un Paul Veronese, du Guide, des Bassans, de S. Martin, de Rubens, de Vandick, & tant d’autres que mes maximes ont rendus celebres, & ausquels la science qu’ils ont acquise dans mon Ecole, a donné une réputation glorieuse & immortelle, malgré la jalousie & le caprice de quelques novateurs, qui sous pretexte du rétablissement de la Peinture, tâchent en vain d’élever sur le debris de l’estime qu’on a toûjours euë pour ces grands Peintres, une fausse renommée à leurs sectateurs, & faisans croire aux simples, qu’ils rendent un bon office à ce bel Art, le ruinent entierement, dégoûtans par les embarras & les difficultés dont ils l’ont obscurci, ceux qui avoient dessein de s’y perfectionner.

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[....] La Place estoit ornée tout au tour de Statuës, que les Cabalistes avoient fait ériger à leurs Princes, entre lesquelles celle de Michelange occupoit le premier lieu, accompagné de celles du Titien, du Georgion, de Paul Veronese, du Tintoret, des Bassans, du Correge, du Guide, de Rubens, Vandick, Zuccaro, Lanfranc, Joseph Pin, Maistre Rousse, Saint Martin, Ribera, Pietre Teste, Freminet, Tempeste, Blœmaret, P. ….. V ….. B. …. V. … &c toutes posées sur leurs piedestaux, avec chacune une Inscription à leur loüange.
On ne voyait là ny les Apelles, ny les Timanthes, ny les Raphaëls, ny les Poussins, ny les Leonards de Vincy, ny les Jules Romains, ny les autres de ce merite, dont on ne se doit pas étonner, veu qu’ayans tous esté les Antagonistes de ces faux Peintres, les Cabalistes n’avoient garde de leur donner place parmi ceux dont ils ont méprisé les ouvrages & les maximes.

Quotation

Friend,
            When a Painter has acquired any Excellency in
Desinging, readily and strongly ; What has he to do next ?
                        Traveller,
            That is not half his Work, for then he must begin to mannage his
Colours, it being particularly by them, that he is to express the greatness of his Art. ’Tis they that give, as it were, Life and Soul to all that he does ; without them, his Lines will be but Lines that are flat, and without a Body, but the addition of Colours makes that appear round ; and as it were out of the Picture, which else would be plain and dull. ’Tis they that must deceive the Eye, to the degree, to make Flesh appear warm and soft, and to give an Air of Life, so as his Picture may seem almost to Breath and Move. [...] Friend,
            Wherein particularly lies the Art of
Colouring ?
            Traveller.
Beside the Mixture of Colours, such as may answer the Painter’s Aim, it lies in a certain Contention, as I may call it, between the Light and the Shades, which by the means of Colours, are brought to Unite with each other ; and so to give that Roundness to the Figures, which the Italians call Relievo, and for which we have no other Name : In this, if the Shadows are too strong, the Piece is harsh and hard, if too weak, and there be too much Light, ’tis flat. I, for my part, should like a Colouring rather something Brown, but clear, than a bright gay one : But particularly, I think, that those fine Coral Lips, and Cherry Cheeks, are to be Banished, as being far from Flesh and Blood. ’Tis true, the Skins, or Complexions must vary, according to the Age and Sex of the Person ; An Old Woman requiring another Colouring than a fresh Young one.

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Friend,
            When a Painter has acquired any Excellency in
Desinging, readily and strongly ; What has he to do next ?
                        Traveller,
            That is not half his Work, for then he must begin to mannage his
Colours, it being particularly by them, that he is to express the greatness of his Art. ’Tis they that give, as it were, Life and Soul to all that he does ; without them, his Lines will be but Lines that are flat, and without a Body, but the addition of Colours makes that appear round ; and as it were out of the Picture, which else would be plain and dull. ’Tis they that must deceive the Eye, to the degree, to make Flesh appear warm and soft, and to give an Air of Life, so as his Picture may seem almost to Breath and Move.
                        Friend,
            Did ever any Painter arrive to that Perfection you mention ?
                        Traveller,
            Yes, several, both of the
Antient and Modern Painters. Zeuxis Painted Grapes, so that the Birds flew at them to eat them. Apelles drew Horses to such a likeness, that upon setting them before live Horses, the Live ones Neighed, and began to kick at them, as being of their own kind. And amongst the Modern Painters, Hannibal Carache, relates to himself, That going to see Bassano at Venice, he went to take a Book off a Shelf, and found it to be the Picture of one, so lively done, that he who was a Great Painter, was deceived by it. The Flesh of Raphael’s Pictures are so Natural, that this seems to be Alive. And so do Titians Pictures, who was the Greatest Master for Colouring that ever was, having attained to imitate Humane Bodies in all the softness of Flesh, and beauty of Skin and Complexion.

Quotation

Traveller.
           
There is a thing which the Italians call Morbidezza ; The meaning of which word, is to Express the Softness, and tender Liveliness of Flesh and Blood, so as the Eye may almost invite the Hand to touch and feel it, as if it were Alive ; and this is the hardest thing to Compass in the whole Art of Painting. And ‘tis in this particular, that Titian, Corregio, and amongst the more Modern, Rubens, and Vandike, do Excel.

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Traveller.
           
There is a thing which the Italians call Morbidezza ; The meaning of which word, is to Express the Softness, and tender Liveliness of Flesh and Blood, so as the Eye may almost invite the Hand to touch and feel it, as if it were Alive ; and this is the hardest thing to Compass in the whole Art of Painting. And ‘tis in this particular, that Titian, Corregio, and amongst the more Modern, Rubens, and Vandike, do Excel.
                       
Friend.
            I have heard, that in some Pictures of Raphael, the very Gloss of Damask, and the Softness of Velvet, with the Lustre of Gold, are so Expressed, that you would take them to be Real, and not Painted : Is not that as hard to do, as to imitate Flesh ?
                        Traveller.
            No : Because those things are but the stil Life, whereas there is a Spirit in Flesh and Blood, which is hard to Represent. But a good Painter must know how to do those Things you mention, and many more : As for Example, He must know how to Imitate the Darkness of Night, the Brightness of Day, the Shining and Glittering of Armour ; the Greenness of Trees, the Dryness of Rocks. In a word, All Fruits, Flowers, Animals, Buildings, so as that they all appear
Natural and Pleasing to the Eye.

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Titian was the best Colourer, perhaps, that ever was ; he Designed likewise very well, but not very exactly ; the Airs of his Heads for Women and Children are admirable, and his Drapery loose and noble ; his Portraits are all Master-pieces, no man having ever carried Face-Painting so far ; the Persons that he has drawn having all the Life and Spirit as if they were alive ; his Landskips are the Truest, best Coloured, and Strongest that ever were.

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Traveller,
            ’
Tis very true, tis one of the most difficult parts of Painting [ndr : le traitement de la draperie]; and the best Rule is, that your Drapery be in large Foldings, Noble and Simple, not repeated too often, but following the Order of the Parts ; and let them be of Stuffs and Silks that are commonly worn, of beautiful Colours, but sweet, and such as do not trench upon the Naked too harshly, and by that means they will be of great Use for the Union of the Whole ; either by reflecting the Light, or giving such a Fund as is wanting for the other Colours to appear better. They serve also to fill up any empty place in the Picture.
            There is also a Judicious Choice to be made of Draperies, according to the Quality of the Persons : Magistrates and Grave People must have Ample and Long Robes ; Countrey People and Souldiers must have Close, Short Draperies ; Young Maids and Women must have them Light, Thin, and Tender. They that follow the Drapery of the Antients in Statues, will always be Stiff, as Raphael was at first, because that they used little Foldings, often repeated ; which do best in Marble or Brass. But Painters who have the Command of Colours, Lights and Shadows, may extend their Draperies, and let them fly as they please. Titian, Paul Veronese, Tintoret, Rubens, and Vandike, have painted Drapery admirably ; and indeed the Lombard School have excell’d in that and Colouring, as the Roman and Florentine
in Design and Nudity.

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Traveller.
            Invention
is the Manner of Expressing that Fable and Story which the Painter has chosen for the Subject of his Piece ; and may principally be divided into Order and Decorum. [...] The second part of Invention is Decorum ; that is, that there be nothing Absurd nor Discordant in the Piece : and in this part, the Lombard Painters are very faulty ; taking Liberties that move one almost to Laughter ; Witness Titian himself, who Drew Saint Margaret a Stride upon the Dragon : and most of the Lombard Painters are subject to a certain Absurdity of Anachronisaie’s Drawing. For Example, our Saviour upon the Cross, and Saint Francis and Saint Benedict looking on, though they did not live till eight hundred Years after our Saviour’s Passion. All Indecencies are likewise to be avoided : and Michael Angelo doth justly deserve to be Censured, in his great Picture of the Day of Judgment, for having exposed to view in the Church it self, the secret parts of Men and Women, and made Figures among the Blessed that kiss one another most tenderly. Raphael on the contrary, was so great an Observer of Decorum, that though his Subject led him to any Liberties of that kind, he would find a way to keep to the Rules of Modesty ; and indeed, he seems to have been Inspired for the Heads of his Madonna’s and Saints, it being impossible to imagine more Noble Physionomies than he gives them ; and withal, an Air of Pudour and Sanctity that strikes the Spectator with Respect.

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Avec ces couleurs simples ou doubles, cruës ou mélées, entières ou rompuës, illustres ou sublustres, gomées, collées ou huilées, on drape, on fourre, on bastit, on boise, on flame, on fume, &c. Le Titien y mettoit de la grape de raisin, pour assaisonner & temperer les clairs et les bruns.

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LE PRESIDENT. Si la Sculpture moderne l’emporte si fort sur la Sculpture antique par cet endroit que vous marquez [ndr : un bas-relief de François Anguier], il faut que la Peinture d’aujourd’huy soit bien superieure à celle des Anciens, puisqu’enfin c’est d’elle que la Sculpture a appris tous ces secrets de degradation & de perspective.
L’ABBE. J’en demeure d’accord, & la consequence en est tres juste ; mais puisqu’il s’agit presentement de la Peinture, il faut commencer par la distinguer suivant les divers temps où elle a fleuri, & en faire trois classes : Celle du temps d’Appelle, de Zeuxis, de Timante, & de tous ces grands Peintres dont les Livres rapportent tant des merveilles ; Celle du temps de Raphael, du Titien, de Paul Veronese, & de plusieurs autres excellens Maistres d’Italie, & Celle du siecle où nous vivons.
Si nous voulons suivre l’opinion commune qui regle presque toûjours le merite selon l'ancienneté, nous mettrons le siecle d'Apelle beaucoup au dessus de celuy de Raphael, & celuy de Raphael beaucoup au dessus du nostre ; mais je ne suis nullement d’accord de cet arrangement, particulierement à l'égard de la preference qu’on donne au siecle d’Apelle sur celuy de Raphael.
LE PRESIDENT. Comment pouvez-vous ne pas convenir d'un jugement si universel & si raisonnable, sur tout après estre demeuré d'accord de l'excellence de la sculpture de Phidias & de Praxitele ; car si la sculpture de ces temps-là l'emporte sur celle de tous les siecles qui ont suivi, à plus forte raison la Peinture, si nous considerons qu'elle est susceptible de mille beautez & de mille agrémens dont la Sculpture n’est point capable.
L'ABBE. C’est par cette raison là mesme que la consequence que vous tirez n’est pas recevable.
Si la Peinture estoit un Art aussi simple & aussi borné que l’est la Sculpture en fait d'ouvrages de ronde bosse, car c'est en cela seul qu'elle a excellé parmi les Anciens, je me rendrois à vostre advis, mais la Peinture est un Art si vaste de d'une si grande étenduë, qu'il n'a pas moins fallu que la durée de tous les siecles pour en découvrir tous les secrets & tous les mysteres. Pour vous convaincre du peu de beauté des peintures antiques, & de combien elles doivent estre mises au dessous de celles de Raphael, du Titien & de Paul Veronese, & de celles qui se font aujourd’hui, je ne veux me servir que des loüanges mesmes qu'on leur a données.

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Si nous voulons suivre l’opinion commune qui regle presque toûjours le merite selon l'ancienneté, nous mettrons le siecle d'Apelle beaucoup au dessus de celuy de Raphael, & celuy de Raphael beaucoup au dessus du nostre ; mais je ne suis nullement d’accord de cet arrangement, particulierement à l'égard de la preference qu’on donne au siecle d’Apelle sur celuy de Raphael.
LE PRESIDENT. Comment pouvez-vous ne pas convenir d'un jugement si universel & si raisonnable, sur tout après estre demeuré d'accord de l'excellence de la sculpture de Phidias & de Praxitele ; car si la sculpture de ces temps-là l'emporte sur celle de tous les siecles qui ont suivi, à plus forte raison la Peinture, si nous considerons qu'elle est susceptible de mille beautez & de mille agrémens dont la Sculpture n’est point capable.
L'ABBE. C’est par cette raison là mesme que la consequence que vous tirez n’est pas recevable.
Si la Peinture estoit un Art aussi simple & aussi borné que l’est la Sculpture en fait d'ouvrages de ronde bosse, car c'est en cela seul qu'elle a excellé parmi les Anciens, je me rendrois à vostre advis, mais la Peinture est un Art si vaste de d'une si grande étenduë, qu'il n'a pas moins fallu que la durée de tous les siecles pour en découvrir tous les secrets & tous les mysteres. Pour vous convaincre du peu de beauté des peintures antiques, & de combien elles doivent estre mises au dessous de celles de Raphael, du Titien & de Paul Veronese, & de celles qui se font aujourd’hui, je ne veux me servir que des loüanges mesmes qu'on leur a données.

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Si la Peinture estoit un Art aussi simple & aussi borné que l’est la Sculpture en fait d'ouvrages de ronde bosse, car c'est en cela seul qu'elle a excellé parmi les Anciens, je me rendrois à vostre advis, mais la Peinture est un Art si vaste de d'une si grande étenduë, qu'il n'a pas moins fallu que la durée de tous les siecles pour en découvrir tous les secrets & tous les mysteres. Pour vous convaincre du peu de beauté des peintures antiques, & de combien elles doivent estre mises au dessous de celles de Raphael, du Titien & de Paul Veronese, & de celles qui se font aujourd’hui, je ne veux me servir que des loüanges mesmes qu'on leur a données.

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Mais revenons à la Peinture. Je puis encore prouver le peu de suffisance des Peintres anciens par quelques morceaux de peinture antique qu'on voit à Rome en deux ou trois en-droits ; car quoy que ces ouvrages ne soient pas tout à fait du temps d’Appelle & de Zeuxis, ils sont apparemment dans la mesme manière ; & tout ce qu'il peut y avoir de difference, c'est que les Maistres qui les ont faits estant un peu moins anciens, pourroient avoir sçû quelque chose davantage dans la peinture. J’ay vû celuy des Nopces qui est dans la Vigne Aldobrandine, & celuy qu'on appelle le Tombeau d'Ovide. Les figures en sont bien dessinées, les attitudes sages & naturelles, & il y a beaucoup de noblesse & de dignité dans les airs de teste, mais il y a tres-peu d'entente dans le mélange des couleurs ; & point du tout dans la perspective ny dans l’ordonnance. Toutes les teintes sont aussi fortes les unes que les autres, rien n'avance, rien ne recule dans le tableau, & toutes les figures sont presque sur la mesme ligne, en sorte que c’est bien moins un tableau qu'un bas relief antique coloré, tout y est sec & immobile sans union, sans liaison, & sans cette mollesse des corps vivans qui les distingue du marbre & de la bronze qui les représentent. Ainsi la grande difficulté n'est pas de prouver qu'on l'emporte aujourd'huy sur Zeuxis, sur les Timantes & sur les Appelles, mais de faire voir qu’on a encore quelque avantage sur les Raphaels, sur les Titiens, sur les Pauls Veroneses, & sur les autres grands Peintres du dernier siecle. Cependant j'ose avancer qu'à regarder l'Art en luy-mesme, entant qu’il est un amas & une collection de preceptes, on trouvera qu'il est plus accompli & plus parfait presentement qu'il ne l'estoit du temps de ces grands Maistres.

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Ainsi la grande difficulté n'est pas de prouver qu'on l'emporte aujourd'huy sur Zeuxis, sur les Timantes & sur les Appelles, mais de faire voir qu’on a encore quelque avantage sur les Raphaels, sur les Titiens, sur les Pauls Veroneses, & sur les autres grands Peintres du dernier siecle. Cependant j'ose avancer qu'à regarder l'Art en luy-mesme, entant qu’il est un amas & une collection de preceptes, on trouvera qu'il est plus accompli & plus parfait presentement qu'il ne l'estoit du temps de ces grands Maistres.

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Ainsi vous pouvez sçavoir à present que pour bien juger d’un Tableau & du génie de celuy qui l’a fait, il faut regarder d’abord quelle est l’Invention de ce Tableau ; si elle est nouvelle, noble, & agréable. La Disposition du sujet vous fera connoistre si l’Ouvrier a du jugement, & s’il a de l’ordre dans ses pensées.

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Ainsi vous pouvez sçavoir à present que pour bien juger d’un Tableau & du génie de celuy qui l’a fait, il faut regarder d’abord quelle est l’Invention de ce Tableau ; si elle est nouvelle, noble, & agréable. La Disposition du sujet vous fera connoistre si l’Ouvrier a du jugement, & s’il a de l’ordre dans ses pensées. 
C’est dans le Dessein que le Peintre fait paroistre la force de son esprit, sa science, & le fruit de ses études. Par le dessein il donne de la proportion, de la grace, & de la majesté à ses figures ; il en marque toutes les beautez ; il exprime les differentes actions du corps, & les divers mouvemens de l’ame. Enfin le dessein est comme la base & le fondement de toutes les autres parties.
Quelque beauté de coloris qu’un Peintre donne à son ouvrage, quelque amitié de couleurs qu’il observe pour le rendre aimable & plaisant à la veûë ; quelques jours & quelques lumieres qu’il y répande pour l’éclairer, de quelques ombres dont il tasche de le fortifier & d’en relever l’eclat, si tout cela n’est soustenu du dessein, il n’y a rien, pour beau & riche qu’il soit, qui puisse subsister. On doit prendre garde sur tout à ne se pas laisser surprendre par les charmes du coloris ; car la Couleur n’est pas seulement un agrément que la nature ait répandu sur les corps pour en relever la beauté & leur donner plus d’éclat, mais elle est aussi dans les ouvrages de l’art un moyen merveilleux pour les rendre agréables, & donner plus de plaisir à la veûë. [...] De sorte qu’il faut mettre de la différence entre le jugement que l’œil fait d’un Tableau, & celuy que la raison en donne. L’un se contente de l’agrément, & l’autre recherche la vérité & la vraysemblance. Et par là vous voyez que la lumiere de la raison doit conduire toutes les operations de l’esprit, comme la lumiere de l’œil les operations de la main, & qu’il est besoin d’une grande prudence & d’un grand discernement pour distribuer toutes choses selon qu’il est necessaire pour la perfection d’un ouvrage, lors qu’on veut satisfaire également les yeux & la raison. Et c’est ce discernement & cette prudence qu’il faut beaucoup estimer dans les Ouvriers & dans leurs ouvrages.

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Quelque beauté de coloris qu’un Peintre donne à son ouvrage, quelque amitié de couleurs qu’il observe pour le rendre aimable & plaisant à la veûë ; quelques jours & quelques lumieres qu’il y répande pour l’éclairer, de quelques ombres dont il tasche de le fortifier & d’en relever l’eclat, si tout cela n’est soustenu du dessein, il n’y a rien, pour beau & riche qu’il soit, qui puisse subsister. On doit prendre garde sur tout à ne se pas laisser surprendre par les charmes du coloris ; car la Couleur n’est pas seulement un agrément que la nature ait répandu sur les corps pour en relever la beauté & leur donner plus d’éclat, mais elle est aussi dans les ouvrages de l’art un moyen merveilleux pour les rendre agréables, & donner plus de plaisir à la veûë. Et de vray, comme nous voyons que les couleurs de l’arc-en-Ciel, qui ne marquent rien de particulier, ne laissent pas de faire regarder avec admiration : aussi les diverses couleurs qui brillent dans un Tableau, quoy-que privé des autres parties de la peinture, ne laissent pas de fraper les yeux, & mesme d’émouvoir l’ame, qui se laisse remuer par les sens avec lesquels elle a une si grande liaison, que d’abord elle ne pense, s’il faut ainsi dire, qu’à prendre part au plaisir qu’ils reçoivent, sans examiner les choses par la raison. 
C’est pourquoy je croy vous avoir fait observer sur le sujet des tableaux du Poussin, que ce Peintre dans le coloris de ses figures s’étudioit à les representer telles qu’elles paroissent dans le naturel, lors que par la distance qui se trouve entre-elles & celuy qui les voit, l’air qui est interposé les rend plus grises, & fait que la carnation n’est pas si vive & si agréable. 
Cependant quoy-que la raison fasse voir que c’est une regle qu’on doit observer, il est vray neanmoins que les Peintres qui ne l’ont pas suivie, & qui s’en sont dispensez, tels que le Titien, Paul Veronese, & ceux de l’école du Lombardie, ont esté plus agréables que les autres dans leurs carnations, parce que l’œil ne se soucie pas toûjours que les choses soient conduites par les regles de la raison pourveû qu’elles luy plaisent.
Et de mesme que les lunettes de longue veûë luy font discerner & mieux connoistre les objets éloignez, ainsi le Peintre en fortifiant ses couleurs, & les rendant plus sensibles, fait un effet semblable, & luy represente des choses plûtost belles & agréables que régulières.

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Quelque beauté de coloris qu’un Peintre donne à son ouvrage, quelque amitié de couleurs qu’il observe pour le rendre aimable & plaisant à la veûë ; quelques jours & quelques lumieres qu’il y répande pour l’éclairer, de quelques ombres dont il tasche de le fortifier & d’en relever l’eclat, si tout cela n’est soustenu du dessein, il n’y a rien, pour beau & riche qu’il soit, qui puisse subsister. On doit prendre garde sur tout à ne se pas laisser surprendre par les charmes du coloris ; car la Couleur n’est pas seulement un agrément que la nature ait répandu sur les corps pour en relever la beauté & leur donner plus d’éclat, mais elle est aussi dans les ouvrages de l’art un moyen merveilleux pour les rendre agréables, & donner plus de plaisir à la veûë. [...] De sorte qu’il faut mettre de la différence entre le jugement que l’œil fait d’un Tableau, & celuy que la raison en donne. L’un se contente de l’agrément, & l’autre recherche la vérité & la vraysemblance.

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Quelque beauté de coloris qu’un Peintre donne à son ouvrage, quelque amitié de couleurs qu’il observe pour le rendre aimable & plaisant à la veûë ; quelques jours & quelques lumieres qu’il y répande pour l’éclairer, de quelques ombres dont il tasche de le fortifier & d’en relever l’eclat, si tout cela n’est soustenu du dessein, il n’y a rien, pour beau & riche qu’il soit, qui puisse subsister. On doit prendre garde sur tout à ne se pas laisser surprendre par les charmes du coloris ; car la Couleur n’est pas seulement un agrément que la nature ait répandu sur les corps pour en relever la beauté & leur donner plus d’éclat, mais elle est aussi dans les ouvrages de l’art un moyen merveilleux pour les rendre agréables, & donner plus de plaisir à la veûë. [...] De sorte qu’il faut mettre de la différence entre le jugement que l’œil fait d’un Tableau, & celuy que la raison en donne. L’un se contente de l’agrément, & l’autre recherche la vérité & la vraysemblance. Et par là vous voyez que la lumiere de la raison doit conduire toutes les operations de l’esprit, comme la lumiere de l’œil les operations de la main, & qu’il est besoin d’une grande prudence & d’un grand discernement pour distribuer toutes choses selon qu’il est necessaire pour la perfection d’un ouvrage, lors qu’on veut satisfaire également les yeux & la raison. Et c’est ce discernement & cette prudence qu’il faut beaucoup estimer dans les Ouvriers & dans leurs ouvrages.

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C’est pourquoy je croy vous avoir fait observer sur le sujet des tableaux du Poussin, que ce Peintre dans le coloris de ses figures s’étudioit à les representer telles qu’elles paroissent dans le naturel, lors que par la distance qui se trouve entre-elles & celuy qui les voit, l’air qui est interposé les rend plus grises, & fait que la carnation n’est pas si vive & si agréable. 
Cependant quoy-que la raison fasse voir que c’est une regle qu’on doit observer, il est vray neanmoins que les Peintres qui ne l’ont pas suivie, & qui s’en sont dispensez, tels que le Titien, Paul Veronese, & ceux de l’école du Lombardie, ont esté plus agréables que les autres dans leurs carnations, parce que l’œil ne se soucie pas toûjours que les choses soient conduites par les regles de la raison pourveû qu’elles luy plaisent.

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L’on est entré sur la consideration du merite de la couleur à l’occasion d’un Tableau du Titien, qui par l’adveu, unanime de tous les sçavants en cette profession, est le Peintre qui a le plus excellé en cette partie là. Mais après avoir remarqué dans cet ouvrage que ce grand homme possedoit si admirablement la connoissance, des effets de la couleur & en faisoit un si bon usage, que non-obstant la vivacité des éclats de lumieres, qu’il faisoit paroître, dans le ciel de ses paysages, les carnations des figures qui y étoient opposées, ne laissoient pas de paroître plus avantageusement que beaucoup d’autres coloris, qui sont favorisés par des fonds bruns, que l’on voyoit dans les ouvrages de beaucoup d’autres Autheurs : qu’ainsi cet excellent Peintre avoit tiré avantage, de ce que les autres évitent ordinairement, & l’on témoigna du Regret de ce qu’un talent si accompli [ndr : Titien] n’étoit pas accompagné de ceux qui sont les plus considerables en la Peinture à sçavoir la correction du dessein & des proportions ; on representa qu’il se trouvoit beaucoup moins de Peintres posseder cette correction, que ceux qui ont un beaufaire en traitant les couleurs, parce qu’outre que ce dernier est plus facile, on se laisse naturellement charmer à ce bel éclat exterieur ; l’on avoüa bien que cette partie est très necessaire, mais l’on dit qu’il ne s’y falloit pas tant attacher qu’au principal ; que d’en faire toute son étude, c’étoit se laisser éblouïr par l’apparence d’un beau corps sans considérer ce qui le doit animer, que Monsieur Poussain si celebre en l’une & en l’autre de ces parties, ayant donné quelque temps à l’étude particuliere de la couleur en revint si fort, que depuis il disoit hautement, que cette application singuliere n’étoit qu’un obstacle, pour empêcher de parvenir au veritable but de la Peinture, & celui qui s’attache au principal ; acquiert en pratiquant une assez belle maniere de peindre.

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on representa, que les anciens au sortir de la pratique de peindre à détrempe tomberent en quelque sorte de dureté par la grande force des ombres, comme on le peut remarquer en quelques ouvrages de Jule Romain, de Raphael, & autres, tant de l’École des Romains, que celles des Lombards qui ont travaille dans ces premiers tems là, où l’usage des reflexs, n’étoit point encore connu, que les reflexs sont d’une grande utilité pour produire l’union dans les couleurs, portants quelque chose des couleurs voisines dans l’ombre des corps, sur lesquels ils rejalissent, ce qui est l’avantage des siecles suivants où les habilles hommes se sont étudiés à la belle oeconomie & dispensation des couleurs, qui est le plus bel effet que peut produire leur raisonnable mariage ; Il faut de plus considerer leur valeur pour les ranger en sorte qu’elles puissent mutuellement s’entre-aider & se faire valoir par un judicieux contraste, leur force, pour les placer aux endroits que l’on veut faire paroître avancés ou reculées, & leur union pour les associer en une agreable correspondance ; mais on considera aussi qu’en s’attachant à ce menagement harmonieux des couleurs, on ne devoit pas negliger le bon choix des matieres & leur application, évitant le mélange de celles qui sont corruptibles avec celles qui sont pures, & l’avoisinement de celles qui peuvent causer quelque aigreur ou dureté à la vuë & sur tout dans leur Emploi, les appliquer proprement, chaque teinte en sa place ne les brouillant & tourmentant que le moins qu’il est possible, sur tout dans les carnations, où à l’imitation du Titien, on doit donner tout l’avantage, & l’éclat, en n’y approchant que des couleurs sales pour les faire paroître d’autant plus vives & plus fraiches ; enfin que dans cette partie de la couleur, l’on doit considerer ces trois choses conjointement pour y exceller, la belle oeconomie des couleurs, la propreté dans leur mêlange & application, & la liberté du Pinceau ; ces trois choses (qui bien souvent font chacune tout le talant d’un homme) ne se doivent jamais separer, encore qu’ils requierent chacun un soin particulier pour imiter la beauté du naturel.

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Il faut encore vous dire comme on en doit considerer la valeur, & comme elles [ndr : les couleurs] se peuvent mutuellement entr’aider & se faire valoir par un judicieux contraste ; leur force, pour les placer aux endroits que l’on veut faire paroître avancez & reculez ; & leur union pour les associer en une agreable correspondance. Pour y parvenir, l’on ne doit negliger ni le bon choix des matieres ni leur application, évitant le mélange de celles qui sont corruptibles avec celles qui sont pures. Il faut appliquer proprement chaque teinte en sa place, ne les broüillant & tourmentant que le moins qu’il est possible sur tout dans les carnations, où à l’imitation du Titien, on doit donner tout l’avantage & l’éclat

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Et lequel de ces deux Peintres aimeriez-vous mieux estre, continuay-je, de Raphaël ou du Titien ?
Vous m’embarassez fort, repondit Pamphile ; attendez que j’y pense un peu.
Je ne croyois pas, repris-je, que vous dûssiez balancer de cette sorte, aprés ce que je viens de vous entendre dire.
J'aimerois mieux estre Raphaël, continua Pamphile, & j'estime que le Titien est un plus grand Peintre.
Je vous entends bien, luy dis-je, c'est à-dire que Raphaël avec la correction de son Dessein, avoit plusieurs autres talens, & que tout cela ensemble vous plaist davantage que le Coloris du Titien.
Je vous avoüe, dit Pamphile, que je suis encore assez irresolu : neantmoins la correction du Dessein de Raphaël, l’élegance de ses contours, sa manière de drapper, ses expressions si touchantes, la facilité de son genie, ses compositions nobles, riches & abondantes, la grandeur, la simplicité & la vray-semblance de ses attitudes ; enfin, les graces qu'il répandoit dans tous ses ouvrages, me l’ont fait preferer au Titien.
Quoy au Titien, s'écria Damon, le plus grand Peintre, selon vous, qui ait jamais esté & qui sera peut-estre jamais.
Je vous l'avoüe, dit Pamphile, mais Raphaël, avec tous les avantages que je viens de vous dire, avoit encore celuy, d’estre entré sur la fin de sa vie dans l’inteligence des Lumieres & des Ombres, & d’avoir déja fait un si grand progrés dans le Coloris, & qu'il auroit bientost possedé cette partie dans sa derniere perfection. Ainsi je me persuade, si j'estois Raphaël, que dans peu de temps je serois encore le Titien.

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Het is myn vast gevoelen dat de Oeffening der plooijen niet volkomen geleerd kan worden, zonder de Leeman te gebruiken; Want wat baat het dat men zich uitmergeld met kleêren uit de Geest te Teikenen als wy ’t leeven voor ons kunnen hebben, zonder welke het onmogelyk is de natuur der Stoffe te doorgronden: daar zich, in tegendeel, veele niet anders oeffenen dan naar de Statuaas en fraaiste printen der beroemste meesters, welke hier in uitgemunt hebben: als Raphaël, Barotius, Guido, Albaan, Pousyn &c; denkende uit dezelfde reeds een gebaande weg te hebben gevonden, om tot genoegzame volkomentheid te geraken, en hun oogmerk te bereiken. Daar men nochtans weet, dat Raphaël voornaamentlyk, die gelegentheid niet gehad hebbende, echter in zyn tyd, de fraayste dingen voor den dag gekomen zyn. Nu zoude men mogen vragen, waarom eenige andere vermaarde Meesters, als Titiaan, Tintoret, Paulo Veronees, Julio Romano, Michel Angelo, Dominiquin, Bassan &c, zo goed daar in niet geoordeeld werden? de reeden is deeze, dat Raphaël het leeven gebruikt heeft, wel te verstaan een Leeman, waar door hy de natuur en eigenschap der Stoffe grondig heeft leeren onderzoeken: alhoewel men hem nogtans zou kunnen beschuldigen dat hy zyn beelden de meesten tyd met eenderly Stoffe kleeden, in voorvallen, daar de verandering genoegzaam verschillende kon geweest hebben. Evenwel moet men bekennen dat ‘er voor, noch naderhand, geen zo ervaren en Konstryk in dezelve geweest is, dan een alleen, te weten Nikolas Poussyn; echter is dit geen wonder; dewyl hy het Natuurlyke leeven onderzocht en gebruikten gelyk hem bewust was dat Raphaël gedaan had, en niet gelyk anderen die alleen zyn werk navolgden: daarom zyn zy ook slegter geweest, hebben minder kennis gehad, en meenigmaal niet van de natuur der stoffe of plooijen geweeten.

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Ik vroeg eens aan iemand, waarom hy zyn kleêren altyd met dunne ploojen maakte? waarop hy my tot antwoord gaf, geen zin te hebben in zulke dikke ploojen als Paulo Veronees, Titiaan en Rubbens verbeelden. Sommige bederven hun beelden zodanig met het ophoopen van veelderhande ploojen; dat zy daar door t’eenemaal vergeeten, het gebruik der stoffe alleenig gemaakt te zyn, om de partyen der Lichamen daar ze over heen komen, te kleeden en met gratie te bedekken: en niet om dezelve daar mede te belaaden en te vervullen, als of het geheele Lichaam maar een buik, en alle leeden op de verheeven partyen, met zandzakken bekleed waaren. Veele wederom maken hun kleedingen als of het darmen zyn, op de manier van Korton, ziende nergens als zulke printen.

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Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 31
Angehends das Dritte Theil/ die
Expression, so eussern sich hierbey recht geistereiche Anmerckungen/ dann die Gebehrden der meisten Figuren dieses Gemäldes/ leiten das Auge des Anschauers so gleich auf die Haupt-Figur/ so hat er ller dreyen Personen ihre Gebährden den recht eigentlich nach dem Ambt und dem Stande eines jederen ins besondere wohl exprimiret und aus-gedrücket ; […]/ 

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Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 33
Da ich von diesem Theil der Kunst / nehmlich der Colorit einen besonderen
Discours zu halten mit […] mir vorgenommen habe ; Indessen melde [ndr.: ich] nur sagen das Vornehmste/nemlich daß die Haupt-Person [Christus] durch einen grossen Tag erleuchtet/ die anderen aber nur mit einem streiffenden Licht beschienen werden/ […] daß allezeit in den Theilen des Gesichtes/ eine dunckele Farbe einer lichten und dann eine lichte einer dunckelen Farbe zum Grunde dienen müssen ; 

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Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 33-34
Ja ob er gleich an die Farben der Kleider Christi und seiner Jünger gebunden war / so hat er dennoch durch Hülffe des fünfften Theils/ nemlich der
Perspective, sie also zu brechen wissen/ daß eine jedere ihren behörigen Ort behält/ und nicht mehr vorkomt oder wegweicht als sie sol. Alle insgesambt aber machen eine schöne Harmonie, und vermehret je eine des anderen schöne.

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Rede bey Examinirung eines Kunst-Gemäldes, p. 34
[ndr.: Vom Vierten Theil, nehmlich der Colorit] Wie starck glänzet nicht die auf den Horizont untergehehende Sonne ? und gibt doch denen auf dem Vorgrunde sich befindenden Tagen keinen Verdruß, wer wundert sich nicht/ daß die sonst starck schreiende Farben/ worinnen dieser gekleidet ist/ und die an dem Rande des Gemähldes gestellet seyn/ dennoch das Auge des Anschauers denen gelinden Farben des Kleides Christi nicht entziehen ?

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Je trouve trois sortes de Vrai dans la Peinture.
Le Vrai Simple,
Le Vrai Ideal,
Et le Vrai Composé, ou le Vrai Parfait.
Le Vrai Simple que j’appelle le premier Vrai, est une imitation simple & fidelle des mouvemens expressifs de la Nature, & des objets tels que le Peintre les a choisis pour modele, & qu’ils se presentent d’abord à nos yeux, en sorte que les Carnations paroissent de veritables Chairs, […] que par l’intelligence du clair-obscur & de l’union des couleurs, les objets qui sont peints paroissent de relief, & le tout ensemble harmonieux.
Ce Vrai Simple trouve dans toutes sortes de naturels les moyens de conduire le Peintre à sa fin, qui est une sensible & vive imitation de la Nature […].
Le Vrai Ideal est un choix de diverses perfections qui ne se trouvent jamais dans un seul modele ; mais qui se tirent de plusieurs & ordinairement de l’Antique.
Ce Vrai Ideal comprend l’abondance des pensées, la richesse des inventions, la convenance des attitudes, l’élégance des contours, le choix des belles expressions, le beau jet des draperies, enfin tout ce qui peut sans alterer le premier Vrai le rendre plus piquant & plus convenable. Mais toutes ces perfections ne pouvant subsister que dans l’idée par raport à la Peinture, ont besoin d’un sujet légitime qui les conserve & qui les fasse paroître avec avantage ; & ce sujet légitime est le Vrai Simple : […] c’est-à-dire, un sujet bien disposé pour les recevoir & les faire subsister, […]. Il paroît donc que ces deux Vrais, le Vrai Simple & le Vrai Ideal font un composé parfait, dans lequel ils se prêtent un mutuel secours, avec cette particularité, que le premier Vrai perce & se fait sentir au travers de toutes les perfections qui lui sont jointes.
Le troisiéme Vrai qui est composé du Vrai Simple & du Vrai Ideal fait par cette jonction le dernier achevement de l’Art, & la parfaite imitation de la belle Nature. C’est ce beau Vraisemblable qui paroît souvent plus vrai que la verité-même, parce que dans cette jonction le premier Vrai saisit le Spectateur, sauve plusieurs négligences, & se fait sentir le premier sans qu’on y pense. […]
Ce troisiéme Vrai, est un but où personne n’a encore frappé ; on peut dire seulement que ceux qui en ont le plus approché sont les plus habiles. Le Vrai Simple & le Vrai Ideal ont été partagés selon le génie & l’éducation des Peintres, qui les ont possedés. Georgion, Titien, Pordenon, le vieux Palme, les Bassans, & toute l’Ecole Venitienne n’ont point eu d’autre merite que d’avoir possedé le premier Vrai. Et Leonard de Vinci, Raphaël, Jules Romain, Polidore de Caravage, le Poussin, & quelques autres de l’Ecole Romaine, ont établi leur plus grande reputation par le Vrai Ideal ; mais sur-tout Raphaël, qui outre les beautés du Vrai Ideal a possedé une partie considerable du Vrai Simple, & par ce moyen a plus approché du Vrai parfait qu’aucun de sa Nation.

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Il y a dans la Peinture differens genres d'harmonie. Il y en a de douce & de moderée, comme l'ont ordinairement pratiqué le Correge & le Guide. Il y en a de forte & d'élevée, comme celle du Giorgion, du Titien & du Caravage : & il y en peut avoir en differens degrés, selon la supposition des lieux, des tems, de la lumiere & des heures du jour.

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le Peintre doit considerer que les couleurs des draperies lui donnent un moyen de pratiquer avec adresse l’intelligence du Clair-obscur. Le Titien a mis en usage cet artifice dans la plûpart de ses Tableaux, en se servant de la liberté qu'il avoit de donner à ses draperies la couleur qui lui sembloit la plus convenable, ou pour servir de fond, ou pour étendre la lumiere, ou pour caracteriser les objets par la comparaison.

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Ceux [ndr : les peintres] au contraire qui sont dans le style Pastoral, s’attachent fortement à la couleur pour représenter plus vivement la verité. L'un & l'autre style ont leurs spectateurs & leurs partisans. […]
Ainsi pour contrebalancer l’élevation des Païsages Heroïques, je croirois qu’il seroit à propos de jetter dans les Païsages champêtres, non seulement un grand caractere de verité, mais encore quelque effet de la Nature piquant, extraordinaire & vraisemblable, comme a toujours fait le Titien.

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Et après avoir beaucoup étudié & copié à la plume ou au crayon le Titien & les Caraches, leurs Estampes premierement, puis leurs Desseins, si l’on en peut avoir, il faut tâcher d’imiter avec le pinceau les touches que ces grands Hommes ont le plus nettement specifiées. Mais comme les Tableaux du Titien & ceux des Caraches sont fort rares, on peut leur en substituer d’autres qui ont eu un bon caractere dans leur touche, parmi lesquels on peut suivre Fouquier, comme un très-excellent modèle : Paul Bril, Breugle, & Bourdon sont encore très-bons, leur touche est nette, vive, & legere.

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6. Le Titien & le Carache sont les modéles les plus capables d’inspirer le bon goût, & de mettre le Peintre dans la bonne voie, pour la forme & pour la couleur.

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[…] une teinte qui de près paroît separée & d’une certaine couleur, paroîtra d’une autre couleur dans sa distance, & se confondra dans la masse dont elle fait partie. Si vous voulez donc que votre ouvrage fasse un bon effet du lieu d’où il doit être vû, il faut que les couleurs & les lumieres en soient un peu exagerées ; mais savamment & avec une grande discretion. Voyez la maniere dont Titien, Rubens, Vandeik, & Rembrant en ont usé : car leur artifice est merveilleux.

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Pour copier avec profit les manieres qui ont approché le plus près de la Nature, comme sont celles de Titien & de Vandeik, il faut en copiant s’imaginer que leurs Tableaux sont la Nature ; les regarder d’un peu de loin dans cette intention, & dire en soi-même : De quelle couleur, & de quelle teinte me servirois-je pour un tel endroit ; puis s’approcher du Tableau, & voir si on auroit bien ou mal rencontré, & se faire ensuite comme une loi des choses que nous aurions découvertes, & que nous ne pratiquions auparavant qu’avec incertitude.

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Par rapport à la Peinture, le mot de Dessein n’a que deux significations. Premierement, l’on appelle Dessein la pensée d’un Tableau laquelle le Peintre met sur du papier ou sur de la toile, pour juger de l’ouvrage qu’il medite ; & de cette maniere l’on peut appeller du nom de Dessein non-seulement un esquisse, mais encore un ouvrage bien entendu de lumieres & d’ombres, ou même un petit Tableau bien colorié. C’est de cette sorte que Rubens faisoit presque tous ses Desseins, & que la plûpart de ceux du Titien qui sont presque tous à la plume ont été exécutés. 2°. L’on appelle Dessein les justes mesures, les proportions & les contours que l’on peut dire imaginaires des objets visibles, qui n’ayant point de consistence que l’extrémité même des corps, resident veritablement & réellement dans l’esprit : & si les Peintres les ont rendus sensibles de nécessité indispensable par des lignes qui en font la circonscription, c’est pour en rendre la démonstration sensible à leurs Eleves, & afin de pratiquer pour eux-mêmes une maniere commode qui les fasse arriver facilement à une extrême correction.

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[…] les Tableaux harmonieux sont en petit nombre : car depuis près de 300 ans que la Peinture est ressuscitée, à peine peut-on compter six Peintres qui ayent bien colorié ; au lieu que l’on en comptera pour le moins 30. qui ont été très-bons Dessinateurs. Et la raison de cela est que le Dessein a des regles fondées sur des proportions, sur l’Anatomie & sur une experience continuelle de la même chose ; au lieu que le coloris n’a point encore de regles bien connues, & que l’experience qu’on y fait étant presque toujours differente à cause des differens sujets que l’on traite, n’a pû encore en établir de bien precises. Ainsi je suis persuadé que le Titien a tiré plus de secours de sa longue & studieuse experience avec la grande solidité de son jugement, que d’aucune regle démonstrative qu’il eût établie dans son esprit, pour lui servir de fondement. Je ne dirai pas la même chose de Rubens ; celui-ci cédera toujours au Titien pour les couleurs locales : mais pour les principes de l’harmonie, il en avoit trouvé de solides qui le faisoient operer infailliblement pour l’effet & pour l’accord du Tout-ensemble.

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j’avoue que j’en passe sous silence qui regardent l’execution & la pratique [ndr : du coloris] : mais comme je n’ai appris ce que j’en pourrois communiquer qu’en examinant avec beaucoup de reflexion les ouvrages des grands Peintres, & sur-tout ceux de Titien & de Rubens ; & que sur-tout les Studieux de Peinture peuvent puiser à la même source ; je les renvoi à ces deux Peintres, à Rubens premierement, parce que les principes en sont plus sensibles & plus aisés à pénétrer ; puis à Titien qui semble avoir encore passé la lime par dessus, c’est-à-dire, en un mot que le Titien a fait sentir dans une distance legitime, plus de verité & de précision dans ses couleurs locales, ayant laissé à Rubens le talent des grandes compositions, & l’artifice de faire entendre de plus loin l’harmonie de son Tout-ensemble.

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La distribution des objets forme des masses de clair-obscur, lorsque par une industrieuse œconomie on les dispose de maniere que ce qu’ils ont de lumineux se trouve joint ensemble d’un côté, & que ce qu’ils ont d’obscur se trouve lié ensemble d’un autre côté, & que cet amas de lumieres & d’ombres empêche la dissipation de notre vûe. C’est ce que le Titien appelloit la grappe de raisin : parceque les grains de raisin separés les uns des autres auroient chacun sa lumiere & son ombre également ; & partageant ainsi la vûe en plusieurs rayons, lui causeroient de la confusion : au lieu qu’étant tous rassemblés en une grappe, & ne faisant par ce moyen qu’une masse de clair & qu’une masse d’ombre, les yeux les embrassent comme un seul objet. Ce que je dis ici de la grappe de raisin ne doit pas être pris grossierement à la lettre, ni selon l’arrangement, ni selon la forme ; c’est une comparaison sensible qui ne signifie autre chose que la jonction des clairs, & la jonction des ombres.

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La troisiéme est pour prouver la nécessité des Grouppes pour la satisfaction des yeux, qui étoit la grande regle du Titien, & qui doit l’être encore aujourd’hui pour ceux qui voudront observer dans leur Tableau, cette unité d’objet qui avec les couleurs bien entendues, en fait toute l’harmonie.

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Le premier soin que demande le coloris d’un jeune Etudiant est de commencer par copier ce qu’il trouvera de mieux colorié, de plus frais, & de plus librement peint entre les ouvrages des grands Maîtres, parmi lesquels Titien, Rubens, & Vandeik tiennent les premiers rangs, pour les premiers commencemens : je croirois qu’on tireroit plus d’utilité en copiant Vandeik à cause qu’en y apprenant le bon coloris on y trouve encore la liberté du pinceau.

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Wy hebben meermaals aangemerkt dat de overtolligheid in plaats van een zaak meerder kracht en luyster te geeven, de zelve verminderd en verduysterd, dat ook de te groote ruymten en luchtige omstandigheden van geen beeter uitwerkingen zyn, men moet deze twee gevaarlykheden, als Scylla en Charibdis schuwen, ik kan dezelve niet beeter vergelyken, als by overgroote armoede en verkwistende rykdom, het zy dat de eene uit een logge, sombre en zwaarmoedige verdrietende geest spruyt, en de andere uit een vlugge en al te vruchtbare geest, of wel dat zy voor neemen deze of geene na te volgen, waar van wy dagelyks veel voorbeelden zien, als den eenen de kloekheid van Carats, den ander de schoone Coloriet van Titiaan, die de bevallige zeedigheid van Raphaël, en deze de natuurlykheid van Guido […]

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DE verscheidene lichten in een Stuk oordeelen zommige dat onmogelyk wel konnen staan: want, zeggen zy, indien het goed was, zo zouden Raphaël, Carats, Titiaan, Poussyn, en andere braave Meesters meer die manier wel voor goed gekeurd, en niet verworpen hebben. Ja de Fransche Academisten, voegen zy'er by, die tot zulk een hoogen top gereezen zyn, besluiten eenpaariglyk, dat men niet als een eenig licht in 't algemeen zal gebruiken; verwerpende een Schildery dat meer als een licht vertoond. By gevolg oordeelen zy, dat de gezegde lichten maar een vinding zyn van Hollandsche Meesters, die het Antiek niet verstaan, welke maar alleen de natuurlykheid beoogen, om de onkundigen aan te lokken. Waar op ik zeg, dat, hoewel Raphaël, Poussyn, en andere groote Konstenaars het zelve in hunne Werken niet getoond, maar zich enkelyk aan een algemeen licht gehouden hebben, zulks niet en spruit uit een verachting of verwerping van het zelve, als of het tegen de natuur en konst zoude stryden; maar alleen dat zy 'er toen noch niet om gedagt, of 'er van geweeten hebben: alzo de Konst toenmaals in die deelen haare volmaaktheid noch niet had bereikt of verkreegen. Niet dat ik zeg, dat zulk een Stuk met verscheidene lichten beter is, als met een alleen 't geen natuurlyk is verbeeld; maar wel dat, als het zo te pas komt en konstig uitgewerkt is, het een schildery een veranderlyke welstand byzet [...]Met deze voorbeelden meen ik genoegsaam verklaard te hebben de natuur en werking van verscheidene lichten; als mede hoe voordeelig de kennis daar van is, zo wel in zon-als gemeen licht, ten opzichte van de veranderlykheid, zo wel in Landschappen als in andere verkiezingen; daar en boven de overvloedige middelen, die daar uit voortkomen, tot verrykinge onzer Ordinantien, en boven de gemeene trant.

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Zommige oordeelen, dat de Conterfeitsels van van Dyk by die van Titiaan maar waterverw gelyken, om reden dat die van Titiaan zo veel kracht in koleur, dag, en schaduwe hebben, dat die van den anderen daar niet by konnen haalen, ja een koleur, zeggen zy, welke op die wyze voor van Dyk onnavolgelyk is, en daar het zyne zich alles flets en krachteloos by vertoont: waarlyk, een belaghelyk en beschimpend oordeel. Doch dat van Dyk en Titiaan in koleur verschillen, dat staa ik hun toe; maar dat men in dit geval by de Italiaanen niet behoeft te loopen, om zulks te bewyzen, is ook zeker: want voor zo veel de krachtige Coloriet, indien het daar in bestond, belangt, zo zeg ik dat Rembrant voor Titiaan niet heeft te wyken. Maar wat is ‘t! de meeste menschen volgen gemeenlyk de dwaaze oordeelaars, welke geene dingen goed keuren, die niet op zyn Italiaansch geschilderd zyn, het zy Historien, Landschappen, of Pourtraiten.

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C’est pourtant cette imitation &cette sensation parfaite qui fait l’essentiel de la Peinture, comme je l'ai fait voir. Cette perfection vient du Dessein & du Coloris

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Of the Goodness of a Picture, &c.
WHerefore callest thou me Good, there is none Good but One, that is God ?
Said the Son of God to the young Man who prefac’d a Noble Question with that Complement. This is that Goodness that is Perfect, Simple, and Properly so call’d, ‘tis what is Peculiar to the Deity, and so to be found no where else. But there is another Improper, Imperfect, Comparative Goodness, and no other than this is to be had in the Works of Men, and this admits of various Degrees. This Distinction well consider’d, and apply’d to all the Occurrences of Life would contribute very much to the Improvement of our Happiness here ; it would teach us to Enjoy the Good before us, and not reject it upon account of the disagreeable Companion which is inseperable from it ; But the use I now would make of it is only to show that a Picture, Drawing, or Print may be Good tho’ it has several Faults ; To say otherwise is as absurd as to deny a thing is what ‘tis said to be, because it has properties which are Essential to it.
[…].
If in a Picture the Story be well chosen, and finely Told (at least) if not Improv’d, if it fill the Mind with Noble, and Instructive Ideas, I will not scruple to say ‘tis an excellent Picture, tho’ the Drawing be as Incorrect as that of Corregio, Titian, or Rubens ; the Colouring as Disagreeable as that of Polidore, Battista Franco, or Michael Angelo. Nay, tho’ there is no other Good but that of the Colouring, and the Pencil, I will dare to pronouce it a Good Picture ; that is, that ‘tis Good in those Respects. In the first Instance here is a fine Story artfully communicated to my Imagination, not by Speech, nor Writing, but in a manner preferable to either of them ; In the other there is a Beautiful, and Delightful Object, and a fine piece of Workmanship, to say no more of it.
There never was a Picture in the World without some Faults, And very rarely is there one to be found which is not notoriously Defective in some of the Parts of Painting. In judging of it’s Goodness as a Connoisseur, one should pronounce it such in proportion to the Number of the Good Qualities it has, and their Degrees of Goodness.

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If in a Picture the Story be well chosen, and finely Told (at least) if not Improv’d, if it fill the Mind with Noble, and Instructive Ideas, I will not scruple to say ‘tis an excellent Picture, tho’ the Drawing be as Incorrect as that of Corregio, Titian, or Rubens ; the Colouring as Disagreeable as that of Polidore, Battista Franco, or Michael Angelo. Nay, tho’ there is no other Good but that of the Colouring, and the Pencil, I will dare to pronouce it a Good Picture ; that is, that ‘tis Good in those Respects. In the first Instance here is a fine Story artfully communicated to my Imagination, not by Speech, nor Writing, but in a manner preferable to either of them ; In the other there is a Beautiful, and Delightful Object, and a fine piece of Workmanship, to say no more of it.
There never was a Picture in the World without some Faults, And very rarely is there one to be found which is not notoriously Defective in some of the Parts of Painting. In judging of it’s Goodness as a Connoisseur, one should pronounce it such in proportion to the Number of the Good Qualities it has, and their Degrees of Goodness.

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If in a Picture the Story be well chosen, and finely Told (at least) if not Improv’d, if it fill the Mind with Noble, and Instructive Ideas, I will not scruple to say ‘tis an excellent Picture, tho’ the Drawing be as Incorrect as that of Corregio, Titian, or Rubens ; the Colouring as Disagreeable as that of Polidore, Battista Franco, or Michael Angelo. Nay, tho’ there is no other Good but that of the Colouring, and the Pencil, I will dare to pronouce it a Good Picture ; that is, that ‘tis Good in those Respects

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All the different Degrees of Goodness in Painting may be reduc’d to these three General Classes. The Mediocre, or Indifferently Good, the Excellent, and the Sublime. The first is of a large Extent ; the second much Narrower ; and the Last still more so. I believe most people have a pretty Clear, and Just Idea of the two former ; the other is not so well understood ; which therefore I will define according to the Sense I have of it ; And I take it consist of some few of the Highest Degrees of Excellence in those Kinds, and Parts of Painting which are Excellent ; The Sublime therefore must be Marvellous, and Surprizing, It must strike vehemently upon the Mind, and Fill, and Captivate it Irresistably.
[…].
I confine the Sublime to History, and Portrait-Painting ; And These must excell in Grace, and Greatness, Invention, or Expression ; and that for Reasons which will be seen anon. Michael Angelo’s Great Style intitles Him to the Sublime, not his Drawing ; ‘tis that Greatness, and a competent degree of Grace, and not his Colouring that makes Titian capable of it : As Correggio’s Grace, with a sufficient mixture of Greatness gives this Noble Quality to His Works. Van Dyck’s Colouring, nor Pencil tho’ perfectly fine would never introduce him to the Sublime ; ‘tis his Expression, and that Grace, and Greatness he possess’d, (the Utmost that Portrait-Painting is Justly capable of) that sets some of his Works in that Exalted Class ; in which on That account he may perhaps take place of Rafaelle himself in That Kind of Painting, if that Great Man’s Fine, and Noble Idea’s carried him asmuch above Nature Then, as they did in History, where the utmost that can be done is commendable ; a due Subordination of Characters being preserved ; And thus (by the way) V. Dyck’s Colouring, and Pencil may be judg’d Equal to that of Corregio, or any other Master.

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I confine the Sublime to History, and Portrait-Painting ; And These must excell in Grace, and Greatness, Invention, or Expression ; and that for Reasons which will be seen anon. Michael Angelo’s Great Style intitles Him to the Sublime, not his Drawing ; ‘tis that Greatness, and a competent degree of Grace, and not his Colouring that makes Titian capable of it : As Correggio’s Grace, with a sufficient mixture of Greatness gives this Noble Quality to His Works. Van Dyck’s Colouring, nor Pencil tho’ perfectly fine would never introduce him to the Sublime ; ‘tis his Expression, and that Grace, and Greatness he possess’d, (the Utmost that Portrait-Painting is Justly capable of) that sets some of his Works in that Exalted Class ;

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The Composition is unexceptionable [ndr : dans Poussin, Tancrède et Herminie] : There are innumerable Instances of Beautiful Contrasts ; Of this kind are the several Characters of the Persons, (all which are Excellent in their several kinds) and the several Habits : Tancred is half Naked : Erminia’s Sex distinguishes Her from all the rest ; as Vafrino’s Armour, and Helmet shews Him to be Inferiour to Tancred, (His lying by him) and Argante’s Armour differs from both of them. The various positions of the Limbs in all the Figures are also finely Contrasted, and altogether have a lovely effect ; Nor did I ever see a greater Harmony, nor more Art to produce it in any Picture of what Master soever, whether as to the Easy Gradation from the Principal, to the Subordinate Parts, the Connection of one with another, by the degrees of the Lights, and Shadows, and the Tincts of the Colours.
And These too are Good throughout ; They are not Glaring, as the Subject, and the Time of the Story (which was after Sun-set) requires : Nor is the Colouring like that of
Titian, Corregio, Rubens, or those fine Colourists, But ‘tis Warm, and Mellow, ‘tis Agreeable, and of a Taste which none but a Great Man could fall into : And without considering it as a Story, or the Imitation of any thing in Nature the Tout-ensemble of the Colours is a Beautiful, and Delightful Object.

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The Anatomy Figures in Vesalius said to be design’d by Titian, are prettily fancied : There is a Series of denuding a Figure to the Bone, and they are all in Attitudes seeming to have most Pain as the Operation goes on, till at last they Languish, and Dye : But Michelangelo has made Anatomy Figures whose Faces and Actions are impossible to be describ’d, and the most delicate that can be imagin’d for the purpose.

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And sometimes the Painter happens to be Obliged to put a Figure in a Place, and with a Degree of Force which does not sufficiently distinguish it. In that Case, the Attention must be awakened by the Colour of its Drapery, or a Part of it, or by the Ground on which ‘tis painted, or some other Artifice.
Scarlet, or some Vivid Colour, is very proper on such Occasions : I think I have met with an Instance of This kind from
Titian, in a Bacchus and Ariadne ; Her Figure is Thus distinguish’d for the reason I have given.

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The Best that can be done is to Advise one that would know the Beauty of Colouring, To observe Nature, and how the best Colourists have imitated her.
What a Lightness, Thinness, and Transparency ; What a Warmth, Cleanness, and Delicacy is to be seen in Life, and in good Pictures !
He that would be a good Colourist himself must moreover Practice much after, and for a considerable time accustom himself to See well-colour’d Pictures only : But even This will be in vain, unless he has a Good Eye in the Sense, as one is said to have a Good Ear for Musick ; he must not only See well, but have a particular Delicacy with relation to the Beauty of Colours, and the infinite Variety of Tincts.

The
Venetian, Lombard and Flemish Schools have excell’d in Colouring ; the Florentine, and Roman in Design ; the Bolognese Masters in both ; but not to the Degree generally as either of the other. Corregio, Titian, Paolo Veronese, Rubens, and Van Dyck, have been admirable Colourists ; the latter in his best things has follow’d common Nature extreamly close.

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It must be consider’d they [ndr : les cartons de Raphaël] were made for Patterns for Tapistry, not profess’d Pictures, and painted, not in Oil, but in Distemper : If therefore one sees not the Warmth, and Mellowness, and Delicacy of Colouring which is to be found in Correggio, Titian, or Rubens, it may fairly be imputed in a great measure to these Causes. A Judicious Painter has other Considerations relating to the Colouring when he makes Patters for Tapistry to be heightned with Gold, and Silver, than when he paints a Picture without such View ; nor can a sort of Dryness, and Harshness be avoided in Distemper, upon Paper : Time moreover has apparently chang’d some of the Colours. In a word, the Tout-Ensemble of the Colours is Agreeable, and Noble ; and the Parts of it are in General Extreamly, but not Superlatively Good.

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There is some Degree of Merit in a Picture where Nature is Exactly copy’d, though in a Low Subject ; Such as Drolls, Countrey Wakes, Flowers, Landscapes, &c. and More in proportion as the Subject rises, or the End of the Picture is this Exact Representation. Herein the Dutch, and Flemish Masters have been Equal to the Italians, if not Superior to them in general. What gives the Italians, and Their Masters the Ancients the Preference, is, that they have not Servilely follow’d Common Nature, but Rais’d, and Improv’d, or at least have always made the Best Choice of it. This gives a Dignity to a Low Subject, and is the reason of the Esteem we have for the Landscapes of Salvator Rosa, Filippo Laura, Claude Lorrain, the Poussins ; the Fruit of the two Michelangelo’s, the Battaglia, and Campadoglio ; and This, when the Subject it self is Noble, is the Perfection of Painting : As in the best Portraits of Van-Dyck, Rubens, Titian, Rafaëlle, &c. and the Histories of the best Italian Masters ; chiefly those of Rafaëlle ; he is the great Model of Perfection !

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He that would rise to the Sublime must form an Idea of Something beyond all we have yet seen ; or which Art, or Nature has yet produc’d ; Painting, Such as when all the Excellencies of the several Masters are United, and their several Defects avoided.
The greatest Designers among the Moderns want much of that exquisite Beauty, in all the Several Characters, that is to be seen in the Antique ; the Airs of the Heads, even of
Rafaëlle himself, are Inferiour to what the Ancients have done ; and for Grace to some of Guido : the Colouring of Rubens and Van Dyck falls short of That of Titian, and Coreggio ; and the best Masters have Rarely Thought like Rafaëlle, or Compos’d like Rembrandt. Let us then imagine a Picture Design’d as the Laocoon, the Hercules, the Apollo, the Venus, or any of these Miraculous remains of Antiquity : The Airs of Heads like what is to be found in the Statues, Busts, Bas-releifs, or Medals, or like some of those of Guido ; and Colour’d like the most Celebrated Colourists ; with the Lightest Pencil, and the most Proper to the Subject ; and all this Suitably Invented, and Compos’d ; Here would be a Picture ! Such a one a Painter should Imagine, and So set before him for Imitation.
Nor must he stop Here, but Create an Original Idea of Perfection. The Utmost that the Best Masters have done, is not to be suppos’d the Utmost ‘tis possible for Humane Nature to arrive at ;

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Das 3. Capitel. Von Farben.
Man muß den Alten nicht ein licht, rothes, friches, und den jungen Menschen hingegen ein gelb-braunes, langweiliger, träger Angesicht zueignen. Wenn aber den alten in einen Winckel mit einen gelb-braunen, oder von der Sonne und Staub verschwärtzten, und vernebelten Angesicht vorstellet, gegen über aber einen jungen Verliebten mit feiner Dame ganz schöne, lichte, feurig und brennend, balb weiß, bald röthlich machete, so wird solche stritige Uneinigkeit bald eine leibliche Einigkeit auf den Kunst-Blatte gebähren, und die niedere, bleiche und dunckele Farbe erst ein Preiß volles Ansehen, und folgbahre Ehre dem Künstler erwerben. Dessen allen haben sich unter den alten berühmten Kunst-Mahlern Raphael Urbini, Corregio, Titian, und viel andere mehr auf Mauren in Oel-Farben, mit sonderbahren, erleuchteren Urtheil und Verstand zu ihren immerwehrenden Lob und Ruhm bey aller Nach-Welt sehr künstlich bedienet, wie den nicht andere neben ihnen auch unsere alte Teutsche als Albrecht Dürer, Hans Hollpein, und andere mehr nach und nach die Verbesserung des Coloritz und des natürlichen Wesen erfunden. 

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WE have been more particular in the Relation of this famous Piece [ndr : Bell fait ici référence au tableau commencé par Apelle et Protogènes sur lequel ces deux artistes ont successivement tracé des lignes – événement précédent de peu leur rencontre], because a large Dispute hangs upon it {Pliny, Lib. 35. Ch. 10.} : and the late Commentator upon our Author, Ludov. Demontiosius, seems very much offended at the generally received Acceptation of the Story of this noble Contention ; and would not by any Means admits that this Tryal of Skill was about the Subtilty of Lines ; for, as he says, with a good Share of Truth in the main, in a coloured Picture, or Painting, there is so little Use of Lines, that the very Appearance of any is justly reproveable ; for the Extremities should be lost and confounded in the Shadows, and ought to go off without any Thing of the least Stiffness, or Sharpness of a Line.
NEITHER will he admit it in Drawings, or Designs, with the Coal, or Pen, for that in those the true ARTIST never regarded so much the Fineness, or Courseness of his Touches ; but only how and where they served best to express the proper Shadowing and Raising of his Draught according to the Life ; and brings in for Instance many Drawings of the celebrated Masters of his Time, which he had seen of
Mich. Angela Bonoroti, Raphael de Urbin, Salviati, Polydore, and the Great Titian’s, where his Observation does not take Notice that any have in the least affected the Nicety of curious Lines.

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Je le redis donc encore avec plus de confiance : apprenons à critiquer nos propres ouvrages à la vûë des beautez que nous découvrons dans ceux des autres ; ne rougissons point de chercher à les étudier ; ne craignons point qu’on nous accuse d’être de serviles imitateurs, quand nous aurons l’adresse de nous approprier les parties qui nous manquent, & de les joindre à celles que nous possedons. Le goût de dessein de celui-ci est plus noble & plus délicat que le vôtre, mais votre coloris l’emporte sur le sien ; ne pouvez-vous, sans perdre ce que vous avez acquis dans la couleur, faire votre profit de son heureuse maniere de dessiner ? Raphaël n’a t-il pas ajouté une nouvelle grandeur à la sienne à la vûë des ouvrages de Michel-Ange, sans se dépoüiller de sa sage simplicité & des graces nobles qui le caracterisent. Louis Carrache a-t-il passé pour un plagiaire, pour avoir étudié les tournures naïves & piquantes du Correge ? J’ai entre mes mains des études d’Annibal d’après Raphaël d’une beauté à faire comprendre qu’il étoit déjà digne de sa grande reputation lorsqu’il les a faites. Le Roy possede un Tableau de Vandeik d’après Le Titien, qui n’est point l’ouvrage d’un écolier.

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Croïez qu’il y a tel homme d’esprit, qui sera plus capable de sentir les grandes beautez d’un tableau, que quantité de prétendus connoisseurs, qui vous imposent par leur jargon ; de ces gens qui ont passé leur vie à étudier les differentes manieres de tels & tels, sans s’appliquer à connoître quelle partie a rendu celui-ci plus fameux que cet autre. Il leur suffit de reconnoître la touche du Titien, ou du Carrache dans un tableau, pour le declarer merveilleux.

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Continuant donc à nous entretenir de la magnificence des Princes, que ne dirons nous pas de Charles Quint, qui emulateur d’Alexandre par les grands travaux, & par les fatigues presque continuelles, que la guerre traine apres elle, ne laisse pas de s’occuper tres souvent de la peinture qu’il aime, & qu’il prise ? de maniere qu’ajant entendu les merveilles, qu’on publioit du Titien, le convia deux fois avec amitié, & avec bonté de venir à sa cour ; ou apres l’avoir honoré au pair des premiers Seigneurs, qui y etoient, il lui accorda des privileges, des pensions, & de magnifiques recompenses : pour un seul portrait qu’il lui fit à Bologne, il lui fit conter mille ecus. Alfonce Duc de Ferrare pareillement fut grand amateur de peinture : pour avoir le portrait du Titien peint par lui meme, il lui en donna trois cens ecus : c’est ce meme portrait, que vit depuis Michel Ange, qu’il admira, & qu’il loua au point d’avoüer, qu’il n’auroit jamais pu croire, que l’art pût arriver à telle perfection, & que le seul Titien meritoit le nom de peintre. [...]
Are. Ecoutez s’il vous plait, le Roi Philippe II. digne fils d’un si grand Empereur honore, & aime la peinture : & il est hors de doute, que pour les grands ouvrages, que le Titien lui à envoiés, il n’en recoive un jour la recompence digne d’un Roi pareil, & du merite d’un si grand peintre. J’ai entendu dire aussi que ces deux Princes savent dessinner.

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Art. […] Je dois dire aussi, car il ne faut pas taire la verité, que celui qui a travaillé dans la salle qu’on appelle d’en haut, aupres du tableau de la bataille peinte par Titien, s’est trompé dans l’histoire de l’excommunication lancée par Alexandre III. contre Frederic Barberousse. Aiant representé Rome dans sa composition, il me paroit qu’il a lourdement peché contre la convenance en y mettant un si grand nombre de Senateurs Venitiens, qui hors de propos sont spectateurs ; parcequ’il n’est pas vraisemblable qu’ils s’y trouvassent tous en meme tems, & ils n’ont rien à faire avec l’histoire. Au contraire Titien observa à merveille, & en perfection la convenance dans le tableau ou Frederic se baisse, & s’humilie devant le Pape, lui baisant les pieds : il y a peint judicieusement le Bembe, le Navager, & le Sannazare, qui regardent la fonction. Quoique le fait soit arrivé long tems auparavant ; il n’est pas extraordinaire qu’il ait imaginé les deux premiers dans Venise leur patrie ; & il n’est pas hors de toute vraisemblance que le troisieme s’y soit trouvé. Outre cela il n’y a pas un grand inconvenient qu’un des premiers peintres du monde conservât dans ses ouvrages la memoire, & les portraits des trois premiers poetes, & savans de notre tems, dont deux etoient nobles Venitiens ; & le troisieme avoit tant d’amour pour cette illustre ville de Venise, que dans une des ses Epigrammes, il la prefere à Rome.

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Are. […] Venons à la convenance : Rafael ne s’en eloigna jamais. Mais il fit les petits* enfants tels qu’ils sont doüillets & tendres, les hommes robustes, & les femmes avec cette delicatesse qui leur convient.
Fab. Et quoi le grand Michel Ange n’a-t-il donc pas gardé aussi cette convenance ?
Are. Si j’avois envie de vous plaire, & à ses partisans, je dirois qu’oüi : mais si je dois dire la verité, je dirai que non. Quoique vous voiez bien dans les tableaux de Michel Ange la distinction en general des âges, & des sexes (ce que tout le monde sait faire) vous ne la trouverez pourtant pas dans l’arrangement des muscles. Je ne veux pas me mettre à critiquer ses ouvrages, tant par le respect que j’ai pour lui, & que merite un si grand homme, que parcequ’il n’est pas necessaire. Mais que direz vous de l’honneteté ? croiez vous qu’il soit à propos pour faire voir les difficultés de l’art, de decouvrir toujours sans respect les parties nûes des figures, que la modestie, & la pudeur tiennent cachées, sans avoir egard ni a la sainteté des personnes qu’on represente, ni au lieu ou elles sont representées ?
[…]
 
* Dans son tems Titien pour la tendresse le surpassoit beaucoup, & depuis François du Quenoi dit le Flamand.

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Titien dans ses ouvrages n’a point montré d’inutils agremens, mais une convenable proprieté de couleurs ; point d’ornemens affectés, mais une gravité de maitre ; point de dureté ; mais le moûelleux, & le tendre de la nature : & dans ses ouvrages les lumieres combattent, & se joûent toujours avec les ombres, elles se perdent & diminuent de la même façon que fait la nature elle même.

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Mais Titien porté par la nature a de plus hautes ideés, & à la perfection de cet art, ne pouvoit pas se reduire à suivre la maniere seche, fatiguée de Gentil ; au contraire, il dessinoit avec vigueur, & grande facilité.

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Are. Peu de tems aprés on le chargea de faire un grand tableau pour le maitre autel de l’eglise des freres Mineurs, dans le quel Titien encore tout jeune, peignit à l’huile, la Vierge qui monte au Ciel entre une multitude d’Anges qui l’accompagnent, […] il paroit veritablement qu’elle monte avec un visage plein d’humilité, & ses habits volent delicatement ; au bas sont les Apôtres, qui par differentes attitudes montrent la joye, & l’etonnement ; pour la plus part ils excedent la grandeur du naturel. Il est certain qu’on voit dans ce tableau la grandeur & le terrible de Michel Ange, la douceur, la grace de Rafael, & le vrai coloris de la nature. Ce fut là cependant le premier ouvrage qu’il fit à l’huile, il le fit en tres peu de tems, & tout jeune. Avec tout cela les peintres grossiers, & le sot peuple, qui jusqu’alors n’avoient vû autre chose que les peintures mortes & froides de Jean Bellin, de Gentil, & de Vivarino, car Georgion n’avoit point encore fait d’ouvrage à huile en public, & tout au plus y avoit peint quelque demi figure, quelques portraits qui etoient sans mouvement, & sans relief ; ils disoient tout le mal possible de ce tableau : l’envie venant ensuite à se reffroidir*, & la verité leur ouvrant peu à peu les yeux, on commença à admirer à Venise avec etonnement la nouvelle maniere que Titien tenoit ; & depuis ce tems là tous les peintres s’appliquerent à l’imiter ; mais parcequ’elle etoit hors de leur portée ils se trouverent egarés.
 
*Il est vrai que ce tableau ne plut point aux Moines ; mais l’Ambassadeur de l’Empereur l’aiant voulut acheter, ceci leur fit ouvrir les yeux, & en faire plus de cas.

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De l’autre coté est saint Sebastien nud, d’un tres belle forme, d’une teinte de chair si ressemblante au naturel, qu’il paroit plutôt vivant, que peint. Le Pordenone êtant allé voir ce saint Sebastien, s’ecria : je crois que dans ce corps Titien a emploié de la chair pour les couleurs.

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Mathématiques.

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Ceux des Peintres qui ont excellé à peindre l'ame des hommes, & à bien exprimer toutes les passions, ont été des Coloristes médiocres. D'autres ont fait circuler le sang dans la chair de leurs figures ; mais ils n'ont pas sçu l'art des expressions aussi-bien que les Ouvriers médiocres de l'Ecole romaine. Nous avons vu plusieurs Peintres Hollandois, doüez de génie pour la mécanique de leur art, & surtout d’un talent merveilleux pour imiter les effets du clair-obscur dans un petit espace renfermé, talent, dont ils avoient l'obligation à une patience d'esprit singuliere, laquelle leur permettoit de se clouer long-temps sur un même ouvrage, sans être dégoûtez par ce dépit qui s'excite dans les hommes d'un temperament plus vif, quand ils voïent leurs efforts avorter plusieurs fois de suite. Ces Peintres flegmatiques ont donc eu la persévérance de chercher par un nombre infini de tentatives, souvent réïterées sans fruit, les teintes, les demi-teintes, enfin toutes les diminutions de couleurs nécessaires pour dégrader la couleur des objets, & ils sont ainsi parvenus à peindre la lumiere même. On est enchanté par la magie de leur clair-obscur. Les nuances ne sont pas mieux fonduës dans la nature que dans leurs tableaux. Mais ces Peintres ont mal réussi dans les autres parties de l'art, qui ne sont pas les moins importantes. Sans invention dans leurs expressions : incapables de s'élever au-dessus de la nature qu'ils avoient devant les yeux, ils n'ont peint que des passions basses & une nature ignoble. La Scene de leurs tableaux est une boutique, un corps de garde, ou la cuisine d'un païsan : leurs heros sont des faquins. Ceux des Peintres Hollandois, dont je parle, qui ont osé faire des tableaux d'histoire, ont peint des ouvrages admirables pour le clair-obscur, mais ridicules pour le reste. Les vêtemens de leurs personnages sont extravagans, & les expressions de ces personnages sont encore basses & comiques. Ces Peintres peignent Ulisse sans finesse, Susanne sans pudeur, & Scipion sans aucun trait de noblesse ni de courage. Le pinceau de ces froids Artisans, fait perdre à toutes les têtes illustres leur caractere connu. Nos Hollandois, au nombre desquels on voit bien que je ne comprens pas ici les peintres de l'école d'Anvers, ont bien connu la valeur des couleurs locales, mais ils n'en ont pas sçû tirer le même avantage que les peintres de l'école venitienne. Le talent de colorier, comme l'a fait Le Titien, demande de l'invention, & il dépend plus d'une imagination fertile en expedients pour le mêlange des couleurs, que d'une perséverance opiniâtre à refaire dix fois la même chose.
[...]

Quotation

Au lieu que les Artisans sans génie, qui sont aussi propres à être les Eleves du Poussin que du Titien, demeurent durant toute leur vie dans la route où le hazard les peut avoir engagez, les Artisans doüez de génie, s'apperçoivent, quand le hazard les égare, que la route qu'ils ont prise n'est point celle qui leur convient. Ils l'abandonnent pour en prendre une autre ; ils quittent celle de leur maître pour s'en faire une nouvelle. Par maître, j'entends ici les ouvrages aussi bien que les personnes.Raphaël, mort depuis deux cens ans, peut encore faire des Eleves. Notre jeune Artisan, doüé de génie, se forme donc lui-même une pratique pour imiter la nature, & il forme cette pratique des maximes résultantes de la réflexion qu'il fait sur son travail & sur le travail des autres. Chaque jour ajoûte ainsi de nouvelles lumieres à celles qu'il avoit acquises précedemment. […] Le génie est dans les hommes, ce qui vieillit le dernier. […] Plusieurs témoins oculaires m'ont raconté, que le Poussin avoit été jusques à la fin de sa vie un jeune Peintre du côté de l'imagination. Son mérite avoit survécu à la dextérité de sa main, & il inventoit encore, quand il n'avoit plus les talens nécessaires à l'exécution de ses inventions.

Quotation

Au lieu que les Artisans sans génie, qui sont aussi propres à être les Eleves du Poussin que du Titien, demeurent durant toute leur vie dans la route où le hazard les peut avoir engagez, les Artisans doüez de génie, s'apperçoivent, quand le hazard les égare, que la route qu'ils ont prise n'est point celle qui leur convient. Ils l'abandonnent pour en prendre une autre ; ils quittent celle de leur maître pour s'en faire une nouvelle. Par maître, j'entends ici les ouvrages aussi bien que les personnes.Raphaël, mort depuis deux cens ans, peut encore faire des Eleves. Notre jeune Artisan, doüé de génie, se forme donc lui-même une pratique pour imiter la nature, & il forme cette pratique des maximes résultantes de la réflexion qu'il fait sur son travail & sur le travail des autres. Chaque jour ajoûte ainsi de nouvelles lumieres à celles qu'il avoit acquises précedemment. […] Le génie est dans les hommes, ce qui vieillit le dernier. […] Plusieurs témoins oculaires m'ont raconté, que le Poussin avoit été jusques à la fin de sa vie un jeune Peintre du côté de l'imagination. Son mérite avoit survécu à la dextérité de sa main, & il inventoit encore, quand il n'avoit plus les talens nécessaires à l'exécution de ses inventions.

Quotation

J'ajouterai encore une consideration touchant les ouvrages qui ne demandent pas beaucoup d'invention, c'est que les faussaires en peinture les contrefont bien plus aisément qu'ils ne peuvent contrefaire les ouvrages où toute l'imagination de l'Artisan a eu lieu de se déploïer. Les faiseurs de Pastiches, ce sont ces tableaux peints dans la maniere d'un grand Artisan, & qu'on expose sous son nom, bien qu'il ne les ait jamais vus ; les faiseurs de Pastiches, dis-je, ne sçauroient contrefaire l'ordonnance, ni le coloris, ni l'expression des grands Maîtres. On imite la main d'un autre, mais on n'imite pas de même, pour parler ainsi, son esprit, & l'on n'apprend point à penser comme un autre, ainsi qu'on peut apprendre à prononcer comme lui.
Le Peintre médiocre qui voudroit contrefaire une grande composition du Dominiquin ou de Rubens, ne sçauroit nous en imposer plus que celui qui voudroit faire un Pastiche sous le nom du Georgeon ou du Titien. Il faudroit avoir un génie presque égal à celui du Peintre qu'on veut contrefaire, pour réussir à faire prendre notre ouvrage pour être de ce Peintre. On ne sçauroit donc contrefaire le génie des grands hommes, mais on réussit quelquefois à contrefaire leur main, c'est-à-dire, leur maniere de coucher la couleur & de tirer les traits, les airs de tête qu'ils répetoient & ce qui pouvoit être de vicieux dans leur pratique. Il est plus facile d'imiter les défauts des hommes que leurs perfections. Par exemple, on reproche au Guide d'avoir fait ses têtes trop plates. Ses têtes manquent souvent de rondeur, parce que leurs parties ne se détachent point & ne s'élevent pas assez l'une sur l'autre. Il suffit donc, pour lui ressembler en cela, de se négliger & de ne point se donner la peine de pratiquer ce que l'art enseigne à faire pour donner de la rondeur à ses têtes [...].

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J'ajouterai encore une consideration touchant les ouvrages qui ne demandent pas beaucoup d'invention, c'est que les faussaires en peinture les contrefont bien plus aisément qu'ils ne peuvent contrefaire les ouvrages où toute l'imagination de l'Artisan a eu lieu de se déploïer. Les faiseurs de Pastiches, ce sont ces tableaux peints dans la maniere d'un grand Artisan, & qu'on expose sous son nom, bien qu'il ne les ait jamais vus ; les faiseurs de Pastiches, dis-je, ne sçauroient contrefaire l'ordonnance, ni le coloris, ni l'expression des grands Maîtres. On imite la main d'un autre, mais on n'imite pas de même, pour parler ainsi, son esprit, & l'on n'apprend point à penser comme un autre, ainsi qu'on peut apprendre à prononcer comme lui.
Le Peintre médiocre qui voudroit contrefaire une grande composition du Dominiquin ou de Rubens, ne sçauroit nous en imposer plus que celui qui voudroit faire un Pastiche sous le nom du Georgeon ou du Titien. Il faudroit avoir un génie presque égal à celui du Peintre qu'on veut contrefaire, pour réussir à faire prendre notre ouvrage pour être de ce Peintre. On ne sçauroit donc contrefaire le génie des grands hommes, mais on réussit quelquefois à contrefaire leur main, c'est-à-dire, leur maniere de coucher la couleur & de tirer les traits, les airs de tête qu'ils répetoient & ce qui pouvoit être de vicieux dans leur pratique. Il est plus facile d'imiter les défauts des hommes que leurs perfections. Par exemple, on reproche au Guide d'avoir fait ses têtes trop plates. Ses têtes manquent souvent de rondeur, parce que leurs parties ne se détachent point & ne s'élevent pas assez l'une sur l'autre. Il suffit donc, pour lui ressembler en cela, de se négliger & de ne point se donner la peine de pratiquer ce que l'art enseigne à faire pour donner de la rondeur à ses têtes [...].

Quotation

Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c'est-à-dire, si la partie de la composition poëtique & de l'expression est préferable à celle du coloris, & laquelle de ces parties est superieure à l'autre, je tiens qu'il est inutile de l'agiter. Jamais les personnes d'un sentiment opposé, ne sçauroient s'accorder sur cette prééminence dont on juge toujours par rapport à soi-même. Suivant qu'on est plus ou moins sensible au coloris, ou bien à la poësie Pittoresque, on place le Coloriste au-dessus du Poëte, ou le Poëte au-dessus du Coloriste. Le plus grand Peintre pour nous, est celui dont les ouvrages nous font le plus de plaisir. Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l'expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l'œil plus voluptueux que d'autres. Leurs yeux sont organisez, de maniere que l'harmonie & la verité des couleurs y excite un sentiment plus vif que celui qu'elle excite dans les yeux des autres. Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le cœur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l'harmonie & la verité des couleurs locales. Tous les hommes n'ont pas le même sens également délicat. Les uns auront le sens de la vûë meilleur à proportion que les autres sens. Voilà pourquoi les uns préferent le Poussin au Titien, quand d'autres préferent le Titien au Poussin.

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Mais les hommes croïent naturellement que leur goût est le bon goût, & par consequent ils pensent que les personnes qui ne jugent pas comme eux, ont les organes imparfaits, ou qu'elles se laissent conduire à des prejugez qui les gouvernent, sans qu'elles-mêmes s'apperçoivent du pouvoir de la prévention.
Qu'on change les organes de ceux à qui l'on voudroit faire changer de sentiment sur les choses qui sont purement de goût, ou pour mieux dire, que chacun demeure dans son opinion, sans blâmer l'opinion de l'autre. Vouloir persuader à un homme qui préfère le coloris à l'expression, en suivant son propre sentiment, qu'il a tort, c'est lui vouloir persuader de prendre plus de plaisir à voir les tableaux du Poussin, que ceux du Titien.

Quotation

Quelques uns font des doigts longs comme des fuseaux, il y en en a dont les draperies sont coupées de plis secs & de petit goût. La touche de leurs arbres, de leurs (a) fabriques, de leurs terrasses est singuliere ; en un mot, un seul trait peut les distinguer.
Le Titien, le Corrège, le Paul Véronese n’avoient point de touche, parce que la nature n’en a point ; Teniers qui a vû la nature avec d’autres yeux a une touche très-légère & très-spirituelle.
(a) Terme de peinture pour signifier les maisons, les villes & les autres bâtimens représentés dans un ouvrage.

Quotation

Voici l’article le plus essentiel de la connoissance des tableaux ; c’est la distinction des copies d’avec les originaux. On peut envisager six sortes de copies : les copies serviles, les copies faciles qui ne sont pas fidèles, les copies fidèles, les copies un peu retouchées du maître, les copies entierement retouchées du maître, & celles qui sont toutes de sa main.
Les copies faites servilement & d’une main lourde & appésantie, quoique fidèles, paroissent telles aux yeux de tout le monde : il n’est pas difficile de se garantir contre leur incorrection, leur mauvais goût, & le froid qui y est répandu.
Les copies faciles, mais qui ne sont pas suivies fidèlement, par les traits de feu qui seront échappés au peintre, qui souvent dans l’exécution a conservé sa manière ordinaire, portent avec elles des preuves manifestes de leur fausseté ; les deux manieres ne se peuvent méconnoître, elles forment un ouvrage composé, c’est ce qu’on remarque dans les copies de Raphaël faites par Rubens.
Les copies fidéles qui partent d’une main facile & légére sont plus embarrassantes, & demandent une vraie connoissance. L’élégance de la touche d’un maître, sa vraie manière qu’il faut sçavoir par cœur, un certain esprit qui peut y manquer, doit vous conduire à décider ; celui qui a fait la copie y a sûrement mis du sien & cela suffit.
Les copies faites dans l’école d’un maître, & sous sa conduite ne sont pas les plus mauvaises. Ordinairement ils les retouchent en quelques endroits essentiels. Alors ces mêmes endroits font reconnoître le tableau pour ce qu’il est. Ce sont les copies les plus aisées à distinguer, elles se manifestent pas des touches élégantes qui brillent à travers le reste du tableau, & qui par la comparaison en devient plus froid.
Les copies entierement retouchées par le maître doivent être regardées comme de seconds originaux, moins beaux à la vérité que s’ils étoient entierement de sa main ; c’est ainsi que travailloient le Titien, les Bassan, Paul Veronese, Rubens, Vandick, Vouët & la plûpart des grands peintres. Lorsque plusieurs personnes leur demandent des copies d’un de leurs tableaux qui leur plaît, ils les font faire par leurs meilleurs éléves, ils les conduisent dans l’exécution, & comme ces copies sont faites dans leur attelier, ils les repassent par tout & souvent les repeignent entierement ; de cette manière l’ouvrage de l’éléve est tout recouvert, & comme on n’en apperçoit aucun vestige, il n’est pas aisé de décider la question. Ces copies alors ne servent au maître que comme des tableaux ébauchés qu’il veut terminer. Si l’on pouvoit confronter ces belles copies avec les premiers originaux, il n’y a aucun doute que ces derniers ne l’emportassent sur les autres.

Il y a encore des copies plus parfaites que ces dernieres, ce sont celles qui sont entierement faites de la main du maître, alors il n’est pas possible de les distinguer, le maître seul peut en décider s’il est vivant, ce sont de seconds originaux dont ne peut juger que par comparaison.
Il est certain que dans une confrontation, les premiers originaux se distingueront par beaucoup plus de délicatesse, plus d’esprit, plus de finesse, une touche plus franche dans les contours & dans la premiere ébauche dont on entrevoit toujours quelque chose, en un mot un certain je ne sçai quoi qu’on apperçoit & où le maître ne peut jamais revenir du second coup. Hyacinthe Rigaud, par exemple, a fait de nos jours tout de sa main de celles copies des grands portraits de Louis XIV & de Philippe V qui sans contredit sont de seconds originaux, mais moins précieux que les premiers.
Les copies faites d’après d’autres copies que l’on nomme ici copies de copies, ne doivent trouver ici aucune place : on sent bien de quelle valeur peut être un ouvrage fait d’après un médiocre, ouvrage dont tout le mérite consiste à avoir bien imité les défauts d’un autre, & à les reproduire.
On ne doit point oublier ici les sujets répétés qui ne sont point des copies, & qui ne laissent pas d’être originaux. Souvent on demande à un maître qu’il recommence le même sujet sans y rien changer ; alors ce second tableau est original & pourra fort embarrasser le meilleur connoisseur. Il y a trois crucifix de Michel-Ange qui existent, l’un à Florence chez le Grand Duc, l’autre à Rome chez le Prince Borghese, & le troisiéme à Naples chez le Prieur des Chartreux. Comment juger de ces trois tableaux éloignés chacun de cinquante lieuës, comment les pouvoir comparer ?

Quotation

Les copies entierement retouchées par le maître doivent être regardées comme de seconds originaux, moins beaux à la vérité que s’ils étoient entierement de sa main ; c’est ainsi que travailloient le Titien, les Bassan, Paul Veronese, Rubens, Vandick, Vouët & la plûpart des grands peintres. Lorsque plusieurs personnes leur demandent des copies d’un de leurs tableaux qui leur plaît, ils les font faire par leurs meilleurs éléves, ils les conduisent dans l’exécution, & comme ces copies sont faites dans leur attelier, ils les repassent par tout & souvent les repeignent entierement ; de cette manière l’ouvrage de l’éléve est tout recouvert, & comme on n’en apperçoit aucun vestige, il n’est pas aisé de décider la question. Ces copies alors ne servent au maître que comme des tableaux ébauchés qu’il veut terminer. Si l’on pouvoit confronter ces belles copies avec les premiers originaux, il n’y a aucun doute que ces derniers ne l’emportassent sur les autres.

Il y a encore des copies plus parfaites que ces dernieres, ce sont celles qui sont entierement faites de la main du maître, alors il n’est pas possible de les distinguer, le maître seul peut en décider s’il est vivant, ce sont de seconds originaux dont ne peut juger que par comparaison.
Il est certain que dans une confrontation, les premiers originaux se distingueront par beaucoup plus de délicatesse, plus d’esprit, plus de finesse, une touche plus franche dans les contours & dans la premiere ébauche dont on entrevoit toujours quelque chose, en un mot un certain je ne sçai quoi qu’on apperçoit & où le maître ne peut jamais revenir du second coup. Hyacinthe Rigaud, par exemple, a fait de nos jours tout de sa main de celles copies des grands portraits de Louis XIV & de Philippe V qui sans contredit sont de seconds originaux, mais moins précieux que les premiers. [...] On ne doit point oublier ici les sujets répétés qui ne sont point des copies, & qui ne laissent pas d’être originaux. Souvent on demande à un maître qu’il recommence le même sujet sans y rien changer ; alors ce second tableau est original & pourra fort embarrasser le meilleur connoisseur. Il y a trois crucifix de Michel-Ange qui existent, l’un à Florence chez le Grand Duc, l’autre à Rome chez le Prince Borghese, & le troisiéme à Naples chez le Prieur des Chartreux. Comment juger de ces trois tableaux éloignés chacun de cinquante lieuës, comment les pouvoir comparer ?

Quotation

LE COLORIS n’est autre chose que les couleurs employées, considérées dans leur totalité. 
Tout l’artifice du
coloris, consiste à imiter les couleurs apparentes des objets naturels, & à donner aux objets artificiels la couleur la plus avantageuse, & la plus propre pour tromper la vûe. De Piles
COLORIs précieux.
COLORIS fier : fierté de
coloris.
COLORIS qui sent la farine.
Voyez FARINE.
LE COLORIS du
Titien du Corrége.

Quotation

CORRECT, CORRECTION, CORRECTEMENT, se disent en parlant du dessein. 
Un dessein
correct, bien arrêté. Le Titien n’étoit pas toujours correct dans les desseins. Le Poussin dessinoit correctement. Aucun Peintre n’étoit comparable à Raphael pour la correction  du dessein. 
La
correction du dessein dépend de la justesse des proportions, & cette justesse dépend principalement de la connoissance de l’Anatomie, & du corps humain.

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CURIEUX, CURIOSITÉ. Un curieux en Peinture, est un homme qui amasse avec choix tout ce qu’il y a de plus rare en desseins & en tableaux : ces raretés s’appellent curiosités
Curiosités en Peinture, Cabinet curieux, Piéces rares & curieuses
Curieux signifie quelquefois recherché. 
Le Titien étoit
curieux dans son coloris ; Raphaël étoit curieux dans le choix & dans les accomodemens des Draperies. 
Quelques modernes se sont servis du mot de
curiosité, dans une acception des plus nouvelles. 
Mr Mariette a dit : le nom de Mr Jubach substitera long-temps dans la
curiosité, c’est-à-dire, parmi les curieux. Descript. du Cabinet de Mr Crozat.

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EBAUCHE, EBAUCHER. L’ébauche est la premiere pensée du Peintre, le premier crayon, les premiers traits d’un ouvrage. Une premiere ébauche, une légére ébauche : ébaucher une tête, une figure, un païsage : son opposé est finir. Le Titien ébauchoit plusieurs tableaux, le Tintoret les finissoit.

Quotation

ECOLE. On distingue cinq Ecoles ou cinq Classes de Peintres.
L’Ecole Romaine ou Florentine.
L’Ecole Venitienne.
L’Ecole de Lombardie.
L’Ecole Flamande & Allemande
L’Ecole Françoise.
On entend par ces noms les peintres Romains, Venitiens, Lombards, Flamands & François, 
Les autres nations n’ont point d’
Ecole qui porte leur nom ; ainsi l’on ne doit pas l’Ecole d’Espagne, l’Ecole d’Angleterre. 
[...] 
L’Ecole de Rome s’est principalement attachée au dessein.
L’
Ecole de Venise au coloris.
L’
Ecole de Lombardie à l’expression.
Et l’
Ecole Flamande au naturel. 
L’
Ecole Françoise a varié dans ses principes. 
Plusieurs Peintres célébres ont fondé des
Ecoles particulieres qui portent leur nom : l’Ecole  de Raphaël, l’Ecole des Carraches, l’Ecole du Titien. 
On entend par-là, les Peintres qui ont été les éléves de ces grands hommes, ou qui ont travaillé dans leur maniére.

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GRAPPE de raisin, terme de Peinture, dont on se sert pour exprimer l’effet des grands groupes d’ombres & de lumiéres : c’est ainsi que le Titien disoit que dans la distribution des jours & des ombres, il prenoit pour régle la grappe de raisin, c’est-à-dire, qu’il tâchoit de disposer les objets, de telle maniere que les grandes lumieres se trouvassent ensemble & que les grandes ombres fussent pareillement liées entr’elles, comme on le voit dans la grappe de raisin, dont les grains du côté de la lumiere font une masse de clair, & les grains du côté opposé, font une masse d’ombre. Cette comparaison familiere a passé en proverbe chez les Peintres, qui ont depuis appellé ces grands groupes séparés d’ombres & de lumieres, la grappe de raisin.
Fertur Titianus ubique
Lucis & umbrarum normam appellasse racemum. 
Du Fresnoy

Quotation

ORIGINAL, son opposé est copie. 
Tableau
original ; un original : il peut y avoir deux ou trois originaux sur un même sujet. Les Peintres ont souvent répété leurs ouvrages : le Titien a répété jusqu’à huit fois le méme tableau.
Mr de Piles s’est servi du mot d’
originalité dans cette phrase : il y a des choses qui semblent favoriser l’originalité d’un ouvrage.

Quotation

[...]
PRÉCIEUX se dit en parlant du coloris, & se prend toujours en bonne part. 
Un coloris
précieux
Le Titien étoit
précieux dans son coloris ; « on trouve dans les tableaux du Titien, dit Felibien, de la vivacité, de la force, & je ne sçai quoi de précieux que l’on y admire. »
Les exemples que je viens de citer expliqueront mieux ce mot, que toutes les définitions auroit pû donner.

Quotation

[...] 
RICHE. On dit, une composition
riche, des ornemens riches, de riches accommodemens.
Felibien a dit : le
Titien !avoit vêtir ses figures d’une maniere riche & avantageuse.

Quotation

[...] 
ROMPUE [couleur] « On appelle couleur rompuë,
dit Mr. de Piles, celle qui est diminuée & corrompuë par le mélange d’une autre [excepté du blanc qui ne pas corrompre, mais qui peut être corrompu.] On peut dire, par exemple qu’un tel azur d’outremer est rompu de laque, & d’ocre jaune , quand il y entre un peu de ces deux dernieres couleurs, & ainsi des autres. 
Les couleurs rompuës,
ajoute-t-il, servent à l’union & à l’accord des couleurs, soit dans les tournans des corps & dans leurs ombres, soit dans toute leur masse. 
Titien, Paul Veronese, le Rimbrant ont employé avec beaucoup d’art les couleurs
rompuës
Couleur
rompuë & couleur composée sont mots synonimes ; en parlant d’une draperie d’un jaune clair qui est ombrée d’une laque obscure, quelques uns disent que cette draperie est rompuë de rouge : ce n’est pas parler correctement : il faut dire : cette draperie est ombrée de laque, parce que ces deux couleurs sont séparées. Or le mot de rompu ne se dit au sens propre que de deux couleurs mêlées l’une dans l’autre. 
Les Italiens disent
rottura de colori.

Quotation

[...]
TOUCHE, TOUCHER, se dit du maniment du pinceau ; une
touche délicate ; les touches admirables du Correge, du Titien ; un bras, une tête, un portrait bien touchez ; le toucher du pinceau : la force, la franchise, la délicatesse du toucher.

Quotation

[...]
VERITÉ. On entend par ce mot l’expression propre du caractère de chaque chose. 
Il y a beaucoup de
verité dans les tableaux du Titien : toutes ses expressions sont pleines de verité.